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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 12 octobre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Michel Voisin, Vice-Président

–– Audition du général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.

Audition du général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale.

La séance est ouverte à dix heures.

M. Michel Voisin, président. Mon général, vous allez nous présenter le projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2012.

Je souhaite, pour ma part, que vous nous précisiez quel a été l’impact de la réforme de la garde à vue sur le fonctionnement et sur le budget de la gendarmerie.

Par ailleurs, vous pourriez faire un point sur le transfert à l’administration pénitentiaire des missions de transfèrement qui sont effectuées par les gendarmes.

Enfin, vous pourriez nous indiquer quelles sont les actions menées par la gendarmerie pour la rénovation de son parc immobilier.

M. le général Jacques Mignaux. J’ai le plaisir de répondre cette année encore à l’invitation de votre commission. Les évolutions du droit et les contraintes budgétaires combinées aux nombreux impératifs missionnels ont constitué et constituent autant de défis et d’enjeux pour la gendarmerie départementale que pour la gendarmerie mobile.

Je vais dans un premier temps dresser un rapide bilan de l’activité de l’année 2011. Les militaires que je commande sont au rendez-vous des résultats, dans la lutte contre la délinquance et dans la lutte contre l’insécurité routière.

Ma zone de compétence est actuellement soumise à une forte pression en matière de délinquance d’appropriation, en particulier en ce qui concerne les cambriolages de résidences principales au cours desquels les délinquants recherchent de l’or, des liquidités, de l’électronique, prises qui sont faciles à écouler. Il leur suffit de cinq à sept minutes pour perpétrer un cambriolage. Ce phénomène est bien souvent dû à des bandes itinérantes qui sont particulièrement bien organisées et, je n’ai pas peur de le dire, qui ont souvent leurs racines en Europe de l’Est. Cela oblige la gendarmerie à faire du contrôle de zone, à intensifier les échanges de renseignements judiciaires et à accroître la visibilité de ses patrouilles.

Ces délinquants multi-réitérants et très professionnels connaissent parfaitement les limites de notre système judiciaire, en exploitant des mineurs victimes, en rapatriant leurs avoirs criminels et en s’affranchissant des frontières étatiques.

Comme tous les ans, nous nous sommes efforcés de gérer au mieux, pendant la période estivale, l’afflux de population dans les zones touristiques. J’ai ainsi concentré les moyens dans les 34 départements les plus concernés, sur le littoral. Les résultats ont été au rendez-vous, à la satisfaction, je le crois, des populations concernées et des élus qui s’engagent à nos côtés, notamment en matière d’hébergement des militaires déplacés.

Dans le même esprit, j’ai décidé de mobiliser des moyens exceptionnels jusqu’à la fin de l’année en déployant notamment des escadrons de gendarmerie mobile dans les zones les plus touchées par les cambriolages.

Je fais tout pour essayer de casser la spirale des cambriolages dans les résidences principales, qui est un véritable point noir pour la gendarmerie et je tiens à vous dire avec force que cela n’a rien à voir avec de prétendues manœuvres visant à manipuler la statistique, allégations totalement infondées et injustes vis-à-vis de l’engagement des hommes et des femmes qui ont l’honneur d’assurer la sécurité de leurs concitoyens.

À côté des renforts en gendarmes mobiles, je tiens à souligner le rôle désormais irremplaçable que jouent nos réservistes. La gendarmerie est riche d’un vivier de 25 000 réservistes dont 37 % sont des jeunes qui ont été recrutés par le biais de préparation militaire gendarmerie. Cela illustre parfaitement le lien gendarmerie-Nation et cela permet à beaucoup d’étudiants d’avoir un « vrai job d’été » bien rémunéré et, qui plus est, exemplaire au plan de la citoyenneté.

Les résultats sont cependant difficiles à obtenir, notamment parce que les évolutions du droit rendent la tâche des enquêteurs plus complexe, par exemple pour la police judiciaire ou la lutte contre l’immigration irrégulière. La réforme de la garde à vue, celle de la médecine légale, les décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme ou encore par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité imposent à la gendarmerie nationale de s’adapter.

Malgré ces évolutions qui impactent notre travail au quotidien et le complexifient, la gendarmerie fait vivre chaque jour sa culture propre de la sécurité publique, issue de son organisation militaire et de son ancrage dans les territoires.

Le maillage des territoires, le contact avec la population et l’immersion en son sein, la réactivité face à l’événement sont autant d’invariants fondamentaux sur lesquels se décline tout le reste, notamment l’action judiciaire ou encore le renseignement. La gendarmerie a de plus la volonté de gérer ses relations avec la population dans toutes ses composantes de la façon la plus respectueuse et appropriée possible.

Si le cœur du métier des gendarmes reste inchangé – « permettre à chacun de vivre en sécurité » – il évolue très vite. Il exige toujours plus de compétences pour lutter contre le crime organisé, le trafic de stupéfiants, l’économie souterraine, la cybercriminalité, le terrorisme, mais aussi pour intensifier nos actions de prévention, ce qui a conduit par exemple à la mise en place de référents dans des établissements scolaires.

Pour l’outremer, la gendarmerie a finalisé avec le ministère de la défense et la sécurité civile, dans l’esprit du livre blanc, les modalités qui vont nous permettre d’accompagner les restructurations des forces de souveraineté. Pour ce faire, nous allons augmenter progressivement notre parc d’hélicoptères par le redéploiement de trois Ecureuil en attendant de pouvoir y déployer dans cinq ou six ans des EC145.

Nous allons procéder à la mutualisation des fonctions de soutien, par exemple dans le domaine automobile ou sanitaire. Par ailleurs, la gendarmerie va être colocalisée au sein de certaines emprises partiellement libérées du fait du resserrement du format des armées.

La gendarmerie a connu en 2011 un fort engagement aux côtés des armées dans les interventions extérieures. En Côte d’Ivoire, la gendarmerie mobile a été engagée au sein de l’opération Licorne et je tiens à souligner la qualité exceptionnelle de nos relations avec les armées.

Notre engagement en Afghanistan se poursuit. Le mois dernier, j’ai pu prendre sur place toute la mesure de la situation et du travail remarquable accompli par nos forces. Depuis 2009, ce sont déjà 1 000 gendarmes qui se sont succédé sur le théâtre. Ils y effectuent notamment à Wardak, dans un contexte délicat, des missions de formation et d’assistance des forces de sécurité intérieure locales. De cette manière, la France contribue activement au processus de transition et de reconstruction de l’Afghanistan.

S’agissant des perspectives de retrait, la gendarmerie redéploiera ses forces au même rythme et dans les mêmes proportions que les armées.

Comme vous pouvez le constater, le positionnement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur n’a pas remis en cause son identité. C’est l’une des conclusions du rapport d’évaluation de la loi sur la gendarmerie de 2009 que M. Moyne-Bressand a établi avec Mme la sénatrice Escoffier à la demande du gouvernement. Je les remercie pour ce travail très pointu et très éclairant.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Deux ans après le vote de la loi sur la gendarmerie, notre rattachement est presque complètement achevé en droit, la quasi-totalité des textes d’application ayant été publiés.

En 2011, dans le prolongement des mesures prises au niveau central en 2010, nous nous sommes efforcés de donner plus de cohérence à nos zones d’action respectives. Sept circonscriptions de sécurité publique représentant onze communes sont ainsi passées en zone gendarmerie nationale. Il s’agit de Fourmies, Annonay, Montbrison, Graulhet, Pertuis, Port-Saint-Louis du Rhône et Libourne.

Par ailleurs, afin d’améliorer l’efficacité dans la lutte contre les phénomènes auxquels sont confrontées ces deux forces, nous appliquons depuis cet été le principe de coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT).

Déclinée dans tous les départements sous forme de protocoles locaux finalisés sous l’égide des préfets, la CORAT permet aux responsables locaux de formaliser les échanges d’information en vue de mieux combattre, de façon coordonnée, les phénomènes de délinquance, de réagir collectivement avec plus d’efficacité en cas de situation urgente et exceptionnelle et enfin d’optimiser l’emploi de moyens spécialisés comme les équipes cynophiles.

S’agissant des mutualisations, beaucoup a déjà été fait. En matière de lutte contre la criminalité, nous allons prochainement déployer le logiciel « Traitement des procédures judiciaires » (TPJ), qui remplacera STIC et JUDEX et nous permettra d’avoir une bonne connexion avec l’application CASSIOPEE du ministère de la justice.

Enfin, pour les ressources humaines, les formations spécialisées sont mutualisées et nous poursuivons la réflexion sur la formation motocycliste et sur la formation cynotechnique. Nous avons également mis en place des passerelles entre les corps de gardiens de la paix et de gendarmes.

Cependant, il n’est pas envisageable de toucher à la formation initiale des officiers et des sous-officiers de gendarmerie, qui est le creuset de la culture militaire et relève de l’autorité du ministre de la défense.

J’en viens maintenant aux perspectives budgétaires pour 2012, sujet principal de votre invitation.

Dans le cadre très évolutif que je viens de décrire, la gendarmerie nationale s’inscrit dans la politique générale de maîtrise des dépenses publiques.

Hors compte d’affectation spéciale pensions (CAS pensions), le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une quasi stabilité des crédits du programme 152 par rapport à l’année 2011, les crédits connaissant une diminution de 0,7 %.

Je me situe volontairement hors CAS pensions car une lecture de la totalité du titre 2 introduit un biais dans la présentation. En effet, les crédits de titre 2 augmentent de 2,5 % mais les crédits de rémunération stricto sensu (c’est-à-dire les crédits hors CAS pensions) diminuent de 0,06 %.

En 2012, le plafond d’emplois pour la gendarmerie dans le cadre du programme 152 sera de 95 883 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Par rapport à l’année précédente, la baisse est de 1 185 ETPT.

La gendarmerie rend des effectifs depuis 2009, ce qui n’a pas été aisé pour elle. Cependant la performance n’a pas diminué. Par ailleurs, si elle perd des effectifs, elle transfère aussi certaines charges.

Je m’efforcerai de gérer au mieux la diminution des effectifs prévue pour 2012 de manière à ce qu’elle n’ait pas d’impact sur la sécurité.

Dans ce but, je poursuivrai encore la rationalisation des soutiens de la gendarmerie. Par ailleurs, les réformes qui permettent aux gendarmes de se concentrer sur leur cœur de métier seront favorisées.

Il s’agit notamment d’outils nouveaux comme le procès-verbal électronique, qui est déployé dans les unités et qui simplifie réellement les tâches administratives des gendarmes.

Il s’agit également des systèmes de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI), qui permettent d’augmenter considérablement le nombre d’identifications et d’améliorer l’efficacité des forces de sécurité dans la lutte contre les vols de véhicules et la recherche de véhicules signalés. Par exemple, le week-end dernier, l’utilisation de la LAPI a permis de détecter le passage à la frontière espagnole d’un « go fast » et de l’intercepter.

La diminution des gardes statiques est également une priorité : après la reprise de la mission de garde des centres de rétention administrative par la police de l’air et des frontières, nous poursuivons l’effort de réduction des gardes statiques, notamment avec le ministère de la justice.

La reprise des transfèrements par l’administration pénitentiaire doit également permettre à la gendarmerie de se recentrer sur son cœur de métier. 130 équivalents temps plein (ETP) ont été transférés par la gendarmerie à l’administration pénitentiaire en 2011 et un transfert de 162 ETP est prévu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. J’attends que ces transferts se traduisent par la reprise effective des missions. Les missions de transfèrement ont déjà été reprises par l’administration pénitentiaire en Lorraine et en Auvergne et vont bientôt l’être en Normandie. Cette reprise a été difficile à mettre en œuvre.

De plus, nous poursuivrons en 2012 le mouvement amorcé depuis 2008, qui vise à recentrer les gendarmes sur l’activité opérationnelle. 481 postes d’officiers et de sous-officiers de gendarmerie affectés en états-majors centraux ou régionaux seront transformés en 258 postes d’officiers et de sous-officiers des corps de soutien et 223 postes de personnels civils.

Je rappelle que ce plan de transformation de postes s’échelonne sur dix ans. À échéance 2017, la gendarmerie aura ainsi doublé la part de ses personnels civils et militaires de soutien.

Les dépenses de personnel (hors pensions) sont stables, diminuant seulement de deux millions d’euros par rapport à 2011. Elles permettent de financer les mesures catégorielles annoncées antérieurement telles que la dernière annuité du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées pour 23,2 millions d’euros, la dernière annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires pour 1,4 million d’euros ou encore le nouvel espace statutaire qui permet la transposition de la grille indiciaire B type au même rythme que dans la police nationale et qui représente 5,2 millions d’euros.

L’enveloppe affectée aux crédits de titre 2 prévoit par ailleurs le financement de la prime de résultats exceptionnels à hauteur de 15 millions d’euros et de la réserve opérationnelle à hauteur de 46 millions d’euros, ce qui constitue une hausse de deux millions d’euros par rapport à 2011. La réserve est présente à tous les grands rendez-vous, comme la saison estivale, le G8 ou le G20 mais elle est aussi engagée au quotidien avec les unités dans la lutte contre la délinquance. Enfin, le surcoût des opérations extérieures est financé comme en 2011 à hauteur de 11 millions d’euros.

Les dépenses de fonctionnement courant contribuent directement au soutien de l’opérationnel. Compte tenu de la ressource qui est allouée à la gendarmerie, j’ai décidé cette année encore de préserver les crédits de fonctionnement courant des unités, en limitant l’impact de la baisse de leurs dotations globales à 1,5 % en moyenne en périmètre constant (en dehors des loyers et de l’énergie). Mon objectif est en effet de permettre aux unités de mener l’ensemble de leurs missions opérationnelles.

Au total, les dépenses de titre 3 consacrées au fonctionnement courant s’élèvent à 946,4 millions d’euros mais cela inclut une hausse marquée des loyers. Toutefois, les transformations de postes et le recentrage des effectifs devraient permettre de contenir la hausse.

Les autres dépenses inscrites en loi de finances 2011 ont été reconduites. Le budget de fonctionnement des unités opérationnelles est déjà sous tension et ne peut pas être réduit davantage.

Enfin, pour les opérations extérieures, la dotation de 4 millions d’euros est reconduite alors que la gestion 2011 approchera les 8 millions d’euros. Même si cette dotation est insuffisante, je dois prendre en compte l’évolution des menaces sur le terrain. La sécurité de mes personnels est ma priorité. Je rappelle qu’en Afghanistan, le 23 août dernier, un véhicule de l’avant blindé a sauté sur un engin explosif improvisé qui contenait 110 kg d’explosif, heureusement sans faire de victimes.

En ce qui concerne l’investissement, il faut additionner le renouvellement annuel des flux d’équipement financés sur les crédits de titre 3 « hors fonctionnement courant » avec les crédits du titre 5 et du titre 6. L’ensemble de ces crédits reflète clairement la composante « acquisition » du budget du programme 152.

Après un recul de 13 % en 2011, l’investissement a dû à nouveau être contraint en 2012. C’est pourquoi la dotation en crédits de paiement, qui représente 249 millions d’euros, est en recul de 10 % par rapport à la loi de finances initiale de 2011.

Cette dotation me permet malgré tout de couvrir les engagements antérieurs et les dépenses incompressibles. Ainsi, certaines dépenses indispensables sont reconduites, parmi lesquelles le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des systèmes d’information, l’habillement des élèves arrivant en école et des spécialistes, la réforme du carnet d’habillement ou encore les munitions et matériels indispensables pour la sécurité des personnels (par exemple, les gilets pare-balles).

Par ailleurs, 17,6 millions d’euros seront consacrés en 2012 au renouvellement des véhicules. Au total, et compte tenu des commandes passées, les unités de gendarmerie bénéficieront de la livraison de plus de 2 200 véhicules. Cela permettra de limiter le vieillissement du parc automobile, dont l’âge moyen est de cinq ans et demi.

L’immobilier occupe, vous le savez, un rôle stratégique pour la gendarmerie. 77 400 logements, dont 32 400 logements domaniaux, conditionnent la disponibilité des gendarmes et leur permettent d’être employés, en service extérieur ou au bureau, à l’accueil du public ou en permanence d’intervention. En 2010, la durée du travail hebdomadaire des gendarmes a été en moyenne de 15 h 55 par jour, soit 8 h 34 de service effectif et 7 h 22 de permanence opérationnelle immédiate non rémunérée, auxquelles il faut ajouter 3 h 13 d’astreinte. Cette disponibilité est l’une des caractéristiques du statut militaire des gendarmes.

Du fait d’une vétusté réelle – bien que contrastée – du parc domanial, dont 70 % des logements ont plus de 25 ans, la gendarmerie a fait le choix de porter son effort sur une évolution très dynamique du parc locatif – notamment grâce à la forte implication des collectivités territoriales – et sur la préservation de l’existant par l’entretien courant et la maintenance des casernes domaniales afin de compenser la faiblesse des dotations disponibles pour les nouvelles constructions.

En 2012, la gendarmerie va centrer cet effort sur le parc domanial existant en engageant 52,7 millions d’euros en autorisations d’engagement pour des opérations de maintenance lourde. Plus de 2 200 logements sont ainsi concernés par des travaux de remise aux normes, en particulier pour la gendarmerie mobile.

De plus, le budget 2012 inclut plus de 15 millions d’autorisations d’engagement pour les subventions aux collectivités territoriales du titre 6, subventions qui permettront la mise en chantier de 885 unités logement. La livraison de 354 unités logement est attendue pour 2012.

Enfin, 38 millions d’euros sont prévus pour les travaux d’entretien courant (domanial et locatif), sous forme principalement de crédits déconcentrés aux régions de gendarmerie.

En conclusion, je considère que ce budget, qui est marqué par le sceau d’une vraie contrainte financière, me donne les outils, tant en termes de fonctionnement que de management, pour atteindre les objectifs qui me sont fixés.

La situation des investissements ne me permet pas de renouveler mes moyens au rythme connu jusqu’en 2009. J’espère que nous pourrons retrouver pour les années à venir des marges de manœuvre.

Pour répondre à la question posée par M. Voisin sur les capacités immobilières, je tiens à préciser que la gendarmerie, du fait de la faiblesse des crédits dont elle dispose dans ce domaine, ne peut que mener des actions emblématiques. Par ailleurs, la hausse des loyers se révèle problématique.

Les crédits manquent également pour les hélicoptères et les blindés – dont on a pourtant pu mesurer l’intérêt en opérations extérieures.

En ce qui concerne la garde à vue, la gendarmerie s’adaptera à la réforme et des efforts de pilotage ont été faits pour aider les personnels à la mettre en œuvre. Cette réforme a entraîné une baisse de 20 % du nombre de gardes à vue. Cependant, en ce qui concerne les cambriolages, les gardes à vue ont augmenté de 20 %. La réforme a rendu le travail de l’enquêteur plus complexe mais elle n’a pas introduit de grands changements en ce qui concerne la criminalité organisée car les personnes arrêtées dans ce cadre ne parlaient déjà pas. Les relations de la gendarmerie avec les avocats sont plutôt bonnes. En revanche, le délai utile de la garde à vue a été réduit. Enfin, la loi prévoit la possibilité de mettre en place des visioconférences avec les magistrats et des crédits ont été dégagés pour équiper dans ce domaine 400 brigades qui en ont particulièrement besoin.

M. Alain Moyne-Bressand. J’ai conduit avec Mme la sénatrice Escoffier une mission d’évaluation sur le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. La loi du 3 août 2009 prévoyait en effet que cette mission aurait lieu deux ans après son adoption.

Nous avons rencontré et entendu de nombreux acteurs. Tous ont confirmé que la gendarmerie devait conserver son statut militaire : disposer de deux forces de sécurité est une chance pour notre pays. Je tiens à vous adresser toutes les félicitations de la représentation nationale pour votre action sur notre territoire comme à l’extérieur : le travail que vous menez en Afghanistan a une valeur de référence.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur aurait pu faire courir le risque d’une fusion de la gendarmerie avec la police, ce qui ne s’est pas vérifié. Seul un syndicat d’officiers de police la réclame.

Il existe aujourd’hui des passerelles entre la police et la gendarmerie. Pouvez-vous faire le point sur ces dernières ainsi que sur la mutualisation des services ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer quel est l’état du moral dans la gendarmerie ?

Enfin, les logements étant un élément indispensable au bon fonctionnement du service, pourriez-vous nous indiquer si la réduction des capacités financières des collectivités territoriales a entraîné une diminution des constructions par ces dernières de casernes ?

M. le général Jacques Mignaux. Les passerelles n’existent que pour le premier grade chez les sous-officiers ou les gardiens de la paix. En effet, au-delà, nous estimons que les personnels ont fait un choix qu’ils doivent assumer et qu’ils ont pris le « pli maison ». Nous avons enregistré 150 candidatures pour les deux forces. De nombreux dossiers ont été écartés faute d’une motivation suffisante. Au final 36 policiers et 45 gendarmes ont été retenus. Des personnels qui choisissent de quitter la gendarmerie pour la police le font pour des raisons géographiques, du fait de l’emploi du conjoint dans la police ou encore par espoir d’un avancement meilleur. La question du logement n’a semble-t-il pas d’impact. Les policiers qui souhaitent devenir gendarmes sont souvent d’anciens gendarmes-adjoints, d’anciens militaires, ou des personnels qui souhaitent retourner dans leur région d’origine.

C’est pourquoi nous avons fait preuve de la plus grande transparence dans l’attribution des postes, les personnels sachant par avance où ils seront affectés. J’ai rencontré ces nouvelles recrues et constaté qu’il fallait les rassurer sur leur bonne intégration dans la force de gendarmerie. Aucun retour négatif n’est à signaler.

Nous poursuivons la mutualisation des moyens avec la police. Un grand service commun, le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, a été créé pour la gestion des systèmes d’information. La mutualisation est une démarche rationnelle. Par exemple, il existe une seule procédure pénale et disposer de deux logiciels différents pour la rédaction de la procédure pénale ne fait donc pas sens. La gendarmerie, forte de la polyvalence de ses experts informatiques, pilote la mise en place de ce système d’information mais la police est bien entendu pleinement associée à ce dispositif. Cette démarche illustre la rationalisation des coûts qui reste un objectif premier.

Dans le même ordre d’idée, police et gendarmerie disposent d’une direction des relations internationales commune. La sécurité intérieure étant liée à la sécurité extérieure, nous disposons d’un solide réseau d’attachés de sécurité intérieure, le deuxième ou le troisième au monde. Le nombre de gendarmes occupant ce poste va croissant, dépassant désormais les 20 %.

Le moral des troupes est bon et je constate un excellent état d’esprit. Les gendarmes sont au rendez-vous, particulièrement motivés lorsqu’ils se sentent soutenus. Cependant certaines réformes sont d’application difficile, notamment celle de la médecine légale. Elle a conduit à une dégradation de la réponse apportée aux victimes, qui sont désormais découragées d’aller faire constater leurs blessures dans des centres éloignés de leur domicile. Je souhaiterais un moratoire. Plus globalement, la mise en place de nouveaux outils est une bonne chose, mais elle ne peut être bien vécue que si elle est accompagnée d’un véritable soutien.

La principale difficulté aujourd’hui tient aux effectifs. Les écoles sont pleines, mais les promotions ne permettront de réalimenter les unités qu’à partir de mai. D’ici là, les départs en retraites se font durement ressentir.

La rigueur budgétaire est comprise des gendarmes. La baisse des crédits d’investissement demeure gérable, pour peu qu’elle ne dure que deux ou trois ans. En effet, la situation de l’immobilier pèse sur le moral des troupes mais aussi et surtout des conjoints.

Je n’observe pas de tensions avec la police nationale. Les ministres ont marqué leur volonté de mieux intégrer les gendarmes dans les dispositifs de dialogue interne. Ainsi, quand les syndicats de police sont réunis, des représentants des instances de dialogue des gendarmes sont systématiquement reçus.

Mme Françoise Hostalier. Comment collaborez-vous avec vos homologues allemands dans la lutte contre les cambriolages ?

À l’occasion d’un stage d’immersion à La Courtine, j’ai pu voir la préparation que les gendarmes mobiles reçoivent avant leur déploiement en Afghanistan et entendre leur retour d’expérience. Je dois dire qu’ils sont très satisfaits des équipements mis à leur disposition. Il faut saluer leur mission, qui est mal connue du grand public voire des parlementaires.

Il est prévu que l’effectif des gendarmes mobiles déployés en Afghanistan connaisse une décroissance proportionnelle à celle des autres militaires français déployés sur place. Cela sera-t-il vraiment le cas ? N’est-ce pas plutôt un rôle de gestion de la transition qui sera dévolu aux gendarmes ?

M. Bernard Cazeneuve. Quel était le niveau des effectifs de gendarmerie avant la révision générale des politiques publiques ? À combien s’est-il établi après la mise en œuvre de cette révision ?

Quel est le niveau des économies réalisées sur la masse salariale ?

Cette déflation s’intègre-t-elle dans les 54 000 emplois supprimés par le ministère de la défense ?

M. Yves Vandewalle. Où en est la rénovation des logements de la caserne de Satory, qui sont proches de l’insalubrité ?

Qu’en est-il de la mutualisation entre la police et la gendarmerie des fichiers et des moyens de communication ?

M. le général Jacques Mignaux. La coopération avec nos homologues allemands dans la lutte contre les cambriolages est remarquable. Nous avons démantelé récemment à Strasbourg trois bandes croates installées en Alsace. 27 personnes ont été arrêtées.

Le travail avec l’Allemagne, la Suisse ou la Belgique est très fluide. La coopération est plus simple pour nous, car nous disposons de personnels quasiment bilingues.

Le désengagement de nos forces en Afghanistan se fera en coordination avec le ministère de la défense. Je n’ai pas d’inquiétude, les gendarmes ne porteront pas seuls l’effort de la transition. Depuis une décision de Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, les gendarmes n’interviennent en effet que dans les zones où d’autres forces françaises sont déployées. Nos alliés de l’OTAN envisageaient de nous utiliser partout où la coalition est impliquée mais nous avons écarté cette option, à l’exception du Wardak. Dans cette zone, nous pouvons néanmoins compter sur le soutien ponctuel des militaires français en cas de besoin.

Avec la révision générale des politiques publiques, les effectifs de la gendarmerie sont passés de 99 509 ETPT en 2009 à 97 068 cette année. Cependant, la baisse n’est pas due qu’à la révision générale des politiques publiques mais aussi au fait que la gendarmerie ne gère plus les centres de rétention administrative – ce qui a dégagé environ 900 postes – et que les transfèrements sont progressivement confiés à l’administration pénitentiaire, ce qui représente 130 postes en 2011 et 162 en 2012. Le passage de la gendarmerie au ministère de l’intérieur a également justifié le rattachement de la gendarmerie de l’armement et de la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires au budget de la défense et leurs effectifs n’apparaissent donc plus dans le programme « Gendarmerie nationale » qui relève de la mission « Sécurité ».

Les gains sur les dépenses de titre 2 ont été utilisés pour améliorer la condition des personnels : il était prévu que la moitié des économies leur serait destinée. Nous avons été au-delà de l’objectif avec un retour par agent supérieur à 100 %. Cet effort exceptionnel était en effet une condition nécessaire pour assurer la transition et gérer dans les meilleures conditions la réduction des effectifs. À terme, les gains porteront essentiellement sur le nombre des retraités. Il convient d’ailleurs que nous examinions l’évolution de notre contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » car je constate un décalage significatif entre la gendarmerie et la police. Si nous sommes militaires, nous ne nous inscrivons pas dans une carrière courte et il n’est donc pas forcément pertinent de reprendre le modèle applicable aux armées. Cette clarification est indispensable. Je risque sinon de devoir rendre compte d’un budget en hausse sans que j’aie la moindre prise sur l’augmentation des crédits qui sont entièrement dédiés aux pensions.

La mutualisation des fichiers est en cours avec le traitement des procédures judiciaires (TPJ). Des efforts ont été déjà accomplis en particulier pour les empreintes génétiques. Le caractère commun de ces données est précieux et contribue à la résolution des enquêtes. Il a été largement enrichi, passant de 2 000 traces en 2002 à plus de 1,3 million aujourd’hui. Cet outil permet d’élucider chaque mois entre 600 et 800 faits.

En matière d’immobilier, le parc locatif géré par les collectivités territoriales est dans un état global satisfaisant et nous travaillons à améliorer les quelques cas difficiles. Nous avions largement recouru au partenariat public-privé mais ils induisaient un surcoût de l’ordre de 30 % du montant des loyers. Nous sommes donc revenus au système plus classique des subventions prévues par le décret du 28 janvier 1993.

Les problèmes se concentrent sur le parc domanial et notamment sur les casernes de gendarmerie mobile. Nous ne pouvons plus loger nos militaires et leurs familles dans des conditions aussi rustiques. Nous allons faire un effort de 53 millions d’euros en 2012 pour réaliser des opérations de maintenance lourde. Pour autant, les perspectives financières ne nous donnent guère de marge de manœuvre en la matière avant 2020.

Les mutualisations des moyens de télécommunications se font en fonction des besoins locaux. Nous établissons par exemple des postes de commandement communs lors de grands événements. Nous travaillons également à la définition de besoins communs pour les réseaux futurs. Pour autant, il serait dangereux et illusoire de croire qu’un seul système peut répondre à la diversité des situations et qu’il est possible de tout mutualiser. Il me semble qu’il faut d’abord optimiser l’existant avant d’engager un projet commun, à supposer que police et gendarmerie s’entendent au préalable sur le cahier des charges.

M. Christophe Guilloteau. La répartition de la présence policière dans le Rhône a été profondément revue et s’est faite au détriment de la gendarmerie. Cette évolution est regrettable pour les zones rurales qui pâtissent de ce recul.

La brigade motorisée de Lyon doit prochainement rejoindre Brignais mais les services de la gendarmerie semblent retarder ce transfert en exerçant un contrôle particulièrement pointilleux sur les opérations de construction. Comment éviter ces lenteurs ?

De même, qu’en est-il de la construction de la caserne de Sathonay ? Des retards sont-ils également à prévoir ?

M. Damien Meslot. Combien de gendarmes ont été déployés en opérations extérieures en 2011 ? Pour quel coût et pour quel bilan ?

M. Francis Hillmeyer. Comment appréhendez-vous la nouvelle menace qu’est la cybercriminalité ? Quels moyens humains et matériels y sont consacrés ? La police bavaroise a récemment fait l’objet d’une attaque informatique. Comment analysez-vous cet événement et quelles conclusions en tirez-vous ?

M. le général Jacques Mignaux. Pour ce qui est du transfert de la brigade motorisée de Lyon, je vais étudier le dossier et je vous transmettrai une réponse écrite. Le chantier de Sathonay est un projet de grande ampleur, particulièrement complexe. Je suis toutefois confiant : nous respecterons le calendrier.

En 2011, nous avons envoyé plus de 100 gendarmes en Haïti, poursuivi notre montée en puissance en Afghanistan à la suite de la décision du Président de la République de novembre 2009, et renforcé notre présence en Côte d’Ivoire. Sur ce dernier théâtre, nos militaires ont été déployés durant sept mois sans relève, exactement dans les mêmes conditions que les militaires des autres armées.

À ce jour, 357 gendarmes sont déployés en opérations extérieures, ce qui représente une dépense de 30 millions d’euros, dont 14 millions pour l’Afghanistan.

Le bilan est très satisfaisant et les autorités d’emploi se félicitent de notre action. Je n’ai pas de difficulté à répondre aux sollicitations puisque le statut militaire me permet de désigner des unités constituées. Je n’ai donc pas à trouver individuellement de volontaires. Les théâtres difficiles nous font revenir à des notions fondamentales que nous avions peut-être un peu oubliées : la cohésion, l’esprit de groupe, la capacité à éviter les pièges, les règles de l’appui feu, les bases de la communication en anglais avec nos partenaires… L’usage des armes est également très différent et doit être bien appréhendé.

Nous veillons avec attention sur les militaires engagés en opérations extérieures et les armées assurent un suivi psychologique. Je crois que les gendarmes sont fiers d’être engagés dans ces missions. Ce sont d’ailleurs d’excellentes expériences pour les jeunes officiers et sous-officiers.

La cybercriminalité est traitée par une division spécialisée de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie. Nous développons également des compétences dans les sections de recherche, à l’instar de ce que nous avons fait à Dijon. Nous avons des équipes de spécialistes capables de traquer sur le net les prédateurs qui s’en prennent à de jeunes mineurs. Nos actions ont beaucoup de succès et il faut poursuivre notre effort. Nous nouons des partenariats avec le monde universitaire, à Strasbourg par exemple, de façon à ce que nos personnels soient à même de suivre tous les changements. Nous devons aussi adapter en permanence nos matériels car les systèmes évoluent très vite.

Nous ne sommes pas à l’abri d’un événement comme celui de la Bavière. Des sites de préfectures ont par exemple été bloqués au cours de l’été. Nous travaillons activement sur ces questions et nous essayons d’apporter notre expertise à tous les niveaux.

M. Daniel Boisserie. Je constate, avec regret, que la délinquance rurale progresse alors que les effectifs de la gendarmerie baissent. Je suis également frappé par l’apparition de nouveaux problèmes : il faut désormais attendre plusieurs heures pour obtenir un certificat de décès en cas d’accident, les médecins étant de moins en moins disponibles. Cette attente est contraignante car elle oblige les gendarmes à maintenir le dispositif de sécurité.

Sur l’immobilier, vos ressources ne peuvent pas suffire à couvrir tous les besoins. Votre dotation pour les loyers est clairement sous-estimée. Je crois qu’il faut revoir instamment les règles financières car on ne peut pas continuer à demander aux collectivités d’augmenter leur participation sans s’interroger sur les hypothèses de construction de ce système.

M. Philippe Folliot. Je me réjouis de voir que le moral de la gendarmerie est bon et que le rapprochement avec la police se place sous les meilleurs auspices. Il a été indiqué que les gendarmes n’étaient pas en mesure d’assurer la sécurité du Président de la République lors de sa visite en Libye et que cette mission devait être confiée à d’autres unités. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, qui me semble d’autant plus curieux que la protection de notre chargé d’affaires est assurée par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ?

M. Gilbert Le Bris. La gendarmerie expérimente depuis 2010 un nouveau système de dialogue social avec une évolution forte des structures régionales. Dans le cadre de la mission que je mène avec Étienne Mourrut, il nous a été indiqué qu’il appartient désormais aux personnels de la gendarmerie de « cultiver cette respiration collective ». Pouvez-vous nous éclairer sur cet objectif et sur l’état global du dialogue social ?

M. le général Jacques Mignaux. La nouvelle organisation de la médecine légale représente pour nous un problème car elle nécessite l’immobilisation de beaucoup de nos personnels qui pourraient être employés ailleurs.

Pour répondre sur la Libye, je rappellerai que les gendarmes sont préparés avec beaucoup de sérieux, pendant cinq mois, avant d’être projetés en Afghanistan. Pour ce voyage à haut risque du Président de la République, il y avait déjà du personnel de la police qui était préparé. J’ai eu des discussions à ce sujet avec le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard et la décision a été prise très rapidement. Je précise qu’il y avait déjà sur place le commandement des opérations spéciales, le RAID et GIGN.

La réforme de la participation, dont vous êtes devenu un expert monsieur Le Bris, porte, je le pense, ses fruits. Il s’agit effectivement d’un véritable exercice de respiration collective. Beaucoup de problèmes sont déjà réglés au niveau local et il faut faire en sorte d’assurer le suivi des préoccupations des gendarmes.

Mme Marguerite Lamour. Beaucoup de personnes font de fausses déclarations de vol à la gendarmerie pour changer de téléphone portable, ce qui a pour conséquence de faire augmenter de manière artificielle les statistiques de la délinquance. Est-ce que le personnel de la gendarmerie a le temps de distinguer les vraies des fausses déclarations ?

M. Étienne Mourrut. Je partage ce que vous avez dit, mon général, sur le lien Nation-gendarmerie. Il est important de préserver cette relation.

Pour 2012, compte tenu des contraintes budgétaires et des réformes en cours, vous êtes tenu de vous concentrer sur l’essentiel. Compte tenu du vieillissement des véhicules blindés, avez-vous établi un plan de renouvellement de ce type de matériel ainsi que des hélicoptères ?

M. Georges Mothron. Dans le Val-d’Oise, dont je suis élu, les médecins libéraux restent impliqués dans le dispositif et le recours obligatoire à l’hôpital n’a pas été imposé, comme cela s’est fait dans d’autres départements. Nous devons dresser le bilan des évolutions dans les semaines qui viennent et il serait bon que nous le mettions en regard avec le bilan qui a été tiré de la mise en œuvre de la réforme dans d’autres départements où le recours à l’hôpital est devenu obligatoire.

M. le général Jacques Mignaux. Il est vrai que certaines personnes qui veulent changer de téléphone portable déposent une plainte pour vol avec violence dans le but d’escroquer leur assurance, ce qui fait augmenter les statistiques. La loi qui permet le blocage des téléphones volés donne des résultats mais il y a plus de 130 déclarations de vols par jour. En outre, elle ne permet pas aux opérateurs de bloquer les téléphones lorsqu’ils sont en Europe de l’Est ou au Maghreb, où se situent de véritables marchés. Il faut donc être vigilant pour que la gendarmerie ne devienne la victime de cette course à la nouveauté.

Pour répondre à la question de M. Mourrut, nous avons des projets de renouvellement de nos véhicules blindés, qui ont quarante ans. Ils nous sont indispensables car ils permettent d’intervenir au milieu d’émeutes pour récupérer du matériel ou transporter des blessés. Mais pour l’instant, nous n’avons pas les crédits pour en acheter. Nous disposons de 93 millions d’euros en autorisations d’engagement mais pas des crédits de paiement correspondants. En ce qui concerne les hélicoptères, nous avons fait la moitié du chemin. Mais les Ecureuil, compte tenu de leur âge, coûtent cher en maintien en condition opérationnelle et on ne peut pas y mettre de caméras alors que cela peut s’avérer utile pour la recherche de personnes.

La réforme de la médecine légale s’applique à une quarantaine de départements pour l’instant. C’est surtout le ministère de la santé qui est demandeur. Les ministères de l’intérieur et de la justice trouvent cela très contraignant. Partout où l’on trouve encore un réseau libéral, il donne pleinement satisfaction. Mais il est vrai que dans ce cas, les actes sont à la charge du procureur, donc du ministère de la justice. Revenir à la situation d’avant la réforme conviendrait bien à la gendarmerie.

M. Michel Sordi. Est-ce que le partage des zones de police et de gendarmerie va être encore appelé à évoluer ?

M. Alain Marty. Je voudrais évoquer avec vous, mon général, un problème de méthode. De nombreux élus locaux me disent que les effectifs de la gendarmerie baissent alors que si l’on regarde la situation au niveau national, on conserve la proportion d’un gendarme pour 1 000 habitants et la délinquance reste stable. Ne faudrait-il pas faire un travail de pédagogie à destination des élus locaux ?

M. Pascal Brindeau. J’aimerais évoquer la question de la délinquance itinérante et les relations compliquées entre les gens du voyage et les communes qui les accueillent. Comment faire en sorte qu’ils respectent les règles ?

M. Patrice Calméjane. Je voudrais que vous nous fassiez un point sur le dispositif des citoyens vigilants.

Par ailleurs, la gendarmerie des transports aériens prend une part active aux enquêtes sur les accidents des avions. Elle est demandeuse de drones. Je souhaiterais savoir si la gendarmerie envisage d’acquérir des drones pour ces missions d’enquête mais aussi pour d’autres missions comme le maintien de l’ordre.

Mme Michèle Alliot-Marie. Pouvez-vous nous dresser un bilan de l’activité des réservistes : celle-ci a-t-elle plutôt baissé ou augmenté ?

J’aimerais également que vous nous livriez votre analyse sur les forces et les faiblesses de la police afghane.

Enfin, pouvez-vous nous parler des difficultés qui pourraient exister dans les relations entre les jeunes gendarmes issus du milieu urbain et les populations locales ?

M. le général Jacques Mignaux. Monsieur Sordi, la gendarmerie n’est pas seulement rurale, elle est aussi périurbaine. Il y a encore des mises en cohérence à faire avec la police et nous faisons en sorte que chaque transfert soit compensé.

Sur les effectifs, le travail d’explication est difficile. Il existe des disparités importantes entre les brigades. Certaines se désespèrent, n’ayant à traiter que trop peu d’affaires par an, alors que d’autres ont beaucoup de mal à répondre à toutes les sollicitations. Je dois donc gérer à la fois la contraction des effectifs et leur redéploiement dans les zones où on en a besoin. La question est de savoir à quel moment il faut faire rentrer les élus locaux dans la boucle. Si on le fait trop tôt, il est impossible de faire évoluer les choses. Il y a aussi un important travail à accomplir avec le préfet.

S’agissant des vols impliquant notamment des gens du voyage et des ressortissants des pays de l’Est, il faut observer que nos homologues allemands ne connaissent pas les mêmes problèmes que nous : la législation y est différente et plus contraignante. Cela pousse d’ailleurs ces populations à venir s’installer en France.

Nous intervenons avec les outils que la loi met à notre disposition, nous nous inscrivons dans des procédures administratives et judiciaires particulières, de manière à ne pas commettre de voies de fait. La LOPSI 1 et la LOPPSI 2 ont mis à notre disposition de nouveaux moyens, notamment en matière d’expulsion. Mais la situation reste très compliquée. Au final le gendarme se retrouve dans le rôle du médiateur, il devient une force d’interposition. Il est de notre devoir de protéger les minorités mais il faut garder à l’esprit que ces populations comprennent très rapidement ce que le droit leur permet. Ils savent ce qu’ils peuvent faire en Espagne, en Angleterre, en France et ce qu’ils ne peuvent pas faire.

En ce qui concerne les accidents aériens, nous disposons avec la gendarmerie des transports aériens d’une section de recherche composée d’enquêteurs très compétents qui dialoguent avec les experts de l’aviation civile.

Il y a une réflexion en cours sur l’emploi des drones mais il faut prendre en compte les règles régissant l’aviation civile, notamment en ce qui concerne les couloirs aériens.

Sur les théâtres d’opération, l’utilisation des drones, même si elle est coûteuse, est envisageable, mais il faut savoir que les hélicoptères et les ballons captifs nous permettent de faire beaucoup de choses également.

La durée moyenne d’activité des réservistes est désormais de 21 jours mais nous avons pu introduire de la souplesse. Par exemple, nous pouvons faire travailler 60 jours d’affilée ceux que nous employons l’été, ce qui les intéresse très fortement – en particulier les jeunes étudiants – et les incite à accepter des formations se tenant au printemps.

En ce qui concerne les services de police afghans, il faut savoir que nous sommes face à des populations très rurales et très peu instruites, mais désirant apprendre. La fidélisation des effectifs s’obtient dès que l’on peut leur offrir une paye plus intéressante que celle que pourraient leur proposer les Talibans. C’est essentiel, si nous voulons les garder à nos côtés et ne pas les voir basculer dans le camp des insurgés. Ce sont des gens courageux, désirant créer une véritable force de police nationale qui dépasserait les clivages ethniques.

À propos des jeunes gendarmes, qui sont souvent issus d’un milieu urbain, il faut en effet parfois leur apprendre les règles élémentaires de la politesse, leur apprendre à écouter, à dialoguer avec nos concitoyens. Tous ces éléments sont traités au cours de la formation initiale dans les écoles, mais également par la suite, grâce à l’encadrement qui dispense à nos jeunes recrues une formation continue de savoir-vivre et de savoir-faire.

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La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Louis Bernard, M. Daniel Boisserie, Mme Françoise Briand, M. Pascal Brindeau, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Laurent Cathala, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Bernard Deflesselles, M. Nicolas Dhuicq, M. Jean-Pierre Dupont, M. Laurent Fabius, M. Philippe Folliot, M. Pierre Forgues, M. Yves Fromion, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, M. Jacques Lamblin, Mme Marguerite Lamour, M. Jack Lang, M. Gilbert Le Bris, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Mach, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Jean Michel, M. Georges Mothron, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Jean-Claude Perez, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. Michel Sainte-Marie, M. Michel Sordi, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, M. André Wojciechowski.

Excusés. – M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Jacques Candelier, M. Lucien Degauchy, M. Jacques Desallangre, M. André Gerin, Mme Marylise Lebranchu, M. Franck Marlin, M. Christian Ménard, M. Philippe Nauche, M. Bruno Sandras, M. Jean-Pierre Soisson, M. Guy Teissier.