Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 21 décembre 2010

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Guy Teissier, Président

–– Audition de M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants

Audition de M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants.

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

M. le président Guy Teissier. Nous avons le grand plaisir de recevoir cet après-midi le nouveau ministre de la défense. Vous êtes le bienvenu dans cette commission, composée de fins connaisseurs des armées, de spécialistes issus de circonscriptions abritant des unités des armées de terre et de l’air ou de la marine, ainsi que d’excellents spécialistes du service de santé, qui ont mis à rude épreuve la Cour des comptes lorsqu’elle est venue nous présenter son rapport sur ce corps. Il règne au sein de cette commission, vous le verrez, une certaine convivialité et une « culture commune » de la défense de notre pays. J’ajoute que nous sommes très attachés à nos soldats, qui risquent chaque jour leur vie pour défendre nos valeurs, et au ministère lui-même, que vous découvrez, comme vous l’avez dit récemment, avec bonheur.

Nous avons suivi avec une grande attention l’actualité de ces derniers jours, qu’il s’agisse du sommet de Lisbonne, des perspectives en Afghanistan ou de la situation en Côte-d’Ivoire. Nous sommes d’ailleurs régulièrement informés de la situation de nos opérations extérieures (OPEX).

Je tiens à saluer, au nom de la commission, la mémoire de nos deux soldats tombés au champ d’honneur, le capitaine Benoît Dupin, du 2e régiment étranger de génie, mort au cours d’une reconnaissance à l’entrée de la vallée d’Alasay, et le second-maître du commando Trépel, Jonathan Lefort, décédé lors d’une opération dans la vallée de Bedraou.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants. Permettez-moi d’abord de saluer comme vous la mémoire du capitaine Benoît Dupin, du 2e régiment étranger de génie, tombé au champ d’honneur le 17 décembre au cours d’une mission de reconnaissance dans la vallée d’Alasay, et du second-maître Jonathan Lefort, du commando Trépel, mort au combat le même jour en vallée de Bedraou au cours d’une opération conduite avec les forces de sécurité afghanes. J’ai bien sûr une pensée pour leurs proches et leurs compagnons d’armes et j’assisterai à leurs obsèques demain après-midi à Lorient et jeudi à Apt.

Le tour d’horizon auquel je vais me livrer sera essentiellement placé sous le signe de la situation internationale et des opérations extérieures, car les dernières semaines ont été particulièrement riches dans ces deux domaines.

Vous avez évoqué le sommet de l’Alliance atlantique qui s’est tenu à Lisbonne les 19 et 20 novembre. La France y a joué un rôle important, notamment pour soutenir le processus de transformation. L’Alliance ne peut en effet échapper au contexte budgétaire que connaissent ses États membres, et je voudrais saluer l’esprit de responsabilité et la pugnacité de son secrétaire général, M. Rasmussen, qui a su s’engager dans la réforme de ses structures.

En dépit du poids des conservatismes, nous avons obtenu de vraies décisions : une réduction de la structure de commandement d’environ un tiers pour ne conserver que les états-majors réellement utiles ou déployables, qui fera passer les effectifs de 13 000 à environ 8 950 personnels, avec un objectif de réduction supplémentaire à 8 500 ; le regroupement des 14 agences de l’OTAN en trois entités, qui permettra de réaliser des économies de personnel et de coûts de fonctionnement ; la stabilisation des budgets de l’Alliance après la situation tendue qu’elle a connue en 2009-2010.

Telles sont les décisions de principe. Pour les mettre en application, nous devrons surmonter des résistances – dont j’ai pu prendre conscience à Lisbonne – et maintenir une forte pression, notamment lors de la difficile discussion sur la localisation géographique des états-majors. Ces objectifs ont néanmoins été réaffirmés à Bruxelles la semaine dernière lors d’une réunion des ministres de la défense, qui ont reçu à nouveau le secrétaire général de l’Alliance.

Le second résultat satisfaisant du sommet de Lisbonne a été l’adoption d’un nouveau concept stratégique qui répond à nos attentes. Il s’agit d’un texte lisible, équilibré, adapté aux évolutions de notre environnement de sécurité. Il prend en compte les nouvelles menaces : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, cyber-attaques. Il préserve le cœur militaire de l’Alliance et réaffirme sa responsabilité première, celle de protéger et de défendre le territoire et la population de ses États membres, conformément à l’article 5 du traité de Washington, dont l’actualité a été clairement réaffirmée. Le nouveau concept souligne aussi notre détermination à ce que l’OTAN dispose de tout l’éventail des capacités nécessaires, notamment celles de la défense antimissile balistique. L’articulation entre cette dernière et la dissuasion nucléaire a donné lieu à une discussion tendue lors de la préparation du sommet : la France voulait qu’il soit spécifié que la défense antimissile n’est pas un substitut de la dissuasion, mais un complément à celle-ci. Nous sommes parvenus – non sans difficulté – à convaincre nos amis allemands : le texte final dit clairement que la défense antimissile renforce la dissuasion, et que les forces de dissuasion nationales relèvent de la souveraineté des États membres.

Le nouveau concept affirme également le caractère stratégique de deux partenariats majeurs de l’Alliance. Il s’agit d’abord du partenariat avec la Russie. La réunion entre le conseil de l’Alliance atlantique et le président russe, M. Medvedev, a été un moment presque historique : on a pu voir réunis sous le sigle de l’OTAN MM. Obama, Medvedev, Sarkozy et Mme Merkel. Sous l’impulsion de l’Allemagne et de la France, notamment lors du sommet de Deauville des 18 et 19 octobre, la relation OTAN-Russie a donc pris un nouveau départ, avec notamment la décision de coopérer sur la défense antimissile face à une menace commune. J’ai conscience que les modalités de cette coopération devront être étudiées en détail dans les prochains mois. Les premiers contacts qui ont été pris laissent augurer de discussions nourries car, au-delà des déclarations de principe, nos points de vue ne convergent pas encore entièrement.

Le deuxième partenariat majeur concerne l’Union européenne. Il se heurte à des blocages politiques, dont le principal est le refus d’Ankara de développer la relation OTAN-Union européenne au-delà du cadre agréé de Berlin + – qui exclut Chypre, désormais membre de l’Union européenne. Néanmoins, le chemin parcouru est considérable. Voila encore dix ou quinze ans, l’idée même que l’Union européenne puisse jouer un rôle propre dans la défense et la sécurité de son territoire, en complémentarité de l’Alliance atlantique, n’était pas véritablement admise par la majorité de nos partenaires. Elle l’est désormais : le Secrétaire général de l’Alliance et la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Ashton, ont clairement manifesté à Bruxelles leur intention de renforcer cette relation « dans le respect de l’autonomie de chacune des institutions ».

Nous nous sommes également beaucoup investis sur le dossier de la défense européenne, avec la volonté de lui donner un nouvel élan. En témoigne la lettre que Mme Alliot-Marie et moi-même venons d’adresser à Mme Ashton avec nos homologues allemands et polonais, dans le cadre du « Triangle de Weimar ». Nous lui demandons de s’investir personnellement dans le développement d’une Europe de la défense crédible dans les domaines politique et militaire, capable d’entretenir des liens de complémentarité efficaces avec l’Alliance. Nous lui proposons une feuille de route articulée autour de quelques idées fortes : le renforcement de la coopération entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique, au plan opérationnel comme au plan capacitaire ; l’amélioration des capacités de planification et de conduite européennes, et le développement des groupements tactiques interarmées de réaction rapide ; le renforcement, enfin, des capacités militaires européennes, en recherchant des formules de mutualisation ou de partage permettant d’optimiser l’utilisation de nos ressources. L’Agence européenne de défense, qui ne joue pas encore pleinement le rôle que nous souhaitons lui donner, s’investira dans cette recherche de mutualisation et de partage des compétences, par exemple dans le soutien médical, le transport stratégique, la lutte contre les engins explosifs improvisés ou encore la protection contre les risques bactériologique, radiologique ou chimique.

La France veut en effet orienter la politique européenne de défense vers la production de capacités militaires réelles. Depuis la présidence française de l’Union européenne de 2008, notre pays est à la pointe de cette ambition et nous poursuivrons nos efforts dans les prochains mois, en dépit de fortes contraintes budgétaires.

De ce point de vue, nous essayons de donner l’exemple à travers les réformes courageuses que nous avons entreprises pour rationaliser et moderniser notre outil de défense, comme à travers nos coopérations bilatérales. À cet égard, le traité signé avec les Britanniques le 2 novembre constitue un événement important qui instaure une coopération sans précédent.

Notre premier objectif est d’agir. Nous voulons développer la coopération entre nos forces armées pour favoriser leur déploiement conjoint. Nous allons donc mettre en œuvre une force interarmées, disponible sous faible préavis et adaptée à différents scénarios, y compris les opérations de haute intensité. Cette force, qui comprendra trois composantes –terrestre, maritime et aérienne –, pourra être engagée soit dans le cadre de l’Alliance, soit dans celui de l’Union européenne, comme le prévoit explicitement le traité.

Notre deuxième objectif est d’optimiser nos ressources et de préserver nos capacités industrielles dans un contexte budgétaire contraint. À cet effet, nous organiserons un partage et une mutualisation des équipements ou des installations. Nous recourrons également, dès que cela sera possible et utile, à des procédures d’acquisition concertées permettant des économies d’échelle. Il est ainsi prévu de lancer un programme conjoint de drones de future génération à l’horizon 2020.

La coopération prévue dans le traité s’étendra également au domaine de la dissuasion nucléaire, dans le respect de la souveraineté de nos deux pays.

Notre intention est de mettre en œuvre rapidement cette feuille de route. Les premiers contacts ont d’ores et déjà été pris entre les différents groupes de travail constitués dans les domaines juridique, militaire ou industriel.

Permettez-moi d’insister sur un point : cette initiative franco-britannique a reçu un accueil très positif de la part de l’ensemble de nos partenaires. Les pays européens ont compris que ce traité était de nature à renforcer le potentiel de défense européen. Nos alliés américains voient dans cette coopération une volonté de ne pas baisser la garde malgré un contexte économique difficile et le souhait de rester interopérable avec leurs propres forces armées.

Au-delà de ce dialogue franco-britannique, dont la grande question est de savoir s’il est exclusif ou ouvert, nous avons également donné un nouveau souffle à la coopération franco-allemande. Lors du sommet qui s’est tenu à Fribourg la semaine dernière, j’ai convenu avec mon homologue Karl-Theodor zu Guttenberg de relancer la relation franco-allemande. Notre coopération prend également le visage de la modernisation de la brigade franco-allemande. Nous avons ainsi accueilli il y a dix jours à Strasbourg un nouveau bataillon allemand, le 291e bataillon de chasseurs, qui s’est installé à Illkirch-Graffenstaden, et je dois dire que l’accueil de la population et des élus a été tout à fait favorable. Cette évolution, qui nous permet de mieux équilibrer l’implantation des unités de la brigade, jusqu’alors exclusivement stationnées en Allemagne, s’accompagne d’une importante montée en puissance capacitaire. Elle donnera tous les atouts aux soldats de la brigade pour réussir leur mission au Kosovo, qui doit débuter au printemps.

Vous l’avez compris, les réformes que nous mettons en œuvre, que ce soit dans le cadre de l’Alliance ou dans ceux de l’Union européenne, de nos relations bilatérales ou sur le plan national, n’ont qu’un seul objectif : permettre à nos forces déployées en opérations de remplir leur mission.

Parmi ces opérations, j’évoquerai quatre théâtres qui font actuellement l’objet d’une attention particulière.

Il s’agit d’abord du Liban, où la France conserve un haut niveau d’engagement au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Nous soutenons également le renforcement des forces armées libanaises, afin qu’elles prennent en compte la sécurité du pays, conformément aux résolutions 1701 et 1937 du Conseil de sécurité.

Dans le cadre de la revue des forces conduite par le secrétariat des Nations unies, une réorganisation de notre dispositif est en cours. Cette réforme, qui vise à adapter notre contingent aux réalités de la zone d’opérations tout en modernisant nos équipements, nous conduira à fournir la force de réserve de la FINUL à compter de mai 2011, avec un effectif de 1 350 hommes.

La première phase de cette réorganisation est achevée, avec le départ le 14 décembre des chars Leclerc et leur remplacement par des équipements plus appropriés et plus mobiles, comme le véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) ou le canon CAESAR, dont j’ai pu apprécier l’efficacité au camp de Canjuers.

Deuxième théâtre d’opérations, la Côte-d’Ivoire, qui se trouve depuis le 28 novembre dans une situation d’instabilité particulièrement préoccupante. Notre position est claire : les élections se sont déroulées dans des conditions satisfaisantes selon la Force de l’ONU en Côte-d’Ivoire (ONUCI). Pour nous comme pour le Conseil de sécurité, l’Union africaine, l’Union européenne ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le président légitime est le président Alassane Ouattara. Nous l’avons réaffirmé avec beaucoup de force.

Il revient à l’ONUCI d’agir, de s’interposer entre les Ivoiriens en cas de dérapage sécuritaire et de protéger le gouvernement légitimement élu. Le Conseil de sécurité vient de renouveler à l’unanimité le mandat de l’ONUCI pour six mois et étudie un renfort en troupes pour alléger la pression subie par les Casques bleus.

L’Union européenne a, quant à elle, voté hier des sanctions contre dix-neuf personnalités, dont Laurent Gbagbo. La communauté internationale est donc pleinement mobilisée pour faire respecter le vote des Ivoiriens.

Dans ce contexte, les 950 hommes de la force Licorne, déployée depuis septembre 2002 dans le cadre de l’ONU, garantissent la sécurité de nos 15 000 ressortissants et apportent un soutien à l’ONUCI dans la limite de leurs capacités, conformément à la résolution 1962 des Nations unies du 20 décembre. Jusqu’à présent, la sécurité de la communauté française est assurée. C’est pour nous une ligne rouge.

En complément de la force Licorne, des moyens sont maintenus en alerte à partir de notre dispositif prépositionné et en métropole – nous avons une force positionnée au large des côtes de la Côte-d’Ivoire, qui nous permettrait de procéder aux opérations de protection et d’évacuation nécessaires. Si la force Licorne venait à être attaquée, nous exercerions notre droit à la légitime défense, conformément aux règles internationales. Nous n’en sommes pas là, mais la situation peut déraper à tout moment : M. Gbagbo ne semble pas prêt à lâcher prise, et si M. Ouattara et son Premier ministre, M. Guillaume Soro, n’ont pas voulu accroître le risque d’une intervention militaire, nous restons tout de même extrêmement vigilants.

Troisième théâtre, l’océan Indien. Après y avoir commandé pour la première fois les forces aéromaritimes de l’opération Atalante de lutte contre la piraterie, la France vient de passer la main aux Espagnols.

J’ai eu l’occasion d’en parler à Bruxelles avec mes homologues : cette opération est pour nous un exemple de ce que nous pouvons faire en matière de coopération militaire européenne. Est-elle pour autant un succès, ou seulement un demi-succès ? Elle est efficace. Plusieurs opérations de piraterie ont pu être déjouées, mais elle ne suffira pas à les éradiquer. Ces opérations se déplacent d’ailleurs vers le détroit du Mozambique ou le grand large, jusqu’aux côtes indiennes. M. Jack Lang, venu évoquer la mission qu’il effectue sur le sujet pour le compte des Nations unies, a insisté sur l’enjeu du traitement judiciaire : tant que les pirates arrêtés ne seront ni jugés ni condamnés, ils récidiveront. Nous suggérons donc la création d’un tribunal somalien délocalisé et la stabilisation de la région : ce sont des conditions indispensables si nous voulons lutter efficacement contre ce fléau qu’est la piraterie maritime. Avec deux frégates et un avion de surveillance maritime, la France est en tout état de cause le principal contributeur de l’opération. Je veillerai à ce que nos partenaires européens restent solidaires de notre effort.

Dernier théâtre, et non le moindre : l’Afghanistan. Nous arrivons probablement à un tournant dans les opérations en cours.

Les quarante-neuf nations contributrices à la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) ont donné leur accord à Lisbonne pour un début de transfert des districts aux autorités afghanes dès 2011, avec pour objectif de transférer la totalité de ces districts d’ici à 2014. Cela ne signifie pas pour autant un abandon du territoire afghan : en effet, l’OTAN a affirmé sa volonté de s’engager, au-delà de cette échéance, dans un partenariat de développement de longue durée avec l’Afghanistan.

On dit souvent que l’OTAN n’a pas de stratégie en Afghanistan. Ce n’est pas mon sentiment : la stratégie est de sécuriser la plus grande partie du territoire et de former des forces militaires et de police afghanes à un niveau suffisant pour leur transférer la responsabilité de la sécurité de leur pays, tout en prolongeant le partenariat de développement avec celui-ci.

En ce qui concerne les forces françaises, dont le volume atteint actuellement près de 4 000 militaires, l’objectif est d’assurer les conditions permettant le transfert aux autorités afghanes de la sécurité du district de Surobi d’ici à la fin du premier semestre 2011, afin de nous concentrer ensuite sur la Kapissa.


Dans le même temps, nous intensifions notre effort dans le domaine de la formation des forces afghanes de sécurité et nous travaillons, avec le ministère des affaires étrangères, au renforcement du pôle stabilité-développement qui œuvre actuellement dans la zone de responsabilité de nos forces.

Vous avez sans doute pris connaissance du dernier rapport américain sur la situation en Afghanistan. J’ai moi-même évoqué cette situation avec le général Petraeus après le sommet de Lisbonne. On peut, je crois, parler d’une amélioration relative de la situation. Je rendrai dans ce pays dans quelques jours. Je ne dis pas que la stratégie mise en œuvre est encore gagnante, mais on peut considérer qu’elle va dans la bonne direction.

En tout état de cause, nous veillerons à ne pas annoncer artificiellement de date de retrait de nos forces, pour ne pas risquer de faire perdre à la coalition une part de sa crédibilité.

Vous le voyez, les chantiers et les défis sont nombreux. Vous pouvez compter sur mon engagement pour me consacrer pleinement à la tâche qui m’a été confiée par le Président de la République et dont je mesure chaque jour davantage la complexité. J’espère entretenir avec votre commission des relations de confiance et d’aide réciproque : je vais avoir besoin de vous.

M. le président Guy Teissier. Merci, monsieur le ministre d’État, pour ce grand tour d’horizon. La commission sera très attentive à votre action et vous apportera toute l’aide qui sera nécessaire.

J’aurais aimé vous interroger sur les économies que vous attendez du traité signé le 2 novembre avec nos voisins et amis britanniques, sur la RGPP, ou encore sur le volet du plan de relance du Gouvernement relatif à la défense. Je pourrais aussi vous demander d’évoquer les recettes exceptionnelles ou les arbitrages prévus pour la défense dans le cadre de la programmation triennale – sont-ils, par exemple, susceptibles de remettre en cause la loi de programmation militaire ? Mais vingt collègues ont demandé à intervenir. Je vais donc m’abstenir.

M. Bernard Cazeneuve. Je m’en tiendrai à une question budgétaire. Elle concerne les arbitrages rendus avant votre prise de fonctions, notamment la décision qui a été prise de prélever 3,5 milliards d’euros sur le budget du ministère dans les prochaines années. La réforme engagée par votre prédécesseur après la présentation du Livre blanc par le Président de la République était censé générer une économie globale de 2,7 milliards d’euros pour la durée de la loi de programmation militaire. Le montant de cette économie, qui résulte pour l’essentiel d’une importante déflation des effectifs du ministère, tient compte du coût des différentes mesures d’accompagnement social et des restructurations mises en œuvre. Le prélèvement est donc supérieur d’un milliard aux économies prévues. Comment faire rentrer l’édredon dans la valise ?

M. Nicolas Dhuicq. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, un domaine dans lequel les États-Unis dépensent plus de 10 milliards d’euros depuis des années, tandis que le Japon, inquiet de ses alliances à terme, investit dans deux destroyers supplémentaires et augmente le nombre de ses missiles Patriots. Ce domaine, qui a de fortes implications sur les positions diplomatiques et géostratégiques des États, est celui de la défense antimissile balistique. Attachée à la dissuasion et à son indépendance depuis le général de Gaulle, la France a su rappeler sa position. Néanmoins, j’ai entendu le mot de « territoire » et non celui de « théâtre ». Êtes-vous bien attaché à une défense de théâtre, et non de territoire ?

M. le ministre. Nous tenons le cap de la RGPP : l’efficacité du ministère a été saluée lors des dernières réunions qui se sont tenues sur le sujet, et nous sommes légèrement en avance sur les objectifs fixés en termes de déflation des effectifs et de restructurations territoriales. Compte tenu des arbitrages de la programmation budgétaire triennale, il nous manque cependant un peu plus d’un milliard d’euros de ressources sur la période 2011-2013 par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation militaire. Nous avons donc décidé de reporter à 2013 la rénovation des Mirage 2000D et la première commande des avions de ravitaillement et de transport. Le dispositif Scorpion de numérisation du champ de bataille et le système de commandement et de conduite des opérations aériennes SCCOA 4 sont également décalés. Il y aura enfin un décalage du versement d’acomptes pour le financement des frégates multimissions. Ces décalages nous permettront de rester dans les limites du cadre budgétaire qui nous est fixé.

L’année 2011 s’annonce satisfaisante, sous réserve de la réalisation des ressources exceptionnelles, prévues à hauteur d’un milliard d’euros : 150 millions correspondant à des cessions immobilières et 850 millions à des cessions de fréquences – dans ce dernier cas, les procédures sont complexes car elles nécessitent une intervention de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Nous devrons rester vigilants pour que ces recettes se réalisent et nous permettent d’équilibrer notre budget 2011.

J’en viens à la défense antimissile. Nous avons décidé à Lisbonne de passer d’une défense antimissile de théâtre, que nous pratiquons déjà et pour laquelle nous allons nous doter d’un dispositif de satellites d’alerte avancée et de capacités de détection, à une défense antimissile de territoire et de populations. C’est un saut qui soulève beaucoup de questions. Tout d’abord, la défense antimissile est-elle un substitut ou un complément à la dissuasion nucléaire ? Nous avons eu gain de cause sur ce point : les textes comme les positions de nos différents partenaires sont parfaitement explicites.

Le deuxième problème est celui du financement. Je ne suis pas en mesure de vous apporter de réponse ; tout au plus a-t-il été décidé à Lisbonne de financer le système de commandement et de contrôle pour une somme de 150 à 200 millions d’euros, répartie selon les quotes-parts des membres de l’Alliance. Tout le reste, c’est-à-dire la réalisation des équipements, relève des États membres, principalement des États-Unis.

Se pose ensuite la question de la participation de la Russie. M. Medvedev a proposé une sorte de projet conjoint reposant sur un découpage géographique ; mais l’idée que la défense antibalistique de l’Europe de l’est puisse être assurée sous la houlette de la Russie a suscité quelques réactions… Ce point est donc loin d’être réglé. L’Alliance penche plutôt pour une coopération entre des systèmes pilotés par chacun des partenaires, plutôt qu’un système fusionné.

Enfin, s’agissant du système de commandement, ce projet s’inscrit dans le cadre de l’OTAN, avec un partage des responsabilités.

Bref, le débat est encore en grande partie devant nous.

Mme Françoise Hostalier. Ma question porte sur la construction de la défense européenne. Le traité de Lisbonne ouvre de nouvelles perspectives, avec la mise en place du service européen pour l’action extérieure et la reconnaissance d’une compétence du Parlement européen en matière de défense. La politique de sécurité et de défense reste néanmoins affaire de souveraineté nationale. Dans la plupart des pays européens, dont la France, c’est le Parlement qui vote le budget, contrôle la politique et décide des opérations extérieures. Il existe cependant une instance qui permet une confrontation de tous les parlements européens sur les questions de défense : l’Assemblée européenne de sécurité et de défense, qui regroupe les vingt-sept pays de l’Union et vingt pays européens, dont la Turquie, la Russie ou la Géorgie. L’existence de cette assemblée est menacée par une interprétation restrictive du traité de Lisbonne et la recherche d’économies de bouts de chandelle. Que pensez-vous du rôle qu’elle exerçait ? Par quoi pourrait-on la remplacer ?

M. Christian Ménard. L’opération Atalante, destinée à lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden, a été un vif succès. Grâce à la force européenne déployée sous l’égide de la France, on a enregistré une nette régression des actes de piraterie. Celle-ci est cependant loin d’avoir disparu. Si l’opération Atalante est reconduite, ce sera donc à juste titre. Néanmoins, n’est-il pas temps d’apporter à ce phénomène une réponse globale, à la fois militaire, environnementale, économique et judiciaire ? C’est ce que fait le projet Seaphora, qui associe de grands industriels français.

M. le ministre. Je ne puis hélas donner satisfaction à Mme Hostalier : la dissolution de l’Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) est décidée. Puisque l’UEO doit elle-même être dissoute et que ses responsabilités en matière de sécurité européenne seront reprises par l’Union, il est logique d’aller au bout du processus.

Comment impliquer malgré tout les parlementaires des États membres dans le suivi et le contrôle des opérations de défense ? Des réunions interparlementaires pourraient être prévues dans le cadre du renforcement des liens entre les parlements nationaux et le Parlement européen prévu par le traité de Lisbonne. C’est d’ailleurs ce que Pierre Lellouche avait proposé dans ses précédentes fonctions de secrétaire d’État aux affaires européennes. L’idée mérite d’être approfondie.

L’opération Atalante est en effet un succès. Non seulement elle démontre que l’Europe est capable de monter une opération de sécurité, mais, de plus, elle a permis de marquer des points dans la lutte contre la piraterie – même si elle n’a pas pu l’éradiquer. Votre idée de dépasser le seul cadre militaire pour envisager une réponse globale me semble donc excellente – cela rejoint mes propos concernant le domaine judiciaire. En tout cas, il va de soi que la stabilisation politique des États de la région contribuerait fortement à la lutte contre la piraterie, mais on n’en est pas là, notamment en Somalie.

Je ne connais pas bien le projet Seaphora, mais je suis prêt à en reparler avec vous.

M. le président Guy Teissier. J’ai saisi le président de l’Assemblée nationale du problème évoqué par Mme Hostalier en mars dernier. Il est favorable à la création d’une structure ad hoc, plus souple que l’Assemblée européenne de sécurité et de défense, dans laquelle pourraient siéger une majorité de parlementaires issus de notre commission. La décision définitive sera prise au mois d’avril, à l’occasion de la réunion des Parlements de l’Union européenne. Il est donc probable que l’Assemblée européenne de sécurité et de défense perdure sous une autre forme.

Mme Françoise Hostalier. C’est notre souhait.

M. Philippe Folliot. Le Livre blanc a ramené de trois à deux le nombre de nos bases en Afrique. Nous avons beaucoup d’amis et d’intérêts dans ce continent qui concentre bien des enjeux d’avenir. Je souhaite vous interroger sur une OPEX qui dure depuis près de vingt ans, l’opération Epervier au Tchad. Ce pays devient aujourd’hui un pôle de stabilité dans un environnement incertain. Quel est donc l’avenir de la mission Epervier ? J’ai pu constater il y a une dizaine de jours, en me rendant sur place, que les éléments français sont particulièrement appréciés – beaucoup plus, en tout cas, que ceux de la MINURCAT, dont les éléments quittent progressivement le pays.

M. Michel Grall. Quelle est votre analyse de la menace nucléaire iranienne ?

Compte tenu de la situation de plus en plus tendue au Liban, des directives particulières ont-elles été données à nos troupes présentes au sud-Liban dans le cadre de la FINUL ?

M. le ministre. Le dispositif Epervier comporte actuellement 950 hommes. Son positionnement au cœur de l’Afrique présente un certain nombre d’avantages dont, par exemple notre action dans la bande sahélo-saharienne. Il permet également de mettre des moyens en alerte au profit de crise comme la Côte-d’Ivoire, en complément des forces prépositionnées que j’ai évoquées

La situation politique au Tchad nous permet aujourd’hui d’envisager une évolution du dispositif Epervier. Le référendum d’autodétermination au sud Soudan est programmé pour le 9 janvier 2011. Si la situation se stabilise, nous pourrons faire évoluer le dispositif vers un pôle opérationnel de coopération, dont je ne peux à ce jour définir les contours exacts, mais qui changerait la nature de la mission.

En ce qui concerne l’Iran, notre position a toujours été très ferme, car le risque de prolifération est élevé. Nous avons commencé par tendre la main à l’Iran – notamment avec nos partenaires européens. Ce processus de dialogue n’ayant pas abouti, nous souhaitons que la communauté internationale se montre particulièrement déterminée. Il y a eu il y a quelques jours un contact entre un représentant du président Ahmadinejad et les E3+3, au cours duquel nous avons fait preuve d’une très grande fermeté. Un nouveau rendez-vous est prévu en janvier. Nous allons maintenir la pression pour faire en sorte que les sanctions produisent leur effet. Elles sont aujourd’hui appliquées – j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec plusieurs officiels de la région, notamment le ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, qui se sont engagés de façon courageuse dans leur application, dans la mesure où leurs pays en subissent des contrecoups financiers.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je me souviens que lorsque la France a décidé de réintégrer le commandement militaire intégré de l’OTAN, vous aviez parlé du nécessaire « partage équitable des responsabilités ». Comment envisagez-vous désormais celui-ci, notamment au regard de la future défense antimissile telle qu’elle a été décidée à Lisbonne ? Certes, vous avez préservé notre dissuasion nucléaire, mais cette défense antimissile prévue pour l’ensemble du continent européen ne sera-t-elle pas un moyen pour les États-Unis –notamment sur les plans technologique et industriel – d’enfermer les Européens dans une dépendance terrible ? Comment parer à ce danger ?

M. Christophe Guilloteau. La France est aujourd’hui engagée dans une quinzaine ou une vingtaine d’OPEX. Avons-nous le souhait de nous désengager de certains territoires, notamment en Afrique ?

M. le ministre. Je ne suis pas surpris que M. Dupont-Aignan m’interroge sur ma vision de la place de la France dans l’Alliance atlantique… Je rappelle que le processus de retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’Alliance a été engagé en 1995 par le président Chirac et le gouvernement que j’avais l’honneur de conduire. Nous avions fixé deux conditions – un partage des responsabilités et une montée en puissance de la défense européenne – qui n’étaient pas réunies à l’époque. En 1998, à Saint-Malo, le Royaume-Uni a accepté pour la première fois un texte stipulant que l’Union européenne avait vocation à se doter de sa propre capacité de sécurité et de défense en complémentarité avec l’Alliance.

Si l’on ne peut encore parler de rééquilibrage, il y a aujourd’hui un partage des responsabilités avec deux grands commandements stratégiques, le commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) et le commandement suprême allié transformation (SACT), qui siège à Norfolk et est chargé de la transformation de l’Alliance ; il est dirigé par un Français, le général Abrial. Nous avons par ailleurs obtenu récemment le poste de secrétaire général adjoint pour les investissements de défense de l’OTAN, confié à l’ingénieur général Patrick Auroy. L’évolution est donc réelle.

La politique de sécurité et de défense européenne a marqué des points, notamment avec la conduite d’opérations extérieures comme l’opération Atalante – mais il y en a d’autres. Aujourd’hui, on peut être rassuré sur l’évolution de cette politique.

J’en viens à la défense antimissile. Est-ce en nous mettant à l’écart du dispositif que nous maintiendrons notre capacité de recherche et développement, et nos capacités industrielles ? Je ne le crois pas. Nous avons au contraire intérêt à en être, tout en préservant notre autonomie en matière de dissuasion et sans nous imposer de charges financières insupportables. Au reste, c’est ce que nous faisons s’agissant de la défense de théâtre...

En ce qui concerne les OPEX je ne puis vous donner d’indications précises. À terme, Epervier a vocation à voir ses effectifs évoluer à la baisse au fur et à mesure que la région se stabilise. Ce pourrait être aussi le cas de Licorne si le président ivoirien légalement élu parvient un jour au pouvoir et que la mission de l’ONUCI s’achève.

Nous avons aujourd’hui 4 000 hommes en Afghanistan, et le Président de la République veille à ce que ce chiffre ne soit pas dépassé. Toutefois, il évoluera sans doute après 2014 en fonction de l’évolution du partenariat stratégique. Pour l’heure, je ne suis pas en mesure de vous dire dans quelle proportion.

M. Guillaume Garot. Pourriez-vous faire le point sur la situation de nos ressortissants retenus en otage de par le monde et sur leurs perspectives de libération ?

M. Alain Rousset. La plupart des sujets que vous avez évoqués – le retard d’un certain nombre d’équipements, le retour dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique, la coopération avec le Royaume-Uni – ont des conséquences industrielles. Dans la mesure où la DGA est le dernier instrument de politique industrielle de l’État à subsister et compte tenu de l’importance stratégique des entreprises de défense, je souhaiterais qu’un vrai débat soit organisé sur les enjeux industriels résultant des choix opérés dans le Livre blanc, sur les conséquences de la RGPP, sur l’impact que les décisions prises auront sur les technologies de l’avenir, qu’il s’agisse de la défense antimissile, du nucléaire, des avions de combat ou encore des drones.

M. le ministre. Huit de nos compatriotes sont aujourd’hui retenus en otage.

En Somalie, la situation n’a pas évolué depuis le 10 décembre, date à laquelle nous avons eu des preuves de vie. Nous avons un canal de négociation, sur lequel je suis tenu de rester discret.

En Afghanistan, une nouvelle vidéo – qui date de début novembre – vient de nous être communiquée. Les familles en ont été informées. Il semble que MM. Taponier et Ghesquière ne soient plus ensemble, mais ils sont encore en vie. Des négociations sont en cours ; nous alternons les phases d’optimisme et les phases de doute. Je ne puis donc vous donner de date, même si nous gardons espoir.

C’est au Sahel que les choses paraissent les plus difficiles. Nous peinons à trouver le chemin de la négociation. Le chef de l’AQMI ne semble pas directement aux ordres d’Al Qaïda. Je ne puis vous en dire davantage ni vous donner de calendrier, mais nous demeurons à la manœuvre.

La question que soulève le président Rousset est très importante. Je reçois actuellement les patrons des grandes entreprises de défense pour avoir une idée de l’ensemble du dispositif. Je vous propose d’en reparler d’ici à quelques semaines. Le plan de charge semble assuré dans certains secteurs – je pense par exemple à Safran –, mais la situation est plus complexe pour les autres. Il manque sans doute une vision stratégique claire. Comme les deux autres Aquitains ici présents, je porte beaucoup d’intérêt à cette question.

M. Michel Voisin. Des accords franco-britanniques de défense viennent d’être signés. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur la coopération entre nos deux pays dans le domaine de la dissuasion nucléaire, sur ses limites et les échanges qui auront lieu dans ce cadre ?

M. Daniel Garrigue. Comme notre collègue Dhuicq l’a souligné, la conciliation d’une défense antimissile de territoire avec la force nucléaire stratégique pose sérieusement question sur trois points : le territoire couvert, la notion d’intérêts vitaux et la chaîne de commandement. Le territoire couvert par un système de défense antimissile est beaucoup plus vaste que celui couvert par la force de dissuasion. Deuxièmement, alors que notre doctrine de dissuasion maintient un certain flou autour de la notion d’intérêts vitaux, elle est nécessairement définie dans un système de défense antimissile. Enfin, et surtout, quelle chaîne de commandement est envisagée pour la mise en œuvre de la défense antimissile ?

M. le ministre. Vous avez raison de souligner le caractère absolument nouveau et essentiel, et tout à fait prometteur à mon sens, de la coopération franco-britannique en matière de dissuasion. Nous travaillerons ensemble au sein d’un centre de recherche commun situé à Valduc, à modéliser la performance de nos têtes nucléaires et des équipements associés, pour assurer la viabilité, la sécurité et la sûreté à long terme de nos arsenaux. Ce site assure déjà une partie du programme français de simulation, qui comprend par ailleurs la simulation numérique et le Laser Mégajoule. L’installation de ce nouveau centre sera achevée en 2022. Un centre de développement technologique commun, sis à Aldermaston, au Royaume-Uni, soutiendra ce projet. Dans le contexte du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il s’agit pour nos deux pays de trouver les moyens d’assurer la crédibilité de nos forces de dissuasion respective via des simulations d’essais.

Dans le domaine de la dissuasion, la notion d’intérêts vitaux est floue par définition. La défense antimissile n’a pas pour but de se substituer à la dissuasion dans son rôle de préservation des intérêts vitaux du pays : elle est là, même si elle n’est pas absolue, pour nous protéger de tir de missiles, en particulier des États proliférants. Le Président de la République a d’ailleurs été très explicite à cet égard, puisqu’il a désigné nommément l’Iran lors du sommet de Lisbonne.

S’agissant de la chaîne de commandement, c’est un point sur lequel nous avons encore à travailler, d’autant qu’elle dépendra du devenir du dispositif, qui est encore loin d’être défini. En tout état de cause, nous veillerons très soigneusement à ne pas être entraînés dans des décisions qui nous échapperaient complètement.

M. Philippe Nauche. Dans son rapport consacré au service de santé des armées, rendu public il y a quelques semaines, la Cour des comptes se félicite certes de l’excellence opérationnelle du service de santé des armées sur le terrain et dans la prise en charge des blessés dans le cadre des OPEX, mais elle critique aussi la gestion des hôpitaux d’instruction des armées en la comparant à des pseudos modèles étrangers – la commission ayant, bien sûr préféré la première partie de ce rapport. Ce dossier est-il suivi par votre administration et quelle suite comptez-vous donner à ce rapport ?

M. Jacques Lamblin. Vous avez souligné, monsieur le ministre d’État, combien la relation entre l’OTAN et certains pays d’Europe, d’une part, et d’autre part la Russie était tributaire du passé. Au-delà du domaine militaire, comment devrait évoluer à long terme la relation entre l’Occident et la Russie et quel rôle pourrait jouer la France dans cette évolution ?

M. le ministre. J’attache toujours le plus grand intérêt aux travaux de notre plus haute juridiction financière. Il convient cependant de confronter les conclusions de son rapport avec la réalité du terrain. Je me suis notamment rendu à l’hôpital militaire Percy, à Clamart, pour visiter certains de nos blessés retour d’Afghanistan. J’en ai tiré assez facilement la conviction que nos hôpitaux d’instruction militaire étaient remarquables et que leur fonction était irremplaçable, du fait notamment de la disponibilité de leurs personnels.

Certes, la perfection n’existe pas, et il y a sans doute des améliorations à apporter. Mais je ne suis pas sûr que la solution soit de fermer nos hôpitaux militaires et de supprimer notre service de santé. Le Royaume-Uni, qui a fait ce choix, semble aujourd’hui le regretter. Le mieux est de maintenir notre dispositif tout en mettant à profit certaines observations de la Cour des comptes pour l’améliorer : il conviendra notamment d’optimiser la gestion hospitalière, d’assurer une meilleure intégration du service dans le dispositif territorial de santé publique, en resserrant ses liens avec les agences régionales de santé. Il faudra également tirer les conséquences de la création des bases de défense sur la médecine d’unités au sein des centres médicaux des armées, qui se mettront en place en janvier.

Fin janvier, le service de santé des armées doit me proposer un plan d’action sur ces points, et je prendrai les décisions qui s’imposent dans la foulée. Je serais heureux d’informer votre commission de ces propositions.

Je vous répondrai sans hésitation aucune, monsieur Lamblin, qu’à mes yeux l’avenir de nos relations avec la Russie réside dans le partenariat. L’Union européenne ne peut pas ignorer un tel voisin, avec ses forces et ses faiblesses. Si sa situation démographique est préoccupante, il dispose par ailleurs d’atouts considérables, ne serait-ce que ses ressources naturelles, sans oublier sa volonté de retrouver son rang de puissance. Celle-ci peut le conduire à des comportements un peu « vigoureux ». Il ne faut pas pour autant cultiver nos antagonismes, mais au contraire entretenir un dialogue aussi confiant que possible, et c’est ce que fait la France. Le Président de la République entretient d’excellentes relations avec le Président Medvedev et le Premier ministre Poutine. Le chef du Gouvernement s’est rendu tout récemment à Moscou. Nos contacts sont fréquents et confiants, parfois francs, conformément à la position de l’Union européenne, de l’Allemagne en particulier : nous sommes en harmonie avec Angela Merkel sur ce sujet, et l’initiative prise par la France lors du sommet de Deauville a été tout à fait décisive pour la venue du Président Medvedev à Lisbonne. Ne nous faisons pas d’illusion cependant : le chemin ne sera pas jonché de roses. Il n’est que de voir les rectifications de tir déjà opérées depuis Lisbonne, et qui révèlent des divergences entre les différents centres du pouvoir russe, certains étant très ouverts à un tel partenariat et d’autres moins. Si ce dialogue entre la Russie et l’Occident est difficile, d’autant que les fuites de WikiLeaks ont entretenu une forme de défiance, il est absolument essentiel et doit constituer une des lignes de force de la politique étrangère de la France comme de la politique extérieure de l’Union européenne.

Mme Marylise Lebranchu. Le moral des militaires risque d’être atteint par certaines décisions, telle que la refonte de la carte militaire : par exemple, le transfert du 13e régiment de dragons parachutistes de Dieuze à Bordeaux représente un coût élevé pour les militaires concernés. De même, le report à dix-sept ans de la durée de service ouvrant droit à l’obtention d’une pension militaire suscite évidemment des inquiétudes.

Les soldats blessés de retour d’Afghanistan ne sont pas certains qu’ils pourront bénéficier d’un accompagnement assurant leur réinsertion, du fait notamment des incertitudes que la RGPP fait peser sur le maintien d’emplois réservés. Pourriez-vous nous rassurer sur l’attention que le ministère leur prête, afin notamment de les accompagner dans leur réinsertion ?

Tous ces sujets, apparemment anodins au regard des grandes questions de stratégie, sont en réalité importants pour une défense nationale.

M. Jean Michel. Vous avez, monsieur le ministre d’État, occupé d’éminentes fonctions, notamment en tant que chef du Gouvernement ou ministre des affaires étrangères, où votre rôle a été favorablement remarqué. Il y a deux ans, vous vous étiez exprimé sur la question de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Reprenant la position du Président Chirac, vous l’aviez subordonnée à deux conditions : un partage équitable des responsabilités entre Européens et Américains et des avancées en matière de politique européenne de défense. Pensez-vous qu’il y a eu des avancées significatives sur ces deux points ? S’il est vrai que la France s’est vue attribuer le commandement pour la Transformation de Norfolk, il n’y a eu en revanche aucune avancée majeure vers une défense européenne, voire un recul sur certains points. L’Agence européenne de défense ne joue pas un rôle de premier plan et le traité de Lisbonne n’a permis aucun progrès significatif dans ce domaine, bien au contraire.

J’aimerais savoir quelle est votre appréciation de la situation de notre pays ? Pourrez-vous rendre à la politique étrangère de la France l’indépendance et la souveraineté qui étaient si chères au général de Gaulle ?

M. le ministre. Je suis complètement d’accord avec vous, madame Lebranchu : la défense nationale, ce sont des hommes et des femmes, et le moral des troupes est absolument essentiel. Je voudrais à ce stade tirer un coup de chapeau à l’institution militaire. Alors qu’on dit souvent que la France est incapable de se réformer, voilà un corps qui depuis quinze ans fait preuve d’une capacité d’adaptation extraordinaire. Interrogés dans le cadre d’une enquête lancée par mon prédécesseur, les deux tiers des personnels d’encadrement ont exprimé leur adhésion aux objectifs de la réforme – tout en considérant qu’elle était difficile à mettre en œuvre. Cette adhésion se traduit par une grande efficacité, puisque la réforme n’a pas pris de retard : nous sommes même un peu en avance sur son calendrier.

Je ne veux pas dire par là qu’elle se déroule dans la sérénité la plus totale et sans difficulté, et j’ai conscience qu’elle suscite les interrogations de beaucoup de militaires, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il y a peu, alors que je présidais le Conseil supérieur de la fonction militaire, j’ai été interrogé sur l’impact de la réforme des retraites sur la condition militaire, sur la mobilité que la fermeture de certaines unités leur impose, et dont je sais qu’elle peut être extrêmement douloureuse pour les militaires et leurs familles. Il faut, dans ces conditions, faire preuve d’une très grande attention à leur égard, et trouver des réponses aux problèmes matériels. Je me suis ainsi engagé à prendre quelques mesures, telles que l’allocation d’une indemnité compensatrice afin d’assurer la transition avec l’allongement à dix-sept ans de la durée de service nécessaire pour l’obtention d’une pension. J’ai par ailleurs entamé un dialogue avec les organisations représentatives des personnels civils du ministère.

En ce qui concerne la prise en charge de nos soldats blessés, je peux vous dire que nous sommes vraiment exemplaires. Nous avons le devoir absolu de n’en laisser tomber aucun et de les accompagner, ainsi que leurs familles, dans leur reconversion. Ma visite à l’hôpital Percy m’a permis de constater, avec surprise et admiration, que beaucoup d’entre eux, même mutilés, voulaient repartir au combat. Notre devoir est de trouver des postes adaptées à leur situation, dans les armées ou à l’extérieur. En ce domaine, notre dispositif est assez performant, et je veillerai à ce qu’il le demeure.

Je suis toujours frappé de trouver les gardiens les plus vigilants de la doctrine gaulliste au parti socialiste ! Je voudrais d’abord, monsieur Michel, rétablir un point d’histoire : je n’ai pas exprimé, il y a deux ans, une opposition de principe au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, d’autant que c’est une démarche que j’avais moi-même entreprise en d’autres temps ; j’ai simplement douté que toutes les conditions fussent réunies. Je pense aujourd’hui que nous avons pris la bonne décision : nous n’avons rien perdu de notre capacité d’indépendance, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire, et nous avons en outre obtenu des postes de responsabilité dans l’Alliance qui nous permettent de nous exprimer. J’ai pu constater à Lisbonne que le Président de la République était écouté dans le Conseil de l’Atlantique Nord. Certes c’était déjà le cas auparavant, mais je crois que notre présence à l’intérieur de cette instance nous donne encore plus de poids.

Je partage en partie votre sentiment sur la défense européenne. Je ne dirais pas cependant que nous n’avons fait aucun progrès depuis 1995 : l’Union européenne dispose aujourd’hui des groupements tactiques d’intervention, unités de 1 500 militaires théoriquement prêtes à intervenir.

Je pense par ailleurs que c’est notre retour dans les structures intégrées de l’Alliance qui, en recréant un climat de confiance avec nos partenaires britanniques, a permis la signature du traité franco-britannique. Certes, il y a encore beaucoup de progrès à faire. L’Agence européenne de défense est embryonnaire. À Bruxelles, il y a dix jours, nous avons été obligés de nous rallier à la position de consensus, qui n’était pas favorable à une augmentation des crédits de l’Agence, les Britanniques n’étant pas disposés à la financer davantage. Cependant, un directeur exécutif devrait être nommé à la tête de l’Agence dans les prochains jours – j’espère qu’il s’agira d’une Française : Mme Arnould. En outre, les pays du Triangle de Weimar ont adressé à Mme Ashton une lettre par laquelle nous lui demandons de s’investir davantage et de faire en sorte en particulier que l’Agence européenne de défense puisse être un instrument de la mutualisation ainsi que du partage des charges et des compétences auxquels nous n’échapperons pas.

Même si vous ne partagez pas mon enthousiasme, monsieur Michel, je considère que je n’ai pas mangé mon chapeau !

M. Alain Moyne-Bressand. Notre industrie de la défense, bien que performante et de grande qualité, peine à l’exportation. Dans quelles mesures vous investirez-vous pour vendre nos matériels, en particulier le Rafale, fleuron de notre industrie ?

M. Francis Hillmeyer. L’installation d’un régiment de la Brigade franco-allemande à Illkirch-Graffenstaden modifiera-t-il le fonctionnement global de la Brigade, notamment la règle de l’alternance de commandement ? Le traité de partenariat de défense signé le 2 novembre entre la France et le Royaume-Uni pourrait-il s’inspirer de ce précédent ?

M. le ministre. Je compte bien, comme le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement, m’engager à fond derrière notre industrie de l’armement pour l’aider à exporter. Sans exportation, nous ne maintiendrons pas notre tissu industriel. Nous avons été obligés de monter en puissance dans la commande de Rafale pour l’armée de l’air afin de compenser l’absence de ventes à l’export et faire tourner les chaînes de production, ce qui suppose la fabrication de onze Rafale par an. Sans cela, nous risquons de perdre nos capacités de recherche et de développement. Bien entendu, cela pèse sur notre budget. Quoi qu’il en soit, c’est un enjeu essentiel pour lequel le Président de la République et tous les ministres sont totalement mobilisés.

J’ai rencontré récemment le ministre des affaires étrangères et le prince héritier des Émirats arabes unis, avec lesquels j’ai évoqué cette question. Devant en outre me rendre à Brasília à l’occasion de la passation de pouvoir à Mme Dilma Rousseff, le 1er janvier, j’en profiterai pour rappeler que le Rafale est un excellent avion qui n’est pas plus cher que les autres et qu’il ne faut pas céder aux pressions diverses et variées qui s’exercent fortement dans l’autre sens.

Nous pouvons exporter d’autres équipements tout aussi remarquables, tels que le canon CAESAR

Nous avons souhaité l’installation d’un bataillon de la BFA en France, parce que notre pays n’en comptait aucun jusqu’à présent. Cette décision n’entraînera aucun changement dans la structure paritaire de la brigade, ni dans son commandement : il s’agit seulement de rééquilibrer la répartition des bataillons des deux côtés du Rhin. Cette brigade est aujourd’hui en attente d’une intervention éventuelle au Kosovo et je pense qu’elle pourra y faire la démonstration de son efficacité.

Le dispositif prévu par le traité de coopération franco-britannique s’inspirera en effet de ce modèle, puisqu’il comptera une force expéditionnaire interarmées, avec une composante navale, terrestre et maritime, qui pourrait devenir une capacité militaire à la disposition, soit de l’Union européenne, soit de l’Alliance atlantique.

M. Yves Vandewalle. Les engagements internationaux de la France, notamment ses engagements armés dans des conflits ouverts, sollicitent fortement notre outil militaire, dans le contexte d’une réforme particulièrement contraignante. Comment assurer une bonne adéquation entre les ambitions de notre politique étrangère et nos moyens militaires ? Avons-nous toujours les moyens de nos ambitions, alors que nous supportons, avec les Britanniques, près de la moitié de l’effort européen de défense ?

M. Jean-Claude Viollet. Vous avez évoqué le report de certains programmes. Ainsi la rénovation du Mirage 2000D est renvoyée à l’après-2013, ce qui remettra en cause le contrat opérationnel. Faute de rénover ces appareils, nous perdrons une capacité essentielle en avions de combat. L’emploi actuel de cet avion est en effet monomission : s’il dispose d’une capacité air-sol pour les conflits de haute intensité, il n’est aujourd’hui d’aucune utilité pour assurer la posture permanente de sécurité, par exemple. De plus, le Rafale n’étant étant équipé que du pod RECO-NG, qui permet le renseignement d’origine image, le processus de retrait du Mirage F1 CR à l’horizon 2014 nous fera perdre la capacité de renseignement électronique, ces appareils étant aujourd’hui les seuls équipés du pod ASTAC. Cela signifie que si nous ne rénovons pas a minima le Mirage 2000 D, nous serons incapables d’assurer une pénétration à basse altitude et à grande vitesse, manœuvre indispensable pour relever l’ordre de bataille de l’adversaire et entrer en premier sur un théâtre. C’est pourquoi l’Assemblée, en accord avec le Sénat et à l’issue de longs débats, a proposé la rénovation d’un certain nombre de Mirage 2000D pour les équiper du pod ASTAC tout en envisageant une rénovation complète d’un nombre minimum d’appareils.

On nous dit que la rénovation des ravitailleurs est renvoyée à 2013, mais, rapporteur du budget de l’armée de l’air depuis quatre ans, j’entends à chaque projet de loi de finances que la décision devra être prise dans l’année. Or nous sommes à la veille de la rupture capacitaire s’agissant des C135 et des KC 135, pourtant indispensables à la composante aéroportée de notre dissuasion, et qui assurent notre capacité de projeter des avions de combat où que ce soit et pour quelque motif que ce soit, y compris depuis le Charles-de-Gaulle. C’est donc notre place dans les coalitions qui sont en jeu. Voilà pourquoi l’Assemblée a proposé l’achat en leasing de deux Airbus A 330 MRT, qui nous permettrait de disposer, pour une somme raisonnable, d’avions neufs utilisables en cargo. Dès l’arrivée des premiers A 400 M, nous pourrions faire évoluer ces A 330 en ravitailleurs, dits MRTT. Nous avons proposé dans ce but que le service industriel de l’aéronautique, le SIAé, et Airbus nouent un partenariat industriel, afin d’anticiper ces évolutions.

En ce qui concerne les drones, monsieur le ministre d’État, je souscris complètement à votre démarche. Avec mon collègue Yves Vandewalle, nous notions déjà dans notre rapport d’information sur les drones que la coopération franco-britannique devait permettre d’accomplir des progrès extraordinaires dans ce domaine. Le drone tactique Watchkeeper est une forme britannique du Hermès 450 ; nous allons fabriquer ensemble le drone MALE et nous aurons besoin de nouer des partenariats plus forts encore avec les Britanniques pour poursuivre le programme de drone de combat nEUROn, dont la première phase arrive à son terme. L’enjeu est majeur, puisqu’il s’agit de la capacité européenne de produire des avions de combat pour les vingt ou trente ans à venir.

Acheter américain d’ici là serait un renoncement stratégique et industriel. Nous devons mobiliser notre industrie autour d’un dispositif permettant de tenir jusqu’en 2018-2020 en utilisant des Harfang modernisés. Il s’agit d’un dérivé français du Héron israélien, sur lequel EADS a déjà accompli un énorme travail. On peut aller plus loin encore en négociant avec les industriels français et européens. Cela peut être l’occasion d’étendre cette coopération à nos amis allemands.

M. le ministre. Pour l’instant, monsieur Vandewalle, nous avons encore les moyens de nos ambitions. Peu de puissances sont aujourd’hui capables de projeter plus de 10 000 militaires à travers le monde. Si par leur nombre nos forces ne sont pas comparables à celles des États-Unis, elles sont d’une qualité comparable. Chaque fois que j’ai l’occasion de rencontrer des chefs militaires, je suis toujours fier du jugement qu’ils portent sur nos militaires. Leur compétence, leur degré d’entraînement et de préparation, leur efficacité sur le terrain, en Afghanistan et ailleurs, sont unanimement appréciés. Nous sommes bons, et si nous voulons le rester, il faudra que vous soyez vigilants dans les années à venir, la révision de la loi de programmation militaire et du Livre blanc étant prévue pour 2012. C’est à cette date que se posera la question des choix stratégiques, au sens le plus éminent du terme.

Je ne suis pas encore suffisamment compétent, monsieur Viollet, pour vous répondre point par point, mais je partage en grande partie votre position, tout au moins ce que j’ai pu en comprendre. Mais il me semble que nous pouvons encore faire durer nos avions ravitailleurs quelques temps afin d’éviter la rupture capacitaire que vous évoquez.

Je ne sais pas si cela répond à vos inquiétudes concernant les Mirage 2000 D, mais je note que nous sommes contraints par nos faibles performances à l’exportation de nous doter d’un peu plus de Rafale que prévu.

Nous devrions recevoir un premier A 400 M en 2013, et leur montée en charge devrait être assez rapide. J’ai ce matin même présidé un comité ministériel d’investissement pour prendre la décision de lancer les travaux d’infrastructure nécessaires sur le site d’Orléans afin qu’il accueille les A400M.

Vous avez raison de souligner que nous entrons dans une période difficile : nous nous efforcerons de la gérer au mieux compte tenu de la contrainte budgétaire.

La coopération franco-britannique dans le domaine des drones ne devant pas donner de résultats avant 2020, il faut trouver une solution pour assurer la transition entre 2014 et 2020. On peut faire durer les Harfang en les améliorant un petit peu. On peut aussi acheter des Predator « sur étagère », solution jugée la plus rapide et la moins coûteuse par les opérationnels. J’ai demandé qu’on me présente d’ici à la fin du mois de février prochain un rapport sur la faisabilité de l’ensemble des solutions possibles. Ce n’est pas faire preuve d’un nationalisme étroit que de préférer acheter français, ou au moins d’impliquer nos industriels, chaque fois que c’est possible.

M. le ministre. À ce propos, il conviendrait que les directives européennes qui doivent être transposées le soient de façon à éviter de faire souffrir nos entreprises sous-traitantes.

M. le président. Nous allons agir en ce sens.

Monsieur le ministre d’État, je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Louis Bernard, M. Philippe Briand, M. Pascal Brindeau, M. Patrice Calméjane, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Nicolas Dhuicq, M. Jean-Pierre Dupont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Philippe Folliot, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, M. Jacques Lamblin, Mme Marylise Lebranchu, M. Daniel Mach, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Christian Ménard, M. Jean Michel, M. Georges Mothron, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Daniel Poulou, M. Alain Rousset, M. Michel Sainte-Marie, M. Guy Teissier, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin.

Excusés. – Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Candelier, M. Pierre Frogier, M. Yves Fromion, M. André Gerin, M. Jack Lang, M. Franck Marlin, Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Michel Boucheron, M. Daniel Garrigue.