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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 26 septembre 2007

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de Pierre Méhaignerie Président puis de Pierre Morange, vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, sur les travaux du Conseil. 2

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, sur les travaux du conseil.

M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), a d’abord expliqué que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait fixé un rendez-vous pour 2008. L’une des innovations de ce texte consiste en effet à créer des procédures de long cours, avec un rendez-vous tous les quatre ans pour faire le point et éventuellement apporter des ajustements. Le COR s’inscrit dans cette volonté de continuité puisqu’il a vocation à suivre en permanence la question des retraites. Composé de parlementaires, de représentants patronaux et syndicaux, d’experts de l’administration et de spécialistes indépendants, il se réunit à cet effet tous les mois, avec un ordre du jour précis.

La loi du 21 août 2003 énumère trois sujets devant être examinés lors du rendez-vous de 2008 : l’allongement de la durée d’assurance, l’évolution du montant des pensions et les petites pensions :

– Sur le premier sujet, la loi prévoit d’augmenter, sur la période 2008-2012, la durée d’assurance d’un trimestre chaque année afin de la porter de quarante à quarante et un ans, sauf si le gouvernement décide d’ajuster ce calendrier, dans un sens ou dans l’autre. Cet ajustement prendrait la forme d’un décret pris après avis du COR et de la commission de garantie des retraites.

– Sur le deuxième sujet, la loi dispose que les pensions évoluent comme les prix, sauf si une conférence tripartite apporte des corrections aux revalorisations annuelles, que l’on pourrait qualifier de « coups de pouce ».

– Sur le dernier sujet, l’exposé des motifs de la loi fixe l’objectif de porter à 85 % du SMIC en 2008 le montant de la pension versée aux assurés ayant effectué une carrière complète rémunérée au SMIC. Le rendez-vous de 2008 doit permettre de vérifier si cet objectif de revalorisation du minimum contributif est atteint.

Par ailleurs, le Premier ministre a décidé que ce rendez-vous sera également l’occasion de faire le point sur le dispositif en faveur des carrières longues, mesure importante et symbolique prise en 2003 qui permet de partir plus tôt à la retraite sans décote. Le nombre de demandes excède en effet largement les prévisions : 400 000 départs ont déjà été enregistrés et le mouvement se poursuit en 2007.

Cela étant le COR, dans son dernier rapport, aborde nombre d’autres sujets : l’équilibre financier, le droit à l’information, les minima de pensions, l’égalité hommes-femmes, l’égalité des droits entre les retraités monopensionnés et polypensionnés, les régimes spéciaux, l’épargne retraite.

La matière est abondante et les procédures sont diversifiées. Le point de départ formel du rendez-vous sera la réunion de la commission de garantie de retraites du mercredi 3 octobre. Cet organisme comprend quatre membres : le vice-président du Conseil d’État, qui le préside, le premier président de la Cour des comptes, le président du Conseil économique et social et le président du COR. D’après la loi, il se réunit au moins une fois tous les quatre ans pour examiner l’application du principe énoncé au I de l’article 5 de la loi de 2003, à savoir le rapport entre durée d’assurance et durée de retraite, qui évolue en fonction de l’espérance de vie de Français calculée par l’INSEE, doit rester constant. En 2003, ce rapport s’établissait à 1,79. Ainsi, quand l’espérance de vie augmente, il faut qu’une partie du gain soit consacrée au travail et l’autre aux loisirs et à la retraite, l’idée étant de ne pas trop charger les générations à venir.

Quant au COR, il doit établir un rapport pour éclairer le gouvernement qui doit remettre au Parlement, au plus tard le 31 décembre prochain, un rapport établissant ses orientations pour le rendez-vous de 2008. Ce document portera essentiellement sur quatre thèmes : l’évolution du taux d’activité, l’évolution de la situation financière des régimes, l’évolution de la situation de l’emploi et l’évolution d’un certain nombre de paramètres de financement de l’assurance vieillesse.

Le rapport gouvernemental sera réalisé sur la base de trois travaux du COR : son rapport de 2006 sur les projections, établi à partir de chiffrages démographiques assez anciens ; son rapport de janvier 2007 intitulé « Retraites : questions et orientations pour 2008 » ; des projections à 2020 et 2050 tenant compte des données les plus récentes ainsi qu’une vingtaine de fiches actualisées sur les principaux sujets en débat. Le document sera probablement adopté par le COR aux alentours du 20 novembre prochain, ce qui laissera un mois au gouvernement pour élaborer sa propre analyse. La conférence tripartite sur la revalorisation des taux se tiendra entre-temps ou peu après, sur convocation du gouvernement.

Ce dernier a parallèlement présenté comme préalable au rendez-vous de 2008 la discussion d’autres questions relatives aux retraites : d’une part, les régimes spéciaux ; d’autre part, l’emploi des seniors, les mécanismes mis en place pour prolonger la durée d’activité des affiliés n’ayant pas eu le succès attendu.

Le COR est un organisme d’expertise et de concertation. Les organisations syndicales sont très attachées à ce que la discussion y demeure ouverte et libre, mais aussi à ce que les conflits et les controverses soient évités. Le COR n’est pas le seul acteur en présence, loin s’en faut, mais il continuera à jouer son rôle d’expertise technique afin d’éclairer la réflexion des partenaires sociaux, y compris sur un sujet aussi complexe que les petites retraites et les pensions de réversion.

Un débat a suivi l’exposé du président du Conseil d’orientation des retraites.

Après avoir rappelé que les députés siégeant au COR sont MM. Maxime Gremetz, Denis Jacquat, Jean-Luc Préel et Pascal Terrasse, le président Pierre Méhaignerie a demandé quelles mesures les autres pays européens ont pris pour faciliter le maintien en activité et l’emploi des seniors.

M. Denis Jacquat a souligné que le COR a été créé par le gouvernement de M. Lionel Jospin et que son maintien a été l’une des rares mesures de la loi du 21 août 2003 adoptées à l’unanimité. Au cours de la discussion du projet de loi, les députés avaient d’ailleurs toujours en main les rapports du COR, dont les analyses n’étaient jamais contestées. Cet esprit doit continuer à prévaloir. Puis, il a évoqué les questions suivantes :

– En matière de retraite, les projections à long terme sont cruciales pour permettre l’exercice du droit à l’information et les anticipations. En effet, si elles veulent obtenir le taux plein de liquidation de leur pension, les personnes qui partiront en retraite en 2050 devront commencer à travailler dans quinze mois. L’enjeu est désormais de prendre sa retraite au moment où on le souhaite, avec une pension décente.

– La différence entre minimum contributif et minimum vieillesse doit être bien expliquée. De nombreuses personnes percevant le minimum vieillesse sont, en effet, sous le seuil de pauvreté.

– Les mécanismes de décote et surtout de surcote sont très difficiles à comprendre, même pour les spécialistes. Beaucoup de Français craignent que des mesures drastiques soient prises à l’occasion de ce que l’on qualifie de « clause de revoyure de 2008 ». Cette inquiétude a même provoqué 200 000 départs en retraite anticipés, ce qui a creusé le déséquilibre des comptes de l’assurance vieillesse à hauteur de 4,5 milliards d’euros au lieu des 3,4 milliards prévus.

M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, a confirmé que l’impact financier des départs anticipés pour longue carrière sur les comptes du régime général est compris entre 1 à 1,5 milliard d’euros.

M. Denis Jacquat a ensuite demandé quelles mesures le COR préconise pour organiser le travail des seniors, sujet étranger à la mentalité française. Enfin, les veuves ayant travaillé – et qui possèdent donc des droits propres au titre de l’assurance vieillesse – ne comprennent pas pourquoi elles ne perçoivent pas l’intégralité de la pension de réversion de leur mari. Le mécanisme du plafond de cumul est incompris. Il n’est pas question de supprimer purement et simplement ce plafond mais le COR devrait préconiser une réévaluation régulière de son montant.

Après avoir déploré que la recherche du dialogue n’anime pas tous les acteurs chargés du dossier des retraites, Mme Marisol Touraine a posé les questions suivantes :

– L’un des éléments clés de l’accord du 15 mai 2003 – le départ anticipé pour carrières longues – risque manifestement d’être remis en cause de manière unilatérale alors qu’il avait été déterminant dans le soutien de l’une des organisations syndicales au plan représenté par le gouvernement de l’époque. Quelle place le COR recommande-t-il d’accorder à la négociation, au décret et à la loi ?

– Les régimes spéciaux doivent effectivement faire l’objet d’une négociation mais ils ne représentent que 5 % à peine de la masse des retraites versées et ne concernent d’un million de retraités sur les 14 millions que compte la France. Dans ces conditions, comment le COR justifie-t-il que le gouvernement ait abordé ce point de façon anticipée par rapport au rendez-vous de 2008 ?

– Concrètement, quelle part du gain d’espérance de vie doit être consacrée au travail ? Si l’espérance de vie s’allonge de cinq ans, combien de temps faudra-t-il consacrer au travail pour maintenir le ratio entre durée d’assurance et durée de retraite ?

– En dernier lieu, que suggère le COR pour alimenter le fonds de réserve des retraites (FRR) ? Le COR le considère-t-il toujours comme un fonds de lissage à ne pas utiliser prématurément ?

Le président Pierre Méhaignerie a souhaité attirer l’attention sur un extrait du discours prononcé par le Premier ministre, M. François Fillon, pour le soixantième anniversaire de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) le 25 septembre 2007 : « Le troisième thème du rendez-vous de 2008 est la révision du dispositif carrières longues […]. Le coût de cette mesure est important puisqu’il explique presque la moitié du déficit du régime général constaté en 2007. Sans doute y a-t-il des ajustements à faire pour mieux cadrer cette procédure mais, derrière ce coût, il y a un geste d’authentique justice sociale. Les 400 000 personnes qui en bénéficient à ce jour l’ont mérité et, de mon point de vue, c’est encore la façon la plus objective de prendre en compte la pénibilité ». Cette citation est intéressante et il est normal que M. François Chérèque réaffirme ses convictions.

M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, s’est refusé à entrer dans des controverses politiques et à justifier ou critiquer une décision gouvernementale car cela ne fait pas partie des compétences du Conseil et a donné les éléments d’information suivants en réponse aux intervenants :

– Le défaut d’information est un problème majeur. Le nombre de départs en retraite va probablement s’accélérer avant la fin de l’année 2007 car le rendez-vous de 2008 suscite de nouvelles inquiétudes. C’est l’inconvénient de la transparence : la première conséquence de la procédure est d’effrayer les gens. Cependant, il importe de prendre conscience que les modifications des règles de l’assurance vieillesse ne sont plus modulées en fonction de la date de départ en retraite de l’assuré social mais de la génération à laquelle il appartient. Les esprits ne sont pas encore habitués à cette idée, qui est apparue pour la première fois dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

– S’agissant de l’emploi de seniors, le COR n’est pas le principal acteur compétent mais a travaillé sur le sujet. La prolongation d’activité des seniors constitue un tel changement psychologique et comportemental qu’une coalition d’efforts est requise de la part des salariés, des entreprises et du gouvernement. Si tout le monde n’agit pas dans le même sens, il ne servira à rien de prolonger les durées d’assurance car les personnes arrivant à l’âge de la retraite ne travailleront déjà plus. Le rôle du gouvernement est de supprimer tous les obstacles fiscaux, légaux et réglementaires à la prolongation d’activité ; si c’est une priorité, tout doit lui être subordonné, et des mesures ont d’ailleurs commencé à être prises.

– Les entreprises françaises, à l’instar de celles des pays nordiques, ont la responsabilité de s’organiser pour assurer le meilleur degré de bien-être possible aux quinquagénaires qu’elles emploient. Il faut en terminer avec l’idée reçue, entretenue depuis trente ans par les gouvernements de droite comme de gauche, selon laquelle le chômage des jeunes se résorbe en faisant sortir les anciens du marché du travail. Quant aux salariés, ils doivent cesser d’être motivés par l’espoir de prendre leur retraite le plus vite possible. De fait, ceux qui font le choix de ne pas aller jusqu’au bout le décident plusieurs années à l’avance, ce qui explique le peu d’effet des mesures récentes.

– Dans les pays nordiques et en Grande-Bretagne, le niveau des pensions a tellement baissé que les salariés ont été encouragés à travailler plus longtemps pour conserver un revenu correct. Même en Suède, où le régime notionnel est plutôt progressiste, le facteur d’ajustement est calqué sur l’espérance de vie : plus cette dernière progresse, plus le montant de la retraite diminue. En Finlande, un travail colossal a été effectué sur l’organisation du travail, en particulier la qualité de vie dans les entreprises. En Grande-Bretagne, les salariés ont été contraints de travailler davantage pour conserver une retraite convenable. Il est également possible de jouer sur les mesures d’âge, les bornes d’âge poussant les gens à partir en retraite devant être réétudiées. Le colloque scientifique annuel du COR, qui se tiendra le 29 novembre prochain en partenariat avec le Centre d’analyse stratégique, portera justement sur l’emploi des seniors, à partir d’une enquête comparative.

– Le dossier de l’emploi des seniors est piloté par le ministère du travail. Celui-ci a mis sur pied un groupe de suivi auquel le COR contribue.

– Plusieurs séances du COR ont été consacrées aux droits conjugaux. Le problème des réversions n’est pas le plus délicat. Des sujets très précis doivent être traités, notamment celui des veuves ou des divorcées élevant de jeunes enfants. A cet égard, la suppression de l’assurance veuvage et donc la condition d’âge pour la réversion, en 2003, n’a peut-être pas été une bonne décision.

– Certaines dispositions relèvent du domaine de la loi ; la preuve, une loi a été nécessaire en 2003. D’autres matières relèvent du décret, en particulier ce qui concerne les durées et les taux. De toute façon, comme sur toutes les questions sociales, il appartient au gouvernement de mener une concertation afin de préparer ses textes, et cette dernière peut durer plusieurs mois. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la notion de rendez-vous est si importante.

– Les régimes spéciaux représentent 6,4 % du volume des retraites. Si le COR recommande d’aligner la durée de cotisation sur les quarante annuités du régime de la fonction publique, ce n’est pas pour régler le problème du déséquilibre financier mais par souci d’équité ; plusieurs organisations syndicales en conviennent d’ailleurs.

– Le COR a formulé trois principes transversaux d’alignement sur le régime des fonctionnaires : l’harmonisation des durées de cotisation ; l’harmonisation du mode d’indexation des pensions de retraite ; l’harmonisation des régimes familiaux et conjugaux . Chaque régime d’entreprise ou de secteur est cependant dans une situation spécifique en fonction de sa démographie propre ; la population des mineurs est, par exemple, en voie d’extinction. Et chaque régime a son histoire, liée au statut de salariés. Un examen au cas par cas devra donc intervenir. Il faudra également tenir compte de la pénibilité mais, en soixante ans, cette notion a changé. Il existe par conséquent des problèmes transversaux et des problèmes spécifiques.

– Le troisième alinéa du I de l’article 5 de la loi du 21 août 2003 n’est pas facile à comprendre mais l’idée, à l’époque, était de répartir ainsi les gains d’espérance de vie : un tiers pour le travail et deux tiers pour la retraite. Le mouvement peut toutefois être inverse : selon les dernières données de l’INSEE, entre 1999 et 2006, l’espérance de vie des femmes âgées de 60 ans a baissé de deux ans et celle des hommes de deux ou trois mois. Compte tenu de cette inflexion, les hypothèses de calcul de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le taux plein en 2050 pourraient être modifiées et conduire à constater que la durée de 167 trimestres initialement calculée peut être ramenée à 166 trimestres.

– Concernant le FRR, le COR n’a pas de doctrine. Il a simplement pris acte de la fonction de lissage assignée au fonds à compter de 2020. Le gouvernement pourra néanmoins décider de lui conférer d’autres fonctions, plus centrales, dans le financement du régime de retraite, comme cela se fait dans d’autres pays, notamment le Canada, mais cela nécessitera un abondement d’un autre ordre de grandeur. Cependant, si on limite l’emploi de ses actifs à une mission de lissage, ses ressources et leur abondement actuels pourraient suffire pour lui permettre d’exercer sa mission.

M. Marcel Rogemont a demandé si le COR a intégré dans son analyse des travaux mesurant l’espérance de vie et les variations existant par métier, l’espérance de vie différant en effet selon que l’on est cadre ou ouvrier de la métallurgie, exposé ou non à des conditions de travail particulièrement difficiles. Par ailleurs, avec les systèmes de retraite complémentaire, le financement des retraites se diversifie et se complexifie. Le COR prend-il cette dimension en compte afin de bien mesurer le coût des retraites pour la société ?

Mme Martine Billard a constaté que le rapport du COR aborde les problèmes de l’égalité hommes-femmes. Nombre de femmes, employées à temps partiel et rémunérées au SMIC horaire, vont se retrouver avec une pension inférieure au minimum contributif dont le plancher est calculé sur du temps plein. De surcroît, les polypensionnés sont souvent des femmes. Quelle solution le COR propose-t-il pour éviter une aggravation de la condition des femmes retraitées dans les décennies à venir ?

Le COR a-t-il une idée du nombre de salariés concernés par les mesures de mise à la retraite d’office avant soixante-cinq ans ? Les mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 tendant à dissuader les mises à la retraite d’office frappent davantage les salariés que les entreprises. Au final, elles risquent de réduire les revenus des salariés sans guère avoir de conséquences sur le phénomène combattu. Par ailleurs, le COR s’est-il penché sur le cas des personnes mises à la retraite d’office relevant des ASSEDIC ?

Concernant le sujet de la pénibilité du travail, force est de constater qu’aucune discussion n’a abouti. N’est-il pas contradictoire de chercher à faire travailler les salariés plus vieux et de poser la question de la pénibilité du travail si, de l’autre côté, la Commission européenne incite à augmenter la durée du travail et si le temps de travail est porté au maximum européen ? Comment convaincre les salariés ayant déjà travaillé quarante ans de poursuivre leur carrière si leur temps de travail hebdomadaire ou mensuel est allongé ?

M. Roland Muzeau a objecté que la bonne ambiance de travail du COR ne signifie pas que ses propositions emportent le consensus car il est systématiquement utilisé pour faire prévaloir des dispositions orientées. Les salariés ont plusieurs motifs d’inquiétude : la remise en cause potentielle des possibilités de prendre leur retraite après une carrière longue ; la revalorisation des retraites de 1,1 %, soit moins que la hausse de prix ; le fait que le Premier ministre ait évoqué le passage à quarante et un ans de la durée de cotisation comme un fait acquis pour le rendez-vous de 2008.

Par ailleurs, il est inadmissible que le MEDEF bloque les négociations sur la pénibilité du travail car les engagements de 2003 avaient eu l’aval de toutes les organisations syndicales et avaient pesé lourd dans le positionnement de l’une d’elles. L’enjeu est l’espérance de vie mais aussi, pour les salariés victimes de maladies professionnelles, l’espérance d’une meuilleure qualité de vie.

Enfin, pourquoi le FRR a-t-il été si faiblement alimenté au cours de quatre dernières années, alors que les privatisations se sont poursuivies ?

M. Régis Juanico a réclamé des éléments chiffrés plus précis concernant l’impact des réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003 sur le taux de remplacement des pensions de retraite et le nombre des petites retraites. On parle d’un million de retraités vivant sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, le COR a-t-il mené une réflexion sur les critères d’espérance de vie et de pénibilité du travail ?

En réponse aux différents intervenants, M. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, a fourni les éléments d’information suivants :

– Les données du COR relatives à l’espérance de vie proviennent de l’INSEE et sont déclinées par sexe et catégories professionnelles. Le COR a travaillé sur la pénibilité et la matière lui est apparue extrêmement complexe car ce concept est subjectif. Il existe certaines évidences, relatives en particulier aux maladies professionnelles, mais il est plus pénible d’enseigner dans une ZEP qu’au lycée Henri-IV de Paris ou encore de travailler dans un bureau à la SNCF que de réparer des caténaires dans le froid, en décembre, à trois heures du matin. Déterminer des critères de pénibilité est très difficile. La pénibilité doit entraîner un abaissement de l’âge de la retraite lorsqu’elle provoque une réduction de l’espérance de vie. Toutefois, au sein de chaque catégorie socioprofessionnelle, quelles sont les métiers concernés ? Sous le gouvernement précédent, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, avait pris l’initiative de mettre un petit groupe technique à la disposition des négociateurs réfléchissant sur ce dossier. Le COR a délégué un de ses collaborateurs dans ce groupe de travail mais il n’en est pas encore ressorti grand-chose. Il est envisagé de rédiger une fiche sur ce sujet dans le dossier d’actualisation du COR pour la fin novembre. Au demeurant, la négociation sera aussi difficile au sein des entreprises qu’au niveau national. Compte tenu des contraintes de coût, il sera indispensable d’être sélectif dans la définition des métiers pénibles.

– Le COR appréhende le problème des retraites de manière globale. Le premier niveau est celui des régimes de base. Le deuxième est celui des régimes complémentaires. Mais il en existe un troisième, celui des régimes supplémentaires facultatifs, et même un quatrième, celui de l’épargne retraite, qui contient des éléments de capitalisation. Cette épargne retraite reste cependant modeste : dix milliards d’euros de capitalisation en 2006 contre mille milliards pour l’assurance vie.

– Concernant l’égalité hommes-femmes, le COR n’a pas achevé ses travaux sur les avantages familiaux et conjugaux.

– Le COR ne s’est pas encore positionné sur la question des petites pensions et la réalisation de l’objectif de porter le minimum contributif à 85 % du SMIC mais il n’est pas certain que cet objectif soit adapté pour les femmes seules ayant travaillé à temps partiel. Ne faut-il pas dès lors changer d’objectif ? Sur quelles petites retraites convient-il de mettre le paquet ? Les questions ne sont pas tranchées.

– Le COR n’ayant pas été saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 – ce qui est normal –, il n’a pas d’avis à exprimer sur l’effet éventuellement pervers des mesures relatives aux mises à la retraite d’office. En revanche, il est certain que l’emploi des seniors ne pourra être favorisé que si le problème de la pénibilité est résolu.

– Le COR n’a pas l’intention de se laisser instrumentaliser par le gouvernement, quelle que soit sa couleur, ni par les organisations syndicales ou le patronat.

– Si le FRR est cantonné à sa fonction de lissage, son niveau de financement actuel suffit. Son abondement n’a pas été plus important parce qu’un gouvernement, quand il a un peu d’argent, est soumis à deux tentations : régler les problèmes courants et désendetter l’État. Abonder le FRR vient ensuite. L’argument de M. Raoul Briet, directeur du FRR, selon lequel, placé au FRR, l’argent rapporte à l’État près de 6 %, c’est-à-dire davantage que les 4 % de rémunération des bons du Trésor, est pertinent. Pour renforcer le FRR, le COR estime qu’il faut accroître le montant de sa dotation.

– Le futur rapport du COR contiendra une fiche sur le niveau de vie des retraités. En tout cas, depuis 1993, les pensions ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix, ce qui a évidemment provoqué un décrochage. Le nombre d’un million de retraités vivant sous le seuil de pauvreté semble excessif. Au demeurant, le niveau de vie des retraités dépend fortement de leur qualité de propriétaire ou de locataire.

M. Yves Guégano, secrétaire général du Conseil d’orientation des retraites, a donné les éléments d’information complémentaires suivants :

– Le minimum vieillesse est inférieur au seuil de pauvreté défini par l’INSEE. Pour mesurer le niveau de vie des retraités, il faut effectivement tenir compte du logement mais aussi des droits connexes accordés, qui bénéficient à une grande partie d’entre eux (transport gratuit, aide sociale, avantages en nature,…).

– Une personne travaillant à mi-temps peut valider quatre trimestres d’assurance au régime général. Elle est donc éligible au minimum contributif porté à 85 % du SMIC net mais n’atteindra certainement pas ce plafond, à cause du niveau des pensions que lui serviront les régimes complémentaires.

– La plupart des branches ayant signé des accords relatifs à la mise à la retraite d’office ont une très grande proportion de leurs salariés couverte par le dispositif.

– Compte tenu de l’allocation stratégique d’actifs du FRR, axée sur les actions, la probabilité que ses placements génèrent des rendements supérieurs à ceux des obligations s’élève à 80 %. Cela signifie que le risque est tout de même de 20 %.

– Le rôle assigné au FRR au-delà de 2020 devra être précisé, notamment le champ des régimes concernés. La grande difficulté consiste à évaluer les besoins de financement supplémentaires du système de retraite après 2020 : ils dépendront également des mesures qui seront prises d’ici là.

M. Pierre Morange, vice-président, a remercié le président et le secrétaire général du Conseil d’orientation des retraites pour la qualité de leurs réponses.