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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 16 mars 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 30

Présidence de M. Michel Voisin, vice-président

–– Présentation du rapport d’information sur la fin de vie des équipements militaires (M. Michel Grall, rapporteur)

–– Présentation du rapport de M. Patrick Beaudouin au Président de la République « Parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense : Vivre la France dans la République ».

–– Information relative à la commission

La séance est ouverte à dix heures.

La Commission examine le rapport d’information de M. Michel Grall sur la fin de vie des équipements militaires.

M. Michel Voisin, président. Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence du Président Teissier retenu dans sa circonscription.

Nous allons entendre Michel Grall que nous avons désigné le 24 mars 2010 et qui va nous présenter son rapport sur la fin de vie des équipements. Ce sujet nous tient particulièrement à cœur depuis l’affaire du démantèlement du porte-avions Clemenceau. Marguerite Lamour avait alors rédigé un remarquable rapport, mais Michel Grall a élargi l’étude et je pense qu’il a quelques propositions à nous faire.

M. Michel Grall, rapporteur. En mars 2010, vous m’avez confié un rapport sur la fin de vie des équipements militaires. Depuis cette date, j’ai mené près de 30 auditions avec des responsables militaires, des industriels, des membres de cabinets ministériels. J’ai aussi rencontré nos partenaires allemands, britanniques et américains.

J’ai voulu examiner la fin de vie dans ses deux volets que sont le démantèlement et l’exportation sur le marché de l’occasion. L’étude couvre l’ensemble des équipements terrestres, navals, aéronautiques, armes de dissuasion et munitions. J’ai pu m’appuyer sur les travaux antérieurs et notamment sur le rapport de notre collègue Marguerite Lamour sur la fin de vie des navires militaires.

Je veux tout d’abord évoquer les questions relatives au nucléaire. Il s’agit de l’enjeu financier le plus lourd. Notre attention est souvent focalisée sur les armes, mais il ne faut pas oublier les installations d’enrichissement et de traitement.

Le coût de démantèlement des missiles reste mesuré, moins de 20 millions d’euros par an. Les dépenses de démantèlement des sous marins sont faibles. Aucune décision n’a été prise à ce jour pour la déconstruction finale de leurs coques. Le site de DCNS à Cherbourg paraît tout désigné pour héberger ces opérations.

La France a décidé un moratoire sur la production de matières fissiles, elle s’est donc engagée dans le démantèlement de ses usines. L’effort financier est important : au 1er janvier 2009, les dépenses restant à faire étaient de 7,7 milliards d’euros sur une période de 30 ans. En 2009, le démantèlement a coûté 347 millions d’euros. Il s’agit là d’une vraie filière industrielle compte tenu du nombre d’emplois associés et des partenariats internationaux.

Les premières opérations de démantèlement ont montré que le commissariat à l’énergie atomique (CEA), comme les acteurs privés, au premier rang desquels Areva, respectent parfaitement le calendrier et ce, malgré la complexité des chantiers. J’ai visité les sites de Marcoule et de Pierrelatte où étaient produits les combustibles nucléaires : les travaux avancent, voire s’achèvent, aux dates prévues et sans dépassement budgétaire.

Aux États-Unis, mes interlocuteurs ont souligné l’excellence française dans ce domaine : les Américains font appel à nos savoir-faire pour traiter localement leurs stocks et mettre en place leurs processus de démantèlement.

Nous avons donc un pôle d’excellence remarquable, à maintenir. Le démantèlement est financé par un fonds dédié, alimenté par les acteurs de la filière et par l’État. Mais ce dernier n’a pas versé la part qui lui incombait et le fonds fait face à un manque de ressources de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.

Le cabinet du ministre, rencontré le 14 mars, m’a indiqué qu’un financement était toutefois prévu pour les années 2011 à 2013. Si nous voulons conserver notre excellence, il est primordial de trouver une solution financière à long terme.

Le stock en attente de démantèlement pour les autres matériels est d’environ 190 000 tonnes, 100 000 de matériels navals, 40 000 pour l’armée de terre, 38 000 pour les sous-marins, 3 000 pour les aéronefs. Le flux annuel est d’environ 25 000 tonnes, ce qui est un faible volume.

À titre de comparaison, le chantier naval de Brownsville au Texas traite 50 000 tonnes par an, avec une capacité effective de 140 000 tonnes.

Le traitement de ces stocks coûte 25 millions d’euros par an. Il est piloté par les services de soutien, le service de soutien de la flotte (SSF) pour la marine, la direction centrale du matériel de l’armée de terre (DCMAT) pour le terrestre, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) pour l’aéronautique, la direction générale de l’armement (DGA) étant responsable des missiles complexes et des sous-marins. Au sein de l’Union européenne, on distingue deux grands modèles : soit l’État a constitué une entité unique chargée de toutes les opérations de fin de vie, soit il confie cette responsabilité aux gestionnaires des matériels. La France s’inscrit dans cette seconde logique.

Les choix français me semblent pragmatiques et ont permis de traiter avec efficacité les premiers matériels. L’affaire du Clemenceau a sans doute été un facteur déclenchant. Depuis, le ministère de la défense et les armées se sont emparés du sujet et font preuve de professionnalisme.

Sur le plan industriel, il s’agit d’un marché limité, animé par des PME qui traitent indifféremment des déchets civils et militaires. Dans l’absolu, le démantèlement du stock actuel représente un enjeu de l’ordre de la centaine d’emplois.

Nous sommes donc loin de la notion de filière industrielle, parfois évoquée. Pour autant, des groupes tels que Nexter et d’autres, s’y intéressent de près, afin de mieux connaître l’ensemble du cycle de vie de leurs matériels. En connaissant l’état final de l’équipement, ils mesurent la pertinence des choix de développement d’origine.

La réduction de format des armées voulue par le Livre blanc va accroître sensiblement ce stock. Elle libérera des matériels disposant encore de potentiel et on peut espérer qu’une partie sera revendue d’occasion.

En effet, l’export est l’autre voie possible pour se séparer des matériels en fin de vie. Les ventes actuelles ne représentent qu’une dizaine de millions d’euros de ressources annuelles, ce qui est faible. A contrario, nos principaux partenaires l’utilisent comme levier politique et industriel. Entre 2000 et 2009, l’Allemagne a engrangé près de 1,4 milliard d’euros en vendant des matériels d’occasion. Je pense notamment aux 1 525 chars Léopard II revendus à 15 pays.

La Disposal Services Authority, agence centrale britannique en charge du démantèlement et de l’export d’occasion, a généré près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires entre 1994 et 2007. Elle est parvenue à vendre la moitié des matériels navals qui lui ont été confiés, dont des bâtiments de 18 ans d’âge, ce qui est assez jeune pour un navire.

Les États-Unis ont négocié avec la Roumanie un contrat de 1,3 milliard d’euros pour la livraison de 24 F16 d’occasion, cession actuellement suspendue pour des raisons budgétaires propres à la Roumanie, mais qui témoigne de la réalité du marché d’occasion.

La France a réalisé quelques rares opérations comme la vente au Brésil du porte-avions Foch en 2000 et de 12 Mirage 2000 en 2005.

Nous nous privons de cette possibilité pour des raisons juridiques, culturelles, mais surtout à cause de notre gestion du cycle de vie. Nos armées utilisent les matériels jusqu’au bout de leur potentiel, ce qui les rend peu attractifs sur le marché de l’occasion.

À moyen terme cependant, l’offre française pourrait être dynamisée par la réduction du format des armées. D’ici à 2015, l’état-major des armées estime le parc potentiellement à vendre à 40 navires, 130 hélicoptères, 150 avions de tous types, 1 500 engins blindés et 15 000 camions et véhicules. Restera à construire une véritable stratégie de pénétration des marchés intéressés.

Au-delà de ces éléments, j’ai identifié deux difficulté dans le système actuel.

Sur le plan comptable, le ministère de la défense n’est pas en mesure d’évaluer précisément la valeur de ses équipements. Jusqu’en 2009, les comptes étaient faits sur des tableaux Excel de plusieurs dizaines milliers de lignes et colonnes, chaque case étant remplie manuellement ! Nous votons chaque année près de 18 milliards d’euros de crédits d’investissement sans que l’on puisse nous dire la valeur exacte du stock que cela permet d’enrichir ou de remettre à niveau. Cela pose un problème politique. C’est aussi une limite pour le suivi des équipements et pour déterminer le coût réel du maintien en condition opérationnelle (MCO) ou des opérations de remise à niveau. Le ministère a engagé une modernisation de ses logiciels, notamment avec Chorus, mais nous devons nous assurer de la réalité de ces progrès.

Par ailleurs, le principe des provisions pour démantèlement est bien acquis, mais la mise en œuvre reste délicate. La Cour des Comptes comme la direction des affaires financières de la défense (DAF) soulignent que les provisions, 753 millions d’euros en 2009, sont incomplètes.

Sur le plan réglementaire, la France peut être fière de la rigueur avec laquelle elle veille au respect de l’environnement. Toutefois notre pays interprète d’une façon très rigoureuse la réglementation sur l’amiante. Au contraire de nos partenaires, il s’interdit d’exporter tout matériel en contenant, même en infime quantité. Un nouveau décret est en préparation. Ira-t-il dans le bon sens ? Je ne peux pas l’affirmer à ce stade.

Partant de ces constats, je vous propose donc quatre axes de progrès.

D’abord, engager une réflexion en profondeur sur la gestion du cycle de vie des matériels, en envisageant la possibilité d’un remplacement de certains équipements en deuxième partie de vie. Faut-il toujours utiliser nos matériels jusqu’à leur extrême limite ? Je ne le pense pas.

Le développement des technologies duales, à cycle plus court, plaide également en faveur d’une gestion plus dynamique. C’est une évolution lourde que je vous propose, mais elle me paraît nécessaire.

Ensuite, favoriser un maximum de synergies avec le secteur civil et l’étranger. En regroupant des lots, nous pouvons obtenir une baisse des coûts, et favoriser la constitution de pôles spécialisés, par exemple pour les bombes à sous munitions. Un site spécialisé dans le démantèlement des MLRS pourrait être amorti sans peine, sous réserve que la France capte une partie des stocks européens, notamment via les appels d’offres de l’agence de l’OTAN en charge de l’entretien et de l’approvisionnement, la NAMSA.

Bien combiné à la demande civile, l’afflux de matériels devra renforcer la base industrielle française. Dans les prochaines années, la SNCF aura 80 000 tonnes de matériels à démanteler, sans oublier la RATP, les travaux publics, les douanes… Il est important de favoriser la convergence de ces demandes, en gardant à l’esprit que les emplois créés sont peu nombreux et plutôt à faible valeur ajoutée.

Troisième axe d’effort : améliorer notre dispositif d’export d’occasion. Au-delà du matériel, l’intérêt réside dans les prestations associées, formation, simulateurs, munitions. Il est aussi dans le renforcement de la présence diplomatique, industrielle et militaire de la France.

Quatrième axe : renforcer le pilotage politique des questions d’équipement et de politique industrielle. Nous ne pouvons pas demander au délégué général pour l’armement de justifier une politique industrielle qu’il ne décide pas. Chez nos principaux partenaires existe un poste de Secrétaire d’État aux investissements de défense. Il n’appartient pas au Parlement de se prononcer sur ce point précis. Notons que la mise en place depuis 2009 du comité ministériel d’investissement va dans le bon sens.

Vous l’aurez compris, ce travail sur la fin de vie des équipements est à la jonction de nombreux enjeux, financiers, réglementaires, industriels ou diplomatiques.

Il faut un suivi dans la durée. C’est, je le crois, le rôle du Parlement, et particulièrement de notre commission, de le conduire.

M. Philippe Vitel. J’aimerais revenir à votre deuxième proposition relative aux synergies avec le domaine civil. Je prendrai l’exemple de la remise à niveau des hélicoptères des armées françaises. Alors que nous disposons de compétences en France, nous ne parvenons pas à répondre efficacement à la demande en raison du morcellement des tâches et du manque de coordination des acteurs. Eurocopter conçoit, construit et entretient des hélicoptères mais ne dispose pas de filiale pour assurer leur remise à niveau. Le service industriel de l’aéronautique (SIAé) intervient en parallèle dans ce domaine et dispose de compétences reconnues. Par ailleurs, de petites entreprises commencent à aborder ce marché mais sans pouvoir l’absorber intégralement. Cette situation a conduit la France à confier la remise à niveau de deux Puma à une entreprise portugaise le mois dernier.

De manière plus large, les pôles de compétitivité ont vocation à faire face à ces enjeux industriels. C’est ce que nous essayons à travers le projet Pégase qui répond à une logique industrielle performante capable de traiter tout le stock français. Il est en effet stupide de perdre des milliers d’heures de travail en envoyant ces matériels à l’étranger.

Quels ont été vos contacts avec les pôles de compétitivité intéressés par ces opérations de démantèlement et de reconstruction, qu’il s’agisse du pôle mer en Bretagne et en Provence-Alpes Côte d’Azur, du pôle Pégase pour les hélicoptères ou des pôles traitant des matériels terrestres ?

Mme Marguerite Lamour. Je souhaiterais interroger le rapporteur sur les modalités de traitement des navires, ce sujet me tenant particulièrement à cœur. Lorsque la France a renoncé à faire démanteler le Clemenceau en Inde, il a été proposé d’engager une réflexion sur le cycle de vie des navires. L’idée du rapporteur d’élargir cette analyse à l’ensemble des matériels me semble intéressante mais en période de contrainte budgétaire, la marine, pour ne citer qu’elle, doit utiliser ses navires jusqu’à leur extrême limite, et parfois même au-delà. Dans ces conditions, il semble difficile d’envisager de les vendre en deuxième partie de leur vie.

J’adhère totalement à l’idée de créer une synergie entre le secteur civil et le secteur militaire, bien qu’elle soit difficile à mettre en œuvre. Je faisais d’ailleurs cette recommandation dans mon rapport sur la fin de vie des navires militaires. Le traitement des matériels militaires est bien réglementé mais ce n’est pas le cas des matériels civils. Les impératifs pesant sur le propriétaire du bâtiment diffèrent en effet assez sensiblement. Lorsqu’on sait par ailleurs qu’un navire civil a changé en moyenne sept fois d’utilisateur, je crains que nous n’arrivions pas à identifier précisément la personne responsable de la fin de vie de cet équipement. En l’absence d’une réglementation, qui pourrait passer par un système d’écotaxe, nous ne progresserons pas sur ce sujet. Ne faudrait-il pas introduire ce type de mécanisme dès la vente du matériel, anticipant les coûts de démantèlement, à l’instar de ce qui se fait aujourd’hui pour les biens électroménagers ?

Avez-vous des informations sur la qualification juridique des équipements en fin de vie : comment et quand passent-ils du statut de matériels de guerre à celui de déchets ? Ce changement est important car il ouvre la voie au traitement ou à l’élimination des matériels.

Comment envisagez-vous la dimension européenne de l’activité de démantèlement ? Il semble difficile de se cantonner au seul secteur français : au-delà de la dimension réglementaire communautaire, la dimension du marché national semble trop modeste au plan économique. Que pensez-vous de la pérennité d’une telle filière et quels emplois peut-elle procurer ? Contrairement à ce qui est souvent affirmé, ce secteur ne peut créer que peu d’emplois, avec une pérennité incertaine et une faible valeur ajoutée.

En dernier lieu, avez-vous étudié les problèmes de santé des travailleurs et les répercussions environnementales des sites de déconstructions ?

M. Michel Grall, rapporteur. Les pôles de compétitivité n’ont pas été contactés car ils étaient trop éloignés du périmètre exact de ma mission. Comment organiser les synergies ? La France a fait le choix d’une gestion par milieu : les différents services de soutien organisent le démantèlement industriel de leurs matériels en négociant avec des PME ou des groupes, sans lien véritable avec les pôles de compétitivité. Ce système a l’avantage d’être souple. En revanche, on peut noter un manque de coordination politique. Il faudrait renforcer le rôle du comité ministériel d’investissement sur ce dossier.

Sur la gestion du cycle de vie, je précise qu’un matériel militaire n’est considéré en fin de vie qu’à partir de sa sortie du service actif. Il peut alors être soit démantelé, soit exporté comme matériel d’occasion. Il n’est pas envisagé de le sortir à l’exacte moitié de sa vie mais, sur arbitrage de l’état-major, de le faire durant la deuxième moitié de celle-ci. Au-delà, les équipages sont en situation de risque, parce que les équipements sont vétustes.

Concernant le démantèlement des navires, il convient d’être très pragmatique. Un chantier militaire peut démanteler un navire civil, mais l’inverse n’est pas vrai. Un chantier qui peut prendre en charge un grand bâtiment peut le faire pour un petit. Le contraire n’est pas vrai non plus. Nous avons par exemple à traiter les coques des sous-marins nucléaires déclassés. Le site de DCNS à Cherbourg se prêterait bien à ce type d’activité. Pourquoi ne pas envisager d’y traiter aussi des navires de surface ?

S’agissant de l’emploi, il faut mettre fin à cette idée qu’il existera demain une filière dans le démantèlement. Le stock actuel de 190 000 tonnes, nourri par un flux annuel de 25 000 tonnes, générera difficilement plus de 100 à 150 emplois.

Au plan de la santé et des répercussions sur l’environnement, les opérations conduites tant en France qu’aux États-Unis, au Royaume Uni ou en Allemagne sont toutes conformes aux normes en vigueur.

M. Philippe Folliot. La France a-t-elle signé la convention de Hong-Kong sur la déconstruction des navires ? Peut-on envisager de mutualiser les opérations de démantèlement à l’échelle européenne pour pallier la faiblesse des volumes à traiter ? Nous devrions créer avec nos voisins allemands et anglais des filières spécialisées en fonction des traditions de chacun et en complémentarité avec les filières civiles.

M. Christian Ménard. Est-ce que la vente des matériels à mi-vie financera leur renouvellement sans danger pour l’équilibre des finances ? Une telle politique ne coûterait-t-elle pas plus cher au final ? A-t-on procédé à une projection financière de cette hypothèse ?

M. Michel Grall, rapporteur. Le rapport évoque effectivement une éventuelle complémentarité au niveau européen. Il convient de noter que le traitement du matériel terrestre souffre d’une barrière de transport, qu’il s’agisse d’un transport par voie routière ou ferroviaire. Nous avons l’exemple en Allemagne de l’énorme chantier de démantèlement des blindés du pacte de Varsovie qui occupe un espace immense. Pour acheminer les blindés sur le site, il a fallu organiser des transports de nuit sécurisés et très onéreux. Je relève qu’au final cette opération n’a permis de créer que 35 emplois.

La complémentarité au plan européen peut en revanche être envisagée pour les navires et les matériels aéronautiques. Pour autant, rien dans les entretiens que nous avons eu avec nos partenaires ne laisse croire qu’il y ait une volonté politique pour mutualiser ces opérations, contrairement au souhait exprimé parfois par certains industriels. Pour des raisons économiques, le Royaume-Uni vient par exemple de décider de faire démanteler en Turquie son porte-avions HMS Invincible, alors qu’il aurait pu poursuivre cette activité commencée avec le Clemenceau.

Je précise que je ne préconise pas la vente des matériels à la moitié de leur vie, mais seulement en deuxième moitié de vie et en fonction d’un arbitrage de l’état-major des armées. S’il n’y a pas eu de simulation financière pour évaluer la capacité de refinancement que pourraient représenter ces ventes, la courbe en « U » des coûts de MCO de ces matériels est bien connue. Se séparer des matériels avant l’augmentation des dépenses de MCO en fin de vie du programme serait donc une source d’économies substantielles. À titre d’exemple, la France doit assurer le stockage des 40 000 tonnes de matériels terrestres à démanteler. Plutôt que de vendre certains chars, elle a décidé de les conserver dans des hangars à hygrométrie contrôlée, dont la construction a coûté 70 millions d’euros. Ce montant aurait pu être économisé par une meilleure gestion de vie des matériels.

M. Franck Gilard. Avez-vous réfléchi à une démarche intégrant la gestion des déchets, à l’instar de l’industrie automobile, ou sera-t-il fait appel à des PME spécialisées dans le cadre d’une filière dédiée ?

M. Christophe Guilloteau. Est-ce que le savoir-faire qui a été développé en France en matière de démantèlement peut s’exporter ? Par ailleurs, quel est l’état d’avancement du démantèlement de la coque du Clemenceau ?

M. Pierre Forgues. Je suis persuadé qu’il est possible de développer une filière de démantèlement des avions à la fois civils et militaires, comme le prouve l’exemple de Tarbes. Alors que se profile un marché pour 6 000 gros-porteurs dans les prochaines années, le site a récemment reçu un appareil indien pour qu’il soit démantelé. Je crois que le prix de la main-d’œuvre n’est pas le seul critère en la matière. Le site, qui a répondu à un appel d’offre européen, est un site propre, en mesure de récupérer jusqu’à 90 % des matériaux. S’agissant des avions militaires français, les lenteurs administratives sont incompréhensibles. Plus de deux ans après les démarches entreprises auprès de la ministre de la défense, le dossier relatif à leur traitement par le centre de Tarbes n’est toujours pas bouclé ! On nous dit que les avions désactivés ne relèvent plus de l’armée mais des Domaines. Je ne comprends pas cette inertie !

M. Michel Grall, rapporteur. Il existe des opérateurs du monde du traitement des déchets qui sont intéressés par les marchés de démantèlement militaire. Une majorité d’entre eux sont bien évidemment ferrailleurs. Mais on observe une évolution de ce secteur avec l’intérêt que lui portent désormais certains grands groupes. Veolia a par exemple racheté la société Bartin et le groupe Scholz, spécialisé dans l’environnement et le ferraillage, vient également d’acquérir la société allemande Koch dont je vous parlais et qui a démantelé les engins terrestres de l’armée de l’ex-RDA.

Le nucléaire est un savoir-faire français qui s’exporte bien avec Areva et le CEA, notamment aux États-Unis ; la France apparaît comme le chef de file du secteur. Pour le reste, on ne peut pas à proprement parler de métiers à fort savoir-faire. Il n’y a donc pas de barrière technologique concernant ces activités, elles sont donc le fait de petites entreprises dont le champ ne dépasse pas les frontières nationales. L’aéronautique est un peu à part car on recycle jusqu’à 90 % des appareils et certaines pièces récupérées ont une haute valeur ajoutée.

Je tiens à préciser que par dérogation, la défense n’est pas tenue de remettre aux Domaines ses matériels lorsqu’ils sont retirés du service actif. Les difficultés relevées par M. Forgues montrent bien que nous avons besoin d’un pilotage politique renforcé. Cette compétence ne relève ni de la DGA, ni de l’état-major des armées. Comme je le soulignais, le comité ministériel d’investissement présidé par le ministre pourrait agir sur ce sujet.

En ce qui concerne la coque du Clemenceau, son démantèlement a été achevé il y a environ un mois.

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La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

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M. Patrick Beaudouin présente à la Commission son rapport au Président de la République « Parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense : Vivre la France dans la République ».

M. Michel Voisin, président. Nous allons écouter maintenant la présentation du rapport de M. Beaudouin, qui est d’une autre nature puisqu’il a été établi à la demande du Président de la République. Là encore, il s’agit d’un sujet important, puisqu’il cherche à apporter des réponses à l’affaiblissement du lien Armée-Nation et, notamment, du lien Armée-jeunesse.

Je suis déjà intervenu plusieurs fois en commission pour regretter que l’Éducation nationale ne fasse pas plus dans ce domaine, et je crois que ce point a été un élément important de votre travail. En 1996, j’étais rapporteur de la loi de professionnalisation des armées dans laquelle un article prévoyait la mise en place d’un enseignement de défense dans les établissements scolaires et la remise, chaque année, d’un rapport au Parlement sur ce point. Je regrette que cette disposition n’ait jamais été mise en œuvre.

M. Patrick Beaudouin. Je remercie le président Teissier de m’avoir permis de vous présenter ce travail, rendu au Président de la République en septembre dernier. Nous évoquons depuis longtemps, au sein de cette commission, les questions de la citoyenneté et de l’esprit de défense mais aussi les conséquences de la suppression du service national. J’avais rédigé un premier rapport, à titre personnel, L’amalgame républicain, une idée neuve, il y a quelque temps. Pourquoi ce travail ?

Nous avons tous été choqués par la réaction de nos compatriotes qui semblaient découvrir, à l’occasion du drame de la vallée d’Uzbin, que nos soldats étaient jeunes et qu’ils pouvaient mourir au cours de leurs missions.

Les mutations de la société contemporaine, avec la montée de l’individualisme, la remise en cause des règles du savoir-vivre ensemble, la mondialisation et l’abolition des frontières, la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui viennent perturber nos modes de vie, ont également eu des répercussions sur le rapport du citoyen avec la société.

Le Livre blanc a consacré le concept de résilience, réponse individuelle ou collective à une catastrophe, qui est l’acception moderne de l’esprit de défense. La résilience est également la capacité de chacun à remettre en marche une société après une catastrophe et fait ainsi le lien entre les notions de civisme, de citoyenneté et d’esprit de défense. Spinoza disait : « On ne naît pas citoyen, on le devient ». C’est sur cette thématique que j’ai essayé de construire mon parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense.

La question de l’apprentissage de la citoyenneté n’est pas réservée à la jeunesse : c’est l’affaire de tous, tout au long de la vie, à l’image de la formation professionnelle.

Le premier constat que j’ai pu établir est que les politiques existent mais sont totalement atomisées, dispersées et manquent d’une colonne vertébrale. Les acteurs pour mener ces politiques sont également présents, dynamiques, mais les uns et les autres ne sont pas reliés entre eux et agissent sans se coordonner.

L’objectif de mon rapport était de donner à toutes ces actions une colonne vertébrale agrégeant ces politiques. Si nous parlons en effet tous souvent de ces questions, il manque encore aujourd’hui une véritable ambition politique.

J’ai donc proposé au Président de la République un plan d’action que je vais vous présenter maintenant.

Le parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense vise à instaurer un troisième volet de l’instruction publique en France, à côté de l’enseignement général, l’enseignement des savoirs, et de l’enseignement professionnel, l’enseignement des métiers. Ce troisième volet serait l’enseignement du savoir vivre ensemble et de l’esprit de défense et son corollaire moderne, la résilience.

Le but de ce parcours est de faire assimiler aux jeunes français les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité mais aussi celles de démocratie et de laïcité. L’histoire de France, avec ses deux composantes, la mémoire et le patrimoine, sera également mobilisée pour donner un contenu à cette politique et l’accompagner.

Le parcours se vit dans le temps et se divise en trois grandes étapes d’un engagement organisé et progressif : un temps obligatoire, un temps de sensibilisation et un temps de volontariat.

Je tiens à souligner que je n’invente rien : il s’agit là de rassembler les politiques existantes et de les valoriser.

Nous savons tous que, depuis la suppression du service national, nous ne sommes plus en mesure d’accueillir chaque année, même pour quelques jours, l’ensemble d’une classe d’âge dans nos casernes. Nos jeunes passent en revanche tous par l’éducation nationale et, sans surcharger ce qui existe déjà dans nos écoles, il est possible de mieux organiser les dispositifs existants et de valoriser le travail effectué au quotidien. Le parcours obligatoire dans l’enseignement, général et professionnel, sera jalonné de quatre moments de rencontre ou de respiration collective, où la Nation tout entière participera à la formation de nos jeunes.

La première d’entre elle sera la Journée de la République, qui mettra en valeur tout ce qui se déroule au sein de l’Éducation nationale mais qui associera également la famille, laquelle a un rôle important dans la constitution de notre société, et la commune, lieu où le jeune grandit et s’épanouit. Elle reposera sur trois socles :

Pour assurer le suivi du parcours, je propose qu’un passeport ou portefeuille civique soit remis à tous ceux qui débutent leur formation à l’occasion de la Journée de la République. Il sera ensuite complété tout au long du parcours et permettra de comptabiliser et de valoriser le volontariat et les différentes formes d’engagement du jeune (délégué de classe, arbitre…).

Le deuxième temps de respiration collective est le recensement, à 16 ans. Ce premier contact du jeune avec sa mairie ne doit pas s’effectuer par informatique mais être solennisé, car il a une portée symbolique dans la marche de l’individu vers la citoyenneté. Je pense notamment que les 35 000 correspondants défense de nos communes devraient être mobilisés afin que cette journée soit mieux organisée.

Je propose de conclure le parcours obligatoire par deux journées, résultats de la scission de l’actuelle Journée Défense et Citoyenneté : la Journée de la défense et la Journée du civisme. La Journée de la défense sera consacrée à une meilleure connaissance de notre outil de défense mais aussi, comme c’est déjà le cas, à la détection et la réorientation des publics les plus en difficulté vers les structures adaptées (EPIDe, internats d’excellence…). Je souhaite également qu’il y ait un « après » Journée de la défense, grâce à une plate-forme d’échanges informatique qui permette aux jeunes de discuter, découvrir, recueillir des informations, à l’image du site Internet Parlons défense, qui existe déjà.

La Journée du civisme consacrera le bilan de l’éducation civique dispensée tout au long du parcours scolaire et permettra aux jeunes de rencontrer les principaux acteurs de leur commune. Des modules de prévention routière et de secourisme seront aussi dispensés à cette occasion. Je propose également que l’État mette en œuvre une politique d’aide au passage du permis de conduire, qui serait ainsi une sorte de récompense. Cette journée se conclura par la remise aux jeunes de leur carte d’électeur, ce qui est un moyen de leur dire : « Soyez acteurs, nous avons besoin de vous pour régénérer la République ».

À l’issue de ce parcours obligatoire de sept ans, sera remise à chaque jeune une Charte du citoyen, du civisme et de l’esprit de défense pour vivre la France.

Après le temps obligatoire, le parcours de sensibilisation s’adresse à ceux qui ont plus de dix-huit ans. Il est plus centré sur la résilience et est délivré par beaucoup de formations : les universités, les grandes écoles, toutes les formations diplômantes. Cela permettra d’identifier, dans chaque filière de formation, les menaces auxquelles on pourrait être appelé à répondre et de s’y préparer, dans chaque métier. Ces menaces sont aujourd’hui, vous le savez, les menaces industrielles, l’intelligence économique, la guerre des brevets, les catastrophes environnementales... Je propose également que l’on mette en place une sorte de service militaire adapté de quelques mois pour les grands serviteurs de l’État.

J’aimerais également que tous nos grands instituts de recherche en géostratégie et défense, au premier rang desquels l’IHEDN, irrigue plus, par des partenariats et des conventions, les formations dispensées dans les grandes écoles, les universités et, plus généralement, tous les établissements d’enseignement. Le rapport Jeandel, remis au secrétariat d’État aux anciens combattants au nom du groupe de travail « Défense-Université », détaille toutes ces propositions.

Je propose également la création d’une Journée d’information collective sur la santé publique et le système solidaire, organisée dans les établissements d’enseignement supérieur, afin de sensibiliser les jeunes aux risques du tabagisme, de l’alcool et de l’obésité afin de les responsabiliser.

Enfin, troisième et dernier temps, l’engagement volontaire achève le parcours de la citoyenneté. C’est l’engagement de chacun tout au long de la vie : l’engagement professionnel, civil ou militaire, le service civique, que nous avons récemment réformé, la réserve militaire, la réserve civile opérationnelle, sorte de garde nationale non armée qui doit être mobilisable en cas de catastrophe naturelle ou sanitaire, et la réserve citoyenne. Je propose d’ailleurs de procéder à une profonde mutation de cette dernière afin qu’elle puisse encadrer le parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense, les journées que je viens d’évoquer et les grandes manifestations dans nos communes. Je voudrais donc que tous les acteurs, correspondants défense, trinômes académiques, professeurs d’histoire géographie, réservistes opérationnels, soient identifiés et mobilisés pour irriguer cette nouvelle réserve citoyenne.

Pour donner corps à cette nouvelle ambition politique et la mettre en œuvre, je propose de créer un Haut comité à la cohésion nationale, qui agrégerait les institutions existantes, l’agence nationale du service civique, le bureau du service national, le Haut conseil pour les réserves, etc.

Il sera également important de mobiliser la politique culturelle et patrimoniale de notre pays, extrêmement riche, en créant le kilomètre zéro des chemins de mémoire, une cité nationale du civisme, de la citoyenneté et de l’esprit de défense et en fédérant les actions du Service historique de la défense, de l’ECPAD ou encore de l’INA.

À la demande du Président de la République, j’ai commencé à travailler, avec un certain nombre de ministères, à la mise en application du rapport et il a souhaité que celui-ci soit mis en débat. Je me nourris donc de toutes les expériences, des témoignages que je recueille depuis qu’il a été rendu public. C’est à nous tous désormais de faire en sorte que ce parcours du civisme, de la citoyenneté et de l’esprit de défense serve notre pays.

M. Michel Voisin. Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur le rôle joué aujourd’hui par les trinômes académiques que vous comptez mobiliser pour mettre en œuvre votre nouveau parcours de la citoyenneté : ce mode de fonctionnement est-il vraiment efficace, lorsque l’on constate la méconnaissance du monde militaire de la plupart de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes ?

Compte tenu du coût que représente la Journée Défense et Citoyenneté (plus de 120 millions d’euros par an), ne craignez-vous que la mise en place d’une Journée du civisme se heurte à des difficultés de mise en œuvre de la part des mairies ?

Enfin, connaissez-vous les suites qui vont être données à votre rapport et si oui, selon quel calendrier ?

M. Patrick Beaudouin. Les trinômes académiques ont été mis en place à la suite de la loi de 1997 qui a suspendu le service national. Ils ont vocation à faire en sorte que l’enseignement de la défense soit bien organisé au sein de l’Éducation nationale, les élèves devant être sensibilisés à cette question en troisième et en première. Les trinômes sont composés de représentants de l’Éducation nationale, du ministère de la défense et de l’IHEDN. Ils fonctionnent relativement bien, leur efficacité dépendant naturellement de l’enthousiasme manifesté dans les différentes académies pour la question. Un récent colloque à Toulouse a réuni près de 3 500 professeurs, ce qui témoigne d’une montée en puissance car, au précédent colloque, il n’y avait eu que mille participants.

Les relais défense dans les universités ont la même vocation mais, plus récents, ils connaissent davantage de difficultés de mise en œuvre.

La Journée Défense et Citoyenneté coûte effectivement plus de 120 millions d’euros par an. Pour la mise en place de la Journée du civisme, une disposition législative sera nécessaire afin que les communes aient accès au fichier informatique de la direction du service national. Sur le plan de l’organisation, les mairies n’auraient donc qu’à mettre à disposition une salle et, surtout, à payer le déjeuner du midi. S’il n’est pas négligeable, il faut néanmoins souligner que le coût de cette journée doit être perçu comme un investissement d’avenir pour les communes.

En ce qui concerne le suivi de mon rapport et son efficacité, je vais me battre pour le mettre en œuvre. Lors de mes auditions, j’ai rencontré beaucoup d’acteurs qui y étaient très favorables. Il sera suivi d’un débat national que je compte alimenter en déposant une proposition de loi. De plus, il sera rapidement envoyé à tous les députés et à tous les sénateurs. Enfin, son contenu pourrait être un enjeu des débats qui se tiendront à l’occasion des échéances électorales de 2012.

M. Philippe Vitel. Je tiens à féliciter M. Beaudouin pour la qualité de son rapport. Sur le fonctionnement des trinômes académiques, en tant qu’administrateur de l’IHEDN, je constate que la mise à disposition des enseignants par les académies et les rectorats pose souvent problème. Par ailleurs, dans ma circonscription, il existe un collège, situé dans une zone d’éducation prioritaire, où une classe civisme et défense est implantée, avec des cadets de la défense. Mais il s’agit d’une seule classe pour toute la circonscription ! Dans ce domaine, on est dépendant de la volonté des chefs d’établissements et du volontariat des enseignants. Or ceux-ci font valoir qu’ils n’ont pas reçu la formation nécessaire…

Enfin, un autre problème vient du fait qu’aujourd’hui, les associations d’anciens combattants, qui interviennent fréquemment dans les établissements, manquent d’organisation et qu’il n’y a pas de coordination pour faire passer un message général, national, à la différence de ce que font, par exemple, les vétérans américains. Comment pourrait-on améliorer l’implication des anciens combattants ?

M. Yves Vandewalle. La loi de 1997 impose qu’un minimum d’enseignement relatif aux questions de défense soit dispensé aux élèves. Ne faudrait-il pas que les sujets de défense fassent l’objet de questions aux examens, afin qu’ils soient véritablement traités au cours de l’année scolaire ?

Par ailleurs, la question de la formation des enseignants se pose. J’ai été professeur d’histoire-géographie et, avant de suivre une formation à l’IHEDN, je ne connaissais pas les sujets de défense. La formation doit relever des trinômes académiques et de la formation continue et j’ai pu constater qu’il était effectivement difficile de recruter des intervenants pour faire partie des trinômes académiques. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer la position statutaire et les moyens de ces trinômes.

M. Patrick Beaudouin. J’ai tout de même observé une montée en puissance des trinômes académiques. De nombreux dispositifs existent déjà. Si les choses ne fonctionnent pas très bien, c’est sans doute qu’on a voulu qu’elles ne fonctionnent pas.

Le rapport aborde autrement les choses en proposant une véritable politique, avec des objectifs et des acteurs qui doivent se coordonner.

En ce qui concerne l’inscription des sujets de défense aux examens, je partage l’avis de M. Vandewalle.

M. Francis Hillmeyer. Je félicite également M. Beaudouin pour la qualité de son travail. Je voudrais faire remarquer que j’entends beaucoup de critiques sur la Journée Défense et Citoyenneté, sur son coût et sa brièveté.

Vous écrivez dans votre rapport que la Journée du civisme doit être le bilan de l’éducation civique dispensée tout au long du parcours scolaire. Or justement, il ne me semble pas que le parcours scolaire intègre réellement l’éducation civique. Je suis intervenu cette semaine dans un collège pour dispenser des rudiments d’éducation civique aux collégiens et j’ai constaté à cette occasion leur faible niveau en la matière : ils savent tout juste qui est leur maire !

M. Christophe Guilloteau. Dans votre rapport, vous proposez qu’une action pédagogique soit mise en place à destination des élèves. Mais à quel niveau ?

Par ailleurs, pensez-vous que tous les enseignants seront très réceptifs ? A-t-on bien fait dans ces conditions de supprimer le service national ? N’aurait-il pas fallu plutôt l’adapter ?

M. Patrick Beaudouin. Je reviens un instant sur la question de M. Vitel sur les anciens combattants. Quand j’évoque dans mon rapport l’intervention des grands témoins, cela renvoie notamment aux anciens combattants. Je pense qu’il faut aujourd’hui remettre en exergue la culture des combattants. Par exemple, les anciens combattants pourraient parrainer certaines des actions que je préconise.

En ce qui concerne la Journée Défense et Citoyenneté, il y a eu un certain laisser-aller. On en a pris conscience et on est en train de la rénover. Je considère, comme je vous l’ai exposé tout à l’heure, qu’il faut la séparer en deux journées : une Journée de la défense et une Journée du civisme.

Pour répondre à votre question, M. Guilloteau, la Journée de la République sera suivie par les élèves chaque année pendant sept ans. De plus, comme auparavant, il y aura une sensibilisation à l’esprit de défense en troisième et en première.

Par ailleurs, il faut renforcer l’impact que peut avoir la Journée de la défense sur les jeunes par le recours aux nouvelles technologies, comme je l’ai souligné.

Enfin, il se peut que certains enseignants soient peu réceptifs à l’esprit de défense mais, en réalité, beaucoup veulent participer à ces actions. S’ils bénéficient d’une formation et que, tous ensemble, nous nous engageons en faveur de cette politique, alors, il y aura une adhésion de leur part.

De nombreuses politiques de sensibilisation à l’esprit de défense existent déjà mais il faut les replacer dans une logique collective : il faut notamment valoriser ce qui se fait dans les écoles et c’est précisément l’ambition de la Journée de la République.

M. Patrice Calméjane. Nous assistons au débat récurrent sur la suppression du service national. Depuis 1997, c’est quasiment une génération qui ne l’aura pas connu, même s’il convient de relativiser sa réussite : les femmes ainsi qu’un tiers des hommes en étaient exemptés.

Un travail est nécessaire du côté de l’Éducation nationale. Y promouvoir certains enseignements suppose le contrôle des connaissances, faute de quoi l’opération ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau.

Le 11 novembre doit-il demeurer férié pour les écoles ? Dans les collectivités, nous observons une difficulté croissante à mobiliser les jeunes lorsqu’il s’agit d’une journée non travaillée. Il s’agira d’impliquer l’ensemble de l’Éducation nationale.

Autre point de passage dans le parcours des jeunes, la remise de la carte d’électeur est souvent un moment trop anonyme. Il faudrait certainement la rendre plus solennelle, dans un cadre politique le plus neutre possible. Il en va de même pour la délivrance des titres de naturalisation, dont le nombre s’élève à 100 000 par an : il doit s’agir d’un moment fort dans la vie des jeunes.

Plus généralement, nous devons nous interroger sur le paradoxe culturel de notre société, où jamais les jeux de guerre n’ont été aussi nombreux, mais où, dans le même temps, jamais la méconnaissance du métier de soldat n’a été aussi forte.

M. Philippe Folliot. Le mieux est parfois l’ennemi du bien. Le 11 novembre doit être effectivement une date clé dans le dispositif. Pour autant, les mesures que vous avez présentées sont nombreuses et très diverses. Cette profusion ne risque-t-elle pas de brouiller la cohérence globale de la démarche ?

M. Jean Michel. La proposition concernant le 11 novembre ne pose pas de problème : ce jour férié a en effet été institué pour permettre aux jeunes et aux enseignants de célébrer la victoire !

M. Patrick Beaudouin. À la suite d’un long travail avec les associations d’anciens combattants, j’ai proposé de faire du 11 novembre « la Journée du soldat citoyen ». Et cela pose la question de son caractère férié.

Le dispositif doit comporter de nombreuses mesures, afin de prévoir des respirations et un cheminement par étapes. Nous nous concentrons néanmoins sur un objectif très précis : vivre ensemble.

Pour faire suite à l’observation de M. Calméjane, une fois élu chaque maire est le maire de tous ses concitoyens, et il doit faire preuve de neutralité dans son action.

M. Michel Voisin, président. Nous souhaitons voir se concrétiser vos propositions au plus vite.

M. Christophe Guilloteau. Alors même que nous débattons de l’idée de citoyenneté, je réitère mes regrets de voir certains de nos collègues ne venir en commission le mercredi matin que pour quelques minutes, à la seule fin d’émarger. Nos débats méritent mieux que ces comportements que je trouve indignes. Je souhaite qu’une réflexion s’engage sur l’obligation qui nous est faite de signer le registre de présence.

M. Michel Voisin, président. Je prends acte de votre remarque et ne manquerai pas d’en faire part au président Teissier.

La séance est levée à douze heures.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Patrice Calméjane, rapporteur sur la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (sous réserve de sa transmission par le Sénat).

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Louis Bernard, M. Daniel Boisserie, Mme Françoise Briand, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Guy Chambefort, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Bernard Deflesselles, M. Jacques Desallangre, M. Laurent Fabius, M. Philippe Folliot, M. Pierre Forgues, M. Yves Fromion, M. Franck Gilard, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, Mme Marguerite Lamour, M. Jack Lang, M. Gilbert Le Bris, M. Daniel Mach, M. Alain Marty, M. Christian Ménard, M. Jean Michel, M. Georges Mothron, M. Daniel Poulou, M. Michel Sainte-Marie, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, M. André Wojciechowski.

Excusés. – M. Pascal Brindeau, M. Jean-Jacques Candelier, M. Pierre Frogier, M. Guillaume Garot, M. Philippe Nauche, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Jean-Pierre Soisson, M. Michel Sordi, M. Guy Teissier.