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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 6 octobre 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 02

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

– Examen du rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles (M. Gilles d’Ettore, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 6 octobre 2009

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Les membres de notre commission, monsieur le ministre, se réjouissent de vous accueillir pour la première fois.

Votre première rentrée scolaire en tant que ministre de l’éducation nationale s’est déroulée dans de bonnes conditions pour les 12 millions d’élèves et les 850 000 enseignants. Quelques sujets auraient pourtant pu la perturber : le non-renouvellement de 16 000 postes, la masterisation de la formation des enseignants, la préparation de la réforme des lycées et l’apparition de la grippe A dans plusieurs établissements.

Nous nous félicitons des réformes importantes engagées depuis deux ans, inspirées par la volonté de mettre la réussite de l’élève au cœur du dispositif. Je vous invite à nous indiquer où en sont les chantiers ouverts par votre prédécesseur et à nous présenter les réformes que vous lancez.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Je souhaite que les relations avec votre commission se caractérisent par le maximum d’échanges, d’interaction, de concertation, sur tous les sujets concernant l’éducation nationale et l’avenir de nos enfants.

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié cette responsabilité il y a trois mois et, le mois dernier, la rentrée des classes s’est déroulée dans un bon climat. Chaque rentrée est une prouesse puisqu’il faut affecter 12 millions d’élèves, placés sous la responsabilité de 857 000 enseignants et 175 000 personnels d’encadrement, dans 55 000 établissements répartis sur l’ensemble du territoire. Cette prouesse est possible grâce à l’expérience, à la compétence, au dévouement et au professionnalisme de nos équipes éducatives et de nos personnels d’encadrement.

Depuis mon arrivée rue de Grenelle, j’ai souhaité prendre le temps de la concertation, de l’écoute, du dialogue, avec les organisations syndicales, les associations de parents d’élèves et les représentants des lycéens.

Je souhaite maintenant faire le point sur l’état d’avancement des différents chantiers ouverts par mes prédécesseurs.

Premièrement, à la rentrée 2008, a été pris un ensemble cohérent de mesures pour l’école primaire, destinées à assurer la réussite de chaque élève.

Cette réforme passe en particulier par de nouveaux programmes d’enseignement, plus courts et plus précis, fixant clairement les connaissances et les compétences à acquérir, année après année. Il s’agit en fait de la déclinaison du socle commun de la loi dite « Fillon » de 2005.

Le deuxième volet de cette réforme de l’école primaire procède d’une conviction défendue par le Gouvernement : tout au long de la scolarité, il faut accorder aux élèves en difficulté la possibilité de bénéficier d’une aide personnalisée. Avec la suppression de la classe le samedi, outre que le temps de l’école a épousé le temps des familles, deux heures par semaine ont été dégagées pour un accompagnement individuel par petits groupes de quatre ou cinq élèves. Cela permet d’éviter le décrochage, dès le plus jeune âge, des enfants connaissant des difficultés notamment en lecture – c’est le cas de 15 % des élèves à l’entrée en sixième. L’année dernière, près d’un million d’élèves ont bénéficié de ce dispositif, sans compter les stages de remise à niveau que nous avons proposés aux élèves de CM1 et de CM2 pendant les vacances de printemps et à la fin des vacances d’été.

Le troisième volet concerne la mise en place d’une évaluation des acquis de tous les élèves scolarisés dans les écoles publiques et dans les écoles privées sous contrat, en français et en mathématiques, à deux moments clés : en fin de CE1 et en fin de CM2.

Nous avons également instauré des mesures d’accompagnement personnalisé au collège. Le Président de la République s’était engagé à mettre fin au phénomène des « orphelins de seize heures ». Pour ces enfants un peu livrés à eux-mêmes, issus d’un milieu modeste, dont les parents travaillent ou dont la famille est déstructurée, nous avons mis sur pied l’accompagnement éducatif, étendu à l’ensemble des collèges : 700 000 collégiens en bénéficient aujourd’hui, soit un sur trois – un sur deux dans certains départements. Nous avons étendu ce dispositif aux écoles des zones d’éducation prioritaire. Nous pensons que cela constitue une vraie réponse à l’échec scolaire. Ces élèves reçoivent du soutien scolaire mais peuvent également bénéficier d’une ouverture culturelle ou pratiquer une discipline sportive pendant les deux heures prévues.

Ma volonté est d’amplifier cette logique de personnalisation en offrant de nouveaux services aux familles.

Deuxièmement, la réforme de la voie professionnelle est une nouveauté de cette rentrée 2009. Le Gouvernement souhaite adapter au monde d’aujourd’hui cette filière, qui concerne 40 % des lycéens, soit 700 000 élèves, et à laquelle nous sommes tous très attachés. Notre pays a besoin de toutes les formes de talent, d’accomplissement, de créativité. Dans la lutte contre le décrochage scolaire, il était important de réformer le bac professionnel, afin d’élever au maximum le niveau de qualification de nos élèves et de favoriser leur insertion professionnelle. Cette réforme est aussi assortie d’un accompagnement personnalisé pour offrir des réponses adaptées aux élèves en difficulté scolaire. Nous avons prévu de créer des passerelles entre les différentes filières professionnelles, afin de reconnaître le droit à l’erreur et de permettre des bifurcations. Il s’agit de modifier l’image du système d’orientation.

Nous avons d’ailleurs engagé une réforme globale du système d’orientation, pour que l’orientation ne soit plus subie, à quatorze ans et pour la vie, mais beaucoup plus progressive, favorisant l’adhésion de l’élève et de sa famille et permettant le droit à l’erreur, avec la possibilité de corrections de trajectoire. Ainsi, un élève de seconde générale ou technologique pourra désormais rejoindre une première professionnelle et un élève de seconde ou de première professionnelle pourra rejoindre une première technologique.

Le troisième chantier ouvert par mon prédécesseur, et auquel je suis très attaché, est la masterisation de la formation des enseignants. Le Président de la République a souhaité élever le niveau de qualification des enseignants et ainsi revaloriser leur carrière. Avec Valérie Pécresse, pendant l’été, nous avons beaucoup avancé sur ce chantier difficile, qui a soulevé des inquiétudes, notamment dans le milieu universitaire. Nous avons reçu ensemble les acteurs. Nous avons aussi réactivé la commission Marois-Filâtre, qui s’était mise en sommeil, et, mi-juillet, nous l’avons laissée publier ses préconisations. Puis nous avons proposé aux partenaires, notamment syndicaux, une méthode de travail : la publication des décrets cadres fin juillet, avec notamment la prolongation d’une année de la formation des enseignants ; l’approfondissement de sujets au sein de groupes de travail, constitués début septembre, et composés de techniciens de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, ainsi que de membres de mon cabinet et des services du ministère de l’éducation nationale. Ces sujets sont au nombre de quatre : l’emplacement des concours dans le calendrier de l’année universitaire ; le contenu des épreuves ; la forme de la formation continue dans l’année suivant le recrutement ; le contenu des stages.

Cette réforme concerne également – c’était un engagement du Président de la République et j’y tiens particulièrement – l’amélioration des conditions de travail des futurs enseignants, que j’ai intégrée dans le grand chantier de la revalorisation.

J’évoquerai maintenant trois nouveaux dossiers, qui m’occuperont dans les prochains mois.

La revalorisation ne saurait être seulement financière mais cet aspect doit être pris en compte. Les statistiques internationales montrent qu’un enseignant français en début de carrière est moins bien rémunéré que ses homologues de la plupart des autres pays développés. La masterisation doit comporter une contrepartie : si la formation des enseignants est allongée d’un an, il est logique de leur allouer une rémunération supplémentaire. La semaine dernière, devant le comité technique paritaire du ministère de l’éducation nationale, j’ai donc lancé un nouveau « pacte de carrière », comportant un volet consacré à la revalorisation et un volet consacré à l’accompagnement de la gestion des ressources humaines, des personnels tout au long de leur carrière.

Sur le premier point, j’ai entamé la discussion avec les syndicats et j’ai clairement indiqué que la revalorisation des débuts de carrière ne pourrait être inférieure à une centaine d’euros, ce qui représente un effort substantiel de la part du Gouvernement, l’équivalent d’un treizième mois pour les enseignants débutants. En pleine crise économique, quelle autre administration ou entreprise propose l’équivalent d’un treizième mois à ses collaborateurs nouvellement recrutés ? Mais nous sommes très attachés à cette mesure, parce qu’elle constitue la contrepartie de la masterisation mais aussi parce que nous voulons nous engager dans une revalorisation globale des enseignants eux-mêmes, accusés de tous les maux de la société, alors qu’ils transmettent le savoir.

J’ai proposé d’autres évolutions, concernant notamment les critères d’avancement. Nous allons réfléchir à de nouvelles missions, qui seront proposées aux enseignants contre rémunération. Sur tous ces sujets, nous avons ouvert la discussion avec les syndicats, l’objectif étant d’aboutir fin janvier.

Je souhaite cependant, je le répète, que l’amélioration de la condition enseignante ne se résume pas à une série de gratifications. Mon ambition est beaucoup plus large : créer une vraie dynamique des ressources humaines de cette maison. Le conseil des ministres, la semaine dernière, a approuvé la nomination de Mme Josette Théophile, ancienne directrice des ressources humaines de la RATP, comme directrice des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale. Je souhaite qu’elle nous dote d’une véritable politique de gestion des ressources humaines, d’accompagnement des enseignants tout au long de leur vie, de propositions en matière de formation. J’ai indiqué aux organisations syndicales que je mets sur la table le droit individuel à la formation, déjà en vigueur dans le reste de la fonction publique mais pas dans l’éducation nationale.

Le chantier de la revalorisation comporte donc un aspect financier – le Président de la République a toujours dit qu’il est favorable à ce que les fonctionnaires soient moins nombreux mais mieux rémunérés – et un aspect ressources humaines, car l’éducation nationale, depuis des années, a laissé ses enseignants trop seuls.

Le deuxième dossier est celui de la réforme des lycées. Ouvert par mon prédécesseur, il a fait l’objet d’un grand débat national, sous la conduite de Richard Descoings, qui avait été mandaté par le Gouvernement pour procéder à de nombreuses consultations. Nous avons besoin d’adapter le lycée au monde d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de tout déconstruire, de casser ce qui marche – le lycée est un lieu où s’acquièrent les savoirs, une étape importante vers le baccalauréat, premier grade de l’enseignement supérieur –, mais qui peut encore affirmer que l’ascenseur social fonctionne au lycée ? Qui peut accepter que 50 % des étudiants à l’université ratent leur première année ? Qui peut soutenir que le lycée n’a pas sa part dans cet échec ? Qui peut affirmer que l’orientation au lycée fonctionne ?

J’ai souhaité partir des préconisations du rapport Descoings. Au début de l’été, j’ai donc demandé aux différents partenaires du ministère – syndicats enseignants, fédérations de parents d’élèves, associations lycéennes –, de me soumettre des recommandations sur cette base. Nous avons centralisé ces préconisations fin août et, depuis, nous avons rencontré à plusieurs reprises les différentes organisations, ce qui nous permet aujourd’hui d’être prêts à présenter la réforme du lycée. Le Président de la République a souhaité s’impliquer dans cette démarche et nous devrions être en mesure de présenter au cours d’octobre les grandes orientations de cette réforme, que nous proposerons aux enseignants, aux familles et aux jeunes. Nous souhaitons qu’elle apporte davantage de justice et d’équité, afin d’éviter les décrochages et les sorties du système éducatif sans qualification, afin que le lycée prépare mieux à l’enseignement supérieur. Nous souhaitons faire davantage confiance aux lycéens et les responsabiliser. Nous souhaitons que le lycée reste une filière d’excellence pour ceux qui ont la capacité d’accéder aux meilleures filières de formation supérieure.

Au cœur de tous ces sujets, le Gouvernement a tenu à prendre à bras-le-corps le chantier transversal de l’orientation. Nous y travaillons au niveau interministériel, avec Valérie Pécresse et Martin Hirsch. Nous partageons certaines compétences avec d’autres ministères mais d’autres compétences sont de notre responsabilité exclusive, en particulier l’affectation des élèves. L’orientation a en effet trois composantes : la bonne information des élèves ; leur affectation dans des séries offrant des débouchés ; l’insertion professionnelle. L’éducation nationale partage la responsabilité de l’information avec, notamment, l’ONISEP, l’Office national d'information sur les enseignements et les professions. Nous souhaitons que l’expérimentation du site d’Amiens, doté d’une plateforme multimédias, soit généralisée à l’ensemble du territoire. Dans le cadre de la réforme du lycée, je proposerai des dispositions pour fluidifier le système d’orientation, afin de passer d’une orientation subie à une orientation choisie, réversible et beaucoup plus progressive qu’aujourd’hui.

Après le temps de l’école pour tous, engagement majeur des dernières années, le Gouvernement souhaite relever le défi de la réussite de chaque élève. Nous devons sortir d’un système qui laisse sortir chaque année 120 000 jeunes sans qualification, sans diplôme. La réussite de chaque élève, c’est l’excellence pour les meilleurs, ceux qui se destinent aux grandes écoles et aux carrières universitaires, mais aussi, pour les autres, la préparation à un métier ou à une formation supérieure. Je suis très attaché au caractère national de ce ministère, avec des programmes nationaux, des diplômes nationaux, des recrutements nationaux, mais nous devons aussi nous adapter à la situation particulière de chaque établissement et de chaque enfant. C’est ainsi que nous pourrons trouver une solution pour chaque élève à la fin de l’enseignement secondaire.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Sur ces chantiers de la revalorisation, de l’orientation ou de la réforme des lycées, nous serons heureux de réfléchir à vos côtés.

Mme Martine Martinel. Vous avez mis en avant la hausse de 1,4 % de votre budget, vous présentez comme le pourfendeur de l’échec scolaire et du décrochage, vous affirmez que l’aide personnalisée est pour vous essentielle, mais vous oubliez de parler des 16 000 postes supprimés au budget 2010, soit 30 000 postes en deux ans. Comment prôner un enseignement personnalisé et une revalorisation du métier d’enseignant tout en supprimant autant de postes ? Il me semble que les enseignants sont les meilleurs médiateurs du savoir et ceux qui sont les plus proches des élèves.

Vous avez aussi déclaré : « Il faut sortir du faux débat sur les moyens. La politique éducative ne se résume pas à l’idéologie socialiste du “toujours plus” ». Proposer une vision aussi caricaturale de ceux qui, au-delà des rangs socialistes, s’interrogent sur le devenir de l’école publique et de l’éducation nationale, relève de la malhonnêteté intellectuelle. Chacun sait qu’il faut des moyens mais aussi et surtout une vraie réflexion, menée dans la concertation, sur les savoirs, l’évolution du public scolaire et le métier d’enseignant.

Vous avez évoqué différentes rencontres, que nous ignorions, mais que proposez-vous concrètement ? Avec M. Hirsch, vous avez mis en avant une solution expérimentale pour lutter contre le décrochage scolaire en lycée professionnel, illustrée dans Libération par la formule : « sécher moins pour gagner plus ». Croyez-vous réellement qu’un rapport mercantile entre la classe et son établissement améliorera l’implication du jeune dans sa vie scolaire ? Croyez-vous que la transmission d’un savoir passe par l’attribution d’une « cagnotte », terme que j’ai relevé ?

Vous nous proposez peu de moyens et il me semble que vous vous contentez de reprendre à votre compte, à bas bruit, des chantiers ouverts plus bruyamment par votre prédécesseur.

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’indique à mes collègues que Mme Martinel pourra s’exprimer un peu plus longtemps, car elle le fait au nom de son groupe. Ce sera aussi le cas de M. Reiss et de Mme Amiable pour leur groupe respectif.

Mme Martine Martinel. Pourquoi avoir supprimé les IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, alors que 90 % de leurs étudiants étaient déjà titulaires d’un master ? Demain, les enseignants arriveront sur le terrain sans réelle formation.

Vous avez aussi évoqué la réforme tant annoncée des lycées. Je suis déçue que la mission d’information conduite par M. Benoist Apparu, à laquelle nous sommes nombreux à avoir participé, semble être passée aux oubliettes.

La semaine de quatre jours ne fait pas l’unanimité. Avez-vous prévu de l’évaluer dans un bilan d’étape, avec l’avis des enseignants, des responsables d’établissement, des parents et des élèves ?

Vous avez annoncé l’optimisation des remplacements des professeurs absents et vous avez chargé le directeur administratif et financier du ministère d’émettre des propositions. Quand celles-ci seront-elles connues ? De quelle nature seront-elles ?

Puisque vous dites regretter que les enseignants soient « accusés de tous les maux », que comptez-vous faire, par exemple, en faveur des enseignants sanctionnés pour leur opposition au fichier « base élèves » ? Ne serait-il pas intelligent d’apaiser les conflits, de lever les sanctions et d’ouvrir le débat ?

Vous avez repris la réforme du CNED, le Centre national d’enseignement à distance, amorcée par M. Darcos. L’audit du CNED est-il toujours d’actualité ? Aura-t-il des suites ? Lesquelles ?

Des milliers d’AVS et d’EVS – auxiliaires de vie scolaire et emplois en vie scolaire – sont arrivés cette année au terme de leur contrat de six ans et beaucoup d’élèves se retrouveront dépourvus d’accompagnement. Un amendement a été voté à votre initiative, le 2 juillet dernier, sur ce sujet. Dans quel délai comptez-vous publier la circulaire d’application qui permettrait aux élèves concernés de poursuivre correctement leur scolarité ?

Pouvez-vous sortir de votre réserve pour rassurer la communauté des parlementaires, la communauté scolaire et la communauté des parents ?

M. Frédéric Reiss. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, mais j’enfoncerai le clou planté par Mme Martinel. Après avoir rencontré M. Descoings, la mission d’information sur le lycée a proposé des mesures intéressantes, figurant dans le rapport de M. Apparu, qu’il conviendrait de ne pas oublier. Le chantier du grand service public de l’orientation sera l’une des réponses à apporter pour améliorer les parcours des lycéens.

Vous mettez en parallèle revalorisation et masterisation. Les IUFM sont maintenant intégrés à l’université mais il me tient à cœur que les stages en situation soient bien effectués en situation, sur le terrain, avec des tuteurs.

S’agissant de la revalorisation, le rôle des chefs d’établissement des collèges et des lycées, qui supportent des responsabilités énormes, doit être clairement identifié. Il faut évaluer les établissements, pas seulement en mesurant le taux de passage au lycée pour les collèges ou le taux de passage à l’université pour les lycées, mais également à travers d’autres indicateurs.

La réussite du plus grand nombre était l’objectif de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, adoptée en 2005. Des outils existent pour les élèves en difficulté, avec les deux heures récupérées le samedi matin, les aides personnalisées à l’école et au collège, le soutien durant les petites et grandes vacances. En ce qui concerne les enfants handicapés, jamais l’éducation nationale n’a fait autant, mais il est important aujourd’hui de pérenniser les AVS, détenteurs d’un savoir-faire précieux. Là encore, les choses vont dans la bonne direction.

L’ampleur de la grève de novembre 2008, organisée autour des thèmes de la suppression de l’école maternelle et des RASED – les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté –, m’avait surpris. Il n’est pas du tout dans l’intention du ministère de supprimer l’école maternelle, d’un niveau excellent et que beaucoup de pays nous envient ; il faudra au contraire la consolider. Quant aux RASED, sur les 3 000 suppressions prévues, seuls 1 500 postes ont été supprimés ; en la matière aussi, il faudra trouver des solutions pour que les rééducateurs puissent œuvrer dans de bonnes conditions. J’ai le sentiment que des CLIS – classes d’intégration scolaire – ferment. Est-ce propre à ma région ? Ces classes, qui n’ont que douze élèves, requièrent des moyens, mais elles sont importantes pour des enfants en très grande difficulté scolaire. Nous nous grandirons si l’éducation nationale offre des conditions de travail acceptables à ces enfants.

M. Marie-Hélène Amiable. Après avoir annoncé la masterisation, vous nous informez aujourd’hui de la mise en place de groupes de travail. Il aurait été préférable de procéder à la concertation avant d’annoncer la réforme. Les inquiétudes sont de plusieurs natures. Tout d’abord, la réforme des IUFM n’a-t-elle pas pour seul objet de réduire les coûts du service public de l’éducation ? Quelque 18 200 postes d’enseignants stagiaires seraient supprimés à cette occasion.

D’autre part, les professeurs des écoles en formation continue étaient jusqu’à présent remplacés par les stagiaires en formation initiale. Qui les remplacera dorénavant ? Les enseignants seront-ils toujours formés sur leur temps de travail ? Selon quelles modalités ?

Quels sont vos projets exacts concernant les conseillers d’orientation psychologues ? Alors que le Président de la République affirme vouloir créer un service public de l’orientation, 600 postes de titulaires ont été supprimés depuis 2005.

Nous avons bien compris que la scolarisation des enfants de moins de trois ans n’est plus une priorité de l’éducation nationale puisque le taux en est tombé de 21,3 % en 2007-2008 à 18,4 % en 2008-2009. Visiblement, la priorité est désormais aux jardins d’éveil, payants pour les familles. Mais la scolarisation des enfants de moins de trois ans vivant dans les quartiers défavorisés reste-t-elle une priorité ?

Plus généralement, avez-vous une stratégie en matière d’éducation prioritaire ?

Un an après la mise en œuvre de la semaine de quatre jours, le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale en a pointé les inconvénients : fatigue des enfants ; réduction du temps de dialogue entre les parents et les enseignants ; surtout, resserrement et densification de l’emploi du temps. Une évaluation sérieuse est-elle prévue ? Comptez-vous rouvrir des discussions ou bien la question est-elle réglée, quels que soient les bénéfices pour les enfants ?

Le premier bilan de l’aide personnalisée montre que les enfants les plus en difficulté n’en bénéficient pas. L’inspection générale de l’éducation nationale, dans son rapport, explique qu’elle donne un coup de pouce aux enfants ayant de petites faiblesses mais qu’elle ne convient pas à ceux qui rencontrent de très grosses difficultés. Que proposez-vous pour ces derniers, alors que la fin des RASED est programmée ?

S’agissant des lycées professionnels, la presse s’est fait l’écho de ce que des élèves seraient sans affectation. Tous ces jeunes ont-ils été affectés ? Sinon, combien d’entre eux restent en attente ?

La future réforme des lycées a suscité une forte opposition. Quelles propositions alternatives par rapport au texte précédent formulez-vous aujourd’hui ?

M. le ministre. Si l’augmentation des moyens suffisait à régler les problèmes auxquels doit faire face l’Éducation nationale, cela se saurait, madame Martinel. Le « toujours plus » a-t-il permis d’éviter les sorties du système scolaire sans qualification ? Non.

Dans le projet de loi de finances pour 2010, qui a été approuvé par le conseil des ministres la semaine dernière, le budget de l’éducation nationale reste le premier budget de l’État, avec 60 milliards d’euros, et il croît de 1,6 %, contre 1,2 % pour le budget de l’État.

La France continue à investir dans l’éducation nationale plus d’un point de PIB de plus que la moyenne des pays développés membres de l’OCDE.

Donc, les moyens existent.

Le chef de l’État n’a pris personne « à rebours » lorsqu’il a demandé au Gouvernement d’appliquer la politique consistant à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, puisqu’il avait annoncé cette volonté pendant sa campagne présidentielle. Dans l’Éducation nationale, où cela se traduit, en cette rentrée, par 16 000 postes de moins, je rappelle que cette politique est réalisée à taux d’encadrement constant, c’est-à-dire qu’il reste le même nombre d’élèves devant les professeurs.

La moitié des économies réalisées par ce non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux sert à revaloriser la rémunération des enseignants, conformément au souhait du Président de la République.

Cette politique sert, ensuite, à offrir de nouveaux services aux élèves et aux familles : accompagnement éducatif en collège – qui concerne 700 000 collégiens –, aide personnalisée dans le primaire, réforme du lycée professionnel, tous dispositifs qui répondent à la nécessité pour l’école de faire davantage pour les élèves qui connaissent des difficultés dans leur parcours et risquent de décrocher.

Le Gouvernement a, en effet, déclaré la guerre au décrochage scolaire. Il est scandaleux que 120 000 jeunes sortent, chaque année, du système scolaire sans rien et soient laissés au bord du chemin sans que personne s’en occupe.

Pour combattre ce phénomène, nous travaillons, en premier lieu, sur de grandes réformes structurelles : amélioration du système d’orientation prévoyant, parce que nous reconnaissons le droit à l’erreur, des passerelles et des corrections de trajectoire ; réforme de la voie professionnelle dans l’objectif de mener plus de 50 % d’élèves aux bacs « pro » – alors que, jusqu’à présent, 50 % des élèves qui s’engagent dans cette filière s’arrêtent au BEP.

Nous menons, en second lieu, une multitude d’expérimentations car je considère que, concernant le décrochage scolaire, nous n’avons pas tout essayé.

Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, a lancé, au printemps dernier, avec plusieurs membres du Gouvernement, un appel à projets auprès des acteurs de terrain qui luttent contre le décrochage scolaire. Quand 80 % des élèves ne viennent plus en classe dans certains lycées professionnels, le moment est venu de se retrousser les manches pour essayer de trouver des solutions. Le Gouvernement a décidé de tester plusieurs expérimentations. Celle de l’académie de Créteil, à laquelle vous faites référence, en fait partie. Elle a été imaginée par des acteurs locaux et non au 110, rue de Grenelle.

Elle a été à mon sens mal présentée car il s’agit, non de donner de l’argent aux élèves – ce qui est inimaginable et ce contre quoi je me serais insurgé –, mais d’accompagner, un peu sur le mode de la bourse au mérite, un projet collectif. Parler de marchandisation relève de l’hypocrisie car cette expérimentation s’inscrit dans le même esprit que la création des coopératives scolaires ou que l’éducation prioritaire, qui consiste à mettre davantage de moyens dans des endroits où il y a davantage de besoins. Elle sera menée dans trois établissements, sur les 4 000 lycées professionnels existant en France, et est assortie, pour répondre à des interrogations et à des inquiétudes qui ont été exprimées, de deux garanties : j’ai demandé au recteur, premièrement, de recevoir les familles et les représentants des personnels pour leur donner les précisions que je viens de vous fournir et, deuxièmement, de créer un comité de suivi pour encadrer et suivre le déroulement de cette expérimentation.

Les IUFM ne sont pas supprimés. Ils sont, conformément aux dispositions de la loi de 2005, dont le rapporteur était M. Reiss, intégrés aux universités. Ce sont elles qui assureront dorénavant la formation des maîtres, la durée de celle-ci étant allongée d’un an.

Concernant la réforme des lycées, j’aurais en effet dû citer mon collègue Benoist Apparu, compte tenu du travail qu’il a réalisé et auquel nombre d’entre vous avez participé. Son rapport a été examiné avec beaucoup d’intérêt et vous retrouverez un certain nombre de ses préconisations dans le projet de réforme du lycée.

Le Gouvernement n’a pas imposé la semaine de quatre jours. Il a simplement décidé de supprimer la classe le samedi matin. Il laisse aux conseils d’école et aux communes le soin de fixer l’organisation du temps de travail à l’école. Dans 96 % des cas, c’est une organisation sur quatre jours qui a été choisie. Mais les écoles sont libres de revenir sur cette décision. La ville de Toulouse, par exemple, a préféré réorganiser le temps de travail sur quatre jours et demi. C’est une liberté que nous laissons au plus près du terrain. Il est important que les élus et les parents d’élèves soient consultés sur ce point. Cela étant, selon une enquête d’opinion que nous avons réalisée il y a quelques jours, 75 % des familles sont favorables à la suppression de la classe du samedi matin et 58 % préfèrent la semaine de quatre jours à une répartition du temps de travail sur quatre jours et demi.

L’organisation du remplacement des enseignants est un sujet qui me tient à cœur car je pense qu’on peut l’améliorer sensiblement. C’est une demande, non seulement des parents d’élèves, mais également des enseignants. Mon prédécesseur avait évoqué la création d’une agence du remplacement. J’ai lu dans la presse que j’avais reculé sur ce sujet. Pour reculer, il faut avoir avancé. Or ce n’était pas le cas puisqu’il ne s’agissait que d’une proposition.

Elle partait d’une idée intéressante, qui est d’améliorer l’existant en matière de remplacement. J’ai demandé au directeur administratif et financier du ministère, M. Michel Dellacasagrande, de me faire des préconisations sur le sujet : il s’agit d’assouplir le dispositif actuel, qui est un véritable carcan, afin de prendre en compte les situations locales. Il n’est pas question de gérer depuis la rue de Grenelle l’ensemble des remplacements dans chaque académie de France. M. Dellacasagrande devant me remettre ses préconisations dans les prochaines semaines, et je souhaite pouvoir vous faire des propositions sur ce sujet avant la fin de l’année.

L’existence du CNED n’est pas remise en cause. Nous allons, au contraire, en avoir grandement besoin.

Le Centre va être modernisé grâce aux nouveaux outils à notre disposition. Un pas très important a été franchi avec l’ouverture de l’Académie en ligne qui a permis, pour la première fois, cet été, aux élèves issus de milieux modestes de disposer de cours en ligne au lieu de devoir acheter les cahiers de devoirs de vacances proposés par de grands éditeurs bien connus. C’est un autre effort en leur faveur. Les carnets de l’Éducation nationale sont maintenant disponibles gratuitement. C’est le service public de l’Éducation. Nous étendrons progressivement la mise en ligne de ces cours.

Pour le travail que je vais réaliser sur le numérique avec la diffusion de matériels mais aussi de techniques pédagogiques, nous allons avoir besoin de contenus pédagogiques beaucoup plus importants qu’aujourd’hui. Le CNED sera la cheville ouvrière de cette entreprise.

Le Gouvernement a fait de l’accueil des enfants handicapés à l’école une priorité : lors de cette rentrée scolaire, 185 000 enfants handicapés ont été accueillis dans les écoles de France, soit 10 000 de plus que l’année dernière, 40 % de plus qu’en 2005 au moment du vote de la loi sur le handicap, et le double du nombre d’enfants accueillis il y a dix ans. Un effort important est réalisé par la collectivité publique dans son ensemble.

Deux moyens permettent d’améliorer cet accueil.

Le premier est l’ouverture de nouvelles classes spécialisées dans le primaire et le secondaire. Une centaine de CLIS sont créées chaque année – et nous ne levons pas le pied –, et 200 unités pédagogiques l’ont été lors de cette rentrée.

Le second moyen est la pérennisation des personnels d’accompagnement. Nous avons pris à cet égard des mesures sans précédent. Le Premier ministre a tenu à pérenniser les contrats aidés qui arrivaient à terme à la fin de l’année scolaire 2008-2009. Saisi par un certain nombre d’entre vous de la situation difficile dans laquelle se trouvaient certains auxiliaires de vie scolaire AVS-i qui accompagnaient notamment des enfants atteints de handicaps particulièrement lourds, pour lesquels il y a une nécessité de continuité – je pense, notamment, aux enfants autistes pour qui l’AVS-i fait un peu partie de la famille –, et qui ne pouvaient pas juridiquement postuler à un renouvellement de leur contrat, nous avons mis en place un dispositif – que vous avez adopté en juillet dernier par le biais d’un amendement – qui permet le portage par les associations d’enfants handicapés. Avant la rentrée scolaire, j’ai signé avec trois grandes associations d’enfants handicapés une convention qui permet de couvrir l’ensemble du territoire et donc d’assurer la mise en œuvre de ce dispositif. D’autres associations m’ont fait part depuis de leur souhait de signer également cette convention. J’ai adressé aujourd’hui aux inspecteurs d’académie une circulaire qui permet de rendre le dispositif effectif.

En plus des 17 000 postes pérennisés par le Premier ministre, j’ai décidé la création de 5 000 postes d’AVS-i en cette rentrée. Cela porte le nombre de ces emplois à 22 000, ce qui représente un effort sans précédent.

Ces précisions répondent aux questions de M. Reiss sur le sujet.

Dès mon arrivée au ministère, j’ai été très vigilant quant à l’organisation des stages dans le cadre de la masterisation.

Les futurs enseignants en formation auront deux fois 108 heures de stages de pratique ou d’application qui se dérouleront bien, monsieur Reiss, sur le terrain, où ils seront confrontés à la réalité de leur futur métier. Ce n’est pas simple à organiser. Nous sommes en train d’y travailler dans le cadre des groupes techniques que j’ai évoqués.

Nous avons prévu, dans notre dispositif global de revalorisation, un volet concernant les chefs d’établissement, monsieur Reiss.

L’allongement de la durée de formation des enseignants d’une année, madame Amiable, est un signal fort adressé à ceux qui sont chargés de transmettre le savoir, surtout en période de crise. En investissant dans la formation des maîtres pour leur permettre de s’adapter au monde d’aujourd’hui et aux nouvelles techniques de formation, le Gouvernement indique clairement qu’il mise sur l’éducation et la formation des enfants.

Nous avons consacré des sommes très importantes à l’éducation prioritaire.

Le Président de la République a réuni récemment les ministres concernés par le plan Espoir banlieues de Fadela Amara, qui comprend de nombreuses initiatives. Le Gouvernement consacre un milliard d’euros de façon spécifique, en plus des dotations normales.

J’ai eu l’occasion de visiter pendant l’été différents établissements scolaires membres du réseau Ambition Réussite, qui propose des partenariats entre premier degré et second degré.

J’ai inauguré avec Valérie Pécresse le premier internat d’excellence à Sourdun, au mois de septembre. Ce projet très ambitieux a pour objectif de permettre à des élèves issus de milieux défavorisés et venant souvent de zones difficiles de se retrouver dans des internats destinés à les porter au meilleur niveau et à les préparer à l’enseignement supérieur. J’espère pouvoir réaliser une dizaine de ces internats pour la rentrée 2011 et en ouvrir quatre à la prochaine rentrée.

Je vous encourage, madame Amiable, à lire le rapport de l’inspection générale de l’Éducation nationale dans son ensemble, et pas seulement les quelques lignes qui peuvent laisser penser qu’on n’y adhère pas à la réforme de la semaine des quatre jours. Vous y trouverez beaucoup d’encouragements à persévérer dans cette voie et à accompagner la réforme de la scolarité primaire, notamment grâce à l’accompagnement personnalisé.

Nous n’avons pas supprimé les RASED. En cette rentrée, aux côtés de 8 000 RASED tels qu’ils étaient conçus précédemment, 1 500 RASED ont été affectés directement dans les établissements. Nous avons souhaité les « sédentariser » pour qu’ils soient au plus près des difficultés rencontrées par les enfants.

L’aide personnalisée ne se substitue pas à l’accompagnement des enfants qui ont le plus de difficultés. Elle vient en plus. Nous maintenons nos dispositifs d’accompagnement pour ces élèves, qui ont besoin d’un accompagnement spécifique du type RASED. Pour les élèves qui ne présentent pas de pathologie particulière mais qui sont sur le point de décrocher, nous proposons une aide personnalisée, afin qu’ils ne soient pas handicapés par la suite car un élève qui ne maîtrise pas les fondamentaux à l’entrée en sixième a peu de chance de s’en sortir dans le secondaire.

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Vous avez inauguré, monsieur le ministre, avec votre collègue, ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, la brigade de sécurité scolaire à Aulnay-sous-Bois, à la suite des incidents survenus à Gagny. Vous avez décidé d’embaucher 500 personnes pour faire vivre ces unités mobiles.

Pouvez-vous nous expliquer ce dispositif ? Quels liens aura-t-il avec les forces de police, le personnel enseignant et les collectivités locales, dans le cadre des contrats locaux de sécurité ?

Mme Colette Langlade. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les informations que vous nous avez données concernant l’affectation des élèves et leur orientation.

Je souhaite vous interroger sur deux points qui me paraissent primordiaux car, dans l’Éducation nationale, le cœur du métier, c’est l’élève : l’avenir des AVS et la prise en charge des élèves handicapés ; l’enseignement des langues régionales.

De nombreux élus, de tous bords, se sont fait l’écho des inquiétudes suscitées par la suppression de postes d’AVS lors de la rentrée scolaire 2009. Le service rendu par ces personnes dans l’accompagnement des élèves handicapés est reconnu par l’ensemble de la communauté éducative et des familles. Le non-renouvellement, en dépit du principe posé par la loi de 2005, de certains contrats a empêché un grand nombre d’enfants d’aller à l’école cette année. Qu’envisagez-vous de faire pour remédier à cette situation ?

Une sensibilisation très importante aux langues régionales est effectuée dans les écoles primaires, les collèges et les lycées, avec un suivi pédagogique réel entre ces différentes structures et un développement des savoirs et des compétences. Or on manque de professeurs. Dans l’académie de Bordeaux, par exemple, où a pourtant été signée une convention historique entre le recteur d’académie et le président du conseil régional, le problème n’est pas de trouver des élèves désirant apprendre l’occitan, mais d’avoir suffisamment de professeurs compétents pour le leur enseigner. Pensez-vous mieux doter les heures d’enseignement des langues régionales de manière à le faire passer du statut d’enseignement facultatif à celui d’enseignement obligatoire ?

M. Marc Bernier. Ma question concerne le programme d’équipement numérique des écoles rurales, destiné aux communes de moins de 2 000 habitants et mis en place dans le cadre du plan de relance.

Ce plan, pourtant très attendu, pose un réel problème. Quand le projet a été lancé, les écoles privées sous contrat ne savaient pas si elles pouvaient en bénéficier. Dans mon département, l’enveloppe prévue au départ et annoncée par Patrick Devedjian a été consommée très rapidement et beaucoup de demandes n’ont pu être satisfaites. Qu’en est-il aujourd’hui ? Votre prédécesseur, M. Xavier Darcos, que j’ai souvent interrogé à ce sujet, m’avait assuré qu’il y avait équité entre les deux systèmes d’éducation mais on voit bien, sur le terrain, que l’enveloppe ne suffit pas.

Mme Monique Boulestin. Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur deux questions que vous avez déjà abordées.

Ma première question concerne le sens de l’école pour les élèves apparemment les moins concernés, ou les moins impliqués. Votre ministère a affirmé, il y a peu de temps, qu’il était indispensable « de lutter contre les habitudes de grignotage du temps installé avec les sorties scolaires et les interventions extérieures ». Et vous avez décidé de « limiter les agréments et les autorisations ». D’un autre côté, vous souhaitez créer de nouvelles récompenses liées à l’assiduité des élèves. Ces dispositions relèvent pour nous exclusivement des projets pédagogiques et ne peuvent en aucun cas récompenser une quelconque assiduité. D’où notre refus d’une telle philosophie qui ne prend pas en compte la construction des individus et surtout leur capacité à devenir des citoyens responsables.

Ma seconde question concerne les bacs « pro ». Vous avez rappelé que 700 000 élèves, représentant 40 % des lycéens, s’orientent chaque année vers cette filière. Vous avez souhaité réformer ce bac pour améliorer leur insertion professionnelle. Nous souhaiterions qu’au-delà des mesures que vous venez de nous annoncer, soient mises en place d’autres passerelles permettant des corrections de trajectoire et, surtout, une plus grande fluidité des parcours entre les CAP et les BTS afin de tenir compte du fait que les rythmes d’acquisition sont très différents d’une personne à l’autre. La finalité du bac pro est l’insertion professionnelle. Or, à ce jour, 15 à 20 % seulement des meilleurs lycéens peuvent espérer poursuivre en enseignement supérieur, notamment en BTS. Comme vous l’avez souligné à plusieurs reprises, compte tenu de l’évolution de notre société et des métiers, nous avons besoin de salariés qualifiés. Quelles mesures pouvez-vous proposer pour améliorer l’entrée des « bacs pro » dans les classes de techniciens supérieurs ?

M. Jacques Grosperrin. Nous avons beaucoup apprécié, monsieur le ministre, que vous ayez dit, lors du comité technique paritaire ministériel du 1er octobre, que le ministère de l’Éducation nationale était le ministère de l’humain. Ce rappel est de nature à rassurer les enseignants. Mes deux questions concernent justement des humains.

La première a trait aux enseignants. Ils exercent un métier difficile et exigeant, auquel on accède par un concours qu’il n’est pas facile de réussir. Or, ils souffrent souvent d’un manque de reconnaissance. Vous avez annoncé une revalorisation financière. Elle est importante car les enseignants qui ont réussi le concours qu’on appelle le PLC2 touchent 1 200 euros par mois, ce qui est vraiment peu. Mais ils sont également en attente d’une reconnaissance morale. On parle souvent des enseignants au moment des grèves ou lorsqu’ils refusent d’encadrer des enfants pendant les vacances scolaires. Or la plupart font très bien leur travail et ont des exigences très fortes vis-à-vis des élèves.

Ne serait-il intéressant de mener une campagne de sensibilisation en faveur de ce très beau métier, comme cela a pu être fait pour d’autres types de professions ?

Lorsque des enseignants veulent changer de métier, ils se heurtent à des difficultés importantes. En théorie, il existe des passerelles mais, dans la pratique, elles ne sont pas toujours effectives.

Ma seconde question concerne les chefs d’établissement du secondaire, dont beaucoup souhaiteraient disposer d’une autonomie administrative, à l’instar de celle qui existe dans l’université. Ils éprouvent parfois des difficultés du fait qu’ils sont en même temps collègues et chefs d’établissement. Peut-être une autonomie administrative leur permettrait-elle d’engager des projets, et favoriserait-elle entre les différents types d’établissement une saine concurrence qui aboutirait à un meilleur encadrement des élèves.

M. le ministre. Mme Ceccaldi-Raynaud m’a interrogé sur les équipes mobiles de sécurité. Pour répondre à la volonté du Président de la République de sanctuariser les établissements scolaires, nous mettons en place un plan ambitieux pour la sécurité à l’école, qui comprend trois volets. Le premier consiste à établir des diagnostics établissement par établissement et à procéder aux investissements nécessaires, dans des équipements de vidéoprotection ou des sas par exemple. Le deuxième concerne la formation du personnel d’encadrement à la gestion des situations de crise. Le ministre de l’intérieur et moi avons signé à cet effet une convention entre l’École supérieure de l’éducation nationale et l’Institut des hautes études de sécurité intérieure. Il est très important que nos agents soient préparés à ce type de situations, dans le cadre de leur formation initiale mais aussi continue, et nous avons donc élaboré un programme d’enseignement que nous généraliserons à tous nos personnels d’encadrement. La mise en place des équipes mobiles constitue enfin le troisième volet. Ces équipes sont rattachées au recteur, j’insiste sur ce point, et composées de gens issus pour moitié de l’éducation nationale et pour moitié d’autres professions – d’anciens gendarmes, policiers ou militaires par exemple. La première, que nous avons installée hier à Créteil, est placée sous l’autorité d’un ancien commissaire de police, mais ce n’est pas une règle générale. Ces équipes sont chargées de faire de la prévention en amont – beaucoup de chefs d’établissements estiment que des crises auraient pu être évitées avec ce genre de travail – et d’intervenir directement dans les établissements en cas de crise. Elles pourront être amenées aussi, par exemple, à surveiller des bâtiments. C’est un outil nouveau. Cinq cents postes ont été créés pour la rentrée 2009, ce qui représente vingt à cinquante personnes dans chaque académie.

À Mme Langlade, qui a évoqué les auxiliaires de vie scolaire, je dois répéter qu’il n’y a absolument pas de suppressions de postes : nous avons pérennisé les 17 000 existants et en avons créé 5 000 supplémentaires. En revanche, elle a raison pour ce qui concerne la précarité de leur statut. Aucun de ceux qui ont créé des emplois aidés depuis quinze ans n’ont pris les mesures de formation et d’insertion professionnelle nécessaires. J’ai donc chargé une mission commune aux inspections générales de l’éducation nationale et des affaires sociales de réfléchir aux perspectives d’insertion de ces emplois aidés dans l’éducation nationale – par une préparation aux concours internes par exemple. Par ailleurs, je travaille aussi avec Nadine Morano à la création de véritables filières autour des métiers liés au handicap. C’est un secteur très porteur et nous commençons à disposer de gens expérimentés – un auxiliaire de vie scolaire individuel qui a été renouvelé deux fois, par exemple, a acquis des compétences. Ces emplois précaires pourraient ainsi servir à créer une filière.

Enfin, pour ce qui est des langues régionales, il n’est en aucune manière question d’en généraliser l’enseignement ou de le rendre obligatoire.

M. Bernier a évoqué l’équipement numérique des écoles rurales. Dans le cadre du plan de relance, nous avons en effet prévu d’équiper cinq mille écoles au moyen d’un pack global comprenant un tableau blanc interactif, une salle de classe mobile, le raccordement en haut débit pour l’ensemble des postes ou l’accès à des ressources pédagogiques par exemple. Pour l’instant, nous sommes quelque peu victimes de notre succès. Vingt millions d’euros ont déjà été versés pour les premières écoles, dont autant d’écoles publiques que d’écoles privées. Une deuxième phase de cinquante millions va être mobilisée très rapidement, qui fera elle aussi l’objet d’une répartition « classique » entre public et privé.

Mme Boulestin se dit choquée du lien fait entre l’assiduité et un dispositif de bourse. Je l’encourage fortement à relire M. Maurin, qui n’est pas particulièrement proche de l’UMP et dont les théories nous ont inspirés. Notre projet n’est nullement contradictoire avec la notion de mérite et avec les valeurs républicaines de notre école, pas plus, je le répète, que le fait de prévoir des moyens et des mesures particuliers dans des zones d’éduction prioritaire. Quant au bac professionnel – et cela me permettra aussi de répondre à Mme Amiable – nous comptons aujourd’hui 700 000 élèves en lycée professionnel ; 2 900 élèves sont sans affectation ou en recherche de contrat d’apprentissage. C’est moins qu’à la même période de l’année dernière – on ne peut donc pas attribuer ces difficultés à la réforme du lycée professionnel – mais ce n’est pas satisfaisant. Nous travaillons aux moyens de faciliter la correction des trajectoires et d’améliorer l’orientation en amont, afin qu’au même endroit les demandes des élèves et les formations proposées soient en adéquation. Ce travail a été engagé dans le cadre de la réforme du bac professionnel, avec une réduction du nombre de filières. On peut aller plus loin. C’est un sujet que je souhaite aborder dans le cadre de la réforme du lycée général.

M. Grosperrin m’a interrogé sur le défaut de reconnaissance des enseignants. C’est un problème dont je suis conscient depuis longtemps, en tant que maire et parent d’élève, et c’est précisément pour y remédier que je lance un grand chantier en matière de gestion des ressources humaines. Ce problème n’est en effet pas seulement financier. Mieux accompagner les enseignants tout au long de leur carrière, leur proposer des formations, tant pour leur métier que pour leur ouvrir de nouvelles perspectives, leur proposer aussi de nouvelles carrières, ailleurs, sont de nature à mieux valoriser leur métier. Quant à l’autonomie des établissements scolaires, c’est une piste intéressante à laquelle nous devons travailler. Elle a soulevé de nombreux débats dans le cadre de la préparation de la réforme du lycée, et nous essayerons d’y répondre dans ce cadre.

M. Alain Marc. J’ai travaillé avec Xavier Breton sur les évaluations qui ont montré, de façon très réductrice, une baisse de niveau entre 1987, 1997 et 2007 et je sais combien l’école primaire est importante : si l’enfant y acquiert de bonnes bases, il saura se débrouiller dans n’importe quel lycée. Ce qui soulève la question de la formation des maîtres. Or, les deux fois 108 heures de stage prévues ne me semblent pas suffisantes. Les étudiants qui réussissent le concours de professeur des écoles, pour la plupart de niveau bac + 5, devraient suivre plus de stages pratiques. Une des solutions, mais qui pose problème du point de vue du statut de la fonction publique, serait de mettre en place un prérecrutement à bac + 2 ou bac + 3 : les étudiants suivraient ensuite des stages jusqu’à l’obtention du master. Ils seraient ainsi à la fois beaucoup mieux formés sur le terrain et sûrs de leur vocation, et cela permettrait d’éviter le problème de ceux qui, une fois parvenus à bac + 5, ratent le concours et ne savent plus quoi faire de leur diplôme acquis dans certaines filières, comme psycho ou socio par exemple. Une autre idée, plus facile à mettre en œuvre, consisterait à accorder un bonus, au concours, à ceux qui ont suivi des stages.

Par ailleurs, la nouvelle autonomie des universités a fait passer les IUFM sous leur égide. Or, pour prendre mon département en exemple, on n’enseigne pas en Aveyron comme à Toulouse. Lorsqu’on sort de l’IUFM en Aveyron, on doit savoir gérer des classes uniques. Ce n’est pas exactement la même formation. Il me semble donc important que le ministère demande aux universités de conserver l’implantation départementale des IUFM.

Mme Marie-Odile Bouillé. J’aimerais savoir ce qu’il va advenir du service public d’orientation : quelle place pour les centres d’information et d’orientation actuels ? Quelle organisation territoriale ? Quels rapports avec le monde du travail ? Par ailleurs, monsieur le ministre, qui avez parlé de votre ministère comme de celui de l’humain, vous savez que, pour « construire » un enfant, il faut, outre un enseignement des matières fondamentales, du sport et de l’éducation artistique et culturelle – et cela de la maternelle à l’université. Vos prédécesseurs ont proposé un grand nombre de mesures diverses et variées, pour en arriver à quelques heures d’histoire de l’art dans l’ensemble du cursus. C’est très bien, mais certainement pas suffisant. Il est très important que tous les enfants soient, tout au long de leur scolarité, mis en contact avec les œuvres contemporaines et le patrimoine.

M. Xavier Breton. Pour ce qui est des auxiliaires de vie scolaire, un dispositif a certes été mis en œuvre au niveau national mais il existe encore des situations de blocage locales, comme dans mon département de l’Ain. Pour ce qui est des rythmes scolaires, nous assistons à une généralisation de la semaine de quatre jours. Les adultes en sont satisfaits, mais est-ce réellement dans l’intérêt de l’enfant ? Et dans le cas contraire, serions-nous prêts à œuvrer à un retour à une semaine de quatre jours et demi ? Enfin, les évaluations qui sont menées dans les classes de CE1 et de CM2, mis à part certaines objections quelque peu idéologiques et d’autres liées au rodage du dispositif, qui n’en est qu’à sa première année, ne soulèvent finalement que peu de réticences. Reste malgré tout la question de savoir s’il s’agit, pour le CM2, d’un diagnostic ou d’un bilan. Il y a une ambiguïté entre l’utilité individuelle de cette évaluation pour l’élève et ce qu’elle fera apparaître au plan national sur l’évolution du niveau, ambiguïté qui se retrouve dans le calendrier, le choix du mois de janvier ayant soulevé la polémique. Il faut donc clarifier les objectifs de cette évaluation.

M. Michel Ménard. La rentrée s’est bien passée, c’est vrai, du moins aussi bien que possible avec les moyens dont disposent les établissements et grâce au sens de l’innovation et de l’adaptation de la communauté éducative. Mais les situations tendues se multiplient, avec des non-remplacements de plus en plus problématiques, des absences prolongées, des classes surchargées. Je ne doute pas que vous vouliez vraiment la réussite des élèves, mais vous vous heurtez au dogme du non-remplacement d’un enseignant sur deux. Cela vous amène à adapter les projets aux moyens : on commence par diminuer le nombre d’enseignants pour ensuite se débrouiller avec ce qui reste, alors qu’il faudrait fixer d’abord les objectifs et en déduire les moyens nécessaires. Il ne s’agit pas de vouloir une inflation systématique des postes de fonctionnaires, mais de répondre aux besoins. Pour ce qui est des postes RASED, il semble qu’il n’en disparaisse que 1 500 au lieu de 3 000, mais comptez-vous perpétuer ces diminutions à l’avenir ? Et pour ce qui est des auxiliaires et des emplois de vie scolaire, j’ai du mal à y voir clair : fin juin, 32 000 personnes arrivaient en fin de contrat mais vous parlez de pérenniser les 17 000 postes existants… Ne faites-vous pas comme M. Darcos qui, lorsqu’on l’interrogeait sur le sujet, répondait sur les seuls AVS ? Quoi qu’il en soit, quel est le nombre de postes pourvus et de postes maintenus ? Et avec quels engagements en matière de suivi, de formation et de professionnalisation ? Je suis tout à fait favorable à la création d’une filière consacrée à l’accompagnement des enfants handicapés, qui remplacerait avantageusement des emplois aidés qui ne peuvent devenir pérennes bien que leurs titulaires fassent preuve de professionnalisme et se soient formés.

M. Gérard Gaudron. Hier, après que vous avez installé la première brigade de sécurité dans ma circonscription, monsieur le ministre, nous avons continué à discuter avec les jeunes, qui se demandaient en particulier qui commandait et qui déclenchait l’arrivée de ces brigades. Il faudra veiller à la communication sur ce point, et aussi préciser qu’elles ne sont pas composées que d’anciens militaires ou policiers. Dans la brigade d’hier, il y avait aussi une psychologue !

M. Dominique Le Mèner. Dans le cadre de l’avis sur les crédits de l’enseignement scolaire dont je suis chargé, je me suis penché sur le problème de la revalorisation du métier d’enseignant. Vaste question, et délicate, surtout si cette revalorisation est présentée comme la contrepartie du non-renouvellement des postes. Beaucoup de mesures financières ont été proposées : prime d’entrée dans la carrière, prêt à taux zéro pour l’achat de la résidence principale, avancements de grade, revalorisation des rémunérations pour travaux supplémentaires, comme la correction des copies du bac et les évaluations dans le primaire… Bref, au total plusieurs centaines de millions d’euros depuis deux ans pour les premier et second cycles. Mais que penseriez-vous, en outre, dans le premier degré, d’une prime d’équipement et de documentation versée aux débutants pour l’achat de logiciels et de livres ? Les écoles sont en effet moins bien dotées dans ce domaine que les collèges et lycées. Par ailleurs, compte tenu du contexte budgétaire particulièrement difficile, il faut examiner toutes les mesures de revalorisation autres que financières. Comment, par exemple, améliorer les mouvements intra- et inter-académiques ? Ne pourrait-on par ailleurs, sachant que les jeunes enseignants occupent 60 % des postes en zone prioritaire, leur assurer l’appui pédagogique de maîtres expérimentés qui, en contrepartie, verraient moduler leur service d’enseignement ? Enfin, il est essentiel pour l’amélioration des conditions de travail des enseignants de trouver une solution au problème du statut du personnel contractuel, de droit public ou privé, qui les assiste pour la vie scolaire, la direction des écoles et l’accompagnement des élèves handicapés.

M. Patrick Roy. En découvrant notre nouveau ministre de l’éducation nationale, je forme le vœu que son bilan soit moins désastreux que celui de ses prédécesseurs – et, en tout cas, qu’il évite de prétendre qu’on fera mieux avec moins de moyens et qu’il essaye de revenir sur cette véritable catastrophe qu’est la semaine de quatre jours.

Ma première question porte sur le salaire des enseignants du primaire. Bien que le Président de la République défende le « travailler plus pour gagner plus », dans le primaire, les enseignants travaillent beaucoup pour rien. Ils accomplissent, parce qu’ils croient en leur métier, de nombreuses heures qui ne sont pas payées. Allez-vous enfin prendre en compte ce travail bénévole ? Par ailleurs, notre pays compte de nombreuses écoles où se trouve de l’amiante. Or, le désamiantage est une opération extrêmement coûteuse, souvent inenvisageable pour les communes. Les maires ont donc le choix entre fermer l’école et continuer à envoyer les enfants courir les risques que l’on connaît… Envisagez-vous un plan d’aide ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Tout d’abord bravo, et merci, monsieur le ministre, pour l’effort accompli en faveur de l’accueil des enfants handicapés. La suppression des cours le samedi au collège résultera-t-elle de dispositions nationales ou la question sera-t-elle réglée établissement par établissement, ce qui peut donner lieu à des solutions différentes dans un périmètre géographique restreint ? Quant à la réforme des lycées, confirmez-vous l’échéance de la rentrée 2010 ? Pouvez-vous nous dire un mot sur la réorganisation des filières ou l’apprentissage des langues vivantes ?

Mme Martine Faure. La réussite de chacun se décide très tôt, dès la maternelle – cette maternelle qu’on nous envie et qui a largement fait ses preuves. Quelle est votre position sur l’accueil des enfants dès deux ans et sur le renforcement des moyens de l’école maternelle, qui pourrait ainsi encore s’améliorer ?

M. Jean-Philippe Maurer. Tout d’abord, le président du conseil général du Bas-Rhin vient de recevoir un courrier des services de l’État lui demandant de contribuer à hauteur de 330 000 euros au fonctionnement de l’IUFM de Strasbourg. S’agirait-il d’un étonnant nouveau transfert de charges ? Par ailleurs, ma circonscription compte trois collèges « ambition réussite » – des établissements qui sont en grande difficulté depuis dix ou quinze ans. Les moyens qui leur sont accordés sont importants, mais justement : les dispositifs s’additionnent aux dispositifs. Il faut tout remettre à plat, et se demander si ce modèle peut vraiment fonctionner ou s’il faut raisonner autrement. Si ces collèges sont encore les trois derniers collèges « abition-réussite » du département dans dix ou quinze ans, imaginez la désespérance dans ces quartiers ! Et la rénovation urbaine engagée à l’aide de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) se fracassera sur un échec scolaire massif, profond et durable.

M. le ministre. M. Marc a évoqué, ainsi que M. Breton d’ailleurs, le sujet de l’évaluation en primaire. Elle a trois objectifs : indiquer précisément au professeur le niveau de chaque élève, ce qui lui permet le cas échéant de redresser la barre avant que les difficultés ne s’accumulent ; disposer d’outils de pilotage précis et identiques partout sur le territoire et, enfin, permettre au grand public de connaître les performances de notre école – c’est pourquoi les résultats sont publiés de manière anonyme. M. Marc a aussi soulevé la question des stages, un sujet très complexe qui nécessitera encore beaucoup de travail dans les prochaines semaines. L’allongement d’un an de la formation doit permettre de faire davantage de stages sur le terrain. Dans le dispositif que nous proposons, le volume global des heures de stages – deux fois 108 heures plus le tiers du temps de la première année d’exercice du métier – dépasse ce qu’il est aujourd’hui. Quant aux élèves qui rateraient le concours, ils peuvent continuer leurs études dans le master, ce qui leur évitera de perdre une ou deux années d’études.

Mme Bouillé m’a d’abord interrogé sur le service public de l’orientation – c’est-à-dire, plus précisément, sur la première phase de l’orientation : l’information. Il existe dans ce domaine une multitude d’acteurs, publics, parapublics et privés. Nous devons parvenir à les coordonner et à organiser le système. Pour cela, il faut maintenir le lien de l’éducation nationale avec l’ONISEP – la première étant l’acteur unique de la deuxième phase, l’affectation des élèves, doit avoir son mot à dire ; le second a développé des outils de grande qualité – mais aussi, de l’autre côté, son lien avec le monde professionnel. Martin Hirsch, Valérie Pecresse, Laurent Wauquiez et moi travaillons à cette organisation, afin que les familles ne se trouvent plus face à cinquante acteurs qui font à peu près la même chose.

Quant à l’éducation culturelle, un tiers des 700 000 élèves qui bénéficient de l’accompagnement éducatif, de 16 à 18 heures, au collège, profitent d’un éveil à des projets culturels. Nous avons aussi généralisé en cette rentrée l’enseignement de l’histoire des arts au collège – à ne pas confondre avec l’histoire de l’art. Il s’agit de replacer des points du programme dans leur perspective historique – de parler du rapport de la géométrie à l’environnement de l’époque lorsqu’on étudie le théorème de Pythagore, par exemple. Cette discipline fera l’objet d’une épreuve du brevet, facultative cette année scolaire et obligatoire l’année scolaire suivante. Enfin, j’ai été très sensible à toutes les suggestions, émises dans le cadre de la préparation de la réforme, pour faire entrer la culture au lycée. Nous ferons un certain nombre de propositions en ce sens.

M. Breton a rappelé l’existence de situations de blocage concernant les auxiliaires de vie scolaire. Je ne nie pas ces difficultés locales : nous avons essayé de régler le problème au niveau national, avec l’amendement que vous avez adopté en juillet et les conventions que j’ai signées avant la rentrée, mais il faut un certain temps avant que le recrutement soit effectif dans chaque établissement. Toutes ces situations seront examinées par mes services – l’inspection d’académie est mobilisée sur le cas qu’a évoqué M. Breton – qui y répondront du mieux possible. Quant à la question du rythme scolaire, il me semble important de laisser le choix à la communauté éducative. Si certains considèrent que c’est mieux pour l’enfant, ils peuvent revenir à la situation précédente. Je précise à ce propos que nous avons allégé les programmes pour tenir compte des deux heures consacrées à l’aide personnalisée aux élèves en difficulté : nous n’avons pas cherché à faire rentrer 24 heures dans 22 !

M. Ménard m’a interrogé sur les écarts de chiffres concernant les postes d’auxiliaire de vie scolaire. Je pense qu’il s’agit, d’un côté, des contrats et, de l’autre, des équivalents temps plein, mais je dois vérifier. Il a aussi parlé de dogmatisme. Au contraire, nous sommes imprégnés de pragmatisme ! Il y a certes eu 16 000 suppressions de postes pour cette rentrée, mais nous avons aussi donné des moyens supplémentaires aux zones géographiques ou aux établissements qui en avaient besoin. Nous avons créé 500 postes en primaire et 600 dans les zones d’éducation prioritaire. Nous ne taillons pas à la hache dans les effectifs : le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne nous empêche pas de nous adapter aux besoins des établissements.

M. Gaudron se demande qui déclenche l’intervention des équipes mobiles de sécurité : cela peut être le recteur, sous l’autorité duquel elles sont placées, ou alors le chef d’établissement, pour traiter une situation de crise particulière. Et j’ai été, comme M. Gaudron, très frappé par la qualité de ces équipes et par la diversité de leur composition : un ancien principal d’éducation, une ancienne enseignante d’éducation physique, une psychologue… C’est de l’équilibre entre leurs compétences en matière de sécurité – la gestion des situations de crise nécessitant le recours à des techniques particulières – et leur connaissance du milieu scolaire que naîtra l’efficacité de ces équipes.

M. Le Mèner a proposé un certain nombre de pistes pour la revalorisation du métier d’enseignant. Je suis prêt à toutes les examiner, en rappelant que de nombreuses mesures existent déjà, comme la prime d’installation de 1 500 euros. Je suis notamment ouvert à ses propositions concernant les perspectives d’évolution et l’appui pédagogique, qui correspondent à notre idée d’ouvrir aux enseignants la possibilité d’une deuxième carrière et de leur confier de nouvelles missions.

À M. Roy, je dois rappeler que le temps de service des enseignants du premier degré est de vingt-six heures, au cours desquelles ils effectuent un certain nombre de missions. Nous avons tenu à ce que les deux heures d’aide personnalisée y soient incluses. Nous avons créé des rémunérations liées à des missions nouvelles, telle une prime de 400 euros pour les enseignants qui réalisent l’évaluation en primaire. Quant à l’amiante, je rappelle que vous avez décentralisé la gestion des établissements scolaires. C’est aux collectivités locales de gérer ces situations, certes difficiles et douloureuses, qui sont de leur compétence directe.

Pour ce qui est de la suppression des cours du samedi matin au collège, évoquée par M. Gaultier, il n’y aura pas d’instruction générale. C’est à chaque établissement de prendre sa décision. Laissons les équipes éducatives s’entendre avec les départements, chargés des transports scolaires, et avec les communes, chargées des activités périscolaires. Quant à la réforme du lycée, qui sera une réforme globale, et non limitée à la classe de seconde, elle connaîtra une montée en puissance progressive mais commencera dès la rentrée 2010. L’apprentissage des langues vivantes en sera un point important.

Mme Faure a souhaité l’accueil des enfants à l’école dès deux ans. Je dis ici tout mon attachement à l’école maternelle – et je rappelle aussi que, dans le programme d’une certaine candidate à l’élection présidentielle, l’école devait être obligatoire de trois ans, jusqu’à seize ! En la matière, notre position est pragmatique : certaines régions de France ont de forts besoins d’accueil à deux ans et des moyens sont mobilisés en conséquence, mais il n’y a pas de généralisation. Le seuil de principe reste à l’année des trois ans, la scolarité n’étant obligatoire en France, je le rappelle, qu’à partir de six ans.

Enfin, si le conseil général du Bas-Rhin s’est vu demander, comme l’a dit M. Maurer, de financer l’IUFM de Strabourg, c’est qu’ils ont un inspecteur d’académie d’une rare efficacité ! Plus sérieusement, je vais examiner ce qui me semble être un dysfonctionnement. Quant aux collèges « ambition réussite », le sujet est compliqué. Le Président de la République est très vigilant pour tout ce qui touche à la politique de la ville ou au plan Espoir banlieues de Fadela Amara par exemple, et il est clair qu’il faudra bien un jour une évaluation de tous les dispositifs en place. J’ai demandé pour ma part une évaluation de l’assouplissement de la carte scolaire, évaluation que je vous communiquerai dès que possible, pour savoir ce qu’elle a changé depuis deux ans dans les zones d’éducation prioritaire et si elle a pu déghettoïser les établissements et donner un nouvel espoir aux familles.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir consacré plus de deux heures, ce qui a permis des échanges particulièrement intéressants. Le chantier est important et vous avez pu constater la volonté de notre commission de participer à la réflexion.

*

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen du rapport d’information de M. Gilles d’Ettore en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles.

Mme la présidente Michèle Tabarot. L’ordre du jour de nos travaux appelle l’examen du rapport de la mission d’information sur l’optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles. Je rappelle que cette mission a été créée le 21 juillet dernier pour répondre à la demande du Président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, tendant à rassembler des propositions sur ce thème. Je remercie le président-rapporteur, M. Gilles d’Ettore, et les députés membres de la mission d’avoir travaillé vite et d’avoir mené de nombreuses auditions dans un laps de temps très bref. Outre son président-rapporteur, la mission était composée de Mmes Geneviève Levy, Monique Boulestin et Martine Martinel et de MM. Xavier Breton, Bernard Depierre, Gérard Gaudron et Pascal Deguilhem. M. le président-rapporteur, nous vous écoutons avec beaucoup de plaisir.

M. Gilles d’Ettore, président-rapporteur de la mission d’information. Eu égard à la chaleur de cette salle et à la longue audition du ministre de l’éducation nationale, M. Luc Chatel, je serai bref et synthétique.

Je tiens, tout d’abord, à remercier mes collègues membres de la mission et particulièrement MM. Xavier Breton et Pascal Deguilhem et Mme Martine Martinel pour leur participation aux travaux de la mission.

Vu le délai imparti et pour ne pas se disperser, la mission a choisi de centrer ses travaux sur le seul champ des affaires culturelles, en focalisant son attention sur le patrimoine. De ce fait, le rapport d’information de la mission a pour sous-titre : « La valorisation du patrimoine : un enjeu majeur pour la France ». C’est avec cet esprit qu’a été abordée la question de l’avis conforme des architectes des bâtiments de France sur lequel je reviendrai ultérieurement. Mais la mission a été au-delà en entendant près d’une vingtaine d’acteurs du domaine culturel.

Le rapport analyse les structures du ministère de la culture et de la communication. Depuis cinquante ans, le nombre de directions du ministère a augmenté considérablement, au fur et à mesure du développement des nouvelles technologies et de l’accroissement des compétences du ministère. Dix directions se sont additionnées les unes aux autres sans qu’aucune politique de rationalisation ne soit jamais mise en œuvre. Une réforme stratégique est en cours. Elle devrait aboutir, a priori, le 1er janvier prochain : le ministère devrait être réorganisé en trois directions générales et un secrétariat général chargé de la cohérence de l’ensemble. Sans que ce soit encore officiel, les trois directions générales devraient être : la direction générale des patrimoines, la direction générale de la création artistique et la direction générale des médias et des industries culturelles. La direction des médias rejoindrait le ministère et ne dépendrait donc plus des services du Premier ministre. La dénomination du ministère « de la culture et de la communication » prendrait alors tout son sens.

Cette nouvelle architecture du ministère lui permettra de se concentrer sur ses missions et d’être moins impliqué dans l’action territoriale. S’agissant des opérateurs, soixante-quatre  établissements publics, dont diverses écoles d’architecture, sont chargés de déployer cette action. Une réorganisation de ces structures est aussi prévue afin de mieux rationaliser et mutualiser leurs moyens. La Cour des comptes a, en effet, appelé l’attention du ministère sur les risques de dérive en matière de personnel, citant l’exemple du Louvre qui a opéré 378 recrutements en deux ou trois ans, justifiés en partie par l’amplification des horaires d’accueil du public et par ses nouvelles missions. Les délégations de compétences aux établissements publics devraient permettre au ministère de se concentrer sur ses missions essentielles.

Le rapport de la mission évoque également la question des organismes consultatifs. Il en existe encore beaucoup qui ne se réunissent pas ou très peu et dont la fonction semble dépassée. Le ministère de la culture et de la communication doit poursuivre ses efforts de rationalisation.

Il importe que tous ces axes de transformation du ministère soient suivis par la commission des affaires culturelles et de l’éducation car la réforme n’en est qu’à ses débuts. Le ministre a confirmé à la mission qu’il était très impliqué. Sont attendus des résultats probants de rationalisation et d’optimisation des coûts.

S’agissant de la politique du patrimoine, la mission d’information propose, en plus de l’action du ministère de la culture et de la communication, la création d’une agence de moyens, à laquelle le ministre ne semble pas encore acquis. Alors qu’il existe un Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour le cinéma et un Centre national du livre (CNL) pour le livre – dont les comités sélectionnent des projets qu’ils soutiennent –, dans le domaine du patrimoine, il n’existe pas d’organisme équivalent. Pourtant, cela confèrerait plus de clarté à la politique patrimoniale.

La mission d’information a interrogé le ministre pour connaître ses priorités dans le domaine patrimonial : s’agit-il d’un nouvel équipement parisien ? D’une politique en faveur de tous les monuments répartis sur l’ensemble du territoire ? D’une politique ciblée de conservation des bâtiments du siècle dernier ou d’autres époques, comme le Moyen-Âge ? N’ayant pas, à ce jour, défini ses priorités, le ministre pourrait, en la matière, recevoir le concours de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ; cette dernière pourrait l’aider à déterminer s’il convient de poursuivre l’actuelle politique patrimoniale centrée sur les grands équipements parisiens – de la pyramide du Louvre au musée du Quai Branly – ou s’il est préférable de déplacer le curseur vers la province. Le ministre, qui est un homme de culture et qui incarne parfaitement l’idéal du ministre de la culture et de la communication, doit pouvoir donner l’impulsion nécessaire aux réformes.

Dans le rapport de la mission, un lien est enfin établi entre le patrimoine et le tourisme. La France dispose d’une réelle richesse patrimoniale. De plus en plus de monuments sont aujourd’hui inscrits et classés mais la question de leur valorisation est posée. L’expérience du Centre des monuments nationaux (CMN) qui gère 96 monuments historiques, de l’Arc de triomphe au Mont-Saint-Michel, est exemplaire à cet égard. Le CMN obtient un équilibre comptable grâce à une gestion en réseau de ses monuments : 6 monuments bénéficiaires permettent de compenser les déficits des 90 autres. L’expérience montre a contrario les risques qu’encourerait une décentralisation généralisée du patrimoine national. Il faut veiller à ne pas déséquilibrer l’ensemble. Les collectivités territoriales ont tendance à vouloir récupérer des sites patrimoniaux et des monuments bénéficiaires. Or il est important de conserver un réseau national et de développer des organismes comme le CMN.

Le patrimoine et le tourisme doivent être mis en relation. Le ministre de la culture et de la communication en est convenu devant la mission. Il s’est engagé à travailler avec M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. L’exemple des aéroports de Paris qui n’offrent aucune incitation à visiter notre patrimoine national montre qu’il existe encore beaucoup d’actions de communication à mener.

Pour maîtriser la dépense publique en matière de patrimoine, il me semble important de développer une réelle politique du mécénat. De vrais professionnels sont nécessaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que le CMN s’est doté d’une équipe de professionnels chargés de susciter et de rechercher des actions de mécénat auprès des entreprises et des particuliers.

La conservation du patrimoine n’a de sens que s’il est valorisé. En effet, il ne suffit plus aujourd’hui de le conserver, au risque de le fossiliser. Les actuels dispositifs de défiscalisation et de mécénat en faveur du patrimoine, qui représentent des sommes importantes, ne poursuivent qu’un but : l’ouverture des monuments au public. Or cette seule condition, qui n’est pas toujours respectée, est trop limitée. La mission d’information estime qu’il faut aller plus loin et susciter des mises en réseau des monuments, à l’exemple des paradores possédés par l’État espagnol. L’objectif est que le touriste, notamment étranger, puisse trouver, au cours de sa visite, un patrimoine vivant qui lui permette de se restaurer et de se loger. En France, le patrimoine n’est souvent destiné qu’à la visite. Or si le touriste doit effectuer plusieurs kilomètres entre le site visité et le lieu où il pourra se restaurer et dormir, il abandonne.

Quelques mots sur les architectes des bâtiments de France. Il sont très compétents mais ne sont justement pas formés à l’adaptation des bâtiments à de nouvelles formes d’accueil – au bénéfice des personnes handicapées, par exemple – ou aux exigences de l’environnement. Ils refusent ainsi de donner un avis conforme à l’installation de panneaux solaires dans de nombreuses zones de protection du patrimoine urbain et paysage (ZPPAUP). Pourtant on ne doit pas opposer conservation et valorisation. Rappelons que le Centre des monuments nationaux a mené une étude sur les retombées économiques du Mont-Saint-Michel. Elles sont très positives en termes de commerce, d’entreprises et de métiers d’art.

L’expérience de la ville de Nîmes est également instructive. Un organisme, « Culturespaces », une filiale du groupe Suez, s’y est vu confier, par une délégation de service public comportant des obligations d’investissement, la gestion des arènes et de la Maison Carrée. Les retombées commerciales, comme en termes de fréquentation, sont excellentes. Il ne faut donc pas exclure les délégations de service public à des entreprises privées, sur le modèle de « Culturespaces » à Nîmes, à condition qu’il y ait évidemment un cahier des charges précis.

Sur la politique de gratuité, la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) a montré qu’elle ne constituait pas une fin en soi, même si elle permettait, par exemple, aux jeunes de moins de vingt-six ans d’accéder aux musées. Une politique tarifaire mieux ciblée, en faveur des familles notamment, ou une politique de « pack » seraient plus efficaces. Le Centre des monuments nationaux conduit une telle politique : ses visiteurs peuvent acquérir un ticket leur offrant un accès à plusieurs sites sur plusieurs jours ; incités à découvrir différents parcours, leur visite a ainsi de meilleures retombées économiques.

Il s’agit d’autant de pistes à creuser et le ministre nous a assuré qu’il était sur la même ligne : patrimoine et tourisme doivent être liés sur tout le territoire. Les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication doivent changer d’état d’esprit à ce sujet ; ils ne doivent pas s’occuper uniquement de conservation et d’archéologie. C’est une politique dynamique qu’ils doivent développer, notamment en période de crise économique.

Le rapport aborde bien entendu la question de l’avis conforme ou simple des architectes des bâtiments de France, laquelle préoccupe nombre de députés, mais sans arrêter de solution définitive. Le Sénat a refusé de remettre en cause le dispositif des avis conformes. Pour ses défenseurs, l’État doit assurer un rôle de gardien du temple et garder la mainmise sur le patrimoine. À l’opposé, ceux qui le récusent rappellent le sentiment de trahison qu’éprouvent les maires des communes comportant des zones de protection du patrimoine urbain et paysager (ZPPAUP), par rapport aux contrats de départ : ces zones sont des contrats entre les maires et l’État et il n’est, du coup, pas normal qu’en fin de parcours une seule des deux parties en présence décide. Le rapport rappelle les termes du débat mais estime qu’il convient, avant de trancher, d’attendre les conclusions de la mission ministérielle sur l’avenir des ZPPAUP créée par le ministre de la culture et de la communication et composée notamment de trois députés, dont moi-même, et de trois sénateurs.

Les ZPPAUP ont été crées en 1983, au début de la décentralisation. Depuis vingt-six ans, elles fonctionnent sur le même modèle ; dès lors, se pose la question de leur évolution, au-delà même du débat sur l’avis conforme des architectes des bâtiments de France. Les conclusions de la mission ministérielle devraient l’aborder et faire l’objet d’un consensus politique, comme l’a souligné le ministre, pour régler au passage le problème du rôle des architectes des bâtiments de France dans les ZPPAUP. Il ne s’agit en aucun cas de supprimer les architectes des bâtiments de France.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Les architectes des bâtiments de France doivent se recentrer sur leurs missions.

M. Gilles d’Ettore, président-rapporteur de la mission d’information. Ce sont des personnes très compétentes mais trop isolées. Et il existe aujourd’hui une iniquité de traitement des demandes d’autorisation de travaux ou de construction sur le territoire à laquelle il faut mettre fin : en fonction des villes, les décisions ne sont pas les mêmes. Le problème de l’iniquité de traitement a été abordé lors de l’audition du président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France. Reconnaissant son existence, il a néanmoins estimé que seuls les ABF étaient en mesure de prendre les décisions protectrices du patrimoine.

Le rapport a été adopté à l’unanimité par la mission ce matin.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Le rapport de la mission d’information qui vient de nous être présenté est passionnant et je souhaite qu’il soit communiqué au ministre de la culture et de la communication. Il faudra ensuite prolonger les travaux de cette mission afin de mesurer la mise en application de ses préconisations.

M. Xavier Breton. En tant que membre de la mission, je me félicite tout d’abord de son champ, novateur, d’investigation : l’optimisation de la dépense publique et la suppression des structures inutiles. Je veux ensuite souligner la passion qu’a mise le rapporteur dans la conduite de ses travaux. Enfin, si le rapport balaie de nombreuses problématiques, je voudrais en souligner plus particulièrement deux axes essentiels :

– il insiste sur la nécessité de poursuivre et d’encourager les efforts actuels de recentrage du ministère à travers la révision de l’organigramme de ses services, la réorientation de sa politique immobilière grâce à une réduction drastique de ses sites d’implantation, notamment à Paris, la réduction du nombre de ses organismes consultatifs et le regroupement de ses opérateurs. Il y a lieu de se réjouir du soutien apporté par le ministre à ces orientations lors de son audition par la mission ;

– il souligne ensuite l’importance de la recherche d’une amélioration de la politique du patrimoine, non pas par une réduction des moyens mis en œuvre mais par une meilleure organisation et une meilleure préparation en amont des décisions. Ainsi, afin d’éviter les dépassements des budgets prévisionnels et les retards qui affectent régulièrement les grands chantiers culturels, il convient de renforcer leur programmation et leur évaluation avant la passation des marchés. De même, il est à juste titre indiqué dans le rapport que la dimension architecturale doit être intégrée au plus tôt dans les politiques d’urbanisme, notamment dans les règlements des zones de protection du patrimoine urbain et paysager (ZPPAUP) ou dans les schémas de cohérence territoriale.

La formation initiale et continue des artisans d’art et des architectes est également évoquée. Au total, il faut sortir d’une vision trop figée du patrimoine, lequel recouvre aussi une dimension économique et culturelle. Dans cette logique, il faut développer l’enseignement de l’économie du patrimoine à l’Université. Mais il convient aussi d’éviter de basculer dans le tout économique, comme c’est désormais le cas dans le sport. L’argent ne doit pas tout commander et il faut souligner le rôle essentiel que jouent les associations de défense du patrimoine en ce domaine.

M. Marc Bernier. En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission sur le patrimoine, je salue le grand intérêt du rapport qui, à l’issue d’une approche transversale des sujets, formule une série de propositions que je partage largement. Je me félicite qu’il rappelle le grand succès des Journées du patrimoine. Par ailleurs, il aborde à juste titre la question, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle, de l’avenir des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et du rôle important qu’elles peuvent jouer en matière de coordination notamment avec les collectivités territoriales. À cet égard, il convient de souligner le grand intérêt des tables rondes qui, organisées par les DRAC, permettent la réunion des différents acteurs du patrimoine ainsi que la tenue d’échanges fructueux.

M. le rapporteur Gilles d’Ettore. Dans cette perspective, je rappelle que les services départementaux de l’architecture et du patrimoine ne devraient plus être isolés puisqu’ils doivent être regroupés au sein des DRAC, le 1er janvier prochain. Cette politique a été approuvée par l’ensemble des intervenants devant la mission.

M. Marc Bernier. Le rapport traite également avec pertinence du rôle que peut jouer le patrimoine en faveur du tourisme. Il faut valoriser les accompagnants qui concourent à la découverte du patrimoine et améliorer l’accueil des personnes handicapées et de leurs familles. Il faut également insister, comme le fait le rapport, sur la formation des artisans d’art.

Mme Martine Martinel. À défaut d’avoir pu participer à toutes les réunions de la mission du fait de leur programmation sur une très courte période, j’ai fait parvenir à la mission quelques observations écrites. À l’évidence, il aurait été souhaitable de disposer de davantage de temps car de nombreux axes de travail de la mission méritaient d’être approfondis. Je salue cependant la qualité du rapport tout en regrettant la radicalité de certains propos ainsi que celle de l’intitulé de la mission lequel constitue l’exemple même de ce qu’il conviendrait d’éviter à l’avenir. Il ne faut pas accabler un ministère qui fête cette année ses cinquante ans…

Mme la présidente Michèle Tabarot. Si le délai a été si bref – ce que je regrette aussi – c’était pour répondre à la demande du Président Bernard Accoyer.

Mme Monique Boulestin. À mon tour, je regrette de n’avoir pu participer, en raison du calendrier retenu, aux réunions de la mission. À la lecture du rapport, je constate certes qu’est évoquée la réduction du nombre des directions d’administration centrale du ministère mais que le devenir de la direction du livre n’y est pas précisé. Elle semble avoir disparu en tant que telle. Est-elle noyée dans un vaste ensemble ? Ce serait très regrettable. Elle avait un caractère emblématique et jouait un rôle très important, notamment dans le développement des bibliothèques municipales à vocation régionale.

M. le rapporteur Gilles d’Ettore. La direction du livre a été intégrée dans la direction des industries culturelles.

Mme Monique Boulestin. Mais le livre ne relève pas des industries ! La lecture n’est pas une activité de consommation courante. La suppression de la direction peut même donner l’impression que l’on se désintéresse du sujet et que l’on privilégie le « tout marchand ». Enfin, je voudrais aussi souligner à mon tour la nécessité de soutenir l’effort de formation aux métiers d’art.

M. le rapporteur Gilles d’Ettore. S’agissant de la formation aux métiers d’art, le rapport souligne son importance et en se félicitant de la création en 2008 du baccalauréat professionnel spécialité « Interventions sur le patrimoine bâti ». Faute de temps, les thèmes de la transmission des savoirs artisanaux et du développement du compagnonnage n’ont pas pu être approfondis. Il faudra y revenir. De même, les voies d’une meilleure participation des artisans d’art aux appels d’offre des marchés publics devraient être recherchées.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Ce pourrait être l’objet d’une future mission.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit d’un excellent rapport. Le patrimoine et le tourisme sont en effet très liés. Il faut améliorer l’accès des sites touristiques et adapter les tarifs d’entrée. Par ailleurs, j’adhère aux constats intéressants que fait le rapport sur les architectes des bâtiments de France. Les maires, souvent confrontés à leurs décisions arbitraires dès lors qu’elles varient d’un territoire à l’autre, sont complètement démunis face à leurs décisions. Il faut absolument, comme le propose le rapport, harmoniser leurs pratiques sur l’ensemble d’un territoire et revoir la question du périmètre de covisibilité de 500 mètres autour des monuments historiques.

M. le rapporteur Gilles d’Ettore. Il existe déjà des souplesses au régime de la covisibilité. Il est cependant inadmissible que dans une république moderne, les architectes des bâtiments de France, dont la formation et la qualité sont certaines et ne sont pas en cause, soient comme investis d’une « charge royale » ; que leurs décisions soient incontestables et leurs pratiques différentes. C’est pourquoi, le rapport propose notamment d’harmoniser ces dernières. Il convient de réformer la profession, non pas en s’en prenant à ses représentants mais en instaurant un dialogue entre eux et les collectivités territoriales.

M. Frédéric Reiss. Je signale aussi la nécessité de s’occuper de l’entretien des orgues d’églises, qui sont des immeubles par destination.

M. le rapporteur Gilles d’Ettore. C’est effectivement un sujet qui mérite attention.

La Commission, consultée, autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à dix-neuf heures six.

Présences en réunion

PRÉSENTS :

Mme Marie-Hélène Amiable

M. Pierre-Christophe Baguet

M. Marc Bernier

M. Patrick Bloche

Mme Marie-Odile Bouillé

Mme Monique Boulestin

M. Xavier Breton

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud

M. Bernard Debré

M. Pascal Deguilhem

Mme Sophie Delong

Mme Odette Duriez

M. Gilles d'Ettore

Mme Martine Faure

M. Michel Françaix

M. Gérard Gaudron

M. Jean-Jacques Gaultier

Mme Claude Greff

M. Jacques Grosperrin

Mme Françoise Guégot

M. Christian Kert

Mme Colette Langlade

M. Dominique Le Mèner

Mme Colette Le Moal

M. Alain Marc

Mme Martine Martinel

M. Jean-Philippe Maurer

M. Michel Ménard

M. Frédéric Reiss

Mme Michèle Tabarot

M. Jean-Louis Touraine

EXCUSÉS :

Mme Françoise Imbert

AUTRES DEPUTÉS (non membres) :

M. Patrick Roy