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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 5 octobre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 01

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information de M. Jean-Jacques Gaultier sur le contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 de France Télévisions

– Avis, par scrutin, de la Commission sur le contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 de France Télévisions

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi, et M. Éric Walter, secrétaire général de la Hadopi, sur le rapport d’activité de la Hadopi pour 2010

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 5 octobre 2011

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, sur le rapport d’information de M. Jean-Jacques Gaultier, le contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 de France Télévisions.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Mes chers collègues, je rappelle que nous avons désigné M. Gaultier, notre rapporteur d’information, au printemps dernier pour suivre la négociation du contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre la direction de France Télévisions et le Gouvernement. Nous avons auditionné le ministre de la culture et de la communication au mois de juin. Le projet de COM a ensuite été présenté au conseil d’administration de France Télévisions en juillet et il nous a été transmis pour avis en application de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Chacun des membres de la Commission en a eu communication début septembre et il vous a de nouveau été adressé en fin de semaine dernière.

Avant de vous donner la parole, Monsieur le rapporteur, je voudrais observer que le projet de COM comporte des engagements en faveur de l’accessibilité des programmes. Malheureusement, en ce qui concerne les personnes sourdes et malentendantes, il n’est pas prévu la généralisation du sous-titrage pour les programmes régionaux, notamment les journaux des régions sur France 3. Je pense qu’il faudrait remédier à cette situation en en saisissant la direction de France Télévisions.

Cette observation faite, je précise qu’à l’issue de votre présentation, je vous demanderai quel est l’avis que vous recommandez à la Commission de formuler et nous voterons donc sur cette proposition.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur. Comme l’a indiqué Mme la présidente, le projet de COM a été transmis à notre Commission à la fin du mois d’août et communiqué à chacun des membres de la Commission au début du mois de septembre, ainsi qu’à la fin de la semaine dernière. Nous disposions, pour émettre un avis sur ce document, d’un délai de six semaines qui expire sous peu.

Ce projet de COM porte sur la période 2011-2015 qui couvre la durée du mandat du nouveau président de France Télévisions, M. Rémy Pfimlin, ce qui est cohérent, ainsi que la période pendant laquelle France Télévisions continuera à bénéficier de la ressource publicitaire en journée, en application de la loi de finances pour 2011 repoussant à 2016 l’arrêt total de la publicité sur ses antennes.

Ce projet de COM affiche plusieurs priorités. La première d’entre elles consiste à s’adresser à tous les publics, c’est-à-dire à élargir l’audience de France Télévisions. Je rappelle que le téléspectateur de France Télévisions est aujourd’hui plus âgé que la moyenne de la population française – il a 57 ans – et est, souvent, un inactif. L’élargissement de l’audience constitue un défi. Certes, France Télévisions ne doit pas être soumise à la « tyrannie » de l’audience, qui ne peut être une fin en soi. Des polémiques ont d’ailleurs pu survenir sur ce sujet au cours de l’été, qu’il convient de dépasser. La sagesse commande de rappeler que les mesures de l’audience ne peuvent bien sûr pas tenir lieu de seul indicateur de performance. Mais elles sont un outil utile pour mieux connaître le public de France Télévisions et évaluer l’adaptation des programmes à celui-ci.

La deuxième priorité consiste à conforter l’identité et la complémentarité des antennes du service public. France 2 doit apparaître comme une chaîne de référence généraliste. France 3 est définie comme la chaîne des « racines » et des terroirs, fondée sur la proximité et l’authenticité. La question est plus délicate s’agissant de France 4, dont l’identité a été plus difficile à dégager ; elle était parfois assimilée à une chaîne privilégiant les rediffusions, diffusant du sport, ou parfois destinée aux enfants. Le virage est aujourd’hui clairement pris : elle devrait désormais devenir la chaîne de la jeunesse, à destination des 15-35 ans, ce qui supposera d’adapter sa grille de programmes en y accroissant la place du sport, des animations, ou encore en les consacrant au premier emploi ou au premier exercice du droit de vote. Aujourd’hui, l’audience de cette chaîne croît, son identité étant mieux cernée. France 5 est la chaîne du savoir et de la découverte. Enfin, France Ô est la chaîne de l’ouverture sur le monde, au-delà de son socle originel consacré à l’outre-mer.

La troisième priorité est celle de la présence de France Télévisions sur le marché numérique. C’est un des grands enjeux du projet de COM. France Télévisions ambitionne d’être présente sur tous les supports, y compris les smartphones et les tablettes numériques, pour faire face à une consommation de plus en plus délinéarisée. À cet effet, France Télévisions prévoit la création de deux plates-formes numériques consacrées respectivement à l’information en novembre, et au sport au printemps 2012. Le projet prévoit également d’accroître la présence de France Télévisions sur les réseaux sociaux.

L’enveloppe initiale consacrée à l’offre numérique est de 55 millions d’euros en 2011 et devrait s’élever à 125 millions d’euros en fin de contrat. Cet effort est toutefois à relativiser au vu des quelque 300 millions d’euros consentis par la BBC dans le même domaine.

Au-delà de ces nouvelles plates-formes de diffusion, France Télévisions entend progresser en matière de télévision connectée et de rattrapage, y compris pour ce qui concerne les technologies employées, comme par exemple la norme européenne HbbTV qu’elle a déjà expérimentée pour retransmettre la compétition de Roland-Garros et qui permet d’associer différents services.

Des efforts seront également consentis pour le passage en haute définition, ce qui nécessite évidemment des moyens financiers – 14 millions d’euros par chaîne – mais également des ressources en fréquences. Ce dernier point soulève des incertitudes, soulignées par le rapport de M. Michel Boyon au Premier ministre, car la question de la norme de diffusion n’est pas encore tranchée. Ainsi, la norme DVB-T2 permettrait à davantage de chaînes de passer en haute définition, mais les délais nécessaires pour la mettre en œuvre sont assez longs – l’échéance se situerait en juin 2013. Dans ce contexte, la diffusion de France 3 en haute définition ne sera possible, à compter de 2012, que par satellite, ADSL et câble. Le projet de COM donne la priorité à France 5 pour le passage en haute définition, vers l’année 2013.

J’en viens au quatrième grand axe du projet de COM : la création, qui en constitue un enjeu clef. France Télévisions est en effet le moteur de la création, dont l’entreprise est le premier diffuseur et le premier financeur : elle finance 60 % de la fiction et des documentaires, 55 % de l’animation et 78 % des spectacles. A contrario, certains de ses concurrents ont, pour leur part, fait le double choix de « l’étagère » et de la facilité en achetant des œuvres étrangères déjà amorties.

Le rôle de France Télévisions est donc primordial, que ce soit en termes d’appui au cinéma ou à l’audiovisuel. Pour ce dernier, un socle de 420 millions d’euros est garanti en 2012 – contre 365 millions d’euros en 2007-2008 et 390 millions d’euros en 2011 – et pourrait même être dépassé en raison de l’accroissement de la seconde obligation de production fixée en pourcentage du chiffre d’affaires, qui passe de 19,5 % à 20 %. La contribution à la création cinématographique passe, quant à elle, de 50 à 60 millions d’euros.

Un autre axe d’intervention est celui de la diversification des programmes. On devrait compter davantage de programmes musicaux, ce qui a d’ailleurs suscité la satisfaction de l’association « Tous pour la musique ». Un effort sera également consenti en matière de diffusion de programmes sportifs. Le service public a pu faire preuve de timidité à l’égard de certaines disciplines sportives. Elles devraient bénéficier d’une meilleure exposition grâce à la plate-forme numérique qui sera mise en œuvre ; on peut néanmoins regretter qu’il n’existe pas d’indicateur du nombre de disciplines retransmises ou traitées dans ce cadre. L’effort portera enfin sur les programmes régionaux. Le projet de contrat prévoit une augmentation de 50 % du volume d’heures de diffusion qui y seront consacrées, ainsi qu’une croissance de 20 % de la part de l’offre régionale dans l’offre globale de France 3. Je m’en félicite ; il reviendra à la direction de France Télévisions d’examiner si cette stratégie peut conduire, le cas échéant, à nouer des partenariats avec des chaînes locales.

Un objectif ambitieux a été fixé en termes d’accessibilité des programmes aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif, mais, comme l’a souligné Mme la présidente, des progrès restent à accomplir. Le sous-titrage ne concerne en effet pour l’instant que les programmes nationaux, les programmes régionaux en étant exclus. Cela étant, on peut espérer que le nouveau centre de diffusion des échanges qui devrait être opérationnel à la fin de l’année 2012 permettra d’améliorer les résultats dans ce domaine.

J’en viens maintenant aux moyens. L’enjeu principal est de donner à France Télévisions une trajectoire financière stable et visible pour achever la mise en place de l’entreprise unique. Le projet de COM permet de programmer l’évolution des ressources publiques qui lui sont affectées et qui représentent 85 % de ses ressources globales : il s’agit d’une fraction du produit de la contribution à l’audiovisuel public – anciennement redevance audiovisuelle – et d’une dotation spécifique inscrite au budget de l’État.

La dotation publique pour 2011 inscrite dans le plan d’affaires est fixée à 2,464 milliards d’euros. L’arbitrage dégagé au début de l’été prévoit une croissance de 2,2 % par an de la ressource publique ce qui, au vu du contexte budgétaire contraint, est favorable à France Télévisions. Cette trajectoire est d’ailleurs cohérente avec l’indexation de la contribution à l’audiovisuel public sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, qui a progressé en moyenne de 2,2 % sur les douze derniers mois.

La mise en place de l’entreprise unique s’est traduite dans un premier temps par une augmentation des charges de personnel, ce qui n’est pas étonnant compte tenu de l’harmonisation des conditions salariales qu’elle a entraînée. Cette légère croissance est appelée à se stabiliser jusqu’à une limitation progressive de la part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement, à hauteur de 35 % en 2015, soit un niveau inférieur à celui atteint en 2010.

S’agissant des ressources propres de France Télévisions, le plan d’affaires ne chiffre pas l’impact de la suppression en journée de la publicité en janvier 2016, ce qui aurait été en effet assez hasardeux. Une clause de rendez-vous entre France Télévisions et l’État est prévue avant la mi-2013 afin d’apprécier la diminution potentielle de ces recettes dès 2014.

Le plan d’affaires prévoit une stabilisation des recettes de publicité à 425 millions d’euros pour les années 2011 et 2012. Cette hypothèse semble raisonnable : le marché de la publicité s’est en effet stabilisé de 2005 à 2011 en euros constant et l’on sait que son évolution dépend grandement de la croissance économique.

Le projet de COM prévoit en outre qu’en cas de « surperformance » publicitaire, le complément de ressources en résultant pourra être conservé par France Télévisions. Je m’en félicite personnellement ; c’était un enjeu important des négociations menées avec l’État et j’avais milité en ce sens. Cela évitera de pénaliser la réussite économique et laissera à l’entreprise la maîtrise de sa gestion. J’estime néanmoins que ce surplus de recettes devra être affecté à l’investissement et ne devra pas être utilisé pour abonder le budget de fonctionnement. Il n’est cependant pas sûr que cette question se pose, compte tenu du caractère actuellement très peu dynamique du marché publicitaire.

Concernant l’achèvement de l’entreprise unique, chacun peut constater aujourd’hui que le calendrier initialement fixé était peu réaliste. Le projet de COM lui fixe pour échéance la fin de l’année 2014. Il s’agit de mutualiser toutes les fonctions de support, comme la gestion comptable et financière ou la gestion des ressources humaines, ou encore d’harmoniser les systèmes informatiques. L’achèvement de l’entreprise unique passe aussi par une négociation collective, rendue obligatoire, une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, une unification des statuts et une harmonisation en matière de salaires, d’horaires de travail et de qualifications.

À l’issue des négociations, un accord collectif couvrant l’ensemble des personnels de l’entreprise unique comportera une partie commune aux journalistes et aux personnels techniques et administratifs et des livres spécifiques à chacune de ces deux catégories de personnels.

Je conclurai en soulignant les défis qui s’imposent à France Télévisions : l’entreprise doit faire face à un paysage audiovisuel en perpétuelle mutation, voire même en révolution. Dans ce contexte, les engagements du projet de COM dans le domaine de la création et du numérique, l’assurance d’une dotation publique à un niveau satisfaisant alors que le budget est très contraint et la possibilité pour France Télévisions de disposer des recettes tirées de la « surperformance » publicitaire me conduisent à émettre un avis très favorable sur ce projet de contrat d’objectifs et de moyens.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Mes chers collègues, je vous indique que nous auditionnerons M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le 19 octobre prochain afin d’évoquer l’ensemble des mutations qui affectent le secteur audiovisuel.

M. Michel Herbillon. Je souhaite tout d’abord féliciter M. Jean-Jacques Gaultier pour son travail sur un sujet qui n’est pas facile et je donnerai un avis favorable à ce projet de COM. Je souhaite tout de même appeler à une plus grande concomitance entre la durée du mandat des présidents de l’audiovisuel public et celle du COM. J’aimerais par ailleurs connaître l’analyse que fait le rapporteur de la situation actuelle que connaît France Télévisions, et notamment de l’insuccès de certaines émissions lancées à la rentrée, et de la situation financière de France 2 et France 3 dans un tel contexte. S’agissant de la réforme de France 3 et de son réseau, j’aurais souhaité que l’on aille plus loin, conformément aux préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par M. Jean-François Copé. En ce qui concerne les engagements financiers importants en faveur de la création, si l’on doit féliciter de la suppression du « guichet unique » et si le COM souligne à juste titre l’importance de l’innovation, on peut s’inquiéter de l’état de santé de la fiction française. Pourrait-on enfin avoir des fictions nationales qui marchent, comme c’est le cas à l’étranger, et même s’exportent ? Quelle est la raison de cette exception française ? Doit-on l’imputer à des problèmes d’écritures ou aux relations entre France Télévisions, les auteurs et les producteurs ?

Mme Martine Martinel. Je remercie M. Michel Herbillon pour les remarques très justes qu’il a faites sur la fiction. S’agissant de M. Jean-Jacques Gaultier, je voudrais le féliciter d’avoir pu trouver de la visibilité dans ce COM. L’absence de visibilité me semble plutôt l’une de ses grandes faiblesses. Ainsi, plusieurs remarques s’imposent s’agissant du volet financier. Les documents fournis sont difficilement exploitables, voire inexploitables, en raison de l’absence de chiffrage précis et détaillé du plan d’affaires. Ce dernier, qui explicite pour cinq ans les modalités de financement d’un groupe financé à hauteur de plus de 2,5 milliards d’euros par des deniers publics, tient en un maigre tableau. Les divers coûts de fonctionnement et d’investissement ne sont pas précisés. Le mode d’évaluation des recettes propres n’est pas explicité, ce qui met la représentation nationale dans l’incapacité de porter un jugement sur la soutenabilité de la trajectoire financière et sur le niveau de ressources publiques dont le groupe aura besoin pour accomplir sa mission. Plusieurs indicateurs manquent également de lisibilité et de précision.

Une autre difficulté majeure hypothèque l’ensemble du COM : l’absence totale de visibilité liée à ce que le modèle économique de France Télévisions a été remis en cause sans qu’un nouveau modèle économique ne soit encore défini. Je rappelle pour mémoire que la publicité doit être supprimée à l’issue du COM, mais que la question du mode de financement de cette mesure n’a toujours pas été soulevée, ni même l’avenir de la régie publicitaire dont s’était inquiétée la « Commission Copé-Tabarot » sur l’avenir de la publicité sur France Télévisions. Quant au financement de la suppression de la publicité en journée, il a de grandes chances d’être remis en cause par la menace qui pèse sur la taxe sur les opérateurs de télécommunications au plan européen.

En outre, la prévision de recettes publicitaires apparaît manifestement optimiste puisque la perspective de suppression de la publicité entraînera mécaniquement une diminution importante des investissements des annonceurs, au moins dans les deux années précédent la disparition de la publicité, comme ce fut le cas l’année précédant la suppression de la publicité en soirée. Or, on peut s’étonner de constater que le COM prévoit une augmentation linéaire des recettes publicitaires ! S’agit-il d’une incohérence assumée pour des raisons d’affichage ? Il y a en tout état de cause une clause de rendez-vous en 2013 afin de réévaluer les perspectives de recettes publicitaires. Bref, une chose est sûre, si l’objectif d’un COM est d’apporter de la visibilité au groupe, on passe complètement à côté et je félicite le rapporteur d’avoir trouvé de la visibilité dans le plan d’affaires associé à ce COM.

S’agissant du volet stratégique, M. Rémy Pflimlin a défini une vision du service public à laquelle on ne peut que souscrire : s’adresser à tous les Français, créer l’imaginaire collectif… S’il y a énormément de bonnes intentions, la première étant de « fédérer tous les publics autour d’une offre complète et diversifiée », pour le moment la programmation mise en place par la nouvelle direction ne semble pas, loin s’en faut, « fédérer tous les publics », au regard des résultats d’audience décevants, et c’est une litote, enregistrés depuis l’été et singulièrement depuis la rentrée. On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace ou par une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement exigeante. La nouvelle programmation a été dénoncée par quasiment toute la presse, du Figaro au Monde en passant par Libération. On peut certes répondre à cela qu’il faut du temps pour qu’une programmation s’installe et trouve son public. On peut dire aussi, comme l’a fait M. Jean-Jacques Gaultier que, s’agissant du service public, il convient de ne pas avoir les yeux rivés sur les chiffres d’audience, France Télévisions étant largement libérée de cette contrainte depuis la suppression de la publicité en soirée. En même temps, le COM se fixe bien l’objectif de « mesurer l’ouverture à tous par des indicateurs d’audience ». Ma conviction est d’ailleurs que l’évolution de l’audience reste un bon indicateur de la satisfaction des usagers du service public de l’audiovisuel et de sa capacité à « fédérer tous les publics ».

Vous avez insisté, M. le Rapporteur, sur le renforcement de l’identité des chaînes qui figure parmi les grands axes de ce COM. Or, à l’exception de France 3, qui devrait voir sa vocation de chaîne régionale renforcée, on ne constate pas de changement majeur. Si l’objectif de renforcer l’image et l’identité régionale de France 3 me paraît louable, l’unique indicateur associé à cet objectif est on ne peut plus flou puisqu’il s’agit de la part de « l’offre régionale dans l’offre et la consommation de France 3 entre 6 h et 25 h », mesurée en coût horaire des programmes et sans que soit défini ce qu’est « l’offre régionale ». Par ailleurs, on peut déplorer que cette chaîne soit la dernière à passer en haute définition, alors qu’elle est la deuxième chaîne du service public et que l’on veut redorer son image.

Pour ce qui est de France 4, vous avez estimé qu’elle trouvait enfin son identité en s’adressant à la jeunesse de 15 à 40 ans ! Il me semble que cette cible est assez dilatée. En outre, l’objectif de toucher le public de 15 à 40 ans est louable, sauf si le moyen d’y parvenir est la programmation de divertissements et de séries américaines. Par ailleurs, l’an dernier, j’avais souligné dans mon avis sur les crédits de l’audiovisuel public l’anomalie que constitue selon moi l’absence d’une chaîne consacrée à la jeunesse, alors que la plupart des grands groupes de service public européens ont fait ce choix, et l’insuffisante implication du service public dans une mission fondamentale, qui est la mission éducative. Je me réjouis que cette idée ait fait florès puisque le projet socialiste mais aussi le projet de l’UMP pour la culture prévoient la création dans le cadre du service public de l’audiovisuel d’une chaîne jeunesse gratuite et de qualité, mais je ne peux que déplorer que cette dimension qui m’apparaît indiscutable et prioritaire n’ait pas été prise en compte dès le présent COM, d’autant que l’on souhaite s’adresser aux jeunes et que l’on est incontestablement jeune avant 15 ans mais peut-être moins à 40 ans.

Vous avez, M. le Rapporteur, insisté sur la priorité que constitue le développement numérique. Il s’agit là surtout de rattraper le retard de France Télévisions. On peut toutefois regretter la faiblesse des moyens humains et financiers qui seront assignés à cet objectif, compte tenu des enjeux et en comparaison avec les moyens qu’y consacre par exemple la BBC et que vous avez rappelés. Si l’on veut vraiment développer le numérique, il me semble qu’il faut y mettre des moyens beaucoup plus importants.

À la lecture de ce COM, je me suis aussi interrogée sur la priorité qui est accordée au développement de la politique internationale de France Télévisions et de la présence des chaînes du groupe sur les réseaux numériques, câblés et satellitaires internationaux, alors que l’exécutif a justement fait le choix, peut-être discutable et en tout cas discuté, d’un pôle dédié à l’audiovisuel extérieur de la France.

Le COM s’attarde enfin sur l’objectif consistant à faire de l’entreprise commune un modèle d’organisation responsable et efficace et Rémy Pflimlin insiste sur la création d’une direction de la santé et de la qualité de vie au travail. La nouvelle direction, à son arrivée, avait en effet constaté et reconnu les risques psychosociaux importants qui existent au sein de l’entreprise. Espérons que la création d’une direction de la santé et de la qualité de vie au travail puisse véritablement faire progresser les conditions de travail à France Télévisions et ne serve pas d’instrument d’affichage ou d’alibi.

Rappelons que l’équipe de Patrick de Carolis avait mis en place, de manière extrêmement fidèle, l’organisation ultra centralisée préconisée par la commission dite « Copé », en dépit des nombreuses critiques et réserves qui s’étaient exprimées sur les risques de constitution d’un guichet unique. La nouvelle organisation et le nouvel organigramme n’avaient pas encore été mis en place que l’équipe de Rémy Pflimlin a décidé de mettre fin à ce guichet unique en redonnant plus de responsabilité aux chaînes. Si l’on doit se réjouir de la fin du guichet unique, on ne peut que déplorer la désorganisation totale dans laquelle l’entreprise a été plongée du fait de ces revirements, l’entreprise unique étant encore loin d’être constituée et l’organisation interne pas encore parfaitement lisible.

Pour conclure, le service public a des missions fortes mais le COM qui nous est proposé n’est pas à la hauteur de ces dernières.

Mme Marie-George Buffet. Nous étudions le COM 2011-2015 de France Télévisions dans un contexte très concurrentiel et très dur pour les chaînes publiques et France Télévisions. En effet, la concurrence sur la TNT avec Canal +, qui va pouvoir y écouler, à bas coûts, ses productions rentabilisées par son secteur payant, va déstabiliser les autres chaînes, privées comme publiques, et notamment France 2 et France 4 qui s’adressent aux mêmes catégories de téléspectateurs. De même, l’entrée d’Orange sur le marché, avec le développement de la télévision numérique sur internet, va en modifier profondément le cadre, Orange commençant même à produire des contenus, alors que les usages d’internet se développent.

De profondes mutations technologiques sont en cours. L’entrée dans la haute définition représente des coûts importants mais constitue un enjeu crucial car un écart en termes de qualité d’image entraînera un repli des téléspectateurs vers les chaînes qui en sont dotées au détriment de celles qui ne seront pas passées rapidement à la haute définition. Les retards de France  3 sont inquiétants dans ce domaine. L’entrée dans le numérique entraîne aussi une modification de contenu très importante pour France Ô, puisque les chaînes nationales, qui n’étaient pas jusqu’à présent diffusées outre-mer, le seront. La grille de programmes doit donc être profondément revue alors même que les créations devront représenter 80 % de cette grille contre 20 % actuellement.

Le contexte est difficile, enfin, pour France Télévisions confrontée à l’érosion de l’audience de ses chaînes qui doivent trouver de nouveaux téléspectateurs en diversifiant leurs programmes, alors que la décision de supprimer la publicité rend son financement incertain. L’État, qui s’était engagé à en maintenir les ressources va sans doute être conduit à revoir sa position en période d’austérité budgétaire. France Télévisions a enfin une obligation de commande de programmes à des producteurs privés, pour un montant plancher de 420 millions d’euros qui pèse sur son financement, les sommes étant attribuées quels que soient l’évolution des recettes ou l’usage de ces fonds.

Face à de tels enjeux, le COM, fort modeste, n’est pas à la hauteur des défis qui doivent être relevés par France Télévisions, alors que la pérennité même de son financement est incertaine.

Enfin, les parties du COM consacrées aux personnels de France Télévisions ne sont pas de nature à rassurer. Ce pourrait être la variable d’ajustement si France Télévisions était en difficulté. Une baisse des effectifs de 5 % est annoncée à partir de 2013. Le projet de création d’une direction centrale de la santé au travail semble anticiper une accentuation de la souffrance au travail dans l’entreprise, alors que paradoxalement le nombre de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) va passer à 4, soit un pour 5 à 7 sites, alors que les syndicats en revendiquent 24.

Au-delà des questions de financement, les réponses vagues données sur les questions de renouvellement de la programmation et les efforts de production interne sont préoccupantes.

Des réponses aussi insuffisantes aux défis auxquels est confrontée la télévision publique nous conduisent à réserver le vote du groupe GDR sur ce projet de COM.

M. Alain Marc. Je m’étonne que lorsque l’on parle de France 3 comme chaîne des racines et des régions, fondée sur la proximité et l’authenticité et des fiertés locales liées au miroir que tend la télévision, on ne fixe pas, au-delà de ces définitions flatteuses, des objectifs précis en terme de diversité culturelle. Or la France s’est construite avec une diversité de cultures : il est paradoxal de prôner la diversité culturelle dans le monde entier mais de ne pas la développer sur son propre territoire. Les langues régionales en sont la preuve et leur mise en valeur par la télévision doit être un objectif, qui ne coûtera pas davantage, mais montrera une volonté de dépasser le simple affichage de la fierté locale. Cette précision apportée, j’émettrai un avis favorable.

M. Patrick Bloche. Sincèrement, quand on se souvient des propos enthousiastes et ambitieux de Jean-François Copé, ancien président de la commission éponyme, l’examen de ce COM ferait presque sourire si ses enjeux n’étaient pas l’avenir même de l’audiovisuel public. On nous expliquait à l’époque, à la veille de la réforme de l’audiovisuel, que « libéré des contraintes de l’audimat et de la recherche à tout prix de ressources publicitaires », l’audiovisuel public allait pouvoir relever tous les défis, celui du numérique comme celui de la concurrence avec les chaînes privées, et que là était son renouveau.

Alors même que le paysage audiovisuel est bouleversé - ce devrait d’ailleurs pouvoir être l’objet de travaux de notre Commission – comme, par exemple, par la colonisation rampante de la TNT par les chaînes de télévision privées ou par la montée en puissance des écrans connectés qui conduiront des géants tels que Google ou Apple TV à devenir de redoutables concurrents, il faut constater que ce COM n’est pas à la hauteur des défis à relever pour l’audiovisuel public : défis de la concurrence et des nouvelles technologies. Il nous est finalement présenté un COM comme si de rien n’était, comme si rien ne bougeait, dans un environnement immuable, identique à celui qui prévalait il y a quinze ou vingt ans. Enfin, c’est un COM « peau de chagrin ».

Mais nos deux reproches essentiels sont que ce COM est insincère et imprécis.

Il est insincère parce que d’un côté il est indiqué que le coût des grilles de programme augmentera de 2,8 % mais de l’autre, que les ressources publiques, qui assurent 85 % des ressources de France Télévisions, n’augmenteront que de 2,2 %. On sait parallèlement que les rentrées de redevance ont été inférieures à ce qui était prévu.

L’estimation des ressources publicitaires, enfin, est également insincère. Prévoir 425 puis 450 millions d’euros n’est pas raisonnable. Il est plus probable qu’en 2015 elles ne soient que de 390 ou 400 millions d’euros, surtout dans le contexte de crise économique et sociale actuel. Une prévision pour 2015 dans ces conditions, fondée sur des progressions arbitraires et qui ne prend pas en compte l’évolution préoccupante de l’audience, dont la chute entraîne celle des recettes publicitaires, n’est pas sérieuse. Le magazine de Bruce Toussaint en prime time sur France 2, hier, a fait 4,3 % d’audience. Il y a six mois on s’inquiétait de l’audience de France 3, on en est aujourd’hui à craindre pour France 2…

De là, ce COM, s’il est insincère, est aussi imprécis. En effet, que reste-t-il de non prioritaire face à un objectif qui donne la priorité à la création, à l’innovation, à la diversité culturelle, musicale et sportive ? La production audiovisuelle, la création qui nous est chère, disposerait de 420 millions d’euros définis comme un plancher ; il est clair, dans le contexte que nous connaissons, qu’il s’agira au mieux d’un plafond.

Enfin, fixer pour l’innovation 50 millions d’euros aujourd’hui en espérant 120 millions, soit quelques pourcents du chiffre d’affaires semble, compte tenu des défis technologiques à relever et de la place à assurer sur internet à France Télévisions, très insuffisant.

M. Daniel Spagnou. Il est des fictions françaises qui marchent comme « Plus belle la vie » sur France 3, tournée chez moi, avec 6 millions et demi de téléspectateurs chaque soir… Je me félicite du très bon travail de notre rapporteur. Je regrette seulement que les chaînes locales n’aient fait l’objet que de quelques lignes alors que dans un département comme le mien, rural et de montagne, nous avons la chance d’avoir une chaîne locale qui remplace de fait France 3 pratiquement inexistante et défaillante. Celle-ci nous évite d’être un désert télévisuel. Aussi je souhaiterais que le partenariat avec France Télévisions, en discussion depuis des années, aboutisse. Il y va de l’avenir des chaînes locales mais aussi de l’égalité de traitement entre les zones rurales et de montagne et les villes, alors même que l’introduction de la TNT a pour conséquence que la moitié des communes rurales et de montagne n’ont plus accès à la télévision, comme nous le font savoir les maires presque quotidiennement.

Mme Monique Boulestin. Les audiences de France 3 sont en baisse depuis des années. Or, on l’a rappelé, la spécificité de France 3 ce sont les offres régionales. Le COM devait renforcer cette identité régionale forte. La création des pôles de gouvernance devait, notamment, donner de nouveaux objectifs aux journaux régionaux et renforcer les productions documentaires. Or les budgets ne sont toujours pas à la hauteur de ces ambitions. Le Gouvernement n’a pas alloué la hausse de 2,8 % espérée : le budget est en hausse de quelque 2,2 %, insuffisants. Quels sacrifices vont donc être demandés à France Télévisions ? Les chaînes régionales vont-elles faire les frais de cette période d’austérité, alors que la perception réelle de la redevance audiovisuelle est inférieure aux prévisions ?

Mme Françoise de Panafieu. Mon observation porte sur le sous-titrage en région destiné à un public handicapé. Cette initiative a bénéficié d’un large soutien. Mais il faut pour cela disposer d’un budget important, d’autant plus qu’il me semble que chaque région est responsable de son sous-titrage, le coût est donc à multiplier par le nombre de zones de diffusion. Lors de la discussion de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le coût en était estimé à 15 à 20 euros par minute, ce qui n’est pas négligeable mais doit assurer un service indispensable. Un gros effort a été fait depuis cinq ans sur les chaînes nationales, qu’il faut souligner, et qui permet maintenant de garantir le service et la qualité du sous-titrage. Ce n’est pas encore le cas en région, il conviendrait d’y remédier.

Mme Valérie Fourneyron. Je m’interroge sur les insuffisances du COM en matière de diversification des programmes dans le domaine du sport. Le CSA a en effet constaté qu’en 2010, sur 100 000 heures de programmes sportifs diffusés, 98 % l’ont été sur des chaînes payantes. 75 % du marché des droits des compétitions sportives concerne des opérateurs de télévisions payantes. Depuis le début des années 1990, toute l’augmentation des transmissions des manifestations sportives s’est accompagnée d’une diminution du nombre des disciplines et des sports exposés : 48 disciplines en 1990, 42 en 1995, 32 en 2000, 21 en 2010… L’évolution de la place des disciplines sportives alors qu’augmentent les programmes sportifs proposés par les télévisions payantes est extrêmement inquiétante, même si l’on peut cependant imaginer que l’arrêt du 4 octobre 2011 de la Cour de justice européenne en matière de commercialisation des droits de retransmission des compétitions sportives à la télévision pourra modifier cette tendance dans les années à venir. Pour autant, il est nécessaire d’avoir des objectifs beaucoup plus précis que ceux du COM sur la diversification des disciplines sportives retransmises, avec une évaluation par France Télévisions, qui ne semble pas s’y engager de façon satisfaisante.

Il serait nécessaire, enfin, que l’on réécrive le décret dit « télévision sans frontière » (TSF), n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui cible les seules manifestations pouvant faire l’objet d’une offre à des accès publics et non payants. La liste qui y est fixée est en effet complètement désuète.

M. Frédéric Reiss. Je remercie le rapporteur de son excellente analyse d’un COM très ambitieux, n’en déplaise à notre collègue Patrick Bloche. Nous vivons de véritables bouleversements dans le paysage audiovisuel et il faut asseoir et conforter le savoir faire de France Télévisions dans le domaine de la télévision « traditionnelle » en consolidant par exemple les programmes de France 3 tout en tenant compte des nouvelles exigences des téléspectateurs qui souhaitent s’émanciper des contraintes de lieu et de temps, avec notamment des applications sur iPad ou iPhone. Cette course poursuite permanente derrière les innovations technologiques est un réel défi, comme celui d’être présent sur tous les fronts, l’information, la culture, la jeunesse, le sport, d’être spécialiste dans tous les domaines et de favoriser la création tout en développant la télévision de rattrapage ou la 3D.

Derrière ces enjeux sont les femmes et les hommes de France Télévisions qui doivent être gérés. « Ajuster la composante sociale » sur la période 2011-2015 comme conclut le rapport me conduit à m’interroger sur les perspectives de carrière et de statut de tous ces personnels. Je voterai en faveur de ce COM.

Mme Marie-Odile Bouillé. On ne voit pas très bien les objectifs de France Télévisions, et en particulier de France 3, sur la part d’antenne accordée aux langues régionales. Nous ne voyons pas non plus les moyens et les objectifs concernant les actions éducatives, qui sont citées rapidement. Est-ce simplement un alibi pour dire qu’on en a parlé ou est-ce vraiment un objectif qu’on a envie d’atteindre ?

M. Jacques Grosperrin. L’excellent rapport de M. Gaultier met en valeur trois catégories de programmes qui sont la musique, le sport et les programmes régionaux. Mon interrogation porte sur la place des langues étrangères, afin de favoriser leur apprentissage avec par exemple de la VO. Par ailleurs, comment accompagner les spectateurs d’âge scolaire puisque France Télévisions s’intéresse à la tranche des 4 – 14 ans ?

Mme Martine Faure. Je voudrais également insister sur les langues régionales et leur non-présence sur France 3 ce qui est quand même vraiment regrettable. Comment faire de cette chaîne, dans ces conditions, la chaîne des racines et des territoires ? Concernant France 4, nous partageons tous l’importance capitale que doit avoir la jeunesse dans nos préoccupations télévisuelles, mais les objectifs présentés semblent extrêmement flous. De plus, la chaîne doit s’appuyer sur le divertissement, est-il écrit. Certes, mais il manque le côté éducatif : le lien social se fait également par l’éducation.

M. Dominique le Mèner. Je voudrais m’attarder sur les questions concernant les personnels. Une entreprise, c’est d’abord les hommes et les femmes qui la composent. Les objectifs du COM me semblent un peu timorés. Quand je lis les objectifs du COM en 2011 – égalité salariale entre hommes et femmes, développer la mixité, etc. –, je me demande si je suis dans une entreprise publique du XXIe siècle. Ces déclarations d’intentions me semblent, je le répète, timorées par rapport à la réalité. Dans l’objectif de l’entreprise unique, il faut faire des personnels une priorité essentielle du fonctionnement de France Télévisions.

M. René Couanau. Je trouve le rapport trop peu critique au regard de la déception que l’on éprouve à la lecture du COM qui ne me paraît pas à la hauteur des ambitions et de la personnalité du président Pflimlin, lequel semble avoir été « bridé ». Il n’est peut-être pas inutile, en effet, de mettre en place une direction de la santé car ce n’est pas de nature à susciter l’enthousiasme du personnel. Quand on en est là, c’est que quelque chose ne va pas.

Tout le monde s’interroge sur France 4 et son rôle qui reste à clarifier, de même sur l’adaptation de France Ô à qui il faut donner vie. France 5 devrait être la chaîne d’appui du service public par le portage culturel qu’elle réalise. Or, les ambitions sont faibles ; ce qui est écrit dans le COM aurait pu l’être il y a quelques années. Enfin, s’agissant de France 3, il est écrit qu’on va conforter l’information régionale qui serait la vitrine de la chaîne. Ce n’est pas du tout ce qui se passe actuellement. France 3 n’est pas à la hauteur des chaînes locales dans son contenu et ne peut pas supporter la concurrence avec les chaînes d’information du fait de ses horaires. Elle doit s’adapter à un monde nouveau qui est celui de la concurrence et de la rapidité. Il y a la continuation d’une certaine routine avec des reportages nostalgiques et non la présentation de territoires de progrès, de novation, jeunes et entreprenants.

Pour toutes ces considérations je m’abstiendrai lors du vote sur ce COM qui n’est pas à la hauteur des circonstances, notamment avec l’arrivée prochaine des chaînes de télévision sur internet.

M. Bernard Debré. Je ne suis pas sûr que les langues régionales soient réellement à développer sur France 3. Pourquoi se focaliser là-dessus lorsque c’est la langue française qui est menacée ? Faisons des efforts en faveur de la langue française plutôt que de céder à la démagogie de la langue régionale. S’agissant de France 4, je ne connais pas cette chaîne et je ne suis pas le seul. C’est une chaîne qui est peu regardée. Il y a pourtant une place pour la télévision éducative. Ce n’est pas uniquement la télévision pour la « jeunesse », de « 4 à 45 ans » …, qui ne veut rien dire.

Il est extrêmement important que l’on puisse faire par exemple de l’enseignement sanitaire et social grâce à la télévision. Il faut avoir de grandes émissions d’information sur la recherche, la santé, le sanitaire ou le social. On ne le fait pas. À l’occasion de mon avis sur le budget de la recherche pour 2011, j’ai eu des contacts avec de nombreuses personnalités sur ce sujet qui semblait rencontrer un certain écho, mais on l’a oublié. France 4 doit changer totalement de forme ou disparaître.

Je suis également très étonné qu’on n’ait pas chiffré la disparition de la publicité. Certes, il s’agit d’un exercice difficile mais j’aimerais savoir quelles seront les ressources de remplacement et connaître l’avenir de la régie publicitaire.

M. Michel Françaix. Eu égard aux objectifs énoncés il y a deux ans, la lecture du COM est particulièrement décevante. Ces objectifs annonçaient des changements en profondeur sur plusieurs points. Tout d’abord, il avait été dit que des économies seraient réalisées grâce au centralisme. Or, il n’y a eu ni centralisme, ce dont il faut se louer, ni économies. Si économies il doit y avoir, ce n’est pas au moyen d’une réduction du personnel qualifié qu’elles doivent se faire.

Deuxième point, renforcer l’identité des chaînes. Force est de constater, comme les commentaires de mes collègues de la majorité comme de l’opposition l’attestent, que les identités de France 4, France Ô, France 3 ne sont pas claires, et que la visibilité de celle de France 5 tend à s’estomper.

Troisième déclaration d’intention : changer de programmes. On constate que c’est le responsable qui a changé, non les programmes. On ne peut donc pas dire que beaucoup de progrès aient été accomplis dans la diversité culturelle. Quant à l’objectif de prise de risque dans la programmation, il faut souligner que les audiences ont chuté sans que les risques aient été pris. Il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter d’une baisse d’audience si celle-ci était le résultat d’une évolution importante, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Lorsque viendra le moment d’étudier les financements à venir, il faudra se poser la question du devenir de la publicité, de la dotation de l’État, et de la cohérence de son action. Au regard de ces considérations, je me rends compte qu’il n’y a peut-être pas autant de visibilité, de stabilité et de cohérence que M. le rapporteur a bien voulu le dire.

M. Jean Ueberschlag. Je voudrais moi aussi mettre l’accent sur la place des langues régionales. Je note également que le COM ne comporte pas de réflexion sur la dimension transfrontalière des programmes. Or certaines télévisions, notamment France 3, ont des habitudes de coproductions avec les chaînes étrangères.

D’autre part, le COM est trop vague concernant la formation : il ne contient aucun engagement précis. Il serait intéressant d’évaluer dans quelle mesure les fonds importants investis par France Télévisions dans les organismes collecteurs de formation profitent à celle-ci. Il m’importe, au premier chef, de connaître de quelle manière la formation est valorisée en région où il n’y a pas l’équivalent de l’Université de France Télévisions ou de l’Institut national de l’audiovisuel, tous deux organismes parisiens. Je souhaiterais donc qu’il y ait davantage d’engagements en matière de formation, notamment en région.

M. Hervé Féron. Monsieur le ministre de la culture avait annoncé, lors de son audition du 14 juin dernier, un déficit pour France Télévisions qui s’établissait aux alentours de 25 ou 26 millions d’euros. Ce déficit, on l’a bien compris, est dû à l’écart entre les rentrées financières réelles de la redevance audiovisuelle, et celles estimées en 2010.

Un certain nombre de mesures sont proposées dans ce COM pour davantage de maîtrise des dépenses, et on ne peut que se réjouir de cette volonté d’une gestion plus efficace. Cependant, on ne peut s’empêcher de se demander si ce déficit aurait pu être moins important. Dans le cadre de missions de conseil, France Télévisions s’est en effet offert les services de consultants extérieurs issus d’une soixantaine de cabinets, pour un total de 22,1 millions d’euros, certains de ces cabinets appartenant d’ailleurs à d’anciens cadres de France Télévisions. Il n’est fait mention à aucun moment de ces dépenses dans le COM. Il serait cependant intéressant de savoir si ces études ont servi à son élaboration. Peut-on espérer que ce type de commandes diminue significativement ces prochaines années ?

Je souhaiterais vous parler un peu de ma région afin de montrer le grand décalage entre les intentions annoncées dans ce COM et la réalité. Manifestement, s’agissant du pôle Nord-Est et plus particulièrement de France 3 Lorraine, on remarque des problèmes de stratégie, de management et de communication. Des choix douloureux sont faits, sans véritable explication. Ainsi, dans la nouvelle grille de rentrée, tous les programmes régionaux ont été supprimés, et ils sont remplacés par des jeux inter-pôles, produits par des sociétés privées. En matière d’information, l’édition locale de Nancy est purement et simplement supprimée. Les émissions lorraines, comme Champs libres, émission culturelle, ou le magazine transfrontalier Entre voisins, ou encore 100 % Sports, ont été supprimées, alors que les audiences étaient bonnes. On abandonne la créativité, on abandonne la proximité.

On a réparti les moyens sur des plages horaires plus étendues, et, par exemple, sur le matin alors qu’il n’y a, à ce moment-là, que très peu d’audience. Le recours à des sociétés de production privées sera certainement plus coûteux, les salariés ne comprennent pas cette stratégie due à la restructuration. Les techniciens sont à flux tendu. Il y a là une véritable impression de gâchis. De nombreux arrêts maladies sont à signaler, démontrant un malaise certain.

M. Éric Berdoati. Je souhaiterais qu’une réflexion soit menée sur les audiences qui ne sont pas à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer. Pour l’ensemble des chaînes de la télévision hertzienne traditionnelle, les audiences ont chuté car l’augmentation de l’offre a changé la répartition des téléspectateurs sur l’ensemble des chaînes proposées. Au début des années 2000, le 19/20 était le premier créneau de France 3 en termes d’audience. Mais l’arrivée de chaînes thématiques ou d’information en continu est venue directement concurrencer les programmes régionaux notamment sur le terrain de l’information locale. Le problème qui se pose à France Télévisions est donc celui du positionnement de ses différentes chaînes par rapport à l’offre concurrentielle qui s’est développée ces dernières années autour des thématiques traditionnelles de France Télévisions. Une réflexion doit être menée pour maintenir la primauté du service public sur celles de ses thématiques qui sont concurrencées par d’autres chaînes.

Mme Colette Langlade. Concernant la télévision locale, le découpage de France 3 en quatre pôles entraîne des dysfonctionnements au niveau de la filière de programmation et une absence d’harmonisation des salaires et d’évolution des carrières entre les différents terroirs.

Quant à l’égalité hommes-femmes, il faut noter que l’accord signé le 13 juillet 2007 n’est toujours pas appliqué et ne peut donc pallier les déséquilibres qui perdurent en matière de mixité de l’emploi, de recrutement et d’égalité professionnelle. Un long chemin reste à parcourir, y compris au sein de France Télévisions. Quel dispositif prévoit-on pour reconnaître enfin cette égalité ?

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur. Je ne peux que souscrire à la proposition de M. Herbillon de faire coïncider la durée du COM avec celle du mandat du président. La possibilité pour un nouveau président de demander l’élaboration d’un nouveau COM est d’ailleurs prévue par la loi de 1986 et elle a été mise en œuvre.

Concernant France 3, la clarification de sa situation et de son identité propre – s’agit-il d’une chaîne nationale avec des décrochages régionaux ou d’une chaîne régionalisée avec des décrochages nationaux ? – constitue un des grands chantiers pour France Télévisions dans les années à venir. Le COM prévoit des objectifs ambitieux pour accroître le volume des productions régionales. Le problème ne vient pas des moyens affectés à France 3, puisque la chaîne bénéficie de 41 % de la ressource publique affectée à France Télévisions, soit davantage que France 2 – 39 % –, et de la moitié du personnel de France Télévisions, ce qui est lié à l’existence de 24 antennes.

Je répondrai à mes collègues qui ont affiché le regret de ne pas voir mentionner la question des langues régionales dans le COM que cet aspect relève du domaine du cahier des charges et non de celui du COM.

La crise de la fiction française est une évidence, les chiffres sont là pour l’illustrer : les séries étrangères sont davantage diffusées et totalisent 65 % des meilleures audiences. La cause de ces mauvais résultats est multifactorielle et tient au contenu comme au format des fictions françaises. Cela fait partie des défis à relever.

S’agissant des prévisions en matière de publicité, je tiens à signaler que si la dotation budgétaire de l’État est clairement définie sur la base de 2011 et augmente au rythme moyen de 2,2 % par an pour les cinq ans à venir, nous n’avons pas la même visibilité pour les recettes publicitaires. Dans un contexte budgétaire contraint marqué  par la non-augmentation des dépenses de l’État, la croissance de la ressource publique représente un effort important et une garantie de stabilité. À l’inverse, les prévisions concernant les recettes publicitaires à horizon 2014-2015 ne peuvent qu’être incertaines. Tout ce que l’on peut constater, c’est que le marché publicitaire reste stable, avec une augmentation de 1 % en euros constants sur les dernières années. Le COM prévoit une stabilité de cette ressource en 2011-2012, avec une hausse de 1,4 % en moyenne annuelle par la suite. La clause de rendez-vous prévue avant mi-2013 est nécessaire pour anticiper les effets de la suppression de la publicité en journée. Personnellement, je suis favorable au maintien de cette publicité en journée car celle-ci ne perturbe pas la ligne éditoriale des chaînes et permet d’engranger des recettes non négligeables qu’il serait difficile de trouver ailleurs. Il faudrait, à mon sens, clarifier ce point avant le rendez-vous de mi-2013.

À ceux qui ont proposé que France 4 se définisse comme une chaîne jeunesse, je voudrais rappeler qu’une chaîne jeunesse n’est pas une chaîne pour enfants. France 4 s’adresse à un public d’adolescents et de jeunes adultes ; elle ne doit pas devenir un doublon de Gulli dont France Télévisions détient 34 % du capital. Je reconnais que le positionnement de France 4 est longtemps resté difficile à identifier mais aujourd’hui le virage entrepris par la chaîne est clairement affiché dans le COM.

Si le passage de France 3 en haute définition n’est pas abordé dans le COM, c’est parce que France Télévisions ne peut décider à elle seule de cette transition. Celle-ci nécessite en effet de trouver des fréquences, ce qui suppose que les arbitrages sur les normes de diffusion soient rendus. Cependant, le COM anticipe et prévoit le passage en haute définition sur le satellite, l’ADSL et le câble dès 2012. Sur la TNT, la priorité est donnée à France 5 pour le passage à la haute définition entre 2013 et 2015.

Je souscris à la remarque d’Alain Marc qui souhaite donner une couleur locale aux programmes de France 3, mais ceci relève plus du domaine du cahier des charges que de celui du COM.

Je trouve M. Bloche un peu sévère sur le COM eu égard aux engagements pris en matière de création. Il faut rappeler que France Télévisions est le premier diffuseur et financeur de la création en France. Qui fait davantage aujourd’hui ? Personne. La contribution du groupe ne cesse d’augmenter, passant de 390 millions en 2011 à 420 millions d’euros à partir de 2012. Ce chiffre de 420 millions est un plancher au-dessous duquel France Télévisions ne peut descendre même si son chiffre d’affaires venait à baisser.

Je souscris entièrement à la remarque de Françoise de Panafieu sur le sous-titrage de France 3. S’agissant des personnes aveugles ou mal-voyantes, des progrès ont été faits en matière d’audiodescription mais on peut aller plus loin. La mise en place du nouveau centre de diffusion et d’échange (CDE) est une étape importante au niveau technique, dont le coût est certes élevé, mais qui devrait permettre d’améliorer l’accessibilité aux personnes qui souffrent de handicap visuel ou auditif.

Je suis sensible à la remarque de Mme Fourneyron sur la question de la place accordée au sport sur les chaînes publiques. J’ai mené sur ce sujet plusieurs auditions de fédérations sportives – handball, judo. Cependant, la question des droits reste primordiale : si ceux-ci sont attribués à Canal + à l’issue d’appels d’offres, il est normal que ce soit cette chaîne qui retransmette les événements sportifs. Je partage l’avis de Mme Fourneyron quant à la nécessaire réactualisation du décret du 22 décembre 2004, aujourd’hui complètement obsolète.

En ce qui concerne la vocation éducative de France Télévisions, le COM fournit des éléments et des objectifs : j’invite mes collègues à s’y reporter.

France 3 souffre effectivement de lourdeurs que j’ai abordées au travers des questions de répartition de la dotation publique et du nombre de personnels. On a parfois l’impression d’une inertie et d’un manque de réactivité. Des améliorations peuvent être faites et nous comptons pour cela sur l’aboutissement des négociations avec les partenaires sociaux : un accord a été trouvé avec les journalistes en septembre, un rendez-vous avec le personnel technique et administratif est prévu pour octobre 2012. Il reste donc un an pour aboutir à un accord sur l’harmonisation du statut des personnels, notamment les journalistes, afin de lisser les écarts de rémunérations entre France 2 et France 3.

Mme la présidente Michèle Tabarot. M. le rapporteur, je vous remercie. Je consulte maintenant la Commission sur l’autorisation de publier le rapport et sur l’avis qu’elle émet s’agissant du COM de France Télévisions.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

Elle émet un avis favorable au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 de France Télévisions.

Puis la Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi, et M. Éric Walter, secrétaire général de la Hadopi, sur le rapport d’activité de la Hadopi pour 2010.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits (CPD) de la Hadopi et M. Éric Walter, secrétaire général de la Hadopi, à l’occasion de la publication la semaine dernière du rapport d’activité de cette autorité pour 2010.

Ce rapport a eu le mérite de verser au débat public des données statistiques sur lesquelles la blogosphère bruissait de rumeurs plus ou moins bien informées. Il a surtout permis de montrer que la Hadopi, autorité indépendante, remplit de manière équilibrée les deux missions que lui a confiées la loi : prévention et pédagogie d’une part, avertissement et poursuites d’autre part.

Avant de vous donner la parole, mesdames les présidentes, monsieur le secrétaire général, une seule question, liée à l’évolution des usages sur internet : quelles sont vos perspectives d’action vis-à-vis des sites d’écoute et de visionnage, en plein développement, qui n’entrent pas pour l’instant dans le champ des signalements transmis par les ayants droit ?

Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Hadopi. Je vous remercie de votre invitation à présenter devant vous le premier rapport d’activité de la Hadopi.

Rarement une nouvelle institution aura été installée dans un climat aussi difficile. Les critiques, voire les attaques, dont nous avons fait l’objet n’ont toutefois pas entamé notre détermination. Avec les équipes engagées à mes côtés, nous avons mis en place la Hadopi en veillant, comme nous l’avions toujours voulu, à ce qu’elle soit une institution indépendante, mobilisée sur les missions que le législateur lui a confiées et largement ouverte au dialogue, dans la recherche permanente de solutions équilibrées.

Le défi est de taille. La Hadopi est la première et seule institution disposant de moyens juridiques, financiers et humains entièrement dédiés à cette recherche, indispensable, de l’équilibre que nous souhaitons tous parvenir à atteindre sur internet.

Qu’a-t-elle fait pendant ses dix-huit premiers mois d’existence ? Je ne reviendrai pas sur la mise en place de l’institution. Pas moins de treize décrets d’application ont été nécessaires, sans parler de l’élaboration des règles internes, du recrutement des personnels – nous en compterons 70 début 2012 –, de l’installation des équipes et des matériels.

Je n’évoquerai que le dispositif de réponse graduée d’une part, le développement de l’offre légale d’autre part.

La réponse graduée est devenue une réalité. Saisie en août 2010 par les ayants droit pour les premiers constats, et après avoir procédé à de minutieuses vérifications que la toute nouvelle mise en place du dispositif rendait indispensables, la Commission de protection des droits (CPD) a envoyé ses premières recommandations dès le 1er octobre. À ce jour, 650 000 ont ainsi été adressées à des abonnés dont l’accès à internet a été utilisé à des fins illégales. Et plus de 44 000 deuxièmes recommandations, consistant en un mail assorti d’une lettre recommandée, ont suivi, pour les internautes ayant réitéré ces négligences. La CPD aborde aujourd’hui la troisième phase de la procédure, prévue lorsque l’envoi de la deuxième recommandation n’a pas été suivi d’effet. Pouvoir lui a été confié par la loi d’apprécier la suite à donner dans chaque cas. Elle fait preuve d’une grande rigueur et d’une grande minutie pour décider cas par cas, au vu du contexte et des explications qui lui sont fournies, s’il convient de transmettre le dossier à la justice. Une soixantaine de dossiers sont déjà en cours d’instruction et les auditions des internautes concernés ont commencé.

Le mécanisme de la réponse graduée, qui est donc opérationnel, est bien accepté par les internautes. On compte en France un peu plus de 38 millions d’usagers d’internet, dans leur immense majorité des personnes qui en font un usage raisonné et raisonnable. Nos enquêtes récentes ont montré que même s’ils émettent des réserves quant à l’efficacité de notre institution et le bénéfice potentiel du dispositif pour la création culturelle, 40 % à 50 % d’entre eux considèrent que sa mise en place constitue « une bonne initiative ».

Pour réelle qu’elle soit, la réponse graduée ne saurait se suffire à elle-même. Elle n’est qu’une mesure d’accompagnement à la mission plus vaste confiée à la Hadopi d’encourager le développement de l’offre légale. Le rappel à la loi adressé par la CPD ne sera entendu que si les internautes peuvent avoir accès facilement, tant sur le plan technique que sur le plan financier, à une offre légale assez riche et diversifiée.

Or, le marché de l’offre légale en ligne est encore loin d’être à maturité. La situation est extrêmement disparate selon les domaines – musique, musique, cinéma, jeux vidéo, photographie ou édition numérique. Nous avons en 2011 posé trois jalons principaux : labellisation, création d’un portail de référencement, suivi des treize engagements pour la musique en ligne qui nous a été confié par le Gouvernement.

La labellisation n’est pas une mince affaire. Nous nous sommes fortement impliqués dans cette tâche, aidant les candidats à constituer leur dossier – je rappelle que la Hadopi, qui n’est pas une juridiction, n’a pas le pouvoir de dire qui est titulaire des droits. La labellisation se fonde sur la déclaration du candidat au label de ne proposer qu’une offre légale, les ayants droit pouvant formuler des observations quarante jours après la publication de la demande. Pour être intervenus à ce niveau dans des médiations informelles, nous nous sommes aperçus que des négociations qui avaient pu être abandonnées ont repris à cette occasion. Une trentaine d’offres ont aujourd’hui reçu un label.

Les labels ne peuvent toutefois être visibles que s’il existe un portail de référencement où ils sont répertoriés. En attendant, nous n’avons que le site PUR.fr. Nous étudions la forme que devrait prendre ce portail, qui ne saurait se réduire à un catalogue. En janvier 2011, nous avons lancé un vaste chantier d’assistance à maîtrise d’œuvre pour le mettre au point. Le prestataire retenu a déposé ses recommandations sur le bureau du Collège de la Hadopi, qui doit les examiner dans les jours qui viennent.

S’agissant du suivi des treize engagements pour la musique en ligne, tous les acteurs de la filière musicale ont la volonté d’être constructifs et de trouver des solutions mieux adaptées et plus innovantes. Au travers d’une étude conduite par trois experts, nous avons pu approfondir la question centrale du partage de la valeur. C’est un filon à exploiter.

Ces premiers jalons ayant été posés en 2011, nous préparons maintenant 2012. Il est plus que jamais indispensable d’accompagner les titulaires de droits à mieux comprendre les attentes de leur public, celles-ci ayant profondément changé et étant en perpétuelle évolution.

Vu le caractère particulièrement complexe et protéiforme des questions soulevées, la méthodologie administrative classique est apparue inadaptée à la Hadopi. D’où le recours à cinq laboratoires, les fameux labs, pilotés par des experts indépendants couvrant chacun un domaine spécifique : réseaux et techniques, économique, juridique, sociologique et philosophique. Deux autres experts assurent la transversalité du travail et apportent leur vision particulière des principaux changements sociétaux. Ces laboratoires nous sont enviés à l’étranger. Parallèlement à leur travail, le Collège s’est attelé à plusieurs chantiers sur d’autres sujets stratégiques.

Les frontières bougent, les mentalités évoluent. Un internaute sur deux dans notre pays déclare avoir été incité par la Hadopi à se tourner vers des offres légales et 44 % qui avaient avoué un usage illicite d’internet reconnaissent qu’ils recourent moins ou plus du tout à des offres illégales. Une tendance positive se dessine donc, qui reste bien entendu à conforter mais que confirment d’ores et déjà les résultats obtenus par les ayants droit.

Forte de cette première année, la Hadopi aborde son deuxième exercice avec confiance. Nous pensons que des modifications législatives pourront être proposées à partir de nos études, qui vont se poursuivre. Au simplisme de solutions toutes faites, nous opposons la rigueur d’un travail de fond. Qu’elle soit exclusivement dédiée à internet permet à notre institution d’avoir l’approche globale qui est indispensable.

Nous restons bien entendu à votre écoute et à votre disposition pour vous fournir toutes explications que vous pourriez souhaiter. Nous serions de même très heureux de vous accueillir pour une visite de la Hadopi.

Mme la présidente Michèle Tabarot. C’est avec plaisir que notre Commission répondra à cette invitation.

M. Michel Herbillon. Je salue, madame la présidente de la Hadopi, votre engagement et votre enthousiasme ainsi que celui de votre équipe. En dépit des difficultés par nature inhérentes à la mise en place d’un dispositif pionnier, qui avait suscité de vifs débats tant au Parlement que dans les médias et parmi le public, ce premier bilan d’activité est extrêmement satisfaisant. Il était tout à fait novateur d’essayer de concilier d’une part une mission de prévention et de pédagogie, d’autre part une mission d’avertissement, voire de sanction en cas de téléchargements illégaux réitérés. Par définition, toute œuvre de pédagogie exige du temps et des efforts. Or, après un an seulement, le mécanisme de la réponse graduée fonctionne. La Hadopi a également beaucoup travaillé au développement d’une offre légale en labellisant une trentaine de sites.

Un internaute sur deux dans notre pays déclare avoir été incité par la Hadopi à se tourner vers une offre légale, nous dites-vous. Peu – quels que soient les bancs – auraient imaginé un tel résultat lors des débats au Parlement. Beaucoup se focalisaient sur l’avertissement et la sanction. Moins nombreux étaient ceux qui insistaient alors sur cette dimension essentielle de la pédagogie – le rapporteur du projet de loi, Franck Riester, en faisait partie.

Entre la liberté qu’il convient de défendre en matière d’internet et la nécessaire protection du droit d’auteur, l’équilibre est délicat à trouver. La liberté sur internet ne saurait s’exercer sans limite. À l’UMP, nous revendiquons la défense de la création et la protection des artistes, lesquelles exigent des actes concrets. D’où le soutien que nous avons apporté au projet de création de la Hadopi.

Quel premier bilan dressez-vous du dispositif innovant des labs ? Quels enseignements avez-vous tirés de la campagne de communication lancée auprès du grand public en 2011 ? Qu’entendez-vous faire pour développer encore cette pédagogie en 2012 ?

M. Patrick Bloche. Qu’il me soit permis de redire en préalable et une fois pour toutes notre opposition résolue aux lois Hadopi 1 et Hadopi 2.

La Hadopi disposera d’un budget de onze millions d’euros en 2012. Onze millions, pour quoi faire ? C’est là le même budget que celui de l’ex HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Voilà qui, hélas, en dit long sur la société dans laquelle nous vivons !

Ma première interrogation porte sur la très forte augmentation des chiffres cités dans le rapport d’activité par rapport à ceux publiés en juin. 650 000 internautes auraient reçu un premier mail d’avertissement et 44 000 un deuxième alors qu’ils n’étaient en juin respectivement que 471 000 et 20 600 dans ce cas. La Hadopi aurait donc envoyé 180 000 premiers avertissements en trois mois, et surtout, sur la même période, davantage de deuxièmes avertissements qu’en plus de douze mois antérieurement. Elle aurait de même constitué une soixantaine de dossiers de troisième phase, alors qu’il n’y en avait que de dix à vingt en juin. Cette explosion de l’activité de la Hadopi en plein cœur de l’été ne manque pas d’étonner !

Si sont justes les résultats des sondages auxquels vous consacrez tant d’argent comme d’ailleurs à vos campagnes de communication qui font la risée du Net – je pense au spot d’Emma Leprince Je préfère ton clone, devenu l’emblème d’un ridicule achevé –, si les sommes dépensées pour prouver votre utilité ou justifier votre budget ne l’ont pas été en pure perte, vu que le chiffre d’affaires de la musique enregistrée continue de diminuer et que l’offre légale a toujours autant de mal à décoller, une seule conclusion s’imposerait : nos concitoyens n’écoutent plus de musique, en tout cas plus sur la base d’échanges peer to peer, seuls à être surveillés par la Hadopi. Mais chacun sait qu’ils en écoutent de plus en plus sur des sites de téléchargement direct ou de streaming, lesquels sont en plein essor et ne sont pas surveillés. Votre action ne raterait-elle donc pas sa cible ?

Il y aurait cinq à six demandes par mois de labellisation d’offres légales. Or, au 30 juin dernier, seuls dix-neuf labels avaient été accordés. Un excellent article de Libération pointait il y a peu l’extrême difficulté à regarder des films à partir des offres légales labellisées.

Plus grave, puisqu’il peut en aller d’une atteinte aux libertés publiques avec le délit de négligence caractérisée, même si le décret a été pris, aucune labellisation des moyens de sécurisation des accès à internet n’a, semble-t-il, encore été effectuée. Où en est-on ?

Par ailleurs, la Hadopi continue-t-elle à ne s’intéresser qu’à quelque dix mille titres musicaux et mille films, ce qui signifierait que seule une minorité d’artistes, parmi les mieux rémunérés, aurait droit à vos égards ?

Enfin, comment la Hadopi a-t-elle répondu à la mise en demeure par la CNIL le 16 juin dernier de la société TMG, chargée de la détection des échanges illégaux de contenus protégés par le droit d’auteur ou un droit voisin sur les réseaux peer to peer, après qu’y a été constaté un manque de sécurisation des données, faisant courir un risque à la protection des données personnelles et de la vie privée ?

M. Jean-Philippe Maurer. Comme il existe dans le domaine financier des paradis fiscaux, existe-t-il des paradis pour fournisseurs d’accès à internet (FAI) ? La capacité d’identifier le détenteur d’une adresse IP sur laquelle ont été repérés des téléchargements illégaux dépend en effet de leur coopération. Combien répondent aux questions que vous leur adressez ? Combien s’organisent-ils pour être « injoignables » ? Comment procéder avec ces derniers ? Faut-il passer par un échelon supérieur comme lorsqu’on en vient à des négociations d’État à État pour lutter contre les paradis fiscaux ?

M. Marcel Rogemont. Je tiens à dire en préalable que je ne remets absolument pas en cause le professionnalisme des personnels de la Hadopi. On nous avait dit que le budget de cette institution tournerait autour de six à sept millions d’euros. On en est à douze ! Comment expliquer une telle erreur de cadrage ?

Avez-vous l’impression d’avoir réglé quelque chose dans « l’univers impitoyable » d’internet ? Si oui, quoi ? Sinon, qu’est-ce qui, selon vous, reste à faire ? La Hadopi devait, entre autres, permettre de garantir la juste rémunération des artistes. Or, lorsqu’on interroge les sociétés de gestion des droits d’auteur, il semble qu’elles n’aient pas vu la couleur des sommes attendues.

Le rapport d’activité ne dit rien des retours de la part des internautes ayant reçu un premier ou un deuxième avertissement. Ces retours ont-ils été analysés ?

La loi prévoyait que dans l’année suivant la mise en place de la Hadopi, tous les DRM (digital rights management) soient supprimés. Cela a, semble-t-il, été le cas pour la musique mais il en reste dans les autres domaines. Comment traitez-vous ce problème ?

La loi a aussi donné pour mission à la Hadopi d’encourager le développement de l’offre légale. Dix-neuf plates-formes de téléchargement ont été labellisées. D’autres vont-elles l’être ?

Apple s’apprête à lancer un service, iTunes Match, qui permet d’écouter de façon illimitée de la musique téléchargée – légalement ou illégalement. Ce service coûtera aux États-Unis 25 dollars par an, on ignore encore combien en France demain. N’est-ce pas tout simplement un moyen de blanchiment du téléchargement illégal ? Comment allez-vous réagir, sachant que ce service sera offert en même temps que l’iPhone 4S ?

Enfin, la réponse graduée telle qu’elle existe aujourd’hui constitue-t-elle selon vous un horizon indépassable ? Alors que seuls quelque dix mille titres musicaux et mille films sont surveillés, n’avez-vous pas l’impression qu’il y aura besoin d’autres lois Hadopi, dont on finirait par ne plus tenir le compte des numéros ?

M. Dominique Le Mèner. Des dispositifs analogues ont-ils été développés dans d’autres pays ? Pourriez-vous nous en dire quelques mots ? Si des institutions semblables à la Hadopi ont été mises en place, quelles relations entretenez-vous avec elles ?

Mme Monique Boulestin. Comme nous l’avions prédit en son temps, la Hadopi n’est pas adaptée à l’évolution des nouvelles techniques liées à l’offre culturelle. Je n’y reviens pas. Des moyens de sécurisation satisfaisants font toujours défaut. De votre aveu même, madame la présidente, elle est un échec, puisque vous évoquez déjà la nécessité de faire évoluer la loi. La lutte contre le téléchargement illégal n’aura pas pour effet mécanique d’accroître les ventes de CD. En effet, une étude publiée en janvier dernier montre que les internautes qui téléchargent le plus dépensent aussi davantage en biens culturels que la moyenne. Les vraies questions qui se posent aujourd’hui sont celles de l’accès à la culture pour tous par le biais d’internet et de la rémunération de la création à l’ère du numérique.

Mme Laure de La Raudière. Je souhaite vous interroger sur un sujet qui me tient à cœur et a fait l’objet de nombreux débats dans l’hémicycle : les logiciels de sécurisation des accès à internet. Est-il prévu que la Hadopi teste des technologies de type DPI (deep packet inspection), aujourd’hui utilisées dans la gestion de trafic sur les réseaux de télécommunications, mais qui permettent également d’analyser le contenu détaillé des flux, au risque de porter atteinte à la protection des données personnelles des internautes ? Si oui, comment ces tests pourraient-ils être encadrés ? Qui les effectuerait ? Comment ? Quelle en serait la durée ? Quelles seraient précisément les données collectées ? Quel contrôle la CNIL pourrait-elle exercer ?

Comment expliquez-vous le succès de Netflix aux États-Unis ? Bien qu’il n’existe rien d’analogue en France en matière d’offre vidéo légale, je suis certaine que les labs y ont déjà réfléchi.

Mme Martine Martinel. Nos collègues Monique Boulestin et Laure de La Raudière ont largement développé deux des sujets que je souhaitais aborder. Je me limiterai donc à un point. Vous défendez les droits des créateurs, mais la Hadopi ne rapporte pas grand-chose aux artistes. La carte Musique Jeunes est un échec relatif avec seulement 50 000 cartes vendues au 31 août dernier. Ne peut-on, à l’heure du numérique, où les pirates sont aussi les plus gros consommateurs de biens culturels, trouver d’autre moyen de défendre les droits des créateurs et de rétribuer la création qu’un arsenal répressif ?

M. Franck Riester. Certains propos ne sont pas sans me rappeler les 110 heures de débat dans l’hémicycle, où nous avions entendu beaucoup de contrevérités et de caricatures. On nous avait d’abord dit que la Hadopi ne serait jamais créée, que les décrets d’application ne sortiraient jamais, puis que de toute façon les premiers avertissements ne seraient jamais envoyés, a fortiori les deuxièmes, assortis d’un courrier recommandé, et qu’aucun dossier ne serait jamais constitué pour être transmis à la justice. Or, plusieurs dizaines de ces dossiers sont déjà prêts.

Il n’a jamais été dit, monsieur Rogemont, que tous les DRM seraient supprimés. Ce sont en effet des éléments essentiels pour développer des modèles innovants en matière d’offre légale. Nous n’avons jamais dit non plus que le budget de la Hadopi ne serait que de six millions d’euros. Nous avons au contraire toujours été très prudents pour laisser au Gouvernement et au Parlement la possibilité d’adapter les moyens de l’institution aux besoins.

Monsieur Bloche, le chiffre d’affaires de la musique enregistrée continue certes de diminuer, mais beaucoup moins qu’avant le vote de la loi Hadopi. Quant à celui de la musique numérique, en progression beaucoup plus forte en France que dans d’autres pays, il représente aujourd’hui un quart du chiffre d’affaires total de la musique enregistrée. Oui, la création est insuffisante. C’est un sujet majeur qu’il faudra traiter. J’ai eu l’honneur de remettre au ministre de la culture et de la communication un rapport intitulé « Création musicale et diversité numérique » qui aborde les moyens par lesquels accompagner l’émergence de nouveaux talents.

Les artistes sont dans leur immense majorité en France très satisfaits de la Hadopi. Notre dispositif est scruté avec attention à l’étranger et d’ores et déjà copié dans beaucoup de pays. J’y vois le signe que nous allons dans le bon sens, même s’il reste encore beaucoup à faire. Des moyens supplémentaires seront certainement nécessaires pour la Hadopi. Mais au moins a été enclenché le cercle vertueux de la recherche d’un équilibre difficile entre le respect de la liberté des internautes et celui des droits des créateurs.

Mme Marie-Françoise Marais. Je laisse la parole à Mireille Imbert-Quaretta pour répondre aux questions concernant la réponse graduée.

Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi. Certains ont émis des doutes sur la réalité des chiffres publiés. L’activité de la CPD est montée en charge de manière constante. Cinq cents envois de premières recommandations avaient été effectués dès le 1er octobre 2010. Les internautes visés ont été choisis manuellement, après que les agents de la CPD ont procédé à toutes les vérifications nécessaires pour chacun d’entre eux, de façon à s’assurer qu’il n’y avait pas de doublon et qu’il s’agissait bien de personnes réelles. Des FAI nous avaient en effet averti qu’ils nous « feraient des blagues » sur l’identité des titulaires d’abonnement. Au 1er juillet 2011, avaient été adressées 470 500 premières recommandations et 20 500 deuxièmes, au 1er septembre respectivement 580 000 et 35 000, et au 1er octobre 650 000 et 45 000. Nous avions annoncé en juillet que pour une dizaine de dossiers, nous en étions au stade de la troisième phase. Nous étions passés la semaine dernière à une soixantaine et ce matin encore, dix dossiers supplémentaires avaient été constitués. Soixante-dix sont donc aujourd’hui à l’instruction. Tous les chiffres indiqués sont établis. Quel intérêt aurions-nous à mentir ? Les trois magistrats qui composent la CPD, issus respectivement de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et du Conseil d’État, ne sont pas payés à l’envoi des recommandations ni à la transmission des dossiers au parquet !

Je répondrai maintenant sur la faille de sécurité constatée chez TMG en juin dernier. Je précise tout d’abord que TMG n’est pas un sous-traitant de la Hadopi – laquelle n’est pas un gendarme du Net – mais des ayants droit. Nous n’avons aucun lien contractuel avec TMG. Ensuite, la Hadopi, seule autorité administrative à ne disposer d’aucun moyen ni de contrainte ni de sanction, ne pouvait, contrairement à la CNIL, se rendre chez TMG pour effectuer les vérifications nécessaires. L’un de nos experts a toutefois accompagné la CNIL lors de son inspection, comme celle-ci en avait formulé le souhait. Il est apparu que les lacunes de sécurité concernaient non pas les serveurs dédiés à la réponse graduée mais d’autres, utilisés par TMG pour d’autres activités. Néanmoins dès que le secrétaire général m’a informée du problème, j’ai pris la décision, puisque je suis la responsable en dernier ressort, de suspendre immédiatement notre interconnexion avec TMG. Je refusais qu’il y ait le moindre risque, aussi minime fût-il, de pouvoir remonter jusqu’au système d’information de la Hadopi qui contient, lui, toutes les données personnelles des internautes suivis – nom, adresse, constats… Cette interconnexion est aujourd’hui toujours suspendue. Nous restons en contact étroit avec les ayants droit. Leurs représentants ont confié un audit à un cabinet indépendant, dont les résultats nous ont été communiqués dès juillet. Nous avons acquis la certitude que la sécurité des données sur les adresses IP n’avait été compromise ni avant ni après le constat de cette lacune. Le cabinet d’audit a formulé diverses préconisations, que TMG a d’ores et déjà mises en œuvre. Nous avons clairement fait savoir aux ayants droit qu’avant de rétablir l’interconnexion, nous souhaitions qu’un tiers de confiance garantisse l’absence de tout risque.

J’en viens à l’identification des adresses IP par les FAI. Aujourd’hui, nous travaillons avec les cinq plus gros fournisseurs – alors qu’on en compterait un peu plus de 1 100, d’après les derniers chiffres de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Nous sommes en train de mettre sur pied le système d’identification des titulaires d’abonnement pour les FAI virtuels, essentiellement Darty. Sur quelque 1 600 000 demandes d’identification, nous avons reçu un peu plus de 1 300 000 réponses. Comment s’explique cet écart ? Nous avons beaucoup appris à l’occasion de ce travail sur les adresses IP. Près des trois quarts de ces adresses sont dynamiques, ce qui rend beaucoup plus difficile d’identifier les abonnés, en particulier lorsqu’ils sont connectés, contrairement à ce que nous aurions eu tendance à penser. Ensuite, nous avons constaté des doublons, liées notamment à des homonymies, lesquelles ne sont pas des hypothèses d’école : à la signature d’un contrat d’abonnement à internet, on n’exige pas de fournir un extrait d’acte de naissance avec mention de l’état-civil des parents. Enfin, l’activité commerciale de certains FAI, parfois étrange, peut rendre assez difficile d’identifier le titulaire effectif de l’abonnement.

La réponse graduée vise à faire changer les comportements non seulement des internautes mais aussi des fournisseurs de produits culturels. Nous avons noté chez les premiers une prise de conscience des conséquences du téléchargement illégal pour les artistes, leur rémunération et l’offre culturelle en général. Bien que le recul soit encore insuffisant, nous pouvons d’ores et déjà tirer quelques conclusions. Dès lors que nous avons adressé 650 000 premières recommandations et qu’il y a eu moins de 10 % de réitérations puisque seules 45 000 deuxièmes recommandations ont été nécessaires, c’est la preuve que les internautes concernés ont modifié leur comportement après le premier mail d’avertissement, comme le confirme d’ailleurs une étude menée parallèlement.

Le nombre des échanges par courrier ou par téléphone qui ont eu lieu avec les intéressés après ces envois figure à la page 44 du rapport d’activité. Leur première demande est de connaître la liste des œuvres téléchargées : ils ne comprennent pas que nous ne la leur communiquons pas immédiatement lors de l’envoi des recommandations mais seulement, comme le prévoit la loi, après qu’ils en ont formulé la demande. Ils souhaitent aussi savoir quel logiciel de téléchargement a été utilisé et ce qu’ils peuvent faire à l’avenir. Dans leur très grande majorité, les abonnés savent qui chez eux a téléchargé.

Il est important pour nous, notamment dans une perspective pédagogique, de savoir ce qui pousse certains à télécharger illégalement et comment ils s’y prennent. Les auditions de troisième phase, qui viennent de commencer, sont très instructives. Nous avons tout d’abord constaté qu’il y avait une méconnaissance totale de ce qu’est la mise en partage. Ainsi un abonné a-t-il été « flashé » 54 fois pour la même œuvre avec le même logiciel, notamment 16 fois un même jour. La plupart des abonnés n’ont pas conscience que s’ils conservent sur leur accès une œuvre illicite ainsi que le logiciel ayant servi à la télécharger, l’élément matériel du délit de contrefaçon est constitué aussi longtemps que cette œuvre et ce logiciel y demeurent. Ils ne sont pas non plus au fait des précautions qu’il convient de prendre dans la communication de ses identifiants avec les free wifi. Donner ses identifiants sur un free wifi, c’est comme confier la clé de sa maison à n’importe qui, avec la liberté d’en faire un double. On risque fort de ne plus maîtriser ce qui se passe chez soi. Là encore, il faut prendre du temps pour la pédagogie.

J’en viens aux moyens de sécurisation, sans doute le point le plus délicat. Les choses ont évolué entre les lois Hadopi 1 et Hadopi 2. Dans la seconde, il n’y a plus de lien entre la constitution de l’infraction de négligence caractérisée et la mise en œuvre d’un moyen de sécurisation labellisé, alors que dans la première, la mise en place d’un outil de sécurisation était une cause exonératoire. Or, que dire de la sécurisation de l’accès quand c’est l’abonné lui-même qui télécharge illégalement ?

Jamais nous n’imposerons au titulaire d’un abonnement de placer un moyen de sécurisation DPI sur son accès internet, la position de la CPD est sans ambiguïté sur ce point. Le principe est d’en appeler à la responsabilisation des personnes, en tirant les conséquences de la persistance d’éventuels comportements illicites, et non de contrôler, à l’insu des internautes, les flux sur le réseau. L’incise sur le filtrage dans la décision du Conseil constitutionnel relative à la LOPPSI 2 conforte notre position.

Un mot pour terminer de l’avenir de la réponse graduée. Lors d’une conférence de presse en janvier dernier, j’avais fait valoir, ce qui avait étonné les journalistes présents, que de jure comme de facto, elle était appelée à disparaître à terme. En effet, si le dispositif ne fonctionnait pas, il n’y aurait aucune raison de le maintenir. Et s’il fonctionne, le comportement des 5 % d’internautes qui continuent à télécharger illégalement après l’envoi d’une deuxième recommandation, lesquels sont d’ailleurs voraces puisqu’ils consomment à eux seuls 80 % de la bande passante par leurs téléchargements répétés, relève-t-il encore de ce dispositif ? Les abonnés ainsi rétifs ne sont pas légion. Nous ne sommes certes actuellement saisis que par les ayants droit d’œuvres musicales ou cinématographiques, pas de jeux vidéo ni d’ouvrages. Nous en avons toutefois repéré un sur l’accès internet duquel nous avons trouvé une même journée deux œuvres musicales et sept films différents avec quatre logiciels différents. Il ne peut s’agit d’une mise en partage s’ignorant. Ou bien cette personne ne maîtrise pas du tout son wifi ou bien elle télécharge illégalement de manière considérable. À ce stade, cela relève du tribunal correctionnel.

En un an, nous avons formulé un million et demi de demandes d’identification et envoyé une recommandation à quelque 3 % du total des abonnés à internet. Ce n’est pas rien. Nous ne disposons pas encore de statistiques très fines nous permettant d’analyser plus en détail les comportements individuels mais des orientations se dégagent.

Mme Marie-Françoise Marais. Je précise que le Collège de la Hadopi n’est pas davantage que la CPD favorable au DPI.

M. Éric Walter, secrétaire général de la Hadopi. Nous parlons des technologies dites de deep packet inspection, en cœur de réseau, en périphérie de réseau, voire chez l’utilisateur lui-même avec des systèmes embarqués mis à disposition par voie commerciale ou par un autre biais.

Mme Marie-Françoise Marais. Le streaming, légal ou illégal, remplace peu à peu l’échange de fichiers peer to peer. Nous étudions le phénomène à la fois dans les labs et par le biais d’études externes. Cela fait partie de notre mission puisque nous sommes chargés d’observer les usages licites et illicites d’internet. Il serait prématuré de tirer des conclusions. Une étude approfondie est nécessaire. Les labs sont saisis du problème. Sur les labs, je laisse la parole à Éric Walter.

M. Éric Walter. Les labs, qui comptent une centaine de membres inscrits, ce qui ne signifie d’ailleurs pas cent membres actifs, ont débuté leur activité au dernier semestre. S’agissant du streaming, ils ont commencé d’étudier la question de la légalité ou l’illégalité de la consultation d’une part, de la mise à disposition d’autre part. Ce n’est qu’un début. Le sujet est en train d’être approfondi, de façon à verser au débat public des réponses étayées, s’appuyant sur des travaux divers. Les labs cherchent à associer par le biais d’une concertation la plus large possible toutes les voix, qu’il s’agisse d’experts, comme les ayants droit et les FAI, ou seulement d’internautes passionnés par la question de la propriété intellectuelle, qui sont nombreux à souhaiter s’exprimer sur un sujet. Les labs travaillent ainsi sur le streaming, le livre numérique, et plus précisément le statut de l’auteur – les résultats de ce travail seront rendus publics avant la fin de 2012.

Le lab Réseaux et techniques traite du sujet des moyens de sécurisation, bien que celui-ci, comme l’a rappelé la présidente, ne soit en rien lié au mécanisme de réponse graduée. Il peut être utile de développer des moyens permettant à l’utilisateur d’exercer pleinement sa responsabilité numérique. Les labs travaillent en ce sens sur la base de travaux préparatoires conduits par le professeur Michel Riguidel, qui n’ont pas suscité énormément de retours de la part des professionnels concernés. Ce travail avance bien et devrait donner de premiers résultats d’ici à la fin de l’année.

Ce même lab s’est également attelé, à la demande expresse de la Hadopi, à la rédaction d’un livre vert sur le filtrage d’internet et le blocage des accès. Bien que la loi « Création et internet » ne comporte aucune disposition permettant à la Hadopi de prendre des mesures de la sorte, ces questions sont récurrentes. Elles ne concernent pas seulement le DPI : il faudra élaborer des définitions claires, correctes sur le plan technique tout en étant compréhensibles de tous, de ce que recouvrent exactement les termes « filtrage » et « blocage », comme en ont exprimé le souhait dans un rapport d’information vos deux collègues Laure de La Raudière et Corinne Erhel. Les labs mènent ce travail dans la plus grande transparence et chacun peut y apporter sa contribution.

Les labs travaillent aussi, de manière encore embryonnaire, sur tout ce qui peut faire obstacle au développement d’une offre légale répondant aux attentes des utilisateurs. Celles-ci diffèrent selon les pays du fait notamment d’une chronologie des médias très différente par exemple en France et aux États-Unis. La vocation des labs est soit de soulever des questions, soit d’apporter des éléments de réponse, étant entendu que la Hadopi n’est pas seule à réfléchir à ces sujets. Le travail qui reste à mener est considérable, l’état d’avancement de l’offre légale étant très disparate selon les domaines.

La Hadopi a également ouvert un chantier sur l’accessibilité des offres légales. Elle essaie notamment d’identifier ce qui aujourd’hui empêche les utilisateurs d’accéder plus simplement à une offre légale satisfaisante. Les arguments ressassés du « trop cher, trop difficile » sont totalement dépassés pour ce qui concerne la musique. Il faut aussi examiner la question sous-jacente des moyens techniques de protection. La Hadopi a une mission sur ce point. Ce sera au programme de son action en 2012.

Mme Marie-Françoise Marais. Un mot sur les DRM. Dans les accords de l’Élysée, la disparition des DRM ne concernait que la musique. Les problèmes que pose le cinéma sont beaucoup plus délicats dans la mesure où pour préserver la diversité, il existe différentes fenêtres de diffusion.

S’agissant de notre campagne de communication, que M. Bloche juge d’un ridicule consommé, il faut garder présent à l’esprit d’une part qu’elle était humoristique, d’autre part qu’elle visait un public bien particulier, celui des jeunes et des très jeunes dont elle reprenait les codes. Ses effets, qui ont été évalués, n’ont pas été aussi négatifs que vous le prétendez. Une certaine catégorie d’usagers d’internet a bien été sensibilisée. Mais notre œuvre de pédagogie ne s’arrête pas là. Il faut aussi aller sur le terrain, en région, notamment dans les établissements scolaires où des modules pédagogiques peuvent être fournis aux enseignants pour mieux faire comprendre aux jeunes tous les enjeux du droit d’auteur.

Sur le budget enfin, je laisse la parole au secrétaire général.

M. Éric Walter. L’étude d’impact préalable au projet de loi en 2008 prévoyait un budget de 12 millions d’euros. Il est vrai qu’en 2009-2010 les subventions ont été diminuées, vu le retard pris dans la mise en place du dispositif, le budget d’une année n’ayant été consommé que sur deux années. Nous avons maintenu pour 2011 une demande de 12 millions d’euros. Vu que nous disposions de trésorerie en fonds de roulement, nous avons, après arbitrage, obtenu 11 millions, ce qui nous permettra de fonctionner sans trop de difficultés.

Les missions confiées par le législateur à la Hadopi sont extrêmement vastes. Ainsi en matière d’offre légale, est-elle supposée couvrir l’ensemble du champ de la création. Cela exige des moyens importants, à la fois humains et financiers.

Je réfute que nos enquêtes soient chères : elles ne le sont pas au regard des barèmes traditionnellement appliqués pour les enquêtes d’opinion. Nous allons proposer au dernier trimestre 2011 des méthodes d’observation anonymisée et non intrusive de certains flux et protocoles sur le réseau, fondées sur des méthodes de calcul jamais expérimentées jusque là. Entre aller vérifier jusque dans la machine de l’internaute ce qui s’y passe et fermer les yeux, il y a sans doute un juste milieu que nous nous attachons à trouver. Nous tâchons de remplir au mieux nos missions avec le budget qui est le nôtre.

Mme Marie-Françoise Marais. Les labellisations représentent plus de vingt millions d’œuvres. Nous sommes pleinement mobilisés pour les développer. Neuf demandes formulées par de nouvelles plates-formes sont en cours d’instruction.

Enfin, pourquoi sommes-nous enviés à l’étranger ? Un besoin majeur de visibilité sur la situation actuelle, son évolution et les solutions envisageables se fait sentir partout. Des travaux approfondis sont nécessaires. La France s’y est déjà attelée et c’est là ce qui intéresse le plus les autres pays qui ont d’ores et déjà engagé des actions pédagogiques de sensibilisation. La Corée est la plus en avance, l’Irlande aussi fait beaucoup.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Mesdames les présidentes, monsieur le secrétaire général, je vous remercie. Comme vous nous en avez aimablement fait la proposition, c’est avec plaisir que nous viendrons avec tous les membres de la Commission qui le souhaitent, visiter la Hadopi. Ce sera l’occasion d’échanger encore sur tous ces sujets.

La séance est levée à treize heures quinze.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 5 octobre à 10 heures

Présents. – M. Pierre-Christophe Baguet, M. Éric Berdoati, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. René Couanau, Mme Pascale Crozon, M. Bernard Debré, M. Bernard Depierre, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Gérard Gaudron, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Pierre Giran, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Jacqueline Irles, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Bernard Lesterlin, M. Alain Marc, Mme Marie-Claude Marchand, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Ménard, M. Michel Pajon, Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Jean-Louis Touraine, M. Jean Ueberschlag, M. Michel Vaxès

Excusés. – Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Jean-François Copé, M. Pascal Deguilhem, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Marie-Josée Roig, M. Georges Tron

Assistaient également à la réunion. – Mme Laure de La Raudière, M. Didier Mathus, M. Christian Paul, M. Lionel Tardy