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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 24 novembre 2009

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Guy Teissier, président

— Audition M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire

Audition M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, nous accueillons, en cette fin d’après-midi, M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous souhaiter la bienvenue au nom de tous les membres de la commission de la défense.

Nous constatons tous dans nos circonscriptions que la réorganisation des sites de défense implique des redéploiements, des fermetures de sites, des aménagements nouveaux, complexes et nombreux. Certaines collectivités locales connaissent ou vont connaître, du fait du départ des unités, de difficultés économiques importantes.

En juillet 2008, votre prédécesseur, M. Hubert Falco, nous avait présenté le dispositif initial d’accompagnement des restructurations. Depuis, quelques aménagements à la réforme semblent se dessiner.

Je serais heureux que vous nous donniez des précisions sur les dernières décisions, les mesures d’aide et de soutien en cours et les résultats que vous en escomptez.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je voudrais au préalable, monsieur le président, messieurs les députés, situer ces décisions dans leur contexte.

À l’été 2008, le Gouvernement a décidé d’adapter les capacités opérationnelles des armées au nouveau contexte stratégique décrit par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Cette réforme se traduira notamment par une réduction importante du nombre d’implantations territoriales de la défense et par la suppression de quelque 54 000 postes sur la période 2009-2014.

La conduite de la réforme est confiée au ministre de la défense. Son accompagnement territorial est placé, dans une logique interministérielle, sous la responsabilité du ministère dont j’ai la charge.

Les projets structurants pour la réforme du ministère de la défense se mettent en place selon le calendrier prévu.

Les premiers redéploiements territoriaux liés au volet capacitaire et opérationnel de la réforme ont été mis en œuvre à l’été 2009. L’ensemble de la réforme se poursuivra en 2010, conformément à ce qui a été annoncé à l’été 2008.

La plus grande attention a été portée à l’accompagnement social des personnels. Près de 97% des personnels concernés par ces dissolutions ou transferts sont aujourd’hui reclassés.

Le plan d’accompagnement des restructurations a été stabilisé. Il ouvre au personnel concerné l’accès à un accompagnement cohérent et personnalisé, comprenant en particulier des aides à la mobilité, géographique ou fonctionnelle, ou des aides au départ volontaire.

Dans ce cadre, plus de 1 000 pécules devraient être attribués à des militaires en 2009 pour un montant de 70 millions d’euros et 500 indemnités de départ volontaire devraient être accordées d’ici à la fin de l’année aux personnels civils pour un montant de 48 millions d’euros environ.

La reconversion du personnel a constitué une priorité du ministère de la défense et l’a conduit à créer l’agence de reconversion de la défense, qui regroupe en une seule entité les structures de reconversion jusqu’alors dispersées dans les armées.

Toutes les composantes de l’accompagnement territorial des restructurations de défense ont été mises en œuvre sous le pilotage du ministère chargé de l’aménagement du territoire.

L’année 2009 est une année cruciale pour les restructurations, tant sur le plan de leur ampleur que de la manière dont elles sont localement ressenties. C’est pourquoi il fallait sans attendre accompagner les collectivités territoriales dans leurs efforts d’adaptation et de mutation.

Les projets de reconversion des territoires, qu’il s’agisse des contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) pour les territoires les plus touchés ou des plans locaux de redynamisation (PLR), sont élaborés ou en cours d’élaboration par les acteurs des territoires sous le pilotage des préfets.

Les quarante premiers comités de site ont été réunis dès la fin de l’année 2008.

Les cinq contrats de redynamisation de sites de défense prévus en 2009 ont été signés avec les partenaires locaux avant le début des fermetures effectives des sites. Il s’agit des CRSD de Givet, d’Arras, de Barcelonnette, de Provins-Sourdun et de Briançon. Ils représentent un montant total de 151 millions d’euros, toutes sources de financement confondues, avec un apport de l’État, via les crédits dédiés aux restructurations de défense, de plus de 27 millions d’euros. Je rappelle que le Gouvernement a décidé de consacrer à ces opérations une enveloppe spécifique de 320 millions d’euros pour l’ensemble de la période. La mise en œuvre de ces cinq contrats est engagée.

Plusieurs autres contrats sont en cours de finalisation et pourront être signés à la fin de l’année ou au tout début de l’année 2010. Je pense en particulier à celui de Langres, qui devrait être signé en décembre, et à ceux de Noyon, de Mondeville et de Metz, qui devraient être signés au début de l’année prochaine.

Afin de favoriser les conditions d’élaboration des CRSD, un marché de diagnostics territoriaux a été lancé par la délégation aux restructurations (DAR) pour aider les acteurs locaux à déterminer l’impact territorial des mesures, dresser un diagnostic des potentialités des territoires concernés et identifier les pistes de revitalisation économique.

Le potentiel logistique d’une dizaine de bases militaires fait l’objet d’une expertise approfondie, en lien avec les collectivités concernées. Il s’agit notamment des sites de Laons, de Noyon, de Caen, de Colmar, de Joigny et de Reims. Cette mission aboutira à la réalisation d’argumentaires d’ici à la fin du premier trimestre 2010.

Les autres instruments prévus par le plan d’accompagnement territorial ont été élaborés et mis en œuvre comme prévu.

S’agissant des modalités adaptées de cession des emprises militaires, la loi de finances rectificative de 2008 a organisé un dispositif de cession des emprises à l’euro symbolique, et le décret d’application du 3 juillet dernier a dressé la liste des communes éligibles. Les demandes d’acquisition des collectivités peuvent désormais être reçues par France Domaine. La première cession à l’euro symbolique a été signée fin août 2009 au profit de la commune de Barcelonnette. Les cessions au profit des communes d’Arras, Givet et Mondeville devraient intervenir dans les prochaines semaines.

Les mesures d’aide aux entreprises pour compenser le départ des unités militaires et favoriser l’implantation de nouvelles activités économiques dans les territoires concernés par un crédit de taxe professionnelle et par des exonérations fiscales et sociales ont été mises en place.

La réserve nationale de zonage, dite des aides à finalité régionale (AFR), a été mobilisée comme prévu au profit des territoires touchés par les restructurations de défense. La dernière utilisation de cette réserve a fait l’objet d’une validation par le Premier ministre la semaine dernière et devrait être opérationnelle d’ici le début de l’année.

Pour les communes concernées par les restructurations, le fonds d’accompagnement prévu par la loi de finances initiale pour 2009 sera mis en place à la fin de l’année. Doté de 5 millions d’euros, il permettra de compenser les déséquilibres budgétaires des communes et des intercommunalités touchées par le départ des troupes. Le montant de ces aides sera fixé sur le fondement de constats réalisés localement par les préfets et les trésoriers-payeurs généraux.

Un ambitieux programme de relocalisation d’administrations a été engagé au bénéfice de certains territoires touchés par les restructurations de défense. Les efforts se poursuivent pour atteindre l’objectif national de 5 000 emplois relocalisés : nous en sommes aujourd’hui à plus de la moitié de ce chiffre.

Les efforts se poursuivent également pour assurer dans les meilleures conditions la réalisation des opérations prévues en 2010, 2011 et 2012. Une mission d’expertise spécifique a été réalisée à la demande du gouvernement polynésien, des élus locaux et des représentants de l’État en Polynésie. Cette mission a permis de contribuer à l’expression des besoins et de la stratégie des Polynésiens, particulièrement en matière d’urbanisme. Ils ont d’ailleurs présenté un projet assez ambitieux.

Les mesures d’accompagnement en faveur de la Lorraine ont été significativement renforcées, le montant prévu pour le CRSD de Metz passant de 10 à 30 millions d’euros. Le contenu même des restructurations de la défense a été sérieusement amendé : Hervé Morin a annoncé que le 3e régiment de hussards, basé à Immendingen et faisant partie de la brigade franco-allemande, ne sera pas dissous d’ici à 2012, comme prévu initialement, mais transféré à Metz. Ce sont ainsi plus de 800 militaires qui viendront à la place du 2e régiment du génie, qui sera, lui, dissous.

Ces premiers résultats et la dynamique qui les sous-tend sont le fruit d’un travail collectif déterminé des acteurs de l’État et des collectivités, décliné à tous les échelons et jusque dans les territoires eux-mêmes, pour surmonter les difficultés, prendre en compte la dimension humaine de ces restructurations, identifier les pistes de revitalisation économique et les concrétiser. Cette solidarité est encourageante pour l’avenir ; elle doit nous inciter à poursuivre ensemble, avec énergie et détermination, ces réformes profondes, mais indispensables. Mais le plus dur est encore devant nous.

M. le président Guy Teissier. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les mesures spécifiquement prévues pour les collectivités frappées par les restructurations, notamment en termes d’extension de zones franches, d’exonérations fiscales et sociales et de crédit d’impôt de taxe professionnelle ?

M. le ministre. Sur l’ensemble des crédits d’accompagnement, seul 1 million d’euros de crédits de paiement a été consommé en 2009. Ce faible montant est dû au délai nécessaire et difficilement compressible entre la mise en place des dispositifs d’accompagnement et l’engagement des crédits, et ce malgré l’anticipation voulue par l’ensemble du Gouvernement. Les ministères concernés, c’est-à-dire essentiellement celui de l’aménagement du territoire et celui de la défense, ont obtenu le report exceptionnel de 20 millions d’euros de crédits non consommés en 2009 et qui viendront s’ajouter à ceux prévus pour 2010. Ces crédits doivent nous permettre de réaliser les projets qui enregistrent un peu de retard. Toutefois, nous ne disposons pas d’une baguette magique qui nous permettrait de susciter des projets là où il n’y en a pas.

Il est donc un peu trop tôt pour vous répondre en ce qui concerne l’extension des zones franches, les exonérations fiscales et sociales et le crédit d’impôt de taxe professionnelle. Ces mesures n’ont été finalisées qu’au cours du troisième trimestre, et il y a à peine quelques semaines que les textes d’application sont sortis. Pour l’heure, nous ne disposons d’aucun chiffre. Il faudra attendre quelques mois avant de pouvoir mesurer l’effet réel de ces mesures ; je suis à la disposition de votre commission pour vous répondre alors sur ce point. Je vous rappelle que ces mesures ont été votées à l’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2008.

M. le président Guy Teissier. Peut-on déjà dresser le bilan de l’ouverture de l’administration territoriale aux personnels civils de la défense ?

M. le ministre. Ces mesures sont nouvelles et l’intégration dans les corps concernés ne va pas sans difficulté. Dans mon département, seules quatre personnes, qui venaient de l’arsenal de Roanne, ont été recrutées à ce titre, et avec des difficultés administratives conséquentes. Nous savons en outre que les collectivités locales n’étant pas en excellente santé budgétaire,…

M. Bernard Cazeneuve. Mais pour l’État, ça va bien !

M. le ministre. … ce n’est pas le moment pour elles d’embaucher.

M. Bernard Cazeneuve. Je voudrais d’abord me faire l’écho des très grandes inquiétudes suscitées à travers tout le territoire par la manière dont la déflation d’effectifs est conduite, notamment en raison de sa très grande opacité. Je vais vous en donner un exemple très concret.

En mars 2008, le Président de la République s’est rendu à Cherbourg pour lancer le nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). À cette occasion, il a déclaré que Cherbourg ne serait pas concerné par les restructurations. Quelques mois plus tard, on annonce la suppression de 80 emplois au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Quelques semaines plus tard, les services de l’État en annoncent 150. Quelques mois après, le préfet maritime précise qu’il s’agira de 200 emplois. En octobre, les autorités de la marine nationale reçoivent une directive du ministère de la défense selon laquelle il faut en rajouter 15. Hier, le directeur des ressources humaines du ministère nous annonce qu’il faudra 30 suppressions de plus au titre de la réforme de sa direction. Aujourd’hui, alors que Cherbourg ne devait pas être touché par les restructurations, ce sont donc 250 à 270 suppressions d’emplois qui vont frapper un bassin d’emploi qui a déjà perdu, au cours des quinze dernières années, des centaines d’emplois à cause des restructurations successives de la défense, notamment de la marine nationale. Je le dis avec la plus grande solennité : si on continue à conduire la réforme ainsi, cela va très mal se terminer. On n’imagine pas la désespérance des personnels. Alors qu’on nous vante la gestion humainement exemplaire de ces restructurations, certains de ceux qui vont perdre leur poste dans les semaines qui viennent, et qui ont déjà dû subir quatre à cinq restructurations au cours des quinze dernières années, ne savent pas aujourd’hui où ils seront mutés.

Savez-vous que l’enveloppe de l’indemnité de départ volontaire (IDV) est sous-dotée au point que les personnels doivent attendre quatre à cinq mois avant de toucher leur IDV ? Savez-vous que ce sujet est traité au ministère de la défense par une seule personne, en charge de neuf cents dossiers par an ? Voilà quelle est la situation.

Cela étant dit, j’ai quelques questions précises à vous poser.

J’aimerais savoir quelles sont vos relations avec la DAR. En effet la liste des territoires appelés à perdre des emplois que le délégué aux restructurations nous a communiquée est établie sur le fondement d’informations du ministère de la défense vieilles de dix-huit mois : cela signifie que les dernières modifications ne sont pas prises en compte par la DAR.

Interpellé à ce sujet lors de l’examen de la loi de finances, le ministre de la défense m’a cependant assuré que tous les budgets avaient été réajustés en conséquence. Étant donné que l’enveloppe initiale était de 320 millions d’euros, j’aimerais savoir quel est son montant actuel, et quel mécanisme a rendu ce réajustement possible. La mise sera-t-elle doublée partout comme à Cherbourg, qui bénéficiera finalement de 3 millions d’euros, au lieu de 1,5 million comme initialement prévu ?

M. le ministre. Si je vous ai bien compris, monsieur le député, deux politiques se conjuguent dans le cas de Cherbourg : les restructurations de la défense préconisées par le Livre blanc et la revue générale des politiques publiques, mise en œuvre par la direction des ressources humaines du ministère. J’ai cru comprendre également qu’il s’agissait pour l’essentiel de personnels civils. À ce stade, je ne peux pas vous donner de chiffres définitifs, mais il n’y a pas de raison de mettre en doute ceux du ministre de la défense.

L’accompagnement de 3 millions d’euros prévu pour Cherbourg est une bonne nouvelle, puisque ce montant est le double de l’enveloppe initialement prévue. À ma connaissance, l’enveloppe prévue pour l’accompagnement de l’ensemble des restructurations ne sera pas augmentée. Je rappelle que la dotation de 320 millions d’euros n’était pas pré-fléchée lors de sa mise en place ; elle est consommée au fur et à mesure des projets et des décisions qui se consolident, ce qui est loin d’être le cas.

M. Bernard Cazeneuve. Si on est passé de 1,5 million à 3 millions, c’est parce qu’on est passé de zéro suppression d’emplois à Cherbourg, ce qu’avait annoncé le Président de la République, à 250 suppressions ! Je ne peux donc pas me réjouir de l’augmentation de l’enveloppe !

Ce qui me préoccupe, c’est l’impossibilité de déterminer la traçabilité de la décision interministérielle qui aurait, à la suite d’une réunion de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), augmenté la dotation allouée aux territoires en restructuration, selon les dires du ministre de la défense devant la représentation nationale. Quand je recherche avec François Cornut-Gentille, dans le cadre de la mission que nous menons sur la réforme du ministère de la défense, la trace de cette décision, je ne la trouve pas. Comment faites-vous pour doubler l’enveloppe des territoires sans doubler l’enveloppe qui vous est allouée ?

M. le ministre. Je vous ferai la réponse la plus claire et la plus honnête possible : je n’ai pas plus d’informations que celles que le ministre de la défense vous a données. Si le ministre de la défense vous a fait des annonces, c’est qu’elles sont conformes à la réalité. Je reste à votre disposition, tout comme mes services, pour faire avec vous le point sur ce dossier.

M. Bernard Cazeneuve. Votre grande disponibilité et votre écoute des élus ne suffisent cependant pas à apaiser mon inquiétude de voir que vous n’êtes pas informé de l’abondement de ces crédits qui relèvent pourtant de votre budget. Cela ne peut que nous interpeller sur le fonctionnement de l’appareil d’État.

M. le ministre. Les crédits que vous évoquez relèvent pour les deux tiers du ministère de la défense et pour un tiers seulement de l’aménagement du territoire.

Je n’ai pas d’informations plus précises concernant Cherbourg. En ce qui concerne l’ensemble du pays, le dispositif a naturellement vocation à s’adapter à la situation. Ainsi, l’enveloppe prévue pour Metz est passée de 10 à 30 millions pour prendre en compte une situation différente de ce qui était initialement prévu. L’enveloppe de 320 millions d’euros est une « enveloppe-réservoir », ces crédits n’étant pas intégralement affectés afin de conserver une marge de manœuvre pour pouvoir tenir compte de l’évolution des dossiers.

M. le président Guy Teissier. Vous nous parlez de 250 suppressions de postes, monsieur Cazeneuve : distinguez-vous parmi eux les emplois civils des emplois militaires ? S’agissant des emplois militaires, on ne peut parler sur le plan national que de redéploiements et non de licenciements. Je pense que c’est cette approche que nous devons privilégier en tant que parlementaires, même si je comprends qu’un maire puisse légitimement avoir des préoccupations locales. Il en va à peu près de même des employés d’État. Parlez-vous de licenciements secs, ou plutôt de non renouvellement de postes au fur et à mesure des départs à la retraite ?

M. Bernard Cazeneuve. J’exprime bien une préoccupation nationale, même si je l’ai adossée à un exemple que je connais, par définition, mieux que les autres

L’enjeu est international : la manière opaque avec laquelle la manœuvre RH est conduite fait que les personnels, les organisations syndicales, les responsables militaires des sites découvrent au jour le jour la réalité des disparitions d’effectifs. Les informations qui nous viennent du ministère de la défense montrent qu’aux 54 000 suppressions d’emplois s’ajouteraient 16 000 suppressions d’emplois supplémentaires résultant des externalisations. Au reste, un article paru au mois d’août évoquait la mise à disposition d’entreprises privées de personnels de la défense du fait de ces externalisations.

Aujourd’hui, la question est essentiellement celle de l’IDV des personnels civils. Certes, ces personnels sont simplement mutés et non licenciés, mais quand il s’agit de personnels qui ont déjà été mutés plusieurs fois, on ne peut pas ignorer les problèmes humains et sociaux que cela pose et qui plongent des dizaines d’ouvriers d’État et d’employés civils de la défense dans une désespérance profonde. Comment se reloger rapidement alors qu’ils disposent de revenus modestes ? Faut-il interrompre en cours d’année la scolarité de leurs enfants pour les changer d’école ? Sans démagogie ni esprit polémique, je pense qu’il est de notre devoir de vous faire part de ces difficultés.

M. le ministre. Je veux quand même rappeler que 48 millions d’euros seront consacrés aux IDV d’ici à la fin de l’année.

M. le président Guy Teissier. Nous connaissons tous de tels cas, mon cher collègue. J’ai moi-même reçu une délégation d’ouvriers du matériel de Marseille qui trouvaient scandaleux qu’on les fît partir sur le plateau de Carpiagne, éloigné de dix kilomètres.

M. Philippe Folliot. En vous écoutant, mon cher collègue, j’ai une pensée pour les 98 salariés d’une entreprise textile de ma circonscription qui est sur le point de fermer : ils n’auront droit qu’au minimum légal, et encore, à la condition qu’on puisse vendre les machines. Ils ne bénéficient, hélas, de rien de comparable aux plans d’accompagnement des restructurations de la défense. Même si celles-ci sont difficiles, l’État n’est vraiment pas à montrer du doigt en matière d’accompagnement social et ses agents bénéficient d’un traitement très sensiblement différent de celui qui prévaut dans le secteur privé, notamment dans les PME.

En tout état de cause, je préfère un ministre qui avoue honnêtement son ignorance à des affirmations péremptoires démenties ensuite par la réalité.

Quel est, monsieur le ministre, le rôle exact de la DIACT dans les restructurations de la défense ?

M. le ministre. La DIACT, qui redeviendra la DATAR dans quelques jours, est chargée d’assurer la coordination interministérielle du dispositif. Elle a assuré le portage des textes devant le Conseil d’État. Elle prépare actuellement les modes d’emploi et les réponses aux préfets sur les conditions de gestion, d’aménagement et de redynamisation des sites, le volet défense relevant strictement de la compétence du ministère de la défense.

M. François Cornut-Gentille. Nous ne sommes, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, qu’au début d’un processus long et progressif, qui varie considérablement en fonction de l’environnement des sites touchés. Vos services et ceux de la DIACT réservent-ils un traitement spécifique aux sites les plus fragiles ? Ce n’est pas seulement un problème financier, mais également d’ingénierie.

M. le ministre. Il est tout à fait exact que les territoires touchés par les restructurations de la défense sont très divers. Des suppressions d’emplois n’ont pas les mêmes conséquences ou les mêmes incidences sociales. Les 254 emplois supprimés à Lyon sont facilement absorbables par le bassin d’emploi alors que des mesures similaires sont très difficiles à Givet ou à Langres. Il est donc tout à fait légitime que l’État réserve à chaque site un traitement différencié, sur la base d’un diagnostic territorial, afin de moduler les contrats de redynamisation en fonction des difficultés locales. Certains des territoires concernés qui n’étaient pas situés en zones à finalité régionale, lesquelles permettent de recevoir des aides européennes, devraient en bénéficier désormais grâce à l’extension du dispositif de zonage. Ces solutions différenciées sont recherchées en concertation avec les élus locaux. Il est plus facile pour une entreprise de s’installer dans une grande ville universitaire. Même si on a parfois du mal à relocaliser les services administratifs, nous avons progressé et je crois avoir réussi à convaincre les services statistiques de l’INSEE et de divers ministères de s’installer à Metz.

M. François Cornut-Gentille. Où en est-on sur ce point ? Qu’en est-il de l’installation de l’institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) à Reims ?

M. le ministre. Les emplois de statisticiens seront relocalisés à Metz. Par ailleurs, 130 agents de l’INRAP s’installeront à Reims.

La déconcentration administrative progresse, même s’il reste du chemin à faire.

M. Alain Rousset. Je voudrais à mon tour vous interroger, monsieur le ministre, sur l’accompagnement de ces restructurations, mais cette fois sur le plan industriel. En ce qui concerne les personnels, je ferai simplement remarquer que les collectivités sont déjà très sollicitées, et que tous ces postes ne sont pas tous transférables même si des personnels détiennent parfois une compétence utile pour les collectivités.

Sur le plan industriel, ces restructurations posent trois sortes de questions.

La partie de l’enveloppe réservée à vos services pourra-t-elle être augmentée au bénéfice de ces sites en restructuration ?

Deuxièmement, les entreprises touchées par les restructurations européennes bénéficieront-elles d’un accompagnement de l’État en termes de formation professionnelle ?

Troisièmement, la volonté de l’État d’externaliser certaines fabrications fragilise l’emploi et la production dans notre pays au moment où celui-ci restructure sa défense. Il faudrait que la direction générale pour l’armement (DGA) ou les services en charge de l’industrie engagent une réflexion sur le potentiel industriel de notre pays, afin que ces externalisations ne se traduisent pas par des délocalisations d’activité.

Je souhaiterais qu’on réfléchisse également aux charges des entreprises d’État ou qui travaillent pour la défense nationale, tels Safran ou Dassault. Au moment où nous fragilisons nos compétences industrielles, la politique très volontariste de l’État espagnol, qui a massivement investi dans les nouvelles technologies, notamment en matériaux de défense, permet à l’Espagne de venir concurrencer notre savoir-faire industriel militaire sur des marchés essentiels ; on l’a vu lors de la négociation sur l’A400M.

Il serait intéressant de dresser, dans le cadre du débat lancé par le Président de la République sur notre politique industrielle et du lancement du grand emprunt, une liste des technologies critiques de notre pays.

Il serait nécessaire, monsieur le ministre, d’engager, avec le ministre de la défense et celui de l’industrie, une réflexion de long terme sur les axes de la politique industrielle. En ce qui concerne, par exemple, les ateliers industriels de l’aéronautique ou le domaine de la maintenance, l’impact des décisions qui sont prises aujourd’hui se fera en effet sentir dans dix ans.

M. le ministre. Il est vrai, monsieur Rousset, que la politique que l’État met en œuvre, en concertation avec les collectivités, pour compenser la restructuration des sites de défense est une politique globale et qu’il convient de l’envisager dans son ensemble. Dans certains cas, elle offre des opportunités. Ainsi, certaines communes comme Langres vont pouvoir récupérer des terrains de centre-ville pour l’euro symbolique, ce qui permettra à des PME de bénéficier d’exonérations attractives. De même les installations du site Vernon semblent être attractives pour nombre d’entreprises.

En ce qui concerne les matériaux composites et les céramiques, la DGA et le ministère de l’industrie portent une attention particulière à ces technologies, qui sont au cœur de la stratégie de plusieurs pôles de compétitivité. La DGA consacre en outre 800 millions d’euros par an aux technologies stratégiques de défense.

Par ailleurs, la DIACT dispose d’outils tels que la prime d’aménagement du territoire ou les crédits du fonds national de revitalisation des territoires (FNRT) pour aider les sites faisant l’objet de restructurations et peuvent être être appliqués aux sites impactés par les restructurations de la défense. Je ne dis pas que tout est parfait, mais ces sites, qui font l’objet d’une politique menée de concert avec les collectivités locales, bénéficient de crédits substantiels.

Quant aux dispositifs de formation professionnelle, ils sont accessibles aux personnels de la défense. Je ne doute pas que les régions auront à cœur d’utiliser la grande quantité de crédits dont elles disposent au titre de la formation professionnelle pour mettre en place des formations spécifiques au bénéfice de ces personnels.

M. Alain Rousset. D’ordinaire, ce sont les pouvoirs publics, nationaux et locaux, qui prennent en charge la formation des personnels faisant l’objet de plans sociaux. Dans le cas particulier, nous avons affaire à une sorte de plan social engagé par l’État. La question que je pose est de savoir comment l’État prend en charge les besoins de formation des personnels frappés par ce plan social qui représente une charge nouvelle pour les régions. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de réfléchir à cette prise en charge. Pour passer, par exemple, de la fabrication de munition à celles de pièces aéronautiques, il faut une formation, et c’est à l’État de prendre en charge ce type de dépenses.

M. le ministre. Je vais réfléchir à cette question, monsieur Rousset.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, monsieur le ministre.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Bernard Cazeneuve, M. François Cornut-Gentille, M. Philippe Folliot, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Daniel Mach, M. Alain Rousset, M. Guy Teissier, M. Marc Vampa, M. Michel Voisin

Excusés. - M. Daniel Boisserie, M. Gérard Charasse, M. Pierre Frogier, M. François Lamy, Mme Marylise Lebranchu, M. Philippe Nauche, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Bruno Sandras, M. Philippe Vitel, M. André Wojciechowski

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