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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 29 juin 2010

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 54

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur les résultats de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde de la FIFA 2010

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 29 juin 2010

La séance est ouverte à dix-huit heures.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur les résultats de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde de la FIFA 2010.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation afin de nous exposer votre sentiment sur la situation provoquée par les résultats et le comportement de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Demain, nous recevrons également MM. Escalettes et Domenech. Au préalable, il me semble important de vous expliquer pourquoi nous avons voulu organiser cette série d’auditions.

L’un des objectifs de la création, l’an dernier, de notre Commission permanente à l’Assemblée nationale était de replacer au cœur du débat parlementaire certains sujets comme la jeunesse et le sport. Nous avons ainsi tenu plusieurs tables rondes sur le dopage et examiné une proposition de loi tendant à moraliser la profession d’agent sportif – nous avions alors reçu Philippe Piat, président de l’Union nationale des footballeurs professionnels, Bruno Satin, agent sportif, ainsi que d’anciens joueurs comme Christian Lopez ou Bruno Bellone. En mars dernier, nous avons déjà auditionné une délégation de la Fédération française de football (FFF), constituée de MM. Jean-Pierre Escalettes, président, Jean-Louis Valentin, alors directeur général délégué, et Fernand Duchaussoy, président de la Ligue de football amateur. Notre Commission a donc été particulièrement active concernant le football et nous ne pouvions rester à l’écart du débat qui agite la France depuis le début de cette Coupe du monde.

Ici, parmi des députés de tous bords, il y a de nombreux passionnés, pour lesquels le football représente beaucoup. Nous refusons de voir cet édifice se fissurer. Mais, si nous nous saisissons de ce sujet, c’est surtout parce que le football représente plus de 2 millions de licenciés, presque 18 000 clubs et des milliers de collectivités locales impliquées dans leur financement. Le football, c’est aussi une école de la vie pour de nombreux jeunes, qui y apprennent certaines valeurs essentielles attachées à tout sport collectif. Une Coupe du monde de football est un événement universel, avec des audiences record sur toute la planète : quand l’équipe de France joue, elle donne une certaine image de notre pays dans le monde entier ; quand elle refuse de s’entraîner également.

Il ne s’agit pas pour nous d’interférer dans le fonctionnement interne de la FFF. Bien évidemment, nous respectons l’indépendance des fédérations sportives, mais nous voulons comprendre les causes de cette déroute. Les difficultés internes à l’équipe de France ne sont probablement que le reflet de problèmes structurels bien plus importants. C’est ce que nous cherchons à comprendre, sans omettre que ce qui vaut pour le football est sans doute vrai pour beaucoup de fédérations sportives fonctionnant sur le même modèle.

Madame la ministre, vous avez été au contact des joueurs à la veille de leur ultime match en compétition. Au-delà d’un souvenir amer, cette déroute suscite bien des questions. Avec nos collègues parlementaires qui s’intéressent à ce sujet, nous sommes convaincus de la nécessité de rénover en profondeur la gouvernance du football, démarche que vous avez également appelée de vos vœux. Quels sont, selon vous, les axes prioritaires de cette rénovation du football ? La place réservée au football amateur dans les instances de décision est-elle pertinente ? Vous paraît-elle insuffisante, satisfaisante ou excessive ?

L’attitude des joueurs envers les supporters et la presse a été inacceptable. Leur grève a nui à l’image de la France dans le monde. Il est tout de même incroyable de devoir rappeler de telles évidences : figurer dans la sélection nationale, ce n’est pas seulement une reconnaissance mais bien une responsabilité importante et un honneur rare. Comment un joueur peut-il l’oublier ?

Parviendrons-nous à réintroduire de l’éthique dans ce sport et à rappeler aux joueurs les valeurs attachées au maillot bleu frappé du coq et malheureusement d’une seule étoile, au moins jusqu’à la prochaine Coupe du monde ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la Présidente, je vous remercie pour votre invitation à m’exprimer devant votre Commission et je suis particulièrement heureuse de saluer parmi vous mes prédécesseurs Jean-François Lamour et Marie-George Buffet.

Il y a tout juste une semaine, j’étais de retour d’Afrique du Sud, après la débâcle de notre équipe de football. Vous avez rapidement souhaité vous saisir de cette question, dans le cadre de votre travail de parlementaires et de cette Commission permanente. Je m’en réjouis car je considère que c’est un sujet sur lequel nos concitoyens ont le droit de connaître la vérité. Je suis donc très heureuse de m’expliquer devant vous sur ce qui s’est passé, puisque c’est le rôle et l’honneur de la représentation nationale d’étudier ce qui interroge et interpelle nos concitoyens. En l’occurrence, c’est le cas ; pour en juger, il suffit de voir l’affluence des parlementaires et de la presse à cette audition.

Je me suis rendue en Afrique du Sud en qualité de ministre chargée des sports, pour soutenir l’équipe qui portait les couleurs de notre pays – et j’ai souhaité le faire jusqu’au bout –, mais aussi en qualité de ministre chargée de la santé, car j’avais prévu de consacrer une partie importante de mon déplacement à la lutte contre le sida.

À la demande du Président de la République et en accord avec les joueurs, le sélectionneur et le président de la FFF, lorsque la situation s’est compliquée, j’ai prolongé mon séjour pour rappeler à chacun ses responsabilités et tenter de ramener le calme dans le groupe. Ne nous y trompons pas : il ne s’agissait pas de contester la défaite sportive, qui fait partie intégrante du sport et que chacun doit accepter ; il s’agissait de remédier à une situation qui a fait de la France la risée du monde entier, ce que nous ne pouvons accepter.

Cette situation a commencé le dimanche 20 juin après-midi. Après avoir accepté, dans un premier temps, l’exclusion de Nicolas Anelka, conséquence de ses propos injurieux à l’égard de Raymond Domenech, les joueurs ont pris la décision de bouder l’entraînement, sans mesurer les conséquences de leur acte. À partir de là, la machine s’est emballée, tout s’est précipité. J’ai alors rejoint Bloemfontein pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être.

À ce moment, je le rappelle, certains médias soulevaient l’hypothèse, catastrophique si elle s’était réalisée, que l’équipe de France ne se présente pas sur le terrain pour affronter l’Afrique du Sud, pays hôte. Je suis intervenue à la demande de Nicolas Sarkozy pour éviter un tel drame et demander aux joueurs de se ressaisir. Une réunion entre le président de la Fédération, le sélectionneur, le capitaine de l’équipe de France et moi-même a eu lieu. Je souhaitais les entendre et essayer de comprendre comment ils en étaient arrivés là. Puis j’ai rencontré les joueurs pour leur dire des choses très dures mais nécessaires. Pour couper court aux polémiques, je vais vous lire les propos que je leur ai tenus :

« Je ne suis pas venue devant vous pour porter des jugements ni instruire des procès. Ce temps viendra plus tard, soyez-en convaincus. Une chose est certaine, vous avez perdu la bataille de la communication mais vous avez perdu beaucoup plus que cela : vous avez perdu l’estime de la classe politique, de la presse, y compris la presse mondiale, du monde du sport – pas un sportif ne s’est levé pour vous défendre –, des citoyens, des sponsors, des jeunes. C’est pour vous un désastre.

« Dans ce champ de ruines, je suis la seule à vous avoir soutenus et à vous soutenir. Je vous parle comme une mère. Je peux vous parler franchement, je ne vous ai jamais tiré dans le dos. La réalité de la situation, il faut l’affronter de face. Ce n’est pas seulement un mauvais moment à passer. Rien ne sera comme avant. Ce sont vos gosses, tous les gosses pour qui vous ne serez plus des héros. Ce sont les rêves de vos compagnes, de vos amis, de vos supporters, que vous avez brisés. Ce sera l’image de la France que vous avez ternie, comment voulez-vous que l’on se souvienne de vous ?

« Demain, c’est le dernier match de cette phase mais c’est aussi peut-être votre dernier match de Coupe du monde. Cette Coupe du monde, vous en avez rêvé depuis que vous êtes gamins. Avant le match, réputé ingagnable, contre les All Blacks, Raphaël Ibanez, le capitaine de l’équipe de France, avait écrit une seule phrase sur le tableau : “Comment voulez-vous que l’on se souvienne de vous ?” Oui, comment voulez-vous que l’on se souvienne de vous ? Alors, battez-vous ! »

Qu’ai-je réellement vu en Afrique du Sud ? J’ai vu des joueurs qui fonctionnaient en autarcie, coupés de la Fédération et de leur équipe technique. J’ai vu un sélectionneur en difficulté, qui n’avait plus d’autorité sur ses troupes. J’ai vu des responsables fédéraux dépassés et désorientés par le cours des événements.

Mais la crise que nous avons connue en Afrique du Sud n’est pas la crise du football français, qui fonctionne bien, c’est la crise de l’équipe de France. Ne nous trompons pas de sujet, d’autant que certains pourraient vouloir profiter de cette crise pour remettre en cause l’équilibre entre football amateur et football professionnel. Or je trouve essentielle la pérennité de cet équilibre.

Pour tirer tous les enseignements de ce désastre et se pencher sur le fonctionnement de l’équipe de France, le Président de la République a souhaité que des états généraux du football soient organisés à l’automne. Les grandes institutions concernées seront représentées et ces états généraux se dérouleront sous l’impulsion d’un comité de pilotage, dont la composition est en cours d’élaboration. Il s’agit en effet de remettre de l’autorité et du liant entre tous les acteurs : les joueurs, le futur sélectionneur et la Fédération. C’est là que se situe le réel enjeu pour l’avenir.

Bien évidemment, le mode de gouvernance des grosses fédérations et de celles abritant un secteur professionnel structuré en ligue doit être étudié et sûrement repensé, mais ce travail incombera au comité de pilotage des états généraux.

Toutefois, je le dis avec force devant vous, la spécificité du modèle fédéral doit être préservée. Jean-François Lamour puis Bernard Laporte avaient imaginé des solutions. Aujourd’hui, nous devons, ensemble, trouver les réponses.

J’ai pris acte, hier, de la décision de Jean-Pierre Escalettes de renoncer à ses fonctions vendredi prochain. Les statuts de la FFF prévoyant cette situation, il n’y a aucune raison que s’ouvre une période de flottement. Les bénévoles, les dirigeants de clubs, les footballeurs licenciés et les partenaires économiques de la Fédération doivent être rassurés. À présent, la Fédération doit retrouver un fonctionnement conforme à ses statuts en se dotant de nouvelles instances, comme prévu. Dans l’immédiat, elle devrait élire un président par intérim, probablement le 2 juillet prochain, à l’occasion de la réunion du conseil fédéral. Ensuite, l’assemblée fédérale élira le nouveau président de la FFF, le 18 décembre prochain, à moins qu’une assemblée générale extraordinaire soit convoquée.

Je veux lever tout malentendu : en aucun cas – je souligne trois fois cette expression –, le politique ne saurait faire ingérence dans la gouvernance des instances sportives. Autant je m’attache à préserver la Fédération de toute forme d’ingérence, autant je resterai extrêmement attentive à ce qu’elle respecte scrupuleusement ses statuts dans la période actuelle, car nombre de décisions qui seront prises dans les prochaines semaines auront des conséquences juridiques sur les personnes ou les clubs concernés. Il importe donc que ces décisions soient prises par des instances régulièrement formées, conformément aux statuts de la Fédération.

Cet épisode datant d’une semaine seulement, je n’ai pas, à ce jour, tiré toutes les conclusions – le contraire serait préoccupant. Nous mènerons ce travail ensemble, chacun dans ses fonctions. Je serai attentive aux recommandations que vous pourrez formuler, dans le cadre d’un rapport qui, à n’en pas douter, nourrira la réflexion collective.

Du très regrettable parcours de l’équipe de France de football en Afrique du Sud doivent naître des solutions novatrices pour faire émerger une nouvelle gouvernance du football français, comme le souhaitent l’ensemble de ses acteurs. J’entends mener à bien ce chantier, dans l’intérêt du football, professionnel et amateur, pour continuer de faire rêver tous nos jeunes.

M. Bernard Depierre. Étant président du groupe d’études sport et éducation sportive, le comportement sportif et surtout extra-sportif du groupe France m’indigne : les joueurs et l’entraîneur ont perdu le combat sur le terrain mais aussi toute dignité humaine ; ils ont causé un très grave préjudice au sport roi en France, avec ses 2,2 millions de licenciés, ses centaines de milliers de bénévoles et ses clubs de football présents dans presque tous les cantons du pays. Même si le fonctionnement de la FFF n’est pas remis en cause, les clubs vont en pâtir lors de la rentrée sportive d’août et de septembre. Par ailleurs, des conséquences économiques sont déjà apparues pour les partenaires de l’équipe de France, Carrefour, le Crédit agricole, Quick, Adidas ou les sociétés de jeux en ligne, qui entendaient, si j’ose dire, capitaliser sur la Coupe du monde.

M. Patrick Roy et M. Alain Néri. Tout est dit !

M. Bernard Depierre. Personne ne saurait nier cette réalité. La Française des Jeux et le PMU proposaient déjà des jeux en ligne. À la suite de l’adoption de la loi relative à ce sujet, d’autres sociétés ont reçu l’agrément quelques jours avant la Coupe du monde, afin que leur lancement soit une réussite tant pour le sport pour tous, à travers le Centre national pour le développement du sport (CNDS), que pour les fédérations, les ligues et les clubs. Le préjudice économique, pour la FFF, sera énorme.

Et son président, demain matin, ne pourra pas nier que lui et ses instances, le 31 mars, devant notre Commission, s’étaient déclarés relativement confiants quant au sort de l’équipe de France, alors que le groupe, depuis quatre ans, n’a jamais existé en tant qu’équipe. Il comporte pourtant des joueurs parmi les plus éminents des grands clubs européens – anglais, espagnols, italiens et français –, mais il a souffert de carences que nous évoquerons demain.

Au-delà des états généraux du football, il faudra créer une vraie charte des responsabilités et des devoirs des joueurs internationaux, pour le football comme peut-être pour d’autres sports. Le Gouvernement, sous votre autorité, délègue un service public aux fédérations. Il faudra probablement revoir cette délégation.

Mme Valérie Fourneyron. Mes propos seront extrêmement sévères. C’est la première fois, dans l’histoire du Parlement, qu’une Commission organise deux auditions pour réagir à des mauvais résultats de l’équipe de France de football. Cet échec au Mondial d’Afrique du Sud a entraîné une multiplication de déclarations d’acteurs politiques et sportifs. Une médaille au moins a été gagnée : celle de la démesure. La majorité, à l’évidence, se sert du football pour éviter de parler des retraites ou de la fraude fiscale. Elle a proposé une loi, puis une commission d’enquête parlementaire et même, ce matin, une pétition contre la Fédération internationale de football association (FIFA) afin d’obtenir le recours à la vidéo pour l’arbitrage. La stratégie de diversion est manifeste.

Le débat ne doit pas porter sur la performance sportive de l’équipe de France. Nous avons perdu parce que nous n’étions pas à la hauteur de la compétition, qu’il s’agisse de la phase finale comme des qualifications. Le débat est davantage moral et politique : les joueurs et l’entraîneur se sont éloignés du sport populaire, que nous aimons tous, pour rejoindre le sport business.

Les membres de la majorité ont beau jeu aujourd’hui d’élever la voix et de pourfendre le sport business alors que, depuis le début de la législature, tous les textes sur lesquels nous avons eu l’occasion d’échanger à propos du sport tournaient autour de l’argent, des agents sportifs, des paris, à l’instar de la loi de modernisation de l’économie et de la suppression du droit à l’image collectif, le DIC. Nous avons systématiquement essayé de vous ramener vers les thèmes de la politique sportive, de la force que représentent les joueurs pratiquant chaque week-end le football et leurs entraîneurs. Ce sont les premiers à être meurtris aujourd’hui.

Dans un premier temps, le président de la FFF a été encensé – les reportages vidéos sont éclairants. Puis, il ne s’en est pas caché, la pression politique qui s’est exercée sur lui a été trop forte. L’intégrité et l’esprit de responsabilité de ce représentant du football amateur l’ont poussé à démissionner.

Alors que les clubs professionnels de football semblent désireux de « lancer une OPA » sur la FFF, un débat doit être ouvert sur les places respectives du football amateur et du football spectacle. Des représentants du football professionnel ont déclaré que l’équipe de France doit désormais être gérée comme un club professionnel, avec des dirigeants responsables devant des actionnaires. Ne convient-il pas simplement de permettre aux instances du football de se retourner vers elles-mêmes ? Ne convient-il pas de proposer une gouvernance tenant compte de cette richesse si malmenée, qui ne mérite pas une telle démesure mais plutôt un peu de respect ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Madame Fourneyron, je n’apprécie pas que vous déniiez à notre Commission la possibilité de réfléchir à cet événement assez exceptionnel. Cette audition n’est pas motivée par la défaite de l’équipe de France. Sincèrement, n’avez-vous pas remarqué que des joueurs ont refusé de s’entraîner à la veille d’un match ? N’avez-vous pas trouvé particulièrement vulgaires et inadmissibles certains propos de joueurs ? Ne pensez-vous pas qu’il soit possible de donner une autre image à la jeunesse française ? J’ignore à quelle proposition de loi vous faites allusion et je n’ai pas fait partie de ceux qui ont réclamé une commission d’enquête, mais j’ai jugé qu’il était de notre devoir de discuter de tout cela très librement, de façon apaisée et approfondie, dans le but d’émettre des propositions. Tout le pays en parle, nos concitoyens ont très mal vécu ce qui s’est passé, au point que, avant le troisième match de l’équipe de France, 75 % d’entre eux désiraient sa défaite. La situation mérite que les députés chargés de la question du sport y regardent de près. Il s’agit de faire avancer les choses dans la bonne direction, de respecter la légitimité de la Fédération, mais de corriger les dysfonctionnements que nous constaterions.

M. Michel Herbillon. Je me fais l’interprète de nombreux collègues ici présents, y compris sur les bancs de l’opposition, pour vous dire que je soutiens votre démarche. Ce sont les propos de Mme Fourneyron qui étaient « démesurés ».

M. Patrick Bloche. En Commission, la parole est libre ! Tout de même !

M. Michel Herbillon. Ne vous en déplaise, notre Commission, sous l’autorité de Michèle Tabarot, continuera de se préoccuper des questions qui intéressent les Français.

Il est inutile de revenir sur le constat, qui est accablant. La déroute de l’équipe de France n’est pas d’ordre sportif – parfois l’on gagne, parfois l’on perd, c’est la loi du sport – mais d’ordre moral, et les conséquences sont importantes pour nos concitoyens. En vérité, l’équipe de France de football n’est pas une équipe comme les autres car elle a remporté la Coupe du monde en 1998 et elle en a été finaliste en 2006.

La chronique de cette déroute était sans doute déjà écrite depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, avec l’élimination de l’équipe de France dès le premier tour du dernier Euro, échec assez grave au regard du niveau auquel elle était censée se situer. De nombreux problèmes soulignés par Mme la ministre étaient déjà palpables dans la succession des événements survenus depuis cette époque.

À travers les remarques entendues dans nos circonscriptions, nous ressentons tous que l’équipe de France a un problème de comportement. Dans le cadre de la nouvelle donne morale que vous appelez de vos vœux, il faudrait prévoir un minimum de pédagogie envers les porteurs du maillot de l’équipe de France, afin de leur faire prendre conscience de ce que signifie le fait de représenter la France dans une compétition aussi populaire, aussi médiatisée à l’échelle mondiale et aussi importante au cœur des Français, en particulier des jeunes. Si, comme vous l’avez dit, madame la ministre, « les joueurs n’ont pas mesuré les conséquences de leurs actes », alors qu’ils bénéficient d’un si haut niveau de notoriété, une telle irresponsabilité est surprenante. Ces joueurs doivent comprendre la signification des valeurs qu’ils représentent, lesquelles n’ont rien à voir avec le fric et la vulgarité.

Au risque d’en surprendre quelques-uns et sans vouloir détruire l’image d’un des plus grands joueurs de football que la France ait connu depuis longtemps, Zidane a aussi donné sa vulgarité en spectacle lors de la finale de 2006. Toutefois, son niveau sportif était supérieur et sa communication plus habile que ceux des joueurs actuels de l’équipe de France ; avec eux, cela donne un comportement scandaleux.

Qu’attendez-vous des états généraux du sport ? Vous avez appelé de vos vœux des solutions novatrices pour faire naître une nouvelle gouvernance du football français. Je pense qu’il faut mettre beaucoup de choses à plat et j’aimerais savoir sur quels points, à ce stade, vous estimez utile qu’un débat soit ouvert. Les leçons de l’échec de 2008 n’avaient pas été tirées, mais nous sommes également tous préoccupés par l’avenir de l’organisation et du pilotage du football professionnel en France ainsi que par le maintien du football amateur, qui concerne des centaines de milliers de jeunes. Nous sommes très heureux que la France ait été choisie pour accueillir l’Euro 2016 mais il faut éviter d’assister à la même déroute morale, il faut sortir de ce champ de ruines.

Mme Marie-George Buffet. Je ne suis pas étonnée qu’un événement concernant le football prenne une telle importance parmi nos concitoyens car c’est le sport le plus populaire, en France comme dans le reste du monde. Mais c’est aussi un sport dans lequel les enjeux financiers revêtent une importance considérable.

Au-delà de tout ce que nous avons entendu ces derniers jours, en tant que ministres ou élus de la nation, nous n’avons pas vocation à remplacer les entraîneurs ou les dirigeants du mouvement sportifs. Nous devons travailler ensemble sur l’avenir du sport et de cette fédération en particulier.

Il faut se méfier de toute forme d’ingérence de l’État ou du ministère sur le mouvement sportif, de toute forme de moralisation aussi, et en revenir au partenariat. En matière de sport, les missions de service public sont partagées entre l’État et, par délégation, les fédérations. Le mouvement sportif n’est pas sous tutelle mais indépendant, il travaille en partenariat avec le ministère. Les états généraux du football seront-ils construits dans cet esprit ? Quelles sont vos intentions ?

Ces derniers jours, j’ai entendu de nombreuses déclarations selon lesquelles la compétence serait du côté des responsables du sport professionnel, les amateurs étant par essence incompétents. Or le mouvement sportif connaît certes un véritable problème de gouvernance de fédérations mais surtout un problème de démocratie. Dans les années à venir, comment franchir une nouvelle étape démocratique dans la gouvernance des fédérations mais aussi dans la prise de décision sportive ? Qu’en pensez-vous ? Je me suis opposée à la nomination par le chef de l’État des présidents de l’audiovisuel public, ce n’est pas pour souhaiter que le ministère chargé des sports en fasse de même avec les fédérations sportives. Je pense, en revanche, qu’il convient de travailler sur de nouvelles pistes pour améliorer leur fonctionnement.

Vous prétendez que la FFF se porte bien et que le fiasco est uniquement celui de l’équipe de France. Mon diagnostic est un peu différent : je crains que l’unité fédérale, qui fait la force du mouvement sportif français, soit un peu mise à mal. Ces derniers jours, j’ai senti poindre l’idée d’une prise de pouvoir du football professionnel sur la Fédération. Des journalistes ont même demandé si l’équipe de France devait dépendre de la FFF ou du football professionnel. Pour moi, la réponse est évidente : cette responsabilité incombe à la FFF, sans quoi l’équipe de France se transformerait en une énième équipe professionnelle jouant dans des compétitions privées. À votre avis, quel est l’avenir de l’unité fédérale ? Cette unité fédérale constitue un facteur de mutualisation : l’argent entrant dans le football professionnel doit toujours être davantage mutualisé en direction du sport amateur, d’autant que l’équipe de France n’existe que parce que le football amateur existe, parce que des bénévoles encadrent les enfants dans les clubs, parce que les collectivités territoriales permettent à ces clubs de fonctionner en construisant des infrastructures et en versant des subventions. La mutualisation fonctionnant dans les deux sens, l’idée selon laquelle l’équipe de France pourrait vivre en dehors de la FFF me paraît complètement erronée. Qu’en pensez-vous ?

J’ai vu circuler un pré-projet de loi relatif à la compétitivité du mouvement sportif, dont l’un des articles prévoit qu’un club sportif ayant le statut de société anonyme puisse s’inscrire à une compétition sans l’autorisation de sa fédération. Cela créerait une rupture entre le sport professionnel et les fédérations. Où en est ce pré-projet de loi ? Sera-t-il soumis au débat ?

Pour mettre de l’éthique financière dans le sport, il faut revenir sur un certain nombre de lois adoptées dans la période récente, de la cotation en bourse des clubs aux stades privés en passant par la rétribution des agents de joueurs par les clubs, sans oublier les paris en ligne. L’enjeu consiste à légiférer afin de restaurer une certaine maîtrise de l’argent irriguant le sport et ainsi d’assurer un certain degré de mutualisation.

M. Jean-François Lamour. C’est le comportement non pas de l’équipe de France mais du groupe France qui a rendu cette audition nécessaire. Nous avons souhaité vous interroger afin d’effectuer une analyse pertinente et surtout de trouver très vite des solutions.

Madame Fourneyron, dans cette Commission, la schizophrénie n’a pas sa place : comment critiquer le sport business à l’Assemblée tout en dépensant sans compter en faveur du sport professionnel dans des villes comme Lyon, Lille ou Paris ?

M. Alain Néri. Vous étiez kinésithérapeute, pas psychiatre, monsieur Lamour !

M. Jean-François Lamour. Il faut accepter la réalité et utiliser l’argent drainé pour préserver l’unité du sport.

Notre Assemblée n’a pas traité que de l’argent dans le sport mais aussi de nombreux autres sujets. Vous avez poursuivi l’action en matière de lutte contre le dopage, madame la ministre, et j’espère que d’autres débats viendront bientôt en discussion, en particulier celui relatif à l’aménagement des rythmes scolaires. À cet égard, il est regrettable que l’expérimentation mise en place en 1995 et qui commençait à porter ses fruits ait été totalement annihilée par le gouvernement suivant, ce qui a remis en question la place du sport dans le champ scolaire et périscolaire.

M. Patrick Bloche. En huit ans, vous aviez le temps d’y revenir !

M. Jean-François Lamour. Après l’échec de l’Euro 2008, avant de confirmer le sélectionneur dans ses fonctions, le conseil fédéral et le président de la Fédération ont-ils consulté la direction des sports, la préparation olympique et paralympique ou la direction technique nationale de la Fédération ?

Quelques heures après l’échec du groupe France en Afrique du Sud, vous avez annoncé une très bonne mesure : la réalisation d’un audit externe à chaud. J’ai cru comprendre que vous aviez finalement mis cette proposition de côté au profit des états généraux du football, ce qui repoussera de quelques semaines, voire de quelques mois, la production d’une analyse. Mais s’il y a audit, qui en sera chargé ? Je trouverais dommage qu’il s’agisse d’un audit interne car la Fédération n’a pas l’objectivité nécessaire.

Quelles relations entretiennent la Ligue du football amateur et la Ligue de football professionnel ? M. Fernand Duchaussoy et M. Frédéric Thiriez se parlent-ils ou cheminent-ils chacun de son côté ? J’ai trop de respect pour les présidents de fédération pour les taxer d’incompétence. J’ai seulement affirmé que les compétences d’un président de fédération issu du monde amateur ne sont peut-être plus suffisantes pour gérer le parcours et l’environnement d’un groupe professionnel. Pour conserver l’unité du sport français, il faut réunir des compétences différentes.

Dans le cadre de la réorganisation des fédérations, estimez-vous que leurs conseils fédéraux doivent être maintenus en l’état ou bien pensez-vous, comme moi et certains autres, qu’il convient de les faire évoluer en deux structures ? Avec un conseil de surveillance, le socle associatif serait préservé et même institué comme outil de prise de décision stratégique, tandis qu’un directoire, composé de professionnels, serait mieux à même de gérer les affaires de la Fédération, dans le champ professionnel comme dans le champ amateur. Cette question pourrait être examinée dans le cadre des états généraux du football.

M. Régis Juanico. Notre collègue David Douillet a déclaré que, dans cette affaire, vous aviez parfois manqué de recul et réagi de manière passionnée sinon passionnelle... Je souscris aux propos de Valérie Fourneyron : cette audition a un caractère quelque peu surréaliste. Il y a une vie pendant la Coupe du monde de football et aussi après, même si des enseignements devront sans doute être tirés de la défaite des bleus. En outre, le football, en dépit de son importance, ce n’est pas tout le sport. Il ne faut donc pas se prêter à des amalgames et prétendre que ce qui s’est passé en Afrique du Sud est valable pour toutes les disciplines sportives. En outre, l’équipe de France A n’est pas la seule sélection nationale. Et il ne faut pas oublier les 2 millions de licenciés ni les 18 000 clubs de notre pays.

Vous dites refuser toute ingérence politique mais vous préconisez un changement de gouvernance des fédérations et vous espérez que les états généraux du football aideront à avancer dans cette voie. Pas d’ingérence, sauf que le Président de la République, jeudi dernier, le jour de la grève contre la réforme des retraites, a convoqué Thierry Henry, ce qui a beaucoup choqué nos concitoyens – nous avons pu le vérifier dans les cortèges des manifestations. Par ailleurs, vous souhaitez un changement de gouvernance. Pourtant, il y a quatre ans, avec la même gouvernance, l’équipe de France de football était en finale de la Coupe du monde et personne ne parlait de changement. Du reste, d’autres fédérations sportives, notamment celle de handball, se caractérisent par la même gouvernance que le football et présentent d’excellents palmarès sportifs. Alors ne nous focalisons pas sur la question de la gouvernance, d’autres explications doivent être trouvées.

Par contre, vous avez raison de souligner qu’il faut se montrer attentif au rôle éducatif du sport, en particulier du football. À cet égard, l’on aurait aimé que le Gouvernement réagisse après le but de la main de Thierry Henry, qui a qualifié l’équipe de France et a été un peu à l’origine de la débâcle. De même, pendant la Coupe du monde, l’on aurait aimé que vous réagissiez vigoureusement lorsque Raymond Domenech a refusé de serrer la main de son homologue le sélectionneur sud-africain, Carlos Alberto Parreira, ce qui a donné une image catastrophique aux nouvelles générations.

Nous aurions intérêt à nous inspirer un peu des états généraux déjà organisés dans des instances comme les assises nationales de l’éducation par le football.

Il y a quinze jours, avec Henri Nayrou, rapporteur spécial des crédits du sport, nous avons déjà posé cette question à votre collègue Rama Yade : que pensez-vous de la décision de la FFF, entérinée lors de son assemblée générale de mai, tendant à réduire le montant du fonds de solidarité de 17 millions à 11,5 millions cette année, alors que ces crédits servent à construire des équipements sportifs ? Cela va complètement à l’encontre du modèle de solidarité entre football professionnel et football amateur, que vous décriviez tout à l’heure.

Mme la ministre. Je me suis rendue en Afrique du Sud comme première supportrice de l’équipe de France et non pour prononcer des discours politiques inappropriés dans le cadre d’un tel événement. Ce n’est pas moi qui ai créé l’émotion. Je détiens beaucoup de pouvoirs, madame Fourneyron, mais pas celui de m’imposer dans les émissions de télévision et en première page de journaux sud-africains, américains, anglais ou allemands que je ne connaissais même pas auparavant. Mon service de presse n’a jamais été à la manœuvre pour solliciter les médias. Nous avons même essayé continuellement de faire « baisser le rhéostat » de l’emballement médiatique. Cette affaire ne doit rien à une manipulation de l’opinion, ou alors, je n’y suis pour rien, donnez-m’en crédit. Mais jamais notre ministère n’a été assailli d’autant de mails, de lettres, de coups de téléphones et de SMS nous demandant de réagir, de prendre nos responsabilités : j’ai été sommée de renvoyer Escalettes, Domenech, tel ou tel joueur, et même de poser des bombes dans les stades. L’émotion est inouïe, à la mesure de cet événement mondial dans l’imaginaire collectif, à la mesure aussi des 2,3 millions de licenciés et des millions de Français qui ont joué, jouent ou joueront au football. En tant que responsables politiques, le Président de la République, le premier ministre et moi-même devons tenir compte de cette émotion. Nous ne pouvons pas répondre : « circulez, y’a rien à voir ! » Cet événement, ne nous en déplaise, nous dit quelque chose de la société. Les responsables politiques doivent regarder la vérité en face et en tirer des leçons.

Il est tout à fait naturel que le sport et la politique sportive du Gouvernement évoluent. Le Gouvernement édicte des normes, il ouvre des chantiers et les mène à bien, et, mes deux prédécesseurs ici présents le savent, celui de la gouvernance n’est absolument pas lié aux événements de la Coupe du monde de football. Nous y réfléchissons ensemble depuis bien longtemps.

Monsieur Depierre, une charte de déontologie du football existe depuis 2008 mais les instances du football ont eu un mal fou à la faire signer car, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, les footballeurs, en position de force, s’y refusaient. Elle a donc été laissée dans un tiroir, reconnaissons-le. Patrice Evra, alors encore capitaine de l’équipe de France, que je questionnais à ce propos, m’a dit n’avoir jamais entendu parler de la charte de déontologie, et il n’a pas été contredit par Jean-Pierre Escalettes ni par Raymond Domenech !

Madame Fourneyron, votre vision de ma politique sportive est réductrice. C’est moi qui ai porté la régularisation du DIC et gagné ce combat.

Plusieurs députés SRC. Grâce à notre aide ! Nous avons été les premiers à dénoncer la loi « Lamour » !

Mme la ministre. Ce qui prouve que pour de bonnes causes, nous pouvons nous retrouver. C’est moi qui ai porté l’affermissement de la lutte contre le dopage, en criminalisant des démarches dopantes, en instaurant des moyens juridiques supplémentaires et en transposant le code mondial anti-dopage dans la loi relative à l’hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires.

Vous critiquez la loi relative aux agents sportifs, qui constitue pourtant une entreprise de moralisation du sport, nous pourrons en discuter.

Le traité de Lisbonne, qui fait du sport une compétence communautaire, n’était pas encore entré en vigueur, mais, avec Bernard Laporte, nous avons profité de la présidence française pour faire avancer le concept de fair-play financier ainsi que l’idée d’une Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) européenne afin de transposer l’éthique française au niveau européen.

Monsieur Herbillon, les prémices des difficultés ne datent effectivement pas de cette Coupe du monde. Le match désastreux de Berne contre les Pays-Bas, lors de l’Euro 2008, a notamment laissé un souvenir cuisant. Les causes sont connues : un groupe de joueurs insupportables et un sélectionneur aux abonnés absents.

Les questions de la pédagogie et de la formation des jeunes sportifs sont cruciales, et je souhaite que les états généraux s’en saisissent. Des gamins de douze ou treize ans, généralement pourvus d’un bagage intellectuel très médiocre, gagnent des sommes folles, ce qui est très perturbant. Leur offrir une structuration intellectuelle, morale et psychologique plus forte constitue effectivement un enjeu considérable.

Les états généraux ne seront pas consacrés au sport en général mais au football. Il ne fait toutefois aucun doute que leurs conclusions, par exemple en matière de gouvernance, pourront ensuite être transposées dans des textes législatifs et réglementaires. Je ne veux pas préempter les travaux, je souhaite que le monde du sport s’en empare, mais plusieurs points me paraissent d’emblée importants : la démocratisation du mode d’élection interne aux fédérations, la structure de gouvernance au plus haut niveau et surtout, point nodal de la réflexion, la préservation des intérêts du sport amateur, notamment du football amateur.

M. Michel Herbillon. Jugeriez-vous pertinent que des parlementaires participent au comité de pilotage de ces états généraux ?

Mme la ministre. Ce n’est pas moi qui en choisirai les membres, mais je ne suis pas hostile à ce qu’y siègent un sénateur et un député.

M. Alan Néri. Il faudrait aussi garantir une représentation politique équilibrée.

Mme la ministre. Les sollicitations sont nombreuses mais s’il comporte 30 membres, ce ne sera plus vraiment un comité de pilotage. Cela étant, le véritable travail s’effectuera au moment des états généraux et vous aurez alors tout loisir de vous saisir de ce sujet.

Je rejoins, madame Buffet, l’ensemble de vos préconisations. J’ai lu le communiqué que vous avez publié hier et je redis ici de façon claire qu’il n’est pas question pour moi de mettre la Fédération sous tutelle. Certes, le code du sport définit son mode de fonctionnement mais, à partir de là, elle est totalement indépendante et je n’ai nulle intention d’en nommer le président.

Mme Valérie Fourneyron. Le Président de la République non plus ?

Mme la ministre. Ne lui faites pas de procès d’intention !

Il me semble qu’il y a par ailleurs une confusion. Le président d’une grande fédération comme celle du football est un bénévole – M. Escalettes est professeur d’anglais à la retraite – que cette activité occupe à temps plein. C’est cette idée que l’on retrouve lorsque certains parlent de « professionnalisation » et non la volonté de confier cette tâche à des professionnels.

Mme Marie-George Buffet. Je suis capable de faire la différence.

Mme la ministre. Ce n’est pas à vous mais à tous ceux qui suivent cette audition que je souhaite expliquer qu’il ne paraît pas anormal de donner plus de moyens à ceux qui exercent des responsabilités à temps complet, et de permettre ainsi à d’autres qu’à des retraités d’y accéder.

Vous vous demandez par ailleurs si des grands événements sportifs – je pense que vous faites référence à la Coupe du monde et à l’Euro 2016 – devraient relever non plus de la Fédération mais d’une structure qui dépendrait du sport professionnel. Je dis non.

Le pré-projet sur la compétitivité avait été lancé par Bernard Laporte. Il comporte des éléments relatifs à la modernisation de la gouvernance des sociétés sportives. Une consultation des ministères et des partenaires concernés, en particulier du CNOSF, est en cours, mais pour l’heure aucun texte n’a été transmis au Conseil d’État.

Jean-François Lamour m’a demandé si nous avions été consultés à propos du renouvellement du sélectionneur. Non, pour la bonne raison qu’il s’agit d’un salarié de la Fédération et que le gouvernement n’intervient pas dans la gouvernance de cette dernière

M. Jean-François Lamour. C’est également un membre de la DTN.

M. Alan Néri. Et un salarié bien payé !

Mme la ministre. Il ne me paraîtrait pas inutile que s’établisse à l’avenir, à propos de l’équipe de France, un dialogue entre le ministre des sports et la Fédération française de football, au travers de la DTN, le directeur technique national étant pour sa part effectivement nommé par le ministre des sports, sur proposition du président de la FFF.

Certes, un audit extérieur à chaud paraissait utile et le travail que nous effectuons aujourd’hui n’en est d’ailleurs pas très éloigné. Mais quand on voit le grand numéro de langue de bois qu’ont réalisé les joueurs jeudi et vendredi derniers et à quel point tout était sous contrôle, on se dit qu’un tel audit n’aurait peut-être pas été très fécond. Je n’en dirai pas plus.

Vous m’avez aussi demandé d’analyser les relations entre professionnels et amateurs au sein de la Fédération. Ce qui m’en revient – car je rappelle que je ne dispose d’aucune possibilité de contrôle et chacun semble d’ailleurs d’accord pour rejeter toute possibilité d’ingérence de l’État –, c’est que les responsabilités sont exercées par des gens intelligents et que les choses se passent bien. Tel n’a pas toujours été le cas, la Fédération ayant parfois été par le passé le champ de luttes entre ces deux mondes. Le protocole signé entre la Ligue de football professionnel et la Fédération prévoit que la première verse au football amateur, pour la période 2008-2010, une aide de 21 millions d’euros. J’indique à ce propos à M. Juanico que la FFF a compensé sur ses fonds propres les difficultés financières qu’a rencontrées le football professionnel dans le cadre de la négociation du prochain appel d’offres pour la commercialisation des droits télévisés pour la ligue 1.

M. Lamour m’a par ailleurs interrogée sur les structures de gouvernance. Là encore, je ne souhaite pas anticiper les conclusions des états généraux. Votre idée d’un directoire et d’un conseil de surveillance me semble très séduisante. Au sein de la Fédération française de football, un groupe de travail, dont les conclusions devraient être remises dans les prochains jours aux instances dirigeantes, examine les possibilités d’améliorer l’efficience de la gouvernance dans le cadre de la structure juridique actuelle, qui est celle d’une association loi de 1901.

Il me paraît évident que nous devrons disposer d’une palette de solutions, ne serait-ce que parce que la Fédération française de football et celle de badminton ne peuvent être régies par des instances de direction du même type et que notre modèle est peut-être excessivement rigide. Quoi qu’il en soit, les futures structures de gouvernance devront être libres, efficaces et responsables, mais aussi préserver à la fois la démocratie au sein de la Fédération et les intérêts du sport amateur.

Je crois m’être déjà largement exprimée, monsieur Juanico, sur la main de Thierry Henry. Quand au refus de Raymond Domenech de serrer la main de M. Parreira, je l’ai mis sur le coup sur le compte du choc émotionnel. Si vous me demandez aujourd’hui de le condamner, je le fais avec force. Mais l’homme était à terre…

M. Jacques Grosperrin. Fut-ce un drame ? Je n’en suis pas sûr. Un fiasco ? Oui ! Je souhaite donc savoir en premier lieu si vous vous sentez responsable de la déroute sportive de l’équipe de France ou tout au moins de ne pas l’avoir vue venir ?

Vous avez dit que l’entraîneur n’avait aucune autorité. En effet, mais ne le savait-on pas depuis le début ? Il est vrai, vous nous l’avez expliqué, que vous ne pouviez pas vous immiscer dans les affaires de la Fédération française de football, non plus que dans celles d’autres fédérations.

Autre question, qui n’est peut-être pas politiquement très correcte : vous qui avez rencontré les joueurs, ne pensez-vous pas qu’il y a aussi un problème d’identité nationale ? Lorsque certains joueurs ne sont pas capables de chanter l’hymne national, lorsqu’aucun ne le fait avec la main sur le cœur, lorsqu’ils n’honorent pas le drapeau français, lorsqu’ils ne sont pas conscients des devoirs qui sont liés à l’honneur de représenter la France, lorsque l’entraîneur se jette dans les bras de Thierry Henry qui vient de marquer de la main, lorsqu’il empêche les joueurs de parler aux médias, n’est-ce pas finalement une certaine éthique qui fait défaut à cette équipe ? Il me semble qu’il y a quelque chose de fort à faire en la matière et que le ministre serait bien là dans son rôle.

M. Alain Néri. En voyant leurs adversaires prendre aussi facilement le ballon dans les pieds des joueurs de l’équipe de France, je me suis demandé si ces derniers n’allaient pas finir par jouer les mains dans les poches, peut-être pour empêcher tout l’argent qui s’y trouvait de s’en échapper… Vous avez donc eu raison de dire, madame la ministre, que, si nous sommes face à un important problème, ce n’est celui ni du sport, ni du football français. J’ajouterai même, tant l’argent dégouline aujourd’hui sur le football professionnel, que cet échec n’est pas celui de l’équipe de France mais celui de l’équipe du fric !

On constate par ailleurs un désamour total vis-à-vis de l’équipe de France. Aucun des nombreux enfants qui participaient récemment à la fête de mon village ne portait le maillot bleu ! Quand la relation entre la jeunesse et ceux qui sont censés la représenter au niveau international en est là, on a du souci à se faire !

Il est révélateur que, depuis de nombreux mois, les seuls textes relatifs au sport qui nous ont été présentés aient surtout porté sur l’argent. Tel a été le cas de la loi « Lamour », qui avait créé le droit à l’image collectif et que j’ai combattue. Je vous sais gré, madame la ministre, d’avoir fait en sorte, en vous opposant à Mme Rama Yade, que cette disposition soit supprimée, même si cette suppression n’a été effective qu’à compter du mois de juin, au motif qu’il fallait laisser s’achever la saison en cours, sans doute afin d’éviter que ces braves gens ne se retrouvent au RSA…

Ce texte exonère par ailleurs les clubs professionnels du versement du « 1 % formation ». Or, vous l’avez vous-même souligné, il est particulièrement nécessaire de bien former des jeunes qui entrent très tôt dans un sport professionnel surpayé et perdent vite le contact avec la réalité. Qui plus est, parce qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus et que certains se trouvent de la sorte dans une situation sociale difficile, les sommes ainsi collectées pourraient aussi faciliter la reconversion.

Nous avons également dénoncé la loi sur les agents sportifs qui a fait suite à la mission d’information conduite par notre collègue Dominique Juillot – faut-il rappeler que notre demande de création d’une commission d’enquête sur les transferts et les agents avait été refusée ? En effet, avec ce texte, on a tout simplement légalisé ce qui était jusque-là illégal, en particulier le fait que celui qui utilise les services d’une personne fasse rémunérer cette dernière par son propre employeur : en clair, l’agent du joueur est payé par le club avec lequel il négocie, un peu comme si l’entreprise payait les honoraires de l’avocat du salarié qui la poursuit devant les prud’hommes.

Quant à la loi sur les paris en ligne, je sais gré à Bernard Depierre d’avoir avoué tout à l’heure quel était son véritable objectif. C’est bien ce que nous avons dénoncé tout au long du débat auquel je regrette, madame la ministre, que vous n’ayez pas participé. Quand on voit les publicités qui incitent sans cesse à parier, on mesure à quel point il était urgent que cette loi soit votée avant la Coupe du monde pour que l’argent puisse couler à flots !

Tout cela confirme ce que je dis budget des sports après budget des sports : il y a trop d’argent dans le sport et pas assez d’argent pour le sport !

Je regrette que, lorsqu’avec Henri Nayrou, nous sommes parvenus à faire passer à 5 % le prélèvement sur les droits télé, nous n’ayons pas proposé d’aller jusqu’à 20 % : les clubs professionnels n’en seraient pas morts et les clubs amateurs en auraient profité.

Enfin, vous parlez de transparence et de démocratie. Eh bien, il faut revoir le mode de désignation des responsables fédéraux et appliquer le principe « un licencié-une voix ». L’amendement en ce sens que j’avais fait adopter en Commission n’a pas été retenu en séance publique ; nous reviendrons à la charge !

M. Frédéric Reiss. Ma question a trait à l’éthique.

On connaît l’impact de la télévision ; or les images que les jeunes ont vues en direct le dimanche 20 juin sont absolument désastreuses. J’ai immédiatement pensé à ce qui allait se passer à la prochaine rentrée : quelle sera alors la crédibilité de tous les éducateurs qui s’occupent remarquablement de nos jeunes lorsqu’ils leur parleront du respect des règles et des dirigeants et lorsqu’ils leur demanderont de « mouiller le maillot ensemble » ?

Ne croyez-vous pas, madame la ministre, que les responsables de la Fédération française de football devraient exiger que la première sélection s’accompagne d’une adhésion formelle à la charte de déontologie ?

M. Bernard Depierre. Absolument !

M. Frédéric Reiss. Quand on porte le maillot de l’équipe de France, on a un devoir d’exemplarité, notamment vis-à-vis des jeunes, et ce principe ne saurait être contesté !

Mme Colette Langlade. Plus que les résultats de l’équipe de France, c’est surtout le comportement des joueurs qui a choqué, à juste titre, les Français. Coupée des réalités dans sa bulle de Knysna, cette équipe a oublié ses valeurs, perdu son honneur et, surtout, fait honte à la France. Un tel mépris du maillot national n’est pas acceptable et tout doit être mis en œuvre pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise. Vous avez annoncé récemment, madame la ministre, un audit externe afin d’établir les responsabilités de chacun et de tirer toutes les conclusions qui s’imposent après un tel échec. Mais ne serait-ce pas un cautère sur une jambe de bois ?

Une fois de plus, le Gouvernement ne semble se préoccuper que de l’effervescence médiatique, comme s’il cherchait surtout à faire oublier un agenda politique rejeté par les Français. Votre communication à géométrie variable en atteste : vous avez oscillé entre accablement maternel sur place et condamnation véhémente, deux jours plus tard seulement, à l’Assemblée nationale. Toute cette agitation, jusque dans les plus hautes sphères de la République, ne semble guère propice à une réflexion sereine et constructive pourtant nécessaire si l’on veut sortir de la crise que connaît le football français.

Dans leurs rappels à l’ordre, le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, et son président, Sepp Blatter, ont souligné que l’autonomie de gestion était un principe fondamental du sport et ont invité à la France à respecter les règles établies et à ne pas céder à la tentation facile de l’ingérence politique dans les affaires sportives. Or, Jean-Pierre Escalettes, qui en refusait l’éventualité il y a quelques jours, a finalement annoncé hier qu’il démissionnait de ses fonctions. Comment réagissez-vous à cette démission aussi soudaine que précipitée ? M. Escalettes a-t-il fait l’objet de pressions, sous quelque forme que ce soit, de la part de votre ministère ou de l’Élysée ?

M. Jean-Philippe Maurer. Avec cette équipe, nous sommes allés de stupéfaction en stupéfaction ! Le dépit sportif ne saurait tout justifier : perdre fait partie du sport et certains, comme les Italiens, ont su se montrer dignes dans la défaite. Pour leur part, les Français ont été la risée du monde entier, dont les médias se sont fait l’écho de leur attitude.

Éric Cantona a déclaré que si cela avait continué, les joueurs auraient fini par se manger entre eux. Grâce à l’élimination, a-t-on finalement évité des scènes d’anthropophagie ?

Vous, qui avez été à leur contact, pouvez-vous par ailleurs nous dire si les joueurs avaient conscience qu’ils étaient l’équipe de France et ce que cela signifiait pour eux ? On a surtout vu un agrégat d’individus qui tentaient de pratiquer un sport collectif, et le fait que le capitaine ignore jusqu’à l’existence de la charte éthique explique sans doute largement le décalage entre les attentes et ce qui s’est passé sur place.

Je souhaite également vous interroger sur la politique sportive en direction des jeunes : la généralisation des centres de formation, qui conduit à sortir très tôt les jeunes de leur milieu familial pour les installer dans une sorte de bulle pour qu’ils se consacrent presque exclusivement au sport, n’a-t-elle pas aujourd’hui montré ses limites ? Même la scolarité est désormais organisée au sein des centres. Ne vaudrait-il pas mieux, comme aux États-Unis, que le sport de haut niveau soit pratiqué sur les campus universitaires et ainsi davantage banalisé ?

Je suis par ailleurs convaincu de la nécessité de mettre résolument en valeur auprès de ceux qui intègrent l’équipe nationale ce que représente le mot « France ».

Enfin, je crois comme vous, madame la ministre, qu’il est indispensable de renforcer le lien entre le sport amateur et le sport professionnel, notamment avec les super professionnels qui composent l’équipe de France et qui aujourd’hui ne font plus rêver ni la France ni les jeunes footballeurs.

M. Michel Ménard. S’agissant de gouvernance, je m’interroge sur les normes qu’édictent les fédérations en matière d’équipements sportifs : exiger d’une collectivité locale qu’elle finance un certain éclairage afin de faciliter la tâche de la télévision est déjà la marque d’une certaine dérive.

Avant de réformer les instances dirigeantes de la Fédération, ne faudrait-il pas se pencher sur les pratiques des clubs amateurs de haut niveau, par exemple en division d’honneur, dans lesquels les footballeurs sont en fait fréquemment payés, en particulier sous la forme d’emplois aidés ? Il faut prendre le mal à la racine et pas seulement au plus haut niveau.

Mme la ministre. La durée même de cette audition met en pièces les accusations d’instrumentalisation qui ont été précédemment portées. J’observe d’ailleurs que le nombre des présents et la passion qu’ils mettent dans leurs interventions sont supérieurs à ce que j’ai connu ici en d’autres occasions, par exemple lorsque j’ai porté devant le Parlement la plus grande réforme du système de santé des cinquante dernières années.

M. Grosperrin m’a demandé si je me sentais responsable de la déroute. Il ne me semble pas avoir chaussé mes crampons à l’occasion de cette compétition. Plus sérieusement, on ne peut pas à la fois me demander de respecter scrupuleusement, comme je l’ai fait, l’indépendance des instances du football et me dire que j’aurais dû prendre l’équipe de France sous ma responsabilité ! Je l’ai dit et je pense que nous sommes tous d’accord à ce propos, les responsables de la défaite sont clairement identifiés : ce sont premièrement les joueurs, deuxièmement le sélectionneur, troisièmement les instances de gouvernance.

S’agissant de la main de Thierry Henry, je rappelle qu’il s’agissait avant tout d’une erreur d’arbitrage, comme il y en a eu d’ailleurs plusieurs lors de cette Coupe du monde, ce qui a même amené le président de la FIFA à présenter ses excuses et qui a relancé le débat sur la vidéo dans ce genre de matchs.

Mais tel n’est pas l’objet de cette audition, pas plus d’ailleurs que les questions posées par M. Ménard, pour intéressante que soit celle des normes – pour 20 cm2 manquant dans ses nouveaux vestiaires, le club de Champigné, dans le Maine-et-Loire, a failli perdre 20 000 € de subventions de la ligue des Pays-de-la-Loire ! Peut-être ce sujet pourra-t-il s’inviter lors des états généraux du football.

Alain Néri voit dans l’échec de l’équipe de France celui du fric. C’est un contresens !

M. Alan Néri. Décidément, vous avez vis-à-vis des joueurs une attitude bien maternelle…

Mme la ministre. Que je sache, les Allemands ainsi qu’un certain nombre d’autres joueurs ont les poches encore plus pleines d’argent, ce qui ne les empêche pas de courir vite sur le terrain. Vous n’ignorez pas par ailleurs que les joueurs ne sont pas payés pendant la Coupe du monde.

M. Alan Néri. Encore heureux ! On devrait leur demander des dommages et intérêts…

Mme la ministre. Un certain nombre d’entre vous avez évoqué la formation. Tous les clubs disposent d’un centre de formation, agréé par l’État et régulièrement inspecté par la DTN. Cela n’a rien à voir avec la taxe de 1 % sur les CDD, dont les clubs sont exonérés au motif que le CDD est d’usage dans le sport professionnel, où aucun joueur ne bénéficie d’un CDI. Les centres de formation développent de plus en plus la logique du double projet, éducatif et sportif, qui est un élément fort de notre politique. Ces centres sont une nécessité ; à défaut les jeunes seraient accueillis par des officines où ni la transparence ni l’éthique ne seraient garanties. Sans doute des améliorations sont-elles possibles, en particulier en matière de projet éducatif et de pédagogie, les états généraux pourront les envisager.

S’agissant des agents sportifs, le procès que nous fait Alain Néri ne me paraît guère fondé. Le dispositif que nous avons adopté permet à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties au contrat, club ou joueur, sous réserve qu’un contrat ait été déposé auprès de la Fédération. Loin de susciter des rétro-commissions, ce nouveau dispositif permet plus de transparence et de contrôle. C’est un principe de droit commun qui ne fait que reprendre des usages en vigueur dans de nombreux secteurs, comme le secteur artistique mais aussi le secteur immobilier où le paiement est traditionnellement mis à la charge de celui qui verse la somme prévue au contrat. Aucun autre pays ne prévoit la rémunération des agents par les joueurs. Cette évolution législative met donc les pratiques françaises en cohérence avec les pratiques usuelles des transferts internationaux. Désormais le contrôle de la profession d’agent repose sur deux piliers indissociables, l’implication des fédérations et la répression pénale. La loi donne compétence au Comité national olympique et sportif français pour exercer ses missions de conciliation dans les conflits qui opposent des agents sportifs aux fédérations. Enfin, les sanctions pénales sont renforcées, avec des peines d’emprisonnement de deux ans et 30 000 € d’amende en cas d’exercice illégal de la profession d’agent sportif. Cette loi a donc moralisé la profession.

Les réflexions de Jacques Grosperrin sur l’hymne national renvoient bien évidemment à la charte de déontologie. J’indique par la même occasion à Frédéric Reiss que je suis tout à fait favorable à ce que l’on prévoie la lecture et la signature solennelles de cette charte et à ce que l’on s’assure du consentement éclairé des joueurs. Car, je le répète, ce qui a posé problème ce n’est pas que les joueurs aient mal joué mais qu’ils n’aient pas respecté les règles d’éthique alors qu’ils portaient les couleurs nationales et qu’ils représentaient la France. Voilà ce qui a soulevé cette émotion au sein de la communauté nationale !

Madame Langlade, dans la mesure où il n’a jamais été question de mettre la Fédération française de football sous tutelle et où les responsables de la FIFA en ont pris acte, leurs rappels à l’ordre ne visaient donc pas la France mais étaient plutôt adressés à la cantonade à un certain nombre de gouvernements qui n’appliquent pas la même éthique vis-à-vis de leurs fédérations.

Vous me demandez si le président de la Fédération a été soumis à des pressions, je vous réponds que non et je le déclarerais sous serment si j’étais devant une commission d’enquête. À aucun moment je ne suis intervenue auprès de M. Escalettes ou ne lui ai téléphoné pour lui demander de démissionner, tout simplement parce qu’il n’est pas nommé par le gouvernement mais à l’issue d’un processus démocratique – auquel nous pourrons d’ailleurs réfléchir ultérieurement. J’ai simplement déclaré sur RTL que, parce que je considérais que la situation devenait extrêmement difficile du fait de la pression médiatique, il m’apparaissait que la démission de Jean-Pierre Escalettes allait devenir inéluctable. Chacun ici n’aurait-il pas pu faire la même réflexion ?

M. Maurer s’est demandé si les joueurs auraient fini par se manger entre eux. Il m’est impossible de lui répondre. Lorsque j’étais sur place, j’ai surtout observé de la froideur et de l’isolement : la soupe était plutôt glacée que bouillante.

C’est avec plaisir que j’ai répondu à votre invitation. J’ai le sentiment que le débat ne fait que commencer. J’ai bien noté que nombre d’entre vous souhaitez participer aux débats des états généraux du football, qui permettront d’ouvrir un certain nombre de dossiers. Bien évidemment, je recevrai avec un grand intérêt les contributions des parlementaires et de votre Commission.

Mme la Présidente Michèle Tabarot. Merci, madame la ministre. Vous avez fort aimablement accepté de prolonger cette audition mais il ne nous est hélas pas possible de la poursuivre plus avant. Ceux de nos collègues qui n’ont pu intervenir vous adresseront par écrit leurs questions, auxquelles vous vous êtes engagée à répondre ; je leur donnerai en outre prioritairement la parole lors de notre audition de demain matin.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 29 juin à 18 heures

Présents. - M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Patrice Debray, M. Pascal Deguilhem, M. Bernard Depierre, Mme Odette Duriez, Mme Martine Faure, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Gérard Gaudron, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Jacqueline Irles, M. Régis Juanico, Mme Colette Langlade, Mme Geneviève Levy, Mme Martine Martinel, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Ménard, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Patrick Roy, Mme Michèle Tabarot

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, Mme Danielle Bousquet, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. David Douillet, Mme Françoise Imbert, Mme Colette Le Moal, Mme Françoise de Panafieu, M. Franck Riester, M. Didier Robert

Assistaient également à la réunion. - M. Guy Delcourt, M. Jean-Pierre Dupont, M. Michel Issindou, M. Jean-François Lamour, M. Marc Le Fur, M. Philippe Meunier, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Jean-Luc Pérat, M. Simon Renucci, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Michel Villaumé