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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 26 octobre 2011

Séance de 10 heures 

Compte rendu n° 06

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Projet de loi de finances pour 2012 :

– Examen pour avis, ouvert à la presse, et vote des crédits de la mission Action extérieure de l’État :

• Rayonnement culturel et scientifique (M. Jean Roatta, rapporteur pour avis)

– Examen pour avis, ouvert à la presse, et vote des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles :

• Audiovisuel ; Avances à l’audiovisuel public (Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis)

• Presse (M. Michel Françaix, rapporteur pour avis)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 26 octobre 2011

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2012 de la mission « Action extérieure de l’État » sur le rapport de M. Jean Roatta (Rayonnement culturel et scientifique).

M. Jean Roatta, rapporteur pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, avant d’aborder le thème de mon avis budgétaire, consacré cette année aux Saisons culturelles, je vous présenterai brièvement les crédits du programme 185 en vous invitant à demander , si vous le souhaitez, des précisions au ministre en séance publique.

Intitulé « Diplomatie culturelle et d’influence », le programme 185 constitue l’un des quatre programmes de la mission « Action extérieure de l’État ». Il regroupe, outre le service d’enseignement public à l’étranger, l’ensemble des actions de coopération – culturelle, linguistique, universitaire – qui portent l’influence de notre pays, sans distinction entre pays développés et pays relevant de l’aide publique au développement.

Les moyens du programme demeurent stables, malgré la contrainte budgétaire : 674,6 millions d’euros, hors crédits de personnels, en légère hausse par rapport à 2011 ; un plafond d’emplois fixé à 1 048 équivalents temps plein travaillé, en baisse de 134 équivalents temps plein travaillé. Un accent particulier est porté sur la politique des bourses qui bénéficie de près de 71 millions d’euros de crédits, dont une rallonge exceptionnelle de 3,3 millions d’euros. Rappelons qu’en 2010 et 2011, le ministère des affaires étrangères avait maintenu à 15 380 le nombre de bourses attribuées – à la fois d’études et de stage–, en reconduisant les crédits alloués à leur financement. Par ailleurs, le ministère encourage le cofinancement des programmes de bourses avec différents partenaires – gouvernements, entreprises et collectivités territoriales.

Actuellement géré par l’association EGIDE et le Centre national des Œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), le dispositif des bourses sera administré par l’agence CampusFrance, créée sous forme d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État et dont la mise en place devrait être effective au 1er septembre 2012.

Par ailleurs, la modernisation du réseau culturel et de coopération engagée depuis 2009 devrait être achevée à la fin de l’année 2012. Elle comprend notamment la fusion, dans 94 pays, des services de coopération et d’action culturelle et des instituts culturels au sein d’un établissement à autonomie financière (EAF) unique ; 24 pays ont été concernés en 2009 et 2010, 62 le seront en 2011. Mais le grand chantier prévu pour l’année à venir est le rattachement direct à l’Institut français, à titre expérimental, à partir du 1er janvier, de 12 établissements représentant la diversité du réseau. Aussi, sur les 20 millions d’euros de crédits culturels exceptionnels, accordés en 2009 et 2010 et maintenus sur la période 2011-2013, 6 millions d’euros sont consacrés à la restructuration du réseau culturel, 14 millions d’euros à l’accompagnement de l’Institut français, qui reçoit du programme 185 une subvention pour charge de service public de 49,76 millions d’euros et est, par ailleurs, doté de 196 emplois temps plein.

S’agissant du soutien au rayonnement de la langue française, la subvention versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), en légère hausse, s’élève à 422,5 millions d’euros. L’AEFE est non seulement l’opérateur pivot du dispositif d’enseignement à programme français à l’étranger avec 238 établissements – conventionnés et en gestion directe – scolarisant au total 177 341 élèves, mais elle est aussi une entreprise dynamique qui accroît ses ressources propres grâce à la progression continue de ses effectifs – 2 745 élèves supplémentaires en 2010-2011. Ainsi, elle disposait en 2011 de plus de 455,45 millions d’euros de fonds propres et avait reconstitué son fonds de roulement à 62 jours. 

L’AEFE continue néanmoins de supporter des charges très lourdes – rénovation de son parc immobilier afin qu’il réponde à la forte demande de scolarisation, contribution aux pensions civiles des personnels et aide à la scolarité.

S’agissant des deux premières charges, l’agence compte essentiellement sur un accroissement de ses fonds propres en provenance de deux sources :

– La contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés que l’agence a mise en place à la rentrée 2009-2010 et qui a permis de dégager une recette de 30 millions d’euros en 2010. En raison de l’augmentation du nombre d’enfants scolarisés dans les établissements en gestion directe et conventionnés, cette contribution permettra de dégager des recettes supplémentaires sur la période 2011-2013, de l’ordre de 3 à 4 millions d’euros.

– Une forte progression des recettes de participation des établissements en gestion directe et conventionnés à la rémunération des personnels résidents, évaluée à environ 20 millions d’euros sur la période 2011-2013.

Ainsi, sur ce triennum, l’agence prévoit une augmentation de près de 25 millions d’euros de ces deux sources de financement.

En ce qui concerne la prise en charge (PEC) des frais de scolarité, l’extension de la PEC au-delà du lycée a été différée et les frais de scolarité pris en charge ont été plafonnés à partir de la rentrée 2011-2012 au niveau des tarifs en vigueur en 2007-2008, conformément aux deux recommandations présentées dans le rapport déposé en novembre 2010 par Mme Geneviève Colot, députée, et Mme Sophie Joissains, sénatrice.

Le plafonnement permet de réaliser une économie de l’ordre de 3,5 millions d’euros en 2011 – sur les quatre derniers mois de l’année, étant donné qu’elle entre en application au mois de septembre 2011– et de 11 millions d’euros en 2012 – en année pleine. Ainsi, la dépense d’aide à la scolarité – bourses scolaires incluses – devrait s’inscrire dans la limite des enveloppes budgétaires allouées pour 2011 et 2012 qui s’élèvent respectivement à 117,8 millions d’euros et 125,5 millions d’euros.

J’en viens à présent à la partie thématique de mon avis budgétaire, consacrée aux Saisons culturelles.

Créées au milieu des années 1980 dans le cadre de la politique de soutien à la diversité culturelle, les « Saisons » sont des manifestations de durée variable – de quelques mois à une année – qui, sous leur double format – Saisons culturelles en France et Saisons françaises à l’étranger – constituent un moyen privilégié d’accueillir sur le sol français toute la richesse des cultures étrangères et de faire rayonner notre culture au-delà des frontières.

Mais au-delà de leur dimension culturelle, les Saisons représentent un mode de rapprochement étatique au service de la coopération et des échanges.

Décidées au plus haut niveau, en fonction des évolutions de la société internationale, de l’importance historique ou stratégique pour la France des pays qu’elles concernent, ces manifestations purement « artistiques » à l’origine, sont devenues pluridisciplinaires, s’étendant à des secteurs intéressant les entreprises – formation, recherche, investissement…

De fait, l’établissement de liens durables par le biais de projets à vocation structurante dans tous les domaines constitue l’un des objectifs premiers des Saisons. Ainsi les Années France-Chine (2003-2005) ont-elles permis d’inaugurer de nouveaux instruments de coopération pérennes : le Centre culturel chinois à Paris et le Centre culturel français à Pékin, l’Institut Pasteur à Shanghai, l’École centrale de Pékin ; l’Année de la France au Brésil, en 2009, avait quant à elle pour but d’accompagner le lancement du partenariat stratégique franco-brésilien et comprenait plusieurs projets en lien direct avec les objectifs du partenariat – défense, biodiversité, enseignement professionnel.

De plus, par une programmation riche et diversifiée, les Saisons ont vocation à irriguer l’ensemble du territoire et à offrir une visibilité nationale voire une ouverture internationale à des institutions culturelles régionales et à des collectivités territoriales, l’implication de ces dernières conduisant à la mise en place ou au développement de coopérations décentralisées. Cela a été le cas, par exemple, lors de l’Année de la France au Brésil, en 2009, entre Rhône-Alpes et Panama, Nord-Pas-de-Calais et Minas Gerais, Île-de-France et Sao Paulo, Paris et Rio de Janeiro.  

Dispositif original d’ingénierie culturelle, les Saisons sont « bâties » en étroite collaboration avec le pays étranger. Chaque pays nomme un commissaire général responsable de la programmation et de la recherche de partenaires. Ensemble, les deux commissaires généraux veillent à la cohérence de la programmation avec des objectifs politiques préalablement définis, la priorité étant donnée aux projets de coproduction ou aux grands projets associant des institutions ou des organismes des deux pays.

Les décisions des commissaires concernant la programmation sont validées, pour les grandes Saisons, par un comité mixte d’organisation qui se réunit alternativement dans chaque pays, accorde la labellisation aux projets retenus, valide le plan de communication et garantit les principes de financement.

Le budget de la Saison est établi en commun. La participation financière de chaque pays dépend de son statut de pays invité ou invitant et est assurée par des financements publics et privés. Un fonds commun, abondé à parité et soumis à certaines règles, est éventuellement mis en place.

En France, le cadre des Saisons repose sur un dispositif souple dont le centre névralgique est constitué d’un commissariat général, structure ad hoc comprenant un commissaire général choisi par le ministère des affaires étrangères et celui de la culture, assisté parfois d’un commissaire général adjoint, et un coordinateur général. Un président peut également être nommé pour la durée de la Saison.

Le commissariat général travaille en liaison étroite avec le Bureau des Saisons, créé en 2002, et qui dispose depuis la mise en place de l’Institut français, d’une équipe dédiée de cinq agents chargés d’assurer de Saison en Saison le suivi d’un secteur.

La préparation d’une Saison implique également la mobilisation des services de l’État : non seulement les administrations, qui sont incitées à apporter des moyens matériels et humains, mais aussi les postes diplomatiques et le réseau culturel, fortement sollicités, en particulier lors des Saisons françaises à l’étranger. La participation des collectivités locales aux Saisons est inégale, mais leur contribution financière globale s’accroît, la tendance étant de les associer davantage au processus en les incitant à proposer des manifestations locales et à accompagner la présentation de projets nationaux. Il en va de même pour les établissements publics culturels, qui consacrent une part de plus en plus importante des subventions qu’ils perçoivent à des coopérations internationales ou des coproductions.

Le coût des Saisons pour la France est très variable en fonction des manifestations, mais il est toujours plus élevé lors d’une Saison française à l’étranger. Le financement provient de différentes sources, publiques et privées.

Le financement public est assuré à parité par le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de la culture et de la communication dans le cadre d’une Saison étrangère et uniquement par le ministère des affaires étrangères et européennes dans le cadre d’une Saison française à l’étranger. Des contributions plus ou moins importantes sont éventuellement versées par les ministères impliqués dans la Saison (enseignement supérieur et recherche, éducation nationale, sports, tourisme …).

La part du mécénat varie en fonction de la conjoncture économique, mais elle peut être très élevée - ainsi, pour l’Année de la France en Chine, elle a atteint plus de 60 % du coût total. Les grands groupes français, généralement constitués pour l’occasion en comité des mécènes, apportent régulièrement leur soutien aux Saisons.

Témoignant de la créativité française en matière d’échanges culturels au sens large, les Saisons sont plébiscitées à l’étranger comme le montrent les quarante-trois rendez-vous organisés depuis un quart de siècle. D’ailleurs, le concept jusqu’à présent unique, fait école, notamment en Allemagne, en Italie, en Russie.

Pourtant, la multiplication des Saisons, le nombre croissant de projets présentés et une gestion financière de plus en plus lourde ont parfois nui à leur image. Aussi, pour être plus efficace, le dispositif devrait-il suivre quelques règles simples :

– concerner des pays relativement importants, dotés d’un budget suffisant et disposant d’un potentiel de coopération très fort. C’est par exemple le cas du Kazakhstan, État en énorme croissance, avec lequel est envisagée une Saison dont on perçoit bien l’intérêt réciproque ;

– avoir un format adapté : les « micro-Saisons », organisées sur une durée d’un à trois mois – sont peu productives, parce qu’elles ne mobilisent pas les médias et ne réussissent pas à capter l’attention du public, surtout lorsqu’elles se multiplient ;

– prévoir une programmation en amont, pour limiter les coûts, c’est-à-dire prévenir les opérateurs culturels suffisamment à l’avance pour qu’ils intègrent dans leur programmation normale, donc sans surcoût, des manifestations en provenance du pays invité ;

– maintenir un rythme raisonnable, afin d’éviter un « embouteillage » des Saisons les rendant illisibles. L’Institut français préconise à cet égard de concentrer les moyens sur une Année par an au maximum et deux Saisons de quatre à six mois (au printemps et à l’automne) ;

– organiser les Saisons dans une optique de réciprocité : la planification à un an d’intervalle d’Années croisées avec un pays étranger permet en effet de simplifier les règles d’organisation, de réutiliser les contacts et de mutualiser les équipes ;

–  il est nécessaire, enfin, qu’un volontarisme net s’exprime, notamment en matière financière. Le financement des Saisons ne peut pas reposer uniquement sur les opérateurs culturels ou sur le mécénat mais doit avoir une base publique qui serve de levier et montre qu’il s’agit bien d’une opération politique au sens noble du terme.

Mes chers collègues, encore quelques mots. Ce rapport est le dernier que je présente. En effet, je ne me représenterai pas aux prochaines élections, ma circonscription disparaissant. Nos débats peuvent être passionnés, mais, dans cette Commission, ils sont toujours emprunts de respect. J’ai eu beaucoup de plaisir, comme vous tous, à exercer mon mandat de député et défendre, dans cette belle maison, les intérêts et les valeurs de notre pays. Vous me permettrez donc, simplement, de vous saluer, car vous me manquerez.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Vous allez nous manquer aussi – quelle que soit, d’ailleurs, la configuration de la prochaine Assemblée ! C’est un grand bonheur d’avoir pu compter sur votre participation, chaleureuse et active, aux travaux de la Commission et je crois pouvoir vous remercier au nom de l’ensemble de mes collègues.

(Applaudissements.)

M. Bernard Debré. Merci cher Jean ! Je crois que nous avons été élus ensemble, pour la première fois, en 1986…

Je vous dis bravo pour ce rapport. Vous avez eu raison de souligner l’importance des Saisons culturelles. Elles sont l’un des outils de rayonnement de notre pays et, à cet égard, il faut rappeler que la France est attendue et demandée. Les pays – quels qu’ils soient – ont en effet une appétence pour la culture française. Or, derrière elle, se profilent toujours le commerce, la politique étrangère, le scientifique, autant d’atouts dans la guerre, économique et technologique, qui est livrée à l’échelle de la planète.

S’agissant du budget, on constate, certes, un effort, mais il est, oserai-je dire, insuffisant. Car tous les aspects de notre culture doivent être défendus, y compris nos vins et notre cuisine. Récemment, au Vietnam et en Chine, j’ai pu constater que ces produits sont des marqueurs de notre identité, car ils « accompagnaient », très naturellement, les événements culturels auxquels j’assistais.

Venons-en à la langue française. Est-elle seulement défendue ? On peut en douter. Ainsi, au Québec, les publications scientifiques se font obligatoirement en français, tandis qu’en France, nous cédons tout à l’anglais, croyant que des idioties écrites dans la langue de Shakespeare deviendront, de ce seul fait, intelligentes ! Il est tout de même incroyable de constater que les étrangers amoureux de notre culture nous reprochent de ne pas assez défendre notre langue. Que faire, dans ces conditions, pour favoriser le rayonnement du français ?

Quant au problème des visas, il est inquiétant de constater que les obstacles administratifs mis à leur obtention empêchent des scientifiques ou des étudiants de qualité de venir en France. Par ailleurs, l’étudiant étranger dont le visa expire se voit prié de retourner dans son pays d’origine pour faire sa demande de renouvellement, ce qui constitue une aberration.

Un autre vecteur de notre rayonnement pourrait être la chaîne TV5 Monde, dont les programmes devraient être améliorés – c’est, comme, vous le savez, une de mes préoccupations. Or sa programmation « psychédélique » conduit à des situations aberrantes : un drame mondial survient et quand vous l’allumez, elle propose une rediffusion des « Chiffres et des lettres ». C’est infernal ! Ceci m’incite à penser qu’il est indispensable de disposer d’une chaîne plus dédiée à la diffusion de la culture, de la science et de la technologie françaises.

M. Marcel Rogemont. Je salue les excellents propos de notre rapporteur. Mais souffrez, chers collègues, que je jette un tout autre regard sur la réalité enchanteresse qu’il nous a dépeint – avec talent !

Je commencerai par la circulaire « Guéant-Bertrand » du 31 mai 2010 qui enjoint aux étudiants étrangers de retourner dans leur pays d’origine dès la fin de leurs études. Ce texte renvoie ainsi l’image – intolérable – d’une France recroquevillée sur elle-même. Encore récemment, deux personnalités de Dakar invitées à un colloque en France n’ont pas pu y participer. Où va-t-on, avec un tel dispositif, qui n’a rien d’anecdotique mais soulève des questions de fond ?

Parlons un peu de l’Institut français. La réorganisation envisagée de notre réseau culturel, sous couvert d’efficacité, conduit à des fermetures de centres ou d’instituts. C’est déjà le cas pour – pratiquement – la moitié de nos centres en Allemagne, et cette vague touche aussi l’Italie, l’Inde et, plus grave encore, l’Afrique francophone. Nous sommes en train de commettre une grave erreur politique !

En matière de réduction des subventions, jusqu’où ira-t-on ? Nos 144 instituts fonctionnent avec des subventions allant de 50 000 à 70 000 euros. À titre de comparaison, je vous indique que les dix-neuf maisons de quartier de Rennes disposent de montants dix fois supérieurs. Ce contexte conduit à s’interroger sur le degré de priorité réellement accordée aux instituts culturels, qu’on veut rapprocher des alliances françaises, et, plus généralement, sur l’efficacité de notre réseau en matière de « rayonnement »…

Dernier point : l’enseignement français à l’étranger et la mesure présidentielle de prise en charge des frais de scolarité. Vos statistiques, monsieur le rapporteur, ne concernent que les années 2007 à 2010. Des dizaines de millions d’euros auront donc été consacrés au financement d’une décision désinvolte et inconséquente, tandis que dans le même temps, des instituts culturels ferment…

Pour conclure mes propos, nous serons tous d’accord pour dire que s’il y a un « marqueur » de notre identité, c’est bien la culture. Mais les choix actuels conduisent non plus à attirer les autres, mais à nous refermer sur nous-mêmes.

Mme Marie-George Buffet. Je soulignerai, au nom de mon groupe, notre attachement au rayonnement de la France, à un rayonnement qui ne soit pas empreint de suffisance mais reflète notre appétit d’échange et de coopération. Nous avons beaucoup à recevoir des autres.

Je souhaiterais centrer mon propos sur la question de l’accueil des étudiants étrangers. Il s’agit d’une politique essentielle, car un jeune qui vient étudier en France s’approprie non seulement notre langue, mais aussi notre culture, et peut ensuite valoriser la qualité de notre système d’enseignement supérieur, comme les atouts de nos services publics – quand ils existent encore ! – ou notre excellence scientifique et technologique.

Or, selon les données fournies par le rapporteur, le nombre de bourses allouées à ces étudiants est passé entre 2007 et 2010 de 22 437 à 15 380. Vous indiquez que cette baisse s’explique par des conditions d’attribution plus rigoureuses et une sélectivité accrue des demandes. L’EPIC Campus France, qui a vocation à gérer ce dispositif, devrait, selon vos indications, simplifier les critères d’attribution des bourses. Quels seront les contours de cette opération et quelles seront ses incidences sur le nombre de bourses attribuées aux étudiants étrangers ?

Je vous interrogerai également sur le sort des étudiants étrangers qui poursuivent des cursus de haut niveau, notamment dans le secteur de la recherche, et qui, lorsqu’ils doivent travailler pour financer leurs études, n’arrivent pas à obtenir les titres de séjour nécessaires ; dès lors, ils se voient contraints, pour vivre, de tenter leur chance au Canada ou ailleurs, où d’autres universités profitent de leurs compétences. Ce problème est crucial : que pourrait-on faire pour faciliter l’accueil de ces jeunes et la poursuite de leurs études ?

M. Alain Marc. Il est de bon ton, lorsque l’on parle de l’action culturelle extérieure de la France, de faire preuve d’une certaine autosatisfaction. Or, il me semble qu’aujourd’hui, comme pour toutes les politiques publiques, il est nécessaire de disposer d’une évaluation. Quelle évaluation faisons-nous des Saisons culturelles, s’agissant de leur impact sur la coopération économique ou scientifique ? J’estime que deux ou trois ans après une Saison culturelle, on doit pouvoir conduire une évaluation et démontrer que ces Saisons culturelles sont utiles, ce qui est mon avis.

Mme Colette Langlade. S’agissant de l’AEFE, le rapporteur a relevé qu’elle était confrontée à deux problèmes récurrents particulièrement importants : la rénovation du parc immobilier et l’aide à la scolarité. S’agissant de la rénovation du parc immobilier, l’AEFE a établi un schéma de stratégie immobilière estimant les besoins entre 140 millions d’euros et 333 millions d’euros, scénario le plus ambitieux. Comment allons-nous assurer ces financements ? S’agissant de l’aide à la scolarité, vous avez dit que la mesure de plafonnement avait entraîné de très fortes disparités dans le taux de prise en charge des frais de scolarité d’un établissement à un autre. Le reliquat à la charge des familles est de plus important et les frais ont réellement augmenté d’année en année. Pouvez-vous donc nous donner des informations complémentaires sur la politique de soutien de l’enseignement français à l’étranger ?

M. Michel Herbillon. Je voudrais vraiment remercier notre rapporteur pour l’excellence de son travail et lui dire, comme vous l’avez si bien fait, Mme la Présidente, qu’on le regrettera car M. Jean Roatta est un combattant infatigable en faveur de la présence de la France à l’étranger, que ce soit dans son rôle de rapporteur ou dans le cadre du groupe d’amitié France-Maroc.

Le rapporteur a eu raison de souligner la nécessité de donner plus de lisibilité aux saisons culturelles, notamment en France. Si elles sont appréhensibles et lisibles à l’étranger, elles le sont souvent moins en France et je pense que c’est particulièrement regrettable.

Le rapporteur a, à très juste titre, insisté sur l’importance de la langue et de l’enseignement français à l’étranger. Je voudrais lui demander quelle est sa perception de la mise en place sur le terrain de l’Institut français.

Je voudrais également insister, comme l’a fait M. Bernard Debré, sur l’importance de la délivrance des visas. De nombreux consulats se trouvent dans une situation grave de sous-effectifs et ne sont pas en mesure de répondre à toutes les demandes de visas, ce qui est extrêmement problématique.

Enfin, notre collègue Marcel Rogement a estimé que la France était en train de se replier sur elle-même. Cette affirmation ne correspond absolument pas à la réalité. La semaine dernière, a été inaugurée à Shanghai, dans le pavillon chinois de l’exposition universelle, une très belle exposition consacrée à Picasso présentant les œuvres du musée Picasso actuellement fermé pour travaux. Je ne crois qu’il s’agisse là d’un exemple de repli de la France sur elle-même.

M. Pascal Deguilhem. Au risque de contredire M. Michel Herbillon, je rappelle le problème, sur lequel j’avais interpellé M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, que constitue le refus d’accorder aux compagnies amateurs de folklore des visas, au prétexte qu’il faudrait être lié par un contrat de travail, ce qui n’est pas leur cas puisqu’il s’agit d’artistes amateurs qui ne gagnent pas d’argent. Cette situation met en péril l’organisation de grands festivals dans notre pays. La France est d’ailleurs le seul pays du comité international d’organisation des festivals de folklore (CIOFF) dans lequel il y a des difficultés à faire entrer et circuler ces artistes. À la suite de l’interpellation du ministre, aucune instruction n’a d’ailleurs été donnée à nos services consulaires et à nos ambassades pour faciliter la circulation de ces compagnies de folklore amateur qui parcourent le monde entier.

Le rapporteur suggère que les Saisons culturelles sont un mode privilégié de rapprochement étatique. Quid d’un événement culturel considérable comme celui qui s’est déroulé pour le millénaire de la ville d’Hanoï, où la présence française est encore réelle même si elle commence à s’étioler fortement ? Il n’y avait, lors de cet événement, qu’une représentation étriquée de la France alors qu’elle aurait dû être à la première place. Ni le groupe d’amitié France-Vietnam auquel j’appartiens, ni la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, ni même le Gouvernement n’ont pu participer à cet événement qui aurait pu compter parmi les temps forts de la présence culturelle française à l’étranger.

M. René Couanau. S’agissant des Saisons culturelles, pour avoir été partie prenante de l’organisation de plusieurs d’entre elles, je m’étonne toujours de la lente bureaucratie qui les caractérise. Les opérations décentralisées dans les villes et les régions ont beaucoup de mal à trouver leur place dans un événement national et international. Nous obtenons certes l’inscription dans un vague catalogue mais dès lors que l’on envisage des participations financières, les portes se ferment facilement, comme si l’on craignait que des dépenses complémentaires ne viennent obérer les budgets, alors que les collectivités territoriales peuvent apporter beaucoup.

S’agissant des visas, je voudrais moi aussi témoigner des difficultés que nous avons rencontrées, notamment dans l’organisation d’un festival littéraire qui s’appelle Étonnants voyageurs et réunit des écrivains du monde entier. Nous avons parfois du mal à obtenir des visas pour ces écrivains. Enfin, je constate que, dans les milieux culturels étrangers, se propage l’idée que la France se ferme. Il faudra sans doute redresser la situation.

M. Michel Ménard. Je regrette à mon tour de voir refusés des visas pour des groupes qui sont invités par des associations, des municipalités etc. Il peut aussi s’agir d’équipes de jeunes sportifs invitées à participer à des tournois internationaux. Dans le cadre de l’organisation d’un tournoi international de football dans ma circonscription, une équipe africaine n’a jamais pu se voir attribuer un visa, sans qu’aucune raison ne soit avancée. En outre, le refus est intervenu le jeudi pour un départ prévu pour le vendredi, alors que la demande de visa avait été faite plusieurs mois à l’avance. C’est particulièrement regrettable pour l’image de la France mais aussi pour toutes les municipalités qui se mobilisent pour aider des jeunes à venir découvrir la France pendant quelques jours.

M. Jean-Luc Pérat. J’appelle à mon tour de mes vœux une évaluation des Saisons culturelles.

Je souhaite également aborder la question du mécénat, qui est aujourd’hui particulièrement sollicité dans différents domaines. Quelle est la place laissée au mécénat pour des opérations d’échange et de collaboration ?

S’agissant du partenariat européen, quelle stratégie européenne envisage-t-on avec les pays francophones ? Il me semble qu’il s’agirait là d’une piste intéressante, notamment parce que nous avons les capitales européennes de la culture tous les deux ans. Pourrait-on ainsi faire rayonner ces capitales sur un territoire plus vaste ? Une capitale européenne doit pouvoir rayonner sur l’ensemble d’une région mais aussi sur d’éventuels pays frontaliers.

M. Patrick Bloche. Je ne reviens pas sur cette politique des visas, qui pourrait être tellement plus dynamique et intelligente. Je souhaiterais féliciter le rapporteur pour le thème qu’il a choisi, à savoir les Saisons culturelles. Je souhaite également le féliciter pour la lucidité dont il a fait preuve lorsqu’il indique qu’« il est également nécessaire qu’un volontarisme net s’exprime, notamment en matière financière. Le financement des Saisons ne peut pas reposer uniquement sur les opérateurs culturels ou sur le mécénat. Si ce dernier doit avoir une part importante, il faut néanmoins une base publique pour « amorcer la pompe » et montrer qu’il s’agit bien d’une opération politique au sens noble du terme. » En tant que président du groupe d’amitié France-Croatie à l’Assemblée nationale, j’ai été sollicité par la fonctionnaire qui, au ministère de la culture et de la communication, s’occupe très activement de l’organisation du festival de la Croatie en France qui doit avoir lieu en septembre 2012. Elle est venue me demander mon aide et celle des élus locaux, membres du groupe d’amitié, dans le cadre de la coopération décentralisée, et je l’ai sentie bien seule, un peu désespérée. Je pense donc qu’il faudrait, comme vous le dîtes très justement, que la volonté politique se traduise aussi par un effort financier pour « amorcer la pompe ».

Mme Monique Boulestin. J’ai deux interrogations quant au soutien réellement accordé au soutien du rayonnement extérieur de notre pays.

S’agissant de la mise en place des nouveaux instituts français, les fusions et les transferts explicités par votre rapport permettent-ils vraiment des économies d’échelle, si tel était le but recherché ? Sinon quel est le sens de cette réorganisation en termes de rayonnement de la France à l’étranger ?

Vous invitez le Gouvernement à un volontarisme plus fort, notamment en matière financière, pour l’organisation des Saisons culturelles. Pouvez-vous nous donner quelques orientations à partir des avis collectés auprès des personnalités auditionnées ?

Mme Françoise Imbert. Le budget de cette mission est évidemment important. Contribuant au rayonnement de la langue et de la culture françaises, il est le reflet de notre ouverture aux autres pays. Toutefois, cette année encore, ce budget est loin d’être une priorité.

L’Institut français a pour mission d’être le reflet de l’influence culturelle, intellectuelle et linguistique de notre pays. Une expérimentation de fusion avec plusieurs services culturels commencera le 1er janvier 2012. Les moyens octroyés par l’État ne sont-ils pas trop limités ? Le statut d’EPIC de l’Institut français n’est-il pas déjà un signe du désengagement de l’État et de la fin de ses missions de service public ? Que vont devenir les personnels du réseau culturel ?

Concernant les bourses attribuées par le Gouvernement français aux étudiants étrangers, la France a longtemps été en pointe dans ce domaine. L’an passé, nous déplorions déjà le recul de la France en la matière. N’est-ce pas aussi l’indice d’une perte d’influence réelle de notre pays ? Où en sommes-nous sur ce point précis qui constitue un élément majeur de notre diplomatie d’influence ?

M. Jean Roatta, rapporteur pour avis. Je partage l’avis général concernant les visas. Cette question doit être revue, et la culture n’est pas la seule à être touchée ; il y a également le sport – je suis d’ailleurs souvent sollicité par des sportifs de haut niveau – et l’économie. Il y a dix jours, par exemple, nous avons organisé une manifestation à Marseille réunissant toutes les instances portuaires de la Méditerranée. Beaucoup de personnes, notamment des Algériens, n’ont pas pu venir faute de visas. Il nous incombe, à nous législateurs, de changer ces méthodes, car « l’avenir n’a pas droit à la poussière ».

En ce qui concerne la langue française, je remarquerai à l’intention de notre collègue Bernard Debré que ce sont les chercheurs eux-mêmes qui imposent la publication en anglais. Telle est la réalité.

Je souhaite dire à notre collègue Marcel Rogemont, au sujet de la circulaire « Guéant-Bertrand » du 31 mai 2010, que je me bats sur ce sujet parce que je la trouve inadmissible. Président du groupe d’amitié France-Maroc qui réunit 192 députés, je connais des étudiants marocains qui sont scandalisés parce qu’ils ne peuvent pas rester sur notre territoire, même en formation. J’ajouterai que, si on lit attentivement cette circulaire, on s’aperçoit que certains pays, dont la Tunisie, font exception. Il est indispensable de réviser ce texte qui pénalise tous ces jeunes et les incite, comme le rappelait notre collègue Marie-George Buffet, à s’adresser à d’autres pays et surtout au Canada.

En ce qui concerne l’enseignement français à l’étranger et la gratuité, nous avons eu ce même débat l’année dernière. Notre collègue Geneviève Colot et Madame la sénatrice Sophie Joissains ont rédigé à ce sujet un rapport très intéressant. La gratuité est un beau principe. Toutefois, la réalité budgétaire nous impose des contraintes que nous ne pouvons pas esquiver. On est donc revenu aujourd’hui aux années 2007-2008. Nous verrons ce qui sera possible au plan budgétaire dans les années à venir. Il reste qu’il s’agit d’un domaine très important dans la mesure où les jeunes qui ne peuvent pas bénéficier de la scolarité des établissements français s’adressent à d’autres pays, tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni.

À propos des bourses et de l’EPIC Campus France, je souhaite préciser à notre collègue Marie-George Buffet que, comme je l’ai indiqué dans mon rapport, c’est seulement l’année prochaine que nous pourrons établir un bilan puisque cet établissement sera mis en place au 1er janvier 2012.

Pour répondre à un certain nombre de nos collègues, dont Alain Marc, j’insisterai sur le fait que les Saisons culturelles sont importantes. Leurs retombées économiques ont été indéniables, s’agissant des Années France-Chine ou France-Brésil. Cependant, comme je l’indique dans mon rapport, nous ne disposons pas de véritable bilan et c’est pourquoi l’Institut français travaille actuellement à la définition d’indicateurs permettant de mesurer l’impact de ces manifestations.

Il convient, par ailleurs de rationaliser les Saisons, en faire moins, mais mieux les préparer – trois ans de préparation sont nécessaires pour réussir une Saison, nous a-t-on dit au cours des auditions – ; la professionnalisation du Bureau des Saisons au sein de l’Institut français le permettra.

J’ajouterai que pour que les Saisons irriguent l’ensemble du territoire, les ministères devraient s’appuyer davantage sur les parlementaires qui non seulement ont une expérience et des racines locales, en tant que maires, conseillers généraux ou régionaux, mais sont aussi membres de groupes d’amitié avec des pays étrangers.

Mais on ne peut pas compter uniquement sur les collectivités locales, et Michel Herbillon ainsi que Patrick Bloche ont insisté sur le fait qu’il fallait un engagement ferme et définitif de l’État.

Jean-Luc Pérat a eu raison de parler du rôle de l’Europe. Comme Lille en 2004, Marseille sera capitale européenne de la culture en 2013, et ce n’est pas la ville de Marseille uniquement, mais toute une région, qui est concernée.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le rapporteur, émettez-vous un avis favorable à l’adoption des crédits ?

M. Jean Roatta, rapporteur pour avis. J’émets un avis très favorable.

M. Marcel Rogemont. Le groupe SRC est quant à lui favorable au rapport, mais notre avis est défavorable sur les crédits eux-mêmes.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Action extérieure de l’État ».

*

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède ensuite à l’examen, pour avis, des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur le rapport de Mme Martine Martinel (Audiovisuel ; Avance à l’audiovisuel public) et de M. Michel Françaix (Presse).

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous avons entendu hier M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis sur les crédits de l’audiovisuel. Je voudrais m’associer tout d’abord aux compliments adressés à notre collègue Jean Roatta que j’ai toujours beaucoup apprécié.

J’en viens maintenant au rapport que j’ai consacré aux réformes en cours de l’audiovisuel public, concernant plus particulièrement France Télévisions et l’audiovisuel extérieur de la France (AEF). Vous comprendrez que je ne partage pas tout à fait ce que nous a dit hier le ministre de la culture et de la communication. S’agissant de France Télévisions, le bilan très négatif de la suppression de la publicité se confirme. Son impact sur l’audience et sur les programmes est nul, voire négatif. Le seul effet incontestable était normalement l’avancement des horaires des programmes. Or, il semblerait, d’après nos minutages et les informations qui nous ont été transmises par divers observateurs, que ces derniers commencent de plus en plus tard et je regrette que France Télévisions ne m’ait pas apporté les précisions demandées sur ce point.

Le nouveau financement n’est absolument pas garanti à l’euro près, contrairement à ce qu’avait affirmé notre collègue Jean-François Copé, la main sur le cœur, au moment de l’adoption de la loi. Ce financement se traduit au contraire par un recul inquiétant de l’indépendance financière du groupe, comme en témoignent les initiatives très préoccupantes annoncées par nos collègues Patrice Martin-Lalande et Gilles Carrez.

Rappelons que l’objectif affiché de la loi de 2009 était de renforcer le service public audiovisuel. Si nos collègues de la Commission des finances cherchent désespérément à dégager des ressources pour l’État, je leur suggérerais bien volontiers de revenir sur la suppression de la publicité pour laquelle ils ont voté, eu égard à son bilan très négatif, plutôt que de mettre le service public dans l’incapacité d’accomplir sa mission. Je soutiendrais d’ailleurs une telle initiative. Je rappellerai également aux orthodoxes budgétaires que la « taxe télécoms » qu’ils ont mise en place est une véritable bombe à retardement pour les finances publiques.

S’agissant des évolutions intervenues en 2011, avec le changement de direction, au mieux elles déçoivent, et au pire inquiètent. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) est bâti sur une prévision insincère de ressources publicitaires et, comble d’hypocrisie, la Direction du budget et la régie publicitaire de France Télévisions m’ont confirmé que cette trajectoire avait été établie comme si la publicité en journée était maintenue, solution à laquelle le Gouvernement s’est opposé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 !

La nouvelle organisation interne a certes eu le mérite de mettre fin au guichet unique, mais certains constatent une trop grande décentralisation des responsabilités, qui aurait quelque peu, je cite, « cassé la logique de l’entreprise commune » et mis les chaînes en concurrence.

Outre le financement, la principale préoccupation porte évidemment sur la nouvelle stratégie éditoriale. On ne peut pas dire, à sa décharge, que le service public soit sanctionné pour son audace et pour une programmation qui pourrait être qualifiée de particulièrement ambitieuse et exigeante. Dans un article récent et sur la base d’un décryptage minutieux des nouvelles grilles de programme, le quotidien Le Monde parlait même de « racolage public ». On ne peut d’ailleurs pas exclure que la baisse récente de l’audience vienne au contraire sanctionner une volonté trop forte d’augmenter cette dernière.

En ce qui concerne le numérique, l’effort financier, qui n’est que de 55 millions en 2011, est évidemment très décevant au regard des enjeux, de la priorité affichée et des quelque 300 millions qu’y consacre la BBC.

Je reviens également sur la grave anomalie que représente l’absence de chaîne consacrée à la jeunesse, d’autant que le groupe en a pris conscience et reconnaît le bilan très mitigé de sa programmation jeunesse. J’avais proposé l’an dernier de faire de France 4 la chaîne jeunesse. Cette proposition me semblait à même de remplir l’objectif de rajeunissement de l’audience et de renforcement de l’identité de la chaîne. Lors de son audition, M. Jean-Louis Missika a estimé que la mission de France 4 était perdue d’avance. La cible visée – les 15-40 ans – est en effet la plus disputée par les chaînes privées, celle dont le lien avec le service public est le plus ténu et dont la consommation de médias se fait avant tout sur internet. Je rejoins Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, qui a déclaré devant nous : « il ne sert à rien de tenter de toucher les jeunes adultes sur la télévision classique : ils sont déjà partis ailleurs ».

Le groupe envisagerait plutôt le rachat des parts de Lagardère dans Gulli. Cette solution apparaît peu réaliste dans la mesure où le groupe Lagardère, que j’ai auditionné, a clairement déclaré qu’il serait bien volontiers acheteur des parts de France Télévisions, mais absolument pas vendeur des siennes.

Je propose également que le groupe s’investisse davantage dans une autre mission de service public qu’est la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, dont la numérisation a fait l’objet d’un financement de grande ampleur, notamment dans la perspective de la télévision connectée.

S’agissant de l’audiovisuel extérieur de la France, au-delà des scandales à répétition que nous avons évoqués hier, nous ne pouvons plus tolérer, en tant que députés représentants de la Nation, l’absence illégale de COM et le tissu de mensonges que constitue la communication de la direction sur la situation financière et les résultats de l’entreprise. Voici une liste non exhaustive des justifications mensongères avancées successivement par la direction devant les parlementaires pour expliquer l’absence de COM. Ce fut d’abord l’intégration difficile des sociétés qui composent l’AEF, puis la nécessité d’un retour préalable à l’équilibre de RFI. Le problème est ensuite devenu le statut particulier de TV5 Monde au sein de l’AEF, puis la demande de rallonge budgétaire pour financer TV5 Monde et, élément nouveau, la suppression d’une émission de prêche évangéliste sur Monte Carlo Doualiya. De là à penser qu’on se moque de nous, le chemin n’est pas long.

En 2011, il est apparu au grand jour que la direction avait également menti sur les perspectives financières de l’AEF, obligeant l’État, qui lui avait accordé une confiance aveugle, à demander à l’Inspection générale des finances de l’éclairer.

Aujourd’hui, M. de Pouzilhac, que j’ai auditionné, estime que les crédits qui lui sont attribués ne sont pas à la hauteur des besoins. Il conteste très fortement les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances et a indiqué que si ce rapport devait servir de base à la négociation d’un COM, on pouvait – pour être un peu familier – toujours attendre.

S’agissant de l’impact de la réforme et donc des résultats d’audience, depuis l’arrivée de M. de Pouzilhac, les chiffres avancés font largement polémique. Lors de son audition, M. de Pouzilhac s’est d’ailleurs ému que l’Inspection générale des finances puisse l’accuser de « truquer » – je reprends son expression – ses chiffres d’audience, information qui m’a évidemment fortement troublée. Il me semble qu’on peut exiger par conséquent du Gouvernement qu’il infirme ou qu’il confirme au plus vite cette information – puisque nous n’avons pas connaissance du rapport de l’Inspection générale des finances – et, si elle est confirmée, qu’il en tire les conséquences qui s’imposent en révoquant sans plus tarder M. de Pouzilhac.

Sur le fond, je souhaite faire part de mes interrogations sur deux points qui me paraissent d’une urgence et d’une gravité particulières : le projet de fusion entre France 24 et RFI et l’avenir de TV5 Monde au sein de l’AEF. Je suis plus que réservée, comme beaucoup d’entre vous, me semble-t-il, sur l’opportunité de ce projet de fusion qui est mené à marche forcée, sur la base d’arguments fallacieux.

Pour justifier son projet, M. de Pouzilhac renvoie systématiquement à l’exemple de BBC World où, après vérification, on constate qu’il n’y a pas de fusion entre les rédactions radio et télévision. Le président fonde également son argumentaire sur les prétendus succès du pôle arabophone qui a rapproché Monte Carlo Doualiya et France 24 arabophone. L’argument se retourne contre lui-même puisqu’il montre bien que les synergies peuvent être réalisées sans fusion. Je pense surtout que les métiers sont différents, s’agissant en particulier d’une ancienne chaîne de radio généraliste et d’une jeune chaîne de télévision d’information en continu. Je rappelle que, même au sein de groupes comme France Télévisions et Radio France, dont les antennes font toutes le même métier, il n’y a pas de fusion des rédactions.

J’en viens maintenant à l’avenir de TV5 Monde. Non seulement TV5 Monde est particulièrement marginalisée dans les préoccupations de l’AEF, mais la direction présente systématiquement TV5 Monde comme un problème. À son tour, TV5 Monde ne se satisfait pas de son intégration au sein de l’AEF et on peut le comprendre : la chaîne n’est pas représentée au conseil d’administration de l’AEF et n’est pas associée aux négociations du COM qui doit prévoir l’essentiel de son financement. Quant à nos partenaires francophones, un peu froissés depuis le rapport Benamou, ils ne comprennent toujours pas la présence de TV5 Monde au sein de l’AEF et souhaitent que la question soit de nouveau ouverte.

Compte tenu de ces éléments, j’estime, comme de nombreux spécialistes, que la question de la place de TV5 Monde au sein de l’audiovisuel extérieur de la France mérite d’être sérieusement posée et repensée.

La question se pose aussi sérieusement d’un rapprochement avec France Télévisions. Je suis persuadée, en tant que rapporteure pour avis, que l’un des défauts majeurs de France 24 est d’avoir été créée ex nihilo, en dehors de l’audiovisuel public. Les synergies entre France 24 et le groupe audiovisuel public pourraient pourtant être substantielles. En effet, le COM de France Télévisions, sur lequel nous avons formulé un avis il y a peu de temps, réaffirme la priorité que constitue le renforcement du rôle de France Télévisions à l’international. Environ 200 personnes travaillent à l’international au sein de France Télévisions. Le groupe France Télévisions dispose de onze bureaux à l’étranger dans toutes les grandes capitales du monde et de l’Agence internationale de télévision (AITV), rédaction dotée d’un réseau très dense de correspondants en Afrique et qui a joué un rôle majeur pour couvrir la crise en Côte-d’Ivoire. Dans les pays francophones du Maghreb, le rôle de France Télévisions est aussi, voire plus important, que celui de l’AEF.

Rappelons également que France Télévisions est quasiment la base de données de France 24. Un adossement de l’AEF à France Télévisions aurait une logique qui, pour le coup, serait véritablement celle de la BBC, où BBC World Service fait bien partie de la grande maison BBC.

L’argument selon lequel France Télévisions a suffisamment de travail avec sa propre réforme et la nécessité prétendue de disposer d’un pôle dédié autonome ne paraît pas recevable, eu égard à l’exemple de la BBC et dans la mesure où le groupe France Télévisions inscrit le développement à l’international parmi ses priorités, alors que ce n’est pas foncièrement son rôle.

En ma qualité de rapporteure pour avis, j’aurais d’ailleurs jugé une rationalisation de l’audiovisuel extérieur en fonction des métiers - France 24 étant rattachée à France Télévisions et RFI à Radio France - plus pertinente que l’organisation retenue. Cette répartition n’aurait évidemment pas fait obstacle à la mise en place de synergies entre les uns et les autres.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. Lors de son audition hier par notre Commission, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, nous a déclaré avec justesse que les aides à la presse étaient particulièrement importantes et en progression. Je ne le contredirai pas sur ce point, même si leur montant a légèrement diminué cette année. J’insisterai en revanche sur une question : à quoi servent des aides ciblées sur les mauvais bénéficiaires, privilégiant le « lecteur consommateur » au détriment du « lecteur citoyen » ? Si les aides étaient bien ciblées, pourquoi des crises telles celles de La Tribune, de France Soir, de L’Indépendant, du Midi Libre, de Centre Presse, ou encore de Paris Normandie ?

La raison en est simple : les aides sont tellement intégrées au modèle économique de certaines publications qu’elles les ont trop souvent incitées à différer les ajustements nécessaires, le remède ayant, dès lors, pour effet d’aggraver le mal. Si nous continuons en ce sens, la presse va « mourir guérie ». J’irai même jusqu’à dire qu’accroître le montant de certaines aides revient à aggraver la maladie.

Par ailleurs, au vu de la situation de Presstalis, les spécialistes du secteur ne peuvent jurer de la pérennité du système de distribution de la presse en France. En effet, Presstalis n’étant plus capable d’assurer la totalité de cette distribution, chacun « se débrouille ». Or si, demain, chaque titre devait disposer de son propre système de distribution, le principe de l’aide à la presse magazine récréative serait définitivement remis en cause. En effet, si cette presse a été aidée dans les mêmes proportions que la presse dite « citoyenne », c’est-à-dire les quotidiens ou les hebdomadaires politiques, c’est parce que la mise en œuvre d’un système coopératif permettait que la presse quotidienne puisse être distribuée dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, nous laissons mourir les quotidiens et nous continuons à aider ceux qui se portent le mieux et ont décidé de ne plus participer à ce système coopératif.

La situation des diffuseurs, dont l’amélioration était l’un des objectifs principaux des États généraux de la presse écrite, n’a jamais été aussi mauvaise. Le réseau des points de vente dont on annonçait le développement est en régression, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. Notre collègue Christian Kert déclarait hier, en Commission, que cette situation alarmante était exclusivement imputable à la situation économique et au développement d’internet. Il n’a pas tout à fait tort, mais son raisonnement est un peu court. Les éditeurs ont eux aussi une part de responsabilité. L’offre n’est pas toujours adaptée à la demande. Les journaux ne se soucient pas toujours assez du lecteur : on écrit trop souvent pour ses confrères, le pouvoir politique, le pouvoir économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc de plus de cinquante ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel. En outre, la paupérisation et la précarisation croissantes du métier de journaliste ne sauraient être sans effet sur la qualité de l’offre.

Je suis pourtant convaincu que la situation serait meilleure si le 1,2 milliard d’euros d’aides publiques consacrées chaque année à la presse avait été mieux employé et ciblé. Ainsi, le total des aides à la presse en ligne ne s’élève qu’à 20 millions d’euros ! Cela n’empêche pas que l’on se gargarise d’en faire une priorité… Des députés, issus de tous les bancs de notre Assemblée, se sont battus pour abaisser le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pesant sur cette catégorie de presse, en vain : le taux restera fixé à 19,6 %. Heureusement, Voici n’est assujetti à la TVA qu’à un taux de 2,1 %... Vous pouvez constater, avec moi, que la situation est sur certains points totalement invraisemblable !

Le développement du portage était présenté comme « la priorité des priorités ». On lui a consacré des moyens importants l’année dernière, ce qui était peu judicieux car on n’avait pas encore eu le temps d’organiser cette activité, d’où des effets d’aubaine importants pour la presse régionale. Maintenant que ce secteur est en cours de structuration, on réduit ses aides. Le portage présente pourtant un réel intérêt, notamment en raison de la mutualisation des moyens qu’il permet. Alors qu’il était considéré comme un enjeu fondamental, la situation est aujourd’hui la suivante : 43 % de la distribution se fait au numéro, 38 % par voie postale, 19 % par portage. Je rappelle que la part du portage atteint 88 % aux Pays-Bas et 60 % en Allemagne. Nous savons tous que le développement de la presse passe par une augmentation de l’aide au portage. Il n’en sera rien. En revanche, nous allons continuer à aider, dans des proportions considérables, la distribution par voie postale. Cette situation est très inquiétante.

Enfin, les États généraux de la presse écrite devaient déboucher sur une profonde réforme des aides à la presse, appelée de ses vœux par le Président de la République. Le ministre chargé de la culture et de la communication a mis en place à cet effet une « instance de concertation » – vous remarquerez, mes chers collègues, que notre présence dans cette structure était sans doute inconvenante puisque nous n’y avons pas été conviés. Après les constats alarmants établis par les missions confiées à l’Inspection générale des finances et à M. Aldo Cardoso sur l’efficacité des aides à la presse, qui appelaient une action de grande ampleur, nous voilà donc sauvés : sur 1,2 milliard d’euros, 30 millions d’euros seront concernés par la réforme des aides à la presse. Ladite réforme consiste à fusionner deux fonds, qui n’étaient distincts que pour des raisons d’affichage, en un seul fonds, qui comportera autant de sous-sections qu’en avaient les deux anciens fonds fusionnés… Vive la révolution !

Sont également annoncées des mesures d’amélioration de la gouvernance des aides, qui constituent le seul point positif de ce budget. Nous avons en effet obtenu quelque chose d’extraordinaire : les montants des aides attribuées à chaque bénéficiaire seront rendus publics – c’est du moins ce que l’on nous annonce ; nous verrons dans un an si cette mesure est appliquée. Jusqu’à présent, il nous était soutenu qu’une telle publicité était impossible au regard du secret des affaires. Le rapporteur pour avis que je suis n’a pas pu, l’année dernière, avoir communication de ces montants ! Je vous livre néanmoins quelques chiffres : l’aide attribuée à France Soir s’élève à 0,50 euro par numéro, soit 50 % du chiffre d’affaires de ce titre ; celle octroyée à Libération est de 0,09 euro par numéro. Voilà des aides attribuées avec bien du discernement…

J’en viens maintenant à l’Agence France-Presse (AFP). La présente législature aura été jalonnée par une succession d’annonces et de propositions discutées et discutables, présentées systématiquement comme des priorités incontournables sur la base d’arguments plus ou moins clairs et convaincants. Il en résulte aujourd’hui une situation de malaise et de blocage d’autant plus regrettable que certaines questions devraient pouvoir être abordées de manière consensuelle. Il en résulte également une réelle incompréhension, non seulement entre la direction et les salariés, mais aussi, parfois, entre l’Agence et ses clients.

Pour sortir de l’impasse, j’estime qu’il convient de bien distinguer les vrais enjeux des fausses priorités. Oui, une réflexion sur la gouvernance est nécessaire, de même que sur le statut et les relations financières entre l’État et l’Agence. Oui, c’est tout de suite qu’il faut assurer la stabilité du président-directeur général. Celui-ci ne peut être nommé pour trois ans et changer au même rythme que les ministres chargés des sports – vous voyez bien que cela n’est pas très sérieux. Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, la situation de l’Agence ne pourra que s’aggraver. L’AFP n’est pas une officine chargée de diffuser des communiqués successifs, comme l’a cru M. Frédéric Lefebvre lorsqu’il était encore député. Elle n’est pas non plus la voix officielle de la France. En revanche, elle doit être une voix par laquelle la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de nos frontières.

Comme toutes les agences, l’AFP doit faire face au bouleversement du numérique. Elle ne pourra survivre ni à l’inertie, ni à l’immobilisme. Mais elle doit conserver un regard alternatif par rapport aux autres agences et refuser l’uniformisation.

En conclusion, je soulignerai qu’il faut veiller à ne pas céder à la tentation de diaboliser internet. Internet appartient à tous, comme la culture. Méfions-nous donc des tentatives d’en restreindre l’accès. La frustration face aux « chambardements » en cours ne sert à rien, surtout si l’on continue de proposer des contenus et des produits du XIXème siècle. Pour offrir la meilleure expérience dans une société de l’interaction, les médias devront réconcilier la dynamique sociale offerte par internet et des contenus de qualité. Ils devront préserver ce qui fait leur force : leur capacité reconnue pour enquêter sur des terrains difficiles et vérifier l’information. Ils restent récipiendaires d’une certaine confiance. Pour combien de temps ? Nous n’en sommes qu’au tout début de cette révolution de l’information et personne ne sait – du moins, pas moi – où elle nous mènera.

M. Christian Kert. L’analyse des propos des deux rapporteurs pour avis est malaisée : partant d’un bon constat, ils n’en tirent pas toujours les bonnes conclusions.

Concernant l’audiovisuel, Mme Martine Martinel a établi un bilan intéressant mais, me semble-t-il, un peu sévère. La philosophie générale de son rapport devrait consister à étudier comment France Télévisions répond aux exigences qui lui ont été fixées par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Il me semble que tant l’ancienne équipe de direction que l’actuelle ont bien tenu compte de l’esprit de la réforme : créer une société unique soumise à un certain nombre d’obligations que seul le service audiovisuel public peut assumer en termes de commandes, de création et de production audiovisuelles, de régionalisation, y compris ultramarine, des programmes, ou d’accessibilité de ceux-ci aux personnes handicapées. Nous devons être conscients que ces obligations induisent une charge financière qui peut avoir un impact sur les autres missions que le groupe doit accomplir. En tant que législateurs, nous ne pouvons faire l’économie de cette réflexion. Là réside le défaut dans la « cuirasse » de l’argumentation de Martine Martinel, à laquelle je souhaiterais par ailleurs poser deux questions.

En premier lieu, vous avancez que d’après M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, les prévisions de recettes publicitaires inscrites dans le COM de France Télévisions auraient été établies comme si la publicité était maintenue ; cela me paraît impossible, puisque la suppression de la publicité en soirée a été décidée il y a déjà deux ans. Madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous revenir sur ce point ?

En second lieu, je partage votre analyse concernant l’absence de politique pour se doter d’une chaîne de télévision consacrée à la jeunesse. Il faut d’ailleurs savoir ce que l’on entend par « jeunesse ». Comme vous, j’estime que France 4 n’a pas su, pour l’instant, trouver son identité. On nous dit que cette chaîne est destinée aux personnes âgées de 15 à 40 ans. Cela ne veut, en réalité, pas dire grand-chose : je pense en effet qu’entre les deux extrêmes de cette fourchette d’âge, les besoins télévisuels sont différents. Qu’est donc une chaîne dédiée à la jeunesse ? Est-ce Gulli, à destination des enfants, ou bien une chaîne ciblant les jeunes âgés de 15 à 25 ans, choix qui semble partagé par un certain nombre de diffuseurs européens ? France 4 ne peut pas tout faire, il lui faut choisir le concept qu’elle développera.

S’agissant du constat dressé par Martine Martinel sur l’audiovisuel extérieur, je signale que nous allons tenter, M. Didier Mathus et moi-même, de proposer des orientations dans le cadre de la mission d’information commune avec la Commission des affaires étrangères. L’analyse de la rapporteure pour avis sur France 24 peut être partagée, même si elle me semble un peu sévère quant à l’appréciation qu’elle porte sur les personnes. Il est vrai que le contexte est mouvant et complexe, caractérisé par une concurrence très importante, et que France 24 est entrée tardivement sur le marché. Il ne faut en outre pas confondre la mission de cette chaîne avec celle de TV 5 Monde – ainsi, notre collègue Bernard Debré qui souhaitait regarder un programme d’information aurait sans doute dû sélectionner France 24 plutôt que TV 5 Monde qui privilégie les programmes ludiques. En tout état de cause, notre mission d’information, dont est d’ailleurs membre Mme Martine Martinel, aura à mener une réflexion approfondie sur cette question.

J’en viens maintenant au rapport de M. Michel Françaix. J’ai effectivement déclaré que le contexte actuel était particulier, ce qui ne tient d’ailleurs pas qu’à internet : alors que pendant une vingtaine d’années, existait une concurrence entre titres de la presse papier, cette concurrence s’est maintenant déportée, sur le marché publicitaire, avec la presse en ligne mais aussi les journaux gratuits. Je partage le sentiment du rapporteur pour avis : nous devons, lors de nos débats, garder constamment cette mutation à l’esprit. Il ne faut évidemment pas diaboliser internet ; nous devons en revanche aménager tant le secteur de la presse écrite que celui de la presse en ligne car nous tenons tous au maintien d’une presse écrite qui devra sans doute évoluer pour privilégier les analyses plutôt que l’immédiat, traité sur internet.

S’agissant de l’AFP, je tiens à souligner qu’existent, en interne, des freins importants au changement, qui sont peu comparables avec ce qui existe dans d’autres entreprises. Il faut malheureusement en tenir compte dans nos analyses.

M. Patrick Bloche. Je tiens à remercier notre rapporteure pour avis Martine Martinel pour son excellent travail qui permet de faire le bilan des deux réformes engagées dans le domaine de l’audiovisuel par la majorité actuelle : celle, en 2008, de l’audiovisuel extérieur et celle, en 2009, de France Télévisions. Force est de constater que ces deux réformes sont des échecs patents. La mise de France Télévisions sous une double dépendance politique et budgétaire nous conduit à nous inquiéter aujourd’hui de ses besoins de financement et de la pérennité de ses moyens. Je ne reviendrai pas sur notre opposition au mode de désignation du président du groupe, que vous connaissez bien. En revanche, j’aborderai plus précisément la question du financement de l’audiovisuel public. Celui-ci devrait disposer de ressources dynamiques pour affronter la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT), qui représente 38 % des audiences, et celle d’internet, fort justement évoquée par Martine Martinel et Michel Françaix. Les écrans connectés sont déjà une réalité. Alors que les opérateurs privés tels que Canal Plus, TF1 et M6 se préparent à résister à Google TV, Apple TV ou Netflix, l’audiovisuel public constate, pour sa part, semaine après semaine, sa baisse d’audience et son manque de marge de manœuvre.

Le mauvais coup qui se prépare visant à systématiquement « raboter » les surplus et des recettes publicitaires dynamiques est donc, selon moi, une mauvaise démarche. Avec la suppression de la publicité en soirée, France Télévisions voit ses marges de manœuvre restreintes ; je ne crois pas qu’il soit de bonne politique d’être ainsi « au taquet ». En outre, dans le rapport dynamique que l’État actionnaire entretient avec France Télévisions, il aurait tout à fait été possible de prévoir une discussion entre les deux parties en cas de surplus, par exemple pour l’affecter au développement du numérique. On a bien vu, dans le COM établi pour la période 2011-2015, que les sommes mobilisées en sa faveur étaient largement insuffisantes compte tenu de l’enjeu et du retard accumulé par France Télévisions, notamment en matière de télévision de rattrapage. Aucune décision n’a été prise en ce sens.

Je ne reviendrai pas sur le COM de France Télévisions qui a été bâti sur une hypothèse fausse : les recettes publicitaires n’atteindront jamais 450 millions d’euros en 2015 ; elles s’établiront, au mieux, à 400 millions d’euros, surtout dans le contexte économique et social actuel.

Enfin, que dire de la bombe à retardement que constitue la disparition de la contribution de la taxe sur les opérateurs de télécommunications au financement de France Télévisions, pour compenser le manque à gagner en termes de recettes publicitaires ? Elle conduira l’État à rembourser une somme évaluée à 1,3 milliard d’euros – c’est-à-dire les sommes indûment perçues auprès des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d’accès à internet, et les intérêts. Des nuages menaçants s’amoncellent donc sur l’avenir financier de France Télévisions.

Je souhaite par ailleurs remercier Michel Françaix pour son rapport dynamique qui a bien mis en perspective les enjeux de la presse face à la révolution numérique. Je regrette vivement que n’ait pas été adopté l’amendement dont il était premier cosignataire – notre collègue Patrice Martin-Lalande avait déposé un amendement comparable – pour aligner le taux de la TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, à 2,1 %. Les explications de la ministre Mme Valérie Pécresse sur ce point mériteraient d’ailleurs d’être relues tant elles étaient savoureuses, si l’avenir de la presse en France n’était pas si sombre !

Je tiens à saluer la justesse des propos du rapporteur pour avis concernant l’AFP et la nécessité d’associer tous les intéressés à sa réforme.

Je terminerai en évoquant l’audiovisuel extérieur de la France, seconde réforme ratée du quinquennat. Notre mission d’information doit, je pense, reprendre ses travaux pour dresser le constat lucide qui s’impose, notamment sur la gouvernance, afin d’assurer l’avenir de l’ensemble des salariés de France 24 et RFI, sans oublier TV 5 Monde qui doit sans doute gagner en autonomie.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Il me semble utile de préciser que la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France reprend ses auditions le jeudi 3 novembre au matin, et entendra le ministre des affaires étrangères le jeudi 17 novembre, comme le demandaient ses membres, l’examen et le vote du rapport et de ses conclusions intervenant ultérieurement.

M. Marcel Rogemont. Il est important en effet de s’intéresser à l’audiovisuel extérieur de la France et les propositions de Martine Martinel d’un rapprochement entre France 24 et France Télévisions et entre RFI et Radio France, tout en conservant la singularité de TV5 Monde, me semblent tracer une perspective intéressante.

S’agissant de la presse, après le souhait exprimé par les États généraux de « réenchanter la presse », je crains que ce ne soit le désenchantement qui soit au rendez-vous. La situation de la presse quotidienne en France tourne à la catastrophe, probablement en raison notamment d’un mauvais ciblage des aides publiques. Ainsi, sur 1,2 milliard d’euros, près de la moitié vont à La Poste. Le plan qui nous a été proposé de réforme des aides à la presse s’appuie sur la création annoncée d’un fonds, qui pour l’instant ne change rien, et d’une conférence annuelle des éditeurs de presse qui est une bonne initiative pour autant qu’elle dispose des moyens nécessaires à l’évaluation et à la transparence des aides.

La presse citoyenne, pour reprendre les termes de notre rapporteur, me semble davantage aidée par le soutien au portage qui, à 95 %, aide directement la presse quotidienne régionale ou nationale, contrairement aux aides versées en application des accords avec La Poste qui bénéficient surtout aux magazines et à la presse professionnelle. Cette dernière, notamment la presse d’entreprise, uniquement servie par abonnement, est ainsi subventionnée à 100 %, ce qui ne manque pas de poser question. Or, alors qu’un effort doit être fait en matière de portage, les crédits qui lui sont consacrés passent de 67,9 millions d’euros à 45 millions d’euros.

Face au défi du numérique, notre rapporteur souligne que ne sont dégagés que 20 millions d’euros de crédits. Il ne s’agit, dès lors, au mieux que de préparer une priorité pour demain et non de la considérer comme actuelle… Or il y a urgence, notamment sur les kiosques numériques. Face à ceux que propose Apple, imposant une commission de 30 % sur toutes les transactions, d’où l’absence complète des quotidiens nationaux français, des initiatives sont nécessaires, comme celle qui se développe pour la presse quotidienne régionale. À défaut, l’avenir même de la presse française est en cause.

S’agissant enfin de l’AFP, l’incertitude est complète, tant en termes de financements durables, ce qui la rapproche d’ailleurs de France Télévisions, que de management. Je remercie donc Michel Françaix pour son excellent rapport sur toutes ces questions.

Mme Marie-George Buffet. L’audition du ministre de la culture et de la communication hier m’a déjà permis de m’exprimer sur les questions de la presse, mais je voudrais souligner, en approuvant le rapport de notre collègue Michel Françaix, la gravité de la situation. J’ai rencontré les salariés de France Soir, vous connaissez la situation de La Tribune, il est urgent de réorienter les aides vers les titres nationaux ou régionaux qui connaissent des difficultés, au risque sinon de les voir disparaître avant même l’examen de la prochaine loi de finances.

S’agissant de l’AFP, nous avons eu des auditions sur une réforme inexpliquée puis une proposition de loi a été déposée au Sénat ; la situation semble maintenant en attente de projets dont la préparation, si elle est toujours en cours, échappe complètement à la concertation avec les personnels de l’Agence et leurs représentants.

Je remercie Mme Martinel pour la clarté et le courage de la partie de son rapport consacrée à l’audiovisuel extérieur de la France. Je pense également que la solution serait de rapprocher France 24 de France Télévisions et RFI de Radio France, parallèlement à une autonomie de TV5 Monde. Les dysfonctionnements de l’audiovisuel extérieur nous étaient expliqués par l’incompatibilité du duo dirigeant, or depuis le départ de Mme Christine Ockrent, il ne semble pas que la situation se soit améliorée. La raison en est que la réforme elle-même s’est faite sans que soient définis les objectifs et le rôle de chacune des entités de l’audiovisuel extérieur, RFI ou France 24. S’y sont ajoutés de graves problèmes de gestion dont des plans sociaux et des déménagements très coûteux. Ce serait inimaginable dans une entreprise privée. On peut s’étonner que les ministères de tutelle s’en soient aussi peu alarmés. Enfin, la gestion des personnels est déplorable et lorsque j’évoque leur souffrance, non seulement à RFI mais aussi à France 24 où les départs se multiplient, le ministre me répond, comme hier soir encore, que la situation est rétablie. Ce n’est pas vrai, rien ne marche dans l’AEF, il est essentiel d’entendre ce que dit notre rapporteure à ce sujet. J’espère également que la mission qui lui est consacrée, dont les travaux vont reprendre – ce dont je me félicite – puisse déboucher sur des conclusions permettant la mise en place d’un véritable audiovisuel extérieur de la France.

M. Michel Herbillon. La tonalité du rapport de notre collègue Martine Martinel m’a un peu surpris. Elle nous a habitués à un jugement pondéré, sensible et fin, or nous nous trouvons là devant des jugements péremptoires, dans un rapport certes intéressant, mais au vitriol sur l’ensemble des questions traitées.

Il en est ainsi de son bilan très négatif de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, jugement que je respecte tout en lui faisant remarquer que les Français, pensent exactement l’inverse. On peut estimer avoir raison contre le peuple, mais un parlementaire doit, me semble-t-il, tenir compte de l’opinion des Français dont beaucoup apprécient que leur soirée télévisuelle débute à 20 heures 35, de disposer d’une deuxième partie de soirée et d’être dispensés des tunnels publicitaires.

Ce jugement n’est pas davantage partagé par un certain nombre d’entre nous, y compris parmi les membres de l’actuelle opposition, chantres en leur temps de la suppression de la publicité, je tiens les citations à votre disposition.

J’ai le même étonnement devant la partie du rapport touchant l’audiovisuel extérieur de la France, qui comporte en outre une séquence « vintage », nous reportant trente ans en arrière au congrès de Valence : « il ne suffit pas de dire que les têtes doivent tomber, il faut dire lesquelles et quand ». Nous avons aujourd’hui la réponse pour M. de Pouzilhac, même si manque pour le moment la date de l’exécution, le rapport se contentant de demander sa révocation. Il ne me semble pas qu’il soit du rôle d’un rapport parlementaire de proposer de telles conclusions. Je crains qu’en l’espèce ne s’applique l’adage : trop de critiques tuent la critique. L’AEF fait l’objet d’une mission d’information, laquelle n’a pas interrompu ses travaux, et de toute notre attention, il mérite mieux qu’un commentaire aussi radical. J’attends des propositions concrètes, par exemple sur le rapprochement entre l’AEF, TV5 Monde et Euronews. Ce rapport sera sans doute une contribution à la réflexion de notre mission à laquelle appartient d’ailleurs Mme Martinel. Si je partage son regret de l’absence de contrat d’objectifs et de moyens et de vision claire de la politique financière, il me semble dommage qu’on préempte ainsi les conclusions à venir de la mission.

Le rapport de M. Michel Françaix est beaucoup plus modéré ; j’en relève en particulier, concernant l’AFP, la dernière phrase, toute de finesse : « En tout état de cause, le rapporteur pour avis estime qu’un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter, comme le statut de 1957, d’un compromis entre toutes les forces politiques de la Nation. » Nous sommes touts attachés, bien sûr, à ce qu’une réforme, si elle doit se faire, soit consensuelle. Mais peut-il nous dire ce qu’il préconise finalement pour l’AFP ?

Je pense enfin que le portage est une très bonne initiative et je regrette par conséquent que les crédits qui lui sont destinés soient diminués.

Mme Monique Boulestin. Ces deux rapports me sont apparus aussi clairs que sont préoccupantes les situations qu’ils examinent. La réforme de l’audiovisuel public, comme le souligne Martine Martinel dans son rapport, montre que les inquiétudes que nous avions au moment de l’adoption de la loi étaient fondées, qu’il s’agisse de la précarisation des ressources avec la suppression de la publicité après 20 heures, de la remise en cause de l’indépendance éditoriale par la nomination et en conséquence la révocation du président de France Télévisions par le Président de la République, de l’indépendance remise en cause par des budgétaires annuels, de son impact sur les programmes ou enfin des conséquences de la création d’une société unique sur les conditions de travail.

La présentation par Michel Françaix de la réforme des aides à la presse à la suite du rapport de la mission Cardoso me conduit à lui demander quelles recommandations de la mission devraient être, selon lui, impérativement mises en œuvre. Je souhaiterais également avoir des précisions sur l’insuffisante mutualisation des réseaux de distribution de la presse quotidienne régionale qu’il a relevée.

M. Jacques Grosperrin. Je félicite nos rapporteurs de leur travail, même s’il me semble que la situation n’est pas aussi sombre que leur emploi très fréquent des mots « échec » et « difficultés » tendrait à le montrer.

L’insuccès de la mission confiée à M. Bruno Frappat et qui devait réunir l’ensemble de la presse conduit Michel Françaix à suggérer le respect d’un code de déontologie comme condition au bénéfice des aides de l’État : quelle pourrait en être la forme, alors que le développement d’internet tend à rendre le respect de telles dispositions assez compliqué ?

Mme Martine Faure. Je remercie Mme Martinel pour la précision et la lucidité de son rapport et suis en complet désaccord avec les critiques qui lui ont été faites, comme je félicite M. Françaix pour la force et la clarté du sien. Je ne poserai pas de questions mais je reprends à mon compte les remarques de Martine Martinel, en particulier sur la publicité après 20 heures, qui n’a pas donné les résultats attendus alors que la rigueur budgétaire à laquelle nous sommes soumis rend de simple bon sens le retour des recettes ainsi perdues. S’agissant de la chaîne « jeunesse », la constatation du désintérêt du public ne doit pas nous y faire renoncer, à nous de proposer aux jeunes, plutôt de 12 à 25 ans d’ailleurs que de 15 à 40 ans, un rendez-vous attractif et de qualité.

Mme Valérie Fourneyron. Je remercie également nos deux rapporteurs pour la qualité, la lisibilité et la précision des rapports qu’ils nous présentent sur les sujets qu’ils ont choisi d’aborder. Ma question s’adresse à Michel Françaix : a-t-il pu, au cours de ses auditions, apprécier l’avenir du groupe Hersant Média, dont la dette est estimée à près de 300 millions d’euros et qui compte aujourd’hui en France, y compris en outre-mer, 27 journaux. Or, il serait cédé à la holding belge Rossel. Les inquiétudes pour la presse quotidienne régionale, dont Paris Normandie, sont fortes pour les territoires concernés comme pour les salariés du groupe.

Mme Françoise Imbert. Madame la rapporteure, vous avez évoqué dans votre rapport la mise en valeur du patrimoine audiovisuel, cela me semble en effet primordial. La sécurité de l’exploitation des archives fait-elle toujours partie des priorités de l’Institut national de l'audiovisuel (INA) et dispose-t-il des moyens pour l’assurer ?

M. Jean Ueberschlag. M. Michel Françaix écrit notamment dans son rapport que la diffusion des titres les plus aidés est en recul, alors que l’on constate de nouveau en France une tendance à la concentration des titres. Or, cette problématique ne me semble pas abordée dans votre rapport. Quelle est votre position sur cette question et sur la constitution de ces nouveaux monopoles, à laquelle il pourrait être répondu, me semble-t-il, par une modulation des aides de l’État ?

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Michel Françaix a-t-il pu faire un point, à la suite de ses auditions, sur la réforme du Conseil supérieur de messageries de presse, même si elle est encore très récente, puisque nous l’avons votée au mois de juillet dernier ? Comme lui, je regrette totalement la diminution des aides de l’État au portage qui me semble une erreur.

M. Jean-Luc Pérat. Je félicite nos rapporteurs pour leurs rapports « poil à gratter », ce qui est le rôle même d’un rapport. Mes observations s’adressent à Mme Martine Martinel. La place de France 3 dans le dispositif de France Télévisions s’appuie sur la volonté de renforcer son image et son identité régionales, ce qui me semble capital en effet. À cet égard, l’augmentation de 20 % de l’offre régionale dans l’offre de France 3 destinée aux territoires et qui s’adresse notamment à des populations d’un certain âge peut-elle être précisée ? Il importe que les références de proximité y soient préservées et que soit renforcée la qualité de la chaîne par le développement de la haute définition, par respect pour les territoires et les spectateurs de la chaîne qui leur est consacrée. ARTE, que j’ai découverte depuis quelque temps, comporte une dimension pédagogique qui me semble particulièrement intéressante et qu’on pourrait développer davantage. ARTE junior à cet égard peut proposer des programmes remarquables et de qualité. Il conviendrait de réfléchir à des créneaux horaires plus adaptés à un large public, notamment aux jeunes.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Mme Françoise Imbert m’a interrogée sur l’INA. Je vous renvoie à mon rapport : ses moyens en 2012 s’élèveront à 93,9 millions d’euros, pour assurer la sécurité de l’exploitation des archives, lutter contre l’obsolescence des supports, consolider l’activité de formation continue ou encore agir en faveur de l’insertion des diplômés. Cette institution me paraît accomplir correctement ses missions.

M. Jean-Luc Pérat a évoqué ARTE. Je me félicite de la progression de 7,8 % de ses moyens. L’analyse de M. Pérat concernant les actions de la chaîne en direction de la jeunesse et les changements d’horaire de ses programmes correspond en tout point aux propos tenus par Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE France, lorsqu’elle a été auditionnée il y a une quinzaine de jours. Je pense que nous pouvons être rassurés quant aux intentions et à l’action de cette femme remarquable.

Concernant France 3, je me félicite des projets en cours mais ils restent imprécis. J’observe avec inquiétude un certain manque de clarté des indicateurs qui ne m’ont pas permis de m’attarder davantage sur cette question à laquelle l’ensemble de la représentation nationale accorde de l’importance. Je souligne par ailleurs que France 3 sera, comme cela avait été précisé par M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, la dernière chaîne du groupe à être diffusée en haute définition, ce que l’on peut regretter.

M. Christian Kert a rappelé les missions qui incombent à France Télévisions. Je suis évidemment sensible, comme vous tous, à la nécessité d’assumer des obligations de service public, notamment en termes de régionalisation des programmes, de création, d’accessibilité des programmes aux handicapés ou de développement du numérique. Je ne fais pas, dans mon rapport, le procès de France Télévisions : je me suis bornée à émettre des remarques constructives. Je suis naturellement convaincue de l’importance des missions de service public de la société. Je pense avoir évoqué la problématique de leur financement dans mon rapport. Et c’est précisément parce que j’ai conscience des obligations particulières qui pèsent sur France Télévisions que je regrette l’instabilité stratégique et financière qu’a entraînée pour le groupe la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision dont M. Christian Kert était rapporteur.

S’agissant de l’insincérité de la trajectoire financière sur laquelle est bâti le COM, selon les propos qui m’ont été tenus par la Direction du budget et M. Philippe Santini, directeur général de France Télévisions Publicité, elle a été établie comme si la publicité en journée ne devait pas être supprimée en 2016, alors que le Gouvernement s’est opposé à cette solution lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 – je rappelle d’ailleurs que nous avions alors déposé des amendements pour maintenir la publicité en journée et que le Gouvernement y a été défavorable. La trajectoire financière ne prévoit donc pas de diminution des recettes publicitaires en 2014 et 2015, ce qui se produira pourtant fatalement si la publicité est supprimée en 2016. J’ajoute que lors de son audition, M. Philippe Santini a confié ne pas avoir été consulté sur les perspectives d’évolution des recettes publicitaires… On aura donc établi une trajectoire de recettes publicitaires sans même consulter la régie publicitaire du groupe.

Concernant l’absence d’une chaîne consacrée à la jeunesse, Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes et directrice de France 4, a reconnu que l’offre de programmes en direction de ce public n’était pas satisfaisante et que les enfants se tournent plus volontiers vers des chaînes dédiées. Cela est fort dommage, la France disposant d’une industrie de l’animation exceptionnelle.

Je répondrai maintenant à Michel Herbillon qui a salué ma « douceur » et ma « finesse » mais s’est déclaré interloqué et troublé par mon ton péremptoire. Je pense que les rapports parlementaires n’offrent d’intérêt que si on y prend position sans se contenter « d’eau tiède ». J’ai donc préféré vous livrer ma réflexion, étayée par des éléments précis et de données chiffrées, plutôt que de tenir des propos visant le consensus alors que la situation de France Télévisions et de l’AEF est très problématique et fait largement débat. Par ailleurs, nous avons rendu les têtes Maori, je ne vais pas réclamer celle de M. Alain de Pouzilhac…

M. Michel Herbillon. Vous avez déclaré qu’il fallait le révoquer ! Vous avez simplement omis de nous préciser la date de l’exécution en place de Grève…

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. J’ai simplement jugé que si les informations indiquées par M. Alain de Pouzilhac lui-même lors de son audition étaient confirmées par l’exécutif – je rappelle qu’il a mis en cause le rapport de l’Inspection générale des finances qui l’accusait de « truquer » des données –, il ne mérite pas d’être maintenu à son poste. Le départ de nombreux salariés de l’AEF et le vote d’une motion de défiance à l’encontre de M. de Pouzilhac par 85 % des personnels devraient également nous conduire à nous interroger.

Permettez-moi de citer M. Hervé Bourges, homme équanime qui n’a rien d’un coupeur de têtes. Ancien Président de TF1, de France Télévisions et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans une interview accordée au Monde le 31 mars 2011, il avait qualifié de « scandale la guerre que se livraient depuis des mois sur la place publique M. Alain de Pouzilhac, PDG de la holding, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée. Désavoués, de plus, par un vote de défiance de la part des salariés, ils donnent un spectacle public totalement scandaleux qu’aucune entreprise n’accepterait. Mais, bizarrement, l’État qui a nommé ces deux dirigeants tolère cette situation. Or, il aurait fallu trancher ce conflit depuis longtemps avant qu’il ne s’envenime. On ne peut s’abriter derrière de petits arrangements politiques. Il faut tourner la page et repartir sur de bonnes bases. La seule solution serait de nommer de nouveaux responsables. (…) Ils ont failli et, aujourd’hui, ils n’ont plus la capacité d'exercer leurs responsabilités. On peut être une grande journaliste ou un excellent homme de communication, mais un piteux manager. J’ajoute, qu'à l’étranger, cette situation donne une image déplorable de la France. Personne ne comprend que l’on puisse étaler sur la place publique des querelles domestiques d’une telle violence sans que l’État y mette fin. » Je pense que ces propos permettent de souligner que d’autres personnes respectables et nuancées ont pu partager mon point de vue.

J’en viens à la question de la suppression de la publicité. Michel Herbillon a contesté mon analyse selon laquelle celle-ci avait accéléré l’érosion de l’audience de France Télévisions, ainsi que le vieillissement de son public – constat sur lequel est d’ailleurs fondé le COM de la société. Michel Herbillon a pour sa part évoqué la « satisfaction » des Français. Ces derniers sont alors vraiment curieux : ils sont tellement satisfaits qu’ils regardent de moins en moins les chaînes du groupe. Le même constat sur la nouvelle stratégie éditoriale a été dressé par l’ensemble de la presse écrite, toutes tendances confondues, alors que la suppression de la publicité devait permettre une amélioration sensible des programmes.

S’agissant de l’heure de début de diffusion des programmes, celle-ci est en réalité plus tardive qu’il n’était prévu. J’ai demandé des informations précises sur ce point à France Télévisions ; elles ne m’ont pas été communiquées. Des « tunnels » ont été reconstitués avec des successions de programmes courts parrainés ; cela n’était pas prévu.

Enfin, si vous souhaitez des chiffres précis sur le volume de publicité en journée, je vous engage à vous reporter à mon avis budgétaire de l’an dernier. J’y avais notamment montré comment la dégradation des programmes en était le corollaire.

Michel Herbillon a par ailleurs regretté que je ne propose pas de synergies avec Euronews. Selon la direction de l’AEF, la difficulté de créer des synergies avec TV 5 Monde est liée à son caractère multilatéral. Or, l’actionnariat d’Euronews est lui aussi multiple et international. Un rapprochement avec France Télévisions m’apparaîtrait infiniment plus porteur de synergies. Cela étant, si M. Herbillon a des propositions concrètes à émettre sur cette question, nous serions sans doute très intéressés.

Par ailleurs, Michel Herbillon a déclaré que la mission d’information sur l’audiovisuel extérieur de la France n’avait jamais interrompu ses travaux. J’ai pourtant le sentiment inverse. Je rappelle qu’elle devait initialement rendre ses conclusions au mois de juillet.

M. Michel Herbillon. Permettez-moi, sans polémique, de préciser ma pensée : j’ai regretté que vous ayez « préempté », dans votre rapport pour avis, la question de l’audiovisuel extérieur de la France, alors même qu’existe sur ce thème une mission d’information – dont vous êtes d’ailleurs membre – qui n’a pas encore achevé ses travaux. Elle compte poursuivre ses auditions et nous aurons un échange de vues afin de parvenir à des conclusions si possible consensuelles. Nous sommes évidemment tous d’accord avec votre analyse concernant la querelle sur la place publique entre M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, et sur la nécessité de doter l’AEF d’un COM ou encore d’ajuster ses prévisions financières. Ces questions ne font pas débat. L’enjeu est de faire des propositions pour constituer un véritable pôle de l’audiovisuel extérieur de la France. Je suis donc surpris que vous présentiez des conclusions alors que la mission d’information n’a pas achevé ses travaux.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis moi aussi un peu déçue qu’on ait parlé d’interruption des travaux de la mission d’information. Nos travaux ont simplement été suspendus cet été, puis nous avons eu à siéger en session extraordinaire alors que tous les membres n’étaient pas présents. En ma qualité de présidente de cette mission, j’ai ensuite tenu, avec les deux rapporteurs, une réunion pour programmer la suite des travaux de la mission ; je rappelle que lors d’une réunion intermédiaire, des divergences étaient apparues entre les membres de la mission sur cette question. Il nous a semblé important d’auditionner le ministre des affaires étrangères dans la mesure où il souhaite exercer la tutelle sur l’audiovisuel extérieur ; nous l’entendrons le 17 novembre. Je vous rappelle en outre que nous sommes en période budgétaire, qui nous sollicite tout particulièrement, de même que le secrétariat de la Commission.

Enfin, concernant France Télévisions, je tiens à préciser que nous avons mis en place en 2010 un groupe de travail et commandé un sondage. Celui-ci a montré la satisfaction des téléspectateurs de France Télévisions s’agissant de la suppression de la publicité. Sans doute Michel Herbillon y faisait-il référence dans son propos.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Il me semble très heureux qu’il y ait débat. Je n’émets aucune critique sur la mission d’information commune relative à la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France ni sur l’organisation de ses travaux, mais en tant que rapporteure des crédits de l’audiovisuel, c’est mon droit et même mon devoir que de m’intéresser à l’utilisation des quelque 315 millions d’euros de crédits attribués à l’AEF. Il me semble également qu’il avait été convenu avec les responsables de l’AEF qu’en attendant les conclusions de notre mission, un moratoire serait établi sur les réformes, en particulier la fusion de France 24 et RFI. Or, il n’en est rien, la fusion se prépare à marche forcée et les dirigeants de l’AEF semblent, selon moi, se soucier fort peu des travaux de la représentation nationale. Je ne sais pas si c’est une raison suffisante pour m’imaginer comme un Fouquier-Tinville en jupons, mais l’image est amusante. M. Herbillon nous fait remarquer que nous sommes tous d’accord sur les dirigeants de l’AEF, il me semble que ce n’est pas le cas. Lorsque j’ai auditionné M. de Pouzilhac, cette audition étant ouverte à tous d’ailleurs, il a tenu des propos qui indiqueraient qu’il a fourni à l’État et à l’AEF des chiffres truqués, ce qui ne me paraît pas digne d’un dirigeant de cette importance, quels que soient ses dons de communicant par ailleurs.

Mes propositions sur TV5 Monde ne me sont pas personnelles, mais sont celles d’un certain nombre de spécialistes entendus par la mission : il convient de sortir TV5 Monde de l’AEF, les dirigeants eux-mêmes de TV5 Monde comme de l’AEF conviennent qu’ils sont l’un pour l’autre un problème. Sans préjuger des conclusions de notre mission, il me semble du rôle d’un rapporteur du budget de l’AEF d’aborder cette question aussi, comme de souligner qu’il est pour le moins curieux de voter des crédits énormes pour l’AEF sans disposer d’un contrat d’objectifs et de moyens ou d’une communication cohérente sur la stratégie et encore moins sur sa situation et ses perspectives financières. Comme le remarque Mme la Présidente, à laquelle je rends hommage sur ce point, nous avons deux rapporteurs pour la mission, de tendance différente, permettant de traduire des opinions et des avis éventuellement divergents. Nous sommes tous ici défenseurs des missions de service public, ce n’est pas, je crois, être coupeuse de têtes que de le réaffirmer.

M. Christian Kert. Vous avez évoqué les longs « tunnels » de parrainage, il me semble cependant qu’il serait possible de nuancer cette affirmation depuis l’intervention de la Commission auprès de France Télévisions il y a quelques mois et qui semble s’être traduite par une diminution du nombre de passages de messages à caractère général. Une lettre, qui nous a été adressée par France Télévisions, nous précise, je crois, que leur nombre est limité à trois pour toute la soirée.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis. Une charte du parrainage a en effet été mise en place mais France Télévisions, qui devait nous donner des indications très précises sur l’heure de début des programmes, ne l’a pas fait tout en reconnaissant que les programmes commençaient plus tard que 20 h 35, contrairement à l’engagement pris dans la charte, du fait de ces « tunnels ». Mes constats ne sont donc pas des « extravagations », si je peux me permettre ce néologisme.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis.  Ma responsabilité était de dire que nous n’aurons pas plus de moyens pour la presse dans les quatre prochaines années qu’actuellement. Nous devons donc parvenir à de meilleurs résultats avec les mêmes aides. Je pars ainsi du principe qu’avec 1,2 milliard d’euros, c’est-à-dire beaucoup plus que dans les autres pays européens, nous devons arriver à des résultats très différents de ceux d’aujourd’hui, à condition toutefois que nous changions les schémas.

J’en viens aux trois exemples qui ont été évoqués. Il n’est effectivement pas normal que la presse nationale reçoive seulement 15 % du total des aides et que la presse récréative en perçoive pour sa part 35 %. Par ailleurs, l’aide à la modernisation correspond à 50 millions d’euros, ce qui n’est pas beaucoup si l’on met cette somme en regard du montant précité d’1,2 milliard d’euros. Il n’est pas normal qu’il n’y ait rien sur la formation et sur la valorisation des contenus en ce qui concerne un certain nombre de journaux.

S’agissant des concentrations, la vérité est que nous ne sommes pas capables de les éviter dans notre pays. Nous devrions les éviter mais nous n’y arrivons pas. La question qui se pose est de savoir s’il peut exister du pluralisme lorsqu’il y a des concentrations. Qui dit pluralisme dit chartes d’éthique et codes de déontologie. Si l’objectif des patrons de presse – qu’il s’agisse par exemple du groupe Hersant en Belgique ou encore du Crédit mutuel –, n’est pas de maintenir le pluralisme, alors il faut leur retirer les aides. Ce faisant je n’attente en rien à leurs droits. Les aides à la presse n’ont pas d’autre sens que d’être des aides à la réflexion pour les personnes qui n’auraient pas les moyens d’acheter les journaux à leur juste prix. Si le travail consistant à éclairer les citoyens lecteurs n’est pas fourni, les aides à la presse n’ont plus lieu d’être.

Mon troisième point concerne le portage. Je suis en accord avec ce qui a été dit par les uns et les autres. En 2009, des sommes considérables ont été octroyées, dont la presse régionale a bénéficié quasi-exclusivement. Nous sommes quelques uns à être intervenus pour dire qu’il fallait donner plus au portage à condition qu’il y ait une mutualisation des réseaux, c’est-à-dire que la presse régionale distribue en même temps des journaux de la presse quotidienne nationale. En effet, le but n’est pas que la presse quotidienne régionale s’en sorte seule avec le portage et que la presse nationale soit oubliée. Heureusement, nous sommes désormais sur la bonne voie. C’est pourquoi il est d’autant plus regrettable que les seules aides qui aient baissé soient celles-là. L’explication donnée par le ministre est qu’on avait beaucoup trop donné il y a deux ans, et que les montants actuels sont plus adaptés. Je prends acte de ce que le ministre reconnaît qu’il y a eu des gâchis épouvantables. Toutefois, à présent que les effets d’aubaine ont été éliminés, je pense que les aides auraient pu être maintenues à leurs niveaux antérieurs.

Pour ce qui est de l’AFP, il est vrai que le sujet est compliqué. La première chose dont il faudrait s’occuper, c’est le conseil d’administration. Le patron et les salariés sont de qualité, mais il n’y a pas de conseil d’administration au milieu. Le conflit entre ce patron de qualité et ce personnel de qualité est ainsi exacerbé. La première réforme à engager consisterait à mettre en place un conseil d’administration qui suscite l’adhésion de tous. Permettez-moi de vous rappeler que l’on était arrivé à un consensus en 1957, à une époque où le ministre en charge était François Mitterrand, le président de l’AFP, M. Jean Marin – un gaulliste, alors que Jacques Chaban-Delmas était également présent. Au lieu de cultiver les antagonismes, cultivons le consensus. Les autres débats sont intéressants, mais secondaires.

M. Michel Herbillon. Envisagez-vous de présenter une proposition de loi à ce sujet ?

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. C’est compliqué. Le problème le plus urgent est la clarification du financement de l’AFP par rapport au droit européen. Il serait nécessaire d’identifier plus clairement les missions de service public qui peuvent faire l’objet d’un financement public. J’aimerais avoir davantage d’éléments à ce sujet, mais je ne suis pas sûr d’en obtenir. En l’état, il est donc difficile d’aller plus loin.

J’en viens maintenant à la conférence annuelle des éditeurs de presse. Elle me paraît indispensable. Néanmoins, elle n’a d’intérêt que si elle ne se réduit pas à des États généraux permanents ni à un lieu de pleurs et de réclamations. Par ailleurs, il ne serait pas incongru que quatre ou cinq parlementaires y participent. C’est en effet là que l’on discute de l’argent appelé à être dépensé.

Je terminerai sur une note optimiste concernant la transparence. J’espère avec confiance que celui qui sera rapporteur l’année prochaine connaîtra avec exactitude le montant des aides accordées à chaque journal.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le rapporteur, de la même façon que Mme Martinel, je suppose que vous émettez un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. Je crains que ce ne soit le cas, Madame la présidente.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

La séance est levée à treize heures.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 26 octobre 2011 à 10 heures 

Présents. - M. Pierre-Christophe Baguet, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. René Couanau, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, M. Bernard Depierre, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Pierre Giran, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Bernard Lesterlin, M. Alain Marc, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Michel Ménard, Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, Mme Marie-Josée Roig, M. Paul Salen, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Jean-Louis Touraine, M. Jean Ueberschlag, M. Michel Vaxès

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Jean-François Copé, M. Gilles d'Ettore, Mme Jacqueline Irles, M. Yvan Lachaud, M. Pierre Lequiller, M. Georges Tron

Assistait également à la réunion. - M. Didier Mathus