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N° 3811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME III

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

SOLIDARITÉ

Par M. Christophe SIRUGUE,

Député.

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Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 42).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ POUR L’ANNÉE 2012 9

A. LE FINANCEMENT DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE ET DE L’ÉCONOMIE SOCIALE : UN DÉSENGAGEMENT BUDGÉTAIRE DE L’ÉTAT 9

1. Le financement du revenu de solidarité active : une coupe budgétaire de 23 %, qui interroge sur les véritables intentions de l’État 10

a) Le Gouvernement propose de compenser la baisse des crédits destinés au RSA activité par un prélèvement de 211 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national des solidarités actives 10

b) En réalité, la réduction de la dotation du FNSA est la marque d’un regrettable renoncement de l’État et de la fin d’un cycle 12

2. Le financement des expérimentations sociales : des crédits en hausse de 1,15 million d’euros 13

B. LES ACTIONS EN FAVEUR DES PERSONNES VULNÉRABLES : DES MOYENS EN NETTE BAISSE 14

1. Les crédits destinés à l’accompagnement des familles dans leur rôle de parent : une regrettable réduction de 17 % 14

2. Le financement de la protection des enfants et des familles : une baisse de 3,3 % 15

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES : UNE BAISSE DE 5 % 15

D. LE FONCTIONNEMENT DES ADMINISTRATIONS SOCIALES 17

II.- LA PRISE EN CHARGE DES MAJEURS PROTÉGÉS 19

A. LA LOI DU 5 MARS 2007 A PROCÉDÉ À UNE REFONTE TRÈS ATTENDUE DU SYSTÈME DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS 19

1. La réforme du cadre juridique issu de la loi du 3 janvier 1968 était unanimement souhaitée 19

a) Les règles de protection juridique des majeurs vulnérables avaient été établies pour l’essentiel par une loi fondatrice du 3 janvier 1968 19

b) L’évolution des publics protégés et des pratiques de protection juridique appelaient une réforme de la loi du 3 janvier 1968 20

2. La loi du 5 mars 2007 a réorganisé de façon graduée les mesures sociales et judiciaires de protection et professionnalisé l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs 22

a) La loi du 5 mars 2007 a organisé un système gradué de mesures de protection des majeurs reposant sur l’articulation de mesures sociales et de mesures judiciaires 22

b) La loi du 5 mars 2007 a professionnalisé l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs 27

B. LE DISPOSITIF MÉRITE ENCORE CERTAINS AJUSTEMENTS POUR QUE LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME PUISSENT ÊTRE ATTEINTS 28

1. Le bilan de la réforme fait apparaître des retards dans sa mise en application et des difficultés dans sa mise en œuvre 28

a) Une montée en puissance plus lente que prévu du nouveau système de protection des majeurs vulnérables 28

b) Un « effet de ciseaux » plus limité que prévu entre mesures civiles et mesures sociales 31

c) Un pilotage encore insuffisamment structuré 32

d) Des coûts encore mal maîtrisés 34

e) Des moyens de contrôle très insuffisants 36

f) Des mesures de protection encore trop centrées sur les biens, et non sur les personnes 39

2. Certains ajustements du système de protection des majeurs vulnérables sont nécessaires pour que puissent être atteints les objectifs de la loi du 5 mars 2007 40

a) Aménager les conditions d’un examen approfondi de chaque dossier par les juges des tutelles 40

b) Simplifier les démarches des majeurs protégés et de leurs proches 41

c) Doter le dispositif de protection des majeurs d’un véritable pilotage, tant au niveau national que local 42

d) Donner plus de clarté et d’équité au fonctionnement des mesures de protection des majeurs placés en établissement 44

e) Améliorer le dispositif de contrôle des mesures de protection 45

f) Élargir l’accès à la mesure d’accompagnement social personnalisé à des publics fragiles qui en sont aujourd’hui exclus 46

g) Publier le rapport annuel prévu par la loi du 5 mars 2007 46

TRAVAUX DE LA COMMISSION 47

EXAMEN DES CRÉDITS 47

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 51

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53

INTRODUCTION

La mission interministérielle « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne prévoit pas pour 2012 de bouleversements de périmètre notables. Elle regroupe les cinq programmes déjà présents en 2011 : le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », le programme 157 « Handicap et dépendance », le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » et le programme 124, consacré au budget de fonctionnement des administrations sociales. Les quatre programmes de politiques publiques sont placés sous l’autorité de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale et sous la responsabilité de la directrice générale de la cohésion sociale (DGCS). Le programme support est placé sous l’autorité de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et sous la responsabilité du directeur des affaires financières, informatiques, immobilières et des services (DAFIIS). L’analyse budgétaire développée ici ne tiendra pas compte du programme 157 consacré au handicap puisqu’il fait, par ailleurs, l’objet d’un avis budgétaire rendu par M. Élie Aboud.

Le programme 304, qui regroupe les crédits destinés au financement de la part « activité » du revenu de solidarité active-activité (« RSA activité ») et à l’économie sociale, programme phare de cette mission, accuse un recul spectaculaire déjà largement entamé en loi de finances initiale pour 2011. La dotation de l’État au titre du RSA activité est passée de 1,5 milliard d’euros en 2010 à 700 millions d’euros en 2011 pour finir à 528 millions d’euros en 2012. S’il est vrai que la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives (FNSA) est une contribution différentielle destinée à compléter la contribution additionnelle de 1,1 % aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, ce mécanisme financier ne suffira pas à cacher le très net désengagement de l’État du dispositif RSA activité puisque le rendement de la contribution additionnelle de 1,1 % est de 1,235 milliard d’euros cette année, soit seulement 67 millions de plus que l’an passé alors que la contribution de l’État est, elle, diminuée de 172 millions d’euros.

Le RSA activité, pourtant généralisé depuis seulement trois ans, ne semble plus soutenu par les politiques publiques de solidarité. S’appuyant sur la lenteur de la montée en charge du dispositif, l’État justifie cette baisse contributive par une projection tendancielle. Il semble qu’au lieu de mener des campagnes d’information et d’aplanir les difficultés d’accès au RSA activité, l’État choisisse de vider progressivement le budget de ses crédits et de son sens. L’action 1 du programme 304 est devenue une cagnotte d’où le Gouvernement ponctionne de quoi tenir d’autres engagements. Il est particulièrement regrettable à cet égard, que les crédits inutilisés du RSA activité, ne soient pas redirigés vers des actions budgétaires destinées aux plus démunis.

En 2008, le gouvernement se félicitait d’avoir le courage de se fixer un objectif de réduction de la pauvreté d’un tiers au cours du mandat présidentiel actuel. Or l’objectif de réduction de la pauvreté a été effacé du projet annuel de performance 2012 relatif à la mission « Solidarité ». Il n’indique plus qu’un seul objectif du programme 304 : améliorer l’accès à l’emploi et l’autonomie financière. Cette disparition est particulièrement symbolique. Reste à savoir ce qu’elle doit au renoncement et ce qu’elle doit à la philosophie ambiante d’amalgame entre assistance et assistanat.

Si l’ensemble de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne subit pas de modifications radicales comme cela a pu être le cas en 2009 avec le transfert vers la mission « Ville et Logement » du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui avait pourtant toute sa place dans les politiques de solidarité, le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » continue à subir des transferts de crédits vers le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » et vers le programme support 124, eux-mêmes en diminution. Il présente à nouveau une refonte de la ventilation des crédits au sein des actions qui nuisent au travail de comparaison du rapporteur qui avait pourtant déjà déploré ce procédé dans l’avis budgétaire précédent. Ces modifications ne parviennent malgré tout pas à cacher la regrettable dispersion des financements du Mouvement français pour le planning familial, déjà mentionnée au cours du débat budgétaire en 2010. Par ailleurs, si les crédits prévus par le projet annuel de performance en 2011 étaient effectivement de 18 millions d’euros alors qu’ils sont de 20 millions pour 2012, les crédits finalement ouverts en loi de finances initiale pour 2011 ont été de 21 millions d’euros, il s’agit donc à nouveau d’une sous-budgétisation.

La diminution des crédits du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de 1,53 milliard d’euros à 1,48 milliard d’euros s’explique par la suppression de 1 041 équivalents temps plein (ETP) regroupant des départs en retraite non remplacés et des transferts de personnels. L’effectif de ces administrations était de 12 000 équivalents temps plein en 2011. La baisse d’effectif est donc substantielle. Le respect de la Révision générale des politiques publiques ne devrait pas dispenser le projet annuel de performance d’un éclairage précis sur les conséquences de cette diminution sur le fonctionnement des administrations concernées.

Après l’analyse globale des crédits de la mission Solidarité, cet avis budgétaire s’attachera particulièrement à l’étude de l’action 3 « Protection des enfants et des familles » du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables ». Cette action recouvre notamment les crédits consacrés à la protection des adultes vulnérables. Ce choix a été guidé par la nécessité d’un bilan de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, prévoyant dans son article 46, un rapport annuel du gouvernement qui jusqu’à présent fait défaut.

La réforme de 2007 a opportunément modifié la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs qui organisait jusqu’alors la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, ainsi que la loi n° 66-774 du 18 octobre 1966 qui organisait la tutelle aux prestations sociales versées aux adultes. Réclamée par tous les acteurs du secteur, elle a permis de réaffirmer les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures juridiques de protection. Elle a ouvert un droit au maintien des comptes bancaires, elle a créé le mandat de protection future, elle a défini les règles concernant l’organisation, le fonctionnement et le financement des services de tutelle. Enfin, elle a surtout mis en place des mesures d’accompagnement administratives, permettant de recentrer les mesures judiciaires sur les personnes aux facultés altérées, évitant ainsi certains dérapages de privation de droits pour des personnes en butte aux difficultés sociales et non à la dégradation de leurs capacités physiques ou mentales. C’est ainsi que les critères de prodigalité, d’intempérance et d’oisiveté ont été supprimés pour justifier de l’ouverture d’une curatelle.

Aujourd’hui, la protection des majeurs emprunte deux voies : les mesures d’accompagnement et les mesures de protection.

Les mesures d’accompagnement sont destinées aux bénéficiaires de prestations sociales dont les facultés mentales ne sont pas altérées mais dont les difficultés à gérer leurs ressources mettent en danger leur santé ou leur sécurité. Elles se subdivisent elles-mêmes en mesures administratives et mesures judiciaires.

Les mesures administratives, appelées mesures d’accompagnement social personnalisées (MASP), sont gérées par les travailleurs sociaux des conseils généraux dont le but est d’amener le majeur à une gestion budgétaire autonome. La mesure fait l’objet d’un contrat d’accompagnement social personnalisé contenant des engagements réciproques entre le département et le majeur, notamment sur des actions d’insertion sociale du majeur.

Les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ), qui remplacent les anciennes tutelles aux prestations sociales adultes (TPSA), sont gérées par des mandataires judiciaires et font souvent suite à l’échec d’une mesure administrative.

Les mesures de protection sont destinées aux majeurs dont l’altération des facultés mentales ne leur permettent plus, totalement ou partiellement, de veiller à leurs propres intérêts. Elles sont au nombre de quatre : la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et le mandat de protection future. La sauvegarde de justice est une mesure provisoire d’un an maximum. La curatelle vise des majeurs qui, sans être hors d’état d’agir, doivent être conseillés et contrôlés dans les actes essentiels de la vie civile. La tutelle vise des majeurs nécessitant une représentation continue dans les actes de la vie civile. Enfin, le mandat de protection future permet à un majeur de désigner par avance un mandataire chargé de veiller sur sa personne et/ou sur son patrimoine lorsqu’il ne sera plus lui-même en état de le faire.

Tous les acteurs professionnels du système de protection sociale et de protection juridique des majeurs s’accordent à reconnaître à la loi du 5 mars 2007 ses qualités de recentrage sur les personnes dont les facultés sont réellement atteintes ainsi que ses qualités de gradation de la réponse apportée entre mesures d’accompagnement et mesures judiciaires. Mais cette réponse graduée n’a pas suffit à diminuer le nombre de mesures judiciaires prononcées comme l’escomptait la loi. L’évolution démographique, le vieillissement de la population et le désengagement des familles accroît substantiellement le nombre de majeurs protégés, aujourd’hui estimé à 800 000. Si cette réforme était donc nécessaire, elle doit être consolidée.

Ce premier bilan de l’application de la loi appelle donc à quelques ajustements : une amélioration du pilotage, une meilleure maîtrise des coûts, un effort sur la qualité de l’accompagnement, un rééquilibrage de la protection trop centrée sur les biens et pas assez sur les personnes, un réexamen des délais de renouvellement des mesures, une simplification des démarches pour les majeurs protégés et leurs proches, un financement plus équitable de la protection des majeurs placés en établissement, une clarification des objectifs des pouvoirs publics en matière d’individualisation des mesures et de qualité du suivi des personnes.

Enfin, l’ensemble des auditions menées dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire a soulevé le problème de l’absence de contrôle des mesures de protection. Si la dernière réforme en date a entraîné la nécessaire professionnalisation des mandataires judiciaires individuels, il apparaît aujourd’hui nécessaire d’y ajouter la soumission de leurs comptes à une expertise comptable annuelle et d’établir une nomenclature comptable standardisée. Ce besoin de transparence, réclamée par tous, y compris par les mandataires judiciaires individuels eux-mêmes, va avec le besoin d’éradication des comptes pivots qui subsistent malgré leur interdiction.

Si la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 répondait manifestement aux attentes, la nécessité d’asseoir et de renforcer la réforme, justifie largement que le gouvernement tienne son engagement d’un rapport de bilan statistique de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement social personnalisées, des évolutions du nombre de mesures, de la répartition des coûts entre l’État, les organismes sociaux et les collectivités et des compensations auxquelles l’État s’engage en lois de finances pour compenser d’éventuels alourdissements de charges.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fait obligation au Gouvernement de répondre au plus tard le 10 octobre aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 62 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

I.- LES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ POUR L’ANNÉE 2012

Les cinq programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ont un poids budgétaire très inégal, comme le montre le tableau ci-après. Si les crédits demandés pour 2012 au titre de la mission sont globalement en hausse de 3,1 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2011, cette évolution est très hétérogène d’un programme à l’autre. En effet, seul le programme « Handicap et dépendance » voit ses crédits progresser, tandis que les crédits des autres programmes sont affectés par des baisses très importantes, révélatrices d’une tendance de l’État à se désengager des politiques sociales correspondantes.

Les principales lignes de crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(en euros)

Crédits de paiement

LFI 2011

PLF 2012

Variation
(%)

Mission solidarité, insertion et égalité des chances (hors programme « Handicap et dépendance »)

2 480 694 948

2 272 112 347

– 8,4

Programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », dont :

691 919 704

535 000 000

– 22,7

– Revenu de solidarité active (RSA)

686 878 204

528 800 000

– 23,0

– Expérimentations

5 041 500

6 200 000

+ 23,0

Programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables »

242 572 625

232 699 880

– 4,1

– « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents »

12 799 900

10 620 000

– 17,0

– Allocation de parent isolé (API)

2 000

– 100,0

– Mesures de protection des majeurs

229 770 725

222 079 880

– 3,3

Programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes »

21 160 248

20 102 197

– 5,0

Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative »

1 525 042 371

1 484 310 270

– 2,7

Source : projet annuel de performances (« bleu ») « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

A. LE FINANCEMENT DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE ET DE L’ÉCONOMIE SOCIALE : UN DÉSENGAGEMENT BUDGÉTAIRE DE L’ÉTAT

Le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » comprend deux actions de poids financier inégal :

– l’action 01 « Revenu de solidarité active » (RSA), qui regroupe 98,84 % des crédits du programme, finance la partie « activité » du RSA (dite « RSA activité » ou « RSA chapeau ») au moyen d’une subvention d’équilibre allouée par l’État au Fonds national des solidarités actives (FNSA) ;

– l’action 02 « Expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d’économie sociale » a pour objet de permettre le financement d’appels à projets pour susciter des innovations dans le domaine de l’intervention sociale.

1. Le financement du revenu de solidarité active : une coupe budgétaire de 23 %, qui interroge sur les véritables intentions de l’État

Les crédits de l’action 01 sont intégralement destinés à financer les dépenses liées au RSA qui incombent à l’État. Ils sont versés au FNSA en complément de la recette fiscale qui lui est affectée, la contribution sociale additionnelle de 1,1 % sur les revenus de placement et de patrimoine. Le RSA a pour objet de garantir à son bénéficiaire un niveau de ressources dont le montant varie selon la composition de son foyer, et de lui assurer une hausse de son revenu lorsqu’il reprend une activité dont il perçoit des revenus limités. Il se compose :

– d’un « RSA socle », héritier de l’ancien revenu minimum d’insertion (RMI), allocation différentielle qui garantit à une personne seule et sans enfant un revenu mensuel de 466,99 euros (700,46 euros pour un couple) ;

– d’un « RSA socle majoré », c’est-à-dire d’une majoration du niveau de ressources garanti pour les parents et femmes enceintes isolés, reprenant le principe de l’ancienne allocation de parent isolé (API) ;

– d’un « RSA activité », c’est-à-dire d’une allocation représentant une fraction (62 %) du niveau de ressources garanti qui peut être cumulée avec des revenus d’activité : ainsi, chaque bénéficiaire du RSA dont les revenus d’activité augmentent de 100 euros ne voit son allocation diminuer que de 38 euros, son revenu global augmentant ainsi de 62 euros.

Les RSA socle et socle majoré sont à la charge des départements. Le reste des dépenses est à la charge de l’État ; il s’agit surtout du RSA activité, mais aussi du « RSA jeunes » (versé aux actifs de moins 25 ans sous conditions) et de l’aide personnalisée au retour à l’emploi (APRE) créée à l’image des dispositifs « coup de pouce » pour lever les obstacles à la reprise d’emploi – garde d’enfants, etc.

Les crédits demandés à ce titre pour 2012 s’élèvent à 528 millions d’euros, contre 668,8 millions d’euros de crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2011, soit une chute de 23 %.

a) Le Gouvernement propose de compenser la baisse des crédits destinés au RSA activité par un prélèvement de 211 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national des solidarités actives

Le Gouvernement prévoit que les dépenses du FNSA s’élèvent en 2012 à 1,975 milliard d’euros (contre 1,806 milliard d’euros en 2011), dont 1,559 milliard d’euros au titre du RSA activité. Cette prévision repose sur l’hypothèse d’une poursuite de la montée en charge du dispositif, qui compterait 731 000 bénéficiaires contre 678 000 en 2011, dont 15 000 nouveaux titulaires de contrats aidés, pour un montant moyen mensuel stable depuis 2010 (178 euros).

Les charges prévisionnelles du fonds comprennent aussi 69 millions d’euros au titre du RSA jeunes et 98 millions d’euros à celui de l’aide personnalisée au retour à l’emploi. Elles intègrent 98 millions d’euros au titre du RSA activité outre-mer – dont la montée en charge commencée en 2011 devrait se poursuivre au même rythme qu’en métropole –, 89 millions au titre du revenu supplémentaire temporaire d’activité (RTSA) créé dans le cadre du plan de relance et aujourd’hui en voie d’extinction, ainsi que 3 millions d’euros au titre du RSA activité versé à Mayotte selon des modalités fixées par le pacte de départementalisation. Enfin, l’État versera aux branches famille et vieillesse de la sécurité sociale une compensation pour frais de gestion du RSA s’élevant à 59 millions d’euros (cf. le tableau ci-après).

État prévisionnel des recettes et des dépenses du FNSA

Source : projet de loi de finances pour 2012, projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Quant aux recettes du FNSA, le rendement de la contribution additionnelle de 1,1 % s’élèverait à 1,235 milliard d’euros, soit 4,2 % de plus qu’en 2011 ; reste donc un besoin de financement prévisionnel de 740 millions d’euros. Or, il est proposé que l’État ne verse que 528,8 millions d’euros au fonds au titre de sa subvention d’équilibre, ce qui revient à opérer une ponction de 211,2 millions d’euros sur la trésorerie du fonds.

Le cabinet de la ministre des solidarités a présenté à votre rapporteur ce prélèvement comme une mesure de bonne gestion, faisant valoir que les excédents accumulés du FNSA atteindraient 476 millions d’euros en 2011 tandis qu’au sein même de la mission « Solidarité », la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé crée un important besoin de financement. Il a aussi assuré que ces choix sinscrivaient dans un principe d« auto-assurance » du budget visant à assurer les dépenses supplémentaires sur une politique par une économie sur une autre.

b) En réalité, la réduction de la dotation du FNSA est la marque d’un regrettable renoncement de l’État et de la fin d’un cycle

 La baisse de la dotation du FNSA proposée pour 2012 s’inscrit à la suite de plusieurs mesures de désengagement budgétaire de l’État

Dans le courant de l’exercice 2011 déjà, les crédits du programme 304 ont été réduits, et ce malgré un report de 3,18 millions d’euros de crédits de paiement. En effet, une réserve de précaution de 33,3 millions d’euros a été constituée au sein du programme, une autre réserve de 5 057 euros a été créée au titre des plans « administration exemplaire », et 500 000 euros ont été transférés au fonds interministériel de prévention de la délinquance. Surtout, trois blocages successifs de crédits ont réduit les fonds disponibles de 169,8 millions d’euros, dont :

– 13,8 millions d’euros en vue d’un virement vers le programme 157 pour le financement des fonds départementaux de compensation du handicap et la création d’un centre relais expérimental ;

– 6 millions d’euros au titre du soutien à l’emploi ;

– 150 millions d’euros qui ont été bloqués sur les crédits du FNSA.

À la suite de ces mouvements, la contribution de l’État portée sur l’état prévisionnel des recettes et des dépenses du FNSA pour 2011 s’élève à 453,39 millions d’euros contre 686,8 millions d’euros initialement prévus par la loi de finances pour 2011. En outre, l’article 22 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a opéré un prélèvement « exceptionnel » de 25 millions d’euros sur le produit de la ressource fiscale affectée au FNSA.

 Le désengagement budgétaire de l’État peut être vu comme le signe d’un renoncement aux ambitions qui avaient présidé à la création du RSA

L’argument selon lequel le prélèvement sur la trésorerie du FNSA constitue une mesure de bonne gestion compte tenu du besoin de financement résultant de la revalorisation de l’AAH doit être pris avec précaution : le Gouvernement ne pourra pas financer durablement l’un par l’autre, car ce besoin de financement est pérenne, tandis que le fonds de roulement du FNSA peut s’épuiser rapidement.

Votre rapporteur relève en outre que la création d’un fonds dédié au FNSA avait été présentée comme une mesure de « sanctuarisation » des ressources affectées à ce dispositif, or les prélèvements opérés sur ses recettes et sur sa dotation vont clairement à l’encontre de ce principe.

En outre, on pouvait imaginer d’autres emplois pour les excédents du FNSA. Des efforts auraient pu être entrepris, par exemple, pour inciter les bénéficiaires potentiels du RSA activité à faire valoir leurs droits : en effet, selon le projet annuel de performance joint au projet de loi, on comptait seulement 678 000 bénéficiaires du RSA activité en 2011 sur un public-cible de 1 659 000. Le taux de recours au RSA activité ne dépasse donc pas 40 %, ce que l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) explique principalement par le manque d’information des allocataires potentiels, l’imprévisibilité de leurs ressources, un effet de « stigmatisation » qui en dissuade certains. Surtout, le projet annuel de performance prévoit que le nombre de bénéficiaire qui n’atteindrait que 731 000 en 2012, ce qui conduit l’UNIOPSS à s’interroger : « l’État accepterait-il l’idée que le RSA activité a durablement raté sa cible ? ».

Le désengagement budgétaire de l’État alimente en effet la crainte d’un renoncement aux ambitions qui ont présidé à la création du RSA. Les conclusions du récent rapport de notre collègue Marc-Philippe Daubresse sur l’amélioration du RSA et le renforcement de son volet insertion vont dans ce sens : il recommande de « relancer l’étude des modalités de fusion entre le RSA et la [prime pour l’emploi] au cours de la prochaine législature ». Votre rapporteur note aussi avec étonnement que l’objectif « réduire la pauvreté » ait disparu des objectifs de performance associés au programme 304 dans le projet annuel de performance pour 2012, et que de ce fait, il n’y soit plus fait mention à ce titre de l’objectif gouvernemental de réduction de la pauvreté d’un tiers en cinq ans.

2. Le financement des expérimentations sociales : des crédits en hausse de 1,15 million d’euros

L’action 02 du programme 304 a pour objet de permettre de mettre en œuvre des programmes expérimentaux visant à lutter contre la pauvreté et à favoriser la cohésion sociale. Elle sera dotée de 6,2 millions d’euros en 2012, soit 1,2 million d’euros de plus que le montant inscrit par la loi de finances initiale pour 2011. Ces fonds permettront de financer :

– les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, pour 947 000 euros ;

– des organismes nationaux et locaux de l’économie sociale, pour 750 000 euros ;

– des actions de prévention de la délinquance, pour 1,2 million d’euros, dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance ;

– le fonds d’innovation et d’expérimentation sociale pour 3,143 millions d’euros, dont 1,5 million d’euros destinés à financer des initiatives sur appels à projets, 953 000 euros pour financer divers organismes impliqués dans l’économie sociale et solidaire, 400 000 euros pour des actions d’appui à la maîtrise d’ouvrage et 290 000 euros pour financer diverses coopérations.

Votre rapporteur s’étonne de voir surgir dans le programme consacré à la « lutte contre la pauvreté » des crédits relatifs au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). L’interprétation qui peut en être faite, créant un amalgame entre pauvreté et délinquance, mérite d’être soulignée et d’être explicitée par l’autorité ministérielle en charge de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances ».

B. LES ACTIONS EN FAVEUR DES PERSONNES VULNÉRABLES : DES MOYENS EN NETTE BAISSE

Le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » rassemble des crédits consacrés à l’expression de la solidarité nationale envers les familles vulnérables. Il est proposé que leur montant soit ramené de 242,5 millions d’euros en 2011 à 232,6 millions d’euros en 2012, soit une baisse de 4,1 %.

Ce programme comprend trois actions :

– l’action 01 « Accompagnement des familles dans leur rôle de parent » comprend 4,56 % des crédits du programme, qui servent à subventionner des organismes intervenant en faveur de la famille et de l’enfance ;

– l’action 02 « Soutien en faveur des familles monoparentales » retraçait les dépenses liées à l’allocation parent isolé, intégrée au RSA et dont l’extinction est achevée ;

– l’action 03 « Protection des enfants et des familles » représente 95,4 % des crédits du programme, consacrés pour l’essentiel au financement de mesures de protection juridique des majeurs.

1. Les crédits destinés à l’accompagnement des familles dans leur rôle de parent : une regrettable réduction de 17 %

Les crédits inscrits à l’action 01 passent de 12,7 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011 à 10,62 millions d’euros, soit une baisse de 17 %, très regrettable au regard des enjeux sociaux liés à cette action. Ces crédits servent en effet à soutenir des associations intervenant en faveur de la famille et de l’enfance – y compris les « points info familles », le mouvement français du planning familial et les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP) – ainsi que des actions menées par les services déconcentrés. C’est également sur ces crédits qu’est financée la participation de l’État au financement de la carte « enfant famille » qui permet aux familles modestes ayant un ou deux enfants de bénéficier de réductions tarifaires auprès de la SNCF.

Il semble pour le moins surprenant qu’en dépit des discours sur la nécessité d’accompagner la parentalité, les moyens de prévention permettant de contribuer à cet objectif soient fortement diminués. Sauf à penser qu’il faille privilégier les actions curatives aux opérations préventives.

2. Le financement de la protection des enfants et des familles : une baisse de 3,3 %

Il est proposé de doter l’action 03 de 222 millions d’euros en crédits de paiement, contre 229,7 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale pour 2011, ce qui représente une baisse de 3,3 %. Outre des subventions de 2,7 millions d’euros à l’Agence française de l’adoption – contre 3,25 millions d’euros en 2011 –, de 0,7 million d’euros à des associations de lutte contre la maltraitance et de 2,29 millions d’euros au groupement d’intérêt public « Enfance en danger », les crédits du programme sont consacrés pour l’essentiel au financement des mesures de protection judiciaire des majeurs, dans les conditions fixées par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (cf. infra).

Selon les prévisions du projet annuel de performance, ces crédits permettront de financer pour 198,3 millions d’euros 128 100 mesures confiées à des services tutélaires financés suivant un système de dotation globale, tandis que 18 millions d’euros seront dévolus au financement de 21 600 mesures confiées à des mandataires individuels à la protection des majeurs tarifés sur la base d’un forfait mensuel par mesure.

La partie II de ce rapport montrera qu’après la mise en œuvre de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, un des constats portés par votre rapporteur à la suite des auditions des acteurs du secteur, réside dans le manque de moyens pour accompagner une montée en charge déjà bien limitée.

C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES : UNE BAISSE DE 5 %

Le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » sert à financer des actions de promotion des droits et de l’égalité hommes / femmes dans la vie professionnelle, politique et sociale, ainsi que de la lutte contre les violences sexistes, notamment dans le cade du troisième plan interministériel (2011-2013) de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. La structure de ce programme en actions a été modifiée, comme le montre le tableau ci-après.

Il est proposé de doter ce programme de 20,1 millions d’euros pour 2012, soit 5 % de moins qu’en 2011. Ces crédits doivent financer :

– au titre de l’action 11 : 650 prix de la vocation scientifique et technique dotés de 1 000 euros par lauréate, 133 contrats d’égalité et de mixité des emplois souscrits par des entreprises, et 3,21 millions d’euros de subventions diverses ;

– au titre de l’action 12 : le centre national d’information sur les droits des femmes et des familles et son réseau territorial (pour 5,37 millions d’euros), d’autres associations œuvrant au niveau national pour la cause des femmes (pour 1,43 million d’euros), ainsi que des lieux d’écoute et d’accueil des femmes ;

– au titre de l’action 13 : les frais de fonctionnement des délégations régionales aux droits des femmes et à l’égalité autres que les frais de personnel afférents à leurs 80 agents, pour 675 494 euros.

 

Loi de finances pour 2011

Action

Intitulé

Montant

01

Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision

511 701

02

Égalité professionnelle

5 069 744

03

Égalité en droit et en dignité

14 648 999

04

Articulation des temps de vie

149 092

05

Soutien du programme 137

782 099

Total

 

21 160 248

(en euros)

Loi de finances pour 2012

Action

Intitulé

Montant

11

Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale

4 945 000

12

Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes

14 481 703

13

Soutien du programme 137

675 494

Total

 

20 102 197

Les précisions données sur les contenu des actions et sous-actions par les projets annuels de performance pour 2011 et pour 2012 permettent d’estimer que les fonds destinés aux politiques financées sur les deux sous-actions de l’action 11 – vie professionnelle et économique et vie politique et sociale – connaissent des baisses significatives respectives de 6,8% et de 48,15%. Les moyens des centres d’information sur les droits des femmes et familles (CIDFF) et des bureaux d’accompagnement individuels dans l’emploi (BAIE) seront ainsi réduits. De même, la sensibilisation des chefs d’entreprises et des directeurs des ressources humaines (DRH) sera ramenée à une portion congrue alors même que ces personnes sont des relais essentiels pour permettre non seulement une évolution des mentalités mais aussi et plus rapidement des pratiques.

Les fonds consacrés aux politiques financées sur l’action 12 connaissent une hausse de 19 % due à l’apparition d’une nouvelle ligne dotée de 3,01 millions d’euros intitulée « Lutte contre les violences faites aux femmes ». Ce crédit vient d’un troisième plan interministériel 2011-2013 pour lutter contre les violences faites aux femmes. Après les deux plans triennaux de 2005 et 2008, déjà consacrés à cette cause, il semble que les crédits alloués jusqu’à présent ont permis une meilleure connaissance du fléau ne conduisant cependant pas à sa régression. Les autres lignes budgétaires de cette action connaissent, quant à elles, des réductions budgétaires. Il en est ainsi pour les associations de lutte contre la prostitution, les subventions aux lieux d’accueil et d’écoute ou le niveau local des centres d’information sur les droits des femmes et familles.

L’action 13 voit son budget se réduire de 13%, limitant ainsi une nouvelle fois les moyens d’intervention en région des délégués aux droits des femmes alors même que cette proximité permet de soutenir de manière efficace les initiatives portées par les partenaires publics ou privés en ce domaine.

D. LE FONCTIONNEMENT DES ADMINISTRATIONS SOCIALES

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » constitue un programme support regroupant les moyens des administrations sociales de l’État, à savoir :

– les dépenses de personnel des ministères sociaux ;

– les moyens de fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) ;

– les moyens d’appui qui correspondent à l’exercice par les services centraux de fonctions de pilotage stratégique et au fonctionnement courant de ces services, concernant notamment la gestion des recrutements, de la formation des personnels, des systèmes d’information et des questions juridiques et logistiques ;

– les crédits de fonctionnement des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des services outre-mer, ceux des directions départementales ayant été transférés au programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » ;

– les crédits immobiliers de l’administration centrale et de l’outre-mer ;

– les crédits de la valorisation des acquis de l’expérience (VAE).

Il est proposé d’inscrire 1,484 milliard d’euros à ce programme pour 2012, contre 1,525 milliard d’euros inscrit pour 2011, soit une baisse de 2,7 %. Ainsi, le fonctionnement des administrations sociales de l’État n’est pas épargné par la politique de rigueur, l’application du principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite conduisant à la suppression de 273 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sur un plafond de 11 285 emplois. La loi de finances pour 2010 avait déjà supprimé 304 ETPT. Votre rapporteur sinterroge ainsi sur les capacités de ces services de lÉtat à porter les politiques publiques dont ils ont la responsabilité.

II.- LA PRISE EN CHARGE DES MAJEURS PROTÉGÉS

Plus de quatre ans après la publication de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, le bilan de la réforme reste mitigé. Si les principes fixés par la loi ne sont pas à remettre en cause, sa mise en œuvre a été marquée par des retards et des dysfonctionnements qui appellent certains ajustements, ainsi que des renforts ciblés de moyens humains et financiers.

A. LA LOI DU 5 MARS 2007 A PROCÉDÉ À UNE REFONTE TRÈS ATTENDUE DU SYSTÈME DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

1. La réforme du cadre juridique issu de la loi du 3 janvier 1968 était unanimement souhaitée

a) Les règles de protection juridique des majeurs vulnérables avaient été établies pour l’essentiel par une loi fondatrice du 3 janvier 1968

La loi du 5 mars 2007 a procédé à une refonte complète du système de protection juridique des majeurs établi par la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, qui avait défini trois différents régimes de protection juridique des majeurs :

– la sauvegarde de justice, mesure temporaire prononcée à la suite d’une déclaration médicale ou d’une requête devant le juge des tutelles, qui laisse à la personne l’exercice de ses droits mais permet la révision a posteriori de ses actes ;

– la curatelle, destinée aux personnes qui ont besoin d’être assistées dans l’accomplissement de leurs actes civils sans pour autant être hors d’état d’agir par elles-mêmes, qui permet au protégé d’accomplir sans l’assistance de son curateur des actes d’administration, mais pas des actes de disposition ; elle peut être établie par le juge sous une forme allégée ou aggravée ;

– la tutelle, réservée aux personnes qui ont besoin d’être représentées dans tous les actes de la vie civile, qui décharge le protégé de l’exercice de ses droits, celui-ci ne pouvant plus passer aucun acte seul.

À ces trois régimes de protection juridique prévus par le code civil s’ajoutait un régime de protection spécifique, à caractère éducatif et social, prévu par le code de la sécurité sociale : le régime de tutelle aux prestations sociales des adultes (TPSA) institué par la loi n° 66-774 du 18 octobre 1966. Destiné à protéger les bénéficiaires de prestations sociales qui n’utilisent pas ces allocations dans leur intérêt, ou qui vivent dans des conditions d’alimentation, de logement ou d’hygiène précaires, ce régime permettait au juge des tutelles de désigner un tuteur aux prestations sociales, chargé de percevoir les prestations sociales auxquelles son protégé était éligible et les gérer dans son intérêt.

La loi du 3 janvier 1968 a aussi défini les trois principes fondamentaux sur lesquels repose encore notre système de protection juridique des majeurs :

– le principe de nécessité : une mesure de protection juridique ne doit être prononcée pour une personne qu’en cas d’altération de ses facultés la rendant incapable de pourvoir seule à ses intérêts ;

– le principe de subsidiarité : une mesure de protection juridique, par nature restrictive au regard des libertés individuelles, ne doit pas être établie si une autre mesure moins privative de liberté est suffisante, qu’il s’agisse d’une autre mesure protection juridique ou d’une mesure d’accompagnement social ;

– le principe de proportionnalité : le juge des tutelles doit adapter le contenu de chaque mesure, en fixant la liste des actes pour lesquelles la personne qui en fait l’objet doit être assistée ou représentée.

b) L’évolution des publics protégés et des pratiques de protection juridique appelaient une réforme de la loi du 3 janvier 1968

Le système de protection juridique des majeurs protégés s’est peu à peu éloigné des principes établis en 1968, sous le double effet de l’évolution des publics protégés et de celles des pratiques des acteurs.

 L’évolution du public des majeurs protégés

Le nombre de personnes placées sous un régime de protection juridique a connu depuis 1968 une croissance très soutenue, passant, selon les informations fournies à votre rapporteur, de 85 000 en 1975 à 800 000 environ en 2010 – soit plus de 1,2 % de la population française. Dans les années 2000, le taux de croissance du nombre de majeurs protégés pouvait atteindre 8 % par an, ce que le Conseil économique et social, dans un rapport de 2006 (1), jugeait révélateur d’une régulation insuffisante de ce dispositif.

 L’évolution des pratiques des acteurs

Les personnes entendues par votre rapporteur ont été unanimes à reconnaître des dérives dans l’application de la loi du 3 janvier 1968. Le Conseil économique et social a ainsi estimé dans son rapport susmentionné que les principes fondamentaux de ce système étaient « battus en brèche » :

– le principe de nécessité suppose une altération des facultés du majeur pour ouvrir une mesure de protection, mais d’autres considérations entraient en jeu dans la décision des juges, tenant « essentiellement à la situation sociale de l’intéressé, d’où l’utilisation parfois abusive de mesures civiles de protection palliant de fait les insuffisances du dispositif d’action sociale » ;

– le principe de subsidiarité, qui veut qu’une mesure de protection soit subsidiaire à toute autre décision qui pourrait être prise dans l’intérêt du majeur et qui ne conduirait pas à le priver de l’exercice de ses droits, implique aussi que la mesure soit confiée en priorité à un membre de la famille de l’intéressé, ce qui n’était plus le cas que pour 41 % des mesures prononcées en 2006 (2;

– le principe de proportionnalité, suivant lequel la mesure doit être souple et appropriée à l’état du majeur, était mis à mal par le fait « que l’expression de la volonté des personnes majeures et la révision effective des mesures [étaient] très insuffisamment mises en œuvre ».

D’autres insuffisances du système étaient régulièrement soulignées :

– dans la pratique, il était devenu fréquent de cumuler une mesure de tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) et un régime civil d’incapacité ;

– le mode de financement du dispositif présentait un biais inflationniste, car il était assis sur un système de tarification par majeur protégé et par mois (dit système du « mois-mesure ») qui conduisait à allouer des ressources en fonction du volume de mesures gérées et non de l’activité réelle de l’organisme tutélaire concerné, sans tenir compte de la nature de la mesure ou de sa durée ;

– ce mode de financement présentait un caractère inégalitaire, certains majeurs étant tenus de participer au financement de leur mesure de protection et d’autres non, à l’image de ceux placés sous tutelle aux prestations ;

– la gradation des mesures n’était pas respectée, ce qui conduisait à ce que les mesures soient souvent inadaptées aux besoins, surtout lorsqu’elles ne faisaient pas l’objet d’un réexamen régulier ;

– les différentes catégories de tiers auxquels sont confiées les mesures de protection que n’exerçaient pas les membres de la famille du protégé (gérants de tutelle privés, associations tutélaires, préposés d’établissements) n’étaient pas soumis à un cadre réglementaire garantissant la qualité de leurs services, notamment en matière de qualifications ;

– certaines pratiques des services tutélaires étaient très critiquées, comme le regroupement des fonds des personnes protégés sur un « compte pivot », source d’opacité dans la gestion de ces fonds ;

– dans la plupart des cas, le juge des tutelles était conduit à se saisir d’office, ce qui présentait le double inconvénient de rendre facultatif l’établissement d’un certificat médical, et de placer le juge en position de devoir statuer sur la demande de protection qu’il avait lui-même formée.

2. La loi du 5 mars 2007 a réorganisé de façon graduée les mesures sociales et judiciaires de protection et professionnalisé l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs

La loi du 5 mars 2007 a eu pour objectif de placer la personne protégée et ses intérêts au cœur du dispositif de protection. En témoigne la rédaction de l’article 415 du code civil issue de cette loi : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire […]. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique ». Comme le souligne le rapport fait pour le Médiateur de la République par la mission sur la maltraitance financière à l’égard des personnes âgées en établissement (3), cet accent mis sur les droits de la personne et sur la préservation de son autonomie s’inscrit dans la lignée de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé et de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

a) La loi du 5 mars 2007 a organisé un système gradué de mesures de protection des majeurs reposant sur l’articulation de mesures sociales et de mesures judiciaires

L’orientation générale de la loi du 5 mars 2007 réside dans la distinction et l’articulation de deux types de mesures de protection des majeurs vulnérables :

– des mesures de nature sociale, qui préservent la capacité juridique de la personne qui en fait l’objet ;

– des mesures de nature civile, prononcées par le juge des tutelles.

 La loi du 5 mars 2007 a recentré les mesures judiciaires de protection des majeurs sur les personnes souffrant d’une altération de leurs facultés

Afin de mettre fin aux situations dans lesquelles des majeurs étaient mis sous curatelle pour des motifs de nature sociale plutôt que médicale – suivant ce que l’Union syndicale des magistrats (USM) a appelé devant votre rapporteur une logique de « contrôle social » –, la loi du 5 mars 2007 a strictement encadré les motifs d’ouverture d’une mesure judiciaire de protection. L’article 425 du code civil prévoit que pour faire l’objet d’une telle mesure, la personne concernée doit se trouver « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ». Ni la prodigalité ni l’intempérance ne constituent donc plus des motifs d’ouverture de tutelles ou de curatelles, alors qu’avant 2007, une personne pouvait être placée sous un de ces régimes, par exemple, pour dette ou pour alcoolisme.

La loi a également réaffirmé à l’article 428 du même code les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures civiles de protection des majeurs. Cet article prévoit en effet que la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu’« en cas de nécessité » et « lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux » – c’est-à-dire à titre subsidiaire. Il précise aussi que la mesure est « proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé ».

La loi du 5 mars 2007 a ainsi repris les trois mesures civiles de protection préexistantes – la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle –, et a réformé leur statut en les organisant de façon graduée.

La création du mandat de protection future a été guidée par cette même intention de laisser la plus large place possible à la volonté du majeur à protéger. Il lui permet d’organiser sa propre protection juridique pour le jour où il ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts, en désignant un tiers de confiance chargé de le représenter dans les actes de la vie civile. Il permet au mandant d’établir ce mandat, non seulement pour lui-même, mais aussi pour autrui lorsqu’il est le parent d’un enfant dont il souhaite organiser par avance la défense des intérêts. Ce procédé est particulièrement utile pour les parents âgés d’un enfant majeur handicapé.

 La loi du 5 mars 2007 a organisé un système gradué de mesures d’accompagnement social pour les majeurs vulnérables

En parallèle du recentrage des mesures judiciaires de protection des majeurs sur les cas d’altération des facultés personnelles, la loi du 5 mars 2007 a mis en place un dispositif d’accompagnement social et budgétaire en faveur de personnes qui bénéficient de prestations sociales mais dont la santé ou la sécurité est menacée ou compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à les gérer. Ce dispositif comporte deux échelons :

– un premier échelon, de nature administrative : la « mesure d’accompagnement social personnalisée » (MASP) ;

– un second échelon, mis en œuvre en cas d’échec de la précédente : la « mesure d’accompagnement judiciaire » (MAJ).

Selon l’article L. 271-1 du code de l’action sociale et des familles, inséré par la loi du 5 mars 2007, la mesure d’accompagnement social personnalisée (MASP) comporte une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé.

Elle prend la forme d’un contrat conclu entre l’intéressé et le département, représenté par le président du conseil général – le choix de cette collectivité étant cohérent avec son rôle de chef de file en matière d’action sociale et médico-sociale. Le contrat est conclu pour une durée de six mois à deux ans renouvelable dans la limite d’une durée totale de quatre ans ; avant tout renouvellement, il doit faire l’objet d’une évaluation. L’article L. 271-1 susmentionné précise que le contrat « comporte des engagements réciproques » : il s’agit principalement d’actions en faveur de l’insertion sociale des personnes concernées des intéressés et visant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales qui leur sont versées. Les services sociaux compétents doivent s’assurer qu’elles sont coordonnées avec les autres actions sociales dont l’intéressé bénéficie ou pourra bénéficier. Le bénéficiaire de la mesure peut se voir demander une contribution, dans des conditions prévues par le règlement départemental d’aide sociale dans la limite d’un plafond réglementaire, mais la plupart des départements n’ont pas institué une telle contribution.

Le département peut, par convention, déléguer la mise en œuvre de la mesure d’accompagnement social personnalisée à une autre collectivité territoriale ainsi qu’à un établissement public ou privé, y compris un organisme tutélaire.

La loi du 5 mars 2007 a prévu que cette mesure peut comporter trois degrés, pour mieux l’adapter aux besoins des majeurs concernés :

– le premier degré (dit « MASP 1 ») consiste en une simple aide fournie à la personne vulnérable dans la gestion de son budget : il n’apporte pas de véritable plus-value par rapport à l’action entreprise dès avant 2007 par les travailleurs sociaux des conseils généraux ;

– le deuxième degré (dit « MASP 2 ») consiste en une gestion directe de tout ou partie des prestations sociales auxquelles a droit le majeur, avec son accord, par le département. L’article L. 271-2 du code de l’action sociale et des familles précisant que les fonds sont affectés en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours ;

– le troisième degré (dit « MASP 3 ») consiste en une gestion directe de tout ou partie des prestations sociales du majeur sous contrainte, c’est-à-dire sans son accord, afin notamment de prévenir une expulsion locative. Ainsi, l’article L. 271-5 du même code prévoit que lorsque l’intéressé refuse de signer le contrat mettant en œuvre la mesure d’accompagnement ou ne respecte pas ses clauses, le président du conseil général peut demander au juge d’ordonner le versement direct des prestations sociales au bailleur, à hauteur du montant du loyer et des charges locatives. Le juge fixe la durée de cette mesure, dans la limite de deux ans, renouvelable une fois.

Pour les cas où la mesure d’accompagnement n’a pas permis à son bénéficiaire de surmonter ses difficultés à gérer ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise, l’article L. 271-6 du même code charge le président du conseil général de transmettre au procureur de la République un rapport circonstancié d’évaluation de la situation sociale et pécuniaire de l’intéressé ainsi qu’un bilan des actions menées dans le cadre de la mesure.

Le procureur, dont l’intervention constitue une sorte de filtre dans la procédure, peut alors décider de demander au juge des tutelles de prononcer une sauvegarde de justice, d’ouvrir une curatelle ou une tutelle, ou encore d’ouvrir une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ).

Cette mesure, créée par la loi du 5 mars 2007 pour remplacer la tutelle aux prestations sociales pour adultes, est un simple dispositif de gestion budgétaire contrainte et d’accompagnement social, qui n’entraîne aucune des incapacités juridiques attachées à la curatelle ou à la tutelle. Elle répond ainsi aux situations de précarité et d’exclusion que la mesure d’accompagnement social personnalisée n’a pas suffi à traiter. Elle se distingue donc nettement des régimes de protection civile par son objet social et le public qu’elle vise, constitué de personnes dont les facultés personnelles ne sont pas nécessairement altérées mais sont la santé ou la sécurité est compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à gérer leurs prestations sociales.

Le juge fixe la durée de la mesure, dans la limite de deux ans renouvelable une fois, et désigne un mandataire judiciaire. Celui-ci, outre sa fonction de gestion des prestations sociales qu’il perçoit pour le compte du protégé, est investi auprès de lui d’une « action éducative tendant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales », selon l’article 495-7 du code civil.

Le schéma ci-après illustre l’articulation des mesures sociales et des mesures civiles de protection des majeurs dans l’organisation graduée du système issu de la loi du 5 mars 2007.

Mesures civiles et mesures sociales de protection des majeurs

Source : rapport n° 213 fait par M. Henri de Richemont au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, février 2007.

b) La loi du 5 mars 2007 a professionnalisé l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs

La loi du 5 mars 2007 a harmonisé les conditions d’exercice des personnes physiques ou morales dont l’activité consiste à mettre en œuvre, à titre habituel, les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire, au titre du mandat délivré dans le cadre d’une sauvegarde de justice, d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une mesure d’accompagnement judiciaire. La loi a regroupé l’ensemble de ces personnes sous l’appellation de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » (MJPM) et les a dotées d’un statut commun.

La loi a encadré certaines pratiques des mandataires judiciaires, interdisant notamment les comptes pivot. L’exercice de leur activité est désormais soumis à des conditions d’âge, de moralité, de formation et d’expérience professionnelle, dont le respect est contrôlé par le préfet ou le procureur de la République. Les mandataires doivent également être inscrits sur une liste officielle tenue par le préfet de département, sur laquelle ils ne peuvent être inscrits que sous réserve :

– pour les gérants de tutelle privés, d’un agrément préfectoral délivré après avis conforme du procureur de la République ;

– pour les services tutélaires, d’une autorisation administrative délivrée après avis conforme du procureur de la République ;

– pour les gérants de tutelle préposés des établissements de santé et médico-sociaux, d’une simple déclaration au préfet avec avis au procureur.

La loi a aussi doté les pouvoirs publics d’un outil de planification de l’offre des services des mandataires : le schéma régional d’organisation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, élaboré par le préfet de région en lien avec les magistrats et les représentants de toutes les catégories de mandataires judiciaires. Sur la base d’un constat partagé des besoins en matière de protection des majeurs, de l’offre existante et de ses perspectives de développement qualitatif et quantitatif, ce schéma planifie l’évolution du nombre d’habilitations, et prévoit divers dispositifs d’organisation des mandataires. Ce schéma étant opposable aux demandes d’habilitation en qualité de mandataire individuel ou de gestionnaire de service tutélaire, il constitue un véritable outil de planification.

En outre, la loi a soumis l’ensemble des mandataires à une obligation de formation destinée à améliorer la qualité de leurs prestations – tous devant être formé avant le 31 décembre 2011. La loi ayant érigé les services tutélaires en « établissements et services sociaux et médico-sociaux » au sens du code de l’action sociale et des familles, ces services sont aussi tenus désormais de se conformer aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles élaborées ou validées par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM).

Enfin, la loi a réformé le mode de rémunération des mandataires judiciaires en vue d’adapter leur dotation à la prestation délivrée. Le financement public des mesures de protection, qui intervient en déduction des prélèvements réalisés sur les revenus du protégé, prend deux formes différentes selon la nature du mandataire :

– pour les services tutélaires, il est alloué sous forme de dotation globale ;

– pour les mandataires individuels, il est attribué sur la base d’un tarif mensuel forfaitaire à la mesure.

B. LE DISPOSITIF MÉRITE ENCORE CERTAINS AJUSTEMENTS POUR QUE LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME PUISSENT ÊTRE ATTEINTS

La loi du 5 mars 2007 a été adoptée dans un certain consensus. Toutefois, si ses orientations ne sont pas remises en cause, certaines de ses modalités de mise en œuvre ne sont pas satisfaisantes au regard des ambitions du législateur et des enjeux sociaux attachés à la protection des majeurs vulnérables.

1. Le bilan de la réforme fait apparaître des retards dans sa mise en application et des difficultés dans sa mise en œuvre

a) Une montée en puissance plus lente que prévu du nouveau système de protection des majeurs vulnérables

 On constate d’importants retards dans la révision des mesures judiciaires de protection de la personne prononcées avant le 1er janvier 2009

Loi du 5 mars 2007 a établi le principe d’une révision quinquennale de toutes les mesures civiles de protection des majeurs prononcées à compter de l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire du 1er janvier 2009. Pour les mesures de ce type mises en œuvre avant cette date, son article 45 avait prévu un réexamen complet du stock de dossiers avant mars 2010, et la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit a reporté cette échéance au 31 décembre 2013. À cette date, toutes les mesures de protection juridique qui n’auraient pas été renouvelées seront caduques. Le principe de cette mesure n’est pas contesté : selon l’Union syndicale des magistrats, « beaucoup de dossiers dormaient dans les placards sans être véritablement contrôlés ».

Mais le stock à réexaminer s’élève à 700 000 dossiers environ. Or, avec 80 équivalents temps plein de juges des tutelles pour l’ensemble du territoire national, respecter le délai légal supposerait d’après l’USM que chaque juge réexamine six dossiers par jour ouvré en plus de la charge courante de son cabinet, ce qui représente trois heures de travail quotidien par juge et six heures par greffier. Dans ces conditions, l’ensemble des représentants des magistrats entendus par votre rapporteur s’accordent à dire que la révision du stock de dossiers dans les délais est – pour le moins – fortement compromise.

 La montée en puissance de la mesure d’accompagnement social personnalisée est nettement plus lente que prévu

Le nombre de ces mesures mises en œuvre est nettement moins important que prévu dans les estimations initiales. Selon les statistiques fournies à votre rapporteur par le ministère des solidarités et de la cohésion sociale, on recense 3 777 mesures en 2009 contre 13 000 prévues, et 10 749 mesures effectives en 2010 contre 22 000 anticipées. On estimait qu’au terme de la montée en charge du dispositif, leur nombre pourrait atteindre 30 000 environ.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard :

– la nouveauté du dispositif, 2009 et 2010 étant présentées par l’Assemblée des départements de France comme des « années de transition et d’ajustement », et la majorité des départements n’ayant mis en œuvre le dispositif qu’à compter du second semestre 2009 ;

– la prise en compte d’impératifs budgétaires pour certains départements ;

– la mauvaise connaissance du dispositif par ses bénéficiaires potentiels.

Surtout, il ressort des travaux de votre rapporteur que les départements ont majoritairement fait le choix de positionner ce dispositif comme un élément complémentaire des politiques d’aide et d’action sociale qu’ils mettaient déjà en œuvre, et non comme l’axe autour duquel s’organisent celles-ci. Les choix opérés par les départements sont motivés par une appréciation mitigée sur la portée des différents éléments de la mesure daccompagnement social personnalisée :

– selon l’Assemblée des départements de France, l’intérêt du premier degré de la mesure d’accompagnement est limité, car elle ne permet de mettre en œuvre que des actions qu’entreprenaient déjà les travailleurs sociaux des conseils généraux ;

– le troisième degré est très peu mis en œuvre (on recense moins de cent cas), car son principe même suscite de fortes réticences. En effet, elle associe dans la même mesure une intervention sociale basée sur l’adhésion de son bénéficiaire et sur la relation de confiance avec un travailleur social, et une menace de saisine du juge, ce qui constitue selon l’Assemblée des départements de France un biais dans la logique contractuelle de la mesure, voire une « incohérence ». Dautre part, le versement direct aux bailleurs des aides personnalisées au logement (APL) est déjà couvert dans le cadre du deuxième degré de la mesure ;

– le deuxième degré est vu en revanche comme le principal apport de la réforme, car elle permet la gestion directe des prestations sociales par le département. Elle est mise en œuvre le plus souvent pour éviter une expulsion locative ou la perte du droit à l’allocation personnelle au logement pour défaut de paiement du loyer ; elle peut ainsi servir de garantie dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan d’apurement des dettes locatives ;

– en général, la plus-value de la réforme tient à l’accompagnement global de la personne que permet la mesure daccompagnement social personnalisée, à la différence des autres dispositifs d’aide sociale mis en œuvre par les départements, plus spécialisés.

 Des pratiques proscrites seraient encore en vigueur

Alors que la loi du 5 mars 2007 a expressément interdit à l’article 427 du code civil le recours aux comptes pivots, l’Association française de lutte contre les abus tutélaires (AFCAT) indique que certaines associations utiliseraient encore de tels comptes, et que d’autres contourneraient la loi en centralisant l’ensemble des comptes de leurs protégés dans une seule agence bancaire.

En outre, selon l’association, certains mandataires judiciaires à la protection des majeurs placeraient les fonds de leurs protégés sans leur reverser les intérêts produits par ces placements, et l’accès du majeur au détail de ses comptes, pourtant permis par la loi, serait dans les faits très difficile.

 Certaines règles ne sont pas encore stabilisées, notamment en matière de rémunération des mandataires

On constate à la fois une certaine instabilité réglementaire sur des points cruciaux d’application de la loi, et des retards dans la parution de certaines mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi.

Ainsi, alors que le mode de rémunération des services tutélaires a été défini dès l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007, les règles de rémunération des mandataires individuels ne sont toujours pas stabilisées. En effet, ceux exerçant leur activité à titre individuel sont rémunérés sur la base d’un tarif mensuel forfaitaire à la mesure de protection gérée calculé suivant des modalités fixées par le décret n° 2011-936 du 1er août 2011 et précisées par un arrêté du 3 août 2011, soit deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la loi. Ces textes ont prévu un système de modulation de la rémunération en fonction de quatre indicateurs :

– la nature des missions exercées par le mandataire, correspondant aux différentes catégories de mesures de protection ;

– la période d’exercice des missions, ce qui permet de mieux valoriser le travail accompli dans les trois premiers mois suivant l’ouverture de la mesure ou précédant sa clôture, qui est plus intense qu’en période de gestion courante ;

– le lieu de vie de la personne protégée, la charge de travail étant plus importante lorsque le majeur protégé vit à son domicile que lorsqu’il est placé en établissement, et dans ce dernier cas, le travail étant plus intense lorsque la personne conserve la disposition de son logement ;

– le niveau de ressources de la personne protégée.

Or, ce mode de rémunération est encore très contesté par les représentants des mandataires individuels, notamment au motif qu’il ne rend pas viable l’activité de ceux qui gèrent moins d’une soixantaine de dossiers. Il serait en outre déséquilibré, dans la mesure où le calcul de la rémunération du mandataire prend plus en compte les revenus du protégé que son patrimoine. Des discussions seraient toujours en cours entre les représentants de la profession et le cabinet de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en vue de résoudre ces difficultés ; ce mode de rémunération pourrait donc évoluer encore.

Par ailleurs, certains décrets d’application manquent encore, quatre ans et demi après la publication de la loi. Votre rapporteur regrette notamment que les règles encadrant les pratiques des préposés aux tutelles dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux n’aient pas été précisées. Il ressort en effet de ses travaux que les pratiques sont très hétérogènes en la matière, certains préposés gérant plusieurs centaines de dossiers, ce qui paraît très difficilement compatible avec les exigences d’un suivi sérieux des personnes et de leurs biens, conformément à la volonté du législateur de 2007.

 La formation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et de leurs salariés a pu prendre du retard

Alors que la loi fait obligation aux mandataires judiciaires et à leurs salariés d’avoir obtenu avant le 1er janvier 2012 les qualifications nécessaires pour l’exercice de leur activité, la direction générale de la cohésion sociale a indiqué à votre rapporteur que 400 personnes environ n’auraient pas obtenu le certificat national de compétence requis. Il a donc fallu permettre aux personnes inscrites à une formation conduisant à ce certificat de poursuivre leur activité dans les premiers mois de 2012.

b) Un « effet de ciseaux » plus limité que prévu entre mesures civiles et mesures sociales

Si aucun objectif quantifié de réduction du nombre de mesures civiles de protection des personnes n’a été défini par la loi ou fixé dans le cadre de ses travaux préparatoires, il n’en demeure pas moins que dans l’esprit de l’ensemble des acteurs entendus par votre rapporteur, l’économie générale de la loi reposait sur l’hypothèse d’un « effet de ciseaux », c’est-à-dire sur le transfert d’un certain volume de dossiers du dispositif judiciaire vers les nouveaux dispositifs d’accompagnement social.

Mieux maîtriser le nombre des mesures civiles devait permettre aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs de dégager des marges de manœuvre pour améliorer la qualité du suivi des majeurs. Parallèlement, d’après l’Assemblée des départements de France, la création de 29 emplois de magistrats (22 juges des tutelles et sept magistrats du parquet), ainsi que de 55 équivalents temps plein de greffiers et de 5 de greffiers en chef, avait été évoquée lors de la discussion du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, pour permettre à la justice de procéder à la fois à la révision du stock de mesures prononcées avant le 1er janvier 2009 et à un examen approfondi des nouveaux dossiers, indispensable pour individualiser les nouvelles mesures conformément à l’objectif fixé par le législateur.

Or, selon les deux syndicats représentatifs de la magistrature consultés par votre rapporteur, l’USM et le Syndicat de la magistrature, l’effectif de juges des tutelles n’a pas été adapté aux besoins. Concomitamment, le nombre de mesures civiles de protection des majeurs n’a pas diminué : certes, le stock a cessé de progresser de 6 % à 7 % par an comme au début des années 2000, mais selon la direction générale de la cohésion sociale, il continue à croître de 2,5 % par an en moyenne après la réforme, et le nombre de mesures confiées à un mandataire judiciaire devrait passer de 352 629 en 2009 à 376 850 en 2012.

S’agissant de la révision des mesures de protection juridique prononcées avant l’entrée en vigueur de la loi, M. Laurent Vallée, directeur des affaires civiles et du Sceau, a indiqué à votre rapporteur que 90 % des mesures réexaminées sont reconduites. Il analyse ce résultat comme montrant que la quasi-totalité des mesures de protection prononcées avant 2009 sont encore justifiées ; on pourrait aussi, dans une certaine mesure, le voir comme révélateur du fait que les services des tutelles des tribunaux d’instance ne sont pas dotés des effectifs de juges et de greffiers nécessaires à un réexamen approfondi de ces mesures.

En tout état de cause, les représentants des magistrats observent que les familles des majeurs vulnérables ont souvent une préférence pour les mesures civiles de protection, l’USM évoquant une « culture de la tutelle systématique », à tel point que « lorsque le juge des tutelles évoque la représentation selon le droit commun (procurations, mandats, etc.), il est confronté à beaucoup d’incrédulité, tant les familles ont été abreuvées de discours culpabilisants et alarmistes sur les risques encourus en l’absence de mesure de protection ».

c) Un pilotage encore insuffisamment structuré

 L’articulation entre les départements et la justice reste imparfaite

Selon l’Assemble des départements de France, des protocoles ont été conclus dans certains départements entre le conseil général et les tribunaux pour formaliser leurs relations et, parfois, préciser l’articulation entre les mesures de protection des majeurs qui relèvent de leurs compétences respectives, mais il reste plusieurs problèmes de coordination entre les départements et la justice :

– les juges estimeraient parfois que le fait qu’un majeur refuse de signer un contrat de mesure daccompagnement social personnalisée ne suffit pas à établir l’échec des mesures sociales de protection de la personne, dont le constat est nécessaire pour permettre au président du conseil général de saisir le juge à fins de prononcer une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) ;

– la justice considérerait qu’une mesure daccompagnement social personnalisée doit être mise en œuvre en priorité dès lors que le majeur est en état d’exprimer une volonté, même si l’altération de ses facultés est médicalement avérée et pourrait être vue comme limitant sa capacité à contracter ;

– les départements ne sont pas informés de l’évolution de la situation des personnes faisant l’objet d’une mesure d’accompagnement judiciaire, alors qu’ils peuvent être amenés à prendre en charge ces personnes en aval d’une telle mesure, dans le cadre d’une mesure daccompagnement social personnalisée.

 Plusieurs incertitudes juridiques demeurent

Plusieurs points de droit qui doivent encore d’être tranchés pour que la réforme puisse être pleinement appliquée. Ainsi, le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle a défini de façon distincte les actes dadministration relatifs à la gestion courante du patrimoine dun majeur protégé et les actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle. Or, selon lUSM, cette définition est « impossible à mettre en œuvre car les banques considèrent quelles ont un pouvoir de contrôle sur la gestion des tuteurs » et bloquent toutes les opérations sur les comptes dépargne lorsquils sont opérés sans autorisation du juge, au motif que ces opérations constituent selon elles des actes de disposition, quel que soit leur montant.

De même, les représentants des mandataires judiciaires ont indiqué à votre rapporteur que la question de savoir si un tuteur pouvait consentir pour le compte de son protégé à un acte médical nest toujours pas tranchée.

LAssemblée des départements de France souligne quant à elle des obstacles comptables compliquant lapplication du deuxième degré de la mesure daccompagnement social personnalisée : les comptables des départements doivent percevoir et gérer les prestations sociales des majeurs, mais ils nont quun simple rôle de caissier, mais dès lors quils nont pas le pouvoir de contrôler les pièces justificatives de la dépense, la responsabilité comptable risquerait dêtre transférée à lordonnateur de la dépense.

 Le pilotage de la mise en œuvre de la réforme a été compliqué par la restructuration des administrations sanitaires et sociales de l’État

Alors que les compétences de l’État en matière de protection juridique des majeurs étaient exercées par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) sous l’autorité du préfet de département, ces services ont fait l’objet d’une profonde restructuration, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et à la suite du transfert aux agences régionales de santé de la majeure partie de leurs effectifs. Désormais, les missions de pilotage, de coordination et d’évaluation du dispositif de protection juridique des majeurs sont assurées par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), et la mise en œuvre de cette politique relève des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCS-PP), sous l’autorité du préfet de département et avec l’appui des DRJSCS.

Les représentants de la direction générale de la cohésion sociale et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ont estimé devant votre rapporteur que les restructurations liées à la création de ces services ont limité la capacité des services de l’État à accompagner la mise en œuvre de la réforme.

 Le pilotage national de la réforme n’a pas été aussi efficace que certains acteurs le souhaitaient

Plusieurs acteurs ont regretté devant votre rapporteur qu’une fois la loi du 5 mars 2007 votée, sa mise en application n’ait pas semblé constituer une priorité pour les pouvoirs publics.

En outre, si la direction générale de la cohésion sociale a une position de chef de file dans le pilotage national de la réforme, celui-ci reste très éclaté : il implique plusieurs directions du ministère de la justice – celle des affaires civiles et du Sceau et celle des services judiciaires – ainsi que celle de la sécurité sociale, qui exerce la tutelle des caisses contribuant au financement des mandataires judiciaires à la protection de majeurs.

d) Des coûts encore mal maîtrisés

 Pour la personne protégée ou sa famille : il n’est pas toujours légitime de mettre à la charge du majeur le coût élevé des certificats médicaux

De façon cohérente avec l’orientation fondamentale de la loi du 5 mars 2007 tendant à recentrer les mesures civiles de protection sur les personnes dont les facultés sont réellement altérées, toute demande d’ouverture d’une telle mesure doit désormais être appuyée par un certificat médical circonstancié, établi par un médecin inscrit sur une liste tenue par le procureur de la République.

Le décret n° 2008-1485 du 22 décembre 2008 relatif à la tarification des certificats et avis médicaux établis dans le cadre des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs a fixé à 160 euros le montant des honoraires perçus par le médecin pour établir ce certificat. Selon l’Union syndicale des magistrats, ce montant est inférieur aux honoraires facturés avant la réforme par certains médecins, notamment en région parisienne, mais il est globalement « bien supérieur » à ce qui était demandé par la plupart des médecins avant 2009. Or le coût du certificat médical est à la charge du majeur, ce qui ne paraît pas toujours légitime, en particulier lorsqu’il n’est pas demandeur de la mesure et que la demande aboutit à un non-lieu.

 Pour les départements : la mesure daccompagnement social personnalisée a un coût plus élevé que prévu

Comme le montre le tableau ci-après, le coût unitaire de cette mesure d’accompagnement a été particulièrement élevé en 2009 du fait de la lenteur de la montée en charge du dispositif. En effet, selon l’Assemblée des départements de France, certains conseils généraux ont dû recruter des travailleurs sociaux, ce qui a engendré des coûts fixes importants au regard du faible nombre de mesures mises en œuvre.

Coût de la mesure d’accompagnement social personnalisée pour les départements

 

2009

2010

à terme

Nombre de mesures

3 777

10 749

30 000

Coût total

8 983 250

17 986 213

49 000 000

Coût unitaire mensuel

198,2

139,4

136,1

Source : ministère des solidarités et de la cohésion sociale.

 Pour les autres financeurs du dispositif : des risques de double facturation ou de mauvaise imputation des charges

Le financement public des mesures de tutelles est partagé entre plusieurs acteurs : l’État, l’assurance maladie, les caisses d’allocations familiales (CAF) et les conseils généraux. Pour déterminer la part de chaque financeur, la loi du 5 mars 2007 a établi une nouvelle règle consistant, en principe, à ce que les frais afférents à la protection d’un majeur reviennent au financeur de la prestation sociale dont il bénéficie. Ainsi, l’État finance les tutelles et curatelles des personnes qui n’ont pas de prestation sociale ou en perçoivent une du département ; l’assurance maladie finance les mesures confiées aux hôpitaux, et la branche famille finance les tutelles, curatelles, sauvegardes de justice et mesures d’accompagnement judiciaire des personnes qui perçoivent une prestation sociale, à l’exception de celles qui relèvent du département. Quant aux conseils généraux, ils financent les mesures d’accompagnement judiciaires des personnes qui bénéficient d’une prestation à sa charge – comme le RSA ou la prestation de compensation du handicap.

Le financement public des services tutélaires prend la forme de dotations globales versées à l’issue d’une procédure budgétaire contradictoire, qui permet d’apprécier précisément l’activité et les besoins des services et d’allouer les crédits de façon équitable sur tout le territoire. L’utilisation d’indicateurs permet de calibrer les dotations en fonction des prestations délivrées (cf. l’encadré ci-après).

Indicateurs servant de base à la négociation budgétaire
entre les services tutélaires et leurs financeurs publics

La dotation globale de chaque service tutélaire est déterminée en fonction d’une batterie d’indicateurs qui visent à tenir compte, notamment, de la charge de travail liée à la nature de la mesure de protection et à la situation de la personne protégée. Ces indicateurs reposent sur une méthode d’évaluation de l’activité des services assise sur une cotation en points des mesures : plus une mesure nécessite de travail plus le nombre de points affecté à cette mesure est important.

Le différentiel de charge de travail repose sur trois critères : la nature de la mesure, le lieu d’exercice (domicile ou établissement) et la période d’exercice de la mesure (ouverture, gestion courante et fermeture).

Le total de points de chaque service est ensuite utilisé pour calculer une batterie d’indicateurs de nature différente : indicateurs de population, d’activité, de structure et financiers. Parmi ces indicateurs élaborés à partir du nombre de points figurent le poids moyen de la mesure qui évalue la charge moyenne d’une mesure prise en charge par un service et le nombre de points par équivalent temps plein qui mesure en moyenne la charge de travail qui pèse sur chaque salarié du service. L’allocation des ressources est ainsi déterminée en fonction de ces indicateurs afin de réduire les disparités entre les services.

Source : ministère des solidarités et de la cohésion sociale.

Cette procédure a été instituée notamment afin de réduire les écarts de financement entre les différents services tutélaires. Or, la valeur du point de service – indicateur de référence calculé en rapportant la dotation d’un service au nombre de points mesurant sa charge de travail – reste hétérogène : la part des services pour laquelle cet indicateur rejoint à 10 % près la moyenne nationale n’atteignait que 45 % en 2009 et 56,3 % en 2010. Ainsi, la tendance est bien à la réduction des écarts de dotation, mais l’effort en ce sens doit encore être poursuivi de façon soutenue, pour une répartition plus équitable des moyens publics.

La procédure budgétaire elle-même semble comporter des insuffisances. Ainsi, les représentants de la CNAF ont regretté devant votre rapporteur qu’il n’existe pas d’instance locale de coordination des différents financeurs publics appelés à donner un avis sur les propositions budgétaires soumises par les services tutélaires à l’approbation des préfets. Faute d’une telle instance, la caisse estime qu’il existe des risques de double financement ou de mauvaise imputation des charges, par exemple entre les branches maladie et famille de la sécurité sociale.

e) Des moyens de contrôle très insuffisants

 En théorie, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont soumis à un contrôle strict, institué par la loi

Les mandataires judiciaires, qu’il s’agisse de services ou de mandataires individuels, sont soumis au double contrôle de l’autorité judiciaire et de l’autorité administrative.

L’autorité judiciaire dispose en effet de trois principaux moyens de contrôle sur les mandataires :

– le juge des tutelles et le procureur de la République sont investis dans leur ressort d’un pouvoir de surveillance générale des mesures de protection juridique des majeurs ;

– certains actes, notamment les actes de disposition, ne peuvent être accomplis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ;

– les mandataires judiciaires doivent présenter chaque année un rapport de gestion afin de rendre compte de la façon dont ils se sont acquittés de leur mandat, le contrôle et le visa de ces rapports incombant aux greffiers des tribunaux

En parallèle, sous l’autorité du préfet de département, les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCS-PP) exercent un double contrôle sur les mandataires :

– au titre du contrôle des établissements et services médico-sociaux relevant de la compétence du préfet de département, leurs agents vérifient que les mandataires remplissent les conditions requises pour obtenir du préfet l’habilitation nécessaire à l’inscription sur la liste des mandataires ;

– au titre de la protection des personnes, ces agents sont chargés de constater toutes infractions, dysfonctionnements ou abus. En cas de non-respect des lois et règlements ou de dysfonctionnements pouvant affecter la prise en charge des personnes protégées ou lorsque la santé, la sécurité, l’intégrité ou le bien-être physique ou moral des personnes protégées est menacé ou compromis, le préfet de département dispose en effet d’un pouvoir d’injonction au mandataire afin qu’il remédie aux infractions, dysfonctionnements ou abus constatés. L’injonction peut être demandée par le procureur de la République du tribunal de grande instance du chef-lieu du département.

À l’issue du délai, le préfet peut prendre, après avis conforme du procureur de la République, une décision de fermeture du service, de retrait de l’agrément – ou, s’agissant des préposés aux tutelles en établissement, d’annulation des effets de la déclaration. En cas d’urgence, le préfet peut aussi suspendre l’autorisation, l’agrément ou les effets de la déclaration.

 En pratique, faute de moyens, le contrôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs est quasiment virtuel

L’ensemble des acteurs consultés par votre rapporteur s’accorde à regretter que les moyens des services judiciaires ne soient pas suffisants pour qu’ils puissent exercer pleinement leurs pouvoirs de contrôle.

Ainsi, la faiblesse des moyens des greffes ne permet pas un contrôle systématique et approfondi de l’inventaire qui doit être fait du patrimoine de chaque majeur à l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle renforcée. Selon l’Association française de lutte contre les abus des tutelles (AFCAT), il n’est pas rare que cet inventaire ne soit pas établi, ce qui prive le juge des tutelles d’un outil indispensable pour apprécier l’étendue du patrimoine du majeur protégé et en contrôler l’évolution.

Le manque de moyens des greffes rend également difficile tout contrôle approfondi des comptes de gestion déposés annuellement par les mandataires : ces comptes sont donc rarement vérifiés de façon approfondie. Soulignant que les greffiers en chef, auxquels a été transférée la responsabilité du contrôle, ne possèdent pas véritablement les compétences comptables permettant d’en assurer la réalisation et ne disposent par ailleurs d’aucune assistance extérieure, le contrôle des comptes de gestion des mandataires est souvent lacunaire ou inopérant.

De même, les effectifs de juges des tutelles ne sont pas suffisants pour permettre aux magistrats d’instruire de façon approfondie les demandes qui leur sont soumises. Selon l’USM, « dans certains tribunaux, les requêtes courantes sont traitées avec des délais de plusieurs mois et l’instruction des nouveaux dossiers se réduit à sa plus simple expression, faute de personnels disponibles pour procéder aux auditions obligatoires », et le Syndicat de la magistrature ajoute que les services restent globalement dans « une telle misère que les magistrats recourent à des « ordonnances-tampon » indiquant leur accord sur le courrier de requête ». L’Assemblée des départements de France note d’ailleurs un important rallongement des délais de réponse des parquets, aggravé par selon elle par la réforme de la carte judiciaire.

Selon la direction générale de la cohésion sociale, afin de faciliter le contrôle des mandataires judiciaires, le ministère des solidarités et de la cohésion sociale prévoit, en relation avec l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), d’adapter les guides utilisés pour le contrôle des structures sociales ou médico-sociales aux spécificités du secteur tutélaire. Il prévoit également d’intégrer ce secteur dans les deux systèmes d’information, « PRISME » (Prévention des Risques – Inspection - Signalement Maltraitance) et « RÉCLAMATIONS & PLAINTES » (logiciel de suivi des réclamations et des plaintes) dont dispose le ministère pour le suivi du traitement des situations de maltraitance signalées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Il n’en demeure pas moins que les pouvoirs publics paraissent peu outillés pour mener une évaluation globale du nouveau dispositif de protection des personnes. En effet, ils ne disposent pas d’outil statistique permettant un suivi précis des mesures de protection.

Les représentants de l’USM ont fait valoir à votre rapporteur que dans l’usage de leurs pouvoirs de contrôle des mandataires, l’autorité administrative et l’autorité judiciaire agissaient souvent avec prudence, car l’offre de services tutélaires n’est pas assez développée dans tous les ressorts de tribunaux d’instance pour que ces autorités puissent se passer des services des principales associations tutélaires sans conséquences dommageables pour le suivi des majeurs. Aussi ces autorités ont-elles jusqu’à présent privilégié le dialogue dans leurs relations avec les mandataires ; la nouvelle procédure budgétaire applicable aux services offre d’ailleurs un cadre propice à cela.

En tout état de cause, le contrôle des mandataires constitue un enjeu d’autant plus grave que la responsabilité de l’État est engagée pour faute simple en matière de protection juridique des majeurs.

f) Des mesures de protection encore trop centrées sur les biens, et non sur les personnes

Une des principales ambitions de la réforme consistait à étendre la portée des mesures de protection des majeurs à la protection de la personne vulnérable dans son ensemble, et plus seulement de ses biens (cf. l’encadré ci-après).

La protection de la personne, et plus seulement de ses biens

La loi du 3 janvier 1968 précitée n’a pas expressément étendu la sphère juridique de la protection à celle de la personne, se contentant de prévoir la protection du cadre de vie et du patrimoine à caractère personnel des majeurs. La notion de protection de la personne du majeur n’étant pas définie par le code civil, s’est alors développée une définition jurisprudentielle de cette protection.

La réforme s’inscrit donc dans un contexte juridique qui a pleinement intégré la nécessité d’une prise en compte effective de la protection de la personne.

Elle s’inscrit surtout dans une société qui, depuis 1968, a vu évoluer l’attention portée aux plus vulnérables. […] Ainsi de nouvelles dispositions sont élaborées pour une meilleure prise en compte des droits et de la volonté de la personne vulnérable, notamment à travers le recueil de son consentement, la prise en compte de sa famille et de ses proches et la personnalisation du contenu même des mesures.

Source : exposé des motifs du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, dont est issue la loi du 5 mars 2007.

Pourtant, les personnes interrogées sur ce point par votre rapporteur estiment que cet objectif n’a pas été réellement atteint, notamment du fait du manque de moyens des acteurs.

Ainsi, les moyens alloués aux mandataires judiciaires étant contraints, il leur est difficile d’intensifier leur présence auprès de leurs protégés. Il ressort des travaux de votre rapporteur que les délégués des associations tutélaires ont en charge jusqu’à 60 majeurs vivant à leur domicile ou 130 personnes vivant en établissement. Bien que ces délégués aient l’appui d’autres salariés de ces associations, notamment des secrétaires et des juristes, les majeurs n’ont que peu de contacts personnels avec leur tuteur ou leur curateur – souvent pas plus de deux visites par an. L’USM constate ainsi que « la dimension d’accompagnement social et d’apprentissage de l’autonomie est largement sacrifiée, puisque la gestion des comptes en peut souffrir aucun retard » et accapare donc les mandataires judiciaires. Ceux-ci seraient alors contraints de solliciter des tiers, comme les services sociaux, des associations d’insertion, des professionnels de l’aide à la personne pour un travail « qui découle pourtant du mandat de protection ». L’USM souligne le danger de ce « déficit d’accompagnement », qui a parfois pour résultat « un prolongement de la protection au-delà de ce qui semblait nécessaire pour remettre le majeur sur les rails » car « au lieu de le conduire vers l’autonomie, on aboutit au résultat inverse puisque le majeur perd le contact avec la gestion financière et administrative et devient totalement dépendant d’un tiers ».

2. Certains ajustements du système de protection des majeurs vulnérables sont nécessaires pour que puissent être atteints les objectifs de la loi du 5 mars 2007

a) Aménager les conditions d’un examen approfondi de chaque dossier par les juges des tutelles

 Renforcer de façon ciblée les effectifs de juges des tutelles et de greffiers

On l’a vu, une large part des limites constatées dans la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 tient au manque de moyens des tribunaux et des mandataires. Certains renforts ciblés en moyens humains et financiers, sans représenter des engagements financiers considérables, pourraient améliorer significativement le fonctionnement du système.

 Repousser l’échéance du 1er janvier 2014 pour le réexamen du stock de mesures de protection juridique prononcées avant le 1er janvier 2009

Pour regrettable que soit la situation, il faut reconnaître aujourd’hui que l’ensemble des mesures de protection juridique prononcées avant le 1er janvier 2009 ne pourra pas être réexaminé dans des conditions satisfaisantes au terme fixé par la loi. Dès lors, le législateur aura le choix soit de s’accommoder d’une révision hâtive et purement formelle de ces mesures – loin de l’objectif d’individualisation qui est au cœur de la réforme – soit de laisser aux magistrats un délai supplémentaire pour y procéder dans de meilleures conditions.

Pour fixer un nouveau terme, il faudra tenir compte de deux éléments :

– le nombre d’équivalents temps plein de juges des tutelles et de greffiers qui pourraient être dégagés en renfort pour procéder à cette tâche ;

– le nombre de mesures de protection prononcées à compter du 1er janvier 2009, qui doivent faire l’objet d’un réexamen cinq ans après leur ouverture, à peine de caducité.

 Inciter les personnes à recourir aux dispositifs de protection alternatifs aux mesures de protection juridique

Selon l’Union syndicale des magistrats, l’utilisation des moyens de représentation de droit commun – comme les procurations ou les mandats – et de la mesure daccompagnement social personnalisée suffirait à régler une partie des problèmes qui motivent les demandes d’ouverture de tutelles ou de curatelles, sous réserve de lever deux obstacles :

– la méconnaissance de ces mesures par les familles des majeurs vulnérables, « qui ont été abreuvées de discours culpabilisants et alarmistes sur les risques encourus en l’absence de mesure de protection » ;

– les réticences de certains de leurs interlocuteurs, notamment les banquiers et les professionnels du handicap, « qui acceptent difficilement l’intervention de la famille sans mandat judiciaire ».

Pour votre rapporteur, il serait très utile de mieux informer les familles et ces professionnels de l’existence d’alternatives aux mesures judiciaires de protection des personnes. Cette information pourrait être organisée, par exemple, au greffe des tribunaux.

b) Simplifier les démarches des majeurs protégés et de leurs proches

 Améliorer l’accès aux médecins habilités à établir les certificats requis pour l’ouverture ou le renouvellement d’une mesure de protection

En application de l’article 431 du code civil, pour qu’un certificat médical soit recevable à l’appui d’une demande d’ouverture de mesure judiciaire de protection des majeurs, il doit être établi par un médecin inscrit sur une liste tenue par le procureur de la République. Il ressort des travaux de votre rapporteur que ces listes comprennent notamment des psychiatres.

Toutefois, comme le souligne le rapport précité fait au Médiateur de la République, ces listes écartent le médecin traitant du majeur à protéger au motif qu’il pourrait subir une pression de la famille, mais aussi les médecins des hôpitaux ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) « pourtant scrupuleusement au fait du passé médical parfois complexe du patient et aptes à garder le contact avec la personne dont ils conservent la confiance ». Le Syndicat de la magistrature regrette que certains directeurs d’hôpitaux aient eu tendance à restreindre les possibilités pour les médecins hospitaliers d’accomplir des expertises, alors qu’il serait « malsain, et de toutes façons impossible, de ne faire appel qu’à des médecins libéraux qui ne souhaitent pas être trop désignés ». Pour autant, votre rapporteur rappelle qu’une trop grande proximité entre le majeur à protéger et le médecin chargé d’établir le certificat médical fait prendre le risque de ne pas assurer l’impartialité totale de la décision.

Aussi, pour que les majeurs et leurs proches obtiennent plus aisément les certificats médicaux requis dans la procédure, trois mesures sont envisageables :

– mieux faire connaître la possibilité, qui ressort du quatrième alinéa de l’article 442 du code civil, de présenter à l’appui des demandes de simple renouvellement ou d’allègement des mesures un certificat médical simple, et non un certificat établi par un médecin agréé ;

– élargir les listes de médecins agréés à des praticiens de toutes spécialités, notamment à des médecins généralistes ;

– renforcer les moyens mis à la disposition des tribunaux pour prendre en charge le coût des expertises (160 euros par certificat) pour les personnes ayant des revenus modestes.

 Mieux accompagner les proches des majeurs protégés dans l’exercice des fonctions de mandataire familial

Alors qu’environ une mesure civile de protection des personnes sur deux est confiée à un mandataire extérieur à la famille du majeur protégé, la loi du 5 mars 2007 a voulu redonner la priorité aux familles à la fois dans l’ouverture de la mesure de protection, dans sa dévolution et dans son exécution. Le terme de famille est d’ailleurs à prendre au sens large, puisque la loi a étendu le principe de priorité familiale non seulement au père du majeur, à sa mère, son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, mais aussi à tout parent, allié, voire proche, dès lors qu’il entretient avec la personne à protéger des liens étroits et stables. Si le recours à un mandataire familial n’est pas toujours dans l’intérêt du majeur, notamment en cas de tensions familiales, il n’en demeure pas moins qu’une mobilisation plus fréquente des familles permettrait de réduire la charge de travail des mandataires judiciaires.

Or, si les mandataires extérieurs à la famille sont rémunérés, ce n’est pas le cas des mandataires familiaux, pour lesquels l’article 419 du code civil ne prévoit qu’une indemnité facultative à la charge de la personne protégée. En outre, comme le souligne le rapport précité au Médiateur de la République, « les mandataires familiaux sont ceux qui reçoivent le moins de formation puisqu’ils ressortent souvent du bureau du juge des tutelles avec quelques éléments sur leur rôle mais rien qui soit réellement très structuré ».

En effet, l’article L. 215-4 du code de l’action sociale et des familles et le décret n° 2008-1507 du 30 décembre 2008 relatif à l’information et au soutien des personnes appelées à exercer ou exerçant une mesure de protection juridique des majeurs ont organisé un dispositif d’information et de « soutien technique » pour les mandataires familiaux, apportés notamment par les unions départementales des associations familiales (UDAF), mais selon les représentants de ces unions, les moyens alloués à ce dispositif sont très insuffisants. Une mise en œuvre rapide de ce dispositif de soutien aux familles est donc souhaitable.

c) Doter le dispositif de protection des majeurs d’un véritable pilotage, tant au niveau national que local

 Au niveau national : assumer une ligne politique claire sur l’évolution de l’activité des mandataires judiciaires

On l’a dit, les acteurs du système de protection juridique des majeurs ont eu le sentiment que la réforme de ce système n’avait pas fait l’objet d’un pilotage national fort. On notera aussi que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars, aucune enquête n’a été réalisée sur la politique de soutien aux majeurs vulnérables par les corps et organismes de contrôle des politiques publiques : un tel travail pourrait servir de base au renforcement du pilotage de cette politique. On peut estimer dès à présent que le renforcement de ce pilotage devra passer par la réaffirmation du rôle de chef de file de la direction générale de la cohésion sociale, et par la mise en place d’outils de suivi et d’analyse de cette politique.

Surtout, il ressort des travaux de votre rapporteur que la stratégie poursuivie par le Gouvernement n’est pas toujours perçue comme étant clairement assumée. Notamment, les représentants des mandataires judiciaires exerçant à titre individuel voient dans les règles de tarification issues du décret précité du 1er août 2011 l’instrument d’une restructuration de leur secteur autour de cabinets ayant une taille critique suffisante pour être financièrement viables, sans que cette politique soit concertée ni assumée. Une telle évolution ne serait pas sans conséquence sur la relation entre les majeurs protégés et la personne chargée de leur protection, et pourrait modifier l’activité des mandataires judiciaires dans un sens moins altruiste et plus proche des activités classiques de gestion de patrimoine.

Quels que soient les buts recherchés par les pouvoirs publics dans l’aménagement du secteur tutélaire, ils doivent être clairement explicités.

 Au niveau local : améliorer l’articulation des acteurs

Le pilotage du dispositif de protection des majeurs étant éclaté au niveau local entre les services de l’État, les différents régimes de sécurité sociale, la justice et les départements, les relations des différents acteurs gagneraient à être clarifiées par des protocoles, à l’image de ce qui a été entrepris dans plusieurs départements. De tels protocoles pourraient ainsi utilement être conclus :

– entre les départements et les Parquets, pour clarifier l’articulation des mesures sociales et des mesures judiciaires de protection des personnes ;

– entre les financeurs des mesures de protection et les mandataires judiciaires, pour assurer l’information des financeurs sur les coûts supportés par les mandataires et éclairer ainsi leur discussion budgétaire annuelle.

De plus, selon la CNAF, les différents financeurs des mesures de protection gagneraient à étudier de façon collégiale les propositions budgétaires des services tutélaires soumises à leur avis avant approbation par le préfet. Une procédure collégiale présenterait en effet deux intérêts pour les financeurs : non seulement elle réduirait les risques de double paiement ou de mauvaise imputation des charges, mais un avis collégial aurait plus de poids que des avis séparés dans la discussion budgétaire arbitrée par le préfet.

d) Donner plus de clarté et d’équité au fonctionnement des mesures de protection des majeurs placés en établissement

 Clarifier la position des préposés aux tutelles en établissement

La situation des préposés aux tutelles dans les établissements de santé ou médico-sociaux pose deux types de problèmes :

– le préposé étant à la fois employé de l’établissement (et de ce fait subordonné à son directeur) et chargé des intérêts particuliers d’un des résidents, il peut se trouver en situation de conflit de loyauté ;

– on observe que les préposés aux tutelles gèrent souvent un nombre de dossiers très importants, parfois plus de 200, ce qui paraît difficilement compatible avec la recherche d’une relation de qualité entre le majeur et la personne chargée de sa protection.

Pour prévenir tout conflit d’intérêt, il paraît donc souhaitable :

– dans l’immédiat, de favoriser la mutualisation de la protection des majeurs entre plusieurs établissements, de façon à distendre les liens entre le protecteur de la personne et le directeur de l’établissement qui la prend en charge ;

– pour l’avenir, d’examiner la possibilité et l’opportunité de confier ces fonctions à d’autres personnes que des agents des établissements concernés.

 Rendre plus équitable le financement des mesures de protection juridique en établissement

L’article R. 314-182 du code de l’action sociale et des familles prévoit que lorsque les frais afférents aux charges de personnel du préposé aux tutelles d’un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) dépassent le prélèvement opéré sur les ressources des personnes protégées, le tarif journalier moyen afférent à l’hébergement peut être modulé par l’organisme gestionnaire afin de tenir compte de ce surcoût.

Ainsi, le financement des mesures de protection peut être imputé sur les forfaits d’hébergement des personnes, qui sont à la charge des résidents ou, le cas échéant, du département au titre de l’aide sociale, alors qu’en dehors des établissements, ces mesures sont financées par l’État ou les organismes débiteurs de prestations sociales. Cette situation est critiquable du point de vue de l’équité ; il convient d’y mettre un terme.

e) Améliorer le dispositif de contrôle des mesures de protection

 Instaurer un système de contrôles ciblés des comptes de gestion

Pour remédier aux défaillances du système actuel de contrôle des comptes de gestion, devenu virtuel faute pour les greffes de disposer de moyens leur permettant de vérifier systématiquement les comptes comme le prévoit le droit en vigueur, certains acteurs proposent d’instituer un système de contrôles ciblés. Ainsi, les contrôles pourraient porter chaque année sur un échantillon de dossiers, établi de façon à contrôler régulièrement différents mandataires judiciaires.

Les représentants des services tutélaires entendus par votre rapporteur se prononcent eux-mêmes pour la mise en place d’un tel système de contrôle, et font état d’expérimentations consistant à ce que des agents du Trésor renforcent ponctuellement les greffiers pour contrôler certains dossiers.

Pour votre rapporteur, un dispositif de contrôles ciblés des comptes de gestion sur des échantillons représentatifs, mené par les greffes des tribunaux renforcés par des agents ayant des compétences en matière de gestion financière, serait vraisemblablement plus efficace que le dispositif actuel.

 Établir une nomenclature comptable unique pour les comptes de gestion

L’Association française de lutte contre les abus tutélaires (AFCAT) a regretté devant votre rapporteur que faute de faire l’objet d’un cadre comptable organisé, les comptes de gestion tenus par les mandataires judiciaires soient parfois marqués par « un haut degré d’incurie comptable ».

Soumettre ces comptes de gestion à une nomenclature comptable unifiée permettrait en effet de rendre les pratiques des mandataires plus homogènes, ainsi que de faciliter la lecture de ces comptes par les majeurs, leur famille et les agents chargés de leur contrôle.

 Rendre plus transparente la comptabilité des organismes tutélaires

Devant votre rapporteur, tant les représentants de l’AFCAT que ceux de certains organismes tutélaires se sont prononcées pour un renforcement des obligations comptables des mandataires judiciaires, notamment en soumettant à une expertise comptable annuelle les organismes qui n’y sont pas tenus à ce jour.

Pour votre rapporteur, il importe en effet que les majeurs protégés et leurs familles puissent avoir confiance dans les mandataires, et une telle mesure serait de nature à leur apporter des garanties.

f) Élargir l’accès à la mesure d’accompagnement social personnalisé à des publics fragiles qui en sont aujourd’hui exclus

Pour être éligible à la mesure d’accompagnement social personnalisée, il faut percevoir certaines prestations sociales légales. L’Assemblée des départements de France regrette ainsi qu’en soient exclues les personnes âgées disposant de faibles retraites, les travailleurs à faibles revenus, les auto-entrepreneurs, les jeunes en premier emploi surendettés et, de façon générale, les personnes à faibles ressources.

Si ces publics peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de mesures d’accompagnement social lié au logement (ASLL) ou d’aide éducative et budgétaire (AEB), elles gagneraient à bénéficier de la démarche contractuelle d’accompagnement personnel qui fait le propre de la mesure d’accompagnement social personnalisée.

g) Publier le rapport annuel prévu par la loi du 5 mars 2007

Votre rapporteur juge très regrettable que le Gouvernement n’ait pas respecté l’obligation qui lui était faite par l’article 46 de la loi du 5 mars 2007, qui le chargeait de remettre au Parlement un rapport annuel dressant un bilan statistique de la mise en œuvre de la mesure daccompagnement social personnalisée ainsi que des évolutions du nombre de mesures de protection judiciaire des majeurs. Ce rapport devait permettre de connaître les coûts respectivement supportés par l’État, les organismes versant les prestations sociales aux majeurs protégés ainsi que les collectivités débitrices et, en cas d’alourdissement constaté des charges supportées par les départements, de dresser le bilan des compensations financières auxquelles l’État a procédé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition en commission élargie de Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État, et Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille (4), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sur le rapport de M. Christophe Sirugue, sur les crédits relatifs à la solidarité, et sur le rapport de M. Élie Aboud, sur les crédits relatifs au handicap et à la dépendance, lors de sa séance du mercredi 2 novembre 2011.

Article 32 : État B - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

La Commission examine l’amendement AS 1 de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis.

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis. Cet amendement fait suite à une question que j’ai posée à Mme Roselyne Bachelot-Narquin en commission élargie, et à laquelle les réponses apportées par la ministre ne me semblent pas satisfaisantes.

Il concerne l’action 1 du programme 106, pour laquelle le Gouvernement demande 10,62 millions d’euros contre 12,7 millions d’euros ouverts pour 2011. Sur ces 10,62 millions d’euros, 2 millions d’euros sont dédiés au financement de la carte « enfant famille » et 2,1 millions d’euros au planning familial. Il ne reste donc que 6,5 millions d’euros pour le financement des associations de soutien conjugal et familial et pour les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, ce qui expose ces structures à de profondes difficultés de financement, alors qu’elles font un excellent travail.

Je propose donc de rétablir pour elles le même niveau de dotations qu’en 2011, et de gager cette hausse en supprimant le prélèvement qu’il est proposé d’opérer sur les crédits de la solidarité en faveur du fonds interministériel de prévention de la délinquance. D’ailleurs, je n’ai toujours pas compris les raisons de ce prélèvement, sauf à considérer qu’il y a un lien entre pauvreté et délinquance, ce que je trouve très contestable.

Je propose également de revenir à la marge sur le transfert des crédits qui a été opéré des crédits de la solidarité vers ceux du handicap et de la dépendance. En effet, j’ai appris qu’en vertu d’un principe financier nouveau dit d’« auto-assurance », les crédits supplémentaires inscrits sur le programme « Handicap et dépendance » avaient été compensés par des baisses de crédits sur les autres programmes de la mission, notamment sur la dotation du Fonds national des solidarités actives, dont les ressources étaient pourtant censées être sanctuarisées. Je note d’ailleurs que cette ponction fait suite à d’autres prélèvements sur les ressources de ce Fonds : 25 millions d’euros ont été prélevés en 2011 sur le produit de sa ressource fiscale affectée, et selon les informations qui m’ont été fournies, les 50 millions d’euros que la ministre nous a annoncé vouloir confier à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) afin de soutenir les associations d’aide à domicile, seraient compensés par une baisse de la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je connais l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Quel est celui de notre collègue Élie Aboud ?

M. Élie Aboud, rapporteur pour avis. Mon avis est partagé. Je ne peux que saluer le soutien apporté aux associations d’aide à domicile, mais j’ignorais qu’il s’agissait mécaniquement d’un transfert de crédits au détriment du Fonds national des solidarités actives.

Mme Marianne Dubois. L’amendement passe sous silence le fait que la diminution des crédits de l’État aux réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents est compensée par les crédits que leur alloue la Caisse nationale des allocations familiales dans le cadre de sa convention d’objectifs et de gestion.

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser que la hausse des crédits destinés au programme « Handicap et dépendance » est bien compensée au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », notamment par un prélèvement sur la trésorerie du Fonds national des solidarités actives, et non par le fonds national d’action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales.

Mme Bérengère Poletti. Il faut rappeler ce qui a été fait dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en faveur de l’intervention d’associations de services à domicile auprès des familles en difficulté. En 2011, une mesure d’ajustement relative aux exonérations de charges sociales a créé des difficultés pour ces familles, à l’exception des personnes les plus vulnérables, qu’il s’agisse des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées. Dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons débloqué 25 millions d’euros pour faciliter l’accès des familles en difficulté aux services des associations intervenant à leur domicile, ce qui constitue un geste appréciable en faveur des familles concernées.

La Commission rejette l’amendement AS 1, puis émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tels qu’ils figurent à l’article 32.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 61 sans modification, puis elle est saisie de deux amendements AS 2 et AS 3 de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis.

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis. L’amendement AS 2 demande au Gouvernement de formaliser ses positions sur les questions posées par la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Il devait nous remettre un rapport annuel à ce sujet à compter de 2010 ; il ne l’a toujours pas fait. Or cela devient urgent, ne serait-ce que parce qu’il apparaît de plus en plus difficile de procéder d’ici le 31 décembre 2013 à la révision de toutes les mesures de protection juridiques prononcées avant 2009, comme l’impose la loi à peine de nullité de ces mesures.

L’amendement AS 3 demande au Gouvernement de dresser un bilan du dispositif du revenu de solidarité active et de présenter ses intentions en la matière et sur le taux de recours à ce dispositif. Je souligne d’ailleurs, comme l’a fait le président Pierre Méhaignerie, que le revenu de solidarité active est l’un des rares minima sociaux auquel certains bénéficiaires potentiels préfèrent renoncer.

Mme Marianne Dubois. Le rapport prévu par la loi du 5 mars 2007 nous sera remis avant la fin du mois de novembre : l’amendement AS 2 est donc en passe d’être satisfait.

Quant au revenu de solidarité active, il est régulièrement réévalué pour plus d’efficacité ; c’est d’ailleurs l’objet de la conférence nationale d’évaluation que la ministre organise en décembre prochain. L’amendement est donc satisfait.

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis. Qui peut le plus peut le moins : si le Gouvernement entend donner une suite favorable à mes demandes, autant adopter les amendements que je présente.

La Commission rejette l’amendement AS 2, puis adopte l’amendement AS 3.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis

Article 32

État B

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales

0

1 200 000

Actions en faveur des familles vulnérables

2 179 900

0

Handicap et dépendance

0

979 900

Égalité entre les hommes et les femmes

0

0

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

Dont titre 2

0

0

0

0

TOTAUX

2 179 900

2 179 900

SOLDE

0

Amendement n° AS 2 présenté par M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis

Après l’article 61

Insérer l’article suivant :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 août 2012, un rapport présentant les suites qu’il entend donner aux recommandations formulées par la Commission des affaires sociales dans le tome III de son rapport pour avis n° 3811 sur le projet de loi de finances pour 2012.

Amendement n° AS 3 présenté par M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis

Après l’article 61

Insérer l’article suivant :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 août 2012, un rapport évaluant le dispositif du revenu de solidarité active pour sa part financée par le fonds national des solidarités actives en application de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles. Ce rapport présente notamment :

– une évaluation du dispositif institué par l’article L. 242-7-1 du même code, des conditions dans lesquelles il a été mis en application et de l’opportunité qu’il y aurait à assouplir les critères d’éligibilité à ce dispositif ;

– une analyse du taux de recours au revenu de solidarité active par les personnes dont le foyer dispose de revenus professionnels ;

– les intentions du Gouvernement concernant l’évolution du revenu de solidarité active pour sa part financée par le fonds national des solidarités actives et sur l’évolution de la contribution de l’État à ce fonds.

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Association française contre les abus tutélaires (AFCAT) – M. Claude Petit, président

Ø Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT) – Mme Anne-Marie David, présidente et M. René Grimaud, membre du bureau fédéral chargé de la commission « financement »

Ø Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (FNMJI) – Mme Pierrette Maindron, présidente et Mme Sandrine Schwob, assistante juridique

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – Mme Agnès Brousse, chargée de mission et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

Ø Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) – M. Thierry Nouvel, directeur général

Ø Assemblée des départements de France (ADF) – M. Jean-Pierre Hardy, chef du service social, Mme Nathalie Alazard, conseillère technique et Mme Marylène Jouvien, attachée parlementaire

Ø Ministère de la justice et des libertés – M. Laurent Vallée, directeur des affaires civiles et du sceau

Ø Union syndicale des magistrats – M. Nicolas Léger, secrétaire national et M. Jean-François Zedda, membre du conseil national

Ø Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Philippe Didier-Courbin, adjoint à la directrice générale

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Bruno Grouès, conseiller spécial du directeur général, responsable du pôle lutte contre les exclusions

Ø Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – M. Sébastien Saldes, technicien conseil, Mme Mariette Daval, technicien prestations et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

© Assemblée nationale

1 () Conseil économique et social, « Réformer les tutelles », avis présenté par Mme Rose Boutaric, 2006.

2 () Cf. Avis n° 213 présenté par Mme Bernadette Dupont au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, février 2007.

3 () Rapport de la mission sur la maltraitance financière à l’égard des personnes âgées dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, fait par M. Alain Koskas, Mme Véronique Desjardins et M. Jean-Pierre Médioni pour M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, février 2011.

4 () Cf. compte-rendu de la commission élargie du 2 novembre 2011 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/commissions_elargies/cr/