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N° 3811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME VII

VILLE ET LOGEMENT

PRÉVENTION DE L’EXCLUSION ET
INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

Par M. Étienne PINTE,

Député.

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Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 47).

INTRODUCTION 5

I.- LE PROJET DE BUDGET POUR 2012 7

A. UN BUDGET TOUJOURS INSINCÈRE 7

1. Une stabilité des crédits en affichage 7

2. Une insincérité qui nuit à l’efficacité des politiques d’insertion 8

B. UN ARBITRAGE DES CRÉDITS AU DÉTRIMENT DES DISPOSITIFS D’URGENCE 10

1. L’action « Hébergement et logement adapté » 11

a) Les dispositifs d’hébergement d’urgence et de veille sociale apparaissent encore largement sous dotés 11

b) Les dispositifs développant des aides aux modes de logements adaptés voient leurs crédits préservés 15

2. Les autres actions 16

a) L’insécurité des financements de l’aide alimentaire 16

b) Les aides sociales : des dépenses contraintes insuffisamment dotées ? 17

c) Les crédits de conduite et d’animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale 18

II.- LES ALTERNATIVES À L’HÉBERGEMENT FINANCÉES PAR LE PROGRAMME 177 21

A. LES RÉSIDENCES SOCIALES 21

1. Les résidences sociales classiques 21

a) Un financement partiel du projet social par des crédits du programme 177 22

b) Les insuffisances des dispositifs actuels 23

2. Les pensions de famille 24

a) Des résidences sociales atypiques 25

b) Un bilan en demi-teinte 26

B. L’INTERMÉDIATION LOCATIVE 29

1. La mobilisation du parc privé via le dispositif « Solibail » 29

2. Un dispositif utile, mais perfectible 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 33

ANNEXES 35

ANNEXE 1 : INCERTITUDES SUR LES FINANCEMENTS DU PROGRAMME EUROPÉEN D’AIDE ALIMENTAIRE 35

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41

INTRODUCTION

Le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » connaît depuis de nombreuses années des dotations en loi de finances initiale systématiquement insincères. La loi de finances pour 2011 avait tenté de rompre avec cette habitude en rebasant partiellement les crédits sur les besoins effectivement constatés.

Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2012 ne fait que reconduire, à l’euro près, les crédits votés en 2011, alors que le Gouvernement sait déjà qu’ils seront insuffisants. En effet, il a annoncé, le 26 septembre dernier, l’octroi de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, afin de pouvoir finir l’année. Plus étonnant encore, il a précisé que l’abondement de fin d’année 2011 permettra non seulement de financer les besoins de l’exercice 2011, mais aussi d’assurer, par report de crédits, les premières dépenses de l’exercice 2012. Dans ces conditions, la stabilité de la dotation entre 2011 et 2012 relève de l’affichage et constitue un retour en arrière en terme de sincérité budgétaire.

Comme en 2011, les dispositifs d’hébergement d’urgence et de veille sociale sont significativement sous-dotés dans les prévisions budgétaires pour l’exercice 2012. À l’inverse, sont « sacralisés » les dispositifs entrant dans la stratégie gouvernementale privilégiant le « logement d’abord ». Au sein de ces dispositifs, la seconde partie du présent rapport s’intéresse plus spécifiquement aux alternatives à l’hébergement financées sur le programme 177 : d’une part, les résidences sociales et en particulier les pensions de famille, d’autre part, le recours au parc privé de logements via l’intermédiation locative.

Il apparaît contreproductif d’opposer l’hébergement et le « logement d’abord ». Les crédits du programme 177 étant intégralement fongibles, les insuffisances de crédits sur certains postes se répercutent sur les autres dispositifs. Tant que les dispositifs d’hébergement ne seront pas suffisamment dotés en loi de finances initiale, les dispositifs axés sur le logement resteront la variable d’ajustement. En effet, dans un contexte de pénurie de crédits, les dépenses « obligatoires » de mise à l’abri des personnes à la rue continueront à primer.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 97 % des réponses lui étaient parvenues.

I.- LE PROJET DE BUDGET POUR 2012

A. UN BUDGET TOUJOURS INSINCÈRE

1. Une stabilité des crédits en affichage

Au sein de la mission « Ville et logement », le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » est le seul à voir le montant total de ses crédits inchangé entre la loi de finances pour 2011 et le projet de loi de finances pour 2012 à 1 204 ,2 millions d’euros, ce dont il faut se féliciter.

 La reconduction d’une dotation 2011 déjà insuffisante à couvrir les besoins

La stabilité, à l’euro près, des crédits alloués au programme 177 ne permettra pas de couvrir les besoins. En effet, ce niveau est inférieur de 81 millions d’euros aux dépenses constatées en 2010 et de 91 millions d’euros à celles de 2009.

(en millions d’euros)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

Loi de règlement 2009

Loi de règlement 2010

Loi de finances 2011

Projet de loi de finances 2012

Crédits de paiement

1 295,23

1 285,15

1 204,17

1 204,17

D’ores et déjà, prenant acte de l’insuffisance des crédits pour 2011, le Premier ministre a reçu, le 26 septembre dernier, les associations d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans-abri ou mal logées pour leur annoncer le déblocage de crédits supplémentaires à hauteur de 75 millions d’euros en loi de finances rectificative à la fin de l’année 2011. Au cours de cet entretien, il a été indiqué que cette enveloppe supplémentaire devrait permettre de couvrir les besoins pour finir l’année en 2011, mais aussi de financer, par report de crédits, une partie des dépenses de l’exercice 2012. Selon les annonces gouvernementales, cette enveloppe de 75 millions d’euros serait ainsi répartie : 40 millions d’euros pour couvrir les besoins de 2011 et 35 millions d’euros en report de crédits pour 2012.

Pour l’année 2012, une majoration des crédits inscrits dans le projet de loi de finances (du montant de l’enveloppe qu’il est prévu de reporter en fin d’année 2011) aurait été plus simple et plus transparente. Votre rapporteur pour avis s’étonne que soient présentées à la représentation nationale des prévisions budgétaires tronquées de plusieurs millions d’euros, sans qu’elle puisse en appréhender ni le montant exact, ni même l’affectation.

 La pérennisation d’une pratique habituelle d’insincérité budgétaire

Le programme 177 est marqué depuis de nombreuses années par un fort décalage entre les crédits qui lui sont alloués en loi de finances initiale et les dépenses effectivement constatées en fin d’exercice. C’est au prix de vives tensions avec les associations que tous les ans des crédits supplémentaires sont débloqués en fin d’année (via des décrets d’avance ou en loi de finances rectificatives).

(en millions d’euros)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

2007

2008

2009

2010

Crédits de paiement

Loi de finances initiale

1 045,41

994,55

1 118,78

1 101,74

Exécution*

1 195,22

1 241,51

1 295,23

1 285,15

Taux d’exécution

114,33 %

124,83 %

115,77 %

116,65 %

*Hors dépenses de « primes de noël » pour les personnes aux minima sociaux.

En 2011, le Gouvernement entendait rompre avec cette habitude en affichant une volonté de rebaser les crédits au niveau des dépenses constatées. Malgré une augmentation significative des crédits en loi de finances initiale (+ 103 millions d’euros, soit une progression de 9,3 %), cet objectif n’a été qu’en partie atteint. En effet, il est de nouveau nécessaire cette année d’abonder les crédits en loi de finances rectificative, les associations ayant dû peser de tout leur poids pendant l’été pour se faire entendre. Depuis plusieurs années, le Gouvernement espère pouvoir contenir, voire restreindre, les dépenses d’hébergement d’urgence et prévoit une diminution des dotations pour ces dispositifs en loi de finances initiale. À l’inverse, il entend promouvoir des solutions plus pérennes qui favorisent une fluidité des parcours vers le logement. Toutefois, en dépit du nombre non négligeable de sorties des centres d’hébergement vers un logement et du développement des logements adaptés, les besoins en places d’hébergement restent plus importants que l’offre et, en exécution, le coût final des dispositifs d’urgence sociale se maintient à un niveau élevé.

2. Une insincérité qui nuit à l’efficacité des politiques d’insertion

 Le manque de visibilité des crédits

En l’absence de crédits budgétaires au niveau des besoins dès la loi de finances initiale, les services déconcentrés et les associations financées sur le programme 177 n’ont pas de visibilité sur les crédits dont ils pourront effectivement disposer pendant l’année.

Des progrès en terme de visibilité ont cependant été constatés pendant l’exercice 2011. Tout d’abord, les crédits de loi de finances initiale ont été, on l’a vu, partiellement rebasés au niveau des besoins. De plus, ces crédits ont été « prénotifiés » aux services déconcentrés de l’État en région plus tôt qu’à l’accoutumée, par une circulaire du 17 décembre 2010. Cette circulaire indiquait que, pour la première fois, l’intégralité des crédits serait déléguée en une seule fois et qu’il n’y aurait pas de « rallonge » en cours d’année. L’essentiel des crédits ont effectivement été délégués en février 2011, alors qu’en 2010 il y avait eu cinq délégations de crédits échelonnées sur l’année (neuf en 2009). Une circulaire du 3 mars 2011 a fixé des objectifs ambitieux de contractualisation entre l’État et les opérateurs du secteur fixant des dates précises pour la notification des crédits et l’échelonnement des versements de subventions.

Les associations ont constaté qu’en 2011 les dotations globales de fonctionnement finançant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) leur ont été notifiées plus tôt qu’habituellement, tandis que les conventions de subventions pour les dispositifs d’urgence ont été signées plus rapidement que par le passé. Malheureusement, la date de versement effective des fonds, essentiellement pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, a été plus tardive qu’en 2010 en raison de la mise en place, début 2011, du nouveau système d’information de la comptabilité de l’État (CHORUS), qui a considérablement retardé les paiements (d’environ deux mois) et a mis de nombreuses associations en déficit de trésorerie. Les agios bancaires occasionnés par ce retard ont pu être pris en charge par l’État. Pour les autres dispositifs du programme 177 (logement adapté, accompagnement dans et vers le logement), les notifications de subventions sont restées tardives. Par ailleurs, la contractualisation sur une base pluriannuelle dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens n’a pratiquement pas progressé en 2011.

Les crédits annoncés en loi de finances rectificative à la fin de l’année 2011 seront portés trop tardivement à la connaissance des associations, pour qu’elles puissent mettre en œuvre de nouveaux projets. Au mieux, les crédits supplémentaires viendront combler les déficits sur les dispositifs d’urgence, mais il sera trop tard pour mettre en œuvre des dispositifs pérennes. La direction générale de la cohésion sociale a l’intention de « prénotifier » les crédits prévus pour 2012 aux ordonnateurs secondaires de l’État en région dès la fin octobre 2011, y compris pour les reports de crédits de l’exercice 2011, ce qui est positif. Il est également prévu de renforcer la contractualisation avec les associations. À ce titre, un nouvel indicateur de performance est mis en place à compter de 2012, qui permettra de suivre le nombre de contrats effectivement signés.

 Les difficultés de gestion

Les dotations insuffisantes en loi de finances initiale rendent difficile la gestion des crédits, ce qui nuit à l’efficacité des politiques de lutte contre l’exclusion.

Contraints de gérer la pénurie de crédits, les services déconcentrés sont amenés à arbitrer entre les dispositifs en s’engageant avec parcimonie sur ceux nécessitant des financements pérennes, de manière à conserver une certaine marge de manœuvre en fin d’exercice pour pouvoir faire face à l’urgence en période hivernale. La fongibilité des crédits au sein du programme facilite cette pratique, mais elle se fait au détriment des dispositifs les plus structurants.

Faute de crédits suffisants en début d’exercice, les associations sont obligées de faire des choix au sein des différents dispositifs qu’elles proposent et de sacrifier leurs projets à long terme. En 2011, les conventions signées au printemps ont traduit la forte diminution des crédits sur les dispositifs d’urgence qui figurait dans la loi de finances initiale. À titre d’exemple, le Foyer d’accueil chartrain, association auditionnée dans le cadre du présent rapport, a été confronté à une diminution de ces crédits d’urgence « 115 » de 48 % par rapport aux crédits versés en 2010. Afin de ne pas supprimer des places d’hébergement, cette association a préféré restreindre ses actions d’accompagnement social dans et vers le logement. Dans l’hypothèse, assez peu probable, où des crédits supplémentaires lui seront accordés en fin d’année, il ne sera plus possible de mettre en place cet accompagnement. En définitive, les sommes qui seront allouées sur les dispositifs d’urgence en fin d’année vont essentiellement servir à couvrir les déficits des plus grosses associations, qui ont pu attendre les financements.

B. UN ARBITRAGE DES CRÉDITS AU DÉTRIMENT DES DISPOSITIFS D’URGENCE

Après avoir été modifiée en 2011, la maquette du programme 177 reste inchangée en 2012. Comme les années précédentes, l’action 12 « Hébergement et logement adapté » reste prépondérante et concentre près de 91 % des crédits alloués au programme.

Le tableau ci-après intègre les changements de maquette intervenus en 2011 en retraitant les chiffres de l’exécution des dépenses de l’exercice 2010.

(en millions d’euros)

Crédits de paiement

Exécution

LFI

PLF

2010

2011

2012

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », dont :

1 285,14

1 204,17

1 204,17

Prévention de l’exclusion

69,43

64,28

57,08

Hébergement et logement adapté

1 121,43

1 087,15

1 095,62

Aide alimentaire

28,44

22,49

22,59

Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale

26,42

15,95

14,78

Rapatriés

39,42

14,3

14,10

Toutes les données relatives à l’exécution des dépenses du programme en 2010 sont issues du rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement.

1. L’action « Hébergement et logement adapté »

La légère progression des crédits de cette action (+ 8,5 millions d’euros, soit une progression de 0,8 %) est essentiellement imputable à un rebasage partiel des crédits de veille sociale et à la progression des crédits alloués aux dispositifs de logement adapté.

a) Les dispositifs d’hébergement d’urgence et de veille sociale apparaissent encore largement sous dotés

Par volontarisme, le Gouvernement continue à favoriser les leviers de la politique du « logement d’abord » (accompagnement social, intermédiation locative, logement adapté), en maintenant les dispositifs d’urgence à des niveaux inférieurs aux besoins constatés.

 Les structures d’hébergement

Ces structures représentent environ 70 % des crédits de l’ensemble du programme 177. Les capacités d’hébergement ont fortement augmenté entre 2007 et 2010 (+ 22 % globalement) et l’objectif affiché par le Gouvernement est, depuis le budget 2011, de stabiliser le nombre de places. Cette stabilisation du nombre de places est discutable car elle intervient dans un contexte extrêmement tendu. D’une part, on assiste depuis 2009 à une fragilisation des publics en raison de la crise économique et de la crise du logement social. D’autre part, un nombre croissant de demandeurs d’asile n’ayant pas de place en centre d’accueil des demandeurs d’asile ou en centres d’hébergement d’urgence dédié à ce public (financés sur les crédits du programme « Immigration, asile et intégration ») font appel à l’hébergement d’urgence « inconditionnel » financé sur le programme 177. La direction générale de la cohésion sociale estime que les publics relevant de la problématique « droit d’asile » représentent environ 20 % des places en centre d’hébergement d’urgence.

Promouvoir le « logement d’abord », idée à laquelle votre rapporteur pour avis et la plupart des associations souscrivent, est un objectif de moyen et long terme qui ne doit pas se traduire, dans l’immédiat, par une contrainte sur le nombre de places en hébergement d’urgence. Actuellement les responsables de « 115 » ou de services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) font part d’un nombre très important de demandes d’hébergement auxquelles il n’est pas possible de réserver une suite favorable en raison du manque de places. Une enquête de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (FNARS), réalisée pendant l’été 2011, a indiqué que, sur une journée test du mois de juillet, deux tiers des demandes d’hébergement enregistrées ont donné lieu à un refus, faute de capacités. Une autre enquête, réalisée par l’Observatoire des « 115 » en période hivernale, sur une journée test de novembre 2010, a montré que plus d’un tiers des appels n’ont pas débouché sur une solution d’hébergement.

Nombre de places

Fin 2007

Fin 2008

Fin 2009

Fin 2010

PLF 2012

Centres d’hébergement d’urgence et centres de stabilisation (hors centres d’hébergement et de réinsertion sociale)

14 689

15 911

17 535

18 919

18 919

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale

36 184

38 159

39 442

39 540

39 442

Hôtels

9 198

10 377

13 025

15 016

15 016

Total

60 071

64 447

70 002

73 475

73 377

De plus, en prenant comme hypothèse une stabilité du nombre de places, les dotations prévues pour financer les structures d’hébergement risquent d’être insuffisantes.

Au titre des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de financer un nombre de places équivalent à celui de 2009 et de 2010 (autour de 39 500 places). Or les crédits alloués pour 2012 (613 millions d’euros) sont très inférieurs aux dépenses constatées pour ces structures aussi bien en 2009 (631,6 millions d’euros) qu’en 2010 (629,6 millions d’euros). De même, il est prévu de financer en 2012 un nombre de places en centres d’hébergement d’urgence (places en hôtels incluses) équivalent à celui de 2010 (environ 34 000 places). Or les dotations prévues pour 2012 (244 millions d’euros) sont très sensiblement inférieures aux charges enregistrées pour ces structures en 2010 (285 millions d’euros).

Par ailleurs, le plan d’humanisation des centres d’hébergement d’urgence mis en œuvre à compter de 2008 qui, à la fin de l’année 2010, avait déjà permis la rénovation de plus de 15 000 places d’hébergement (soit un peu plus d’un tiers du parc hors hôtels), entraîne une hausse du coût de fonctionnement de ces structures. En effet l’abandon progressif des dortoirs se traduit, à surface constante, par un nombre de places moins important, tandis que l’amélioration du confort a un coût. À titre d’exemple, la réhabilitation complète du centre d’hébergement d’urgence « le Refuge » géré par l’association « La Mie de pain » à Paris conduit à une diminution de 17 % du nombre de places offertes aux hébergés.

Compte tenu de son degré d’avancement, il n’y a pas d’économies substantielles à attendre du référentiel des coûts en 2012. Ce référentiel qui doit permettre d’uniformiser et de rationaliser les subventions versées aux organismes du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans-abri ou mal logées, est encore en cours de définition. L’étude nationale des coûts publiée en 2011, qui a permis d’identifier six « groupes homogènes de structures d’hébergement » différents, n’a pas encore débouché sur une évaluation fine des coûts qui pourrait servir de base à la tarification. Il est normal que cette opération complexe prenne du temps, afin d’établir un référentiel accepté par l’ensemble des acteurs. Les associations soutiennent cette démarche et reconnaissent la valeur de l’étude nationale des coûts réalisée avec le concours de certaines d’entre elles. Elles déplorent en revanche que les crédits d’urgence aient été drastiquement réduits début 2011, avant même que cette étude préalable à l’établissement du référentiel des coûts ait abouti.

On ne peut donc raisonnablement penser que le coût d’une place en hébergement diminuera sensiblement dès 2012. C’est pourquoi, à nombre de places constant, une cinquantaine de millions d’euros pourraient manquer pour couvrir les besoins des structures d’hébergement (une dizaine au titre des centres d’hébergement et de réinsertion sociale et une quarantaine pour les autres structures d’hébergement d’urgence).

Les sorties des centres d’hébergement vers le logement restent malheureusement minoritaires. Une fermeture trop drastique des places à la fin de la période hivernale conduit, dans de trop nombreux cas, à héberger à nouveau en novembre des personnes remises à la rue au printemps, ce qui est contreproductif en terme de fluidité des parcours vers le logement. En effet, le retour à la rue annihile les effets des mesures d’accompagnement social mises en œuvre pendant l’hiver et il faut de nouveau tout reprendre à zéro à l’automne. Tant que les mesures visant à développer les dispositifs de logement adapté et les logements sociaux n’auront pas produit les effets attendus, il est indispensable de maintenir les places en centres d’hébergement.

 La veille sociale

La veille sociale constitue le premier échelon de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées. Elle est chargée d’assurer l’accueil et l’orientation des personnes à la rue vers un hébergement ou un autre dispositif du secteur accueil, hébergement et insertion. C’est une étape essentielle pour connaître les publics à la rue et proposer l’orientation la plus pertinente possible. Les dispositifs financés au titre de la veille sociale comprennent les accueils de jour, les équipes mobiles et les Samu sociaux ainsi que les plates-formes d’accueil et d’orientation : écoutants « 115 », services d’accueil et d’orientation (SAO) et, depuis 2010, services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO).

Les crédits prévus pour la veille sociale, qui avaient été fortement sous-évalués dans la loi de finances pour 2011, progressent d’un tiers à 80 millions d’euros. Toutefois, ce niveau reste en deçà des dépenses constatées en 2010 (83,6 millions d’euros). Les accueils de jour, dont les missions principales sont d’accueillir et de proposer une aide matérielle (sanitaires, vestiaires, restauration …) aux personnes à la rue, sont dotés de 25,6 millions d’euros de crédits, en recul par rapport aux dépenses observées en 2010 (28,3 millions d’euros). Les équipes mobiles et les Samu sociaux, qui assurent les maraudes et les premiers secours, doivent être financées à hauteur de 18,5 millions d’euros (19,2 millions d’euros de dépenses effectives en 2010). Les écoutants, qui prennent en charge 24 heures sur 24 les appels au service téléphonique d’urgence « 115 », ont coûté 19,7 millions d’euros en 2010, alors que les dotations prévues pour les rémunérer en 2012 s’élèvent à 17,5 millions d’euros.

Les plateformes d’accueil et d’orientation (SAO et SIAO) sont dotées de 18,4 millions d’euros de crédits, pour une dépense constatée de 16,4 millions d’euros en 2010. La comparaison avec l’exercice 2010 n’est pas totalement pertinente, puisque les SIAO se sont mis en place au mieux à l’automne 2010, et, pour une bonne partie d’entre eux, au premier semestre 2011. Ces nouveaux services intégrés doivent, à terme, recueillir sur un périmètre défini (essentiellement départemental) l’ensemble des demandes d’hébergement et assurer une réponse adaptée. Ils doivent aussi centraliser des informations sur les publics et leurs besoins pour constituer une base de données nationale d’observation sociale actualisée en temps réel. Ces objectifs ambitieux leur confèrent un rôle essentiel dans la refondation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion.

Au 30 juin 2011, tous les départements se sont dotés d’au moins un service intégré. Une partie de ceux-ci (environ le tiers) remplit déjà son rôle, au moins pour la partie « urgence ». Pour les autres, une démarche de centralisation plus ou moins aboutie est en cours, mais dans de nombreux cas, les services intégrés ne sont qu’une structure balbutiante, surtout sur la partie « insertion » du dispositif. Plusieurs associations demandent une plus forte implication des services de l’État dans la mise en place des services intégrés afin de donner une légitimité à l’association porteuse et d’effectuer un arbitrage quand les opérateurs locaux ne réussissent pas à s’accorder sur les choix organisationnels. Les associations porteuses, parfois désignées d’office, s’estiment abandonnées et disposent de peu de moyens pour s’imposer face aux autres associations du secteur. Les données centralisées qui ont pu être obtenues sont, pour le moment, très partielles (ainsi des territoires aussi importants que Paris et la Seine-Saint-Denis n’ont pas encore transmis de données sur leur activité). Par ailleurs, la constitution d’une base nationale se heurte à la question de l’hétérogénéité des outils informatiques utilisés par les services intégrés. En effet, le logiciel dédié fourni par l’État n’est utilisé que par environ 30 % des services intégrés, qui lui préfèrent majoritairement le logiciel ProGdis (plus de la moitié des cas) ou d’autres solutions informatiques. Plusieurs associations porteuses sont assez sévères avec le logiciel fourni par l’État, ne l’estimant pas conforme à leurs besoins. Elles ne veulent pas être obligées de pratiquer une double saisie à la fois dans leur logiciel local et dans le logiciel « État ». La seule sortie par le haut de cette situation de blocage serait de créer une interface entre le logiciel ProGdis et le logiciel de l’État et d’imposer aux associations qu’elles choisissent l’un ou l’autre de ces outils informatiques. Les crédits accordés aux services intégrés sont sensiblement accrus (11,7 millions d’euros en 2012 contre 5,4 millions en 2011), ce qui devrait donner des moyens supplémentaires aux associations porteuses, mais ils doivent s’accompagner d’une forte implication de l’État pour que ces services soient opérationnels sur l’ensemble du territoire.

b) Les dispositifs développant des aides aux modes de logements adaptés voient leurs crédits préservés

Ces dispositifs hétérogènes permettent une diversification des solutions pour les publics ne pouvant accéder à un logement social de droit commun pour des raisons économiques et sociales. Ils comprennent les financements de solutions alternatives à l’hébergement, qui sont à proprement parler des logements adaptés : résidences sociales, pensions de famille et mobilisation du parc privé de logements via l’intermédiation locative. Ils incluent également les allocations pour les logements temporaires, qui financent des hébergements de court terme dans des logements diffus. Enfin, ils comprennent des financements dans le cadre de l’accompagnement social dans et vers le logement qui concernent l’ensemble des structures du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion.

 Le logement adapté est financé par trois dispositifs : l’aide à la gestion locative sociale pour les résidences sociales, la subvention de fonctionnement des pensions de famille et les aides à l’intermédiation locative. Ces dispositifs ne sont étudiés dans cette partie que sur le plan budgétaire, car ils feront l’objet de plus amples développements dans la seconde partie du présent rapport.

Au titre de l’aide à la gestion locative sociale, les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2012 (11 millions d’euros) sont ajustés aux dépenses enregistrées en 2010. Ils ne prennent donc pas en compte les résidences sociales créées en 2011 et 2012 qui pourraient être éligibles à cette aide.

Les crédits alloués aux pensions de famille s’élèvent à 66 millions d’euros (63 millions d’euros en 2011), ce qui permet de financer plus de 11 000 places. Compte tenu du rythme actuel d’ouverture du nombre de places, la dotation prévue devrait être suffisante.

Les sommes allouées à l’intermédiation locative (35 millions d’euros) sont très volontaristes car elles excèdent de plus de 20 millions d’euros les dépenses constatées pour ce dispositif en 2010 (14,5 millions d’euros). Il est envisageable que l’intégralité des crédits ne soit pas consommée. Outre la reconduction du dispositif d’intermédiation locative « Solibail », les crédits doivent aussi financer un projet expérimental appelé « un chez soi d’abord » visant à prendre en charge dans un logement individuel des personnes souffrant de troubles psychiatriques sévères (pour environ 1 million d’euros).

 L’allocation de logement temporaire est une aide financière accordée aux associations à but non lucratif et aux centres communaux d’action sociale qui ont conclu une convention avec l’État et qui logent, dans l’urgence et à titre temporaire, des personnes très défavorisées sans solution d’hébergement et qui ne peuvent bénéficier des aides au logement. Cette allocation est co-financée à parité par l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Les crédits prévus en 2012 au titre de cette allocation atteignent 34,6 millions d’euros. Ils sont sensiblement en deçà des crédits consommés en 2010 (38,4 millions d’euros) et devraient s’avérer insuffisants.

 L’enveloppe allouée à l’accompagnement social dans et vers le logement (12 millions d’euros) devrait suffire compte tenu des dépenses réalisées en 2010 (4,4 millions d’euros). Ces crédits doivent financer des mesures d’accompagnement social des personnes hébergées dans le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion dans le but de favoriser le plus rapidement possible les sorties réussies vers le logement. Ce dispositif récent, lancé en 2009, constitue un levier de la politique du « logement d’abord ». Il est effectivement très pertinent d’accompagner les personnes notamment dans les centres d’hébergement et les hôtels afin de ne pas prolonger au-delà du nécessaire les durées d’occupation de ces dispositifs temporaires. En 2011, un effort particulier a porté sur un accompagnement des personnes en hôtel avec, en Île-de-France, une évaluation systématique des nouveaux entrants.

Ce type d’accompagnement nécessite du temps pour être mis en œuvre et implique de sortir de la logique de l’urgence. Plusieurs associations s’estiment insuffisamment informées des modalités selon lesquelles elles pourraient obtenir des crédits d’accompagnement social dans et vers le logement. Ce dispositif, qui interfère souvent avec des crédits décentralisés (essentiellement ceux du Fonds de solidarité pour le logement), gagnerait à être clarifié, afin que les fonds alloués soient effectivement utilisés.

2. Les autres actions

D’un enjeu financier moindre, les crédits alloués aux autres actions du programme 177 connaissent des évolutions contrastées. Ils sont néanmoins tous en deçà des besoins constatés en 2010.

a) L’insécurité des financements de l’aide alimentaire

L’aide alimentaire au plan national vient en complément de l’aide communautaire du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). Elle revêt deux formes :

– l’achat auprès de France Agrimer de viande, fruits, légumes et huile pour être redistribués aux plus démunis, dans le cadre du programme national d’aide alimentaire, qui vient en complément du PEAD pour les denrées que le programme européen ne fournit pas (7,13 millions d’euros en 2010) ;

– une aide directe aux associations d’aide alimentaire au plan national (crédits centraux) et au plan local (crédits déconcentrés) à hauteur de 21,31 millions d’euros en 2010.

En 2010, le coût de l’aide alimentaire sur le programme 177 a atteint un total de 28,44 millions d’euros. Les crédits prévus pour 2012 au titre de cette aide (22,6 millions d’euros) ne couvriront donc pas les besoins.

Cette insuffisance de crédits pourrait être encore plus marquée, compte tenu des incertitudes actuelles qui pèsent sur les financements européens (cf. annexe 1). Le PEAD utilisait jusqu’à 2011 deux types de denrées : les surplus agricoles dans le cadre de la politique agricole commune et, pour compenser la raréfaction de ces derniers, l’approvisionnement sur les marchés. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 avril 2011 a prohibé le recours direct au marché, qui n’avait pas de base légale. Cette décision se traduit mécaniquement par une forte diminution des crédits d’aide alimentaire qui doivent être versés par le PEAD en 2012 (113 millions d’euros au lieu de 480 millions d’euros en 2011). Le manque à gagner pour les associations françaises d’aide alimentaire (banques alimentaires, Croix-rouge, Restos du cœur et Secours populaire) est de plus de 60 millions d’euros. Pour le moment, les négociations européennes n’ont pas débouché sur une solution acceptée par tous les États-membres. Une « renationalisation » de cette aide n’est pas totalement exclue, ce qui conduirait à une explosion des dépenses sur l’action « Aide alimentaire ».

b) Les aides sociales : des dépenses contraintes insuffisamment dotées ?

 Action « Prévention de l’exclusion »

Dotée de 57,08 millions d’euros, cette action finance des aides sociales et des mesures d’accès au droit.

Les allocations d’aide sociale versées par l’État aux personnes âgées et aux personnes handicapées sans domicile, constituent des dépenses obligatoires (articles L.111-3 et L.121-7 du code de l’action sociale et des familles). Restées à la charge de l’État, en dépit des compétences attribuées aux départements en matière d’aide sociale, elles financent essentiellement la prise en charge de frais d’hébergement dans des établissements et des services médico-sociaux d’accueil pour personnes sans domicile âgées ou handicapées. Les crédits prévus pour 2012 (37 millions d’euros au total, dont 22,9 millions pour les personnes âgées et 14,1 millions pour les handicapés) sont en deçà des charges enregistrées pour ces dispositifs en 2010 (41,4 millions d’euros).

Les crédits en faveur des gens du voyage couvrent principalement le fonctionnement des aires d’accueil, qui sont cofinancées à parité par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) sur la base d’un montant forfaitaire par nombre de places. Sont aussi financées des actions d’accès aux droits, de scolarisation ou de formations en direction des gens du voyage. Au total, 15,08 millions d’euros de crédits sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2012, en régression sensible par rapport à la loi de finances pour 2011 (18,2 millions d’euros). Ce niveau sera vraisemblablement dépassé car les dotations prévues ne couvrent même pas le coût des aires d’accueil constaté en 2010 (16,8 millions d’euros).

Le désengagement du programme 177 des points d’accueil et d’écoute des jeunes (PAEJ), entamé en 2011, est confirmé en 2012 puisque depuis 2010 les dotations allouées à ce dispositif ont été réduites de moitié (10,17 millions d’euros en 2010 contre 5 millions en 2012). Compte tenu de dépenses constatées en 2010 (8,09 millions d’euros), on peut se demander si des économies pourront effectivement être réalisées.

 Action « Rapatriés »

Les crédits prévus (14,1 millions d’euros) sont très inférieurs aux sommes effectivement décaissées en 2010 (39,42 millions d’euros).

Cette baisse attendue s’explique essentiellement par l’extinction prévue des versements en capital pour les bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance. En effet, l’article 9 de la loi du 23 février 2005 prévoit que les anciens supplétifs et assimilés, ainsi que leurs conjoints, ont le choix entre :

– une majoration de leur allocation trimestrielle,

– le maintien du niveau de l’allocation et un versement unique en capital de 20 000 euros,

– la suppression de l’allocation au profit d’un versement unique en capital de 30 000 euros.

La date limite pour le dépôt et l’examen des dossiers n’a pas cessé d’être repoussée, si bien que depuis plusieurs exercices, les dépenses au titre des sorties en capital excèdent toujours les prévisions budgétaires. Le Gouvernement indique qu’en 2012 ne subsisteront que les rentes.

L’aide au désendettement des rapatriés mise en place par le décret du 4 juin 1999 ne se voit pas allouer de crédits en 2012, ce dispositif étant déclaré achevé.

Il n’est pas aisé d’évaluer si les dotations seront suffisantes dans la mesure où il n’est pas exclu que des dossiers en instance demeurent et que les dispositifs qui devaient s’éteindre en 2011 soient de nouveau prorogés.

c) Les crédits de conduite et d’animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale

Faisant l’objet d’une action spécifique (dotée de 14,18 millions d’euros en 2012), ces crédits regroupent un ensemble de dispositifs hétérogènes dont le but est de mobiliser et coordonner les acteurs des politiques de lutte contre l’exclusion.

Sont financées en particulier les têtes de réseaux associatifs pour un montant prévisionnel de 5,4 millions d’euros (5,8 millions d’euros dans la loi de finances 2011), les fédérations de centres sociaux (0,4 million d’euros) et les outils d’évaluation et de gouvernance des dispositifs (1,4 million d’euros).

Sont aussi rattachés à cette action, les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire qui financent des postes d’animateur dans le cadre d’un projet social. Le fonctionnement et le financement de ce fonds sont plus longuement décrits dans la seconde partie du présent rapport.

La fongibilité des crédits dans le cadre d’un programme sous-doté conduit à ce que l’urgence, la sortie immédiate de la rue, continue de primer sur les autres dispositifs. Tant que programme 177 ne sera pas véritablement rebasé au niveau des besoins, l’augmentation des budgets alloués aux dispositifs pérennes risquera de demeurer du pur affichage.

II.- LES ALTERNATIVES À L’HÉBERGEMENT FINANCÉES PAR LE PROGRAMME 177

Le programme 177 finance un ensemble de structures et de dispositifs qui sont plus pérennes que les centres d’hébergement, mais diffèrent du logement social de droit commun en raison de leur durée d’occupation (généralement temporaire) et du public accueilli (personnes trop désocialisées ou n’ayant pas les ressources suffisantes pour accéder à un logement ordinaire). Les structures subventionnées dans ce cadre sont les résidences sociales, qui comprennent les pensions de famille. Par ailleurs, le programme 177 subventionne des actions d’intermédiation locative, qui permettent à des publics défavorisés d’accéder à un logement privé à un « tarif social ».

A. LES RÉSIDENCES SOCIALES

Les résidences sociales ont été créées en 1994 en modifiant la réglementation des logements-foyers (cf. articles R. 353-165 et suivants du code de la construction et de l’habitation).

Elles constituent un segment du logement social qualifié de logement adapté ou logement temporaire car leur finalité est de faire accéder les ménages au logement ordinaire le plus rapidement possible, à l’exception notable des pensions de famille, qui sont destinées à accueillir durablement des personnes fragiles.

Les résidences sociales ont pour objet d’offrir une solution de logement meublé à des personnes rencontrant des difficultés d’accès au logement ordinaire, pour des raisons économiques mais aussi sociales, et pour lesquelles un accompagnement social peut s’avérer nécessaire. Elles ont donc vocation à accueillir des publics très diversifiés. Il s’agit de structures semi-collectives, associant parties privatives (les logements sont meublés) et parties communes (incluant des services collectifs).

Il convient de distinguer, d’une part, les résidences sociales classiques, pour lesquelles le programme 177 finance uniquement le projet social de la structure et, d’autre part, les pensions de famille, pour lesquelles l’État subventionne au moins en partie les charges de personnel.

1. Les résidences sociales classiques

La dernière enquête exhaustive, datant du 1er janvier 2008, recensait 70 800 logements au sein des résidences sociales classiques (environ 51 000 au 31 décembre 2004). La direction générale de la cohésion sociale ainsi que l’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) estiment à environ 80 000 le nombre de logements en résidences sociales à la fin de l’année 2011.

Sous le terme de résidences sociales classiques sont regroupées trois catégories de résidences :

– les résidences créées ex nihilo depuis 1995 (23 % du parc) ;

– celles qui sont issues de la transformation de foyers de jeunes travailleurs (28 % des logements) ;

– celles qui résultent de la modification des foyers de travailleurs migrants (49 % du parc).

Les résidences sociales classiques sont financées en investissement sur le programme 135 « Développement et amélioration de l’offre de logement » du ministère du logement en prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), sur l’enveloppe annuelle déléguée aux régions. Le budget de fonctionnement est essentiellement couvert par les redevances versées par les résidents, par l’aide personnalisée au logement (APL) et par les subventions des collectivités locales.

a) Un financement partiel du projet social par des crédits du programme 177

Seul le projet social des résidences sociales classiques est susceptible d’être financé par le programme 177. Ce projet définit les publics accueillis, qui peuvent être très divers (personnes isolées, jeunes en insertion professionnelle, travailleurs migrants…) et précise les moyens à mettre en œuvre pour répondre à leurs besoins (retour à l’autonomie, accompagnement dans le parcours résidentiel ou aide à l’accès au logement de droit commun…). Deux dispositifs peuvent financer ce projet social : l’aide à la gestion locative locale et les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire

 L’aide à la gestion locative sociale (AGLS)

La gestion locative sociale permet d’assurer au sein de la résidence sociale l’accueil, la médiation, la liaison avec le comité de résidents, la garantie de l’accès des résidents à l’ensemble des services et dispositifs sociaux auxquels ils ont droit et de favoriser les relations des résidents avec les bailleurs. Créée en 2000, en partant du constat que ces fonctions spécifiques ne pouvaient pas être couvertes par les redevances des résidents, l’aide à la gestion locative sociale versée par l’État vient en complément des aides existantes, sans s’y substituer.

Toute résidence sociale peut prétendre à cette aide, mais son octroi n’est pas automatique. Elle est accordée par les services déconcentrés, après examen du projet social de la résidence sociale. Le montant de l’aide est calculé conformément à un barème plafond fixé en fonction du nombre de logements (1).

Les subventions versées au titre de l’aide à la gestion locative sociale se sont élevées à 10,92 millions d’euros en 2010.

 Les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP)

Créé en 1964, ce fonds finance des emplois de personnels permanents remplissant des fonctions d’animation et de gestion dans le cadre d’un projet social. Le gestionnaire de la résidence présente un projet de développement de son action, qui nécessite le recrutement d’un personnel permanent. L’État et les collectivités territoriales évaluent la demande sociale locale en concertation avec le FONJEP pour décider de leur adhésion au projet et l’attribution d’un « poste FONJEP ». Le fonds verse par avance et régulièrement au gestionnaire du foyer des fonds à partir d’un plan de financement négocié avec les différents financeurs (État, collectivités territoriales, organismes sociaux). En ce qui concerne l’État, les postes sont attribués pour une durée d’un an, reconductible deux fois. Il s’agit en fait d’une période triennale à l’issue de laquelle est opérée une évaluation.

Au sein des résidences sociales classiques, seuls les foyers de jeunes travailleurs sont susceptibles d’être bénéficiaires de crédits du FONJEP. Les sommes décaissées sur le programme 177 au titre de ce fonds atteignaient 9,24 millions d’euros en 2010. Seule une partie de ces subventions est affectée aux foyers de jeunes travailleurs (4,8 millions d’euros en 2010 (2)), puisque le FONJEP subventionne aussi d’autres associations du secteur social.

b) Les insuffisances des dispositifs actuels

Parmi les ressources des résidences sociales, l’aide à la gestion locative sociale reste modeste. Une étude de 2009 (3) portant sur les résidences sociales bénéficiant de cette aide indique que son montant par logement s’élève, en moyenne, à 161 euros par an. De même, les crédits du FONJEP ne constituent pas la principale recette finançant le projet social des foyers de jeunes travailleurs (ils couvrent environ 4 % de ce poste). Néanmoins ces dispositifs sont perçus par les gestionnaires comme essentiels à la vie de la structure. En effet, c’est le projet social qui permet aux résidences d’offrir davantage qu’un logement temporaire en accompagnant socialement les résidents. Ces activités d’accompagnement en lien avec le projet social apparaissent comme les plus difficiles à financer pour les résidences sociales. Ainsi, les foyers de jeunes travailleurs doivent autofinancer environ un tiers de ces charges. L’aide de l’État est donc tout à fait pertinente sur ces dispositifs.

 Des dispositifs insuffisamment dotés

Les financements des projets sociaux des résidences sociales classiques sur le programme 177 apparaissent sous-dotés.

Les crédits alloués au FONJEP ont été réduits de moitié dans la loi de finances pour 2011. Ce choix est confirmé pour 2012, avec un strict maintien de la dotation à 4,7 millions d’euros. Compte tenu de dépenses constatées de 9,24 millions d’euros en 2010 (10,45 millions d’euros en 2009), cette baisse drastique des crédits se répercutera sur la qualité des projets sociaux.

Un rebasage des crédits consacrés à l’aide à la gestion locative sociale est intervenu en 2010. Cette tendance est poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2012 puisque les crédits sont portés à 11 millions d’euros (10 millions en 2011). Cette apparente sincérité budgétaire masque le fait que plusieurs associations éligibles à cette aide ne la perçoivent pas, par manque de crédits pour ce dispositif. À titre d’exemple, l’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) a indiqué qu’en région Rhône-Alpes, la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale n’a reçu en 2010 qu’un peu plus de la moitié des crédits dont elle aurait eu besoin pour appliquer le barème aux résidences sociales éligibles à l’aide dans cette région. Une association auditionnée a même indiqué ne plus solliciter le bénéfice de cette aide, car elle sait qu’elle ne l’obtiendra pas faute de crédits. Enfin, il convient de rappeler que les barèmes de l’aide n’ont pas été revalorisés depuis 2000, date de sa création.

 Des inégalités entre les associations

Les gestionnaires de résidences sociales constatent des disparités territoriales entre les pratiques des différents départements. Ainsi, pour l’aide à la gestion locative sociale, l’étude de 2009 précitée indique que, dans certains départements, le plafond maximum du barème est systématiquement accordé, tandis que d’autres calculent un prorata en fonction du nombre effectif de logements. La même étude constate que les montants attribués au titre de l’aide sont rarement motivés.

Les associations sont par ailleurs unanimes à constater que les nouveaux projets sociaux sont rarement subventionnés. Il semblerait que les crédits au titre de l’aide à la gestion locative sociale et du FONJEP soient d’abord versés aux projets déjà en place, tandis que les nouveaux projets ne sont financés qu’à la marge, en fonction des sommes disponibles. Les gestionnaires de foyers de travailleurs migrants et de foyers de jeunes travailleurs estiment que cette situation retarde les changements de statut des foyers qui ne se sont pas encore transformés en résidence sociale. En effet, la perspective de percevoir l’aide à la gestion locative sociale était très incitative pour les foyers désirant se transformer en résidence sociale. Parallèlement l’État a signé récemment des conventions avec les foyers pour créer de nouvelles places, mais l’insuffisance de crédits décourage les initiatives.

2. Les pensions de famille

La création des pensions de famille est née principalement du constat, partagé par de nombreux intervenants des dispositifs d’hébergement et d’insertion, de l’impossibilité de répondre aux besoins de certains publics dans le cadre des dispositifs classiques d’hébergement et de logement social, en dépit de la diversité des formules proposées. Tel est notamment le cas des personnes ne supportant pas les contraintes de la vie collective en foyer mais n’étant pas à même pour autant d’assumer complètement la solitude et l’autonomie de la vie dans un logement totalement indépendant. Le concept de « pensions de famille » est ainsi apparu comme une solution intermédiaire, préservant une certaine autonomie dans le logement tout en proposant une forme de convivialité.

a) Des résidences sociales atypiques

 Les spécificités des pensions de famille

Expérimentée à compter de 1997, la pension de famille (également nommée « maison-relais » entre 2002 et la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009) constitue une modalité particulière de résidence sociale définie par une circulaire du 10 décembre 2002. Elle repose sur l’idée d’associer un habitat personnel privé à une part de vie collective autour des échanges classiques et ordinaires de la vie familiale ou de groupe, en s’appuyant en particulier sur des locaux collectifs ou à usage commun.

L’objectif est de développer un habitat durable, sans limite de temps prédéfinie, permettant aux résidents de vivre dans un lieu d’habitation stable et adapté à leur situation tant que celle-ci le nécessite. L’absence de condition de durée de résidence constitue la principale originalité des pensions de famille.

De dimensions plus modestes que la majorité des résidences sociales classiques (entre dix et vingt-cinq logements en général), les pensions de famille sont des structures généralistes qui ne sont pas réservées à un public particulier, mais ont vocation à assurer une mixité sociale et générationnelle des personnes accueillies. Le public ciblé est défini par la circulaire de 2002 comme « les personnes à faible niveau de ressources, dans une situation d’isolement ou d’exclusion lourde, et dont la situation sociale ou psychologique, voire psychiatrique, rend impossible à échéance prévisible leur accès à un logement ordinaire ».

Il existe néanmoins une catégorie de pensions de famille qui déroge à cette règle de mixité : il s’agit des résidences accueil, qui sont spécifiquement dédiées aux personnes souffrant de troubles psychiques. Elles concernent les personnes, de plus en plus nombreuses, qui connaissent des problèmes d’accès au logement ordinaire en raison de leurs troubles. Expérimentées en 2006, ces pensions de familles qui bénéficient d’un accompagnement social et sanitaire renforcé afin de répondre aux besoins spécifiques des publics accueillis, ont été généralisées à compter de 2010. À la fin de l’année 2010, elles offraient environ 1 200 places. Les résidents des résidences accueil sont également suivis, pour l’accompagnement social, par les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou les services d’accompagnement médico-social des adultes handicapées (SAMSAH) et, pour les soins, par les services de santé psychiatriques.

La structure des pensions de famille est très variable : immeuble bourgeois, ancien foyer reconverti, réseau de logements en diffus avec un espace de vie collectif … La pension de famille peut être isolée ou bien faire partie intégrante d’un projet immobilier associant logements sociaux, foyers de travailleurs ou résidences pour étudiants. Le statut de pension de famille permet par conséquent d’expérimenter des formes innovantes de logement adapté.

Enfin, les pensions de famille s’appuient sur la présence d’un hôte (ou d’un couple d’hôte) qui assure des fonctions d’accueil, d’animation, de régulation, de veille, de coordination et de gestion du fonctionnement, selon les situations et l’organisation de la pension. Il s’agit d’un interlocuteur expérimenté et qualifié qui assure l’écoute et le conseil au quotidien et participe à la convivialité de la structure.

 Des financements dédiés sur le programme 177

À l’instar des autres résidences sociales, les pensions de famille sont financées en investissement par le programme 135 (prêts locatifs aidés d’intégration) et en fonctionnement par l’aide personnalisée au logement, les redevances versées par les résidents ainsi que les éventuels co-financements obtenus principalement auprès des collectivités locales.

Contrairement aux autres résidences sociales, elles ne sont pas éligibles à l’aide à la gestion locative sociale, mais bénéficient d’une participation de l’État au financement de la rémunération de l’hôte ou du couple d’hôtes. Le montant de cette subvention de l’État est fixé à 16 euros par jour et par résident depuis 2008, ce qui a représenté une dépense de 47,7 millions d’euros en 2010.

b) Un bilan en demi-teinte

 Une structure innovante qui répond à un besoin

Les associations sont unanimes à reconnaître l’apport des pensions de famille en terme d’alternative à l’hébergement, même si certaines reconnaissent avoir eu quelques réticences au départ, car elles craignaient que ces structures nouvelles ne servent qu’à désengorger les centres d’hébergement et de réinsertion sociale en devenant un « habitat par défaut ».

La mixité sociale et générationnelle est unanimement louée pour ces structures. Elle est d’abord considérée comme une richesse car elle favorise une resocialisation des résidents. Elle est aussi mise en avant comme un moyen de diversifier les sources de financement. Les associations pensent en revanche que, pour les personnes présentant des troubles psychiques, l’existence des résidences accueil est tout à fait pertinente, ces publics étant difficiles à prendre en charge dans une pension de famille classique. Majoritairement, elles ne souhaitent pas aller au-delà en matière de spécialisation des pensions de famille en fonction des publics accueillis. Certaines d’entre elles s’interrogent néanmoins sur le public spécifique des personnes âgées et se demandent si des pensions de famille axées sur ces populations ne pourraient pas constituer un logement intermédiaire entre le logement autonome et l’établissement de fin de vie.

Contrairement à ce que certaines associations redoutaient, l’accueil sans condition de durée n’a pas conduit à une rapide embolie des pensions de famille. Le caractère durable de logement est un élément sécurisant pour le résident, qui a parfois connu de nombreuses années d’hébergement plus ou moins précaire avant d’être accueilli en pension de famille. Cette stabilité est un des atouts majeurs de ce type de résidence sociale. Cependant, une fluidité vers le logement de droit commun existe. Ainsi, pour certains publics, les pensions de famille peuvent constituer un tremplin vers un logement ordinaire. Toutefois, plusieurs associations soulignent que les pensions de famille doivent avant tout être considérées comme des logements et que la sortie vers un logement de droit commun ne correspond pas forcément aux besoins de tous les résidents accueillis.

 Un développement du nombre de places moins rapide que prévu

Dans le cadre du chantier national prioritaire et de la refondation du dispositif d’accueil d’hébergement et d’insertion, les pensions de famille ont constitué un des outils les plus fortement mis en avant par la politique gouvernementale visant le « logement d’abord ». Ainsi le plan d’action renforcé en faveur des sans-abri (PARSA) a fixé, dès 2007, un objectif de 12 000 places en pensions de famille. Le plan de relance de l’économie a porté cet objectif à 15 000 places à l’horizon 2011.

Les objectifs sont loin d’être atteints puisque la direction générale de la cohésion sociale ne prévoit pas plus de 11 000 places ouvertes à la fin de l’année 2011. Cette estimation semble optimiste compte tenu du net ralentissement de la croissance du nombre de places (il a progressé de 64,5 % entre fin 2007 et fin 2008 pour une croissance de 16,5 % seulement entre fin 2009 et fin 2010). L’objectif de 15 000 places en pensions de famille semble donc difficilement atteignable à court terme.

 

Fin 2007

Fin 2008

Variation sur un an

Fin 2009

Variation sur un an

Fin 2010

Variation sur un an

Fin 2011*

Nombre de places en pensions de famille

3 799

6 249

64,5 %

7 909

26,5 %

9 212

16,5 %

11 000

* Estimation de la direction générale de la cohésion sociale.

Les fédérations et associations auditionnées dans le cadre de ce rapport ont fait part d’un sentiment d’essoufflement du dispositif, ce que semblent corroborer les chiffres. Les associations gestionnaires de pensions de famille sont unanimes à déplorer une insécurité sur les financements qui se traduit au mieux par de l’attentisme pour ouvrir de nouvelles places, au pire par l’abandon de projets en cours de réalisation.

En investissement, les associations font part de difficultés à boucler les financements. Les subventions dans le cadre des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) prennent insuffisamment en compte les parties communes, qui représentent en moyenne le quart des surfaces utiles des pensions de famille. Les financements des collectivités locales tendent eux aussi à fixer un tarif par logement, sans prise en compte des espaces collectifs. La mobilisation des ressources au titre du 1 % logement n’est pas aisée, car les personnes au profit desquelles les collecteurs entendent réserver des logements ne correspondent pas au public des pensions de famille. Pour favoriser la création de pensions de famille il conviendrait de mieux flécher les crédits PLAI vers ces dispositifs et de majorer le taux de subvention à 35 % (voire 50 % en absence de financement des collectivités locales) comme le préconisait déjà en 2008 le rapport de M. Michel Pélissier sur la mise en œuvre du programme des pensions de famille (4). La baisse des aides à la pierre prévue dans le budget 2012 ne semble malheureusement pas aller dans ce sens.

En fonctionnement, les gestionnaires de pensions de famille font également état d’obstacles pour équilibrer les budgets. Ils constatent tout d’abord que la petite taille des pensions de famille rend difficile la réalisation d’économies d’échelle. L’indexation des redevances versées par les résidents sur l’indice de référence des loyers (IRL) pose problème à certaines associations qui souhaiteraient voir le coût des fluides (eau, chauffage, électricité) pris en compte dans un nouvel indice composite.

Le financement spécifique aux pensions de famille sur le programme 177, la subvention forfaitaire par résident et par jour, présente également certains défauts. Le montant forfaitaire de 16 euros est jugé suffisant par la plupart des associations auditionnées, même si certaines déplorent qu’il n’ait pas été actualisé depuis 2007. Ce montant est néanmoins jugé insuffisant dans le cas des résidences accueil, en raison du public spécifique accueilli qui nécessite un encadrement humain et un accompagnement social renforcé. De plus, les associations s’accordent sur le fait que le montant de 16 euros doit être respecté pour que la pension de famille soit viable.

Or, plusieurs associations ont indiqué qu’actuellement la subvention forfaitaire ne peut pas être considérée comme acquise par des opérateurs souhaitant créer des pensions de famille. Certains projets ont dû être soit différés, soit abandonnés faute de financement de l’État en fonctionnement. L’association ADOMA, qui gère actuellement vingt pensions de famille a par exemple vu deux de ses projets de pension de famille échouer (l’un à Reims, l’autre à Strasbourg) suite au refus des services préfectoraux d’accorder les subventions de fonctionnement. De même, l’association « Habitat et humanisme » a été contrainte de limiter le nombre de places dans la pension de famille qu’elle comptait ouvrir en 2011 au Puy en Velay, car les services déconcentrés ne pouvaient pas financer, en fonctionnement, le nombre de places prévues. Dans d’autres cas, il apparaît que les services préfectoraux proposent une subvention par place inférieure à 16 euros. ADOMA a constaté que plusieurs directions départementales de la cohésion sociale ont attribué des montants largement en dessous du forfait de 16 euros (5). Cette situation est d’autant plus paradoxale que les crédits prévus en loi de finances au titre des pensions de famille ne sont, jusqu’à présent, jamais intégralement consommés, en raison du retard du développement du parc. Il semble donc que les pensions de famille soient pénalisées par la fongibilité des crédits du programme 177. En effet, les services déconcentrés continuent, par prudence, à réserver une partie des crédits, afin d’être assurés de pouvoir assumer les dépenses obligatoires d’hébergement d’urgence en fin d’exercice. Cette incertitude sur le financement pérenne des pensions de famille n’est pas de nature à inciter les opérateurs à ouvrir de nouvelles places. La confiance ne pourra être restaurée qu’à la condition qu’un véritable rebasage des crédits d’urgence soit effectué, ce qui n’est pas encore le cas pour le projet de loi de finances pour2012.

B. L’INTERMÉDIATION LOCATIVE

Face à la pénurie de logements sociaux, la mobilisation du parc privé pour des publics défavorisés est devenue une alternative emblématique de la nouvelle stratégie nationale privilégiant le « logement d’abord ».

1. La mobilisation du parc privé via le dispositif « Solibail »

Engagé en 2008 et renforcé dans le cadre du plan de relance de l’économie, le programme d’intermédiation locative « Solibail » permet à des personnes qui ne pourraient par assumer un logement social de droit commun d’accéder à un logement du parc privé. Au départ, limité à la petite couronne francilienne, ce programme a été progressivement élargi, pour concerner l’ensemble du territoire en 2011.

Les logements concernés sont loués à des propriétaires privés selon deux formules :

 La location/sous-location

Le propriétaire confie son logement à bail à un opérateur, généralement associatif, qui lui garantit le paiement du loyer et des charges. L’opérateur s’occupe des petites réparations locatives, de la remise en l’état du bien à l’issue du bail, du choix du sous-locataire et de la relation avec le ménage logé. Le bail est de courte durée : trois mois, renouvelable par tacite reconduction, avec un maximum de dix-huit mois. Le propriétaire peut bénéficier d’un avantage fiscal sur les revenus tirés des loyers des logements conventionnés allant de 30 % (logement intermédiaire) à 60 % pour les logements sociaux ou très sociaux, voire 70 % dans les zones « tendues » (dont le périmètre est défini par un arrêté du 29 avril 2009).

 Le mandat de gestion

Le locataire et le bailleur sont liés par un bail de droit commun. Seule la gestion locative est confiée à un tiers, en général une agence immobilière à vocation sociale. Le bail initial est d’une durée minimale de trois ans et la durée d’occupation n’est pas limitée a priori. Le propriétaire bénéficie d’une déduction fiscale de 60 % pour les logements sociaux et très sociaux.

Ces formules ne sont pas totalement nouvelles. Ainsi la gestion locative adaptée par le biais d’une agence immobilière à vocation sociale existe depuis 1992. De même, la Ville de Paris, avec l’opération « Louez solidaire », pratique depuis plusieurs années une forme d’intermédiation locative très proche du dispositif « Solibail ».

L’innovation majeure est la prise en charge financière par l’État de tout ou partie de frais liés à la gestion du logement. Quelle que soit la formule adoptée, sont pris en charge (forfaitairement ou au coût réel plafonné) les frais de prospection immobilière, les charges de gestion locative et l’accompagnement social des occupants. Pour la location/sous-location, est également pris en charge le différentiel entre le montant du loyer et charges payées par l’association et celui à la charge du sous-locataire.

En contrepartie, les associations ne peuvent pas choisir le ménage à loger, puisqu’il est désigné par les services préfectoraux. De plus, il leur incombe de s’occuper du relogement des occupants à la fin du bail.

2. Un dispositif utile, mais perfectible

« Solibail » a permis de reloger de nombreux ménages et de sortir des centres d’hébergement et des hôtels des personnes n’ayant pas vocation à y résider. À la fin de l’année 2010, 2 650 logements avaient été pris à bail dans ce cadre, (plus de 5 500 personnes logées) ce qui équivaut à 53 % de l’objectif de 5 000 logements gérés en « Solibail » fixé par le plan de relance de l’économie de 2009. Ce dispositif est particulièrement profitable aux familles avec enfants, pour lesquelles les hôtels et les centres d’hébergement sont des solutions peu adaptées. Une enquête de la Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL) réalisée en avril 2011, portant sur l’ensemble des logements pris en intermédiation locative par les associations adhérentes de la région Rhône-Alpes, indique que près de 60 % des logements sont occupés par un ménage avec enfants.

La formule de la location/sous-location, qui est plus avantageuse pour le propriétaire (déduction fiscale pouvant aller jusqu’à 70 %, baux plus courts, différentiel de loyer pris en charge par l’État) est celle qui rencontre le plus de succès (elle représente environ 80 % des conventions « Solibail »). L’enquête de la FAPIL précitée indique par ailleurs que les loyers perçus par les propriétaires en cas de sous-location sont sensiblement supérieurs à ceux encaissés dans le cadre du mandat de gestion. Les associations craignent que cette formule ne devienne la norme, car, à court terme, c’est la solution la plus efficace pour sortir les publics des centres d’hébergement d’urgence.

Or, la location/sous location est une solution beaucoup plus coûteuse pour l’État (environ 8 000 euros par logement, soit le double du coût moyen d’un logement géré en mandat de gestion). C’est également une formule plus précaire (dix-huit mois au maximum) et moins structurante pour l’occupant. Les associations estiment que la durée maximale de dix-huit mois non reconductible n’est pas toujours suffisante et déplorent de devoir supporter intégralement la charge du relogement des familles à la fin du bail. Cette sortie du dispositif n’est pas aisée dans la situation actuelle de pénurie de logements sociaux et en absence d’accord spécifique avec les bailleurs sociaux. La même enquête de la FAPIL, réalisée dans une région où la situation du logement social est moins tendue qu’en l’Île-de-France, montre qu’environ un quart des ménages logés dans le cadre de la sous-location a quitté le dispositif sans accéder à un logement de droit commun. Les associations souhaiteraient que l’État s’engage davantage dans le relogement, comme le fait la Ville de Paris dans le cadre de l’opération « Louez solidaire ».

Sur le plan financier, plusieurs associations ont fait part de tensions liées à la vacance des logements. En effet, la désignation des ménages à loger par les services préfectoraux peut prendre du temps (avec notamment l’organisation de commissions d’attribution) et le forfait prévu pour couvrir les frais de vacance n’est pas suffisant. De même le forfait pour les impayés ne protégerait pas suffisamment l’association si l’occupant ne paie pas pendant plusieurs mois. En effet, la garantie des risques locatifs réformée en 2009 ne couvre toujours pas les sous-locations. Enfin les sommes versées au titre de l’accompagnement social ne seraient pas suffisantes pour un suivi de qualité (un accompagnateur social suivrait environ trente dossiers en Île-de-France). Cet accompagnement est essentiellement axé sur le logement, tandis que les autres composantes de l’accompagnement social, qui incombe aux collectivités locales, varient fortement en fonction des territoires.

Certaines associations regrettent aussi un manque de souplesse du dispositif. Il a été plusieurs fois évoqué l’impossibilité dans le cadre de « Solibail » de prévoir des mécanismes de baux glissants, qui permettent au-delà d’une certaine durée, de sortir du dispositif de la sous-location pour obtenir un bail de droit commun. Elles souhaiteraient par ailleurs que les dispositifs d’intermédiation « hors Solibail » soient davantage protégés en terme de garantie des risques locatifs, car dans ces cas, c’est l’association qui supporte l’intégralité des risques.

Enfin le dispositif souffre d’un manque de notoriété. Il gagnerait à bénéficier d’une campagne d’information à grande échelle telle que la pratique « Louez solidaire ». À titre d’exemple, « Habitat et humanisme » a lancé en décembre 2009 une campagne intitulée « Un toit pour 1000 familles » afin d’informer les propriétaires des différentes possibilités d’intermédiation locative offertes par l’association. Grâce à cette opération de communication, environ 300 logements par an sont pris à bail au profit des plus démunis.

Depuis que notre droit a reconnu, en 2009, un droit à l’hébergement, il convient d’assurer au minimum « un toit pour tous ». La diversification des formules d’accueil des personnes sans-abri ou mal logées est une nécessité pour que les dispositifs s’adaptent au mieux aux besoins des différents publics accueillis. Les résidences sociales et les formules d’intermédiation locative sont l’un des moyens pour personnaliser les parcours. Mais l’innovation doit être davantage encouragée. Ainsi, votre rapporteur pour avis déplore que plusieurs des projets, qui avaient été sélectionnés en 2009 en raison de leur caractère innovant, n’aient pas vu leurs subventions pérennisées, ce qui a mis les associations en difficulté.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition en commission élargie de MM. Maurice Leroy, ministre de la ville, et Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement (6), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2012 du programme 177 de la mission « Ville et logement » sur le rapport de M. Étienne Pinte sur les crédits relatifs à la prévention de l’exclusion et l’insertion des personnes vulnérables.

Article 32 : État B - Mission « Ville et logement »

M. le président Pierre Méhaignerie. Je demande l’avis du rapporteur pour avis sur les crédits du programme 177 pour 2012.

M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis. Je donne un avis favorable à l’adoption de ces crédits, sous réserve des points que j’ai évoqué dans les questions que j’ai posées aux ministres.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 177 de la mission « Ville et logement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 32.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

INCERTITUDES SUR LES FINANCEMENTS DU PROGRAMME EUROPÉEN D’AIDE ALIMENTAIRE

ANNEXE 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Foyer d’accueil chartrain Mme Audrey Gerbaud, présidente

Ø Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (FAPIL) – M. Jean-Michel David, délégué général

Ø Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) – M. Jean-Marie Oudot, vice-président, et M. Gilles Desrumaux, délégué général

Ø Direction générale de la cohésion sociale – Mmes Sabine Fourcade, directrice générale, Cécile Guyader-Berbigier, sous-directrice des affaires financières et de la modernisation et Catherine Lesterpt, sous-directrice adjointe de l’inclusion sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Claude Chaudières, animateur du groupe « prévention hébergement logement » et Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique emploi/logement, pôle lutte contre les exclusions

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – M. Matthieu Angotti, directeur général, et M. François Bregou, responsable du service analyse stratégique et partenariats

Ø Fédération « Habitat et humanisme » – M. Bernard Devert, président

Ø Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNAHJ) – M. Patrick Quinqueton, président, et Mme Nadine Dussert, directrice générale

Ø M. Alain Régnier, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées

© Assemblée nationale

1 () 11 500 euros par an pour les résidences ayant moins de 50 logements, 19 000 euros pour celles entre 50 et 100 logements et 22 9000 euros au-delà de 100 logements.

2 () Source : Union nationale pour l’habitat des jeunes.

3 () L’aide à la gestion locative sociale dans les résidences sociales – Recherche sociale – Automne 2009.

4 () Michel Pélissier – Mission d’appui pour la mise en œuvre du programme des maisons-relais – Mai 2008.

5 () 15 euros en Indre-et-Loire, 14,3 euros dans les Ardennes, 14 euros en Haute-Vienne, 10,3 euros en Eure-et-Loir et 8,8 euros dans le Maine-et-Loire.

6 () Cf. compte-rendu de la commission élargie du 2 novembre 2011 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/commissions_elargies/cr/