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Débats de la séance

Compte rendu
intégral

Commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Commission élargie

mercredi 18 juin 2008 :

Projet de loi de réglement des comptes et rapport de gestion pour 2007

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales, Développement agricole et rural

Présidence de M. Didier Migaud

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La séance est ouverte.

(La séance de la commission élargie est ouverte à onze heures quinze.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En l’absence de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, qui se trouve aux côtés du Président de la République aux cérémonies du Mont-Valérien, M. Serge Poignant, vice-président de la commission, et moi-même, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, avons le plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, au sein de cette commission élargie relative à l’exécution du budget 2007 de la mission Agriculture.

En effet, l’Assemblée nationale ayant souhaité consacrer plus de temps à l’exécution du budget, la Conférence des présidents a décidé de procéder à l’examen des rapports annuels de performances dans le cadre de commissions élargies qui permettent d’échapper au formalisme de la séance publique en instaurant un vrai dialogue entre ministres et députés au moyen de questions et de réponses aussi directes les unes que les autres.

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous prêter à cet exercice.

M. Marc Le Fur supplée aujourd'hui M. le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Nicolas Forissier, qui a préparé une note de présentation résumant les principales appréciations qu’il porte sur l’exécution de votre mission. Notre discussion ne sera donc précédée d’aucun discours préliminaire et commencera directement par les questions, l’objet de notre échange étant évidemment d’apprécier dans quelle mesure, en 2007, la performance de la politique agricole a été conforme aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement. Après M. Marc Le Fur, c’est M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques qui prendra la parole, avant que la discussion ne s’engage avec les députés présents.

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je tiens seulement à m’associer aux propos de M. le président de la commission des finances et à remercier, à mon tour, M. le ministre d’être venu participer ce matin à cette commission élargie. Le président de la commission des affaires économiques et moi-même y voyons un double intérêt : d’une part, la commission s’est beaucoup impliquée dans le contrôle de l’exécution de la loi de finances, qui fait pleinement partie de ses attributions, et le cadre des commissions élargies lui paraît plus favorable que celui de la séance publique ; d’autre part, je me félicite que l’agriculture figure au nombre des commissions élargies car cette mission est une préoccupation majeure des membres de la commission économique, qui compte en son sein de nombreux élus de circonscriptions rurales.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je rappelle que nous examinerons, le lundi 30 juin, en séance publique, le projet de loi de règlement. Plusieurs missions seront examinées, ce jour-là, au cours de la séance du soir.

M. Marc Le Fur, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Nicolas Forissier.

Dans son rapport, il déplore la sous-budgétisation chronique de la mission Agriculture, qui a des conséquences en termes de report massif de charges budgétaires d’année en année. Ce report, qui atteignait un milliard d’euros fin 2007, paraît avoir diminué de façon assez spectaculaire : nous nous en réjouissons. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur les modalités de cette réduction ?

Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage est un exemple précis, connu d’un grand nombre de mes collègues, de charges reportées d’une année sur l’autre, les demandes très fortes auxquelles il a donné lieu ayant été sous-estimées à l’origine. Où en sont les reports et quelles sont les attentes des agriculteurs dans ce domaine ?

Dans un contexte de crédits restreints, il me paraît important de préserver les modalités de l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, qui passe par deux dispositifs : la dotation et la bonification au prêt. Vous vous êtes beaucoup investi sur le sujet, monsieur le ministre, tandis que les députés se sont efforcés de relayer vos efforts au travers d’un amendement au projet de loi de finances, que j’avais déposé et qui avait été cosigné par un grand nombre de mes collègues. Dans le cadre de la LOLF, cet amendement avait pour objet de transférer des crédits dédiés à la forêt à l’installation des jeunes agriculteurs, qui était à nos yeux une priorité. Où en sont les crédits à l’installation, alors même que nous sommes confrontés à deux problèmes : la montée des taux d’intérêt, qui pèse sur le dispositif de bonification des prêts aux jeunes agriculteurs, et le nombre stable d’installations ? Sommes-nous, monsieur le ministre, assurés de pouvoir répondre aux demandes, alors que, nous le savons tous, la fin de l’année est une période délicate pour ceux qui s’installent, faute de crédits publics disponibles ? Naguère, le problème était résolu très simplement : l’administration acceptait que les banques consentent un prêt-relais aux jeunes agriculteurs en attente de la dotation. Or, nous ne comprenons pas pourquoi il n’est plus possible aujourd’hui de recourir à un procédé qui, je le répète, était un bon moyen de résoudre un problème administratif tout en aidant les jeunes agriculteurs, dont beaucoup ne peuvent pas choisir leur date d’installation, qui dépend de la date de départ à la retraite des anciens, de l’acquisition ou de la location des terres ou de l’octroi d’autorisations diverses. La date d’installation est donc plus souvent une donnée qu’un choix.

En ce qui concerne les procédures AGRIDIFF – aide en faveur du redressement des entreprises en difficulté –, alors que la dotation initiale s’élevait à 10 millions d’euros, apparemment 3,9 millions d’euros seulement ont été dépensés. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, alors que, chacun le sait, il est utile de disposer de quelques moyens pour aider les agriculteurs en difficulté ?

Le fonds d’allégement des charges – FAC – est d’un intérêt majeur en cas de crise car les aides auxquelles il donne lieu sont toujours bienvenues, bien qu’elles demeurent assez modestes : 700 000 euros pour la crise porcine dans les Côtes-d’Armor, département que Jean Gaubert connaît aussi bien que moi, c’est très peu, puisque ce département assure à lui seul plus du quart de la production porcine française. Pouvons-nous espérer, dans le cadre ou non du FAC, la création d’un dispositif visant à faire face aux crises ? Monsieur le ministre, vous m’aviez invité à venir avec vous à Bruxelles, où nous avions rencontré Mme Boel, commissaire européen à l’agriculture, qui avait admis que des évolutions étaient nécessaires en matière de gestion des crises climatiques et sanitaires. En revanche, si on en croit ses récentes déclarations, elle reste fermée à toute évolution en matière de gestion des crises économiques, alors que, chacun le sait, c’est le vrai sujet. Dès lors, en l’absence de solution européenne, qu’envisagez-vous au plan national ? N’oublions pas que, demain, de nombreux secteurs agricoles, dont celui du lait, risquent d’être confrontés à des hausses ou à des baisses de prix importantes. Que comptez-vous faire pour répondre aux crises qui se profilent ?

Enfin, le Président de la République a fait des annonces fortes, que vous avez relayées, en termes d’aides aux professionnels de la pêche. Le problème majeur est celui du prix de l’énergie, auquel, du reste, les pécheurs ne sont pas les seuls à être confrontés : les serristes et, de manière générale, les agriculteurs le sont tout autant. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Je suis très heureux de me livrer à cet exercice avec vous car il me paraît très important que le Parlement à la fois propose, vote et évalue : je suis en effet un ministre qui attache autant d’importance à l’effet de suivi qu’aux effets d’annonces. Je me réjouis donc de ce dialogue.

Monsieur Le Fur, le budget du ministère de l’agriculture et de la pêche était et demeure en grande difficulté et en grande fragilité. Je le reconnais d’autant plus volontiers que, juste avant mon arrivée, Christine Lagarde avait eu le temps, en quatre semaines de présence à ce ministère, de procéder à son audit sur le plan financier. Elle me l’a remis en partant. Le déficit, d’ 1 milliard d’euros pour un budget de 5 milliards, était dû à des dépenses effectuées mais non couvertes par des recettes nouvelles, la plus importante, qui datait de la sécheresse de 2002, s’élevant à quelque 600 millions d’euros. Je me suis donc trouvé devant de réels problèmes de solvabilité, d’où un report global, je le répète, de l’ordre d’1 milliard d’euros. Comme vous l’avez souligné, je suis aujourd'hui en mesure de faire état d’une amélioration qui, pour n’être pas totalement satisfaisante, est sensible, puisque le report de charges est évalué fin 2007 à 500 millions d’euros.

Cette amélioration s’explique tout d’abord par des ouvertures au bénéfice du budget de l’agriculture, notamment par des levées de mise en réserve de l’ordre de 300 millions d’euros, consenties par le ministre du budget, qui a admis, à la suite, du reste, de la demande que l’Assemblée nationale et le Sénat lui avaient faite de remettre de l’ordre dans le budget du ministère, que la situation de celui-ci ne pouvait plus durer. Cet appel a donc été partiellement entendu.

L’explication tient également dans les redéploiements et les efforts de maîtrise propres au ministère de l’agriculture et de la pêche, notamment sur les offices agricoles ou le plan bâtiments, à hauteur de 100 millions d’euros, dans le cadre d’une bonne concertation avec les organisations agricoles. Les dossiers en attente pour le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, que Marc Le Fur a évoqué, étaient au nombre de 6 000 lorsque je suis arrivé, du fait que des guichets avaient été ouverts sans règle bien définie. Nous avons donc travaillé avec les organisations agricoles et les chambres d’agriculture pour mettre de l’ordre et réguler la file d’attente. A cette fin, j’ai ajouté 23 millions d’euros de crédits redéployés et trouvé 23 millions de crédits européens, soit près de 50 millions d’euros supplémentaires, ce qui a permis de résorber la liste d’attente, grâce à de nouveaux ajustements sur les taux. Je peux aujourd'hui objectivement affirmer qu’en passant de 72 millions à 118 millions d’euros, nous y sommes parvenus. J’avais le même souci en ce qui concerne les jeunes agriculteurs, pour lesquels nous avons fait un effort.

Nous avons enfin évalué de manière plus fine les charges pesant réellement sur le ministère, notamment le secteur vétérinaire, ce qui nous a permis de dégager une centaine de millions d’euros. Toutefois, pour être tout à fait franc – je tiens à faire preuve devant vous de la plus parfaite sincérité –, je reste très préoccupé du fait que le ministère de l’agriculture et de la pêche doit quotidiennement affronter des aléas et résoudre des crises. Nous avons eu la chance de ne pas connaître en 2007 de grandes crises climatiques, mais nous avons eu beaucoup de petites crises, pour la résolution desquelles - je tiens à répéter devant vous ce que j’ai déjà dit publiquement sur le sujet - nous n’avons pas les outils nécessaires. C’est la raison pour laquelle, messieurs les présidents, je demande que, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, le redéploiement d’une partie des crédits du premier pilier vers un système durable de gestion des crises soit considéré comme une priorité.

Enfin, monsieur Le Fur, nous avons fait bouger la Commission qui, dans sa première proposition, au mois de novembre, était favorable à ce que la gestion des crises climatiques et sanitaires soit assumée par les crédits du deuxième pilier, qui, je le rappelle, sont cofinancés, ce qui ne facilitait donc pas la résolution de nos problèmes budgétaires. Avec plusieurs États membres, nous avons obtenu que, désormais, ce soient les crédits du premier pilier qui soient utilisés, grâce à un redéploiement dans le cadre de l’article 68 – ex-article 69 – du règlement agricole européen. En cas d’accord politique sur le bilan de santé de la PAC, accord qui constitue un préalable, je proposerai en novembre la création d’un système généralisé de gestion des crises climatiques et sanitaires, la Commission refusant pour l’instant toute idée de gestion de contrat cyclique à l’américaine. L’évolution me paraît toutefois engagée et la solution sera, pour 2013, d’élargir ce système de gestion des crises climatiques et sanitaires aux crises économiques.

En ce qui concerne les prêts bonifiés et la dotation jeunes agriculteurs – DJA –, je me suis trouvé là aussi devant de nombreuses files d’attente, d’autant que chaque année, à l’automne, les demandes sont trop nombreuses par rapport aux possibilités de crédits. C’est la raison pour laquelle je me suis efforcé de m’y prendre autrement en 2008, d’autant que l’installation et la transmission des entreprises est à mes yeux une priorité. L’agriculture durable, ce n’est pas seulement l’environnement mais également la capacité de renouvellement des générations. Le signal de la bonne santé de l’agriculture, c’est que, de nouveau, le nombre des installations augmente, même si les départs en retraite ne sont pas encore entièrement compensés.

J’ai décidé, afin de mieux exécuter ces crédits et d’éviter les tensions, d’augmenter la dotation budgétaire nationale des prêts jeunes agriculteurs à hauteur de 25 millions d’euros en cours de gestion, grâce à la levée de mises en réserves de certains crédits et à leur redéploiement sur le budget propre du ministère. Dans le même temps, dans le cadre, là aussi, d’une concertation intelligente et constructive avec les jeunes agriculteurs, je me suis attaché à réformer le dispositif pour ajuster les taux et contenir son coût dans l’enveloppe communautaire et nationale, qui sera de l’ordre de 130 millions d’euros pour 2008.

Cela signifie qu’après avoir annoncé au début de l’année 2008 le montant total de la dotation, il ne nous sera pas possible de l’augmenter en fin d’année. Par ailleurs, s’il n’est plus possible d’avoir recours aux crédits-relais bancaires, c’est que, pour attribuer le prêt, il faut avoir obtenu l’accord d’installation, donc la dotation. On ne peut donc plus recourir au système de portage par les banques.

M. Marc Le Fur, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances. Jusqu’à présent, je le répète, si toutes les conditions étaient réunies, l’accord était signé et la banque accordait un prêt-relais. Encore une fois, la date d’installation s’impose le plus souvent aux jeunes agriculteurs et l’administration en était consciente. Ce prêt coûtait assurément des intérêts à l’agriculteur mais c’était pour peu de temps et cette formule satisfaisait tout le monde. Elle a du reste fonctionné durant des années, permettant aux jeunes agriculteurs de s’installer en fin d’année, alors que, désormais, ils se plaignent d’obliger leurs parents à retarder leur départ à la retraite, ce qui pose à ces derniers des problèmes puisque, en cas d’activité au 1er janvier, ils seront obligés de verser leur contribution à la mutualité sociale agricole pour toute l’année.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Pour engager des prêts, il fallait accorder l’autorisation d’installation et celle-ci n’était donnée que si l’argent était disponible, d’où ces files d’attente. La dotation globale, qui était de l’ordre de 80 à 90 millions d’euros, était alors complétée en fin d’année avec des bouts de ficelle ! Cette année, dans le cadre d’un effort raisonnable, c’est-à-dire compatible avec une bonne gestion, l’enveloppe a été portée de 87 à 130 millions d’euros, ce qui correspond, à nos yeux, aux besoins en dotation globale des prêts pour l’année. Nous devrions donc être en mesure, après avoir donné les accords, d’enclencher immédiatement les autorisations de prêts et d’éviter ainsi le portage bancaire. Il s’agit d’une année d’expérimentation : si nous sommes débordés, c’est que le nombre des installations aura augmenté, mais j’ai prévenu les jeunes agriculteurs qu’il sera difficile d’aller plus loin compte tenu de l’état du budget de la nation. Je le répète, puisque nous avons annoncé dès le début de l’année le montant global de l’enveloppe, ils savent sur quelle somme ils peuvent compter. Ils ont du reste décidé de procéder à une mutualisation des crédits entre les départements, tous les départements ne procédant pas au même nombre d’installations – c’est ce qu’ils m’ont annoncé la semaine dernière lors de leur congrès.

M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques. Il y a deux questions : la première concerne les agriculteurs qui reprennent une exploitation à la fin de l’année et pour lesquels il convient d’assurer le relais entre le 31 décembre et l’arrivée des crédits en février ou mars – ils ne sont pas disponibles en janvier, de l’année suivante. La seconde concerne l’abondement des crédits durant l’année. Les jeunes agriculteurs de Loire-Atlantique m’ont fait part, avant-hier, de leur inquiétude relative aux crédits d’installations encore disponibles en septembre ou en octobre pour répondre aux besoins. La possibilité d’une mutualisation ou d’une redistribution des crédits m’intéresse beaucoup.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Les crédits pour les prêts aux jeunes agriculteurs sont engagés en mars. Mes services ont fait le point région par région et nous avons constaté que certaines d’entre elles sous-consommeront les crédits tandis que d’autres, comme l’Auvergne ou le Limousin, seront en surconsommation. Nous ferons donc un travail de mutualisation en accord avec les jeunes agriculteurs.

Toutefois, comme nous avons budgété 130 millions d’euros dès le début de l’année, et non plus 87 millions, nous ne devrions plus connaître, sinon les difficultés, du moins l’incertitude qui régnait jusqu’en 2007. Les directives et les circulaires ont été envoyées dans les préfectures de région et de départements afin de répondre aux questions des jeunes agriculteurs. Je le répète : les autorisations étant accordées pour 130 millions d’euros, le déclenchement des prêts est dès lors immédiat, ce qui met fin à toute incertitude en termes de crédits supplémentaires.

Les régions sous-dotées bénéficieront donc de la mutualisation.

Le FAC et l’AGRIDIFF sont restés en 2007 à peu près au niveau de consommation budgété : plus 3 pour le FAC et moins 3 pour l’AGRIDIFF. On a besoin de ces dispositifs, comme j’ai pu le vérifier dans le département de votre président vendredi dernier, où j’ai constaté des situations très pénibles, comme celle de ces arboriculteurs touchés en même temps par le gel, par la sharka et par une tornade qui a arraché, dans une vallée, en ligne droite, tous les noyers ! Sans les outils nécessaires, que faire ? J’ai demandé au préfet de monter des cellules de crises, comme cela avait été fait au printemps dans d’autres zones de la vallée du Rhône touchées par le gel, en vue de procéder à un examen au cas par cas des entreprises touchées. Il s’agit de les aider sur le plan de la trésorerie et de leur permettre de prendre un nouveau départ.

Je tiens du reste à votre disposition le bilan du FAC pour 2007 en matière de désendettement de la Corse ou de fièvre catarrhale ovine, qui a touché les veaux de boucherie – 2 millions d’euros. Il s’agit de mesures très concrètes qui prouvent l’utilité de ces deux dispositifs.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je tiens à mon tour à remercier M. Migaud et M. Poignant de nous permettre d’expérimenter cet exercice de vérification de la gestion des comptes, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, de vous prêter à ce jeu.

Le gain de popularité est encore peu important mais la direction est la bonne : il convient de persévérer en ce sens.

Monsieur le ministre, le rapport qui nous est présenté contient beaucoup d’informations. Comme Marc Le Fur, je me contenterai d’évoquer un ou deux sujets par programme, sans revenir sur l’installation des jeunes agriculteurs, qui a déjà été évoquée. Je sais que vous êtes très attentif à ce sujet et que vous avez reçu un excellent accueil au récent congrès des jeunes agriculteurs, ce qui est un indicateur de performances intéressant quant à votre façon de gérer ce dossier.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Un accueil qui n’a pas été complaisant !

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Vous avez déjà répondu sur le fonds national de garantie des calamités agricoles qui, chaque année – nos collègues de l’opposition nous le rappellent de façon récurrente – est insuffisamment doté : il faut qu’il le soit davantage au cours de l’exercice. Peut-être pourriez-vous nous apporter des précisions sur la montée en charge de l’assurance récolte en 2007.

Je souhaite revenir sur un autre axe du programme « Gestion durable de l’agriculture, de la pêche et développement rural » : le bilan de l’exercice 2007 en matière de reconversion en agriculture biologique. Je sais que les crédits disponibles dédiés au financement des contrats d’agriculture durable – CAD – ont fait l’objet de tensions ponctuelles, ce qui peut avoir des conséquences gênantes, car, pour une reconversion en agriculture biologique d’une surface donnée, l’agriculteur ne peut déposer qu’une seule demande. Or, si cette demande ne peut pas être honorée par manque de crédits, c’est définitivement perdu pour lui ! Il s’agit-là de situations gênantes. Pouvez-vous également, monsieur le ministre, nous donner un aperçu de la gestion des dossiers ICHN – indemnités compensatrices de handicap naturel – et PHAE – prime herbagère agro-environnementale –, deux dossiers sous tension, chacun le sait, qui ont donné lieu entre les exercices 2007 et 2008 à un changement de stratégie de la part du ministère de l’agriculture ? C’est, je suppose, l’exercice 2007 qui a justifié un tel changement, par rapport notamment au cofinancement européen.

En ce qui concerne le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », le rapport d’exécution fournit des données très intéressantes, puisque nous avons enfin des éléments précis nous permettant de procéder à une analyse pointue et pertinente des tenants et aboutissants de la question des biocarburants, notamment en matière de coût pour le budget de l’État, non seulement à l’hectolitre produit, mais également en valeur PCI. Il en est de même pour le coût de la tonne de CO2 économisée. Nous n’avons donc plus à nous contenter de ce que chacun peut lire, ici ou là, dans la presse ! Le rapport répond aussi à une autre préoccupation des médias en récapitulant les surfaces mobilisées en 2007 par la production des biocarburants : nous pouvons alors nous apercevoir que le potentiel des carburants issus de l’oléagineux risque d’être très rapidement saturé, puisque plus de 900 000 hectares leur ont été consacrés, ce qui est loin d’être le cas pour l’éthanol alors même que la politique du Gouvernement vise à le favoriser. Toutes ces informations nous permettront d’affiner nos analyses à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 et je sais d’ores et déjà que M. Migaud sera, à l’automne prochain, au cœur des débats, assurément très forts, que la politique en matière de biocarburants ne peut que susciter. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter de nouvelles informations sur le sujet ?

En ce qui concerne la pêche, nous avions imaginé un dispositif permettant d’avitailler les bateaux avec des biocarburants, que nous jugions alors plus compétitifs que les carburants habituellement utilisés par les pêcheurs. Or le rapport d’exécution révèle que les résultats sont loin d’être concluants ! Peut-on encore espérer apporter une réponse aux demandes du secteur en ce sens ou faut-il abandonner définitivement cette piste ?

En matière de valorisation des produits – permettez-moi d’insister sur le sujet –, pourriez-vous dresser un rapide bilan de l’année 2007, qui était la première année de fonctionnement de l’INAO « consolidée », conformément aux dispositions de la loi d’orientation agricole ?

En ce qui concerne le programme « Forêt », les tensions sont fortes aujourd'hui au sein de l’ONF, un établissement public en pleines évolution et modernisation, afin de répondre aux impulsions de l’exécutif, confirmées par le législateur, notamment en matière de valorisation de la ressource bois, qui doit être améliorée. Nous avions également prévu de donner à l’ONF la possibilité d’investir directement dans la valorisation du bois, en devenant coactionnaire de certaines filières. Où en sont ces projets ?

Enfin, en ce qui concerne le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », je sais que vous menez au sein de votre ministère une très grande restructuration et modernisation des services, notamment déconcentrés. Quelles étapes ont été franchies au cours de l’exercice 2007 ? Qu’en est-il également de l’AFICAR – agence française d’information et de communication agricole et rurale ? Il s’agit assurément d’un micro-sujet si on s’en tient à son budget – 1,5 million d’euros – mais cette agence fait couler beaucoup d’encre car le rapport annuel de performances montre qu’elle ne réussit que de façon marginale à mobiliser des crédits extérieurs et qu’elle ne vit que de la subvention que lui verse l’État. Faut-il dès lors continuer à investir dans cette agence ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je ne suis pas étonné de la précision et de la pertinence des questions posées par M. Antoine Herth.

L’AFICAR est une association indépendante créée en marge du ministère de l’agriculture et de la pêche en vue de financer des opérations de communication dans le cadre d’un partenariat financier entre l’État et les professionnels. Je lui ai donné une dernière chance en prévoyant une réunion début juillet. Il semble que les choses bougent du côté des organisations professionnelles et qu’elles soient prêtes à participer à des campagnes de communication et d’explication sur le modèle des campagnes exemplaires menées par les artisans en vue de réconcilier la société avec certains secteurs professionnels. C’est ce que nous voudrions faire pour l’agriculture.

La question de la modernisation de l’administration du ministère de l’agriculture et de la pêche, forte de ses 40 000 agents, dont 20 000 enseignants dans 850 établissements scolaires, est à mes yeux capitale. C’est à l’heure actuelle une administration paradoxalement très centralisée pour un ministère qui s’occupe des territoires. L’implantation est toutefois très forte sur le terrain. Dans le grand mouvement de réforme de l’État cette administration courait le risque d’être marginalisée. C’est pourquoi je me suis attaché à trouver des raisons objectives de la maintenir tout en la rénovant en vue de répondre aux grands enjeux de demain, qui sont de deux ordres : l’alimentation, la sécurité alimentaire et la nutrition d’une part, le développement durable des territoires ruraux d’autre part – autrement dit, l’agriculture durable.

C’est au service de ces deux enjeux stratégiques que travaillent les paysans, les entreprises agroalimentaires et les pêcheurs. J’ai donc le projet de transformer un jour – ce moment arrivera – le ministère de l’agriculture et de la pêche en ministère de l’alimentation, du développement durable, de l’agriculture et de la pêche, car ce n’est pas seulement le ministère des agriculteurs. Tel est l’esprit dans lequel j’ai procédé à sa réorganisation, d’autant que la modernisation de l’administration est un sujet qui m’intéresse depuis très longtemps. Je souhaite que les agents soient bien dans leur peau. Avant même d’y être encouragés par la RGPP, mes services et moi-même avons travaillé à ce que devrait devenir ce grand ministère grâce à des réformes aujourd'hui opérationnelles, puisque les décrets d’organisation seront publiés dans les jours à venir, c'est-à-dire un peu plus tôt que prévu. Je les résume.

Sur le terrain, j’ai amplifié la logique, expérimentée en 2007 dans huit départements, de fusion de la DDA et de la DDE en vue de créer dans tous les départements une direction des ingénieurs des territoires et de placer les ingénieurs de l’équipement dans les mêmes bureaux que ceux de l’agriculture, ce qui est dans l’intérêt de cette dernière, notamment en cette période de pression sur le foncier. Nous préserverons dans ces futures directions des territoires les missions d’économie agricole et de gestion des aides européennes qui sont celles des actuelles directions départementales de l’agriculture et de la forêt. De plus, – je me suis beaucoup battu à cette fin – la décision a été prise, dans le cadre de la RGPP, de créer une direction de la protection des populations, qui sera au cœur du dispositif de l’actuelle direction départementale des services vétérinaires. Elle comprendra par ailleurs certains services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Au plan régional, mon souci a été de faire de la direction régionale actuelle le point central de la réforme du ministère. Je crois à l’échelon régional et au dialogue avec les régions, qui devrait être renforcé dans le domaine de l’agriculture. Les directions régionales devront assumer la mutualisation et la coordination, même si toutes les régions ne sont pas de taille équivalente. La création d’une direction « alimentation, agriculture et forêt », qui a été acceptée, permettra de renforcer cet échelon.

Au plan national, nous regroupons plusieurs directions générales et plusieurs directions afin de simplifier l’organisation et de renforcer les missions importantes : l’alimentation et la nutrition iront à la direction générale de l’alimentation tandis que le pôle international et européen et le pôle relatif à la biomasse et aux biocarburants iront à la nouvelle grande direction générale que je crée.

Un bon ministre se devait également de créer un service de prospective sous forme d’une cellule importante de quelque 200 personnes regroupant statistiques, études et prospective : on ne saurait être un bon ministre et travailler efficacement sans avoir des éclaireurs. J’avais déjà eu ce souci il y a quinze ans : j’avais créé une cellule de prospective lorsque j’avais été nommé ministre de l’environnement. Nous créons aujourd'hui un service puissant de prospective et d’études statistiques, ouvert sur l’international.

Enfin, vous le savez, nous fusionnons le corps des Eaux et forêts et celui des Ponts et chaussées, ce qui est une vraie révolution. Nous créerons un seul office au lieu de cinq, en préservant l’autonomie de l’office des DOM, et une seule autorité de paiement entre le CNASEA pour les Eaux et Forêts et l’AUP pour les Ponts et chaussées.

Tel est l’ensemble du dispositif mis en place, que j’ai bien expliqué aux agents et aux syndicats. Il suscite assurément des craintes mais il est pour moi le moyen de préserver, en leur donnant du sens, les grandes missions stratégiques de ce ministère, notamment l’alimentation et le développement rural.

Il me faut également relever le grand défi qui consiste à remettre en production 12 millions de mètres cubes de bois supplémentaire dans ce pays à l’horizon 2012. La couverture forestière de la France augmente d’un département tous les huit ans alors que notre déficit en la matière est de 5 milliards d’euros, montant de nos importations de bois ! Il n’est pas possible de continuer ainsi. Nous allons donc développer cette filière et l’ONF, qui a été modernisé, rationalisé et rendu plus rentable, aura un rôle important à jouer dans ce développement.

Monsieur Le Fur et monsieur Herth, en ce qui concerne la gestion des crises et l’assurance récolte, outil créé par mes prédécesseurs Hervé Gaymard et Dominique Bussereau, en 2007, je tiens à souligner que les 70 000 contrats d’assurance récoltes représentent une augmentation de 5 %, ce qui est modeste puisque seuls 14 % de l’ensemble des terres labourables sont couverts, avec, de plus, des variations très importantes : 31 % pour les protéagineux et 0,85 % pour les fruits et légumes, 11 % pour la vigne et 7 % pour les légumes. Dans des filières particulièrement soumises aux accidents climatiques et sanitaires, l’absence de protection est donc quasiment totale – j’ai évoqué tout à l’heure les arboriculteurs. C’est la raison pour laquelle, comme le Président de la République me l’a demandé, je veux généraliser le système d’assurance récolte, ce que nous ferons dans le cadre du bilan de santé de la PAC, tout en conservant le système du fonds national des calamités agricoles, qui fonctionne avec le produit des assurances et des dotations au coup par coup de l’État, qui ne sont que des bouts de ficelle. Il convient de stabiliser, de développer et de généraliser ces outils. Je suis prêt à prendre le risque de proposer, dans le cadre de la redistribution des crédits du premier pilier de la PAC, au titre de l’article 68, une dotation substantielle de plusieurs centaines de millions d’euros par an afin de créer un système généralisé de gestion des crises.

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels – ICHN –ont quant à elles beaucoup augmenté pour atteindre 520 millions d’euros en 2007, avec un cofinancement communautaire . La majoration des vingt-cinq premiers hectares a été progressivement augmentée de 10 % en 2002, de 35 % en 2007 en zone de montagne et de 30 % en zone de plaine et piémont. A l’exception du zonage, qui sera discuté en fin d’année, l’ICHN ne me pose aucun souci. En ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale – PHAE –, je confirme que nous avons dû, pour des raisons budgétaires, cofinancer en 2007 la part nationale en prélevant sur les réserves du cofinancement européen : ce faisant, je me suis livré à une opération réaliste qui n’a pas diminué ni remis en cause les montants de la PHAE. L’effort de l’État en la matière est du reste très substantiel, puisque les autorisations d'engagement s’élèvent en 2008 à 457 millions d’euros. Ces montants sont en moyenne supérieurs à l’ancienne prime à l’herbe. De plus, une grande partie des contrats arrivant à échéance en 2008, ils sont renouvelés à hauteur de 76 euros par hectare.

En ce qui concerne l’agriculture biologique, les autorisations d'engagement s’élèvent à 9,4 millions d’euros et les crédits de paiement à 8,8 millions en 2007 pour l’ensemble des mesures agro-environnementales – ces chiffres sont hors PHAE : ils concernent l’agriculture biologique, l’agriculture raisonnée et les mesures spécifiques aux grands prédateurs. L’animation de la politique en faveur de l’agriculture biologique a coûté, quant à elle 2,7 millions d’euros. Ces chiffres devraient augmenter si nous respectons notre engagement de tripler la surface consacrée à l’agriculture biologique, en la faisant passer en cinq ans de 200 000 à 600 000 hectares.

La réforme de l’INAO s’est mise en place : depuis le 1er janvier 2007 l’institut est compétent pour instruire l’ensemble des signes d’identification de la qualité et de l’origine – Label rouge, appellation d’origine, indication géographique protégée, agriculture biologique. La subvention de l’État à l’INAO, qui s’est élevée en 2007 à 15,3 millions d’euros, couvre l’essentiel de son fonctionnement. Afin de mieux intégrer cette logique de contrôle de gestion et de performances, le ministère a encouragé l’INAO à mettre en place un contrat d’objectifs pluriannuel, qui a été signé à la fin de l’année 2007.

J’ai été sensible à l’observation de M. Antoine Herth sur les chiffres relatifs aux biocarburants. Il est important en effet de pouvoir enfin évoquer ce sujet de manière moins passionnée et plus raisonnée. En ce qui concerne le soutien de l’État en la matière, il faudra mettre en balance les contraintes budgétaires et l’impact des biocarburants sur le plan financier. Je plaide toutefois, au sein du Gouvernement, pour préserver au moins en grande partie le dispositif actuel en cette période de première génération des biocarburants afin de ne pas compromettre l’arrivée la plus rapide possible de la deuxième génération, dont nous savons tous qu’elle multipliera par cinq le rendement des biocarburants pour la même surface cultivée.

M. Jean Gaubert. Je commencerai par quelques observations qui rejoindront naturellement celles de mes collègues.

Je tiens tout d’abord, monsieur le ministre, à saluer votre honnêteté sur la question du report de charges, d’autant que vous nous aviez déjà exposé la situation, il y a un an, lorsque vous avez été chargé de l’agriculture et de la pêche. Nous la connaissions et la dénoncions avant votre arrivée mais elle était fortement masquée. Je rappelle qu’un de vos prédécesseurs, en 2002, se plaignait d’un report de charges de 600 millions de francs : or, là, nous en étions à un milliard d’euros, ce qui n’est pas la même chose ! Nous vous donnons acte de vos souhaits, tout en sachant – vous l’avez reconnu vous-même – que la situation n’est pas sans incidence sur les moyens disponibles pour les actions nouvelles que vous avez à engager.

En ce qui concerne la dynamisation des productions, vous avez évoqué le plan de modernisation des bâtiments d’élevage : sans revenir sur le sujet, je tiens à souligner qu’il existe sur le terrain quelques aigreurs liées à des difficultés qui, assurément, se résorberont. Il n’en reste pas moins que certains de ceux qui sont restés à la porte avaient monté des plans de financement dans le cadre de financements illimités. Or, tout à coup, on leur a expliqué qu’il n’en était plus question, ce qui fragilise considérablement, vous le savez, certains plans d’investissement. Je ne prétends pas que vous pouvez faire autrement, mais j’ai constaté, je le répète, l’extrême fragilité de certains plans d’investissements et je crains que ceux des éleveurs qui avaient trop espéré dans ces sommes ne se retrouvent dans des situations difficiles. Lorsque la loi d’orientation agricole a été votée, j’ai fait partie de ceux qui ont prévenu que le montant inscrit pour l’année suivante était nettement insuffisant compte tenu des besoins. Il m’a été répondu qu’il n’en était rien. Or le problème, c’est qu’aujourd'hui nous les avons et ils peuvent fragiliser, notamment, mais pas uniquement, certains jeunes agriculteurs.

Nous savons par ailleurs que l’augmentation des taux d’intérêt, qui pèse sur tous, n’est pas sans poser de problèmes aux jeunes agriculteurs qui, souvent, doivent assumer des prêts complémentaires.

En ce qui concerne l’agriculture biologique, je fais miennes les observations d’Antoine Herth.

Pour ce qui est du programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », si j’ai bien compris, les crédits ont été sous-consommés alors que, chacun le sait, les enjeux sont très importants pour le secteur agricole. Il en est ainsi de l’action 01 : « Adaptation des filières à l’évolution des marchés », pour laquelle la différence s’élève à 217 millions d’euros, chiffre important compte tenu de la difficulté de la situation. Les outils permettant de consommer ces crédits manquent-ils ou les a-t-on récupérés pour les transférer ailleurs ? Nous aimerions recevoir des réponses à ce sujet.

En ce qui concerne les crises, que vous avez évoquées, je ne reviendrai pas sur la procédure AGRIDIFF, qui est utile mais limitée par rapport aux enjeux et aux difficultés auxquelles les agriculteurs sont parfois confrontés. Je tiens à saluer les efforts que vous déployez à Bruxelles pour tenter de faire comprendre les positions françaises que nous croyons justes. Je crois, monsieur le ministre, qu’il faut insister sur le fait que les Européens se comportent comme des enfants de chœur – vous l’avez du reste souligné vous-même. Il suffit d’observer la politique des Américains ou des Canadiens vis-à-vis de certaines productions, pour comprendre que nous n’avons pas de leçon à recevoir de leur part : il faut le dire et le répéter ! C’est pourquoi nous devons vous aider et vous soutenir. Du reste, on le sait à Bruxelles. C’est pourquoi je comprends d’autant moins que la Commission continue à faire la sourde oreille à des demandes visant à faire bénéficier les Européens de situations comparables à celles de leurs partenaires. Je suis favorable à la concurrence libre et non faussée. La situation actuelle est celle d’une concurrence libre et faussée, parce que nous appliquons les dogmes que les Américains mettent sur le marché mondial des idées, sans les appliquer eux-mêmes.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. C’est vrai !

M. Jean Gaubert. Il faut cesser de verser dans l’angélisme et rappeler très clairement que les aides dont bénéficient les agriculteurs américains sont des aides aux revenus : alors que nous nous sommes efforcés de “remplir la boîte verte”, les Américains ont depuis longtemps abandonné cette idée et versent, je le répète, à leurs agriculteurs des aides aux revenus. Nous devons le dire, y compris dans notre pays afin que chacun le comprenne bien et que le débat sur ce sujet ne soit plus faussé, ni en Europe ni à l’OMC.

Sur la forêt, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit Antoine Herth. Je constate même que, si beaucoup reste à faire, vous avez globalement tenu les engagements que vous aviez pris : il convient de le reconnaître. Toutefois, comme vous l’avez dit vous-même, l’enjeu est important et il faut passer à la vitesse supérieure afin de mieux valoriser cette ressource qui nous est propre. Vous avez souligné le fait que, tous les dix ans, la forêt s’accroît en France de la superficie d’un département : rappelons que nous sommes déjà parmi les pays de l’Union européenne qui ont la surface boisée la plus importante. Aussi est-il étonnant que nous devions importer autant de bois.

Je souhaiterais vous interroger sur un problème récurrent, heureusement en voie de résolution : celui de la résorption des stocks de farines animales. Il convient de faire le point. Ce dossier a en effet coûté très cher au budget du ministère de l’agriculture tout en rapportant à quelques-uns, je pense notamment aux cimentiers et aux propriétaires de hangars de stockage. Cela a été pour eux une excellente affaire.

M. Marc Le Fur, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances. Il fallait avoir de grands hangars !

M. Jean Gaubert. De grands hangars de stockage, il y en a quelques-uns en Bretagne. Je connais une coopérative qui en avait absorbé une autre, avec ses déficits, et qui a récupéré en deux ans, grâce aux hangars de stockage, des bénéfices bien supérieurs ! C’est un de vos lointains prédécesseurs qui avait instauré ce dispositif – il faut reconnaître qu’il était confronté à une situation difficile et qu’il n’avait guère les moyens de négocier –, je souhaiterais savoir quand et comment nous en sortirons et quelle solution vous envisagez pour l’avenir.

Je ne reviendrai pas sur l’AFICAR : vous avez été déjà interrogé à ce propos. En revanche, qu’en est-il de la situation du FIPSA - fonds de financement des prestations sociales agricoles ? Je sais que cette question n’est pas directement de votre ressort, mais les responsables agricoles sont inquiets et ont, du reste, quelques raisons de l’être : en effet, aucune solution d’ensemble, à la hauteur du problème, n’a encore été trouvée, puisqu’on continue de payer des retraites en recourant à des emprunts. Cette situation n’est pas saine.

Je souhaite également vous interroger sur la modernisation du ministère de l’agriculture. J’ai toujours été favorable à la modernisation, à la condition qu’elle ne signifie pas destruction. Je ne dis pas que vous en êtes là, toutefois, on se demande ce qu’il en sera de l’association de la DDE et de la DDA alors qu’il ne reste déjà presque plus personne à la DDE ! C’est le cas dans certains territoires de mon département où tous les agents ont migré vers le département si bien qu’il ne reste plus personne à la DDE.

La création d’une direction du territoire est une bonne idée, monsieur le ministre : mais que fera-t-on alors des directions régionales de l’environnement - DIREN ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Par définition, il n’y a pas de DIREN dans les départements.

M. Jean Gaubert. Assurément, mais la DIREN intervient dans les départements.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Oui.

M. Jean Gaubert. Vous savez aussi bien que moi qu’il y a de temps en temps des heurts entre les deux services en raison de positions divergentes. Ne devra-t-on pas aller plus loin ? La réflexion est aujourd’hui engagée avec une partie du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur l’équipement. La question des relations entre la future direction du territoire et la DIREN ne doit-elle pas être posée afin d’améliorer les rapports entre les différents services ?

Enfin, en ce qui concerne les services centraux, si on ne peut qu’être satisfait que les modifications de la réglementation européenne aient considérablement allégé les procédures de contrôle, on est en droit de s’interroger sur le devenir des agents auparavant chargés de cette mission. Seront-ils affectés à d’autres services ? C’est une question que l’un d’entre eux m’a posée il y a quelques jours dans le train. Pouvez-vous m’apporter et leur apporter une réponse ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Les DIREN, monsieur Gaubert, sont des directions régionales et il n’y a pas de représentants du MEDAD dans les départements.

M. Jean Gaubert. Justement !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Lorsque j’étais ministre de l’environnement, je travaillais avec la DDAF et la DDE. La DIREN disparaîtra en tant que telle car elle sera absorbée par la nouvelle direction régionale de l’environnement, du transport et de l’énergie, correspondant au MEDAD. Nous-mêmes avons prévu de constituer, dans la stratégie que j’ai évoquée, visant à réunir l’alimentation, l’agriculture et la forêt, une direction renforcée de l’agriculture au plan régional. Sur le terrain, une seule direction du territoire travaillera pour ces deux directions régionales. Tel est le schéma d’ensemble. La réforme de l’État privilégie l’échelon régional afin de relayer les politiques propres de chacun des ministères. C’est la raison pour laquelle nous avons préservé cinq ou six grandes directions régionales, avec, sous l’autorité des préfets, des directions opérationnelles plus cohérentes.

En m’appuyant sur mon expérience de président de conseil général durant dix-sept ans, il me paraît utile de créer une seule direction départementale des territoires et des ingénieurs.

M. Jean Gaubert. Je m’interroge sur l’articulation entre les services départementaux et la DIREN qui, je le sais, est régionale, mais intervient parfois sur les territoires sans concertation.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. La DIREN et la direction régionale de l’alimentation et de l’agriculture feront chacune appel, en fonction de leurs besoins, à la direction départementale des territoires.

En ce qui concerne les fonctionnaires qui pourraient être déchargés de leur mission en raison de l’allégement ou de la simplification de la conditionnalité et du contrôle, – domaines dans lesquels des progrès restent à faire ! –certains postes disparaîtront dans le cadre du non-remplacement d’un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux, tandis que d’autres, dans le cadre de redéploiements, seront affectés à des missions nouvelles au sein des directions régionales et, surtout, départementales. Je ne saurais, toutefois, vous apporter de réponse précise sur le sujet car je ne suis pas certain que nous déchargerons beaucoup de fonctionnaires de leurs missions de contrôle. Je n’ai pas entendu dire du reste que des postes allaient être supprimés dans ces services. Nous nous efforçons d’obtenir de la Commission européenne la simplification de la conditionnalité : peut-être les offices seront-ils les seuls concernés.

En ce qui concerne les farines animales, le stock s’élevait à 550 000 tonnes en janvier 2008. Il en restera 270 000 tonnes au 1er janvier 2009 et le stock aura totalement disparu fin 2010. La résorption est progressive, parce que son coût pèse, par effet de vases communicants, sur le service public d’équarrissage. Toutefois, je le confirme, cette ligne devrait heureusement disparaître dans deux ans.

Le FIPSA est quant à lui adossé au régime général, mais cette question, vous l’avez noté, ne concerne pas le budget du ministère de l’agriculture.

Monsieur Herth, c’est vrai, la politique des biocarburants pour les bateaux de pêche s’est traduite par un échec : ce n’est pas la peine de se voiler la face. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’Europe d’augmenter le budget de la recherche dans son plan pour la pêche, non pas en vue de satisfaire quelque professeur Tournesol, mais avec un objectif précis : trouver, pour les moteurs des bateaux de pêche, à la fois un autre carburant que le gazole et un carburant plus performant. De toute façon il n’y a pas d’autre solution pour les bateaux de pêche, contrairement aux exploitations agricoles, dont on peut changer progressivement le modèle énergétique – j’ai commencé à le faire avec l’opération 100 000 diagnostics. Nous nous sommes donné dix ans pour atteindre cet objectif majeur, qui concernera tous les gouvernements à venir, le but étant que les exploitations agricoles consomment moins de gazole, d’eau, d’intrants et d’électricité et produisent d’autres énergies. C’est possible, vous le savez aussi bien que moi : cela concerne notamment les serristes, mais l’ensemble des exploitations agricoles doivent tendre à l’autonomie.

Actuellement les bateaux consomment tous du gazole. Plus aucun ne consomme de l’essence. Je réunirai bientôt les fabricants de moteurs afin d’avancer sur deux sujets : consommer moins de gazole et autre chose que du gazole

M. Michel Bouvard et M. Michel Raison. Et la voile ?

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Pourquoi pas l’énergie solaire, pendant que vous y êtes ! (Sourires.)

L’Allemagne est plus avancée que nous dans ses recherches sur l’hydrogène, mais celui-ci ne peut concerner que les gros bateaux, pas les chalutiers. Je suis en tout cas décidé à faire progresser les recherches en la matière parce que je ne me résous pas à continuer à dépendre du gazole.

Jean Gaubert m’a donné acte du fait que j’avais dit la vérité sur le report de charges et le déficit du ministère. Il doit également me donner acte d’avoir modifié la donne.

M. Jean Gaubert. Je pensais l’avoir fait.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous sommes en effet tombés d’1 milliard - à 500 millions d’euros. Je n’ai pas fait cela tout seul, assurément, et un gros effort reste à fournir.

En ce qui concerne les bâtiments d’élevage, nous ne pouvions pas continuer à avoir un guichet ouvert en permanence. C’était irresponsable de part et d’autre. C’est pourquoi, après avoir apuré la situation, nous avons indiqué à chaque région ses priorités. Je précise qu’à ma connaissance les dossiers qui étaient prêts au moment où le dispositif a été ajusté ont été pris en compte. Dans plusieurs régions, c’est vrai, des exploitants, dont le dossier était bouclé et avait reçu l’accord de l’administration, se sont vu attribuer des aides inférieures au montant prévu mais leur situation a été corrigée.

M. Jean Gaubert. J’évoquais ceux qui avaient monté de simples plans de financement.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Il ne s’agissait que d’intentions, non de dossiers.

Pour ce qui est de l’action 01 : “Adaptation des filières à l’évolution des marchés” du programme 227 : “Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés”, alors que la loi de finances initiale prévoyait 455 millions d’euros, l’exécution 2007 s’élève à 402 millions, chiffre différent du vôtre, monsieur Gaubert. L’explication principale tient dans le report en 2008 d’une partie des crédits de la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, à hauteur de 60 millions d’euros.

Enfin, sur le plan politique, je tiens à dire que je suis d’accord avec vous en ce qui concerne les aides : nous ne devons avoir aucun complexe en la matière à l’égard des Américains, d’autant que les discussions à l’OMC sont en alerte rouge. Nous sommes très vigilants quant à la précipitation avec laquelle certains voudraient conclure un mauvais accord à l’OMC. Je le répète, nous préférons l’absence d’accord à un mauvais accord, dont non seulement les pays européens, mais également les pays les plus pauvres seraient les premières victimes en perdant leurs préférences tarifaires, notamment sur le marché européen. Les Américains donnent en effet des leçons de libéralisme au monde entier alors qu’ils viennent d’adopter un nouveau Farm Bill, qui accroît le soutien direct à leurs agriculteurs de 10 milliards de dollars, au travers d’ingénieux systèmes de restitution interne.

M. Marc Le Fur, suppléant M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances. Tout à fait !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je l’ai dit l’autre jour à Bruxelles : alors que nous ne pourrons plus soutenir nos exportations sous forme de restitution à l’externe - je souhaite toutefois la conservation de cet instrument même s’il ne doit être utilisé que rarement -, les Américains, eux, prévoient des programmes massifs de restitution interne visant à soutenir la nutrition ou l’alimentation. Est-il besoin de rappeler qu’ils bénéficient de surcroît d’un grand marché intérieur ? Ce mécanisme est assez ingénieux puisqu’il consiste à acheter au prix fort aux producteurs nationaux, sur des crédits publics. Ils ont instauré parallèlement un autre dispositif, auquel nous devrions nous intéresser, de soutien fiscal massif aux biocarburants, qui a pour objet de servir de filet de sécurité : en cas de baisse des prix des biocarburants, aujourd’hui élevés, ils feront basculer leur soutien de l’agriculture vers les biocarburants. Ce dispositif est prêt mais personne n’en parle à l’OMC ! C’est la raison pour laquelle le chef de l’État a eu raison, à Rome, de proposer, en termes de gouvernance mondiale, l’instauration d’une instance de discussion avec les Américains sur ces grands enjeux que sont l’alimentation, l’agriculture et le partage des terres entre alimentation et énergie. Aujourd’hui, il n’existe aucune instance où évoquer ces enjeux majeurs - ils ne sauraient être abordés à l’OMC, sinon dans une logique strictement libre-échangiste. Nous soutenons l’idée d’un forum de haut niveau réunissant l’OMC, la FAO qui, théoriquement, a été instituée pour traiter ces questions, la Banque mondiale, qui vient de répéter qu’il fallait mettre l’agriculture en tête de l’agenda, le FMI – j’ai évoqué cette question avec Dominique Strauss-Kahn – et les grands bailleurs de fonds. Le Brésil, les États-Unis et l’Europe doivent trouver un accord sur les parts respectives qu’il convient de consacrer, dans l’agriculture, aux biocarburants et à l’alimentation. Du reste, dès le 3 juillet, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne organisera, au Parlement européen à Bruxelles, une conférence internationale sur le thème “Qui va nourrir le monde ?”. Cette conférence fait partie d’un cycle de trois conférences à l’initiative du ministère français de l’agriculture et de la pêche. Vous y êtes cordialement invités. Il s’agit pour moi de montrer que la PAC que nous souhaitons préserver et rénover n’est pas recroquevillée sur elle-même.

M. Michel Raison. Je serai bref puisque les principales questions ont déjà été posées et les principales réponses apportées.

Je tiens à féliciter M. le ministre de son effort de réorganisation de la politique d’aide aux bâtiments d’élevage. En effet, s’il faut faire des choix, la première des priorités c’est l’installation et non les bâtiments. Si je n’ai jamais été un fervent défenseur de la politique d’aide aux bâtiments, c’est que l’agriculteur doit, une fois qu’il s’est installé, avoir la capacité financière de construire les bâtiments d’élevage dont il a besoin. Il n’est donc pas indispensable de subventionner leur construction. En revanche, en agriculture, la période cruciale, quelle que soit la conjoncture, reste l’installation, qui exige un volume important de capitaux à rotation très lente. C’est pourquoi le jeune agriculteur a toujours beaucoup de mal à s’installer. L’installation est donc bien la priorité sur laquelle il convient de mettre le paquet !

Vos propositions relatives au bilan de santé de la PAC sont très importantes. Il ne faut pas lâcher sur la mise en place d’un système d’aides visant à pallier les conséquences des aléas climatiques, sanitaires ou économiques. L’agriculture a besoin d’un réel filet protecteur.

Je serai en revanche en désaccord avec ce que vous avez dit sur la forêt et, plus généralement, avec l’analyse que fait le ministère de l’agriculture des chiffres de l’augmentation de la consommation de bois rapportée à celle de la surface boisée. Il s’agit de moyennes qui doivent être affinées selon les régions : dans certaines, les surfaces boisées en augmentation sont peu exploitables, voire pas du tout. Prenons garde également à ne pas concentrer notre réflexion uniquement sur l’ONF et sur la forêt communale et domaniale, qui est bien gérée dans l’ensemble, alors que la forêt privée nous pose de gros problèmes, qui varient, là encore, selon les régions. Dans certaines d’entre elles, où 50 % de la surface boisée est privée, celle-ci est mal mobilisée, surtout en cas de parcelles multiples. Or, dans un monde en forte expansion, le bois est touché par la crise au même titre que toutes les autres matières premières, peut-être un peu moins pour l’instant, mais cela ira en s’aggravant. Nous devons donc être vigilants car cette question n’est pas aussi simple qu’on semble le penser au ministère de l’agriculture.

M. Louis Giscard d'Estaing. M. Michel Raison vient d’y faire référence, un certain nombre de programmes ont été développés, notamment pour faire suite aux CTE – les contrats territoriaux d’exploitation : mise en place de la PHAE, articulation avec l’ICHN, dispositifs d’aide en faveur de l’agriculture d’élevage en moyenne montagne. Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, comment ces différents dispositifs ont été utilisés ? Vous avez indiqué, tout à l’heure, qu’alors que certaines régions ont été « surconsommatrices », d’autres, au contraire, ne les ont pas du tout mobilisés.

Vous connaissez les difficultés auxquelles est confrontée la filière ovine et je sais que vous y êtes extrêmement attentif. Pouvez-vous faire le point de la situation ?

Selon le RAP, le contrat d’objectifs et de moyens de la filière cheval a été globalement bien exécuté. En est-il de même du contrat d’objectifs et de moyens des haras nationaux ? Sa réalisation est-elle conforme à ce que le ministère s’était fixé ?

Ma dernière question concerne la chasse pour laquelle la responsabilité du ministère de l’agriculture n’est plus, depuis les derniers textes, directement impliquée. Ce sont désormais les fédérations de chasseurs qui instruisent les plans de chasse et gèrent les dégâts du gibier. Vous avez fait référence à la RGPP et à l’évolution des attributions de vos services, notamment déconcentrés. Les missions sur la chasse exécutées par les services des DDA ont-elles encore une pertinence compte tenu des dispositifs qui ont été votés, notamment, du volet chasse de la loi sur le développement des territoires ruraux ?

M. Michel Bouvard. Ma première question porte sur le programme forêt. Dans son rapport, Nicolas Forissier se félicite de la densité de la documentation du RAP mais regrette qu’elle ne permette pas pour autant de suivre clairement l’emploi des crédits. Je déplore, pour ma part, la perte de lisibilité de la politique de restauration des terrains en montagne – RTM – rattachée à l’ONF. Il n’y est fait référence dans le RAP que dans la présentation du programme forêt, page 146, puis dans les rendus de l’action n° 04 pour les dépenses de fonctionnement, page 159, et les dépenses d’investissement, page 160.

Du fait de la fongibilité de ces crédits, le Parlement n’est pas en mesure de vérifier l’évolution des moyens consentis au service RTM ni leur adéquation avec l’engagement pris avec celui-ci. Or M. le ministre connaît l’importance de ce service pour la gestion des problèmes d’érosion des sols et des régimes torrentiels des cours d’eau de montagne. Les connaissances qu’il détient le rendent irremplaçable.

Au moment où l’on s’interroge sur la pertinence des niches fiscales, je déplore que l’on n’ait aucune information sur la taxation au taux réduit de 6 % libératoire de l’impôt sur le revenu ou de 8 % libératoire de l’impôt sur les sociétés pour les plus-values réalisées à l’occasion d’apports à un groupement forestier – mesure en place depuis 1992 – et sur l’amortissement exceptionnel de 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d’épargne forestière, institué par la loi d’orientation sur la forêt de 2001. Nous avons besoin de ces éléments, non seulement pour nous assurer de l’efficacité et de la pertinence de ces mesures, mais aussi pour pouvoir participer utilement aux travaux qui vont être engagés sur les niches fiscales.

Ma deuxième série de questions concerne le CNASEA, dont les responsables ont été auditionnés, il y a quelques jours, par la mission d’information sur la loi organique sur les lois de finances. La cotutelle exercée sur ce centre est-elle efficace ? Le ministère de l’agriculture joue-t-il toujours un rôle de leader ? Le CNASEA est-il capable de rembourser les emprunts qu’il a contractés, notamment pour ses programmes immobiliers ? Comment adapte-t-il ses besoins de trésorerie par rapport à la gestion des différentes aides qui passent par lui ?

M. Jean-Marie Morisset. Je partage le point de vue de Marc Le Fur sur les crédits relais et les crédits d’attente. Le système pénalise actuellement ceux qui veulent investir ou s’installer. Comme il faut attendre plusieurs mois après que la CDOA – la commission départementale d’orientation de l’agriculture – a donné son accord, il est indispensable de garder le système des crédits relais.

Deuxièmement, la profession demande l’élargissement de l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui rapporte actuellement 249 millions d’euros. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez, dernièrement, donné des assurances aux éleveurs de la filière ovine. Mais, ce qu’ils attendent, c’est un soutien exceptionnel car la filière est fragilisée.

Mme Pascale Got. Les crédits prévus pour le plan chablis ne sont normalement disponibles que jusqu’en 2009. Or il est probable que le regroupement des petites parcelles en cours prenne plus de temps. Une prolongation de ce financement au-delà de 2009 est-elle envisageable ? Si tel n’était pas le cas, est-il possible de bénéficier d’aides européennes ?

Dans le domaine de la viticulture, un gros effort doit être réalisé en matière de commercialisation car les nouveaux pays producteurs de vin investissent fortement ce champ, notamment en faisant de la publicité sur Internet. Or, en France, alors que la loi Evin interdit toute publicité pour le vin, le flou juridique règne à propos Internet. Quelle est votre position ? Que comptez vous proposer pour clarifier la situation des producteurs de vin français par rapport à leurs concurrents des autres pays ? Tout en respectant le cadre de la loi Evin, il conviendrait de permettre la commercialisation du vin sur Internet ainsi que sa publicité, la notion de publicité étant elle-même à clarifier.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Après Michel Bouvard, je veux, à mon tour, saluer la qualité et l’intérêt du rapport annuel de performances. Si, comme l’a souligné le rapporteur spécial dans son rapport, ce document est encore à améliorer, certains indicateurs étant insuffisamment renseignés, les informations qu’il fournit enrichissent réellement le débat.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vous remercie, monsieur le président. Je suis d’autant plus sensible à votre observation que les hauts fonctionnaires qui m’accompagnent puiseront dans celle-ci comme dans les remarques constructives de M. Bouvard un encouragement à poursuivre leurs efforts. Mon ministère veut dire la vérité et fournir des informations qui soient utiles non seulement sur le plan comptable, mais également sur le plan politique afin d’illustrer et de soutenir les évolutions que nous impulsons. Je continuerai avec mes services à accorder beaucoup d’attention à l’élaboration du bilan de l’État. Certaines normes comptables ne sont pas encore complètement appropriées par l’ensemble des ministères. Je poursuivrai mon effort d’explication.

Michel Raison a évoqué les bâtiments d’élevage. Je ne suis pas sûr que Louis Giscard d’Estaing soit d’accord avec lui pour supprimer les crédits qui leur sont affectés.

M. Louis Giscard d'Estaing. Des mises aux normes s’imposent.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Nous estimons avoir régularisé et régulé le plus intelligemment possible.

Je ne reviens pas sur les aléas. Pour l’instant, je vis à l’heure européenne et j’essaie d’obtenir la boîte à outils la plus souple et la plus efficace possible. Une fois celle-ci obtenue, je viendrai vous présenter mes propositions. S’ensuivra alors un temps national de discussions entre le Parlement et le Gouvernement ainsi qu’avec les organisations professionnelles et syndicales.

Ce sera la première fois dans l’histoire de notre pays qu’on utilisera l’article 68 – ex 69 – pour écrêter, créer des systèmes d’aléas, redistribuer entre les cultures, les filières et les territoires, bref pour rendre la PAC plus préventive, plus équitable et plus durable.

J’ai beaucoup travaillé, dans le cadre des assises de la forêt, avec l’ensemble des partenaires : communes, propriétaires privés, ONF. Une discussion interministérielle est menée actuellement pour obtenir les outils permettant de remettre en production les 12 millions de mètres cubes nécessaires. Je voudrais faire changer de dimension la politique forestière mais ne suis pas sûr, compte tenu des contraintes budgétaires, d’obtenir tous les moyens dont j’aurais besoin – fonds biomasse, DEFI-travaux – pour encourager les propriétaires privés, dont les terrains sont très morcelés, à les remettre en production.

Pour la période 2000-2009, le plan chablis représente 70 % des crédits forestiers engagés dans le cadre du plan de développement national, soit 680 millions d’euros. Bien qu’il soit terminé depuis 2006, il a été prolongé jusqu’en 2009, conformément aux engagements pris par plusieurs gouvernements successifs. Inclus dans le nouveau programme de développement rural hexagonal, il s’élève à 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et 38 millions d’euros en crédits de paiement, avec un cofinancement communautaire de 55 %.

Je m’engage auprès de Louis Giscard d’Estaing à lui transmettre la répartition de la PHAE par région, afin qu’il sache où elle est utilisée et où elle ne l’est pas.

Je réaffirme à Jean-Marie Morisset et à Louis Giscard d’Estaing mon engagement en faveur de la filière ovine. Cela fait des années que celle-ci est maltraitée dans la PAC. J’ai proposé des plans d’urgence – 15 millions l’année dernière, 17 millions cette année – pour permettre aux éleveurs de tenir le coup en attendant le soutien structurel que je prévois de leur apporter, grâce – je ne vous le cache pas – à une redistribution opérée sur les céréaliers. Je veux doter les exploitations ovines et caprines de moyens leur permettant de résister et de durer. Comme les mesures de redistribution et de redéploiement ne seront applicables qu’en 2010 – prises en 2008 dans le cadre du bilan de santé, elles seront progressivement opérationnelles, juridiquement et techniquement, dans le courant de l’année 2009 – je réfléchis à la manière d’apporter un soutien par anticipation, car beaucoup d’éleveurs ne tiendront pas jusqu’en 2010.

Le contrat d’objectifs de la filière cheval, qui s’est terminé en 2008, a été globalement respecté, notamment par les haras nationaux. J’indique à Louis Giscard d’Estaing qu’il faut s’attendre, dans le cadre de la RGPP, à des évolutions fortes dans ce secteur, avec un recentrage des missions et une réduction des personnels. Nous essayons de procéder de façon progressive et intelligente.

Les missions concernant la chasse gérées par les DDA actuelles – gestion de crédits, indemnisations, jachère, question des prédateurs – seront gérées, au titre des missions agricoles, par les nouvelles directions départementales des territoires. Il est donc pertinent de leur laisser une certaine compétence en la matière. Louis Giscard d’Estaing essaie de nous trouver des idées pour réussir la RGPP mais qu’il ne s’inquiète pas, beaucoup de gens en ont au budget et aux finances.

Je vais faire une recherche sur le service RTM, dont je connais l’importance.

M. Michel Bouvard. Il est de notoriété que les informations supplémentaires fournies par le RAP entraînent une perte de lisibilité. L’exemple du RTM est important pour les vingt départements concernés.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le RTM ne concerne pas que l’ONF.

M. Michel Bouvard. C’est un service spécial rattaché à l’ONF.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le contrat d’objectifs ONF pour 2007-2011 prévoit, dans le cadre des missions d’intérêt général, la poursuite de la mission du service RTM pour le compte de l’État.

M. Michel Bouvard. Nous avons besoin de savoir si le RTM dispose bien des moyens dont il a besoin.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence du positionnement.

M. Michel Bouvard. On peut également s’interroger sur l’absence de contribution du MEEDDAT au fonctionnement du RTM alors que ce dernier joue un rôle majeur en matière de prévention des risques.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je vous encourage à faire part de cette interrogation à M. Borloo quand il viendra devant votre commission.

M. Michel Bouvard. Nous ne manquons pas de rappeler cette anomalie à tous les ministres de l’écologie depuis l’institution du RMT.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas le seul sujet dont j’hérite. Je m’occupe actuellement de l’indemnisation des pêcheurs professionnels en eau douce. Ils ne dépendent pas de moi mais viennent me trouver en ma qualité de ministre de la pêche. Le MEEDDAT a ordonné des fermetures et personne ne veut financer la perte de travail en résultant pour ces pêcheurs.

Je vais demander au ministère des finances une évaluation des taxes et de leur utilité.

M. Michel Bouvard. Cette évaluation est également importante pour le pilotage de votre politique.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Exactement. Au moment où je demande, pour la forêt, des avantages fiscaux supplémentaires afin de favoriser la mise en production, il est important de savoir ce que donnent les mesures déjà prises, les 6 et 8 % notamment.

La cotutelle exercée par mon ministère, le MEEDDAT et le ministère chargé de l’emploi sur le CNASEA se passe de bonne manière. C’est l’un de mes services, la DGFA – la direction générale des finances et de l’administration – qui exerce le rôle de commissaire du Gouvernement. J’indique au passage que les dépenses gérées par le CNASEA vont être fortement accrues après sa fusion avec l’AUP – l’Agence unique de paiement – chargée de la gestion des crédits du premier pilier de la PAC, ce qui en fera l’agence de paiement des services de l’État.

Le CNASEA joue actuellement un rôle très important et il est très efficace. Il m’a obtenu rapidement l’aide individuelle aux revenus que j’ai mise en place pour les pêcheurs, qui représente pourtant 40 millions d’euros d’ici à la fin de l’année. Cette aide, qui sera versée progressivement aux pêcheurs, a pour but de compenser le manque de revenu dû à la hausse du pétrole quand ils travaillent.

M. Michel Bouvard. Restent des interrogations sur la gestion de la trésorerie du CNASEA, notamment sur les consolidations en fin d’année.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous sous-entendez un effet de pompage du ministère des finances !

Je répondrai, pour terminer, à la question importante et compliquée, bien que n’ayant aucun écho budgétaire, de l’évolution de la loi Evin. Il faudra faire preuve d’intelligence afin d’éviter les polémiques. La demande des professionnels de la viticulture de pouvoir utiliser Internet, dans l’esprit de la loi Evin, c’est-à-dire en prônant une consommation raisonnée et responsable, me paraît tout à fait justifiée étant donné qu’ils se trouvent actuellement en situation de concurrence déloyale par rapport aux producteurs de vin des autres pays. Un groupe de travail, copiloté par mon ministère et celui de la santé, réunira des parlementaires et des représentants de la profession pour examiner cette question. Il aboutira probablement, comme je le souhaite, à une proposition de modification législative.

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Je me félicite, avec le président de la commission des finances, de ce nouvel exercice qui, bien que mobilisant les parlementaires dans une période déjà bien remplie, permet de suivre l’application des lois, donne lieu à des rapports de plus en plus nourris et fournit l’occasion de féliciter et d’encourager les collaborateurs des ministres.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Parlement joue pleinement son rôle en exerçant un contrôle rigoureux et exigeant de l’application des lois. J’apprécie également cette confrontation directe. Je suis accompagné par mon directeur de cabinet, mes conseillers et des représentants de la direction des services financiers. Je trouve très important, pour la motivation des fonctionnaires – comme celle du ministre – qu’ils se rendent compte de l’intérêt que porte le Parlement à leur travail.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est tout l’intérêt de cette formule, qui permet un échange plus direct que dans l’hémicycle. Nous souhaitons que ces réunions, lors de l’examen des projets de loi de règlement, soient de plus en plus intenses, intéressantes et utiles.

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je reviendrai volontiers devant vous pour parler de la pêche.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous vous remercions, monsieur le ministre.

(La séance est levée à 12 heures 50.)