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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 20 octobre 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Philippe VITEL, vice-président

— Audition du général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824)

Audition du général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824)

La séance est ouverte à dix heures.

M. Philippe Vitel, président. Nous recevons le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Elrick Irastorza, à qui je souhaite la bienvenue. Je dois excuser le Président Teissier, retenu ce jour dans sa circonscription.

Mon général, vous allez nous préciser l’impact sur l’armée de terre des efforts que doit consentir le ministère de la défense en 2011. Certains programmes doivent être retardés, vous nous les détaillerez ainsi que les conséquences que cela implique pour nos soldats.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Je vous remercie de m’offrir l’opportunité de vous présenter un point de situation sur l’armée de terre et de vous faire part de mon appréciation sur le projet de loi de finances.

Depuis l’été 2008, l’armée de terre a conduit les deux premières étapes de sa réorganisation tout en assurant simultanément et de manière satisfaisante toutes ses missions opérationnelles.

2010 a été une année difficile marquée par une très forte mobilité interne. Entre les opérations, pourtant en régression de près de 3 000 postes depuis 2008, et les missions de courte durée de renforcement de nos forces de présence et de souveraineté, elle aura projeté 31 000 soldats hors du territoire métropolitain. 33 000 ordres de mutations, dont les deux tiers avec changement de résidence résultent du plan annuel de mutation auquel s’ajoutent sept dissolutions, dix transferts majeurs et la poursuite de la gestion des restructurations déjà initiées. Enfin, l’armée de terre étant composée à 72 % de contractuels pour préserver la jeunesse de ses régiments, nous avons dû accompagner 18 200 départs, dont 15 100 sans bénéfice d’une pension, et procéder, malgré la déflation de près de 3 000 hommes, à 15 000 recrutements, ce qui fait, au total, un chassé-croisé de plus de 33 000 personnes. Au final, plus de 97 000 hommes et femmes auront donc été concernés par un mouvement en 2010. Ce n’est pas sans effet sur la perception de la réforme en cours et la préservation du moral dans une collectivité de 112 000 militaires, 125 000 en comptant le personnel militaire servant hors du BOP. En dépit de sa moindre mobilité, le personnel civil concerné par les restructurations a également été soumis à de fortes contraintes. Trois exemples significatifs de cette surmobilité : l’état-major de la 9e brigade légère blindée de marine a conduit simultanément la préparation de son engagement en Afghanistan et son déménagement de Nantes à Poitiers ; l’école de l’infanterie a repris sans discontinuité ses activités de formation deux mois après avoir déménagé de Montpellier à Draguignan ; enfin, le 16e bataillon de chasseurs a envoyé 632 hommes en OPEX et 392 en mission Vigipirate tout en déménageant d’Allemagne à Bitche.

L’année 2011 sera encore plus difficile. Aux réorganisations structurelles connues, à savoir sept dissolutions et quatre transferts majeurs, viendra s’ajouter la réorganisation fonctionnelle de l’administration générale et des soutiens courants en bases de défense. Or, toucher aux processus bien ancrés dans les mœurs est plus anxiogène que modifier ou déplacer les structures.

Ces deux réformes ont un effet sur les ressources budgétaires du BOP terre inscrites dans le projet de loi de finances pour 2011. Le recul de 6 %, soit 529 millions d’euros, par rapport à 2010 est justifié : la réduction de format de 10 145 postes, un tiers par suppressions de postes et deux tiers par transferts pour l’essentiel à l’organisation interarmées des soutiens, génère une économie de 356 millions d’euros. 204 millions d’euros, soit 37 % des crédits de fonctionnement, sont transférés vers le BOP soutien. Je relève la stabilité des crédits consacrés aux activités, 133 millions d’euros, et souligne que cette année encore, avec 583 millions d’euros, l’essentiel des crédits hors titre 2 seront consacrés à l’entretien programmé des matériels.

J’estime avoir globalement les ressources strictement indispensables à la préparation des opérations et à la conduite de la réforme, mais je reste préoccupé par les contraintes pesant sur le programme 146, équipement des forces, et, comme les années précédentes, par les ressources attendues du programme 212 concernant les infrastructures.

Je vous propose d’évoquer successivement, la préparation opérationnelle, les équipements, les ressources humaines et, enfin, la réorganisation.

L’armée de terre continue de s’approprier avec pragmatisme le principe de préparation opérationnelle différenciée et la nouvelle politique d’emploi et de gestion des parcs d’équipements majeurs qui lui est associée. La mise en condition différenciée avant la projection est plutôt bien acceptée par ceux qui en bénéficient mais un peu moins par les unités qui n’en ont pas encore apprécié l’efficacité et conduisent leurs activités avec des moyens plus chichement comptés.

Une meilleure utilisation des remarquables installations de nos centres de préparation des forces de Champagne et de Provence, accroît indiscutablement l’efficacité opérationnelle de nos unités. D’ailleurs nos soldats reconnaissent bien volontiers que la qualité de leur préparation opérationnelle constitue leur meilleure protection lorsqu’ils sont projetés. Le revers de la médaille est un accroissement de l’absentéisme en garnisons et une augmentation sensible des indemnités afférentes, en particulier celle de services en campagne.

Le niveau de notre engagement opérationnel stricto sensu est retombé à 7 200 hommes, ce qui engendre mécaniquement une diminution du nombre de jours d’activité opérationnelle sur les théâtres et une perte de savoir-faire qui doit être automatiquement compensée par un entraînement plus soutenu et donc par une augmentation des journées de préparation opérationnelle.

À enveloppe constante de 133 millions d’euros, le nombre de jours de préparation et d’activité opérationnelles diminuera légèrement : 116 jours sont prévus en 2011 contre 120 en 2010 ; nous tomberons probablement à 111 jours en 2012 et à 105 en 2013. En revanche, parce qu’il y va de la sécurité des vols, l’objectif de 180 heures de vol par an et par pilote sera maintenu dans l’ALAT, dont 20 de vol sur appareils de substitution et 20 heures par transformation de 60 heures de vols sur simulateurs en heures de vol réel. En cas de contraintes supplémentaires, il n’y aura pas d’autre solution que la réduction du nombre de pilotes.

S’agissant des équipements, nous sommes désormais bien entrés dans ce que j’appelle le 3e cycle de régénération depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le détail est présenté dans le chapitre 4 du projet de loi de finances. Les commandes et les livraisons devraient être conformes à la programmation à l’exception du véhicule haute mobilité (VHM) ramené de 15 à 10 engins et du lance-roquettes unitaire (LRU).

La démarche consistant à engager sans attendre les équipements neufs (Tigre, VBCI, CAESAR, ARAVIS, PVP par exemple.) sur les théâtres d’opérations sera poursuivie en 2011, avec la projection de missiles Javelin, du véhicule de détection de mines SOUVIM 2, ou encore de FELIN, cette dernière étant envisagée à la fin 2011, une fois terminé l’entraînement d’appropriation du système. Le 1er régiment d’infanterie (RI) vient d’être équipé FELIN. Suivront en 2011, le 13e bataillon de chasseurs alpins, le 16e bataillon de chasseurs, le 92e RI et le 35e RI. Cinq régiments d’infanterie sur vingt seront donc « félinisés » en fin d’année ; parmi eux, deux sont déjà équipés du VBCI, les 35e et 92e RI.

En dépit d’un processus de renouvellement de ses équipements qui mérite d’être souligné pour son impact immédiat sur notre capacité opérationnelle et le moral des soldats, l’armée de terre reste depuis 2005 en deçà de la barre des 20 % des crédits consacrés à ses équipements majeurs. 2007 fut d’ailleurs une année particulièrement difficile. Avec 1 743 millions d’euros accordés en 2011 au titre du programme 146, elle perdra 139 millions d’euros en valeur absolue par rapport à 2010 – ce qui se conçoit dans le contexte actuel – et régressera à 18,2 % de l’enveloppe globale à périmètre équivalent. Cela ne me semble plus tout à fait en phase avec la volonté du Livre blanc de mettre l’accent sur la remise à niveau des moyens terrestres.

Pour ce qui relève des programmes à effets majeurs, j’ai trois préoccupations.

Tout d’abord, avant d’envisager de démembrer le programme Scorpion, il faut se souvenir de sa finalité première : rompre avec les dispendieuses habitudes du passé en recherchant d’emblée un maximum de points communs entre nos équipements neufs ou en cours de rénovation pour en réduire les coûts et faciliter ultérieurement leur soutien. Ce programme fédérateur incrémental devra, sous la contrainte, faire preuve d’une certaine plasticité, mais y renoncer serait, à court terme, une régression conceptuelle et, à long terme, une source de surcoûts.

Ensuite, le premier véhicule blindé multi-rôles, appelé à remplacer nos VAB des années soixante-dix aujourd’hui sursollicités, devra impérativement être livré en 2015 au coût unitaire maximum de un million d’euros pour l’engin de base.

Enfin, décaler au-delà du raisonnable l’entrée en service du LRU privera nos armées de la seule capacité interarmées tactique combinant actuellement précision quasi métrique, portée étendue (70 kilomètres) et employabilité immédiate quelles que soient la météo et l’heure du jour et de la nuit. 252 roquettes ont été commandées en 2009, il reste à réaliser l’adaptation des lanceurs du 1er régiment d’artillerie (RA) à cette nouvelle munition puisqu’ils ne peuvent plus tirer les roquettes à sous-munitions. Il faut se souvenir que c’est parce que je comptais sur cette transformation de l’actuel lance-roquettes multiple que j’ai proposé la réduction de moitié de notre artillerie.

En 2010, les 116 opérations d’adaptation réactive lancées depuis la fin de l’année 2007 ont continué à produire les améliorations attendues dans les domaines de la protection, de la puissance de feu, de l’observation de jour et de nuit, des télécommunications, des drones et de l’équipement individuel de nos combattants. Elles seront poursuivies à hauteur de 100 millions d’euros en 2011.

Avant d’aborder la maintenance, j’aimerais vous rappeler le volume de nos parcs actuellement déployés en opérations : 1 800 véhicules sont projetés dont plus de 1 000 blindés parmi lesquels 600 VAB et 24 VBCI. Il convient d’y rajouter les équipements en transit et ceux immobilisés pour cause de rénovation chez les industriels. Cela représente les équipements de 11 régiments sur les 86 que nous comptons encore. Il s’ensuit inévitablement un fort sentiment de sous-équipement en métropole mais surtout une accélération de l’usure des parcs.

La maintenance fonctionne désormais conformément à ce qui a été planifié, tant en termes d’organisation avec la création de la SIMMT, du SMITer, la poursuite du regroupement géographique des unités de maintenance, qu’en volumes et en choix des matériels à soutenir. Compte tenu de la priorité accordée en pièces détachées et d’un rythme de travail sans interruption, la disponibilité technique sur les théâtres est supérieure à 91 % pour le matériel terrestre et 79 % pour les hélicoptères. Le prix à payer est une disponibilité tout juste suffisante en métropole pour conduire un entraînement compatible avec nos contrats opérationnels.

Trois leviers me permettent de préserver autant que faire se peut les équipements : la mise en œuvre de la politique d’emploi et de gestion dynamique des parcs. Ensuite, la mise sous potentiel de la quasi-totalité des véhicules blindés – dont bien sûr le LECLERC dont le soutien en service postproduction est désormais contractualisé – le soin enfin apporté à l’emploi opérationnel des équipements au prix d’une formation plus exigeante.

L’armée de terre s’efforce de préserver ses équipements d’accompagnement et de cohérence, en y consacrant 245 millions d’euros. Avec une enveloppe de 181 millions d’euros, elle continue à porter une attention soutenue à l’entretien programmé du personnel. Les actions entreprises depuis cinq ans, notamment dans le domaine de l’équipement individuel, ont produit les effets attendus sur notre capacité opérationnelle, la protection et le moral de nos soldats. Cet effort ne doit pas se relâcher.

J’en viens à la manœuvre des ressources humaines. En 2011, l’armée de terre passera sous le seuil des 110 000 militaires et 15 000 civils. Cela correspond à une réduction de format de 10 145 postes, 4 560 militaires et 5 585 civils, répartis entre 3 369 suppressions sèches au titre de la déflation – dont 2 700 militaires – et 6 776 transferts hors du BOP Terre.

En baisse de 364 millions d’euros pensions comprises, la masse salariale, qui passe sous la barre des 7 milliards d’euros, permettra de financer les effectifs et les mesures prévues d’amélioration de la condition du personnel, ces dernières bénéficiant d’une dotation de 35 millions d’euros.

Ma première préoccupation est de stabiliser le renouvellement de la ressource humaine que j’estime trop rapide. Il nous épuise en termes de recrutement puis de formation et surtout assèche nos viviers traditionnels. En 2010, nous aurons procédé à 16 300 recrutements externes : 437 officiers, 1 250 sous-officiers et 14 650 militaires du rang dont 1 500 pour, entre autres, la BSPP et les unités de la protection civile. C’est beaucoup trop. Il est nécessaire de maîtriser au plus vite l’attrition initiale qui atteint 25 à 30 % au lieu des 15 % escomptés et d’améliorer le taux de renouvellement du premier contrat, actuellement à 30 % au lieu des 40 % attendus.

Pour cela j’ai pris un certain nombre de décisions. Tout d’abord, rendre de la perspective professionnelle à nos EVAT en passant d’une gestion collective normée à une gestion individuelle au mérite. En second lieu, créer des centres de formation initiale militaire garants de l’orthodoxie de l’instruction et de l’éducation dispensées à nos jeunes soldats par des cadres mieux sélectionnés et mieux formés. Puis, partant du constat que nous avons de très bons soldats, recruter parmi nos EVAT l’essentiel de nos sous-officiers et limiter le recrutement direct à nos seuls besoins complémentaires, l’objectif étant de parvenir au recrutement de 70 % de nos sous-officiers parmi les militaires du rang au lieu de 50 % aujourd’hui. L’armée de terre doit demeurer l’escalier social qu’elle a toujours été avec 70 % de ses sous-officiers issus du rang et 70 % de ses officiers de carrière du corps des officiers des armes issus du recrutement interne, 20 % provenant des officiers contractuels et 50 % des sous-officiers. Enfin, rénover le brevet de technicien supérieur de nos sous-officiers en valorisant mieux encore les acquis de l’expérience. En fin d’année les premiers effets se font sentir et nous avons pu réduire nos recrutements externes.

Ma seconde préoccupation résulte de la difficulté de concilier la déflation du personnel de carrière (80 % des officiers et 50 % des sous-officiers) avec le rallongement progressif des limites d’âges de deux ans. Ce problème restera gérable pour les sous-officiers compte tenu d’un sous-effectif structurel dans les grades terminaux, mais il sera d’une extrême complexité pour les officiers. Sans mesures d’accompagnement dignes de ce nom, il sera difficile de maintenir une pyramide fonctionnelle et la motivation.

Est-ce une conséquence de ces évolutions, je relève que nous assistons depuis 2007 à une accélération des départs précoces de nos jeunes officiers de recrutement direct. Si le recrutement d’officiers contractuels permet de pallier quantitativement ce déficit, cette tendance risque de compromettre la satisfaction des besoins en commandants d’unités élémentaires et l’armement des postes de responsabilité et de haut niveau par des officiers supérieurs. Il me semble indispensable de conserver un recrutement direct substantiel et surtout un niveau de sélectivité suffisamment important en cours de carrière si l’on veut éviter la constitution, à moindre effort individuel compte tenu de l’érosion naturelle, d’un grand corps prédestiné.

L’allongement des limites d’âge de deux années prévu par la réforme des retraites est plutôt bien accepté, y compris le report à 17 ans de la retraite à jouissance immédiate. En revanche le report de la retraite à minimum garanti à 19 ans et demi – soit un décalage de quatre ans et demi – est plutôt perçu comme une injustice et un manque de considération par les 800 militaires du rang qui pouvaient y prétendre chaque année après avoir bien servi pendant désormais 17 ans.

Enfin, en 2011, l’armée de terre poursuivra la montée en puissance de ses unités de réserve. Avec un budget de 44 millions d’euros en 2010, elle a été en mesure de proposer à ses 17 500 réservistes 25 jours d’activité en moyenne. Depuis le début de l’année, 262 d’entre eux ont participé à une mission hors métropole et 1 225 ont été engagés dans le cadre de Vigipirate.

Je terminerai par les restructurations. Globalement acceptée, cette indispensable réforme reste particulièrement anxiogène, non seulement parce qu’elle affecte très directement la vie quotidienne de notre personnel mais aussi parce qu’elle va éloigner des régiments – c'est-à-dire du cœur de l’armée de terre – ceux qui, civils et militaires, en assuraient l’administration générale et les soutiens communs au plus près depuis plus d’un siècle. Elle aura toutefois le mérite de séparer très clairement ce qui relève très directement de l’opérationnel de ce qui l’est moins, même s’il faut préserver une relative porosité entre les deux.

Les besoins en infrastructures de l’armée de terre, validés par l’état-major des armées, sont évalués dans le programme 212 pour 2011 à 575 millions d’euros, soit 260 millions d’euros au titre des réorganisations et 315 millions d’euros pour l’investissement classique et la maintenance spécialisée. Il convient d’y ajouter 48 millions d’euros qui proviendront du BOP 0178 0011 pour la maintenance élémentaire. Si ces niveaux de programmation paraissent acceptables puisqu’ils dépassent les niveaux de ressources habituellement consentis à l’armée de terre, ils intègrent en réalité pour moitié les coûts liés à la transformation. Par ailleurs l’expérience des années 2009 et 2010 montre qu’à peine 50 % des crédits dédiés aux opérations hors restructurations sont effectivement engagés. Si cette situation devait perdurer en 2011, cela signifiera qu’en 3 ans l’armée de terre aura perdu l’équivalent d’une année d’investissement hors restructurations avec toutes les conséquences à en attendre sur l’état général de notre infrastructure, la vie courante et la préparation opérationnelle.

En 2011, l’armée de terre continuera de s’acquitter de toutes ses missions, y compris sur le territoire national en complément des autres services de l’État en charge de la sécurité des Français, tout en poursuivant une réorganisation structurelle et fonctionnelle d’une exceptionnelle ampleur.

2012 constituera, dans l’immédiat, la dernière année de restructurations lourdes et de transferts mais la réorganisation n’en sera pas terminée pour autant. Je relève par exemple que la création des bases de défense ne devrait rapporter que de l’ordre de 2 800 postes sur le BOP Terre - dont 1 110 à réaliser en 2011 et 1 200 en 2012 sur les effectifs transférés au COMIAS – ce qui ne représentera que 12 % des 24 450 postes qu’il lui faut rendre. Il est donc absolument nécessaire que les gains en effectifs attendus sur l’administration et les soutiens au sens large soient suivis précisément et effectivement réalisés, sinon le bouleversement de notre administration n’aura servi à rien et comme il faudra bien payer la déflation, par tranche de 800 c’est inévitablement un régiment de plus qu’il faudra supprimer. Il ne faudrait pas que dans quelques années l’on se dise devant de trop maigres résultats : « Et dire qu’on a fait tout ça rien que pour ça ! ».

La seule finalité d’une armée, faut-il le rappeler, c’est l’engagement opérationnel, comme le prouvent chaque jour nos soldats avec courage et générosité. Vous me permettrez de terminer par eux en ayant une pensée particulière pour nos vingt camarades, trois officiers, neuf sous-officiers et huit militaires du rang, qui sont allés au bout de leur engagement depuis le début de l’année. Parmi eux, des fantassins, des cavaliers, des maintenanciers, des sapeurs, des artilleurs, des logisticiens et des infirmiers, comme tout dernièrement l’infirmier de classe supérieure Miloche, mortellement blessé au combat, décédé pendant son évacuation après s’être soucié jusqu’au bout de l’état de son auxiliaire sanitaire lui-même très gravement touché.

Tous nous rappellent que lorsqu’on a choisi ce métier on ne choisit plus ses missions, sinon il faut avoir l’honnêteté de faire un autre métier.

Nous nous efforçons de porter aux familles de nos tués, à nos blessés et à leurs familles autant d’attention que possible. Cet été, j’ai doublé les effectifs de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, la CABAT, en charge de l’assistance immédiate aux familles éprouvées et du suivi dans la durée. En complément de la solidarité institutionnelle dont vous connaissez l’importance, je bénéficie du soutien moral et financier de l’association « Terre Fraternité » créée en 2005 par un de mes prédécesseurs, le général Thorette. Elle tire l’essentiel de ses ressources de la solidarité et d’initiatives internes.

M. Philippe Vitel, président. En tant que député du Var, je voudrais, mon général, remercier l’armée de terre pour son action immédiate et prolongée pendant les inondations cataclysmiques qui ont fait plus de 25 morts l’été dernier.

M. Jean-Louis Bernard. J’aimerais tout d’abord connaître le coût, pour l’armée de terre et pour les soldats, du recul de la jouissance du minimum garanti dans le cadre de la réforme des retraites.

Je souhaiterais également connaître le nombre de blessés de l’armée de terre depuis cinq ou dix ans car leur nombre est, contrairement aux morts, relativement ignoré du grand public. Je voudrais aussi que vous nous précisiez les moyens mis en œuvre pour les prendre en charge sur place, afin de répondre un peu aux critiques acerbes de la Cour des comptes à l’égard du service de santé des armées, celle-ci ayant peut-être négligé le caractère essentiel des soins prodigués aux blessés sur les lieux mêmes où ils sont atteints.

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Le coût pour l’armée de terre d’un minimum garanti accordé à 17 années de service au lieu des 19 ans et demi envisagés est de 1,9 million d’euros par an. Pour ceux qui touchent leur pension, cela représente une somme de 58 euros par mois en moyenne. Ce sont nos militaires du rang qui ne sont pas passés sous-officiers mais ont continué à bien servir dans des spécialités indispensables qui vont être les plus impactés.

Concernant nos blessés, je voudrais mettre en perspective les chiffres : chaque année, l’armée de terre perd sur les routes l’équivalent d’une section d’infanterie – soit une quarantaine d’hommes – et ce sont deux compagnies qui y sont blessées. Nous avons eu 13 tués et 82 blessés graves en Afghanistan cette année. Toutes causes confondues, nous arrivons annuellement à un total de plus de 400 blessés, que ce soit en opérations ou sur le territoire national. Nous aurons probablement une centaine de blessés en Afghanistan cette année.

Sur le service de santé, nous avons fait le choix du soutien de l’avant : nos médecins et nos infirmiers sont en première ligne avec nos soldats. Comme en témoigne le nombre des tués et des blessés ces dernières années en Afghanistan – je pense au médecin capitaine Sicard gravement blessé par un EEI et aux infirmiers Toinette, Penon et Miloche morts au combat –, le service de santé des armées paie un lourd tribut.

M. Philippe Vitel, président. Je voudrais, mon général, vous interroger sur le système FELIN. Le contrat a été signé par la DGA le 1er mars 2004 et concernait 31 445 équipements dont 22 500 pour l’infanterie. Pouvez-nous faire le point sur les 22 500 commandes en cours, les livraisons – 3 107 – effectuées en 2010, celles à venir – 4 036 – en 2011 et les unités livrées en priorité ? J’aimerais également savoir si la version 2 du FELIN est toujours d’actualité. L’arme blindée, le génie, la cavalerie seront-ils dotés ?

Grâce au plan de relance, nous devions arriver au chiffre de 500 roquettes LRU mais nous n’en serions aujourd’hui qu’à la moitié : avez-vous un calendrier des livraisons ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Le FELIN est un système modulable conçu pour la protection, la communication mais aussi l’agression. L’infanterie recevra des systèmes complets, à l’inverse des blindés, du génie ou de l’artillerie qui seront partiellement équipés de systèmes moins complets. La cible est de 22 500 systèmes. Quatre régiments d’infanterie seront livrés chaque année à partir de 2011, ce qui représente une livraison annuelle de 4 000 systèmes.

C’est un programme qui a connu des difficultés pendant sa phase de validation et a subi quelques ajustements. C’est aujourd’hui un excellent système qu’il reste à s’approprier. Il sera probablement appelé à évoluer dans les années qui viennent pour tenir compte des évolutions technologiques.

Les crédits du plan de relance ont été essentiellement consacrés à l’ARAVIS et à la densification des commandes du VBCI. Pour ce qui concerne les roquettes LRU, 250 ont effectivement été commandées en 2009 et nous attendons la poursuite des opérations.

M. Yves Vandewalle. Je voulais dire, mon général, mon admiration pour nos soldats qui mènent des opérations dans un contexte de restructurations et de contrainte budgétaire aussi difficile. Nos moyens sont-ils encore en adéquation avec nos missions ? N’y a-t-il pas une sollicitation excessive de nos personnels ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Nous partageons avec le Royaume-Uni la volonté de préserver les conditions de vie de nos soldats. Mon homologue britannique a pour coutume de dire que lorsque nous recrutons des soldats, nous recrutons aussi des familles. Il faut savoir qu’un départ de six mois en Afghanistan est précédé d’une préparation, de six mois également, au cours de laquelle le militaire doit être très disponible. Nous avons des régiments, notamment dans l’infanterie, qui sont effectivement très sollicités ; certains sont déjà allés deux fois en Afghanistan et vont y retourner une troisième fois. Lorsqu’ils reviennent de ce théâtre, nos jeunes soldats ont le sentiment d’avoir vécu une expérience très riche et très dense mais n’ont pas forcément envie d’y repartir tout de suite. Mais dans le même temps, l’infanterie ne connaît pas de difficultés de recrutement puisqu’on compte 8 candidats pour un poste. Il n’y a donc pas d’effet répulsif de l’engagement opérationnel et il importe de maintenir cette sélectivité.

M. Damien Meslot. Vous nous avez fait part de votre inquiétude concernant le déploiement des roquettes LRU. Nous parlons maintenant de 2014. N’y a-t-il pas un risque de voir ce déploiement abandonné ? N’y a-t-il pas, en conséquence, un risque que des régiments disparaissent, notamment le 1er RA ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Il y avait 1 700 canons déployés par l’armée française à Verdun ; l’artillerie n’en possède aujourd’hui plus que 128 qui doivent être complétés par les LRU pour couvrir la zone d’engagement et fournir à nos unités les appuis nécessaires dans un espace relativement vaste. Notre capacité opérationnelle dépend donc du déploiement futur des LRU dont les performances ont déjà été évoquées. Nous avons toujours des LRM, mais il est vrai que le 1er RA est un régiment d’artillerie qui n’a plus d’artillerie puisqu’il ne peut plus tirer les roquettes à sous-munitions (protocole d’Oslo). Il dispose certes de batteries de radars Cobra, de systèmes de détection d’artillerie et de mortiers de 120, mais il va naturellement connaître une baisse capacitaire pendant les deux prochaines années. À terme, la question de son maintien se posera, surtout si la livraison tarde trop ou ne se fait pas.

M. Jean-Jacques Candelier. J’aimerais, mon général, que vous nous fassiez un point rapide sur quelques sujets.

Où en est la mise en place des bases de défense ? Quelles mesures de reconversion ont été programmées pour les villes qui perdent leur garnison ?

Par ailleurs, vous avez dit tout à l’heure que les effectifs de l’armée de terre seraient en dessous de 110 000 soldats en 2010 : où en serons-nous en 2014 ?

Enfin, il y a eu 50 tués en Afghanistan depuis le début de notre engagement en 2001. Comment évolue aujourd’hui la situation ? Gagne-t-on du terrain ? Où en est l’armée afghane ?

M. Alain Marty. J’aimerais revenir sur la livraison des systèmes FELIN : pouvez-nous nous indiquer si leur usage va entraîner des changements sur le plan tactique pour l’infanterie ? J’aimerais également que vous nous dressiez un premier bilan de la mise en œuvre des bases de défense car vous avez fait état de vos inquiétudes sur le sujet.

M. le général d’armée Elrick Irastorza. La réforme des bases de défense est nécessaire et comprise, mais il faudra la mener à son terme avec une volonté de chaque instant. Si la réorganisation se limite à un jeu de taquin pour faire comme avant, elle n’a pas de sens. La restructuration doit certes être conduite de manière sécurisée mais il faut réduire sensiblement les effectifs ; or, pour l’instant, cette réduction demeure légère.

Nous respectons le calendrier prévu : la carte des bases de défense ayant été arrêtée avant l’été, nous avons entamé le travail d’organisation et nous donnerons cet automne les orientations permettant aux directeurs des ressources humaines de conduire la première année de la réorganisation. Je ne suis pas inquiet sur la façon dont le processus s’engage, mais sur la façon dont il pourrait s’enliser.

FELIN est un programme important qui intègre de nombreux éléments qui, sans lui, seraient plus lourds. Il devrait accroître l’efficacité de notre infanterie, au même titre que le VBCI : notamment en accroissant sensiblement la portée et la précision des armes, de jour et de nuit.

S’agissant des effectifs, je note que le Royaume-Uni a retenu une cible de 94 000 hommes : elle correspond à la nôtre pour l’armée de terre au terme du processus de réorganisation.

Je rappelle que la conduite des opérations en Afghanistan relève du chef d’état-major des armées. Il y a un décalage entre la perception des médias et celle de nos soldats de retour d’opérations car ceux-ci constatent des améliorations. Nous appliquons le principe selon lequel nous ne faisons pas un pas sans appui – le Tigre constitue à cet égard un apport précieux –, ni sans l’armée afghane, qui doit émerger. Nous avons regroupé sur la même zone nos bataillons et nos unités de mentorat.

M. Bernard Cazeneuve. Je constate que malgré une surdéflation des effectifs en début de période, la masse salariale reste stable, alors qu’avait été prévue une économie de quatre milliards d’euros. Cela pose un problème d’équilibre global de la réforme du ministère. Confirmez-vous cette situation ? Qu’en est-il pour l’armée de terre ?

Par ailleurs, il semblerait qu’on rencontre des difficultés à faire fonctionner les bases de défense en raison de problèmes liés aux systèmes informatiques, et que, de ce fait, celles-ci coûtent plus cher qu’elles ne rapportent.

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Toute restructuration n’entraîne pas immédiatement les effets escomptés. Il est vrai que les systèmes informatiques engendrent des surcoûts et le passage à un nouveau dispositif crée d’inévitables difficultés mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions sur le coût global.

La masse salariale, par l’effet de transferts et de réductions des effectifs, a diminué pour l’armée de terre. Cette réduction est d’environ 33 millions d’euros par tranche de 1 000 effectifs. Ainsi, en 2009, la masse salariale a été réduite de 72 millions et, en 2010, de 144 millions, soit 216 millions pour ces deux années. Cela dit, nous avons des problèmes de sous-dotations de la masse salariale et d’évolution du glissement vieillesse technicité (GVT), positif ou négatif selon les approches. Je ne peux en revanche vous donner le bilan sur la masse salariale pour l’ensemble de la défense.

M. Philippe Folliot. Je souscris à vos propos sur l’engagement de nos hommes sur le terrain et à l’hommage qui leur a été rendu.

S’agissant de l’aéromobilité et de nos capacités de projection, vous avez rappelé que la meilleure assurance pour nos soldats était la qualité de leur préparation et que le nombre de journées à cet effet passera de 120 jours en 2009 à 105 en 2011. On sait que pour la préparation de nos unités parachutistes, la disponibilité des aéronefs est aléatoire. Lors de son audition, le général Paloméros nous a rappelé qu’avait été constituée une cellule commune entre l’armée de terre et l’armée de l’air pour l’utilisation de ces moyens. Cette coordination des forces vous paraît-elle satisfaisante ? Comment jugez-vous nos capacités d’entraînement ? Une opération comme celle conduite par le 8e RPIMa au Kosovo en 2004 est-elle possible aujourd’hui ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. La préparation de nos unités aéroportées est importante mais, pour les régiments de la brigade parachutiste, l’entraînement à la 3e dimension reste complémentaire, l’essentiel étant qu’ils fassent leur métier de fantassin ou d’artilleur. Cela dit, elle a toujours été tendue et nous nous sommes toujours efforcés avec l’armée de l’air de parvenir au niveau de préparation requis ; nous y arrivons encore aujourd’hui, au prix de quelques acrobaties. L’acquisition des CASA constitue une aide précieuse et je pense que nous serions en mesure, en concentrant nos moyens, de mener aujourd’hui une opération telle que celle de Kolwezi.

M. Jean-Claude Viollet. Je regrette que la question des ressources humaines et de la réforme des retraites n’ait pas pu être débattue dans notre commission.

La réorganisation de la défense va toucher à la structure des effectifs, notamment pour les officiers. Or, il faudra valoriser les ressources humaines, sachant que le pyramidage des corps est en équilibre fragile. Cette question touche aussi la reconversion et la réserve opérationnelle. On ne dispose pas d’étude d’impact en la matière : est-il possible d’en réaliser une ?

S’agissant de l’aspect financier, on sera confronté à une augmentation du poste RCS (rémunérations et charges sociales), mais, comme on est censé le réduire, on peut craindre que le problème de structure ne devienne un problème de volume.

Vous avez rappelé l’effet structurant de SCORPION et le fait que si nous ne le mettions pas en œuvre, nous aurions des surcoûts. Or, le projet est gelé ; d’ailleurs, n’est-il pas mort ? Pourra-t-on le reprendre ensuite à l’horizon indiqué ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Pour SCORPION, je reste confiant. Le projet est bien conçu. J’espère que nous conserverons la démarche générale : il faut que le marché d’architecture aille à son terme et que le programme soit initié. Sinon, c’est un retour à des programmes conduits en ordre dispersé, ce qu’on risque de nous reprocher dans dix ou quinze ans.

S’agissant des conséquences de la réforme pour les ressources humaines, l’évaluation est compliquée car nous devons tenir compte de logiques de flux. Nous faisons des simulations en supposant que les personnes vont au bout de leur carrière, tout en appliquant des taux d’érosion empiriques. Mais ces taux dépendent de facteurs que nous ne maîtrisons pas, comme l’évolution du marché de l’emploi et les capacités de nos personnels à s’y reconvertir. Il faudra accompagner les évolutions par des mesures d’incitation au départ qui ne pourront être que financières ou symboliques. Ainsi, par exemple, quelques colonels ont accepté de partir plus tôt sous réserve d’être nommés généraux en deuxième section : cela a permis de gagner deux ans. Toutes les possibilités pour alléger le sommet de la pyramide sont utilisées. Pour les officiers généraux, les perspectives « sommitales » se réduisent : ainsi, en 2011, nous allons diminuer les effectifs de quatre postes comme prévu, mais le rallongement prévisible de quatre mois des limites de service me conduira à conserver onze officiers généraux qui devaient partir, avec les conséquences à en attendre sur l’avancement.

Mme Françoise Hostalier. Je voudrais tout d’abord vous remercier pour votre langage direct et franc sur les bases de défenses. Pour la préparation de nos forces avant la projection à l’extérieur, j’ai eu l’occasion de passer une journée entière à Canjuers et j’ai été ravie de l’accueil qui m’a été réservé ainsi que de ce que j’y ai vu. Je rentre d’Afghanistan où j’ai rencontré quelques-uns de nos militaires et je peux confirmer que le moral est bon. Je pense, comme vous, qu’il existe un décalage entre la réalité et la perception que nous en avons à travers les médias et certains commentaires. Je peux également vous assurer que les VBCI sont appréciés même s’ils sont encore peu nombreux. Certains matériels restent néanmoins en attente, notamment les munitions.

Afin de rentabiliser nos sites de préparation et d’impliquer nos militaires dans les futures coalitions quand ils seront en opération extérieure, est-il envisagé des mutualisations et l’ouverture de nos sites de préparations à d’autres alliés comme les Britanniques ou les Allemands ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Nos alliés sont confrontés aux mêmes problèmes que nous : les Britanniques comme les Allemands ont des capacités d’entraînement importantes et ils ne seraient pas opposés à ce que l’on puisse les rentabiliser. Nous avons, néanmoins, des échanges avec des unités étrangères qui s’entraînent déjà que ce soit dans le Larzac ou à Canjuers.

Nous avons fait un effort, comme vous l’avez souligné, sur Canjuers qui va certainement devenir l’un des centres d’entraînement les plus importants d’Europe. C’est la raison pour laquelle nous avons transféré à proximité l’école d’infanterie de Montpellier. Nous avons également là, les chars Leclerc, les VBCI, le centre de perception, les simulateurs, l’artillerie, le centre d’instruction de missiles de l’armée de terre et les hélicoptères du Cannet des Maures à seulement dix minutes de vol. Il est également prévu d’y déplacer le centre d’instruction et d’entraînement au tir situé au Larzac tout en conservant cet espace d’entraînement.

M. Bernard Deflesselles. Mon général, dans vos propos liminaires transparaissait une inquiétude assez forte sur vos moyens au regard des missions qui vous sont confiées. Sur les 27 pays de l’Union européenne, deux font un effort conséquent : le Royaume-Uni et la France, à hauteur de 1,7 % à 1,9 % du PIB. On évoque d’ailleurs l’émergence d’un axe franco-britannique. Quelles en seraient les conséquences à l’avenir pour notre armée de terre en terme de mission, de mutualisation, de ressources et de calendrier ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Comme vous le savez, il y aura dans quelques jours des réunions au sommet et je laisse donc aux autorités concernées le soin d’annoncer certaines mesures. Avec les Britanniques, nous avons déjà travaillé sur l’interopérabilité de nos systèmes. À titre d’exemple, nous avons un exercice majeur prévu en 2011, l’exercice Flandres, avec une division dans laquelle une brigade française et une brigade britannique travailleront ensemble pour faire fonctionner leurs systèmes d’information.

Nous sommes également très proches d’eux sur les théâtres d’opérations, nos modes de fonctionnement sont proches. La coopération procède souvent de la mise en commun des savoirs faire et les choses avancent plutôt bien dans ce domaine.

M. Christophe Guilloteau. Le CAESAR est–il utilisé au combat en Afghanistan ?

Vous avez évoqué les véhicules blindés ARAVIS. Pourriez-vous nous dire où en sont les achats ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Nous sommes à mi-parcours pour le CAESAR. La première livraison est terminée ; sur une cible de 77, il nous en reste quatre à recevoir en 2011 et nous devrions percevoir une deuxième tranche après 2015. Déployé en Afghanistan, il tire avec une précision remarquable. Il est souvent utilisé en binôme avec le système de drone tactique intérimaire (SDTI) qui permet de régler un tir à partir du moment où un drone se trouve au dessus. Nous comptons le déployer également au Liban en remplacement du canon 155 AUF1.

Nous avons acheté une quinzaine d’ARAVIS grâce au plan de relance. Dix de ces engins sont actuellement en cours de déploiement en Afghanistan. Il s’agit de véhicules surprotégés qui permettront à nos détachements d’ouvertures de pistes du génie de travailler en sûreté. Il y aura donc un train d’équipement entre l’ARAVIS, le système d’ouverture d’itinéraires minés SOUVIM et le BUFFALO, ce qui permettra à nos sapeurs de mener une action toute aussi efficace mais mieux protégée contre les engins explosifs improvisés. Tous ces engins ont été confiés au 13e régiment de génie de Valdahon.

M. Patrice Calméjane. Ma question porte sur le financement des dépenses liées aux pompiers de Paris qui, comme à Marseille, sont des militaires. Il s’agit de près de 7 500 hommes, pour un budget d’environ 350 millions d’euros, financé par les collectivités locales. Outre les fausses alertes, certains organismes, dont l’activité est marchande, bénéficient de missions particulières des pompiers de Paris sans pour autant contribuer à leur financement qu’il s’agisse de rémunérations ou de renouvellement des équipements : je pense par exemple aux bateaux-mouches ou à la Tour Eiffel. Cette situation est d’autant plus regrettable que les pompiers de Paris sont particulièrement sollicités, l’Île de France ne disposant que de 114 pompiers pour 1 000 habitants, contre une moyenne de 382 pour 1 000 en province, volontaires compris, il est vrai.

Ne pensez-vous pas qu’envisager la mise à contribution de ces organismes pourrait aller dans le bon sens ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza. L’armée de terre n’est concernée par cette question que dans la mesure où elle fournit quelques officiers à ce corps et, surtout, en assure le recrutement. Mais notre rôle s’arrête là. Je ne suis donc pas compétent pour prendre position sur ces questions d’emploi ou de financement.

M. Philippe Vitel, président. Je pose cette question en mon nom et au nom du président Teissier. Pourriez-vous évoquer le processus de réorganisation des centres d’aguerrissement en montagne après la fermeture des bases de Briançon et de Barcelonnette, au profit d’une concentration sur Modane ? On évoque un coût de mise aux normes de 500 000 euros.

M. le général d’armée Elrick Irastorza. Ce sujet m’est bien connu, puisque j’ai créé il y a 20 ans le centre d’aguerrissement en montagne, avec à l’époque une prise en compte des impératifs d’aménagement du territoire. Aujourd’hui les centres de Briançon et Barcelonnette ne sont plus nécessaires. Canjuers correspond suffisamment aux conditions rencontrées en Afghanistan. Les terrains de manœuvre ne sont en outre pas supprimés et rien ne nous interdit d’organiser des manœuvres en terrain libre. À Modane, une capacité résiduelle est conservée pour faire face, le cas échéant, à un besoin de formation adapté avant un engagement plus exigeant dans un milieu montagneux.

Pour l’heure, les capacités du bataillon de chasseurs alpins suffisent. Quant au coût d’aménagement de Modane, il n’est pas particulièrement élevé, nous vous en communiquerons le détail.

La séance est levée à onze heures trente.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Claude Beaulieu, M. Jean-Louis Bernard, M. Philippe Briand, M. Patrice Calméjane, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Bernard Deflesselles, M. Jacques Desallangre, M. Jean-Pierre Dupont, M. Laurent Fabius, M. Philippe Folliot, M. Pierre Forgues, M. Yves Fromion, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, Mme Marguerite Lamour, M. Jack Lang, M. Gilbert Le Bris, M. Michel Lezeau, M. Alain Marty, M. Christian Ménard, M. Damien Meslot, M. Georges Mothron, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Jean-Claude Perez, M. Daniel Poulou, M. René Rouquet, M. Alain Rousset, M. Michel Sainte-Marie, M. Marc Vampa, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, M. André Wojciechowski.

Excusés. – Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. André Gerin, M. Daniel Mach, M. Philippe Nauche, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Jean-Pierre Soisson, M. Guy Teissier.