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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 25 octobre 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 05

Présidence de M. Michel Herbillon, vice-président

– Projet de loi de finances pour 2012 :

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 25 octobre 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Michel Herbillon, vice- président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Michel Herbillon, président. Nous avons le plaisir de recevoir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, pour la présentation des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Nous nous retrouverons une seconde fois cette semaine, en commission élargie, pour la présentation des crédits de la mission « Culture ». Je précise que nous voterons sur les crédits de la mission « Médias » demain matin, l’examen en séance publique étant prévu lundi 7 novembre dans l’après-midi.

M. Patrick Bloche. Je m’étais étonné, lors de la réunion de mardi dernier, de la relance de la mission d’information sur le recrutement et la formation des enseignants et de ce que nos collègues soient conviés à auditionner des personnalités qui avaient déjà été entendues au printemps, alors que cette mission était terminée puisque notre commission avait décidé majoritairement de ne pas publier le rapport. J’observe en passant que nous n’avons reçu aucune explication à ce sujet.

Je souhaite, comme la semaine dernière, faire une interpellation qui n’a pas de rapport direct avec l’audition d’un ministre mais qui s’inscrit aussi dans le domaine scolaire. Tous les députés membres de cette Commission ont été avisés par la Présidente de la constitution d’un groupe de travail sur le contenu des manuels scolaires animé par notre collègue Xavier Breton, et ont été conviés à y participer. Cette information nous a beaucoup surpris, d’abord parce que ce groupe de travail a été constitué sans consultation préalable des groupes parlementaires, et surtout parce que son objet ne relève en rien de la compétence des parlementaires, ni d’ailleurs du pouvoir politique ; il existe des instances légitimes qui sont désignées à cet effet. Et l’on sent bien qu’à travers cela, l’on essaye d’introduire à l’Assemblée nationale une polémique tout à fait dérisoire sur le genre et sur l’identité du genre, qui avait été lancée par la presse au mois de septembre.

Je voulais donc dire, au nom des élus du groupe SRC – je pense que les membres du groupe GDR ne sont pas loin de partager notre opinion – que nous désapprouvons totalement cette initiative malheureuse et que nous ne participerons pas à ce groupe de travail.

M. Michel Herbillon, président. Je prends acte de votre position dont j’informerai la Présidente de la Commission. Mais je vous ferai remarquer que la polémique concernant le contenu des manuels scolaires n’est pas née ici. Elle a provoqué de nombreux débats à l’extérieur de l’Assemblée nationale. Par conséquent, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation se saisit du sujet de manière informelle, en constituant un groupe de travail –il ne s’agit pas d’une mission d’information ! Il me semble dommage que votre groupe refuse de participer à la réflexion sur ce sujet controversé.

Mme Marie-George Buffet. Je voudrais m’associer à l’interpellation de mon collègue, tant sur la forme – ni le bureau de la Commission ni les groupes parlementaires n’ont été associés à la mise en place de ce groupe de travail -, que sur le fond. Il semble étonnant voire inquiétant que les parlementaires soient amenés à prendre position sur le contenu des manuels scolaires. Ce contenu relève d’une expertise pédagogique, et non de celle des élus.

Le groupe GDR ne participera donc pas à ce groupe de travail.

M. Michel Herbillon, président. Nous allons maintenant entendre M. le Ministre, après quoi je donnerai la parole aux deux rapporteurs pour avis.

Je souhaiterais, quant à moi, poser deux questions. Que retirez-vous, Monsieur le ministre, du débat concernant le taux de TVA applicable à la presse en ligne qui a eu lieu à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances ? Nous avons été un certain nombre à déposer un amendement sur le sujet. Nous avions déjà eu ce débat l’an dernier et notre interlocuteur gouvernemental de l’époque, M. François Baroin, s’était montré ouvert sur cette question. Nous n’avons pas ressenti la même ouverture cette année. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, quelle est la position du Gouvernement face aux intentions de certains députés membres d’autres Commissions de priver France Télévisions d’une partie de sa dotation publique ? Je rappelle en effet que notre commission a approuvé le contrat d’objectifs et de moyens (COM) dans lequel l’État s’engage à laisser France Télévisions bénéficier d’un éventuel surcroît de ressources.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Voici tout d’abord quelques éléments de réponse aux deux questions posées par M. Michel Herbillon.

En ce qui concerne la TVA sur la presse en ligne, vous le savez, le décalage entre le taux normal qui lui est actuellement appliqué et le taux réduit en vigueur pour la presse papier, qui est de 2,1 %, pose problème. L’application de ce taux réduit à la presse en ligne serait logique et légitime, mais cette problématique n’a pas vraiment évolué depuis l’an dernier. En effet, pour obtenir une telle modification, nous devrions obtenir un consensus à Bruxelles, ce qui, comme vous pouvez le deviner, est loin d’être évident. Même si nous faisons beaucoup d’efforts et continuerons à en faire, je ne suis pas certain que nous puissions obtenir ce résultat. Le contexte était difficile l’an dernier, il l’est encore plus aujourd’hui. Je tiens cependant à vous préciser que je ne pars pas battu, loin de là.

En ce qui concerne la dotation publique versée à France Télévisions, cette question doit être traitée sur deux niveaux : d’une part, l’affectation éventuelle au budget de l’État du surcroît de ressources que pourrait apporter la publicité et, d’autre part, le report sur l’exercice 2012 des fruits de l’excellente gestion de la direction actuelle de France Télévisions qui a permis de dégager 28 millions d’euros. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponse aujourd’hui car, demain, nous nous réunissons avec le rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez et le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Nous débattrons de ce sujet dans le contexte d’orthodoxie budgétaire qui prévaut aujourd’hui et qui incite à la sévérité.

En tant que ministre de la culture et de la communication, j’appuie totalement l’action de Rémy Pflimlin dans son grand travail de réorganisation et d’amélioration du service public, lequel s’est traduit par cet excédent de 28 millions d’euros. Par ailleurs, les ressources publicitaires sont évaluées, comme vous le savez, à un niveau élevé, soit 426 millions d’euros dans la tranche où la publicité est maintenue. Ce chiffre ne sera probablement pas dépassé.

Quant aux 28 millions d’euros que je souhaite voir réaffectés au budget 2012, ils sont destinés à soutenir fortement la production de fictions télévisées de qualité et innovantes. Le Gouvernement est en effet attaché à une politique de soutien à la création télévisuelle plus en phase avec l’évolution de la société et plus à même de concurrencer les séries américaines.

Certes, les fictions françaises souffrent d’un certain nombre de problèmes, notamment en matière d’écriture de scénarios par exemple, qui ont été identifiés par le rapport Chevalier. Mais, si ces aspects doivent être retravaillés, le renouveau des séries françaises passe aussi par une enveloppe supplémentaire dont le montant correspond précisément aux 28 millions d’euros que j’évoquais.

J’en viens maintenant au budget 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles, qui se veut à la fois réaliste et ambitieux.

Après l’effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits sont stables, à 4,6 milliards d’euros, ce qui est une gageure dans le contexte actuel. Voilà pour le réalisme.

L’ambition, pour 2012, c’est d’accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux COM de France Télévisions et d’ARTE France, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF).

Ce budget clôture une période de cinq années au cours desquelles les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs, qui traversent une phase de transition sans précédent, ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d’un milliard d’euros, et l’effort cumulé de l’État s’est élevé à près de 4 milliards d’euros sur la période. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les États généraux de la presse, la réforme de l’AEF ou celle du modèle économique de France Télévisions.

En ce qui concerne la presse, nous accompagnerons étroitement les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. En 2012, 390 millions d’euros seront consacrés aux aides à la presse sur le budget de mon ministère.

Le plan exceptionnel mis en œuvre pour la période 2009-2011 à l’issue des États généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une décrue. Je me suis engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous ; je rappellerai par ailleurs qu’ils demeurent à un niveau historiquement élevé – nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique.

La trentaine de mesures mises en œuvre entre 2009 et 2011 ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, au moment où elle traverse la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis l’après-guerre. Ces mesures favorisent par ailleurs l’adaptation de son modèle économique à la convergence numérique. Avec ces trois années de soutien exceptionnel, le secteur de la presse a ainsi bénéficié d’actions structurantes, visant à lui donner un regain de compétitivité industrielle, à permettre le rééquilibrage des coûts liés à la distribution, à redéfinir enfin un nouveau cadre juridique et économique pour le développement numérique.

Ces orientations, nous les avons confortées dans le budget 2012, après avoir fait un premier bilan des mesures prises à l’issue des États généraux. Elles s’appuient également sur une gouvernance des aides à la presse écrite rénovée et plus efficace pour les éditeurs, fidèle à ses principes fondamentaux : la défense du pluralisme, l’indépendance des entreprises de presse et des rédactions, la neutralité, la liberté du commerce et de l’industrie. Cette réforme se traduira par la création d’un espace de dialogue rénové entre la presse et l’État – la conférence nationale des éditeurs de presse –, et la définition d’un partenariat public-privé renouvelé autour du principe de contractualisation, afin d’optimiser les aides, en cernant mieux les objectifs des projets qu’elles viennent financer. Dans cet esprit, un fonds stratégique pour le développement de la presse va être créé, en concertation avec les éditeurs.

Les crédits de l’audiovisuel public progressent quant à eux de 1,4 % à périmètre constant – hors l’effort budgétaire exceptionnel réalisé en 2011 pour accompagner le passage à la télévision tout numérique.

En 2012, la France sera entièrement passée à la télévision tout numérique, avec l’extinction définitive de la diffusion en mode analogique le 30 novembre 2011. Ce défi, nous l’aurons relevé avec succès, grâce notamment aux moyens importants que l’État y aura consacrés, et à l’excellente gestion de France Télé Numérique. On peut évaluer à environ 160 millions d’euros le coût total de ce passage, ce qui représente de substantielles économies par rapport aux montants initialement prévus. Dans l’ensemble, aucune difficulté substantielle n’a été rencontrée et les opérations de passage à la télévision tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. C’est une véritable révolution, comparable au passage du noir et blanc à la couleur, qui s’est passée en douceur. Elle est synonyme d’un enrichissement considérable de l’offre télévisuelle pour tous les Français, qui reçoivent désormais 19 chaînes gratuites par leur antenne râteau, avec une meilleure qualité de son et d’image, et peuvent accéder à des services innovants et interactifs, comme la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande.

À la suite des décisions prises par le Gouvernement il y a deux semaines et que je préconisais, de nouvelles chaînes seront lancées dans les prochains mois, que les Français pourront recevoir avec l’équipement dont ils disposent déjà. Ces décisions permettent de tracer une route claire pour l’avenir de la télévision numérique terrestre (TNT), tout en conservant la ligne qui nous anime : celle d’une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la TNT, dont nous pouvons tous être fiers.

Le total des crédits alloués aux organismes de l’audiovisuel public – France Télévisions, ARTE France, Radio France, Institut national de l’audiovisuel (INA) et l’audiovisuel extérieur de la France – progresseront de 1,4 % entre la loi de finances initiale 2011 et le projet de loi de finances 2012, pour atteindre près de 3,9 milliards d’euros. Le budget 2012 permet donc de financer l’ensemble de leurs missions de services public et notamment les priorités stratégiques portées par les nouveaux COM de France Télévisions, en cours de signature, et d’ARTE France, qui sera très prochainement adressé au Parlement.

Pour France Télévisions, le projet de COM 2011-2015, sur lequel votre Assemblée a été consultée, reflète un engagement de l’État dans la durée, avec une croissance annuelle moyenne de 2,2 % de la ressource publique, pour accompagner la mise en œuvre d’une stratégie visant à fédérer tous les publics. Cette croissance est orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira au minimum 420 millions d’euros par an dans les œuvres dites patrimoniales : fiction, documentaire, animation, spectacle vivant. Priorité est globalement donnée aux dépenses dans les programmes, qui croîtront plus rapidement que les ressources, au rythme de 2,8 % par an.

Je tiens par ailleurs à préciser que les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont à la fois élevés et réalistes. De 2008 à 2010, le marché publicitaire a connu une crise profonde. Parallèlement, la publicité en soirée a disparu des antennes du groupe. Cette période, pendant laquelle il était très difficile de disposer d’une prévision efficace des revenus publicitaires, est aujourd’hui derrière nous.

Pour ARTE France, le Gouvernement a proposé une hausse exceptionnelle de 7,3 % en 2012 de sa dotation publique, à 270 millions d’euros. Alors que la chaîne connaît depuis quelques années une lente érosion de ses audiences, cet effort financier marque l’attachement de l’État à son modèle singulier de télévision. Le projet de nouveau COM pour la période 2012-2016 que nous finalisons porte l’ambition de relance de la chaîne culturelle franco-allemande, avec comme objectif principal la reconquête de son public, via la mise en place d’une nouvelle grille de programmes et le développement de son offre numérique.

Pour ce qui concerne la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée en 2008, elle est en voie d’achèvement. De nombreuses étapes ont été franchies pendant le quinquennat : le groupe AEF a été créé ; France 24 est montée en puissance depuis 2008 ; elle est distribuée mondialement depuis 2010 – à la fin du 1er trimestre 2011, elle peut ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde. France 24 est par ailleurs diffusée 24 heures sur 24 en langue arabe depuis 2010, et elle enregistre de bons résultats au Maghreb, avec un pic de fréquentation lors des événements en Tunisie, en Égypte et en Libye.

Je n’ignore pas les troubles qui ont traversé l’AEF, d’autant plus que j’ai œuvré à leur résolution. Mais je n’ai pas de doute sur l’achèvement en 2012 de la réforme voulue par le Président de la République en 2008, car les différents chantiers restants avancent de façon satisfaisante : cette année 2012 sera notamment marquée par l’aboutissement des négociations relatives au COM, le rapprochement physique de France 24 et RFI, l’accomplissement du plan stratégique 2009-2012 de TV5 Monde, le développement de la distribution mondiale de France 24 et de la diffusion multilingue de RFI sur tous les supports.

Au plan budgétaire, après un effort soutenu pour accompagner la constitution du groupe, les économies résultant des synergies entre les différentes sociétés du groupe AEF permettent de réduire légèrement les ressources publiques qui lui sont allouées entre 2011 et 2012, tout en maintenant ses objectifs de développement. Le total de la dotation publique de l’AEF s’élève ainsi à 319 millions d’euros dans le projet de budget 2012.

S’agissant de Radio France, la dotation publique proposée en 2012 progresse de 3,8 % pour s’élever à 630 millions d’euros, conformément au COM signé l’année dernière, afin notamment d’accompagner les travaux de réhabilitation de la Maison de Radio France. L’identité de chacune des antennes sera davantage affirmée, le réseau des antennes de France Bleu étendu, et la présence sur les vecteurs de diffusion numérique renforcée.

S’agissant de l’INA, la dotation publique proposée en 2012 s’élève à 94 millions d’euros, soit une progression de 2,1 %, en ligne là encore par rapport au COM. Cette dotation permettra à l’INA la réalisation en 2012 de plusieurs objectifs stratégiques : la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l’activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site ina.fr, et l’élargissement des activités du dépôt légal à internet.

Pour ce qui est du soutien du ministère aux radios associatives, le projet de loi de finances pour 2012 confirme l’effort initié en 2010, avec un maintien des crédits à 29 millions d’euros.

J’en viens maintenant au budget de la politique en faveur du livre et de la lecture.

À compter de 2007, la politique de numérisation de masse engagée par la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec un soutien exceptionnel de l’État, a conduit, sur quatre années – 2007-2010 –, à la numérisation de plus de 36,2 millions de pages, grâce à la mobilisation d’un budget d’environ 25 millions d’euros. Par ailleurs, la période 2007-2012 aura vu la mise en place d’une nouvelle stratégie d’ensemble pour la BNF, dont l’essor de Gallica, une bibliothèque numérique de niveau désormais mondial, et l’apport exceptionnel au portail européen Europeana, sont d’indéniables réussites.

En matière de lecture publique, un domaine qui relève à la fois de la compétence des collectivités et des impulsions de l’État au niveau national, l’action du ministère sur la période 2007-2012 a dû s’adapter aux nouveaux enjeux du numérique. En mars 2010, j’ai fait 14 propositions pour le développement de la lecture qui vont dans ce sens.

Enfin, notre action en direction de l’économie du livre s’est structurée pendant la période 2007-2012 sur les grands axes du « plan livre » présenté le 14 novembre 2007 en conseil des ministres. Ce plan prévoyait notamment la mise en place d’un label de librairie indépendante de référence. De ce label découle la possibilité pour les collectivités territoriales d’exonérer les établissements distingués de la fiscalité locale. Près de deux tiers des librairies qui ont obtenu un label bénéficient en 2011 d’une telle exonération à au moins un échelon territorial.

Pour 2012, les crédits de la politique du livre et de la lecture progressent de 4 %, afin de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l’adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture ; assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. Près de 265 millions d’euros seront ainsi engagés en 2012, venant ainsi conforter le soutien apporté à l’ensemble des acteurs du livre et de la lecture, et aux investissements associés, qu’ils relèvent du secteur public ou privé : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques.

La rénovation du quadrilatère Richelieu est un grand projet ministériel engagé dans une phase opérationnelle depuis 2001 qui s’achèvera en 2017. Il représente pour l’État un coût global de l’ordre de 211 millions d’euros, dont 171 millions à la charge du ministère de la culture ; il a pour objectif de moderniser les services offerts aux publics pour constituer un grand pôle de ressources en histoire de l’art. 20 millions d’euros sont prévus sur le budget du ministère pour la réalisation des travaux en 2012.

La politique en faveur du livre et de la lecture passe également par une action spécifique en direction de la filière du livre, avec pour ambition la perpétuation d’une production éditoriale diversifiée et de qualité dans un environnement marqué par le développement du livre numérique. À ce titre, le Centre national du livre (CNL), opérateur du ministère, continuera d’accompagner les bibliothèques dans leurs projets de numérisation à travers notamment son partenariat avec la BNF. Les crédits de soutien à la numérisation s’élèveront au total à 10 millions d’euros : 6 millions d’euros pour la numérisation patrimoniale de la BNF et 4 millions d’euros pour accompagner les projets des éditeurs.

En ce qui concerne notre politique en matière d’industries culturelles, vous n’êtes pas sans savoir que nos principales industries culturelles sont aujourd’hui toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l’internet. Aux opportunités formidables de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles, se superposent les menaces pesant sur la rémunération des créateurs et sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans le domaine de la musique enregistrée, le développement de ces pratiques a eu un impact particulièrement lourd, puisque ce secteur a perdu plus de 60 % de sa valeur entre 2003 et 2010 et plus de la moitié de ses emplois.

Nous avons voulu y répondre en proposant une politique qui comporte deux volets indissociables, dont le bilan est largement positif : protéger le droit d’auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d’une offre légale diversifiée et attractive de contenus culturels en ligne. La protection des œuvres s’appuie ainsi sur la mise en œuvre de la loi HADOPI ; quant au soutien à la consommation légale et au développement d’une offre légale diversifiée et attractive, la « carte musique » pour les jeunes a été lancée en octobre 201 pour une durée de deux ans, avec un budget alloué de 25 millions d’euros. Une version physique de la carte musique sera disponible dès novembre dans les grandes surfaces, avec une nouvelle interface internet qui fonctionnera également sur les smartphones – une vaste campagne de communication va être lancée en novembre afin de mieux faire connaître le dispositif.

Compte tenu de l’importance de la crise que connaît le secteur, et en particulier ses acteurs les plus fragiles, j’ai confié en avril dernier une mission de réflexion consacrée au financement de la diversité musicale à l’ère numérique à MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles. Ces derniers m’ont remis, il y a quelques semaines, leurs conclusions sur la mise en place d’un soutien plus structurel de l’ensemble des acteurs de la filière de la musique enregistrée. J’ai ainsi proposé au Président de la République la création, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC), d’un Centre national de la musique qui verra donc le jour en 2012. Une mission de préfiguration sera lancée dans les prochains jours.

M. Michel Herbillon, président. Je donne maintenant la parole à nos rapporteurs pour avis.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Monsieur le ministre, j’interviens aujourd’hui parce que la situation de France Télévisions s’est dégradée.

Vous aviez, en maintenant la publicité sur le service public, la possibilité de ne pas engager davantage financièrement l’État au moment même où le Gouvernement réduit ses dépenses. Vous en avez décidé autrement.

Avec le système mixte publicité-redevance, nous avions pourtant un système de financement qui garantissait une certaine stabilité à France Télévisions sans entraîner nécessairement davantage d’aides publiques.

Le Gouvernement a en outre compensé la perte de recettes publicitaires avec l’instauration d’une taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Or celle-ci est mise en péril par la Commission européenne et, plus encore, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a ouvert une procédure d’infraction. Rappelons que si la CJUE confirmait l’analyse de la Commission, l’État français devrait rembourser des sommes astronomiques.

Par ailleurs, il faut tenir compte de données nouvelles : la montée en puissance de la TNT et l’arrivée d’une nouvelle équipe à la tête de France Télévisions. Cette nouvelle équipe, avec à sa tête Rémy Pflimlin, premier président de France Télévisions nommé directement par l’Élysée, a procédé à une réorientation éditoriale qui, pour le moment, se caractérise par une baisse inquiétante de l’audience et qui, je cite votre euphémisme, « ne fidélise pas tous les publics ». Cette baisse est si considérable qu’elle aura nécessairement un impact sur le coût de l’écran publicitaire. Il y a fort à parier que France Télévisions aura moins d’écrans publicitaires et que ceux-ci risquent de voir leur prix dévalué du fait d’audiences basses.

D’autre part, France Télévisions serait menacée, par voie d’amendement, d’une amputation de 50 millions d’euros au nom de la péréquation des économies sur les dépenses publiques. Si l’amendement proposé par nos collègues de la Commission des finances pour que la dotation budgétaire de France Télévisions soit révisée à la baisse au motif d’un prétendu excédent des ressources publicitaires venait à être adopté, cette décision contraindrait le groupe à revoir à la baisse l’ensemble de ses engagements de service public que nous sommes nombreux à trouver déjà insuffisants.

Monsieur le ministre, j’espère que vous saurez user de votre pouvoir pour éviter de sacrifier le service public.

S’agissant de l’AEF, vous avez indiqué que la réforme en cours serait achevée en 2012. Cependant, alors que l’objectif de cette réforme était d’améliorer le pilotage de la politique audiovisuelle extérieure de la France et de lui donner plus de cohérence, nous sommes en droit de nous interroger sur sa légitimité et son utilité. Les auditions de notre mission d’information consacrée à ce sujet ne sont guère rassurantes…

L’AEF vit dans une situation de non-droit : absence persistante de COM avec des justifications diverses, multiplications de crises et de conflits étalés de manière un peu sordide sur la place publique : du départ de Christine Ockrent à la récente démission de M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24, et au vote de défiance à une forte majorité des salariés de France 24 contre leur président directeur-général, Alain de Pouzilhac.

En ce qui concerne l’avenir de la TNT, la loi attribuant des chaînes dites « bonus » à TF1, M6 et Canal + a été jugée contraire au droit européen par Bruxelles. Le Gouvernement, favorable aux chaînes « bonus », s’est incliné devant le jugement de la Commission européenne et s’est engagé à abroger le dispositif des canaux compensatoires.

De plus, le Gouvernement a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de lancer un appel à candidatures pour six chaînes supplémentaires diffusées sur la TNT en haute définition, de quoi permettre à TF1, M6 et Canal +, mais aussi à Nextradio, L’Équipe ou NRJ de développer leurs nouveaux projets.

Nous sommes en droit, après l’affaire des chaînes « bonus » octroyées à discrétion en 2007 à TF1, M6 et Canal +, de nous interroger sur le fait que les pouvoirs publics n’aient pas poussé l’avantage pour l’audiovisuel public et que ce soient toujours les mêmes opérateurs qui sont privilégiés. On ne peut que s’interroger sur l’équilibre du paysage audiovisuel que vous avez évoqué, Monsieur le ministre, dans un entretien accordé à La Tribune.

Enfin, s’agissant du CNC, je souhaiterais savoir quelles sont les conclusions de la réunion interministérielle qui s’est tenue hier et qui portait sur l’amendement « surprise » limitant le financement à venir du CNC. Je rappelle que le maintien de cet amendement - qualifié d’ « errement de Bercy », semble-t-il, par le Président de la République et plafonnant les taxes prélevées sur les distributeurs de service de télévision, d’internet ou de mobile au profit du fonds de soutien à la création du CNC - mettrait gravement en péril le dispositif unique d’aide au cinéma qui permet à notre pays de conserver son indépendance en matière cinématographique.

Ce n’est pas un hasard si les cinq organisations représentant auteurs, réalisateurs et producteurs ont dénoncé unanimement cette initiative.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Monsieur le ministre, vous avez déclaré avec force et détermination que jamais autant d’argent n’avait été consacré à aider la presse. C’est exact. Le problème est qu’en n’ayant jamais bénéficié d’autant d’argent public, la presse ne s’est jamais portée aussi mal. Je n’invente pas le problème de La Tribune, ni celui de France Soir. Vous connaissez mieux que moi les difficultés de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse et de Paris Normandie. Ne peut-on pas dès lors se demander si ces aides sont bien ciblées ? Ne peut-on pas utiliser cet argent de façon plus intelligente ? Pensez-vous que huit magazines télévisés doivent bénéficier de 53 millions d’avantage tarifaire postal, soit plus que le total des aides à la modernisation et à la modernisation sociale de la presse, qui représentent au total 50 millions d’euros ? Est-il normal que la presse magazine récréative, qui se porte bien, bénéficie de 35 % de l’effort public, alors que la presse quotidienne nationale d’information politique générale, qui se porte mal, ne bénéficie que de 15 % du total de la contribution publique ? Est-il acceptable que la presse d’information politique et générale en ligne se voie appliquer un taux de TVA de 19,6 % alors que le magazine Voici bénéficie d’un taux super réduit de 2,1 % ? Est-il normal, alors que nous voulons défendre le portage, et c’est là l’une de vos priorités, que ce dernier ne représente que 19 % de la distribution dans notre pays alors qu’il représente 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % au Royaume-Uni ? N’y a-t-il pas un très grand décalage entre les intentions affichées et les résultats ?

S’agissant de l’Agence France-Presse (AFP), où en est-on de la clarification des relations financières entre l’État et l’Agence ? On nous avait dit qu’il y avait urgence, qu’il fallait impérativement une loi. Aujourd’hui on n’entend plus rien. Si cette question ne constitue plus un problème absolument urgent, nous ne pouvons que nous en réjouir mais pouvez-vous nous le confirmer ?

Que pensez-vous par ailleurs de la position d’un ministre de la République, en l’occurrence la ministre du budget, qui, pour rejeter notre proposition d’alignement du taux de TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, nous affirme que « la presse en ligne n’est pas assimilable à la presse imprimée. Elle ne fonctionne pas de la même façon, c’est un service et pas un bien culturel. » Il va à l’évidence falloir lui faire une petite fiche pour lui expliquer les choses… Elle aurait été en outre bien inspirée de ne pas ajouter, à court d’arguments, que le Gouvernement avait déjà « fait preuve d’une grande bénévolence vis-à-vis de la presse en maintenant et en prorogeant toute une série de niches… ». Si l’on veut chercher des niches, on peut en trouver ailleurs, mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui.

Je souhaiterais que l’on engage une vraie réflexion sur le déclassement social des journalistes, qui, indirectement, a des répercussions sur la qualité des journaux et la diffusion de la presse. C’est pourquoi il serait intéressant que les aides prennent davantage en compte l’amélioration du contenu, la formation des journalistes…

Enfin, quelle est votre position sur les nouveaux producteurs indépendants dans le domaine de l’audiovisuel qui sont de plus en plus nombreux et qui sont tous des amis du pouvoir en place et du Président de la République ? Combien coûte une émission comme Midi en France qui a moins de 200 000 téléspectateurs ? Combien coûte une émission comme Vendredi sur un plateau, qui n’a que 300 000 téléspectateurs ? Le service public doit-il privilégier à ce point les producteurs indépendants ?

M. le ministre. En ce qui concerne l’amendement sur le CNC, nous y travaillons. La profession cinématographique s’est fortement mobilisée. J’ai bon espoir d’arriver à obtenir un infléchissement tout à fait conséquent de cet amendement. Les perspectives sont optimistes.

S’agissant de la question des canaux compensatoires, nous étions confrontés à une procédure de la Commission européenne qui était très contraignante. La solution retenue, consistant à abroger les dispositions prévoyant l’attribution de canaux compensatoires aux chaînes historiques et à remettre à disposition six canaux, me semble une solution de justice et de raison. Il incombe néanmoins au CSA de procéder à l’attribution de ces canaux. Il ne m’appartient pas d’influer sur cette procédure. Nous devons tenir compte du fait que le « gâteau publicitaire » n’est pas extensible à l’infini. Les nouveaux canaux devront donc plutôt privilégier les chaînes thématiques mais encore une fois, cela relève du CSA. J’ai toujours été hostile au projet d’instaurer immédiatement une nouvelle norme permettant l’attribution de deux chaînes supplémentaires, compte tenu de l’effort très important d’équipement qui a déjà été demandé à nos concitoyens pour le passage à la TNT. Nous attendrons donc que le parc se renouvelle naturellement pour lancer la nouvelle norme, ce qui peut prendre quatre ou cinq ans.

En ce qui concerne l’AEF, je ne vais pas revenir sur le feuilleton que tout le monde a pu suivre et qui s’est déroulé de manière assez vive, certaines séquences fortes ayant d’ailleurs eu lieu dans mon bureau. France 24, malgré les difficultés, n’a pas cessé de progresser dans le rendu de l’information et dans son implantation locale. Depuis 24 heures, je suis très attentivement, en tant que citoyen, l’évolution de la situation en Tunisie sur France 24, qui est selon moi, la chaîne qui couvre le mieux les événements. Bien sûr, il aura fallu plus de trois ans pour établir un COM, avec des évaluations différentes entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget. Bien sûr, il y a eu des événements complexes et d’une particulière gravité. Mais j’ai le sentiment que l’ensemble progresse. Le travail de conception et de négociation du COM de l’AEF devrait reprendre de manière plus active à partir du mois de novembre. J’espère avancer vite car évidemment il n’est que trop temps d’y parvenir.

En ce qui concerne les questions de Mme Martine Martinel sur France Télévisions, j’ai le sentiment d’y avoir déjà répondu en répondant aux questions préalables de M. Michel Herbillon. Ce que je constate, même si cela ne répond pas vraiment à votre question, c’est que le contact avec la direction actuelle de France Télévisions est très enrichissant et fonctionne. Quand on pose une question, que ce soit une question sur la gestion ou sur les programmes, on peut véritablement établir un dialogue et un échange. Je souhaite leur rendre hommage. C’est une des configurations les plus favorables pour le fonctionnement de l’entreprise et pour la qualité des programmes. S’il est vrai que la grille de rentrée a connu des difficultés d’audiences pour certains programmes, il faut laisser le temps au temps et ces difficultés n’entament en aucun cas le capital de confiance que l’on peut avoir envers la direction et la ligne qu’elle s’est fixée.

S’agissant de la procédure engagée par la Commission européenne contre la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, elle fait l’objet de réponses et de contre-expertises de notre part et pour l’instant, on peut dire que cette procédure est sous contrôle.

M. Françaix m’a interpellé sur les producteurs indépendants. La confiance que je porte à la direction de France Télévisions m’interdit de l’incriminer a priori pour la gestion des budgets de telle ou telle émission. La production audiovisuelle implique un grand nombre de sociétés et autant d’emplois, sans comporter aucune garantie d’activité à long terme, c’est donc un métier difficile. Les budgets du groupe sont surveillés de très près, le gâchis dont vous faites état me paraît donc peu vraisemblable. En revanche, il peut arriver que même avec de gros budgets, l’audience ne soit pas au rendez-vous.

S’agissant du déclassement social des journalistes, dont vous avez parlé dans votre intervention, j’en ai très concrètement pris la mesure il y a une semaine lorsque j’étais aux côtés des journalistes de L’Indépendant de Perpignan. J’ai été ému par le courage de ces jeunes journalistes défendant l’autonomie financière de ce vieux journal récemment acheté par un groupe, alors qu’eux-mêmes se trouvent dans une situation personnelle délicate que leur pudeur leur a interdit d’évoquer. Pour autant, la situation d’ensemble des journalistes est une question complexe qui ne se pose pas de la même manière dans tous les journaux.

En ce qui concerne les 120 millions d’euros versés à l’AFP, dont les projets de réforme connaissent, comme vous l’avez souligné, des fortunes diverses, je rappellerai le désaccord de la Commission européenne sur les modalités du financement de l’Agence par l’État. Nous disposons néanmoins d’un petit délai pour surmonter cette difficulté.

J’aborderai maintenant le sujet des aides à la presse : nous avons tous en tête les images, véhiculées par les films américains, des pas-de-porte où sont livrés chaque matin la bouteille de lait et le journal. Le portage, malgré une image désuète, est une solution pleinement efficace qui crée de l’emploi, notamment pour les jeunes, et constitue une solution d’approvisionnement sûre. Il représente 19 % de la distribution de la presse en France contre 90 % aux Pays-Bas. Nous disposons donc d’une marge de progression importante, même si cette progression devrait se tasser cette année. S’agissant de l’attribution des aides de manière générale, les préconisations du rapport Cardoso ont été mises en œuvre, c’était un élément important de clarification : 41  % des aides sont versées à la presse magazine, 29 % à la presse quotidienne régionale et 15 % à la presse quotidienne nationale.

M. Christian Kert. Je souhaiterais tout d’abord répondre à Mme Martine Martinel et récuser l’idée selon laquelle France Télévisions serait aujourd’hui une sorte de continent à la dérive. France Télévisions respecte les objectifs que le législateur lui a assignés, c’est-à-dire la constitution d’une société unique mais aussi le lancement d’un certain nombre de chantiers longs et parfois onéreux. Je citerai tout d’abord le rôle central de France Télévisions dans la création et la production cinématographique et audiovisuelle : 54 % de la production de fiction en France sont financés par France Télévisions ! Nous avons également demandé au groupe de combler son retard dans le domaine du numérique, la précédente direction ayant été accaparée par d’autres chantiers qui ne lui ont pas permis d’investir cet axe de développement. C’est un processus long, qui est en cours. Nous avons demandé le développement de l’offre régionale et nous avons souhaité mieux arrimer les territoires ultramarins à la métropole. Enfin, nous avons demandé des efforts importants dans le domaine de l’accessibilité aux non-voyants. On ne peut pas investir France Télévisions de toutes ces missions, qui sont des missions de service public, et se plaindre en même temps de la baisse des audiences. Celle-ci est due à la transformation des programmes, mais aussi à la concurrence des chaînes de la TNT. Nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour expliquer que si on veut un audiovisuel public fort, il n’est guère opportun de diminuer ses ressources.

Au sujet des six chaînes nouvelles qui vont apparaître sur la TNT, on entend que beaucoup pourraient être des chaînes thématiques. Je souhaiterais pour ma part que nous fassions connaître au CSA les orientations que nous aimerions voir soutenues dans le cadre de l’attribution de ces chaînes.

S’agissant de l’AEF, je ne partagerai pas complètement votre optimisme, et je dois admettre que dans la rédaction du rapport qui m’a été confié sur ce sujet dans le cadre de la mission d’information créée par notre Commission et celle des affaires étrangères, je me heurte à de fortes difficultés. La question qui se pose est en fait celle du périmètre. Quelle est la place de TV5 Monde ? Qu’attendons-nous des chaînes, comme Euronews, qui contribuent à porter la voix de la France à l’international ? Quelle place pour les efforts entrepris par France Télévisions ?

En ce qui concerne la presse, je voudrais relativiser le constat dressé par M. Michel Françaix, selon lequel on donnerait beaucoup à celle-ci sans en être payé en retour. On aurait tort de sous-estimer le bouleversement que connaît ce secteur, avec l’apparition des journaux gratuits, l’éparpillement des recettes publicitaires ou l’apparition de nouveaux supports sur internet. Il faut maintenir ces aides, quitte peut-être à en revoir certaines modalités.

M. le ministre. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la désaffection dont souffre la presse écrite n’est pas une fatalité. Le succès de l’opération « mon journal offert » en témoigne.

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, si vous étiez encore réalisateur ou producteur, signeriez-vous la pétition de soutien à M. Rémy Pflimlin ? Ne partageriez-vous pas nos inquiétudes sur l’avenir de France Télévisions ? Nous avons voté contre un COM que nous jugeons insincère : afficher une prévision de 450 millions d’euros de recettes publicitaires à l’horizon 2015, alors qu’on atteindra au mieux 400 millions, signifie que le financement de la création ne dépassera pas le niveau plancher fixé par le COM à 420 millions d’euros. Dans ce contexte, on peut d’ailleurs se demander s’il était bien opportun de lancer maintenant six chaînes supplémentaires sur la TNT.

Par ailleurs, si vous étiez journaliste de France 24, auriez-vous signé la motion de défiance contre Alain de Pouzilhac ? Je rappelle que depuis trois ans, pas moins de 4 directeurs de l’information ont démissionné, sans parler du déménagement et de la réorganisation à marche forcée de RFI.

Si vous étiez un acteur économique, vous inquiéteriez-vous en outre du fait que d’ici peu, notre pays ne comptera plus qu’un seul quotidien économique, alors qu’à l’occasion du rachat de La Tribune par Bernard Arnault, le Gouvernement en place avait pris des engagements précis ?

Enfin, si vous étiez artiste ou interprète de la filière musicale, que penseriez-vous de l’échec de la carte musique, dont 50 000 exemplaires seulement avaient été distribués en août, et pour laquelle 1,25 million d’euros a pu être dépensé sur un budget de 25 millions ? Ne vous interrogeriez-vous pas sur la manière dont le Centre national de la musique, dont la création est préconisée par notre collègue Franck Riester dans son rapport, va être financé ? Ne seriez-vous pas inquiet à l’idée qu’une partie de ce financement puisse provenir de la redevance pour copie privée, qui pourrait être intégrée au budget de l’État, alors qu’elle finance 5 000 manifestations culturelles en région ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Plus qu’une question, j’émettrai une opinion et surtout un souhait à M. le Ministre, que je réitérerai d’ailleurs demain devant M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, pour défendre l’intégrité du COM de France Télévisions. D’abord deux remarques, une sur la forme et une sur le fond.

Sur la forme, il est un peu surprenant de voir des arbitrages qui datent du mois de juillet, avec un avis favorable sur le COM de la Commission des affaires culturelles mais aussi de la Commission des finances datant de moins de trois semaines aujourd’hui, éventuellement remis en cause. Ce n’est pas de votre fait, mais de ce qu’on a pu en lire dans la presse, je suis un peu surpris que la Commission des affaires culturelles n’ait pas été associée à ces discussions.

Sur le fond, il est important de ne pas pénaliser la réussite économique et de laisser à France Télévisions la maîtrise de sa gestion à condition de flécher, comme indiqué dans mon rapport sur le projet de COM, les éventuels surplus publicitaires soit vers la création, soit vers le numérique.

En ce qui concerne les chances que le groupe dégage des surplus publicitaires, permettez-moi d’être très dubitatif non seulement en raison de la conjoncture économique et de la chute des audiences mais aussi en raison de l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT. S’agissant de l’éventuelle baisse de la dotation publique dès la première année du COM, alors qu’on demandait un peu de visibilité et de stabilité pour France Télévisions, si cette baisse devait intervenir, ce serait dangereux parce qu’il n’y a pas de surplus publicitaire ni de cagnotte et que nous ne savons même pas s’il y aura un bénéfice l’année prochaine. Sachant que le COM prévoit une progression du coût de grille estimée à 2,8 % alors que la dotation publique ne devrait augmenter que de 2,2 %, si on venait à rogner encore sur ces 2,2 % d’augmentation, cela deviendrait très problématique et remettrait en question les engagements de France Télévisions en matière de financement de la création et du plan numérique.

Mme Marie-George Buffet. En ce qui concerne la presse, hors abonnement AFP, nous sommes sur une décrue de plus de 12 % au moment où la presse doit faire face au développement du numérique et mener un véritable combat pour maintenir son lectorat, la qualité de ses informations et le statut de ses personnels, notamment les journalistes. J’étais hier avec les manifestants de France Soir : la solution, prônée par la direction, du passage au « tout numérique » fait obstacle à l’hypothèse d’un repreneur. J’aurais aimé savoir la position de la tutelle et connaître l’action du ministère par rapport au patron de France Soir. La Tribune et d’autres journaux sont également en grand danger.

C’est la crise la plus grave depuis des décennies. Aussi le système d’aide à la presse est-il à revoir, mais pas dans le sens du rapport Cardoso qui va contribuer à une plus grande concentration des titres et à moins de pluralisme. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Vous avez évoqué les objections de Bruxelles concernant le financement de l’AFP. J’aimerais avoir plus de précisions sur le délai qui nous est imparti pour agir.

Êtes-vous dans le même état d’esprit au sujet de la taxe créée pour financer la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Vous dites avoir mis en route une série de procédures et de réponses permettant de faire reculer la décision de la Commission européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Votre vision de la situation de l’AEF n’est pas tout à fait celle que nous avons eue lors des auditions de la mission d’information, d’ailleurs suspendues sans que le rapport ait pu être rendu. J’étais, il y a moins de deux heures, avec différents représentants syndicaux de France 24 et de RFI. Je voudrais souligner la très grande souffrance au travail dans ces deux entreprises. Il y a eu déjà deux plans sociaux : le premier a coûté 41 millions d’euros, le second va coûter 27 millions d’euros. Ce dernier prévoit 126 suppressions de postes, dont 80 journalistes. Le déménagement a déjà coûté 12 millions d’euros sans garantie que cet immeuble puisse être occupé par le personnel de RFI. Nous avions critiqué le caractère bicéphale de la direction, mais nous nous apercevons qu’après la disparition d’une tête, ni la gestion ni les rapports au personnel ne se sont améliorés. Nous avons donc beaucoup de doutes sur le périmètre et les conditions de cette fusion. Nous allons continuer à travailler pour rendre un rapport qui posera beaucoup de questions et de critiques sur la façon dont se règle ce problème.

J’espère que vous agirez pour contrer un amendement qui priverait France Télévisions de ressources, car nous en avons besoin pour la fiction et la création et pour relever les différents défis auxquels est confronté le service public, parmi lesquels l’arrivée des six nouvelles chaînes de la TNT ; et nous connaissons également les difficultés que connaît France Ô. Je pense donc qu’il faut laisser cet argent à France Télévisions.

Vous avez dit que vous étiez solidaire du monde du cinéma. Face à l’amendement qui vise à plafonner les taxes affectées au CNC, je préfère que vous soyez solidaire du cinéma plutôt que de Mme Pécresse et M. Baroin.

Mme Françoise de Panafieu. Comme Christian Kert, j’interviens sur les menaces qui pèsent sur le COM de France Télévisions. En effet, je veux souligner l’importance que nous attachons à son respect. Il me semble que le remettre en cause d’emblée alors que nous venons de rendre notre avis, il y a à peine un mois, créerait un climat d’incertitude très nuisible pour cette entreprise publique. Je crains aussi que si ce COM, fruit de six mois de tractations, était remis en cause, ce soient les producteurs qui fassent les frais de cette opération. Nous connaissons tous la fragilité de ce secteur qui vit pour l’essentiel de France Télévisions. Plus qu’une question, c’est une inquiétude que je voulais là exprimer. Nous comptons donc sur vous, Monsieur le ministre, pour plaider demain ce dossier et faire en sorte que France Télévisions ne soit pas déstabilisée.

M. Marcel Rogemont. Je voudrais aborder la question de la presse très sommairement, puisque l’essentiel a déjà été dit. Il n’en reste pas moins que notre collègue Michel Françaix a eu l’occasion de rappeler que le ciblage des aides à la presse devait être au cœur des décisions à prendre et que la diffusion par La Poste bénéficiait essentiellement à la presse magazine. Je veux rappeler que l’aide au portage, qui est ciblée sur la presse d’information politique générale, va donc dans le bon sens. J’aimerais savoir pourquoi, alors que les effets du portage sont plutôt positifs, au lieu d’augmenter les crédits, vous les diminuez ?

Sur la question du financement de l’AFP, qui reste en apesanteur, vous avez dit que nous avions du temps. J’aimerais savoir quelles initiatives vous entendez prendre sur cette question.

Je voudrais aussi aborder la question du CNC et des taxes spécifiques qui permettent le soutien fructueux d’un secteur économique. Dans l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, on mêle des types de taxes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Par exemple, on vise la taxe sur les jeux en ligne qui va financer le Centre des monuments nationaux. Il n’y a, dans ce cas, pas de lien direct entre la taxe et l’objet pour lequel le financement est accordé. En revanche, avec le CNC, nous avons des taxes qui favorisent une auto-organisation et à partir du moment où on enlève un centime de cette auto-organisation, cela signifie que vous créez une taxe sur les industries cinématographiques. Qu’en est-il du Centre national du livre qui, lui aussi, bénéficie d’une taxe de 1 % du chiffre d’affaires de l’édition ? Les éditeurs financent un accompagnement de la filière du livre, qui est fragile. Si le plafonnement existe aussi pour le livre, vous créez une taxe sur les éditeurs dès lors que vous détournez la taxe existante de son sens. C’est plus grave que vous ne le pensez.

D’autre part, il me semble avoir entendu – peut-être s’agit-il de bruits de couloir – qu’il serait possible que l’on prélève sur les taxes affectées au CNC une partie pour financer le Centre national de la musique. J’ose espérer que ce sacrilège n’existe pas dans votre esprit car ce serait transformer le CNC en pompe à financement qui n’a pas lieu d’être et, là encore, cela constituerait un détournement.

Je souhaite donc être rassuré quant à l’éventuel financement du Centre national de la musique indépendamment des financements du CNC.

Je veux parler ensuite de l’audiovisuel public. La réforme de 2009 devait être la réforme totale. Le financement de l’État était naturellement garanti. Nous sommes attachés au COM, même si nous ne l’avons pas voté car il n’était pas suffisant, et ne pouvons accepter que la dotation du groupe soit réduite de 50 millions. C’est là la parole de l’État qui est en cause.

De même la parole de l’État est en cause par son refus d’appliquer un taux de TVA super réduit à la presse en ligne.

Vous allez créer six chaînes de plus sur la TNT. L’expérience montre que la volonté d’ouvrir le paysage audiovisuel français a échoué puisque pratiquement toutes les chaînes ont été rachetées par des grands groupes audiovisuels. Allez-vous augmenter le nombre de chaînes que peut détenir un groupe audiovisuel afin que les grands groupes puissent racheter dans un an ou deux lesdites chaînes ? Ou allez-vous mettre en place des règles claires afin qu’il n’y ait pas de concentration supplémentaire sur ces nouvelles chaînes et qu’elles ne soient pas revendues à la petite semaine ?

Mme Monique Boulestin. Le seul budget consacré au livre et aux industries culturelles représente aujourd’hui près de 275 millions d’euros. Il est en baisse de 29 millions d’euros par rapport à l’année dernière, soit une baisse réelle de 8,5 %.

Vous avez déclaré, lors de votre dernière conférence de presse, que vous aviez l’ambition de poursuivre votre politique en faveur du livre. Pour ne citer qu’un exemple, le seul projet du quadrilatère Richelieu – que nous ne contestons pas – représente pour l’État un investissement de 211 millions d’euros dont 171 millions à la charge du ministère de la culture. Dans ces conditions, comment comptez-vous poursuivre cette ambition, notamment votre soutien au secteur de l’édition ? En outre, seuls 10 millions d’euros seront destinés à l’accompagnement de projets de numérisation pour la modernisation de ce secteur.

Par ailleurs, comment poursuivre le soutien aux librairies et aux professions du livre avec seulement 3 millions d’euros ?

Comment développer la lecture et l’aide à sa diffusion par les bibliothèques avec une dotation globale de décentralisation en baisse partout sur notre territoire ?

Nous sommes loin, Monsieur le ministre, des valeurs fondatrices du ministère de la culture : démocratisation, décentralisation et innovation.

Seul votre ministère peut garantir la poursuite de la politique de décentralisation culturelle attendue tant par les Français que par les collectivités territoriales.

Nous comptons sur vos engagements pour revoir la désorganisation née de la refonte de l’administration centrale du ministère de la culture en 2010 et que nous avons dénoncée en son temps, et pour repenser une politique culturelle ambitieuse avec une véritable politique du livre.

M. Patrick Lebreton. Je voulais profiter de votre venue en Commission pour vous interroger sur l’action 3 du programme « diversité radiophonique » de la mission « Médias », à savoir « le soutien à l’expression radiophonique locale ».

Dans l’exposé de votre action, vous affirmez que le « maintien des crédits permettra de faire face, comme en 2011, à l’augmentation du nombre de radios associatives, suite aux autorisations accordées par le CSA en FM ».

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que le nouveau plan de fréquences prévu pour La Réunion a provoqué de vives tensions.

Dénonçant une concertation tronquée, une vingtaine d’opérateurs représentant les radios locales et associatives, réunis au sein du Front des Ondes Réunionnaises, s’inquiètent de l’arrivée de mastodontes commerciaux comme Fun Radio, RTL2 ou RMC et la consolidation des antennes liées à des grands groupes locaux existants.

Alors que le marché publicitaire de notre région est naturellement restreint et que les coûts de diffusion sont élevés, en raison du contexte géographique très accidenté, c’est tout simplement la mort inéluctable de ces petites stations qui font l’identité réunionnaise que ce nouveau plan de fréquences programme.

Nombreux ont été les opérateurs à alerter le CSA. Je l’ai moi-même saisi au mois de juillet et je n’ai d’ailleurs, à ce jour, toujours pas reçu la moindre réponse. Je crains donc que l’esprit de la loi de 1982 sur les radios soit fortement altéré.

Y a-t-il, Monsieur le ministre, une réelle cohérence entre votre objectif louable affiché de soutenir les radios associatives et les décisions du CSA qui programment, à La Réunion, la mort de ces radios ?

Mme Françoise Imbert. Plusieurs sujets ont déjà été abordés, comme les difficultés et le coût de la distribution de la presse en France ou bien l’avenir des librairies indépendantes sur notre territoire, qui offrent une garantie de conseil aux lecteurs, de possibilités de rencontres et de contacts avec les auteurs, d’organisation de cafés littéraires…

Je voudrais évoquer la situation du photojournalisme. Ce secteur connaît actuellement une grave crise qui s’illustre aujourd’hui par une grande précarité de ses professionnels. Comment le ministère s’engage-t-il plus précisément dans ce budget 2012 pour soutenir la photographie de presse et le photojournalisme ?

M. le ministre. Pour avoir eu des activités dans ce domaine, le photojournalisme m’est très cher. Je me rends chaque année au festival de Perpignan qui est une manifestation absolument remarquable. Comme vous le savez, j’ai réalisé dans une vie antérieure un film sur les photojournalistes. Je suis frappé aujourd’hui par la réduction terrible des possibilités de développement de leurs ressources économiques du fait de la diminution des commandes des magazines, de la multiplication d’autres sources d’illustrations, notamment les photos réalisées au moyen de téléphones portables, et de l’utilisation excessive de la mention « droits réservés » qui va à l’encontre de leurs intérêts. Je pense que le photojournalisme représente ce qu’est la haute couture par rapport au prêt-à-porter, c’est-à-dire qu’il s’agit de la création de prototypes essentiels dans le domaine de la photographie. Le photojournalisme est à la rencontre du rendu d’une situation objective et du regard d’un photographe : c’est Sebastião Salgado voyant les travailleurs de la mine au Brésil.

Nous avons construit un plan d’aide au photojournalisme avec la mise en place au sein du Centre national des arts plastiques (CNAP) d’un fonds destiné à contribuer au montage financier des opérations de photojournalisme, puisque les reportages se préparent, à l’instar des films, et il faut pouvoir effectuer cette préparation avant qu’un journal accepte ou achète les photos - dans la mesure où les journaux sont désormais moins souvent producteurs de reportages dès l’origine. Ce fonds fonctionnera à l’image de la commission d’avance sur recettes pour le cinéma. C’est une première réponse importante aux questions posées par la situation du photojournalisme.

Avec les librairies, Mme Imbert met le doigt sur une question qui va tarauder le domaine de la culture dans les années à venir. C’est un très grand motif d’inquiétudes. Assistant au congrès des libraires qui s’est tenu à Lyon, j’ai eu le sentiment que chacun prend conscience désormais de la gravité du problème, dans une sorte de moment de catalyse. Il convient de rappeler que la principale chaîne de librairies aux États-Unis, Barnes & Noble, a déposé son bilan et que dans, le même temps, l’extension rapide des tablettes de lecture, le développement des services fournis par Amazon ainsi que l’accroissement de la lecture sur internet sont source d’une rude concurrence pour les librairies.

Nous avons en France un label qui permet de distinguer et de signaler en quelque sorte les librairies qui sont des lieux d’échanges et de lien social un peu particuliers. De même, aux États-Unis, un certain nombre de librairies indépendantes supportent le choc en développant des services annexes : conseils de lecture, rencontres avec des écrivains, signatures… Il est certain, néanmoins, que le métier est amené à changer. Actuellement, la prise de conscience, par la profession, du danger et des contraintes de cette situation est forte. Le ministère de la culture est réellement à l’écoute afin de construire avec les libraires un plan qui permette de contrecarrer les premières attaques très virulentes auxquelles nous pouvons assister. Il convient néanmoins de constater, sans s’en réjouir pour autant, que pour l’instant le livre numérique sur tablette n’a pas en France l’expansion qu’on lui connaît ailleurs. Mais tôt ou tard, il exercera une très forte concurrence. Je suis personnellement en alerte sur ce sujet et je pense que nous pourrons prendre des mesures pour parer au danger qui se précise.

En ce qui concerne La Réunion, je dois dire à M. Lebreton qu’il ne peut pas affirmer que le CSA programme la mort des chaînes associatives réunionnaises. Sans doute la réponse que vous attendiez tarde-t-elle de manière trop importante, mais on ne peut suspecter le CSA ne serait-ce que d’indifférence vis-à-vis de La Réunion. Quant à moi-même, tant par l’attachement que j’éprouve pour La Réunion que pour le formidable vivier de diversité que ce département constitue dans notre pays avec son million d’habitants et la beauté de ses paysages, il est évident que je suis totalement attentif au maintien et à la protection des radios associatives. Je vous promets que je serai l’ambassadeur de La Réunion auprès du CSA à ce sujet.

En matière de livres, je voudrais compléter les observations de Mme Boulestin. S’agissant de la numérisation, nous avons réussi à mettre en place un financement par l’emprunt national pour les investissements d’avenir. C’est important : rappelez-vous il y a deux ans la polémique considérable à propos de la numérisation des fonds de la Bibliothèque nationale de France. Cette numérisation d’une partie importante des fonds va être rendue possible dans le cadre des investissements d’avenir, sans lesquels le financement aurait dû être obtenu par redéploiement d’autres actions. Il ne faut pas négliger non plus le plan en quatorze points pour la lecture qui donne des résultats appréciables. Je prends l’exemple d’un village dans les Ardennes où je suis allé récemment et dans lequel une bibliothèque itinérante vient deux jours par semaine en apportant une offre de prêt et de lecture qui n’existait pas auparavant. Le plan en faveur des bibliothèques fonctionne également. L’ensemble des actions est suivi constamment et la politique du livre est une chose essentielle pour moi et pour le ministère. Certes, la taxe affectée au CNL risque d’être plafonnée, mais ce sera à un niveau suffisamment élevée pour le CNL puisse continuer à bénéficier de l’enveloppe budgétaire sécurisée dont il a besoin. Il suffit d’entrer dans le détail des crédits pour constater que la politique du livre ne souffre pas d’une diminution des moyens dont elle dispose, tout au plus peut-il s’agir de redéploiements.

À Mme Buffet, j’indique qu’il y a bien sûr une décrue à l’issue de trois ans d’aides à la presse d’un montant sans précédent à la suite des États généraux de la presse écrite. Mais cette décrue n’est que de 7 %. Par ailleurs, si l’État a fourni un effort gigantesque, il faut également que la presse, de son côté, accomplisse un certain nombre de gestes d’une manière conséquente. Il y a le cas de France Soir pour lequel j’ai approuvé les aides, malgré mes doutes, car il s’agissait de tenir un engagement. Je ne sais pas comment ce journal a été géré, mais je me demande aujourd’hui à quoi tout cet argent a servi – outre à protéger les emplois. Mais à côté de cet exemple, des transformations fantastiques ont été opérées, par exemple à la rédaction de Sud Ouest dont la volonté de faire remonter un journal qui souffre est manifeste. On a donné là un signal positif à une grande partie des journalistes dont on soulignait tout à l’heure les inquiétudes en termes de déclassement social.

Compte tenu notamment du tsunami que représente l’avènement du numérique, tout n’a pas fonctionné mais une grande partie de l’énorme travail de remise en ordre a été effectuée. Les crédits pour 2012 permettent de maintenir un dispositif conséquent qui continue à accompagner la presse tout en évitant de mettre en place un système d’assistance permanent. Il fallait que les organes de presse prennent leur part de l’effort considérable que l’État a mis en œuvre.

En ce qui concerne l’AEF, je ne néglige pas du tout ce que Mme Buffet a dit de la souffrance au travail ressentie par beaucoup de personnels de RFI qui ont vécu dans l’inquiétude en raison de la restructuration importante imposée à cet organisme. Je rappelle simplement que RFI était vraiment en situation d’obsolescence s’agissant de la répartition des langues et de la couverture des pays ; il y avait une rénovation de fond à opérer pour en assurer la pérennité. Effectivement, le déménagement est coûteux, mais lorsque l’ensemble RFI et France 24 sera réuni, il faut souhaiter qu’il en découle des mutualisations et une efficacité sources d’un certain nombre d’économies.

J’ai déjà évoqué les raisons de la lenteur avec laquelle le COM a été élaboré. Les choses sont compliquées et tout a dû être remis sur la table. À partir du mois de novembre, on pourra entrer dans le vif du sujet. Tout n’est certes pas parfait à l’AEF, mais je dis simplement que cela va mieux – sans compter que l’arrivée à l’AEF de mon ancien directeur de cabinet est pour moi un signe positif car il apportera à l’entreprise une compétence et une humanité très importantes. Tout cela fait que nous en aurons fini avec le feuilleton que nous avons connu auparavant.

Je suis d’accord avec M. Rogemont pour dire que la taxe sur les jeux en ligne n’a pas grand-chose à voir avec les monuments nationaux. Vous mettez par ailleurs le doigt sur une particularité de la création en France qui suscite un fort intérêt à l’étranger : je veux parler du fonctionnement du CNC qui, en quelque sorte, s’autofinance et s’autogère. Cela a assuré la pérennité du cinéma français quand tant de cinématographies étrangères s’effondraient. C’est une chose à laquelle il ne faut pas toucher. Ce dispositif a montré son efficacité et il faut continuer à le défendre. Je suis sur la même longueur d’onde que vous et les professionnels du cinéma pour considérer qu’il s’agit d’un élément fondamental de soutien à la création et de la vie artistique. Il ne faut pas commencer à y toucher, sous peine notamment d’amener par exemple les autorités européennes à s’intéresser au dispositif de manière négative et à nous poser des questions sur lesquelles nous ne serions pas embarrassés – puisque nous avons raison –, mais qui nous feraient perdre du temps et inquiéteraient de surcroît énormément la filière cinématographique.

M. Patrick Bloche. Justement, le fait que l’on réforme la TST pour adapter son barème et son taux à la réalité des opérateurs de télécommunications et que l’on plafonne son produit à 700 millions d’euros s’agissant de la somme qui reviendra au CNC afin que 70 millions d’euros puissent abonder le budget de l’État ne fragilise-t-il pas ce dispositif à l’égard de la Commission européenne, qui pourrait le considérer comme une taxe sur les opérateurs destinée à combler le déficit budgétaire ?

M. le ministre. Les conversations exploratoires que nous avons menées sur ce sujet nous laissent à penser que nous n’aurions pas de difficultés de cet ordre s’agissant de la TST distributeurs. Pour l’instant, il n’y a pas de mise en cause sur ce terrain. En revanche, si la même chose était appliquée aux autres taxes affectées au CNC, nous prendrions un grand risque. En tout état de cause, il convient de réaffirmer ce sur quoi nous sommes en phase, c’est-à-dire une philosophie de la création artistique et cinématographique en France.

Pour répondre notamment à Mme de Panafieu, il est vrai que le COM de France Télévisions a été signé très récemment après avoir fait l’objet de beaucoup de réflexions et de travaux, tout particulièrement au sein de cette Commission, et M. Gaultier l’a souligné de manière très pertinente. Il y a des points sur lesquels on peut encore se poser des questions, mais tout a été étudié de manière sérieuse et approfondie, notamment la vision très volontariste des ressources publicitaires. Remettre en cause le COM quelques semaines seulement après l’avoir signé serait un très mauvais service rendu à la télévision publique.

M. Bloche m’a interrogé sur la destination des 25 % de la rémunération pour copie privée consacrés au spectacle vivant. Sur ce sujet, un texte de loi est en préparation afin de prendre en compte les décisions du Conseil d’État. Nous ne prélèverons pas d’argent sur la copie privée pour financer la filière musicale. Un dispositif de préfiguration sera mis en place pour assurer ce financement, et je précise également que cela ne viendra pas non plus du CNC.

Je reconnais que la première version de la carte musique jeunes n’a pas eu de succès. Nous en revenons à la question de savoir comment concilier la liberté et la gratuité. La carte musique jeunes implique un achat, même si l’État participe à son financement. Il est vrai qu’elle s’adresse à un public de jeunes qui, désormais, obéissent pour une partie d’entre eux au principe de la gratuité absolue. Il est donc difficile de leur faire admettre le message pédagogique que représente le paiement de la carte, alors même que cette carte leur ouvre l’accès à des capacités d’écoute considérables. Sur le plan ergonomique, la carte musiques n’était pas optimale ; j’en prends une part importante de responsabilité dans la mesure où c’est moi-même qui avais poussé à une réalisation rapide. La nouvelle version étant établie sur d’autres bases, avec notamment une carte physique, une ergonomie plus simple et une meilleure communication, elle a de plus grandes chances de succès. Si c’est le cas, nous aurons remporté une victoire.

Sur la question de la presse économique, il faut constater que trois titres sont aujourd’hui en présence : Les Échos, La Tribune et les pages « saumon » du Figaro. Y a-t-il de la place pour ces trois titres en France à l’heure actuelle ? La question se pose. L’évolution de La Tribune, si elle se traduit par le plan social que l’on sait, n’entraîne pas la disparition du titre. Le passage à une édition internet sera peut-être une solution pour maintenir cette publication.

Si j’étais à l’AEF, pour reprendre l’interpellation de M. Bloche, je ne signerais pas la motion de défiance et puisque Pierre Hanotaux est désormais aux côtés d’Alain de Pouzilhac, ce serait faire preuve d’une grande inconséquence compte tenu de l’amitié et de la confiance que je porte à un haut fonctionnaire d’une qualité exceptionnelle.

Quant à Rémy Pflimlin à France Télévisions, je signerais bien sûr la motion de soutien qui n’est nullement un aveu de faiblesse. Dire aux gens qu’on les aime est au contraire le moyen de construire avec eux quelque chose de neuf et de plus fort. Et, au-delà des raisons qui ont pu être avancées précédemment, ayant vu tellement de dirigeants à France Télévisions depuis trente ans, avec beaucoup de certitudes et souvent de l’arrogance, vivant dans les rumeurs et les intrigues, j’ai le sentiment par contraste d’avoir en Rémy Pflimlin quelqu’un avec qui je peux vraiment échanger. Il a une vision de la presse, de l’Europe ; il a laissé un fort souvenir à France 3 ; ses auditions à l’occasion de sa nomination ont également laissé une forte impression. Il dirige aujourd’hui ce monstre qu’est France Télévisions, où l’on trouve une culture d’entreprise propre à chaque secteur du groupe, ce qui est un handicap pour l’ensemble de l’entreprise. L’homme qui est capable par ses qualités personnelles de surmonter cet obstacle en plus de toutes les questions qui se posent à France Télévisions, c’est certainement Rémy Pflimlin.

M. Patrick Bloche. Je précise qu’il n’était nullement dans mon intention de mettre en cause personnellement M. Pflimlin.

M. Michel Herbillon, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mardi 25 octobre 2011 à 17 heures 30

Présents. - M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. René Couanau, M. Pascal Deguilhem, Mme Martine Faure, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Martine Martinel, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Ménard, Mme Françoise de Panafieu, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, Mme Marie-Josée Roig, M. Paul Salen, M. Daniel Spagnou, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Jean Ueberschlag

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, M. Jean-François Copé, M. Bernard Debré, M. Gilles d'Ettore, Mme Jacqueline Irles, M. Yvan Lachaud, M. Pierre Lequiller, Mme Marie-Claude Marchand, Mme Michèle Tabarot, M. Georges Tron

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Lebreton, M. Patrice Martin-Lalande