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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 12 décembre 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de Pierre Méhaignerie Président puis de Dominique Tian

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme du service public de l’emploi : M. Jean-Paul Anciaux, président de la Commission nationale de labellisation des maisons de l’emploi, Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, M. Jean-Luc Bérard, directeur général de l’Unédic, et M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE 

– Information relative à la commission 

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a organisé une table ronde, ouverte à la presse, sur la réforme du service public de l’emploi.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié M. Jean-Paul Anciaux, président de la Commission nationale de labellisation des maisons de l’emploi, Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, M. Jean-Luc Bérard, directeur général de l’Unédic, et M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, d’avoir accepté de participer à cette table ronde, même si, depuis qu’ils ont été invités, l’on a appris que l’examen par l’Assemblée nationale du texte sur la fusion entre l’Unédic et l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) est reporté à la dernière semaine du mois de janvier 2008. Au moins cela donnera-t-il à la commission le temps de préparer la discussion, à la différence du projet sur le pouvoir d’achat, qui sera examiné cet après-midi et pour lequel les délais sont fort courts… C’est pourquoi il n’a pas semblé utile de déplacer cette table ronde.

L’amélioration du service aux demandeurs d’emploi fait l’objet d’un large accord. Toutefois, lorsque Mme Christine Lagarde est elle-même venue présenter ce texte il y a quelques semaines, sa présentation a suscité des interrogations sur le fonctionnement du réseau dans les bassins d’emploi. Un certain nombre de députés ont marqué leur attachement aux maisons de l’emploi, même si la problématique va au-delà de la seule question de la fusion. En effet, nombreux sont ceux qui considèrent qu’il faut aller plus loin et intégrer les missions locales, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), les centres d’information et d’orientation (CIO) et les chambres consulaires dans une mobilisation locale en faveur de l’emploi.

M. Dominique Tian, rapporteur, a rappelé que des députés se sont en effet inquiétés de la place réservée aux maisons de l’emploi, qui ne figuraient pas dans la première version du texte. Ces maisons étaient pourtant d’une priorité du gouvernement précédent : M. Jean-Louis Borloo s’était largement investi en leur faveur il y a un an et demi et un certain nombre d’élus locaux avaient créé de telles maisons et les avaient fait labelliser. L’idée de départ était donc de leur trouver une place dans le nouveau dispositif : cette table ronde est donc particulièrement opportune afin de préparer le rapport sur ce texte compliqué et qui provoque l’inquiétude des personnels. Une question d’actualité sera d’ailleurs posée à Mme Christine Lagarde cet après-midi même. Il conviendra également de préciser les choses en ce qui concerne le transfert des biens immobiliers. Pour autant, il s’agit d’un texte très attendu, dont la présentation a été différée pendant trente ans, et chacun sait ce que la fusion apportera aux demandeurs d’emploi, mais il devra bien sûr être amélioré, en particulier en ce qui concerne les maisons de l’emploi.

M. Jean-Paul Anciaux, président de la commission nationale de labellisation des maisons de l’emploi, a rappelé que le plan de cohésion sociale prévoyait la création de 350 maisons de l’emploi. Il s’agissait, à partir d’initiatives locales portées par les acteurs de terrain, les élus, les acteurs économiques, les partenaires sociaux, de créer sur un territoire donné une entité regroupant l’ensemble des partenaires qui concourent à l’accueil, l’information, l’orientation, la formation et l’emploi. L’idée était que l’ensemble de ces acteurs qui travaillaient jusqu’ici isolément, soient regroupés au sein d’une structure propice à des synergies, des échanges et une efficacité accrue.

Très rapidement les maires et les présidents d’établissement public de coopération intercommunale ont cru en cet outil et se sont très largement impliqués, avec l’ANPE, l’Unédic, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), l’AFPA, pour élaborer un cahier des charges et une charte, qui demeurent des références et font partie intégrante du nouveau texte. Ces documents prévoient en particulier un socle constitutif constitué des quatre partenaires devant obligatoirement participer au projet : services de l’État, collectivités locales, ANPE et Assédic. C’est sur ce socle que venaient s’ajouter d’autres partenaires comme les missions locales, les maisons de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE), les programmes locaux pour l’insertion par l’économie (PLIE), les chambres consulaires, etc.

Le plan de cohésion sociale a programmé une couverture du territoire par les maisons de l’emploi en prenant comme périmètre les bassins d’emploi. Les élus ont toutefois eu tendance à considérer que ce périmètre n’était pas toujours judicieux et à lui préférer celui des communautés de communes ou d’agglomération. À la fin de la précédente législature, 227 maisons avaient été labellisées et 150 avaient passé une convention avec l’État pour ce qui concerne le fonctionnement et les équipements.

C’est alors qu’a été présenté le projet de fusion entre les Assédic et l’ANPE, qui part de l’idée qu’il est dans l’intérêt de tous – demandeurs d’emploi comme acteurs économiques – de disposer d’un outil plus efficace, plus opérationnel et plus lisible, pour les prestations comme pour les services. On s’est dès lors demandé ce qu’il allait advenir des maisons de l’emploi. Dans un premier temps, elles ont été mises entre parenthèses. Une analyse plus approfondie a ensuite montré que celles qui avaient déjà été mises en place pouvaient apporter une dimension opérationnelle intéressante sur le territoire.

Ayant repris le dossier, Mme Christine Lagarde a décidé de marquer une pause afin de prendre le temps de l’évaluation et elle a chargé, par une lettre de mission, l’orateur de lui remettre un rapport d’étape début janvier 2008 et un rapport définitif au mois d’avril. Il s’agira d’actualiser le cahier des charges et d’apporter le cas échéant des compléments d’information, par exemple pour rendre plus rigoureuse l’analyse des projets présentés, afin que l’implantation des maisons de l’emploi puisse se poursuivre. L’objectif est de rechercher une bonne articulation entre l’outil que constituera l’ensemble ANPE-Assédic fusionnées et les maisons de l’emploi, qui demeureront des acteurs opérationnels.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné l’intérêt que la commission porte au fonctionnement des structures territoriales.

Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a indiqué, au nom des partenaires sociaux qui gèrent l’Unédic, que ce qui les motive dans ce projet comme tout au long de leur histoire, c’est bien évidemment l’intérêt des demandeurs d’emploi. Aujourd’hui, une évolution institutionnelle est proposée, il faut faire en sorte qu’elle garantisse toujours cet intérêt.

Pour leur part, les partenaires sociaux n’étaient pas demandeurs de cette réforme en ce moment. Ils sont en effet engagés dans la mise en œuvre de la convention tripartite issue de la loi de programmation pour la cohésion sociale entre l’État, l’ANPE et l’Unédic, qui a d’ores et déjà amené un rapprochement réel à travers le guichet unique, le dossier unique des demandeurs d’emploi et le groupement d’intérêt économique (GIE) informatique. Il paraît souhaitable de mener cette opération à son terme avant de voir s’il est nécessaire d’aller plus loin. Les partenaires sociaux sont également engagés dans une négociation extrêmement importante sur la modernisation du marché du travail, qui peut avoir des conséquences sur le nouvel outil. Il paraissait donc bien plus utile de construire le contenu avant de fabriquer l’outil. Le Président de la République en a décidé autrement.

Pourtant, il est légitime de plaider pour la permanence des politiques publiques, qui ne doivent pas être modifiées tous les quatre matins. Cela vaut en particulier pour les maisons de l’emploi et ce qu’a déclaré M. Jean-Paul Anciaux à leur propos est tout à fait pertinent. L’Unédic est persuadée que le nouvel opérateur pourra parfaitement s’adapter à ces structures : l’ANPE et l’Unédic siégeaient jusqu’ici au sein de leur conseil d’administration, ce rôle sera désormais dévolu au nouvel opérateur.

Les sensibilités des partenaires sociaux sur le projet de loi diffèrent, mais ils sont unanimes sur la nécessité de maintenir leur capacité à décider par la négociation du niveau des cotisations d’assurance-chômage, du niveau des allocations et des publics bénéficiaires. Il convient également que l’Unédic continue à gérer paritairement tout cela, en particulier ce qui a trait aux aspects financiers des allocations. Tel est le cas avec la loi actuelle et les partenaires sociaux demandent solennellement à ce qu’il continue à en être ainsi.

Il faut en particulier être clair sur le fait que l’on ne parle pas d’une fusion entre l’ANPE et l’Unédic mais entre les ANPE et les Assédic – car l’Unédic demeure – tout comme la capacité des partenaires sociaux à négocier. Ainsi, on entendra toujours parler, tous les trois ans, d’une négociation d’assurance-chômage, on continuera à négocier sur les annexes et l’on entendra à nouveau parler des annexes 8 et 10… Il convient donc de parler, car c’est bien de cela qu’il s’agit dans le texte, d’une fusion des réseaux opérationnels, donc de l’ANPE et des Assédic.

Le paritarisme est une valeur importante et doit trouver sa place dans le nouvel opérateur. Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein de son conseil d’administration et le paritarisme sera également entier au sein de la commission paritaire régionale créée par la loi. C’est même grâce à la présence des partenaires que le nouvel opérateur sera mis sous tension. C’est ainsi que l’on évitera le syndrome du mammouth : pour reprendre l’expression de l’excellent éditorial paru avant-hier dans les Échos, la gazelle est bien sûr préférable au mammouth… Dans le contexte actuel du marché du travail, on a en effet besoin de réactions et d’adaptations rapides, ce que peut garantir le paritarisme car ce sont les partenaires sociaux qui connaissent le mieux le monde de l’entreprise, du point de vue de l’employeur comme de celui du salarié.

L’instance paritaire locale est décrite de manière très succincte dans le projet alors qu’elle devrait avoir un rôle bien plus important en ce qui concerne les lieux d’implantation, la politique régionale, les conventionnements pour l’accès à la formation, ainsi que les recours, qui doivent être effectivement ouverts aux demandeurs d’emploi, tout simplement parce que tout fonctionnement induit des dysfonctionnements.

Il convient par ailleurs que le projet, dont certaines dispositions auraient sans doute été parfaites il y a dix ans, intègre les très importantes évolutions institutionnelles et économiques survenues depuis lors. Il faut en particulier prendre en compte la définition du service public de l’emploi tel que le garantit la loi de cohésion sociale, qui en a pour la première fois acté l’existence. L’idée des trois cercles montre que l’on peut faire partie de ce service public tout en n’appartenant pas à l’administration, l’Unédic, structure privée sous forme d’association loi de 1901, étant ainsi reconnue comme faisant partie du premier cercle.

Les inquiétudes que suscite le nouvel opérateur ne sauraient faire oublier que cette organisation est fondée sur plusieurs acteurs, mais aussi sur des partenariats locaux et sur des stratégies politiques communes. Par ailleurs, depuis dix ans, l’ANPE et les Assédic ont pris conscience qu’il ne faut pas proposer les mêmes services à tout le monde au même moment : il est beaucoup plus utile de proposer des services soutenus et personnalisés aux demandeurs d’emploi qui risquent un chômage de longue durée. Contrairement à l’idée d’une offre de service global du nouvel opérateur, il faut rechercher une « inégalité de traitement » au profit de ceux qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, le monopole de placement n’existant plus, l’ANPE et l’Unédic ont commencé à travailler avec des opérateurs privés. Un bilan de cette expérimentation sera tiré début 2008. Mais on voit d’ores et déjà qu’il y a d’autres manières de procéder, que l’on peut s’adapter à différents publics, à différents bassins d’emploi. Cette richesse devra être préservée au sein du nouvel opérateur.

S’agissant de la place des territoires, il faut rappeler que dans le cadre de la décentralisation, la formation des demandeurs d’emploi non indemnisés est de la responsabilité des conseils régionaux qui ont également compétence sur les questions d’emploi et d’économie. Force est toutefois de constater que le projet ne fait référence ni aux conseils régionaux, ni à l’articulation des politiques qu’ils mènent avec celles du nouvel opérateur. Pourtant, il s’agira bien de traiter dans le même endroit des personnes qui pourront bénéficier de financements de l’État, de l’Unédic et des conseils régionaux. Comment travailler efficacement sans prendre en compte la réalité de la décentralisation ?

Les partenaires sociaux aimeraient également avoir des assurances quant à la part que prendra l’État dans le budget du nouvel opérateur. Celle qui incombera à l’Unédic pour l’indemnisation et le fonctionnement est précisément définie. Pour montrer qu’elle veut la réussite du nouvel opérateur, l’Unédic a accepté que 10 % des cotisations soient destinées au fonctionnement et au service du nouvel opérateur. Cela représente 2,7 milliards d’euros, soit 500 millions d’euros de plus qu’actuellement. En contrepartie, les partenaires sociaux demandent solennellement que la part de l’État soit également garantie. Or le texte est quelque peu flottant sur ce point. Les premières estimations montrent que, sur un budget global de 40 milliards d’euros, 30 milliards seront fournis par l’Unédic. Il ne semble donc pas illégitime pour cette dernière de demander des assurances.

Il est par ailleurs prévu trois sections en ce qui concerne le financement du nouvel opérateur. La troisième section mélange des dépenses liées aux salariés et des dépenses relatives aux services fournis aux demandeurs d’emploi, en particulier pour les prestations de formation. Cela ne paraît pas pertinent : il faut distinguer plus clairement salaires des agents et services aux demandeurs d’emploi.

L’article 7 apporte des garanties quant à l’immobilier détenu par l’Unédic et par les Assédic, dont on ne saurait oublier qu’il n’appartient pas au domaine public mais qu’il est la propriété de ces associations régies par la loi de 1901. En vertu de ce texte, lorsque les Assédic vont se dissoudre pour intégrer le nouvel opérateur, leur immobilier ne pourra être transmis qu’à une autre association ayant le même objet, donc l’Unédic. Celle-ci mettra à la disposition du nouvel opérateur tout ce qui sera nécessaire, mais ses procédures et ses intérêts patrimoniaux doivent être respectés, tout comme la loi. Une délibération en ce sens a été adoptée par le conseil d’administration de l’Unédic le 29 novembre dernier.

Il peut être intéressant, pour lutter contre la fraude, de transférer les cotisations aux unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF). Mais il ne saurait s’agir d’une opération mécanique : quand on a la responsabilité de l’encaissement et du contentieux, on est en relation directe avec l’entreprise. La « gazelle » a besoin de se doter d’un véritable service aux entreprises. Le fichier de l’Unédic est un merveilleux outil pour connaître en temps réel la situation de l’emploi dans toutes les entreprises, pour savoir qui vient d’être licencié, qui a besoin de créer un emploi, qui a besoin de faire appel aux services de l’emploi.

La question de la maîtrise financière, en particulier de la trésorerie, est également importante pour les partenaires sociaux. Cette maîtrise est aujourd’hui garantie par le fait que ce sont les partenaires qui recouvrent et qui paient. Il ne faudrait pas qu’elle soit obérée par le transfert du recouvrement.

Si le nouvel opérateur doit être réactif, il convient également qu’il soit ambitieux sur un certain nombre de dossiers qui ne sont pas véritablement traités pour l’instant, qu’il s’agisse de l’information, de l’orientation, de l’accès à la formation, du service aux entreprises ou de l’adéquation réelle entre l’offre et la demande d’emploi. L’objectif est bien de mettre les chômeurs et les entreprises ensemble, car c’est ainsi que l’on pourra vraiment faire baisser le chômage.

On a évoqué l’inquiétude des personnels. Celui de l’Unédic a des demandes très précises. Il n’est pas opposé à la fusion : il l’acceptera si on lui garantit que la future convention collective du nouvel opérateur sera une extension de la convention collective de l’Unédic, en y intégrant les dispositifs de protection des personnels de l’ANPE. Le transfert de la mission de recouvrement est le point le plus délicat : cela représente 1 300 personnes au sein de l’Unédic, avec un problème particulier en Île-de-France, le recouvrement des cotisations étant centralisé dans une Assédic spécifique (le Garp) où travaillent 500 personnes.

Enfin, les partenaires sociaux ont été associés à la préparation du projet de loi, ils aimeraient être également consultés sur la préparation des décrets d’application, au sein d’une commission qui pourrait émaner du Conseil supérieur de l’emploi.

M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, a indiqué partager largement les propos de Mme Thomas sur la nécessité de créer non pas un mammouth mais une gazelle, afin de mieux accompagner les demandeurs d’emploi et d’aider les entreprises à recruter.

Ce texte s’inscrit dans la droite ligne de la convention tripartite de 2006, même s’il va plus loin que ce qui était prévu. Si l’on peut regretter que cette convention n’aille pas à son terme, on peut aussi constater qu’elle a permis des rapprochements très importants entre les deux maisons, qui ont désormais une volonté commune d’avancer sur un certain nombre de points importants : guichets uniques, qui concernent aujourd’hui la moitié du réseau de l’ANPE, GIE informatique, qui sera opérationnel à partir du 1er janvier prochain, dossiers uniques des demandeurs d’emploi, offres de services conjointes. C’est donc parce que cette convention a fort bien fonctionné que la fusion entre le réseau opérationnel de l’assurance chômage et l’ANPE, qui paraissait hier impossible, est désormais rendue plus facile.

L’ANPE à la volonté que tout cela contribue à renforcer le service rendu au demandeur d’emploi et aux entreprises, qui sont à ses yeux deux « clients », selon son jargon interne, aussi importants l’un que l’autre. Il ne sert à rien d’accueillir les demandeurs d’emploi tous les mois si l’on n’a pas d’offres à leur proposer. C’est pour cela que l’ANPE mène une action intensive auprès des entreprises, avec plus de 800 000 visites chaque année, avec la collecte de 3,7 millions d’offres, avec la satisfaction de 3,5 millions d’entre elles. C’est la condition sine qua non pour un bon accompagnement des demandeurs vers le retour à l’emploi.

Ce texte doit donc permettre de : simplifier le parcours du demandeur en allant plus loin que ce qui est prévu dans le cadre du guichet unique qui ne concerne aujourd’hui que les inscriptions, alors qu’il y a bien d’autres occasions de contacts entre les demandeurs et l’ANPE ; améliorer l’accompagnement des demandeurs, car c’est bien à l’aune de la baisse du chômage que l’on jugera les effets de la fusion ; renforcer les actions auprès des entreprises, le rapprochement avec les services de recouvrement permettant d’accéder aux fichiers des entreprises, donc de connaître la réalité des offres d’emploi.

L’architecture du dispositif est équilibrée, avec un conseil national de l’emploi équilibré et associant l’ensemble des parties prenantes – État, partenaires sociaux, opérateurs, collectivités territoriales, personnalités qualifiées – ce qui donnera plus de cohérence aux politiques de lutte contre le chômage et de développement de l’emploi. Au sein de cette architecture, l’Unédic est maintenue, Mme Annie Thomas l’a souligné à juste titre.

Dotée de 45 000 collaborateurs, ce qui est considérable, la nouvelle institution n’en sera pas moins unique, avec des directions régionales fortes, dotées de pouvoirs importants afin d’inscrire la politique de l’emploi dans une logique territoriale. Voilà qui devrait répondre à certaines des interrogations sur le rôle des maisons de l’emploi.

Le projet respecte toutes les légitimités. Autrefois, on avait d’un côté la forte légitimité des partenaires sociaux sur l’assurance chômage et de l’autre celle de l’État, en charge des politiques de retour à l’emploi. Désormais, tout en conservant cette légitimité des partenaires pour la négociation des conventions d’assurance-chômage, la maîtrise des flux financiers et la détermination du niveau des cotisations, on associe beaucoup plus étroitement l’État, l’ANPE et les partenaires sociaux, qui seront majoritaires au sein du conseil d’administration. Cela sera propice à la cohérence de la politique de retour à l’emploi, l’ensemble des mesures d’activation du chômage étant mises en œuvre au sein du nouvel établissement.

C’est à juste titre que le projet prévoit une instance de préfiguration, dont la durée de vie ne devra pas être excessive afin d’engager sans tarder un certain nombre de choses. En effet, après l’adoption du projet, outre les décrets d’application, un certain nombre de textes devront être négociés et signés : convention tripartite entre l’État, l’Unédic et la nouvelle institution, convention d’objectifs et de moyens du nouvel organisme. Il conviendra également de régler la question de la mise à disposition des biens immobiliers nécessaires au fonctionnement de la nouvelle structure, et ce dans le respect du statut associatif de l’Unédic et des Assédic.

Il faut veiller par ailleurs à la cohérence de l’action des différents partenaires au niveau national comme au sein des réseaux. La fusion entre l’ANPE et le réseau opérationnel de l’assurance-chômage laisse de côté un certain nombre d’autres institutions très importantes comme l’AFPA, les missions locales, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), Cap Emploi ou les maisons de l’emploi. Or il est indispensable de garantir la cohérence des actions. Cela peut être fait dans le cadre de conventions comme il en existe aujourd’hui entre l’ANPE et les missions locales, mais aussi, au niveau territorial, au sein de l’instance régionale prévue par le projet et de dispositifs comme les maisons de l’emploi, qui doivent trouver toute leur place et au sein desquelles le nouvel opérateur se substituera à la participation de l’ANPE et des Assédic.

Il faut en effet que cet établissement soit mis sous tension : il ne s’agit nullement de créer une nouvelle administration d’État mais bien une structure opérationnelle. Cette mise sous tension suppose que cette structure soit contrôlée – le projet confie ce rôle au conseil national de l’emploi –, qu’elle soit évaluée au niveau régional par une instance spécifique comme l’ont demandé les partenaires sociaux et qu’elle doive obligatoirement faire appel à des opérateurs privés.

En réponse à une question du président Pierre Méhaignerie, M. Christian Charpy a précisé qu’il n’y aura pas trois directeurs régionaux au sein de la nouvelle structure mais un seul, assisté d’un ou plusieurs adjoints.

Par ailleurs, il est nécessaire d’obtenir de la nouvelle structure des réalisations rapides, en particulier en ce qui concerne la polyvalence des sites d’accueil et le renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Les personnels sont logiquement mobilisés sur la question de la fusion. Le directeur général a lui-même rencontré un grand nombre d’agents pour leur donner les explications indispensables. Mme Christine Lagarde a apporté de fortes garanties : les effectifs ne seront pas réduits ; les personnels auront le choix de conserver leur statut actuel ou d’intégrer la nouvelle convention collective ; il n’y aura aucune mobilité géographique forcée. Cela paraît nécessaire pour susciter l’indispensable adhésion du personnel. Au sein de l’ANPE, si certains représentants du personnel sont défavorables au projet, d’autres ont marqué leur accord et ils accompagnent le processus. Sans doute conviendrait-il d’ailleurs que les organisations syndicales des deux maisons se rapprochent.

M. Jean-Patrick Gille a déploré le calendrier d’examen des textes législatifs. Il a également regretté que le dépôt de ce projet intervienne avant que le plan de cohésion sociale n’ait produit tous ses effets, ce qu’illustre fort bien l’exemple des maisons de l’emploi.

Sur le principe, chacun peut être favorable à l’amélioration du service offert aux demandeurs d’emploi, à la condition toutefois que l’ensemble d’entre eux soient concernés et en particulier les bénéficiaires du RMI. Il ne faudrait pas aller vers un système à deux vitesses, les dispositifs les plus efficaces étant réservés aux plus « employables ».

Sur la méthode, une réforme de ce type nécessite un certain consensus : on ne peut faire passer en force un changement d’organisation d’une telle importance. On peut donc s’étonner que l’on mette en place les outils avant que les discussions sur la modernisation du marché du travail, la réforme de l’indemnisation, la formation professionnelle et la sécurisation des parcours professionnels n’aient abouti. Ne conviendrait-il pas d’abord de se mettre d’accord sur ce qui doit être amélioré avant d’élaborer ou de perfectionner des outils, ce qui permettrait en outre de disposer du temps nécessaire pour procéder aux évaluations qui font aujourd’hui défaut ?

S’agissant de la fusion, il semble que l’on en soit aux fiançailles mais, s’il s’agit d’un mariage d’amour, la fiancée paraît un peu rétive… Ne vient-elle pas d’indiquer qu’elle n’est pas demandeuse ? Du moins faut-il espérer qu’il ne s’agit pas d’un mariage forcé…

On a peu évoqué jusqu’ici la question de la fongibilité. Or c’est un peu ce qui a bloqué dans les maisons de l’emploi : on a réuni les personnes mais chacun a conservé sa propre cassette. La question du financement de la nouvelle structure est évidemment posée. L’Unédic est prête à apporter 2,7 milliards, donc à supporter pratiquement le coût de la fusion. Mais cela ne vaut que pour le fonctionnement. Comment être rassuré quant aux dispositifs d’indemnisation et à leur non-fongibilité ? Ne va-t-on pas expliquer à un moment donné que les surplus que l’on peut attendre de l’Unédic devront être consacrés exclusivement aux demandeurs d’emploi ?

En ce qui concerne l’approche territoriale, un effort a été fait dans la nouvelle mouture du texte pour le niveau régional mais rien n’est prévu pour le niveau infra-départemental. On a l’impression qu’il n’a pas été tenu compte des progrès enregistrés ces dix dernières années.

La présidente de l’Unédic a souligné son attachement au paritarisme, mais on glisse ici vers un système tripartite semblable à celui qui prévaut pour la sécurité sociale, dans lequel on peut soutenir que l’État maîtrise l’ensemble des flux financiers. On peut donc se demander si le mariage est véritablement équilibré ou si ce n’est pas une ANPE renforcée qui emporte finalement la dot…

Mme Monique Iborra a souligné que personne ne semblait demandeur de cette réforme, si ce n’est peut-être les demandeurs d’emploi, que l’on n’a pas encore entendus. Elle est pourtant engagée dans la précipitation, comme tout ce que fait un gouvernement surtout soucieux de se montrer actif. On aurait pourtant pu prendre davantage de temps, d’autant que les choses évoluaient déjà, sur la base du volontariat des agents des Assédic et de l’ANPE. Telle n’a pas été la solution retenue et Mme Christine Lagarde a dit elle-même que le président de la République lui avait donnée quinze jours pour mener la réforme à bien.

Comme cela a été précédemment souligné, on installe le tuyau avant de savoir ce que l’on va y faire passer. De la sorte, le gouvernement demande aujourd’hui un chèque en blanc au Parlement. Si ce qui compte vraiment c’est le service qui sera rendu aux chômeurs, cela renvoie non pas à la seule fusion ANPE-Assédic mais à l’ensemble de la politique économique et sociale du gouvernement et à ses effets sur l’emploi. Aussi utile puisse-t-elle être, on voit mal comment la nouvelle institution pourrait à elle seule ramener le taux de chômage à 5 %.

S’agissant des maisons de l’emploi, il a été fort difficile d’obtenir du gouvernement qu’il précise sa participation au financement. C’est pourquoi un certain nombre d’élus n’ont pas été franchement étonnés par l’annonce du gel de ce dispositif et par les déclarations de Mme Christine Lagarde selon lesquelles l’on n’aurait plus besoin des maisons de l’emploi lorsque la fusion serait intervenue. Aujourd’hui, une mission a été créée et elle s’est mise au travail. Mais quand son président, M. Jean-Paul Anciaux, annonce qu’il remettra un rapport d’étape dès le mois de janvier, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un rideau de fumée destiné à faire oublier ces déclarations : à l’évidence, il n’est pas possible dans un délai aussi court de procéder aux évaluations nécessaires. Le vrai problème des maisons de l’emploi n’est-il pas que l’État est désormais incapable d’en assurer le financement ?

Enfin, le volet territorial semble singulièrement absent de ce projet. Certes, une instance régionale est prévue, mais il est assez inquiétant que le directeur général de l’ANPE mette au même niveau, dans son propos, l’APEC, les missions locales et les maisons de l’emploi, alors que ces dernières sont censées être le regroupement de l’ensemble des acteurs, dont justement l’APEC, les missions locales et les chambres consulaires. Voilà qui montre que ce projet ne s’inscrit pas dans les réalités territoriales. Comme l’a dit la présidente de l’Unédic, la nouvelle structure devrait tout simplement se situer à l’intérieur des maisons de l’emploi où elle conserverait son autonomie de fonctionnement, comme toutes les structures qui s’y trouvent déjà.

M. Lionel Tardy a estimé que la question des maisons de l’emploi est transversale et intéresse plusieurs commissions, notamment la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire dont il est membre.

Il est erroné de soutenir que personne n’est demandeur de cette fusion : ce serait faire fi des attentes des entreprises. Un des grands enjeux de ce projet de loi est l’image de modernité de l’Unédic et de l’ANPE auprès des entreprises qui, faut-il le rappeler, en sont les financeurs. Aujourd’hui, malgré les efforts accomplis, beaucoup de PME n’ont pas recours aux services de l’ANPE. Il existe trop de partenaires, trop de périmètres différents : maisons de l’emploi, AFPA, missions locales… Dans la région Rhône-Alpes s’est tenue dernièrement une réunion d’une nouvelle structure, le CTEF (comité territorial emploi-formation) : aucun chef d’entreprise ne serait capable de dire quel en est le fonctionnement et l’utilité, de même qu’aucun chef d’entreprise n’est informé du périmètre de la maison de l’emploi, de l’ANPE ou de la mission locale.

L’image de l’Unédic est quant à elle entachée par les affaires de fraude. La séparation des fonctions de placement et d’indemnisation ne facilite pas le contrôle. Le fichier unique devrait contribuer à régler ce problème. Plus généralement, beaucoup de métiers sont actuellement en tension et les entreprises ne trouvent pas à embaucher. Les PME doivent être considérées comme les clients des opérateurs publics de l’emploi, et non comme des usagers. C’est un aspect important des réformes à venir.

En ce qui concerne la fusion, il ressort des rencontres menées avec les différents partenaires en Haute-Savoie qu’il existe une certaine ouverture à l’ANPE, mais un peu plus de réticence de la part des Assédic et de l’Unédic, où les statuts et la convention collective sont différents et où certains agents seront obligés de changer de métier, passant du back office au front office. En tout état de cause, il faut mener un raisonnement global pour aboutir à une solution viable, l’objectif étant d’accroître la compétitivité et d’améliorer très sensiblement le marché de l’emploi.

Après avoir indiqué qu’elle préside une maison de l’emploi dans le Jura, Mme Marie-Christine Dalloz a opposé à Mme Monique Iborra, qui met en doute la pertinence du projet de loi, le fait que M. Pierre Mauroy avait évoqué dès 1981 la nécessité de disposer d’un opérateur fusionné pour renforcer l’efficacité territoriale. Sans doute beaucoup de temps a-t-il été perdu depuis lors, il n’empêche que le projet possède un ancrage historique. Le grand mérite de la convention tripartite aura été de faire travailler des opérateurs ensemble, ce qui n’était pas envisageable il y a une dizaine d’années. Le guichet unique a permis de simplifier le parcours du demandeur d’emploi. De même, le dossier unique du demandeur d’emploi (DUDE) permet de croiser des informations et d’assurer un suivi régulier.

Que la fusion intègre l’échelon régional ne saurait être contesté, car c’est là que se joue l’enjeu de la formation, essentiel à une politique pertinente d’accès ou de retour à l’emploi. Il n’en reste pas moins que la multiplicité actuelle des opérateurs en matière d’emploi et de formation conduit à un manque de lisibilité et n’est pas de nature à simplifier le parcours du demandeur.

On sait aujourd’hui qu’une politique d’emploi n’est efficace que si elle est menée au plus près des bassins d’emploi : c’est tout l’apport des maisons de l’emploi, qui ont permis de fédérer les actions de l’ensemble des opérateurs traditionnels. Si l’on n’intègre pas cet acquis dans la nouvelle donne qui résultera de la fusion, on aura perdu beaucoup.

Enfin, une mission d’information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales rendra en juin ses conclusions sur l’évaluation des maisons de l’emploi. Les auditions qu’elle a d’ores et déjà menées montrent qu’il n’existe aucune visibilité sur l’apport de ces structures. La mission se donne six mois pour en déterminer la pertinence et l’efficacité, en fonction de la taille, des problématiques de bassin, des partenaires impliqués, etc.

M. Francis Vercamer s’est demandé si, en dépit de la volonté affichée par les intervenants de réaliser la fusion dans l’intérêt des demandeurs d’emploi et dans le respect des agents et de leur statut, il ne flottait pas un léger parfum de traitement comptable dans cette opération. On indique par exemple que 10 % des cotisations d’assurance chômage doivent permettre le financement de la nouvelle structure : cela représente une contribution un peu plus importante qu’auparavant, ce qui donne l’impression d’un certain désengagement de l’État dans le financement du service public.

De plus, quel est l’objectif réellement poursuivi ? La présidente de l’Unédic a souhaité que les cotisations restent acquises aux demandeurs d’emploi indemnisés. Or ceux-ci ne représentent que 50 % du total des chômeurs. Qu’en sera-t-il de la solidarité nationale envers les autres ? Ne conviendrait-il pas de répartir les ressources entre tous les demandeurs d’emploi ? La réforme du service public de l’emploi ne devrait-elle pas se traduire par une redéfinition complète du système, afin de mieux aider les personnes les plus éloignées de l’emploi ? Il est en effet évident que ce sont elles qui resteront au chômage lorsque l’on aura atteint l’objectif de 5 % de taux de chômage. Si l’on conserve les critères actuels, elles ne seront plus indemnisées, si bien que les cotisations resteront inemployées. Que fera-t-on alors ? Supprimera-t-on les cotisations et, du même coup, la solidarité ?

Lors de l’audition de Mme Christine Lagarde par la commission des affaires culturelles, de nombreux parlementaires, parmi lesquels M. Jean-Paul Anciaux, M. Dominique Tian et le président Pierre Méhaignerie, ont dénoncé le fait que le projet de fusion opère une reconcentration des services de l’emploi au niveau national et oublie leur dimension territoriale. Aujourd'hui, même si certaines dispositions traduisent une volonté de revenir à cette dimension, on a toujours l’impression que l’État veut se réserver la partie la plus facile, la gestion des demandeurs qui sont aptes à l’emploi, laissant ceux qui en sont le plus éloignés aux maisons de l’emploi, aux structures locales et aux collectivités territoriales, au prétexte que l’insertion est plutôt du ressort des départements et des communes.

Enfin, les intervenants ont évoqué les fichiers informatiques dont ils disposent et qui leur permettent de connaître les demandeurs d’emploi et les entreprises. La fusion de ces fichiers est-elle techniquement possible ? La Commission nationale de l’informatique et des libertés a-t-elle rendu un avis sur une telle fusion et sur l’accès à un fichier centralisé ?

Le président Pierre Méhaignerie a constaté à son tour que l’empilement des structures et la complexité des mécanismes ne facilitent pas la tâche des demandeurs d’emploi. À cet égard, l’objectif de simplification de l’ensemble des politiques publiques est essentiel. Les maisons de l’emploi ont certes apporté des améliorations, mais pas systématiquement. Il ne faudrait pas construire des murs sans savoir ce qu’ils vont abriter. L’évaluation et la labellisation sont la condition du bon fonctionnement de ces structures. Si l’on souhaite que l’accompagnement soit plus ou moins important selon que le demandeur d’emploi est plus ou moins éloigné du marché du travail, que devient le contrat de transition professionnelle (CTP), qui s’inscrit dans cette logique et dont le bilan n’est pas encore entièrement tiré, dans le nouvel ensemble ?

Étant donné les améliorations que le regroupement devrait apporter en matière de productivité, a-t-on estimé le nombre de personnels que l’on devra former à l’accompagnement afin d’obtenir un taux d’encadrement plus élevé ? Des politiques de formations sont-elles déjà engagées ?

Enfin, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales se soucie bien évidemment de l’équilibre des dépenses de sécurité sociale. Le transfert d’un point de cotisation assurance chômage à la branche vieillesse ne pourrait que l’intéresser. Or, dans certains bassins d’emploi où le taux de chômage est faible, on assiste à une sorte de contagion du système des intermittents du spectacle. Dans l’industrie, l’agroalimentaire, le bâtiment et les travaux publics, où il existe des tensions sur l’emploi, la formule de l’intérim à répétition – faisant alterner, par exemple, six mois d’intérim et six mois de chômage indemnisé – se révèle parfois plus intéressante que le contrat à durée indéterminée et commence à prendre des proportions importantes, alors qu’il existe actuellement 400 000 offres d’emploi non satisfaites. De ce point de vue, la dégressivité est-elle à l’ordre du jour, ou l’a-t-on totalement évacuée du débat qui va s’ouvrir dans les prochains mois ?

Répondant à cette première série de questions, M. Jean-Paul Anciaux a averti que l’on se trouve à la croisée des chemins. Le projet de loi prévoit la fusion opérationnelle « par le haut » : il s’agit d’une décision nationale qui se déclinera au niveau local. La création des maisons de l’emploi résulte d’une démarche inverse, qui vise à faire travailler ensemble tous les acteurs locaux. Si le dispositif avait été mis en place efficacement dans tous les bassins d’emploi, la fusion opérationnelle des instances nationales aurait été réalisée de fait.

À cet égard, il faut se reporter au cahier des charges des maisons de l’emploi, qui contient déjà toutes les préconisations formulées par Mme Annie Thomas et presque toutes celles de M. Christian Charpy :

« La maison de l’emploi assure la convergence des politiques publiques de l’emploi et de la formation professionnelle dans le cadre d’un diagnostic, d’une stratégie et d’un plan d’actions partagés, adaptés au développement économique et social du territoire. […]

« La maison de l’emploi a pour objectifs d'associer les collectivités territoriales, de fédérer l’action des partenaires publics et privés et d’ancrer le service public de l’emploi dans les territoires. […]

« La maison de l’emploi assure la coopération entre partenaires autour d’un projet de territoire construit à partir d’un diagnostic, d’objectifs, d’un plan d’actions, d’une programmation et d’une évaluation partagés.

« La maison de l’emploi garantit la complémentarité dans l’action et favorise la mutualisation des moyens. […]

« La maison de l’emploi agit obligatoirement dans les trois domaines d’intervention suivants : Observation, anticipation et adaptation au territoire. […] Accès et retour à l’emploi. […] Développement de l’emploi et création d’entreprise. »

Comme l’a très bien expliqué Mme Marie-Christine Dalloz, il faut trouver la bonne articulation entre l’entité qui se mettra en place et la dimension territoriale que représentent les maisons de l’emploi.

Il faut aussi convenir, avec Mme Monique Iborra, que le bilan des maisons de l’emploi est aujourd'hui assez contrasté. Celles-ci fonctionnent bien dans certains secteurs, moins bien dans d’autres, d’où l’intérêt d’une commission d’évaluation. La commission nationale de labellisation a peut-être manqué de rigueur dans les derniers mois, mais cela ne doit en aucun cas remettre en cause le travail accompli pour mettre en place des structures qui sont sans doute les seules à même d’intégrer le dispositif résultant de la fusion. De toute façon, l’un ne se fera pas sans l’autre, ni l’un contre l’autre, ni l’un en concurrence avec l’autre.

Mme Annie Thomas a remercié les membres de la commission qui ont souligné l’intérêt du nouveau dispositif pour les demandeurs d’emploi. La « cuisine » institutionnelle est certes importante : l’État et les partenaires sociaux ont des responsabilités qu’ils entendent faire respecter. Mais il est normal de mener une réforme qui simplifiera les démarches des demandeurs d’emploi et optimisera leurs chances de retrouver un travail, tout en offrant, conformément au vœu de M. Lionel Tardy, un réel service aux entreprises. Ne pas réussir cette réforme, ce serait recréer un monstre qui ne jouera pas son rôle. Puis elle a apporté les précisions suivantes en réponse aux commissaires :

– En ce qui concerne la simplification des politiques publiques, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) plaide en faveur du système du guichet unique, où l’usager – en l’occurrence le demandeur d’emploi – n’a pas à savoir quelle est l’organisation en back office, tandis que, en front office, il faut lui offrir un service unique en fonction de ses besoins et non pas de son statut ou des financements auxquels ce statut lui donnerait droit ou non. Si la question n’est pas encore à l’ordre du jour, c’est que quatre grands dossiers sont déjà ouverts et auront un impact sur le nouvel opérateur et sur ses missions.

Le premier est celui de l’indemnisation, avec les questions du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés et de la part respective de l’État – c’est-à-dire de la solidarité – et de l’assurance chômage dans cette indemnisation. Ce dossier est traité dans le cadre de la négociation interprofessionnelle en cours sur la modernisation du marché du travail. Pour l’instant, la question de la dégressivité des allocations a été écartée. Cependant, après la fin de cette négociation, sera ouverte la négociation obligatoire sur la convention pluriannuelle d’assurance chômage, où cette question sera de nouveau posée. Pour l’instant, on tente d’élargir la base de ceux qui peuvent prétendre à une indemnisation. Aucun objectif chiffré n’a encore été fixé, mais on discute notamment des ruptures de contrat qui ne prennent pas la forme d’un licenciement, afin de préciser les règles d’indemnisation en la matière. Sachant qu’aujourd’hui, le bénéfice de l’assurance chômage est subordonné à six mois d’affiliation préalable, il est également envisagé des mesures pour les jeunes en début de carrière. Au total, si les propositions des organisations syndicales sont acceptées par le patronat, la base sera élargie. Ce n’est qu’après la conclusion de la première négociation que viendra la question de la part respective des organismes paritaires et de l’État dans l’indemnisation.

Le deuxième dossier important est celui de la réforme de la formation professionnelle continue. Le système français reste en effet marqué par des inégalités d’accès, en particulier pour les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires du RMI et les exclus. La réforme intégrera cet aspect, ce qui aura inévitablement des conséquences sur les missions du nouvel opérateur.

En troisième lieu, le nouvel opérateur sera-t-il également l’opérateur de la sécurisation des parcours, comme le souhaitent les partenaires sociaux ? Si tel est le cas, on ne peut le construire de la même façon que s’il ne s’occupe que de missions classiques.

Enfin, qu’en sera-t-il après le « Grenelle de l’insertion », qui devrait lui aussi connaître des prolongements en direction des publics les plus éloignés de l’emploi ?
Inscrira-t-on ceux-ci comme demandeurs d’emploi ? Feront-ils l’objet d’un traitement particulier ? Ces questions ont bien entendu des incidences sur la nature du nouvel opérateur.

– En ce qui concerne les maisons de l’emploi, ni la présidence ni la direction générale de l’Unédic ne voient d’objection à ce que le nouvel opérateur continue à exercer les fonctions remplies auparavant par l’ANPE et les Assédic. L’inquiétude des acteurs des maisons de l’emploi, et parfois la colère des responsables de collectivités territoriales ayant investi dans ces structures, sont parfaitement compréhensibles. Cependant, le projet possède une autre dimension. Il importera de conserver cet outil, et surtout sa philosophie : comme l’a expliqué M. Jean-Paul Anciaux, il faut partir du terrain, du bassin d’emploi. C’est ainsi que l’on pourra écarter le mammouth au profit de la gazelle.

– Toutes les questions relatives à l’orientation et à l’accompagnement personnalisé doivent être mises en exergue dans les nouvelles missions de l’organisme. En ce qui concerne l’action en direction des entreprises, M. Lionel Tardy a raison de dire qu’une autocritique serait bienvenue. D’après les remontées qui parviennent à l’Unédic, une forme d’insatisfaction se fait jour. En outre, les chiffres montrent que la majorité des offres d’emploi ne transitent pas par l’ANPE. S’agissant des métiers en tension ou des offres qui ne parviennent même pas à émerger de toutes ces « offres d’emploi dormantes » – ce que confirme l’Union professionnelle artisanale (UPA), qui siège au bureau de l’Unédic, certains artisans ne formulant même pas leur offre, tant ils sont certains qu’elle ne sera pas satisfaite –, un travail considérable doit être encore réalisé.

– Pour ce qui est des enjeux financiers de la fusion, l’assertion selon laquelle une « politique d’épicier » serait ici à l’œuvre doit être récusée. Le fait est, cependant, que l’Unédic possède une certaine expérience du comportement de l’État, expérience pas toujours positive, ce qui la conduit à affirmer qu’elle est le gardien de l’argent des chômeurs, lequel provient non seulement des entreprises, mais aussi des salariés. Au demeurant, entreprises et salariés cotisent très volontiers à l’assurance chômage : aucune des enquêtes d’opinion pratiquées par l’Unédic n’a révélé de faille dans le consensus autour de ce qui est considéré comme un filet de sécurité essentiel. Sans aller jusqu’à parler de manque de confiance en l’État, l’Unédic sait d’expérience qu’il n’est pas le meilleur payeur – il faut donc qu’il prenne des engagements au sujet la nouvelle structure – et maintient que l’argent des chômeurs est destiné aux chômeurs.

– En ce qui concerne les transferts de cotisations, la CFDT est très attachée aux conclusions du rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), aux termes desquelles, dès qu’une amélioration de l’emploi se ferait jour, un transfert des cotisations d’assurance chômage vers la retraite pourrait être envisagé. L’an prochain s’engagera un nouveau débat sur les retraites. Or l’assurance chômage terminera l’année 2007 avec un excédent de 3,5 milliards d’euros et prévoit pour 2008 un nouvel excédent d’environ 5 milliards, ce qui permettra de résorber le déficit important cumulé au cours des dix dernières années. Ce sont là des signes de très bonne santé mais il est important que l’on maîtrise ces évolutions.

– L’équilibre entre partenaires sociaux et État dans la nouvelle organisation fera-t-elle basculer celle-ci dans un système de gouvernance analogue à celui de l’assurance maladie ? On peut en douter, puisque l’Unédic reste entièrement gérée par les partenaires sociaux et que la question du financement est centrale. En outre, les partenaires sociaux auront la majorité au sein du nouvel opérateur. Enfin, le paritarisme est total au niveau régional, où des instances paritaires sont prévues. Formellement, donc, ce n’est pas le système de l’assurance maladie. Du reste, ce serait une erreur politique de vouloir que ça le soit : dès que l’on touche aux questions de marché du travail, d’économie, de besoins locaux des entreprises et des salariés, les partenaires sociaux savent mieux que l’administration de quoi il s’agit, puisqu’il est dans la nature même du paritarisme d’être assumé par des chefs d’entreprise et des salariés qui connaissent la matière sociale locale sur laquelle ils travaillent.

– Enfin, quel sera le nouvel « objet » qui résultera du projet de loi ? L’écriture, il faut le reconnaître, est très étatisante. Si elle le reste, on ira à l’encontre de ce dont l’économie et les salariés ont besoin.

M. Jean-Luc Bérard, directeur général de l’Unédic, a remarqué que l’assurance chômage est plus exposée à la fraude que d’autres organismes sociaux. Il s’agit la plupart du temps de fraude organisée : l’existence d’un « kit » du faux chômeur, par exemple, est notoire. L’action contre les organisateurs est menée en concertation avec les services du ministère de la justice, les tribunaux de commerce et les greffes, de façon à mieux connaître les entreprises déclarées. L’Unédic développe également un outil informatique qui permettra de relier directement salariés ou demandeurs d’emploi avec un employeur, de manière à éliminer des occasions de fraude. Ce système devrait permettre une réduction significative des fraudes, qu’il est trop tôt cependant pour chiffrer. À l’heure actuelle, les contentieux sont engagés systématiquement et l’on obtient de bons résultats.

S’agissant du statut du personnel, des intervenants ont observé que les salariés de l’assurance chômage se montraient plus réticents à la fusion que ceux de l’ANPE. On peut cependant affirmer aujourd’hui que le personnel accompagnera l’opération de fusion, qui peut représenter une opportunité pour les agents des deux structures.

M. Francis Vercamer a objecté qu’une grève a eu lieu récemment et Mme Monique Iborra a ajouté qu’une autre grève était prévue prochainement.

M. Jean-Luc Bérard l’a reconnu bien volontiers : son expérience professionnelle lui a enseigné que les fusions d’entreprises s’opèrent rarement sans que l’on assiste à des réactions des personnels. Il faut prendre la mesure des inquiétudes de ces derniers quant à leur statut. Si une réforme de cet ordre ne doit pas se résumer à des questions d’organisation, de structures et de statuts, il convient néanmoins de laisser aux salariés le soin de s’exprimer sur leur statut et sur la manière dont ils seront traités dans la nouvelle entité. La ministre de l’économie, des finances et de l’emploi s’est efforcée, avec d’autres, de les rassurer le plus possible. Cela étant, dans une période de transition comme celle que nous connaissons, il est naturel que de tels phénomènes se produisent. Ils ne doivent pas inspirer une inquiétude excessive.

M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, est d’abord revenu sur la question du financement, en réponse à un propos de Mme Annie Thomas. Le projet de loi prévoit trois sections dans le budget de la nouvelle institution : la première, dévolue à l’assurance chômage, sera couverte à due concurrence par les fonds de l’Unédic ; la deuxième, destinée au versement des allocations de solidarité, sera couverte à due concurrence par l’État ; la troisième comprendra les dépenses de fonctionnement, d’investissement et de mesures « actives » pour l’emploi. Mme Annie Thomas souhaite séparer le financement des mesures actives, comme cela est fait à l’Unédic. La situation est toutefois différente à l’ANPE, dont en fait toute l’action relève de ces mesures : l’accompagnement des demandeurs d’emploi est soit cotraité ou sous-traité, soit, beaucoup plus largement, réalisé par les personnels de l’agence ; distinguer le financement du personnel de celui des mesures pour l’emploi reviendrait à ne pas pouvoir ajuster la part de l’activité qui est conduite en interne ou externalisée. À titre d’exemple, l’ANPE envisage de rééquilibrer ses dépenses en 2008 en réduisant la sous-traitance et en renforçant l’accompagnement réalisé par ses propres agents. Il faut à l’évidence éviter la fongibilité entre chacune des trois sections, mais, à l’intérieur de la troisième, les dépenses de personnel sont aussi, pour une part, du financement de mesures actives.

Puis M. Christian Charpy a apporté les précisions suivantes en réponse aux commissaires :

– L’ANPE a passé de longue date des conventions nationales avec des cotraitants comme l’APEC, Cap Emploi et les missions locales. Ce système doit être maintenu. Au niveau local, en revanche, il faudra que l’action de ces cotraitants s’intègre à la territorialisation des politiques de l’emploi dans le cadre des maisons de l’emploi ou de l’instance régionale. Il faut bien distinguer la détermination du financement et de l’offre de services qui est demandée aux opérateurs d’une part, la mise en cohérence au niveau local d’autre part.

– L’ANPE ne se refuse nullement à l’autocritique sur sa politique d’accompagnement ou d’aide aux entreprises : elle pourrait et voudrait en faire beaucoup plus. Cependant, sur les 3,7 millions d’offres d’emploi déposées à l’Agence, 40 % concernent des contrats durables, alors que le marché de l’emploi est composé à 80 % d’offres d’emplois non durables, c’est-à-dire de contrats à durée déterminée de moins de six mois. Cela ne signifie pas qu’il faille rétablir le monopole de l’ANPE en matière de placement, dont la suppression en 2005 a d’ailleurs eu pour effet d’augmenter le nombre des offres collectées par l’agence. L’objectif est d’améliorer encore l’offre. Si les collaborateurs actuels des Assédic peuvent apporter un renfort dans les relations avec les entreprises, cela se fera au bénéfice de ces dernières et des demandeurs d’emploi. Et si l’ANPE éprouve des difficultés à couvrir des offres d’emploi dans les métiers en tension, c’est tout bonnement parce qu’il n’y a plus aujourd'hui de maçons ou de plombiers au chômage. Il faut donc orienter des personnes ne détenant pas ces qualifications vers les secteurs où l’on recrute.

– La nouvelle institution devrait permettre de traiter de façon plus équitable les chômeurs indemnisés et ceux qui ne le sont pas car, en l’état, le dispositif prévoit un accompagnement moins favorable pour les demandeurs d’emploi non indemnisés, qui n’accèdent pas aux mesures financées par l’Unédic. La fusion donnera la possibilité d’améliorer le service qui leur sera rendu, d’autant qu’ils seront en effet les plus nombreux à l’avenir.

– Environ 11 % des demandeurs d’emploi sont aujourd’hui des bénéficiaires du RMI et, suivant les départements, entre 30 et 35 % de ces bénéficiaires sont inscrits au chômage. L’ANPE n’a jamais souhaité décourager cette inscription : elle doit accompagner toute personne désirant engager une démarche de retour à l’emploi. À cet effet, elle a passé des accords avec soixante-quinze départements qui lui ont confié une mission de renforcement des actions d’accompagnement vers l’emploi de ce public ; cette année, plus de 700 000 de ces personnes ont été sorties du chômage. Cette mission devra être renforcée dans la nouvelle structure.

– Pour ce qui est de l’attrait de la fusion pour les agents de l’ANPE, il est évident que les questions de convention collective, de statuts et de rémunération entrent en ligne de compte, mais là n’est pas le sujet principal. Les personnels sont au contact direct des demandeurs d’emploi et des entreprises. Ils voient bien que, malgré les rapprochements, malgré les efforts importants qui ont été consentis, des problèmes de cohérence demeurent et qu’il faut entrer dans la logique de guichet unique et mettre en place des mesures d’accompagnement. Par-delà les inquiétudes, ils discernent dans la nouvelle institution un renforcement de leur capacité collective à mieux accompagner les demandeurs d’emploi. Il est difficile de déterminer, comme le souhaite le président Pierre Méhaignerie, le nombre d’agents qu’il faudra former. Si l’on veut être efficace, 1 500 à 2 000 personnes supplémentaires devront se consacrer à l’accompagnement. Pour atteindre ce chiffre, on peut jouer à la fois sur la formation et sur le remplacement des départs à la retraite – 700 départs pour l’ANPE l’année prochaine, 200 à 300 pour les Assédic.

– Le renforcement de l’accompagnement devra se traduire par une réduction du nombre de demandeurs d’emploi suivis par un conseiller, mais aussi par l’anticipation de la mise en place du suivi mensuel qui, aujourd’hui, intervient au quatrième mois. Passer à trois, voire à deux mois n’est qu’une question de moyens et améliorerait grandement les résultats : depuis l’instauration du suivi mensuel en janvier 2006, le taux de sortie du chômage a augmenté de 4 à 6 points à échéance de six mois et de douze mois, alors qu’il n’a pratiquement pas varié à trois mois.

M. Dominique Tian a souhaité revenir sur plusieurs points particuliers du projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi, à commencer par la gouvernance de la nouvelle institution. La nomination du directeur général se fera-t-elle sur proposition du conseil d’administration, comme certains responsables des organismes existants l’ont souhaité, ou après avis du conseil d’administration comme il est indiqué dans le texte ? Ce sujet est controversé et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a adopté une position assez tranchée.

Par ailleurs, si la présidente de l’Unédic semble ne pas faire une question de principe des dispositions relatives à la dévolution des biens du réseau Assédic, d’autres personnes auditionnées ont eu une position beaucoup plus arrêtée sur les « bijoux de famille » des Assédic, évalués entre 800 millions et 1,5 milliard d’euros. Il est cependant indiqué dans le texte qu’une convention conclue avec l’Unédic avant le 31 décembre 2008 définira les conditions dans lesquelles la nouvelle institution « dispose » des biens nécessaires à l’exercice des missions qui lui sont transférées. L’ambiguïté de ce paragraphe fait l’objet de critiques. La présidente de l’Unédic pourrait-elle être plus précise sur ce point ? Il serait dommage que ces questions constituent un point d’achoppement.

M. Jean-Frédéric Poisson a indiqué qu’il partageait l’analyse de Mme Annie Thomas et son constat de départ : la grande question posée par ce texte est celle de la place qui sera demain réservée à l’État en tant que tel dans la gestion du paritarisme social et dans l’action menée par différents opérateurs pour améliorer la fluidité du marché du travail. On peut à cet égard nourrir quelques craintes quant à une lecture un peu trop favorable à la position de l’État. Comment la pratique des institutions décrites dans les textes pourrait-elle assouplir cette position ? Il a ajouté qu’il préside une maison de l’emploi dans les Yvelines et qu’il se réjouit, à ce titre, d’entendre les intervenants affirmer que ces structures pourraient parfaitement s’intégrer dans le nouveau dispositif. Mais une telle intégration satisfera-t-elle les présidents de ces structures ? En effet, les maisons de l’emploi sont déjà le lieu propre de l’intégration des services, le réceptacle local de la « fusion des réseaux opérationnels », pour reprendre la juste formule de Mme Annie Thomas ; tel était du moins l’esprit de la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2005.

Le problème est en fait celui du pilotage de la réforme. Calibrer un projet consistant à bâtir une entité de 45 000 à 50 000 salariés prendra un certain temps si le pilotage ne dépend que de la direction générale, quelle que soit la compétence du directeur général et de ses équipes. Il faut donc militer pour un pilotage local, fondé non pas sur les découpages statutaires mais sur les bassins d’emploi – la question subséquente étant de savoir ce que l’on fait lorsqu’un bassin est dépourvu de maison de l’emploi. Quel est pour les dirigeants de l’ANPE et de l’Unédic le niveau pertinent de pilotage ? Comment traiter la disparité des territoires selon qu’ils abritent ou non une maison de l’emploi ?

Par ailleurs, la nouvelle institution et ses déclinaisons locales seront dotées d’un pouvoir de contrôle, mais qu’en sera-t-il du pouvoir de sanction ? Une fois la fraude constatée, par exemple, qui exerce la sanction ? Le projet de loi ne modifie pas le système en vigueur, mais il ne fait pas de doute que des amendements portant sur cette question seront discutés en séance publique. Quel est l’avis des intervenants à ce sujet ?

M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, a répondu qu’il faut distinguer deux aspects en matière de contrôle et de sanctions. La sanction aujourd’hui pratiquée par l’ANPE à l’égard des personnes qui ne mènent pas une recherche active d’emploi, qui ne se présentent pas aux entretiens, etc., est la radiation, dont la durée minimale est de quinze jours et qui peut aller jusqu’à deux mois et au-delà. Cette procédure, la « gestion de la liste », est transférée à la nouvelle institution. En revanche, les sanctions financières, décidées aujourd’hui par le préfet et qui consistent en une réduction des droits à allocation, resteront de la compétence préfectorale.

M. Jean-Frédéric Poisson a répété qu’il souhaite connaître la position des intervenants sur le sujet.

M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, a répondu qu’il juge préférable de faire simple mais qu’il comprend la position des partenaires sociaux, qui n’ont pas souhaité que le pouvoir de sanction financière soit transféré à la nouvelle institution car ils considèrent que l’État est garant de l’impartialité des décisions : les sanctions doivent être prises en fonction de la situation du demandeur d’emploi et non en considération de l’équilibre financier de tel ou tel organisme. Il n’en reste pas moins que le futur système sera plus simple puisqu’il ramènera de trois à deux le nombre de structures exerçant des contrôles. Il faudrait sans doute profiter de cette évolution pour que l’État n’effectue pas le contrôle par lui-même, mais qu’il prenne une décision sur un contrôle réalisé par l’institution, afin d’éviter une double instruction. Cela semble une position d’équilibre, à laquelle on peut penser que le gouvernement n’est pas entièrement défavorable.

Pour qui occupe actuellement les fonctions de directeur général de l’ANPE, la question du pilotage local de la nouvelle institution n’est pas aisée. Il doit bien entendu y avoir une intégration des politiques de l’emploi au niveau territorial. Mais il existe aussi des opérateurs qui possèdent leur logique de fonctionnement, leur offre de services et assurent le financement de cette offre. Il est difficilement concevable que le pilotage local se fasse indépendamment de la structure nationale et des directions régionales existantes. Il doit y avoir, à l’évidence, une intégration globale des politiques de l’emploi au niveau des bassins d’emploi, réalisée dans les maisons de l’emploi là où elles existent et là où elles sont efficaces. En revanche, l’offre de services et les moyens de financement doivent être déterminés dans le cadre d’un budget et d’une politique d’établissement définie par les partenaires sociaux, l’État et les personnalités qualifiées au sein du conseil d’administration. Il faut distinguer le pilotage de l’action de l’opérateur, qui doit suivre une chaîne hiérarchique allant du directeur général au directeur régional et au directeur de la nouvelle institution locale, et l’intégration, qui doit se faire au sein des maisons de l’emploi – sachant toutefois que celles-ci ne couvrent pas tout le territoire.

M. Jean-Paul Anciaux, député, président de la Commission nationale de labellisation des maisons de l’emploi, a remarqué que ces questions feront l’objet du travail d’évaluation dont il est chargé. Le cahier des charges des maisons de l’emploi prévoit, au demeurant, la possibilité de retirer le label. Ce sont les bassins d’emploi définis par l’ANPE qui ont été retenus en 2005 pour l’implantation des maisons de l’emploi. Il faut absolument s’en tenir à cette solution. Créer une nouvelle entité territoriale serait une erreur considérable. Là où les structures fonctionnent mal, il faut trouver les synergies nécessaires, mais rien ne fonctionnera si une nouvelle structure dupliquant les instances régionales et nationales se superpose à ce qui existe.

Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a déclaré ne pas souscrire à l’analyse que M. Christian Charpy a faite du financement du nouvel opérateur, s’agissant de la fongibilité nécessaire des dépenses de fonctionnement et de mesures actives pour l’emploi. Les possibilités ouvertes par la comptabilité analytique permettent de séparer, y compris à l’intérieur de la masse salariale, la part consacrée à l’accompagnement. Cela est d’ailleurs pratiqué sans difficulté à l’Unédic. Comment faire, pour reprendre les propos de M. Jean-Frédéric Poisson, pour que les procédures soient un peu moins étatisées ? C’en est un exemple. L’Unédic souhaite connaître précisément la productivité de l’argent qu’elle met dans ce système. Il faut une forme de retour et d’évaluation. Au demeurant, les partenaires sociaux ont besoin d’être éclairés pour déterminer, dans la négociation de la convention collective, la répartition précise des ressources.

En ce qui concerne le directeur général du nouvel opérateur, la première version prévoyait une nomination en conseil des ministres. Le projet parle maintenant d’une nomination par décret, ce qui constitue une avancée, mais la majorité des partenaires sociaux souhaitent que ce soit sur proposition du conseil d’administration.

Le projet des maisons de l’emploi est, il faut y insister, très ambitieux et très exigeant. Il mettra du temps à se réaliser, puisqu’il implique des acteurs qui n’étaient pas opérationnels sur ces questions – au premier rang desquels les collectivités locales, qui se voient assigner ici un nouveau rôle. La démarche de diagnostic et d’évaluation aujourd'hui envisagée doit être soutenue, pour passer peut-être, ensuite, à une deuxième étape. Il est peu probable que la constitution du nouvel opérateur aille à l’encontre de la souplesse nécessaire à ces dispositifs.

Pour ce qui est du pilotage de la nouvelle institution, c’est le directeur général qui doit nommer les directeurs régionaux, après consultation, il faut le souhaiter, du futur conseil paritaire régional, dans la continuité de ce qui se fait actuellement pour les Assédic.

Le président Pierre Méhaignerie a demandé si le partage des postes serait équitable entre directeurs locaux provenant des Assédic et de l’ANPE.

Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a déclaré le souhaiter. Au-delà du respect des personnes, la répartition harmonieuse, au sein des états-majors, des responsables issus des deux institutions constituerait une forme de symbole.

M. Jean-Frédéric Poisson a précisé qu’une telle résolution ne peut être législative, ni même réglementaire : cela relèvera du règlement intérieur des nouvelles instances.

Après avoir acquiescé à ce propos, Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a indiqué que, sur la question du contrôle, les partenaires sociaux n’ont pas de position commune. Certains, dans les organisations patronales, souhaiteraient que le contrôle et même la sanction soient du ressort du nouvel opérateur. Les organisations syndicales – y compris en interne celles qui représentent les salariés des Assédic et de l’ANPE – le refusent. Au-delà de la répartition des rôles, l’enjeu aujourd’hui est de s’accorder sur ce qui détermine la sanction. À cet égard, les partenaires sociaux se sont fixés pour objectif, dans la négociation, de redéfinir l’« offre valable d’emploi », suite à des propos significatifs du Président de la République. Il s’agit d’abord de s’accorder sur le contenu, avant de savoir que de savoir qui fait quoi.

Le président Pierre Méhaignerie a estimé que s’il ne fallait retenir que deux idées fortes de cette table ronde, ce serait, d’une part, « la gazelle et non pas le mammouth », d’autre part, « proximité et responsabilité », car l’on sait bien que l’État gère mal parce qu’il est loin, parce qu’il est faible et parce qu’il motive peu.

M. Jean-Luc Bérard, directeur général de l’Unédic, est revenu sur un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, celui des actifs de l’assurance chômage. La fusion des réseaux opérationnels de l’assurance chômage et de l’ANPE va conduire à la dissolution des Assédic. Aux termes de la loi de 1901, en cas de dissolution les biens d’une association doivent être dévolus à une association ayant le même objet. Pour que le processus se déroule correctement, il a été depuis longtemps introduit dans les statuts des Assédic et de l’Unédic que l’association ayant le même objet que les Assédic est bien l’Unédic, à laquelle reviendra donc l’ensemble des biens.

Se pose ensuite la question de la mise à disposition des biens dans le cadre de la convention prévue à l’article 7 du projet de loi. Les biens immobiliers de l’assurance chômage représentent aujourd’hui 450 000 mètres carrés, une valorisation comptable de 800 millions d’euros et une valorisation vénale sur le marché actuel de l’ordre de 1,3 à 1,5 milliard d’euros. L’estimation de ce patrimoine est en cours. L’assurance chômage est propriétaire des locaux qu’elle occupe dans une proportion de deux tiers, tandis que l’ANPE est généralement locataire. La question est importante dans la mesure où l’objet fondamental de cette réforme est l’offre de services, ce qui suppose de mettre des sites communs à disposition, donc de redéfinir complètement le réseau et les implantations immobilières. Cette opération a un coût et la vente de biens immobiliers pourrait être envisagée pour la financer. Ce sera l’un des débats importants dans l’élaboration de cette convention.

Quant à l’ensemble du service informatique, il représente une valeur double, voire triple, du patrimoine immobilier. Si le futur opérateur devait constituer un outil équivalant à celui dont dispose l’assurance chômage aujourd'hui, cela s’élèverait à des milliards d’euros.

Cela dit, l’Unédic n’est ni un propriétaire foncier ni une société commerciale d’informatique. Il faut donc organiser, dans le cadre de cette convention, une mise à disposition sur laquelle s’accordent tous les partenaires sociaux. Le bureau et le conseil d’administration se sont prononcés en faveur d’un financement assez ouvert pour le nouvel opérateur. C’est un signe positif, mais il faut procéder correctement et ne pas conclure à la préemption par le nouvel opérateur de l’ensemble des actifs.

M. Dominique Tian a demandé à M. Jean-Luc Bérard si la rédaction actuelle du projet lui convient sur ce point.

M. Jean-Luc Bérard, directeur général de l’Unédic, a affirmé ne pas avoir d’objection sur le principe, tout en étant conscient que la conclusion de cette convention sera difficile. À titre d’exemple, le projet de fusion n’a toujours pas donné lieu à la procédure dite de « data room », permettant d’évaluer l’ensemble des actifs apportés par les deux institutions, en particulier par l’entité privée. Les procédures classiques de comptabilité privée n’ont toujours pas été engagées.

Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a précisé que c’est le mot « dispose », à l’article 7 du projet, qui peut éventuellement laisser entendre que la chose est acquise.

M. Christian Charpy, directeur général de l’ANPE, a remarqué que ce mot ne présuppose aucun mode particulier : location, mise à disposition, acquisition…

M. Jean-Frédéric Poisson a estimé qu’il supporte une lecture agréable et une lecture désagréable.

M. Dominique Tian a rendu hommage à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, qui a reçu à plusieurs reprises les parties prenantes et a accepté plusieurs réécritures du texte, notamment en ce qui concerne la place des maisons de l’emploi. Des amendements sont en préparation et le texte connaîtra des évolutions, ne serait-ce que parce qu’il faudra trouver un nom à ce futur organisme. De l’avis général, ce dernier sujet est lui aussi délicat, a conclu l’orateur, ce à quoi Mme Annie Thomas, présidente de l’Unédic, a répondu qu’elle n’est pas favorable à l’appellation « Anédic » qui est envisagée par certains.

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Information relative à la commission

Thèmes d’étude pour 2008 de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) :

– le bilan de prestation d’accueil du jeune enfant ;

– la lutte contre la fraude sociale ;

– le fonctionnement de l’hôpital.