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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 25 octobre 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Guy Teissier, Président

–– Projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775) : examen et vote pour avis des crédits de la mission « Défense »

·•  Équipement des forces – dissuasion
(M. François Cornut-Gentille, rapporteur)

·•  Préparation et emploi des forces : marine
(Mme Marguerite Lamour, rapporteure)

·•  Préparation et emploi des forces : air
(M. Jean-Claude Viollet, rapporteur).

– Amendements examinés par la Commission

Loi de finances pour 2012 (n° 3775)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mission « Défense » : « Équipement des forces – dissuasion » (avis)

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la mission « Défense » : « Équipement des forces – dissuasion », pour 2012.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis. Comme l’année dernière, j’ai souhaité que mon avis budgétaire fasse un point complet des équipements. Sa deuxième partie répertorie donc l’ensemble des programmes en les détaillant milieu par milieu. La première partie analyse quant à elle l’impact de la crise sur les programmes d’armement et sur les choix faits par la France en la matière. Pour mener à bien ce travail, j’ai adressé des questions extrêmement précises au ministère. Je me félicite de la qualité des réponses qui m’ont été transmises ; il faut saluer le travail accompli et le mettre à la disposition du plus grand nombre. Dans cet esprit, j’ai donc décidé de publier assez largement des extraits de ces documents dans mon avis.

De façon générale, l’évolution des crédits consacrés aux équipements est satisfaisante : les autorisations d’engagement du titre 5 « Investissement » baissent certes un peu mais elles restent supérieures à 10 milliards d’euros. Les crédits de paiement augmentent quant à eux très légèrement. Nominalement, la loi de programmation est donc respectée malgré quelques retards.

En 2012, plusieurs équipements majeurs seront livrés parmi lesquels une frégate multimissions FREMM, un C160 Gabriel rénové, 11 Rafale, huit NH90, six Tigre et quatre Cougar.

Au-delà de ces éléments très positifs, il me semble que nous devons être attentifs à certains équipements aujourd’hui en situation critique. Avec Marguerite Lamour et Jean-Claude Viollet, nous vous proposerons ainsi deux amendements visant à améliorer nos capacités de ravitaillement que ce soit dans les airs ou sur les mers. Il nous semble utile d’exercer une pression amicale pour que ces dossiers avancent ; nous ne pouvons plus attendre et reporter encore la décision.

M. le président Guy Teissier. Il ne faudrait cependant pas que nous donnions l’impression de nous intéresser au seul enjeu du ravitaillement.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis. Bien évidemment, il ne faut pas négliger les autres capacités mais le ravitaillement conditionne beaucoup l’emploi de nos forces dans la mesure où il détermine le rayon d’action de nos avions et de nos bâtiments. J’ajoute que l’amendement sur les avions ravitailleurs s’inscrit dans la continuité de celui que la Commission avait adoptée en 2011. Le ministre nous a indiqué que la levée de risques sur le programme MRTT devrait intervenir en 2012 mais le projet de loi de finances ne prévoit que 6 millions d’euros quand il faudrait au moins 15 millions d’euros. Je crois que nous devons examiner cette question très attentivement et l’amendement peut être l’occasion d’un débat constructif sur ce dossier. La logique est la même pour les pétroliers-ravitailleurs : il faut dès aujourd’hui envisager leur remplacement ou leur modernisation.

L’économie générale du budget pour 2012 reste cependant incertaine en raison d’aléas pesant sur la fin de gestion pour 2011. Nous ne savons pas encore précisément sur quels programmes portera l’économie de 200 millions d’euros au titre du financement des frégates de Taïwan.

Le Premier ministre s’est engagé à ce que le surcoût des opérations extérieures soit financé par un abondement interministériel qui ne doit pas intervenir trop tard, sauf à générer encore des reports de crédits et à dégrader la fin de l’exécution. Enfin, nous restons engagés dans une course de vitesse avec les recettes exceptionnelles même si le dossier semble désormais sur la bonne voie.

Nous avons passé ces dernières années un nombre important de commandes, ce qui peut laisser craindre le retour d’une « bosse », le ministère ayant désormais à payer les matériels qui vont être peu à peu livrés. Comme vous le verrez dans mon avis, nous sommes bien dans une phase de production avec l’entrée en service de beaucoup de nouveaux matériels. Cela induit nécessairement une hausse des paiements ; il conviendra de s’assurer que cette évolution sera soutenable à moyen terme. Notre attention est focalisée sur le court terme mais nous ne devons pas oublier les enjeux de long terme. Quels seront les équipements utiles à l’horizon de 2020 ou de 2030 ? Comment préparer cette nouvelle génération ? L’affectation de nos ressources au paiement des matériels se fait-elle au détriment des bureaux d’études de nos industries ?

Au final, nous allons devoir nous interroger sur la compatibilité de nos ressources avec nos ambitions opérationnelles. La priorité du quinquennat, à savoir un effort majeur au profit des équipements, a été tenue, s’inscrivant dans la continuité des initiatives antérieures. Pour autant, nous arrivons aujourd’hui à la limite de nos capacités. De surcroît, la dégradation du contexte économique et financier risque de réduire à néant des marges de manœuvre déjà très faibles. Dès lors, il me semble que nous devons, sereinement et avec responsabilité, réfléchir à nos choix capacitaires.

Dans ce contexte, d’aucuns envisagent une réduction des dépenses liées à la dissuasion. Je tiens tout d’abord à faire observer que les programmes de ce secteur se déroulent parfaitement bien, calendrier et budget étant respectés. Je veux également rappeler que la dissuasion est un ensemble complexe et cohérent : fragiliser un seul élément risquerait de remettre en cause tout le dispositif. La tentation est forte de céder à des approches simplistes consistant par exemple à supprimer une composante. Si des économies sont peut-être possibles, notamment en termes de fonctionnement, il ne faut pas croire qu’elles seront de grande ampleur et qu’elles résoudront toutes les difficultés. Sur un sujet touchant d’aussi près les intérêts vitaux de la Nation, il faut garder responsabilité et mesure. Le débat doit s’engager sur des bases saines et non sur de fausses impressions.

En conclusion, j’aimerais attirer votre attention sur la compétition internationale existant pour les calculateurs. Ces ordinateurs surpuissants contribuent directement à la crédibilité de notre dissuasion et, plus généralement, ils sont des supports déterminants pour la recherche. En novembre 2010, le calculateur français TERA était classé au sixième rang mondial. En juin 2011, il était relégué à la neuvième place, ce qui montre la vitesse d’évolution de ce secteur. Aujourd’hui le calculateur le plus puissant, qui est japonais, a des capacités plus importantes que l’addition de celles des cinq suivants. C’est un enjeu majeur pour l’avenir et il ne faudrait pas le négliger.

M. Daniel Boisserie. Le ministère de la défense devra verser 230 millions d’euros au titre des frégates de Taïwan. Que sait-on de la répartition de ce prélèvement ?

M. François Cornut-Gentille. Le ministre a indiqué qu’elle se fera en gestion, autrement dit, elle n’est pas encore déterminée.

M. Michel Voisin. Chaque année se répète le même discours selon lequel nos matériels sont obsolètes et ils voient à chaque fois leur durée de vie prolongée. Y’a-t-il une concordance entre la loi de programmation militaire (LPM) définie sur cinq ans et le plan prospectif à 30 ans qui oriente la politique de recherche et la stratégie à plus long terme ?

M. François Cornut-Gentille. Nous nous trouvons dans une phase de production de nouveaux matériels qui peut-être n’arrivent pas assez vite. Il s’agit d’un renouvellement sans précédent. Je vous transmettrai un tableau qui illustre l’accélération sans précédent des livraisons en fin de programmation. Cela supposera des efforts pour le soutien des nouveaux matériels.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Équipement des forces – dissuasion ».

Mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces : marine » (avis)

La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Marguerite Lamour, les crédits de la mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces : marine », pour 2012.

Mme Marguerite Lamour, rapporteur pour avis. L’année 2011 a été, vous le savez, une année plutôt exceptionnelle pour notre marine avec son engagement dans l’opération Harmattan qui s’achève sur un succès total de nos forces. Le chef d’état-major de la marine ayant longuement détaillé son déroulement et ses conséquences, je me contenterai d’insister sur quelques points.

Son ampleur, tout d’abord : 24 bâtiments et 5 500 marins de la Force d’action navale ont été engagés successivement. La marine n’avait pas fourni un effort de cette ampleur depuis douze ans et l’opération Trident au Kosovo – certains marins m’ont même dit depuis l’opération Mousquetaire en 1956 ! La Task Force 473 s’est d’abord organisée autour du porte-avions jusqu’à la mi-mai, puis a été renforcée par la présence d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC), soit plus de 2 500 marins déployés sur la zone. Ensuite, au milieu de l’été, avec le retour à Toulon du porte-avions, le dispositif s’est articulé autour d’un BPC, soit environ un millier de marins. La quasi-totalité des moyens dont dispose la marine a été représentée au large de la Libye, des frégates escortant le groupe aéronaval aux avions de patrouille maritime, en passant par les sous-marins nucléaires d’attaque.

La qualité des nouveaux matériels a également été démontrée. Les frégates de défense aérienne Forbin et Chevalier Paul, équipées d’un système de combat de dernière génération, ont confirmé leurs excellentes performances et prouvé leur endurance à la mer. Les nouveaux missiles de croisière SCALP ont fait preuve, au cours de leurs quinze tirs, de leur extrême précision. Le BPC, enfin, a prouvé une nouvelle fois sa remarquable adaptation et sa grande efficacité dans ce genre d’opération dirigée vers la terre, en embarquant dix-huit hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) et en accueillant l’état-major français de conduite des opérations. L’emploi d’un groupe important d’hélicoptères en opération à partir d’un BPC aura été une nouveauté et a montré toute sa puissance.

Cette opération a, enfin, démontré la qualité de l’entraînement de nos marins et leur combativité. Ils ont pu, beaucoup pour la première fois, vivre en situation de combat ce qu’ils sont habitués à faire en entraînement et exploiter pleinement le potentiel de leurs bâtiments. J’ai rencontré beaucoup d’entre eux au cours de mes déplacements à Brest et Toulon et tous m’ont dit la fierté que leur a donné – et leur donne encore – la participation à cette opération. Cet engagement dans une véritable guerre, aux objectifs définis et au service d’une cause louable, donne du sens à leur engagement et va marquer, j’en suis sûre, toute une génération de marins.

Le moral des marins est-il donc au beau fixe ? Oui, pour le moment. Dopés par le succès de cette opération, les marins sont heureux de se sentir utiles. Le soufflet risque cependant de retomber bien vite. Un marin qui navigue est un marin heureux, a-t-on coutume de dire.

Or les conséquences d’une telle opération sur l’usure et le maintien en condition opérationnelle des navires seront nombreuses et devront être évaluées dans les mois à venir. Des programmes d’entretien ont été décalés et il faudra être vigilant sur de nombreux points : la possibilité d’assurer une permanence de frégates de lutte aérienne et une permanence de frégate anti sous-marine est fragile, compte tenu du vieillissement des matériels. Surtout, la situation est très délicate en ce qui concerne la liaison logistique opérationnelle à partir des pétroliers ravitailleurs. Le vieillissement du parc ne permet plus de disposer de 100 % des capacités de chacun de ces bâtiments et des transferts de matériels lourds ont dû être effectués lors de chaque relève. C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter tout à l’heure, avec mon collègue François Cornut-Gentille, un amendement donnant les crédits nécessaires à l’engagement d’études pour les moderniser ou les remplacer.

Pour le reste, les grands programmes d’équipement de la marine engagés par la loi de programmation militaire se poursuivent : 2012 devrait voir l’admission au service actif du troisième BPC, le Dixmude, ainsi que la livraison de la première frégate multimission, l’Aquitaine, appelée à constituer l’ossature de notre marine dans les dix années qui viennent. La semaine dernière a été réceptionné à Lorient le patrouilleur hauturier l’Adroit, développé sur fonds propres par DCNS, selon une stratégie originale, qui a permis de réduire considérablement les coûts de conception et de fabrication. 2012 verra la commande de trois patrouilleurs de type supply ship destinés à effectuer des missions de sauvegarde maritime. Leur système de financement sera inédit puisque outre la défense, les douanes, l’agriculture, les transports et l’intérieur y participeront. Enfin, on peut également se réjouir de la commande d’un bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers, indispensable pour répondre au gigantisme croissant des flottes de commerce.

La marine poursuit également sa mue des métiers du soutien. Les deux bases de défense de Brest et de Toulon, que j’ai visitées, sont maintenant pleinement opérationnelles. Organisées de façon identique, Toulon – mais aussi Cherbourg, naturellement – bénéficie du retour d’expérience de la base de Brest, expérimentale depuis 2009. Je crois que l’organisation retenue, soutien spécialisé, soutien spécifique, groupement de soutien de la base de défense, donne satisfaction en termes d’efficacité opérationnelle – le succès de l’opération Harmattan en est la preuve – mais le nouveau fonctionnement n’est pas encore connu de tous. Là où avant ils disposaient d’un interlocuteur unique, le commissariat de la marine, les équipages doivent désormais s’adresser à plusieurs services. Il faudra donc encore un peu de temps pour lever toutes les inquiétudes soulevées par cette nouvelle organisation.

Les crédits de préparation et d’emploi des forces navales du programme 178 s’élèveront en 2012 à 4,209 milliards d’euros de crédits de paiement, en très légère baisse par rapport à cette année.

Les crédits d’entretien programmé du matériel s’élèveront pour 2012 à 1 714 millions d’euros en autorisation d’engagement et à 1 375 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation significative par rapport à 2011. Cette évolution résulte principalement de l’augmentation des notifications de contrats de soutien pluriannuels pour les flottes de frégates multimissions (FREMM) et de sous-marins. Il est par ailleurs important d’avoir à l’esprit que l’arrivée de matériels modernes, comme les Rafale, NH90 ou FREMM, exigent des coûts de maintenance supérieurs.

Les crédits consacrés à déconstruction des bâtiments, 9,6 millions d’euros pour 2012, traduisent la démarche engagée depuis l’épisode du Clémenceau. Le traitement de la coque Q790 est achevé et constitue désormais un exemple pour le plan d’action élaboré par la marine. Un amiral, placé auprès du chef d’état-major de la marine, est spécifiquement chargé de cette question, avec l’appui du service de soutien de la flotte. Le plan d’action prévoit l’achèvement en 2014 de la déconstruction de l’ensemble des navires retirés du service actif. À compter de cette date, elle devrait suivre la cadence des retraits du service actif des bâtiments, à l’exclusion des navires qui pourront être cédés, en limitant autant que possible la durée de stockage.

La réduction des effectifs se poursuit, suivant la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, pour que la marine atteigne le format de 44 000 militaires et civils en 2014. Parce qu’elle possède en son sein les métiers de toutes les armées, la marine a des exigences très élevées en matière de recrutement et de formation. Son attractivité reste forte et elle parvient à conserver un taux de sélection élevé, même s’il faut rester vigilant sur quelques microsecteurs, comme les atomiciens par exemple.

Enfin, je voudrais dire un mot des activités de sauvegarde maritime, qui représente aujourd’hui 28 % de l’activité de la marine et de la fonction garde-côte créée cette année. Il s’agit là d’une particularité de notre marine, qui joue ainsi un rôle central dans la gestion des crises maritimes et assure à la France une visibilité mondiale dans ce domaine.

En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous demande de donner un avis favorable à l’adoption des crédits « Marine ».

M. Gilbert Le Bris. L’engagement français en Libye est riche d’enseignements. S’il a montré que la France était globalement capable de mener une telle opération, il a également mis en lumière plusieurs carences capacitaires, y compris pour nos alliés britanniques. J’ai notamment relevé que le Royaume-Uni a des difficultés pour la maintenance de ses Tornado et peine à assurer la formation des pilotes de Typhoon. Au vu de ces éléments, quelles mesures vont être prises en France ? Le chef d’état-major de la marine dit disposer de capacités « juste suffisantes ». Mais n’est-on pas déjà trop juste ?

L’amendement sur les pétroliers-ravitailleurs m’apparaît pleinement justifié. Il doit nous inciter à prolonger la réflexion sur les autres capacités. Je pense notamment au deuxième porte-avions : ce point doit être réglé et il faut que nous disposions, au moins, d’un échéancier indiquant à quel moment la décision finale sera prise.

Mme Marguerite Lamour. L’amendement que je vous propose apporte précisément une réponse au risque de rupture capacitaire. L’opération Harmattan a montré que la marine était capable de répondre aux demandes opérationnelles, même si elle a dû pour cela annuler une partie de ses autres opérations. Le retour d’expérience de l’opération en Libye nous permettra de tirer toutes les conséquences pour le format de la flotte.

M. Nicolas Dhuicq. Je suis tout de même surpris que les puissances européennes aient tant de mal à déployer moins de trois douzaines de bâtiments ! L’action de la marine est remarquable, ses personnels s’impliquant totalement ; l’approximation n’a pas de place dans leur quotidien mais je crois que, malheureusement la marine communique moins bien que l’armée de l’air.

Les besoins maritimes vont croître, que ce soit pour mieux contrôler les flux migratoires ou pour faire face à la présence croissante de la Chine dans l’Océan indien. Comment allons-nous faire face à ces demandes sans un deuxième porte-avions ? De même, notre présence diminue dans le Pacifique alors que la Chine témoigne de son intérêt grandissant pour cette zone. L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont d’ailleurs inquiétées de notre désengagement.

Au final, il me semble que nous ne faisons pas assez pour notre marine.

M. le président Guy Teissier. L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont certes rapprochées de la France mais après avoir durablement fait preuve d’une certaine réserve à notre endroit.

M. Jean-Louis Bernard. J’ai été sensible aux propos de François Cornut-Gentille portant sur la nécessité d’un débat serein et techniquement solide autour de la dissuasion.

Dans les récents conflits, notre force nucléaire n’a pas été engagée et c’est heureux. Pourtant, à l’heure où nous devons faire des choix budgétaires, nous ne pouvons pas oublier que la dissuasion consomme près d’un quart des ressources du ministère. Le débat public se focalise beaucoup sur la sortie du nucléaire civil mais laisse totalement de côté le nucléaire militaire.

Des décisions ont déjà été prises avec la réduction d’un tiers de la composante aéroportée, avec l’évolution de notre doctrine pour envisager des frappes ciblées ou avec l’abandon de la composante terrestre.

Je crois qu’il serait utile que la Commission puisse entendre les acteurs du secteur. Ils nous apporteraient un éclairage technique indispensable à tout positionnement politique.

M. le président Guy Teissier. Je suis certain qu’un tel débat serait intéressant. Nous pourrions d’ailleurs procéder à des auditions larges réunissant par exemple des instituts de recherche. Le chef d’état-major des armées serait certainement heureux de contribuer à ces échanges.

Je relève toutefois qu’il faut se méfier de la dénucléarisation qui ne peut en aucun cas relever d’une décision unilatérale. J’ajoute que la France est exemplaire dans la réduction de son arsenal et a déjà engagé des efforts très importants ; il ne faut pas l’oublier.

Mme Michèle Alliot-Marie. Il conviendra d’associer le commissariat à l’énergie atomique à ces discussions car l’aspect technologique ne doit pas être oublié.

M. Gérard Charasse. Je souhaiterais revenir sur la déconstruction des navires que le rapporteur a évoqués. Où est-elle prévue ?

Mme Marguerite Lamour. Tout le monde rêverait d’avoir un deuxième porte-avions, ce qui assurerait une permanence à la mer du groupe aéronaval. Mais si ce choix implique de renoncer à tout le reste, je crois que même les marins y renonceraient. Serait-il pertinent de tout sacrifier pour ce seul bâtiment ? Nous avons un choix politique à faire.

La marine va progressivement renouveler sa flotte de patrouilleurs dans le Pacifique à partir de 2017. En attendant, elle va faire l’acquisition en 2012 de trois bâtiments de type supply ship qui seront déployés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française mais aussi aux Antilles.

Pour la déconstruction de la coque du Clemenceau, le ministère avait lancé un appel d’offres avec des exigences environnementales et de traitement des matières dangereuses et c’est une société anglaise qui l’a emporté. La marine procède de la même manière pour les navires restant à déconstruire aujourd’hui. Je crois que l’émergence d’une filière européenne de déconstruction civilo-militaire est importante.

De nombreux points doivent être réglés, notamment pour les navires de commerce. Durant leurs quarante années de service, ils changent en moyenne sept fois de propriétaire. Qui doit payer pour leur déconstruction finale : l’acheteur initial, le propriétaire final ou tous les propriétaires successifs ? Cette question doit être tranchée au niveau international.

M. Alain Rousset. Il me semble essentiel que nous puissions nous positionner à partir d’éléments techniques complets sur la stratégie et sur les coûts induits. L’opération en Libye constitue pour cela un important réservoir d’enseignements. Je souhaiterais notamment que nous puissions avoir une comparaison entre le coût du déploiement d’un avion à partir d’un porte-avions et lorsqu’il opère depuis une base avancée. Je rappelle que les Rafale de l’aéronavale ont une capacité d’emport deux fois moindre en raison des contraintes de l’appontage. Pour opérer des choix cohérents et justes, nous devons disposer de toutes les données.

Il faut par ailleurs reprendre notre réflexion sur l’Europe de la défense. Je trouve nos positions excessivement pessimistes. Quel rôle la France peut-elle jouer et avec quel retour ? Nous devons commencer à préparer le successeur du Rafale. Personne ne croit que nous pourrons encore avoir dans 15 ou 20 ans trois avions de chasse en Europe. Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour avancer sur la coopération européenne de défense ?

M. le président Guy Teissier. Nos forces sont aujourd’hui employées sur des théâtres plus éloignés et dans des délais de plus en plus courts. Ces exigences montrent bien l’importance des capacités de projection.

La construction européenne a reculé nos frontières nationales : nous avons désormais accès à des bases situées en Sicile ou à Chypre. Cela a grandement facilité notre engagement.

Après avoir été un ardent défenseur du deuxième porte-avions, convaincu qu’il est indispensable pour assurer une permanence à la mer, j’ai revu ma position. Compte tenu du calendrier, nous ne parviendrons pas à avoir en même temps deux porte-avions ; le second ne sera opérationnel qu’en fin de vie du Charles de Gaulle. Dès lors, faut-il faire un effort financier conséquent pour un apport opérationnel aussi mesuré ?

Sur le retour d’expérience de l’opération Harmattan, j’adhère à la proposition d’Alain Rousset. Il serait utile que nous disposions d’une telle comparaison.

M. Alain Rousset. Le problème de la projection de forces renvoie à la notion de cercle de défense et à la coordination de notre présence avec celle de nos alliés. Ne peut-on se répartir la présence militaire dans le monde ?

M. le président Guy Teissier. Cette question sera très certainement intégrée à l’actualisation du Livre blanc. J’ai d’ailleurs demandé à Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et chargé, à ce titre, de cette mise à jour, de venir nous en présenter les grandes lignes.

Mme Marguerite Lamour. Nous rêvons tous d’un deuxième porte-avions, mais pas à n’importe quel prix. Il apporte tout de même un avantage stratégique non négligeable par rapport à un déploiement à partir d’une base aérienne avancée, celui de se déplacer où il le souhaite sans demander l’autorisation à personne ! Ensuite, l’opération en Libye s’est déroulée relativement près de nos frontières, ce qui peut rendre la comparaison entre une projection depuis une base aérienne et une projection depuis le porte-avions pertinente, mais ce type d’opération n’est pas transposable à l’autre bout du monde. Enfin, je voudrais souligner que notre capacité de projection est complétée par nos BPC qui permettent à nos forces d’opérer loin et dans la durée.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Préparation et emploi des forces : marine ».

Mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces : air » (avis)

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Viollet, les crédits de la mission « Défense » : « Préparation et emploi des forces : air », pour 2012.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis. L’année 2011 aura été marquée par l’engagement de l'armée de l’air sur de nombreux fronts, au premier rang desquels l’opération Harmattan en Libye.

Cet engagement a illustré les compétences et savoir faire, mais également le « savoir être », de tous les personnels de l’armée de l’Air. Il a aussi permis d’apprécier la capacité des équipements en dotation dans les forces à répondre aux besoins de la mission.

C’est pourquoi, sans entrer dans le détail du rapport, je souhaiterais faire un survol du projet de budget 2012, à l’aune à la fois du retour d’expérience d’Harmattan, opération dimensionnante pour notre armée de l’Air, et de l’exécution de la LPM 2009-2014. Je ferai une lecture rapide des enjeux tels qu’ils me sont apparus après avoir rencontré des personnels, de tous grades mais également des différentes filières métiers, sur les bases de Solenzara, d’Istres, de Saint-Dizier, d’Avord ou encore d’Orléans, autant de bases engagées dans Harmattan.

J’aborderai en premier lieu la question des effectifs. L’armée de l’air doit perdre 15 900 ETPT sur la période 2008-2015, soit un quart de ses effectifs de 2008. Jusqu’à ce jour, elle a tenu le rythme prévu pour ces réductions. Mais l’opération Harmattan a révélé des fragilités, qui, au-delà de l'engagement total des personnels d’active, n'ont pu être dépassées qu'avec le recours à des « abonnés » ou des réservistes ainsi que la réduction momentanée de certaines activités.

Nous ne pourrons donc pas échapper à une nouvelle réflexion, avec le retour d’expérience d’Harmattan, sur le volume et la structure des effectifs de l’armée de l’air, en particulier pour certaines spécialités critiques, tels les interprètes images ou les armuriers pour lesquels des effectifs dimensionnés au temps de paix ne sont plus forcément en mesure de répondre au besoin du temps de guerre. Et cela vaut également pour les mécaniciens, les personnels des ESTA notamment, dès lors que les théâtres se multiplient ou qu'un nombre important de bases participent à une opération, ce qui est le cas d’Harmattan.

Quant à la réduction des effectifs imposée au SIAé dans le cadre de la RGPP, elle est tout simplement un non-sens, s’agissant d’un établissement fonctionnant sur un compte de commerce, qu’il convient de laisser vivre sa vie, en adaptant ses moyens à son plan de charge. Il doit équilibrer lui-même ses comptes. Il permet de surcroît, comme c’est le cas depuis sa création, de réaliser de substantielles économies sur le maintien en condition opérationnelle des équipements.

Il convient de reprendre la réflexion sur les effectifs, mais aussi de nous interroger sur la régénération du potentiel opérationnel des différentes catégories de personnel, métier par métier, spécialité par spécialité.

Rapporteur pour avis du budget air depuis 2008, j’ai eu l’habitude d’indiquer que les heures d’entraînement étaient comptées « au plus juste ». Mais la multiplication des engagements en opérations extérieures et particulièrement l’opération Harmattan ont contribué à creuser le déséquilibre entre les pilotes expérimentés, fortement sollicités, et les plus jeunes, insuffisamment aguerris pour être envoyés en OPEX et qui ne bénéficient pas des minima d’heures de vol requis pour cet aguerrissement. Cette situation pourrait devenir rapidement préoccupante si nous n’étions pas en capacité de récupérer le retard accumulé en matière de formation et d’entraînement, ce qui renvoie aux crédits et aux équipements nécessaires pour ce faire.

Je souhaite maintenant évoquer la disponibilité des équipements et plus spécialement des flottes. J’ai aussi l’habitude d’insister sur ce point, s’agissant de nos avions de transport tactique, mais cela vaut aussi pour nos avions de combat. La diversité des flottes – pas moins de 10 types différents de Mirage 2000D – et le nombre des points de déploiement compliquent le soutien. En effet, la priorité donnée à l’opérationnel crée des tensions sur les bases arrière, notamment en métropole, avec des disponibilités moindres du fait de stocks réduits de rechanges mais également du nombre limité de personnels.

En outre, ces opérations, et notamment Harmattan, entraîneront des coûts récurrents de MCO bien au-delà de 2011. N’étant pas éligibles au décret d’avance censé rembourser les surcoûts OPEX, ils devront être financés sur les crédits courants. Cela limitera du même coup les marges de manœuvre pour récupérer le retard dont je parlais pour la régénération des capacités opérationnelles.

Cela doit nous inciter à réfléchir à l’assouplissement de la prise en charge des surcoûts OPEX afin de tenir compte, de façon « glissante », des dépenses intervenant expost, notamment pour la régénération du potentiel.

Cette analyse de RETEX Harmattan renvoie à l’exécution de la LPM 2009-2014 et en particulier à l’état d’avancement des grands programmes d’équipement.

Le Rafale a fait en Libye la démonstration de sa polyvalence. L’armée de l’air et la marine reçoivent chaque année des appareils de façon à assurer la montée en puissance de leurs flottes, grâce à une gestion dynamique de ce programme. Celle-ci permet de faire face aux aléas de l’export en préservant nos intérêts nationaux, qu’il s’agisse du besoin opérationnel comme des impératifs industriels. Il nous faut manifestement poursuivre dans cette voie !

S’agissant des Mirage, grâce à l’amendement adopté l’an passé, le pod ASTAC du Mirage F1CR va être transféré sur le 2000D, ce qui permettra de conserver cette capacité pour entrer en premier. Aujourd’hui, il y a urgence à engager la rénovation mi-vie du Mirage 2000D, pour lui donner la polyvalence attendue et tendre vers la cible de 300 avions de combat polyvalents fixée par le Livre blanc.

Quant à l’aéromobilité, l’A400M devrait être admis au service en 2014 mais, en attendant, nous continuons de souffrir d’un déficit capacitaire. Si celui-ci sera atténué avec l’arrivée des Casa CN235, la courbe des pertes de compétences que j’ai présentée ici à plusieurs reprises reste critique.

Toutefois, c’est pour les ravitailleurs que la situation est la plus inquiétante. Leur commande n’a cessé d’être repoussée. L’amendement adopté l’an passé pour l’acquisition, en location-vente, de trois A330 en version cargo, susceptibles d’être ultérieurement transformés en ravitailleurs, n’a pas eu de suite. Or, une rupture capacitaire sur cette flotte vieillissante remettrait en cause toute projection de forces et même notre dissuasion aéroportée. Le ministre a décidé d’engager en 2012 les études de définition et de levée de risques pour permettre la commande en 2013. Il nous faut le soutenir en abondant les crédits d’études pour « assurer la manœuvre » et manifester notre volonté commune de voir rapidement procéder à cette acquisition en patrimonial et de gré à gré.

C’est le sens de l’amendement que nous vous présenterons dans un instant, François Cornut-Gentille et moi.

Pour les drones, les nouvelles sont plutôt bonnes. Je le dis sans aucune réserve. L’escadron 1-33 Belfort, stationné sur la base de Cognac, vole au-dessus de la Libye après avoir fait la démonstration de ses capacités en Afghanistan mais également sur des missions interministérielles, lors du G 20 notamment.

Le ministre a tranché en faveur de la proposition de Dassault Aviation pour la fourniture d’un nouveau drone MALE, fondé sur une plateforme israélienne Héron TP d’IAI. Sous réserve du bon aboutissement des discussions en cours, ce nouveau système entrerait en service début 2014. Il doit nous prémunir contre le risque de rupture capacitaire. Au-delà, il positionne favorablement notre base industrielle et technologique dans la perspective du drone MALE franco-britannique de nouvelle génération, lequel, avec la poursuite du programme nEUROn, doit nous permettre de préserver une capacité européenne dans l’aviation de combat - pilotée ou dronisée - à l’horizon 2030-2040.

Enfin, et pour m’en tenir à l’essentiel, il nous faudra réaliser rapidement l’étape 4 de modernisation de notre système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA 4), qui a fait l'objet d'un report en 2011, si nous voulons garantir le meilleur niveau de protection de notre territoire.

Tout cela pour dire que si la LPM 2009-2014 est une loi importante de production pour l’équipement de nos forces, l’armée de l’air qui avait joué le jeu en dégageant des moyens au profit de l’ensemble des forces par l’étalement des livraisons de Rafale se retrouve au final un peu piégée. Elle est obligée d’assumer seule la remontée des commandes, tout en devant différer plusieurs de ses programmes majeurs renvoyés sur la prochaine LPM.

S’agissant de mon dernier rapport pour avis sur ce budget air, je tenais à ce constat, qui se veut un peu un message à la prochaine Commission et au prochain exécutif, afin qu’ils n’oublient pas que l’armée de l’air devra faire l’objet d’une attention particulière lors de la préparation de la prochaine loi de programmation, si nous voulons qu’elle reste l’armée de premier rang qu’elle est aujourd’hui, comme elle vient de le démonter brillamment avec Harmattan.

Et dans cette attente, compte tenu de toutes les interrogations qui marquent cette année encore le projet de budget qui nous est présenté, je m’en remets à la sagesse de la Commission pour l’adoption des crédits Air pour l’année 2012.

M. Michel Grall. L’usage des drones est devenu aujourd’hui incontournable. Quarante pays sont équipés de drones de reconnaissance mais seulement trois – les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël – disposent de drones de combat. Quels sont les projets de la France en la matière ?

M. Jean-Claude Viollet. Avec mon collègue Yves Vandewalle, nous avons longuement abordé cette question dans le rapport d’information sur les drones que nous avons présenté en décembre 2009. Nous nous étions prononcés à cette occasion en faveur de leur équipement en armement. Cette capacité d’emport, en soute et sous les ailes, fait naturellement partie du cahier des charges des prochains drones MALE qui seront livrés à l’armée de l’air.

M. Philippe Vitel. Je voudrais vous interroger sur le programme Rafale : 190 ont été commandés et il en reste 80 à livrer. La capacité industrielle du constructeur est de 11 Rafale par an. Or ce constructeur serait susceptible de conclure un accord pour la livraison de 60 appareils aux Émirats arabes unis. Ma question est donc simple : est-ce qu’il pourra continuer à livrer l’armée française ? Ne risque-t-on pas rapidement une rupture capacitaire ?

M. Jean-Claude Viollet. La loi de programmation militaire avait établi le calendrier de livraison des Rafale en tenant compte des exportations. Faute d’export, on est revenus au rythme initial mais celui-ci peut encore évoluer en fonction des contrats à venir. Le rythme de 11 Rafale par an ne correspond pas à la capacité maximale de production. Il s’agit juste de la bonne adéquation entre les moyens budgétaires de l’État et le maintien des capacités de production de l’industriel.

Cette variation du rythme de livraison du Rafale en fonction des exportations met néanmoins en lumière la nécessité pour l’armée française de disposer de deux flottes d’avions de combat. Il est impératif d’engager des études pour rénover notre flotte de Mirage 2000D. Faute d’engager cette rénovation rapidement, nous risquons de voir nos capacités chuter de moitié. Inversement, disposer de deux flottes constitue une sécurité si l’une d’elle est affectée par un fait technique grave.

M. Philippe Vitel. Je partage votre avis. Si on ne s’engage pas rapidement dans cette rénovation, nous risquons de perdre la disponibilité de l’ensemble de notre flotte de Mirage 2000D.

*

Le rapporteur s’en étant remis à la sagesse de la Commission, celle-ci donne un avis favorable aux crédits du programme « Préparation et emploi des forces : air ».

*

La Commission en vient à l’examen des amendements.

Elle est d’abord saisie de l’amendement II-DF 1 de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet.

M. François Cornut-Gentille. En 2011, nous avions adopté un amendement prévoyant un système de location-vente pour trois Airbus MRT. Cette proposition a été finalement écartée car elle aurait conduit à reporter encore la signature du contrat pour les MRTT. En 2012, la levée de risque sur cette opération doit avoir lieu mais les crédits prévus semblent insuffisants. Je crois que personne ne conteste la nécessité d’avancer sur ce dossier. Nous proposons donc d’abonder les crédits inscrits pour la levée de risque de façon à éviter tout atermoiement.

M. Jean-Claude Viollet. Il s’agit bien de soutenir le ministre dans sa démarche. L’étude devrait être lancée au cours du premier trimestre pour durer toute l’année prochaine. Il serait ridicule de ne pas utiliser ce temps pour envisager toutes les options et pour traiter, dès maintenant, des matériels annexes permettant par exemple de faire du ravitailleur un système de contrôle et de commandement. Or en l’état, les crédits prévus ne permettent pas de réaliser une étude complète.

L’amendement que nous proposons est un signal fort. Il confirme par ailleurs notre attachement à un achat patrimonial pour ce type d’appareil. Je précise que les ravitailleurs étant un élément de notre dissuasion, nous pouvons éviter de soumettre ce programme aux procédures ordinaires d’appel d’offre. L’application de l’article 346 TFUE permettrait de passer un marché de gré à gré et de commander tout de suite des A330 qui ont des capacités meilleures que les Boeing.

Nous ne pouvons plus attendre : les appareils en service sont à bout de souffle. Je rappelle que la LPM prévoyait la livraison du premier MRTT en 2010 ! Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, le premier appareil sera livré en 2018 !

M. François Cornut-Gentille. En Libye, 80 % des opérations de ravitaillement ont été assurés par des avions américains ! Nous ne sommes plus en mesure d’assurer nous-mêmes notre ravitaillement.

J’ajoute que nous finançons cette mesure par une réduction des crédits dévolus à la planification des moyens et à la conduite des opérations qui incluent notre participation à l’OTAN.

M. Philippe Nauche. Je trouve que cet amendement est le bienvenu et que le gage est tout à fait justifié. L’état-major des armées a d’ailleurs indiqué qu’il évalue le coût total de notre réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN à 650 millions d’euros entre 2010 et 2015. Entre 2010 et 2011, notre participation a d’ailleurs augmenté de 14 %. N’est-ce pas raisonnable de mettre cette ligne à contribution dans la mesure où elle est la seule à progresser quand toutes les autres baissent ?

Mme Michèle Alliot-Marie. J’adhère au souhait des rapporteurs mais je suis gênée par le redéploiement des crédits qu’ils effectuent. Il faut arrêter de toujours prendre des crédits à la préparation et à l’emploi des forces ; le programme 178 est suffisamment contraint. Par ailleurs, la France ne décide pas du montant de sa contribution à l’OTAN. Réduire la ligne sera donc inopérant puisque nous devrons toujours honorer nos engagements internationaux. Avec ce gage, je crains que l’amendement ne serve finalement à rien.

M. Jean Michel. La dotation prévue pour l’OTAN n’est encore qu’une estimation. Le désengagement de l’Alliance en Afghanistan et en Libye devrait permettre de faire des économies. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter.

Mme Michèle Alliot-Marie. La contribution de la France à l’OTAN est calculée en début d’année et nous n’avons aucune prise sur son montant.

M. Jean-Claude Viollet. Nous voulons que cette étude aboutisse, que le choix du mode d’acquisition soit arrêté et que la procédure d’acquisition puisse être lancée !

La ligne budgétaire sur laquelle nous prélevons la somme concerne le transport stratégique des forces pour 196 millions d’euros, les déplacements des états-majors pour 10 millions d’euros, les relations internationales OTAN-UE pour 83 millions d’euros et l’activité et l’entretien des forces pour 15 millions d’euros. Il me semble qu’il est possible de dégager 12 millions d’euros sur cet ensemble de façon à lancer une opération désormais vitale pour nos forces.

Il faut bien avoir à l’esprit que si les Américains avaient quitté le théâtre libyen pour d’autres opérations, nous aurions été contraints de rentrer chez nous ! Sans les ravitailleurs, on ne peut mener à bien aucune opération. Nous sommes donc dans l’obligation de proposer quelque chose. Je tiens à ce que notre Commission prenne position sur ce sujet et que nous ayons ce débat avec le ministre.

M. le président Guy Teissier. Je remercie le rapporteur d’avoir apporté ces précisions sur l’origine des crédits. Je pense que cet amendement vise essentiellement à attirer l’attention du ministre sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Soisson. Cet amendement a le mérite d’ouvrir le débat et de permettre à la Commission de la défense de signaler les limites montrées par nos équipements au cours de l’opération en Libye.

Mme Michèle Alliot-Marie. Ce débat est naturellement bienvenu. Il rejoint la problématique du second porte-avions et la question de notre dépendance à l’égard d’autres puissances. Je m’interroge néanmoins sur l’opportunité de déposer un amendement qui remettrait en cause notre participation financière au budget de l’OTAN alors que nous y sommes tenus.

M. le président Guy Teissier. Le ministre décidera des suites qu’il veut donner à cet amendement.

M. Jean Michel. Je pense également qu’il appartient au ministre de prendre ses responsabilités. Les sommes en jeu paraissent tellement dérisoires par rapport aux enjeux. C’est la même question qui est posée pour le second porte-avions : allons-nous accepter d’avoir une défense à mi-temps, une armée qui ne serait pas prête à répondre certains jours ? Allons-nous revenir à l’ancienne paix de Dieu ?

La Commission adopte l’amendement n°II-DF1 puis elle examine l’amendement II-DF 2 de M. François Cornut-Gentille et Mme Marguerite Lamour

Mme Marguerite Lamour. Les deux pétroliers-ravitailleurs de la marine sont en service actif depuis près de trente ans. Le déploiement de forces à l’étranger et l’utilisation intensive du groupe aéronaval conduisent à un emploi soutenu de ces bâtiments dans des zones de combat. Ils conditionnent en effet la capacité de la marine à intervenir dans la durée et à grande distance de la métropole.

Pour éviter toute rupture capacitaire, il est nécessaire d’engager dès aujourd’hui les études pour envisager le remplacement ou la modernisation de ces navires.

De surcroît, ces bâtiments sont des monocoques, c'est-à-dire qu’ils ne sont plus conformes aux normes en vigueur. Au moindre incident, la France pourrait se voir reprocher ce point et s’expose donc à des risques forts. Nos alliés pourraient même s’opposer à ce que nous déployions ces navires dans des opérations internationales. Par ailleurs, au moindre incident, toute la flotte de ravitailleurs devra rester au port, limitant fortement la capacité d’action de la marine.

La Commission adopte l’amendement n°II-DF2.

*

Amendements examinés par la Commission

Amendement II-DF 1 présenté par MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet, rapporteurs pour avis

Article 32

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont titre 2

0

0

0

0

Préparation et emploi des forces

Dont titre 2

0

0

12 000 000

0

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2

0

0

0

0

Équipement des forces

Dont titre 2

12 000 000

0

0

0

TOTAUX

12 000 000

12 000 000

SOLDE

0

Amendement II-DF 2 présenté par M. François Cornut-Gentille et Mme Marguerite Lamour, rapporteurs pour avis

Article 32

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont titre 2

0

0

0

0

Préparation et emploi des forces

Dont titre 2

0

0

5 000 000

0

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2

0

0

0

0

Équipement des forces

Dont titre 2

5 000 000

0

0

0

TOTAUX

5000 000

5 000 000

SOLDE

0

*

* *

La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Louis Bernard, M. Daniel Boisserie, Mme Françoise Briand, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Gérard Charasse, M. François Cornut-Gentille, M. Nicolas Dhuicq, M. Jean-Pierre Dupont, M. Pierre Forgues, M. Guillaume Garot, M. Michel Grall, Mme Marguerite Lamour, Mme Marylise Lebranchu, M. Gilbert Le Bris, M. Daniel Mach, M. Alain Marty, M. Christian Ménard, M. Damien Meslot, M. Jean Michel, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. Jean-Pierre Soisson, M. Guy Teissier, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. – M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. André Gerin, M. Franck Gilard, M. Francis Hillmeyer, M. Franck Marlin, M. André Wojciechowski.