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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 27 octobre 2009

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Guy Teissier, président

— Audition des représentants des associations d’anciens combattants, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010

Audition des représentants des associations d’anciens combattants, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir d’accueillir en votre nom les représentants des associations d’anciens combattants.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Cette réunion est une grande première pour vous comme pour nous. La commission de la défense, depuis la révision de la Constitution et du Règlement de l’Assemblée nationale, compte au nombre de ses compétences l’intégralité du secteur des anciens combattants. Je m’en réjouis, car je me suis toujours senti concerné par vos préoccupations.

Se trouvent parmi nous ce soir pour représenter les anciens combattants :

– M. Yves Guéna, président de la Fondation de la France libre ;

– M. Hugues Dalleau, président de l’Union nationale des Combattants ;

– M. Jean-Claude Gouëllain, président de la Fédération nationale des plus grands invalides de guerre ;

– M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et victimes de guerre ;

– M. Serge Cours, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’union fédérale ;

– M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc ;

– M. Bernard Mercadier, vice-président de la Fédération nationale André Maginot ;

– M. Raphaël Vahe, président de l’association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire ;

– M. Olivier de Sarnez, président de l’association nationale des médaillés de la Résistance française ;

– M. le général Henri Pinard Legry, président de l’association Soutien à l’armée française ;

– M. le contrôleur général des armées Gérard Delbauffe, président de l’association Le Souvenir Français.

M. le président Guy Teissier. Pour moi, qui préside depuis huit ans la Commission de la défense et des forces armées, vous recevoir est un moment historique. Et nous serons très attentifs à vos avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et victimes de guerre. C’est la première fois, en effet, que les représentants du monde combattant sont reçus par la commission de la défense.

Nous avons pris connaissance du projet de budget il y a quelques semaines et nous avons eu l’occasion de l’analyser, à quelques jours de son examen en première lecture par l’Assemblée nationale. Certes, il contient certaines avancées, en particulier sur la retraite du combattant, mais il consacre aussi, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme des structures du monde combattant. Ainsi, l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), ainsi que l’institution des Invalides (INI) se verront confier de nouvelles missions, tandis que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) est appelée à disparaître.

Nous veillerons tout particulièrement, dans le cadre de la gestion paritaire, à la pérennité et au développement de l’établissement public qu’est l’ONAC. Le monde combattant lui est viscéralement attaché. Nous avons déjà reçu l’assurance que l’office et ses services départementaux seraient les points de rencontre privilégiés entre les anciens combattants et leur administration. D’ailleurs, un certain nombre de tâches sont transférées de la DSPRS vers les services départementaux. La question qui se pose est la suivante : les moyens budgétaires affectés à l’ONAC lui permettront-ils d’assurer l’ensemble de ses missions ?

Son conseil d’administration, qui se tiendra demain, présentera un rapport d’étape sur les différentes structures envisagées. Nous souhaitons que l’office fonctionne au service des anciens combattants et nous veillerons pour cela à en pérenniser la gestion paritaire.

M. Yves Guéna, président de la Fondation de la France libre. Je m’associe aux propos de M. Goujat. Je voudrais toutefois préciser que la Fondation de la France libre occupe une place particulière dans le monde des anciens combattants. En 2010, elle se préoccupe essentiellement de commémorer le 70e anniversaire de l’Appel du 18 juin, auquel s’associera notre pays tout entier.

Pour préparer le déroulement de cette commémoration, nous avons rencontré MM. Jean-Marie Bockel et Hubert Falco. Ils nous ont indiqué que le Président de la République se trouverait sans doute en fin de matinée au Mont-Valérien ; il pourrait par ailleurs se rendre à Londres en fin de journée.

Nous avons mis au point un numéro spécial de la revue trimestrielle de la France libre afin d’accompagner les jeunes qui participeront au concours de la Résistance, dont je vous rappelle le thème : « L’appel du 18 juin du Général de Gaulle et son impact jusqu’en 1945 ».

Les autorités gouvernementales ont considéré qu’il convenait de célébrer en même temps le 50e anniversaire de l’indépendance de nos colonies africaines. En 1958, nous nous sommes dotés d’une Constitution donnant aux pays d’Afrique, occidentale et équatoriale, et à Madagascar la possibilité d’obtenir leur indépendance. Au cours de l’été 1960, tous ces pays ont proclamé leur indépendance. Nos colonies sont ainsi devenues des États indépendants, sous l’égide du Général de Gaulle, sans qu’une goutte de sang n’ait été versée !

Il me semble qu’à cette occasion nous devrions également commémorer la proclamation du 27 octobre 1940 du Général de Gaulle, qui complète et explicite l’appel du 18 juin : « La flamme de la Résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. ». Le 27 octobre 1940 à Brazzaville, le Général de Gaulle déclare, associant les quatre territoires d’Afrique équatoriale, le Cameroun, les territoires du Pacifique et les cinq villes françaises de l’Inde, qu’il n’existe plus de gouvernement français, que le gouvernement en place est illégal et indigne et qu’il prend la responsabilité de mener la France dans l’honneur jusqu’à la victoire.

M. Jean-Claude Gouëllain, président de la Fédération nationale des plus grands invalides de guerre. Vous avez rappelé votre attachement à la défense, monsieur le Président. Nous vous remercions de nous avoir invités, car nous qui avons participé aux combats, nous avons toujours souhaité dépendre de ce ministère que nous appelions autrefois ministère de la guerre et non relever du domaine social.

Le budget qu’a évoqué le président Goujat comporte quelques avancées mais, en tant que grand invalide de guerre, je veux attirer votre attention sur la gratuité des soins qui n’est pas scrupuleusement respectée. Il est particulièrement choquant, par exemple, que les appareillages des sourds ne soient pas intégralement pris en charge, alors même qu’ils ont été blessés pour la France et que le Parlement a voté la prise en charge des appareillages nécessités par les infirmités pensionnées, conformément à l’article L. 128 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG).

Le sort des conjoints survivants nous préoccupe également beaucoup. Il est anormal qu’un grand pays comme la France ne traite pas avec décence, à l’instar de la Belgique, les veuves de guerre qui perçoivent une pension inférieure à 600 euros. Quant aux quelque 1 200 femmes mariées à de grands invalides, elles ne perçoivent en tant que veuves qu’une pension très modique, ayant très souvent cessé toute activité pour se consacrer essentiellement à leur mari. Une augmentation de 50 points de la majoration prévue par l’article L. 52-2 du code des pensions engagerait une dépense limitée de l’ordre de 800 000 euros. C’est bien peu, eu égard aux 3,4 milliards d’euros que représente le programme 169.

M. Serge Cours, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’union fédérale. Les anciens combattants observent attentivement le programme 169. Malgré quelques avancées comme la revalorisation de la retraite du combattant ou l’abondement d’un demi million d’euros des crédits destinés à l’action sociale de l’ONAC, le budget est en constante diminution.

Nous constatons avec satisfaction que les cinq millions d’euros alloués à l’allocation différentielle du conjoint survivant ont été reconduits. Mais les demandes sont de plus en plus nombreuses et si les crédits sont insuffisants, ce qui semble être le cas , dans la mesure où ils partagent une seule ligne budgétaire avec l’action sociale, ce sont bien les crédits sociaux de l’ONAC qui seront ponctionnés en 2010. C’est pourquoi nous demandons depuis plusieurs années que l’allocation différentielle fasse l’objet d’une ligne budgétaire spécifique.

Un certain nombre d’anciens combattants vivent dans des conditions plus que précaires. Pourtant, le 2 avril 2007, alors candidat à l’Élysée, Nicolas Sarkozy s’était engagé auprès des associations à mettre en place une allocation spécifique pour les anciens combattants en difficulté. Nous avons rédigé une motion en ce sens car nous voulons rendre justice à ces anciens combattants.

M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc. Je m’associe aux remerciements formulés par le président Goujat : les anciens combattants se félicitent en effet d’être reçus par la commission de la défense.

Nous nous réjouissons de la nouvelle revalorisation de la retraite du combattant, qui devrait atteindre 43 points au 1er juillet 2010 et concerne 1,4 million d’anciens combattants. Nous regrettons toutefois que cette mesure entre en vigueur le 1er juillet et non le 1er janvier – sachant qu’une revalorisation de deux points ne représente individuellement qu’une augmentation de 27,50 euros en année pleine. Je rappelle que l’objectif de porter la retraite du combattant à 48 points d’ici à 2012 répond à la promesse des différents secrétaires d’État chargés des anciens combattants.

La Fédération comptant 40 000 veuves, le sort de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants nous préoccupe vivement. Nous serons satisfaits de la voir passer de 750 à 800 euros.

M. Hugues Dalleau, président de l’Union nationale des Combattants. J’aimerais revenir sur les conditions d’attribution de la carte du combattant. Je trouve particulièrement regrettable que les militaires de la dernière génération du feu, c’est-à-dire ceux qui ont été engagés en opérations extérieures, ne puissent pas bénéficier de cette reconnaissance et des droits qui y sont associés.

S’agissant des anciens d’AFN, la carte du combattant ne leur a été attribuée que s’ils avaient combattu avant le 2 juillet 1962. Je ne remets pas en cause l’importance de cette date, mais nous souhaitons la reporter au 1er juillet 1964. Cette mesure est indispensable pour que les militaires tués après le 2 juillet 1962 bénéficient de la même reconnaissance que leurs camarades.

M. Raphaël Vahe, président de l’association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire. Je m’associe également aux remerciements du président Goujat. Il est clair que l’Union française des associations d’anciens combattants exprime l’essentiel de nos demandes. Si l’Association républicaine des anciens combattants, que je préside, veut parfois aller plus loin, elle tient avant tout à préserver l’unité des revendications du monde combattant.

Pour la troisième année consécutive, le projet de budget ne prévoit pas de relèvement du plafond annuel majorable des rentes mutualistes accordées aux anciens combattants.

Certes, en tant qu’élu local, je connais les priorités, mais la question de la « campagne double » est souvent posée au président d’association que je suis. Il faut y apporter une réponse sereine et définitive.

La commission Audouin travaille sur l’indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie. Qu’en est-il des enfants des résistants tombés les armes à la main ? Leur nombre est infime mais leur indemnisation aurait une réelle portée symbolique.

L’ARAC a organisé il y a deux ans, sous l’égide du conseil général de la région PACA, un colloque sur les psychotraumatismes de guerre. Ne peut-on accorder la gratuité des soins aux personnes qui en sont victimes ?

Enfin, après la disparition de la DSPRS, nous veillerons à ce que l’ONAC, auquel nous sommes particulièrement attachés, reste un outil de proximité, de mémoire et de solidarité, tant national qu’international.

L’ARAC prendra toute sa place dans la célébration de l’anniversaire de l’Appel du 18 juin, sans oublier le 27 mai 1943, date de la première réunion du Conseil national de la Résistance, sous l’égide de Jean Moulin.

M. le contrôleur général des armées Gérard Delbauffe, président de l’association Le Souvenir Français. Je suis heureux d’être devant vous pour représenter mon association, Le Souvenir Français, qui est à part dans le monde combattant puisqu’elle ne représente pas les anciens combattants à proprement parler. Nous avons toutefois des adhérents et des préoccupations en commun.

Nous partageons les préoccupations qui viennent d’être exprimées, mais la ligne budgétaire qui nous intéresse concerne l’entretien des sépultures qui est une de nos missions principales. Or, outre les sépultures nationales, comme Notre-Dame-de-Lorettte ou Douaumont, directement à la charge de l’État, il existe des carrés militaires gérés par les communes ou par notre association. Depuis 1980, l’État nous alloue pour chacune des 40 000 tombes que nous entretenons la somme de 1,22 euro – ce montant n’a jamais été revalorisé.

Dans le cadre de notre travail de mémoire, nous participons également à toutes les cérémonies et nous organisons un certain nombre de manifestations à la mémoire de nos anciens. Ces manifestations sont l’occasion de nous entendons faire prendre conscience aux jeunes générations que les valeurs de justice, de paix et de liberté défendues par nos anciens ont toujours cours et sont toujours aussi fragiles.

M. le général Henri Pinard Legry, président de l’association Soutien à l’armée française. Je souscris totalement à ce qui vient d’être dit.

La première des trois préoccupations majeures de l’association que je préside concerne la mise en cause des troupes françaises au Rwanda. Le Général Lafourcade, président de l’association France-Turquoise, attend toujours la déclaration officielle du Président de la République lavant les troupes françaises de tout soupçon de génocide et de complicité de crime contre l’humanité.

Deuxième sujet de préoccupation : l’affaire Daguet. En 2007, seize ans après les événements, les officiers qui commandaient les troupes ont été auditionnés par la gendarmerie suite à une plainte contre X. J’aimerais connaître la suite donnée à cette plainte et j’espère que ces officiers, soumis aux mêmes risques que les hommes qu’ils commandent, seront lavés de tout soupçon.

Enfin, on évalue entre 200 et 1 000 le nombre de militaires français disparus en Algérie. Nous avons, dans le cadre de l’ASAF, demandé la permission de procéder à l’identification de ces soldats, mais nous avons reçu une réponse négative. J’ai donc contacté le directeur de cabinet du secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants pour lui demander de confier à quelques historiens la mission d’identifier le plus grand nombre de ces disparus.

Nous participerons naturellement au 70e anniversaire des combats de 1940, en insistant particulièrement sur le rôle de l’armée dans les combats de mai et juin 1940 et dans l’organisation de la Résistance dès le 3 septembre 1939.

M. le président Guy Teissier. Pour répondre en quelques mots à vos interrogations, je dirai d’abord que la question de la gratuité des soins est très importante et je crois savoir qu’elle est évoquée dans le rapport de M. Beaudouin.

Par ailleurs, nous souhaitons tous améliorer la situation des veuves de guerre. Je rappelle que l’allocation différentielle a été introduite par un amendement parlementaire. À la demande de notre rapporteur, le Gouvernement s’est engagé à porter le plafond à 800 euros, dès le 1er janvier 2010. C’est un premier pas dont nous devons nous réjouir.

Étant comme vous très attachés à l’ONAC, nous veillerons à ce qu’il dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission.

La question des dates est effectivement délicate. M. Falco fera prochainement des propositions à ce sujet. Il semble préférable d’octroyer la carte à tout ancien combattant ayant servi en Afrique du Nord au moins quatre mois ou 120 jours, à condition que cette période ait commencé avant le 2 juillet 1962. Cela devrait satisfaire l’ensemble des associations que vous représentez.

Sur les orphelins, la commission Audouin rendra ses conclusions avant la fin de cette année. Le secrétaire d’État nous fera part alors de la décision du Gouvernement.

Par rapport à ce qu’a dit le général Pinard Legry, je vous remercie de laisser la flamme allumée et de perpétuer avec beaucoup de dignité le souvenir de ceux qui ont permis que la France vive. Nous partageons votre souci de défendre l’honneur et la dignité de nos armées et de nos soldats. J’ai connu de grands chefs qui ont été pris dans la tourmente judiciaire alors qu’ils ne faisaient que leur devoir. Notre commission a toujours témoigné son soutien à l’armée et renouvelle aux militaires son estime et sa reconnaissance. Toutefois, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur une instruction judiciaire en cours. Il n’en reste pas moins que nous ne pouvons pas admettre que des accusations soient portées avec légèreté. Le Rwanda a été un théâtre difficile où nos troupes se sont très bien comportées et j’espère qu’elles seront rapidement lavées de tout soupçon.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis. Pendant l’ensemble des auditions que j’ai conduites, avec le rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-François Lamour, j’ai trouvé, auprès des représentants des associations nationales d’anciens combattants, beaucoup d’engagement, de détermination et de sens de la responsabilité : tout en étant porteurs de revendications légitimes, ils ont conscience des contraintes budgétaires résultant d’un contexte économique difficile.

Il me sera difficile de répondre à toutes les questions qui ont été posées. Mon rapport, que je présenterai demain devant la commission, les évoquera largement.

À l’instar de ce qui a été proposé l’année dernière et réussi cette année, à savoir l’inscription de l’augmentation de l’indice de la retraite du combattant dans le projet de loi de finances, je proposerai, puisque la démographie peut permettre de répondre à la quasi-totalité des revendications légitimes que nous venons d’entendre, que ces dernières fassent l’objet d’un programme pluriannuel avec une visibilité financière pour chacun des points. Nous devrons négocier cette possibilité avec le Gouvernement.

Après en avoir discuté avec le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, la ligne concernant l’allocation différentielle, qui a été effectivement créée par le biais d’un amendement parlementaire, devrait être sanctuarisée dans le budget de l’ONAC. Il se peut que cette proposition soit discutée dès demain matin au sein du conseil d’administration de cet organisme. Je ne peux qu’inciter les présidents d’association d’anciens combattants à se saisir de cette affaire.

J’insiste moi aussi sur l’importance de la gestion paritaire de l’ONAC et je salue la responsabilité des associations qui ont pris à bras-le-corps la réforme en cours faisant de cet office le grand service de proximité et d’accueil des anciens combattants. Nous suivrons de près sa mise en œuvre. La réforme va transférer beaucoup de compétences de la DSPRS à l’ONAC mais aussi au service de santé des armées pour l’appareillage des handicapés, à l’INI pour l’accueil et le service des invalides, à la direction des ressources humaines pour l’instruction des dossiers… Nous veillerons effectivement aux conditions dans lesquelles s’opèrent ces transferts pour nous assurer que les compétences sont bien maintenues.

La Commission devra être attentive à la question des services de soins ; il serait souhaitable d’aboutir à la prise en charge des appareillages et à l’octroi de soins gratuits par le biais de la carte vitale que détient tout civil. Grâce à cette carte, les anciens combattants n’auront plus à avancer d’argent pour des soins liés à leur invalidité et les professionnels n’auront plus peur d’être payés en retard.

La mémoire est très importante chez toutes les associations nationales d’anciens combattants qui sont des relais pour les grandes commémorations – que le Président de la République et le secrétaire d’État aux anciens combattants souhaitent voir moderniser. Elles veillent également à la transmission de cette mémoire chez les jeunes générations.

Je salue enfin le travail de l’association Soutien à l’armée française qui est, à mon avis, méconnu et doit être relayé par la représentation nationale.

M. le président Guy Teissier. Je profite de cette audition pour vous remercier, monsieur le rapporteur, pour l’excellent travail que vous avez réalisé.

M. Michel Voisin. Lorsque j’entends, moi qui avais vingt ans en 1964, les revendications concernant l’attribution de la carte du combattant, je me pose des questions. Alors qu’il fallait justifier au départ de 90 jours en unité combattante pour y prétendre, on parle aujourd’hui de la donner aux soldats ayant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 2 juillet 1962. Si on va plus loin, on va, comme je l’ai déjà dit à la tribune de l’Assemblée, dévaloriser ce titre. Après le 2 juillet 1962, nous n’étions plus en unités combattantes, mais uniquement sur deux bases : celle de Mers-el-Kébir ou celle de Colomb-Béchar.

En 2004, le président de la République, Jacques Chirac, s’est engagé, pendant sa campagne électorale, à considérer favorablement une demande qui émanait d’une proposition de loi de Lucien Guichon et de moi-même et tendant à donner aux orphelins de déportés internés le même régime que celui des orphelins des victimes de l’antisémitisme. À l’époque, quelque 7 200 dossiers avaient été recensés pour l’établissement du budget. Le nombre de ceux-ci s’élèverait aujourd’hui à 21 000 ou 22 000 sans que je puisse en être certain, car on n’a pas pu me donner les chiffres. Si on va plus loin, à combien de dossiers va-t-on arriver ?

Monsieur le général Pinard Legry, il existe à l’Assemblée nationale une antenne de l’association France Turquoise, que j’ai l’honneur de présider, regroupant une vingtaine de membres appartenant à tous les groupes politiques. Nous avons été reçus au ministère des affaires étrangères, ce qui nous a permis de dire au ministre qu’il y avait quelques réflexions sur ce sujet à l’Assemblée. Le général Lafourcade et le colonel Hogard savent qu’ils peuvent compter sur nous.

Enfin, en tant que président du groupe d’amitié France-Vietnam, je suis confronté à un problème qui n’avance pas beaucoup : celui des sépultures décentes pour nos soldats qui reposent à la RC 4 et à Cao Bang. Il serait bon que nous fassions des démarches pour qu’un ossuaire soit construit sur place.

M. Jean-Jacques Candelier. Je serai très bref, me réservant pour l’examen des crédits demain.

Je suis très heureux d’assister à cette audition des présidents d’associations d’anciens combattants car nous leur sommes très redevables.

Or, alors que leur nombre décroît – les anciens de la guerre d’AFN sont encore assez nombreux mais les effectifs des combattants de 1939-1945 s’étiolent et les poilus sont disparus –, au lieu de maintenir le budget au niveau de l’année dernière pour honorer les légitimes revendications du monde des anciens combattants, on le diminue. Le programme 169 baisse de 19 millions en 2010. Attend-on la disparition du dernier ancien combattant ou de la dernière veuve ? Bien qu’il présente des avancées, le budget est, pour moi, encore insatisfaisant.

M. Christophe Guilloteau. Depuis que je siège dans cette commission chaque année, sur initiative parlementaire, une augmentation de la retraite du combattant a été adoptée. C’est la première fois que le Gouvernement prend cette initiative à son compte et je m’en félicite. Il propose, cependant, une réévaluation au 1er juillet 2010. Peut-être reviendra-t-il aux parlementaires de proposer qu’elle intervienne le 1er janvier. J’y suis, quant à moi, assez favorable.

Après avoir participé à plusieurs assemblées générales d’associations d’anciens combattants, il me semble que les avis sont partagés sur l’octroi de la carte du combattant aux anciens de la guerre d’AFN. Je profite de votre présence, messieurs, pour vous demander votre avis : souhaitez-vous que la carte du combattant soit délivrée jusqu’au 1er juillet 1964 ou seulement aux soldats ayant au moins quatre mois de présence en Algérie avant cette date ?

M. Philippe Folliot. M. François Rochebloine, tenu d’assister à une autre réunion, vous prie d’excuser son absence.

Je souligne, à mon tour, l’importance des missions que vous accomplissez dans la spécificité propre à chacune de vos associations.

Afin de tenir compte des seuils de pauvreté reconnus par l’Union européenne, nous proposerons un amendement tendant à revaloriser l’allocation différentielle pour les conjoints survivants à 817 euros, au lieu des 800 euros évoqués. Je souscris également à l’idée de M. Guilloteau de demander de ramener la date de la revalorisation de la carte du combattant au 1er janvier au lieu du 1er juillet.

À côté de la situation des sépultures militaires sur le territoire national, il y a celle – ô combien plus difficile ! – des sépultures qui se trouvent en territoire étranger avec tous les problèmes que posent les questions de souveraineté et les visions différentes de la mémoire d’un pays à l’autre.

Les stèles commémoratives doivent également faire l’objet de notre attention, qu’elles soient sur des lieux de bataille ou sur des lieux de résistance. Leur entretien est rendu difficile du fait qu’elles sont souvent situées sur des terrains privés. Nous devrons examiner la question afin de trouver des solutions permettant là aussi de remplir notre devoir de mémoire.

Mme Marylise Lebranchu. M. Alain Néri vous prie également d’excuser son absence.

Nous remercions, à notre tour, l’ensemble des présidents d’associations d’anciens combattants qui ont bien voulu venir devant notre commission car ces associations sont importantes pour notre histoire.

La question de la délivrance d’une carte du combattant après le 2 juillet 1962 pèse sur nos relations avec nos collègues algériens. Mais je pense que l’on peut traiter le problème sans poser à nouveau la question de la fin du conflit en proposant une solution juridique pour que les personnes qui étaient en Algérie au-delà de juillet 1962 soient prises en compte au titre des anciens combattants.

J’ai, moi aussi, il y a très longtemps, abordé la question des sépultures avec les responsables vietnamiens. La porte ne nous avait pas été fermée. Je pense qu’il faut que nous passions par l’Association franco-vietnamienne du droit, parce que la notion de droit comprend celle de droits de l’Homme. Nous ne pouvons pas accepter de ne pas honorer la mémoire des personnes tombées au Vietnam. C’est peut-être au détour d’une rencontre interparlementaire franco-vietnamienne que cette question pourra être à nouveau posée. De mon côté, je vous ferai parvenir par écrit les éléments d’ouverture que nous avions obtenus, même s’ils n’ont pas été suivis d’effet.

M. Michel Voisin. En tant que président du groupe d’amitié France-Vietnam, j’accompagnerai le Premier ministre pour une visite officielle au Vietnam la semaine prochaine. Nous devrions essayer d’évoquer ce problème.

Je l’ai abordé à plusieurs reprises, notamment avec Jean-Marie Bockel, mais il y a un blocage avec nos homologues vietnamiens. Les négociations sont excessivement difficiles.

Il y a quatre ans, quand je me suis rendu à Dien Bien Phu, , j’ai quand même constaté un début d’assouplissement. Jusqu’alors, c’était l’association nationale des anciens prisonniers et internés d’Indochine qui finançait l’entretien du monument édifié, avec beaucoup de difficultés, par le légionnaire Rolf Rodel. Aujourd’hui, la personne qui entretient cette stèle et ses abords est payée par le gouvernement vietnamien, ce qui est une évolution intéressante.

M. Jean-Louis Bernard. Je tiens à rappeler qu’une mission d’information a travaillé sur la question du Rwanda pendant la législature 1997-2002 ; Bernard Cazeneuve était d’ailleurs l’un des rapporteurs. Un travail considérable a été réalisé, dans des conditions très difficiles, plusieurs responsables locaux refusant de témoigner. En tout cas, les conclusions de cette mission d’information, non seulement innocentaient totalement l’armée française, mais encore lui rendaient hommage. Cela n’empêche malheureusement pas que les armées soient régulièrement mises en accusation, soit par les autorités rwandaises quand elles connaissent des problèmes politiques, soit par des journalistes en quête de célébrité. Mais au Parlement, les choses ont été très claires.

Il existe beaucoup de carrés militaires dans les petites communes. Dans le Loiret, un certain nombre de maires, quelle que soit leur couleur politique, consacrent une partie de leur budget communal à l’entretien de ces sépultures. Ils sont, très souvent, sollicités par des représentants de l’association Le Souvenir Français. Ce sont donc à vos délégués, monsieur Delbauffe, de stimuler les maires et de leur faire passer le message auquel, à mon avis, ils sont très réceptifs.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, monsieur Bernard, de mettre en exergue le travail effectué par les collègues qui nous ont précédés dans cette commission.

Monsieur Candelier, s’il y a bien une baisse globale des crédits alloués aux anciens combattants, celle-ci ne se traduit que dans le budget de fonctionnement et d’investissement : des crédits prévus, par exemple, pour achever la rénovation du musée de l’armée ne sont pas renouvelés une fois les travaux achevés. Les crédits d’intervention sont en revanche préservés dans leur globalité.

M. Jacques Goujat. Cela fait des années que le monde combattant pense qu’un budget constant maintenu sur trois années permettrait de régler tous les contentieux, si bien que vous n’auriez plus besoin de nous auditionner.

L’idée des quatre mois, monsieur Guilloteau, n’est pas le fait de la génération AFN. Nous sommes des partisans absolus de l’égalité des droits entre l’ensemble des générations et, à l’intérieur d’une même génération, entre l’ensemble des catégories. Comme les quatre mois ont été attribués aux CRS, nous avons demandé, et obtenu, d’être traités de la même façon.

Dans mon propos liminaire, j’ai parlé d’unité. C’est notamment le cas, même si nous avons des différences d’appréciation, en ce qui concerne l’octroi de la carte du combattant. L’UFAC n’est pas partisane de l’accorder au-delà du 2 juillet 1962. En revanche, en tant que président depuis des décennies de la commission nationale d’attribution de la carte du combattant, aujourd’hui disparue, je crois qu’il y a des réglages à faire. J’ai proposé que tous ceux qui sont arrivés en AFN avant le 2 juillet 1962 et qui ont les quatre mois nécessaires, même au-delà du 2 juillet, puissent obtenir la carte du combattant.

La commission nationale de la carte du combattant chargée d’examiner en recours les demandes qui ne sont pas satisfaites au niveau départemental, a disparu avec toutes les commissions de tous les ministères au mois de juin dernier. Ne pouvant plus siéger, elle ne peut plus attribuer de cartes du combattant. Elle va sans aucun doute renaître, mais dans combien de temps ? Nos générations avancent en âge et les dossiers doivent être traités en urgence. Que certains demandeurs attendent plus d’un an pour obtenir la carte du combattant est assez difficile à faire admettre.

Aujourd’hui même, nous étions réunis en commission pour adopter le rapport issu des travaux de huit réunions sur le rapport Audouin concernant l’indemnisation des orphelins de victimes de la guerre. Nous nous sommes accordés sur la base de trois propositions.

Notre vision des choses est que les décrets de 2000 et 2004 ont ouvert une boîte de Pandore qu’il est difficile de refermer. Il y a effectivement une différence entre vouloir et pouvoir. Les organisations, qui se sont d’ailleurs constituées à la suite de la publication de ces décrets, veulent étendre les indemnisations prévues à l’ensemble des orphelins. Pour répondre à leurs attentes, il faut disposer d’un budget conséquent. Or, les associations d’anciens combattants que nous sommes tiennent à ce que les décisions qui seront prises n’obèrent en aucune façon les crédits affectés aux anciens combattants et aux victimes de guerre car les orphelins sont déjà comptabilisés dans les victimes de guerre. Nous examinons la situation avec beaucoup de pragmatisme et je pense que nous arriverons à trouver des formules satisfaisantes.

Donner une idée du nombre de dossiers est très difficile, mais on estime à près de 3,5 milliards d’euros le montant nécessaire pour faire face à tous les besoins.

M. Gérard Colliot, vice-président de l’UNC. Concernant l’attribution de la carte du combattant jusqu’au 1er juillet 1964 pour l’Algérie, au sujet de laquelle il existe une petite divergence de point de vue avec l’UFAC, je souhaite préciser que, alors que les combats ont cessé en 1956 au Maroc et en Tunisie, la carte du combattant pour ces territoires a été attribuée jusqu’en 1962, soit six ans après l’indépendance. Je ne vois pas pourquoi elle ne le serait pas, pour l’Algérie, deux ans après l’indépendance, d’autant qu’une citation avec attribution de la croix de la valeur militaire a été obtenue en janvier 1964.

M. Gérard Delbauffe. L’entretien des stèles pose un problème, monsieur Folliot, car, comme vous l’avez fait remarquer, elles sont souvent sur des terrains privés. Nous essayons d’améliorer la situation mais nous agissons au coup par coup en liaison avec les communes. À ce sujet, je précise que je fais tout pour limiter la multiplication des stèles commémoratives. Il faut en effet en assurer l’entretien dans la durée.

Je suis content, monsieur Voisin, que vous alliez au Vietnam la semaine prochaine car nous avons un souci dans ce pays. Comme vous le savez, l’essentiel des restes des combattants ont été ramenés à Fréjus. Mais il y a encore des corps près de la RC 4. Le Souvenir Français entretient un cimetière près de Lang Son, cimetière qui date, d’ailleurs, de la période de la conquête. Si l’on souhaite regrouper des corps au Vietnam pour éviter de les rapatrier, j’ai naturellement proposé qu’on utilise ce cimetière.

Je suis toutefois très inquiet car beaucoup d’initiatives partent dans tous les sens, émanant d’associations plus ou moins représentatives qui veulent s’engager dans des recherches sans l’accord du gouvernement vietnamien. J’ai interdit à mon délégué général au Vietnam de rentrer dans ce jeu en lui recommandant de ne rien faire avant qu’il y ait un accord entre le gouvernement vietnamien et le gouvernement français.

Dans le cas que je viens de citer, il faut être très prudent car je sais que, dans le nord du pays, un certain nombre de gens profitent de la situation et font du trafic d’ossements. Votre action sera déterminante car le Souvenir Français ne peut rien faire pour le moment.

M. le président Guy Teissier. Nous vous remercions, messieurs.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Claude Beaulieu, M. Jean-Louis Bernard, Mme  Françoise Briand, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Jacques Candelier, M. Gérard Charasse, M. Jacques Desallangre, M. Jean-Pierre Dupont, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, M. Christophe Guilloteau, M. Marc Joulaud, M. Jacques Lamblin, Mme Marylise Lebranchu, M. Gilbert Le Bris, M. Christian Ménard, M. Daniel Poulou, M. Guy Teissier, M. Marc Vampa, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. – M. Laurent Cathala, M. Pierre Frogier, M. Franck Gilard, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Jack Lang, M. Daniel Mach, M. Damien Meslot, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Michel Pajon, M. René Rouquet, M. Bruno Sandras, M. André Wojciechowski

Assistaient également à la réunion. – M. Lionnel Luca, Mme Martine Pinville

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