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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 15 février 2012

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel (M. Michel Herbillon, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 15 février 2012

La séance est ouverte à dix heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine le rapport d’information de M. Michel Herbillon, en conclusion des travaux de la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous sommes réunis pour examiner le rapport de la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel.

Je salue son président-rapporteur, Michel Herbillon, que je remercie d’avoir mené à bien ce travail très important pour ouvrir les voies de la relance du mécénat culturel dans un environnement économique et financier difficile.

Je crois savoir que le rapport dont nous allons, je l’espère, autoriser la publication a été adopté la semaine dernière par la mission d’information, ce dont je me félicite.

Avant de laisser la parole à notre rapporteur, j’indique que nous avons souhaité avec M. Herbillon accompagner cette présentation du rapport d’information d’un échange avec plusieurs personnalités entendues pendant les auditions.

J’ai ainsi le plaisir d’accueillir M. Jean-François Hebert, président du château de Fontainebleau ; Mme Bénédicte Menanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) ; M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine et M. Benjamin Mermet, directeur du financement des projets publics ; M. Alain Seban, président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et M. Christophe Tardieu, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris.

Je vous souhaite la bienvenue et nous vous écouterons avec intérêt réagir à la présentation du rapport.

M. Michel Herbillon, rapporteur. Après plusieurs mois de travaux, notre mission d’information sur les nouvelles voies du mécénat culturel présente aujourd’hui ses conclusions, adoptées à l’unanimité de ses membres, ce qui traduit l’esprit constructif qui a présidé à nos relations. Je remercie mes excellents collègues de leur contribution et de l’accueil bienveillant qu’ils ont bien voulu accorder aux propositions que je leur ai soumises. Je salue également la présence de nos éminents invités, qui ont nourri nos travaux de leur expérience, de leur témoignage et de leurs suggestions, et rappelle que nous avons auditionné soixante-six personnalités impliquées dans le domaine culturel et le mécénat.

Notre Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de créer cette mission il y a plusieurs mois, car nous avions alors été frappés par des informations apparemment contradictoires.

D’un côté, l’enquête de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) – association qui a tant œuvré pour la promotion du mécénat –, faisant état d’une chute spectaculaire du mécénat culturel en 2010, avait suscité une forte émotion chez tous ceux qui savent l’importance pour la création et la diffusion culturelles du soutien des mécènes.

D’un autre côté, nous étions frappés par le succès d’opérations emblématiques, comme la restauration de la Galerie des Glaces à Versailles ou la souscription publique lancée pour l’acquisition au profit du musée du Louvre des Trois Grâces de Lucas Cranach, succès qui témoignaient du fait que l’intérêt des mécènes pour la culture ne se démentait pas.

C’est pourquoi la commission nous a confié, à mes collègues et à moi-même, la responsabilité d’un rapport qui dresserait un panorama du mécénat et nous éclairerait sur les modalités du soutien que la puissance publique lui accorde aujourd’hui ou pourrait opportunément lui accorder demain.

Notre rapport comporte trois parties : la première est consacrée à un état des lieux du mécénat culturel dans notre pays, la deuxième se penche sur la question de son éventuel déclin et la troisième comporte un certain nombre de propositions destinées à consolider le mécénat en France, qui reçoit d’ores et déjà un soutien public que chacun s’accorde à considérer comme exemplaire.

En guise d’introduction j’aimerais citer M. Michel Serres, selon lequel « malgré son nom glorieux, la puissance qu’on lui prête et son geste théâtral, la création ne peut pas survivre par soi-même. Elle meurt sans mécène et ne vit que de lui ».

En France, le mécénat a d’abord une définition fiscale : il s’agit du « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général ». Cette définition repose donc sur trois piliers : don, absence de contreparties directes, intérêt général. Le mécénat se distingue donc du « parrainage » ou « sponsoring », qui consistent en « un soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ».

J’insiste sur la définition fiscale du mécénat, car elle me permet immédiatement de souligner que, contrairement à une idée reçue assez largement répandue, notre dispositif public de soutien au mécénat est tout à fait exemplaire et exceptionnel : en effet, depuis la loi du 1er août 2003, que nous appelons « loi Aillagon » tant par commodité que pour rendre hommage à son promoteur, le mécénat culturel bénéficie, au même titre d’ailleurs que les mécénats sportif, social ou environnemental, non d’une simple déduction des sommes versées de la base imposable, mais d’une réduction des sommes versées du montant de l’impôt dû. Cette réduction s’élève, pour les entreprises, à 60 % du montant du don, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxes et, pour les particuliers, à 66 % des sommes versées, retenues dans la limite annuelle de 20 % du revenu imposable. Petit à petit, la possibilité d’accorder aux donateurs des contreparties, à condition qu’elles présentent une disproportion marquée avec la valeur du don, a été admise.

À ce dispositif de « droit commun » s’ajoutent des mécanismes spécifiques dont vous trouverez le détail dans le rapport, le plus remarquable de ces mécanismes étant la « super réduction » d’impôt de 90 % des sommes versées par une entreprise pour l’achat d’un trésor national ou d’une œuvre d’intérêt majeur.

Ces dispositions fiscales bénéficient au mécénat sous toutes ses formes : en effet, on pense immédiatement au mécénat en numéraire, mais on oublie que se développent d’autres formes de mécénat plus méconnues, à l’instar du mécénat en nature, sous forme de mise à disposition de locaux, de matériels ou de machines, ou du mécénat « de compétences », qui consiste, pour une entreprise, à mettre son savoir-faire à la disposition de son partenaire, soit pour une prestation de service, dans le cas d’un projet déterminé, soit pour une mise à disposition de ses salariés. La restauration par Eiffage des colonnes de Daneil Buren au Palais-Royal à Paris en constitue un bon exemple et le rapport en fournit d’autres. Ce mécénat de compétences est également une forme privilégiée par les petites entreprises, dont la trésorerie peut ne pas leur permettre d’effectuer un mécénat en numéraire. Il s’agit alors d’un premier pas qui peut les conduire à développer d’autres formes de mécénat.

Qui sont les mécènes ? Ce sont bien sûr, d’abord, des entreprises. D’après l’ADMICAL, 27 % des entreprises de plus de 20 salariés sont des mécènes. Ce sont plutôt de grandes entreprises, puisque 43 % des entreprises de plus de 200 salariés sont mécènes, contre 26 % des entreprises de 20 à 99 salariés. C’est encore plus vrai dans le domaine du mécénat culturel : 37 % des entreprises mécènes interviennent dans le champ culturel, mais cette proportion atteint 50 % lorsqu’on considère les entreprises de plus de 200 salariés. Il existe donc une marge de progression intéressante pour le mécénat culturel parmi les petites entreprises, nous y reviendrons.

L’entreprise désireuse de soutenir un projet culturel peut le faire en « régie directe », c’est-à-dire sans l’intermédiation d’un tiers, telle une fondation ou une association. On note à cet égard un recours accru à ces structures d’intermédiation : en neuf ans, le nombre de fondations a augmenté de 104 %, et le nombre de fondations d’entreprise, qui représentait 6 % des fondations en 2001, en représentait 15 % en 2010. Cela traduit une évolution du mécénat d’entreprise, que nous avons résumée dans le rapport par la formule : « C’est la fin de la danseuse du président. » L’époque où un chef d’entreprise « se toquait » d’un projet qui devenait une aventure personnelle est révolue : soumise à l’accord du conseil d’administration et à l’approbation du personnel, la démarche de mécénat participe d’une stratégie d’image, de fidélisation des salariés, de construction d’une identité, d’intégration dans l’environnement local, ce qui explique qu’elle soit de plus en plus formalisée.

Les fondations drainent également un important mécénat des particuliers, qui connaît un regain remarquable dont témoigne le succès des souscriptions lancées par la Fondation du patrimoine. Ce renouveau du mécénat populaire s’est également manifesté à l’occasion des opérations lancées par le château de Versailles, « Adoptez un arbre », à la suite de la dévastation du paysage arboré lors de la tempête de 1999, « Adoptez un banc » ou « Adoptez une statue ». Il manifeste un attachement fort à ce qui constitue à la fois une valeur refuge, c’est-à-dire le patrimoine, et une singularité française, c’est-à-dire son exception culturelle.

Du côté des bénéficiaires, trois traits marquants méritent d’être soulignés : les grandes institutions parisiennes « tirent leur épingle du jeu » plus facilement que les plus petites institutions, a fortiori lorsque celles-ci se situent en région. Si le musée du Louvre a reçu 26 millions d’euros en 2009 au titre du mécénat, les musées nationaux des Alpes-Maritimes reçoivent entre 60 et 80 000 euros par an. En outre, on prétend souvent que le spectacle vivant est le parent pauvre du mécénat culturel. Ce n’est pas tout à fait exact. Les difficultés concernent en réalité la création contemporaine, et le théâtre de l’Odéon ou le théâtre de Chaillot ont plus de mal à séduire que la Comédie française. En tout état de cause, dans un contexte budgétaire difficile, le mécénat présente un aspect crucial pour les institutions culturelles. Dans une course aux mécènes de plus en plus concurrentielle, la recherche de fonds se professionnalise et mobilise des équipes spécifiques, chargées d’établir une stratégie mais aussi de réfléchir, en lien avec le projet culturel et les priorités patrimoniales et de conservation, à des projets « clés en main » propres à séduire des mécènes potentiels.

J’en viens maintenant à une question qui était à l’origine de la création de notre mission : le mécénat culturel est-il en baisse ?

L’enquête de l’ADMICAL montre que la culture est désormais supplantée par le sport et passe du statut de deuxième à celui de troisième champ d’intervention privilégié des mécènes. La culture et le patrimoine mobiliseraient 380 millions d’euros, mais ce budget serait en forte baisse par rapport à 2008, où le mécénat dédié à la culture était estimé à 975 millions d’euros.

Malheureusement, il n’existe pas de recensement précis de la dépense fiscale associée au mécénat culturel ni d’évaluation officielle et complète de ce mécénat. Les chiffres dont nous disposons ne sont que ceux des opérateurs du ministère de la culture à l’exclusion de ceux des autres opérateurs culturels. Si ces chiffres indiquent une baisse du mécénat culturel, cette baisse n’est pas d’aussi grande ampleur que celle dont fait état l’enquête de l’ADMICAL.

Nous avons le sentiment qu’il convient sans doute de relativiser l’ampleur de cette désaffection. Le mécénat culturel souffre, comme les autres formes du mécénat, des effets de la crise économique que nous traversons.

En outre, il ressort de toutes les auditions que le mécénat culturel devient plus difficile à « assumer » pour les entreprises, dans un contexte de crise : la culture est perçue comme un luxe, auquel il serait presque indécent de se consacrer, d’où le développement relativement plus important du mécénat social ou environnemental.

Ce malaise peut, peut-être en partie, expliquer les résultats de l’enquête ADMICAL. Ces résultats reposent, en effet, sur une base déclarative. Les 749 entreprises sollicitées dans le cadre de l’enquête quantitative ont pu classer leurs opérations dans d’autres domaines que celui du mécénat culturel, notamment dans le domaine du mécénat social. Ce biais méthodologique traduit également une évolution importante du mécénat avec l’émergence d’un mécénat « croisé », qui associe à un mécénat culturel « traditionnel » en faveur du patrimoine ou de la création des actions de démocratisation culturelle destinées notamment à faciliter l’accès à la culture des publics qui en sont éloignés.

Cette impression est confortée par les chiffres de l’ADMICAL, qui montrent que 22 % des entreprises ont apporté leurs concours à la fois dans les domaines du sport et de la culture et 15 % dans les domaines de la culture et du social.

On peut regretter cette évolution au motif qu’il ne s’agirait plus de mécénat culturel « pur ». Ce n’est pas le cas de la mission, qui estime que la démocratisation de l’accès à la culture est un objectif à part entière et pleinement légitime de la politique culturelle.

On peut également relativiser la baisse du mécénat culturel au regard des sommes collectées par les grandes institutions : ainsi, en 2009, dans un contexte de baisse générale des sommes collectées au titre du mécénat par les opérateurs du ministère de la culture, certains grands musées ont enregistré une hausse de leur collecte, comme par exemple le musée du Louvre ou le musée d’Orsay.

Enfin, l’enquête d’ADMICAL ne retrace pas le mécénat des particuliers et le mécénat étranger, qui se développent.

J’en viens maintenant aux préconisations de notre mission : il ressort de nos auditions que notre système d’incitation fiscale fait l’objet d’une appréciation unanimement positive. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Les propositions de notre rapport visent donc à consolider ce dispositif, sans faire le « grand soir » du mécénat culturel.

Comment renforcer notre exemplarité et maintenir notre avance ? Nous avons identifié trois axes :

Le premier objectif est de mieux connaître et faire connaître le mécénat culturel.

Nous estimons que des travaux d’évaluation tant du mécénat culturel que de la dépense fiscale qui y est attachée doivent être conduits par le ministère de la culture et le ministère chargé du budget. Ils permettraient d’« objectiver » certaines tendances et d’affiner le pilotage de la politique de soutien au mécénat culturel.

En outre, il faut mieux faire connaître et valoriser le mécénat et les mécènes. Le ministère s’y essaie, avec son cercle des mécènes, mais nous avons pensé à une opération d’information et de pédagogie à l’égard de nos concitoyens qui pourrait prendre une forme plus large. Pourquoi ne pas imaginer une « nuit des mécènes » diffusée sur une chaîne du service public ?

Le deuxième objectif que nous avons identifié est celui d’une réaffirmation des valeurs du mécénat.

Dans un contexte de raréfaction des sources de financement public, la « course » aux mécènes peut contribuer à instaurer des rapports de force qui peuvent ne pas toujours tourner à l’avantage des bénéficiaires.

En effet, la reconnaissance de la possibilité d’accorder des contreparties a pu constituer un « déclic » dans la démarche de nombreux mécènes. Il convient d’être extrêmement attentif à l’ampleur et à la nature de ces contreparties, non seulement par souci de respecter les règles juridiques et fiscales encadrant le mécénat, mais aussi dans le but de ne pas dévoyer ses valeurs. Cette question s’est notamment posée avec l’apparition de demandes de « nommage » de la part des mécènes, en particulier au Louvre, mais d’autres exemples ont été rapportés à la mission. Ces dérives sont contraires aux valeurs du mécénat, lequel doit d’abord consister en un soutien désintéressé à une œuvre ou à une institution afin de permettre à celle-ci de financer les priorités qu’elle a elle-même établies.

L’élaboration de chartes éthiques, pour laquelle le musée du Louvre, le musée du Quai Branly et l’ADMICAL font figure de pionniers, nous a paru très prometteuse. Nous proposons donc d’inciter à la conclusion de telles chartes par un bonus fiscal, qui pourrait être accordé dès lors que les libéralités sont consenties à des structures qui se sont dotées d’une charte éthique agréée par le ministère de la culture. Nous n’envisageons pas pour l’instant d’établir un « malus » pour ceux qui n’en seraient pas dotés, afin de ne pas pénaliser les plus petites structures. Nous souhaitons toutefois que le ministère de la culture conduise une réflexion sur l’élaboration d’une charte type, qui constituerait un socle minimal susceptible d’être enrichi au cas par cas et qui aurait vocation à être promue et diffusée par les directions régionales des affaires culturelles.

Nous proposons également de mieux encadrer le mécénat de compétences, reprenant en cela des préconisations de la Cour des comptes.

Enfin, le troisième groupe de propositions a pour but d’explorer les pistes de développement du mécénat culturel.

De façon non exhaustive, je vous présenterai rapidement quatre propositions.

Nous proposons tout d’abord d’accompagner l’embellie du mécénat des particuliers : afin d’améliorer la reconnaissance susceptible de leur être témoignée, nous suggérons d’augmenter le plafond des contreparties qui peuvent leur être offertes, de 60 à 200 euros.

Ensuite, les petites et moyennes entreprises constituent un important vivier de mécènes : nous proposons donc d’améliorer et de renforcer les structures d’accompagnement mises en place par le ministère, en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie, l’ordre des experts-comptables et les chambres des notaires, pour mieux informer les PME et également les aider à structurer leur démarche.

En outre, ouvrent droit à une réduction d’impôt de 60 % les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires. En raison du plafond unique appliqué au montant annuel des versements, cette disposition s’avère nettement plus favorable aux grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires élevé qu’aux petites et moyennes entreprises : une petite entreprise de services réalisant un chiffre d’affaires d’un million d’euros ne pourra bénéficier de la réduction d’impôt de 60 % que dans la limite d’un versement de 5 000 euros. Ce plafond impose également des limites aux contreparties susceptibles d’être offertes à ces mécènes.

L’inadaptation de ce plafond au cas des PME fait l’objet d’un constat absolument unanime. La mission propose de retenir l’option d’un relèvement à 1 % du plafond pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, ce qui a le mérite de la simplicité et de la lisibilité. Cette préconisation pourrait faire l’objet d’une proposition de loi.

Notre dernière proposition vise à étendre la réduction d’impôt en faveur des trésors nationaux et des œuvres d’intérêt majeur. Lors de son audition, M. Jean-Jacques Aillagon a insisté sur l’intérêt que revêtirait la mise en œuvre de la proposition qu’il avait formulée dans son rapport au Conseil économique, social et environnemental, Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental, d’une extension de cette réduction particulièrement incitative aux opérations de restauration du patrimoine. La mission fait sienne cette proposition novatrice, qui doit permettre d’orienter le mécénat vers un patrimoine dont l’état est préoccupant. Ce dispositif devrait, contrairement à celui en faveur des trésors nationaux, concerner également les particuliers.

Pour conclure cette rapide présentation, je souhaite rendre hommage aux nombreux mécènes qui manifestent, y compris dans la période difficile que nous traversons, leur attachement à l’exception culturelle française. Je forme le vœu que notre contribution permette à toutes leurs initiatives de continuer à prospérer.

Mme Monique Boulestin. En tant que membre de la mission d’information, je tiens à saluer la qualité du rapport qui nous a été présenté et remercier les diverses personnalités que nous avons auditionnées.

Nous connaissons et saluons les efforts consentis par les entreprises dans le domaine du mécénat culturel, de même que par les fondations, dont la Fondation du patrimoine. Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur, le rôle du mécénat populaire n’est plus à démontrer, tant pour l’achat d’œuvres d’art que pour la rénovation de bâtiments. Le mécénat culturel joue donc un rôle de soutien essentiel pour les grands équipements culturels, de même que pour le petit patrimoine vernaculaire régional qui risquerait, sans le mécénat et faute de moyens, de disparaître. Le rapport qui nous a été présenté ne met pas en cause ces acquis, puisqu’il vise à renforcer le mécénat afin d’ouvrir notre patrimoine culturel au plus grand nombre.

Le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) émettra néanmoins des réserves sur deux points, en raison du contexte budgétaire difficile que nous connaissons. En premier lieu, nous craignons un désengagement de l’État, notamment des directions régionales des affaires culturelles, dont le rôle ne paraît pas suffisamment affirmé par le rapport. Elles devraient évoluer pour réguler les pratiques de mécénat. En second lieu, nous sommes réservés à l’égard des préconisations émises en matière de fiscalité, qui, compte tenu de la crise économique actuelle, ne semblent pas opportunes. Pour autant, le groupe SRC ne s’opposera pas à la publication du rapport.

M. le rapporteur. Je remercie Mme Boulestin pour son intervention ainsi que pour sa participation aux travaux de la mission d’information. Je partage son analyse concernant l’importance du mécénat populaire ; nous sommes également tous d’accord sur la nécessité d’une démocratisation de l’accès à notre patrimoine culturel, qui doit être ouvert au plus grand nombre.

Je tiens à rassurer Mme Boulestin : le rapport ne s’inscrit nullement dans un appel à un désengagement de l’État. Le mécénat culturel ne doit évidemment pas se substituer à l’action déterminante de l’État, auquel il revient de conduire la politique culturelle. Il en constitue un complément, dans un contexte marqué à la fois par la rareté de la ressource publique et la progression du nombre d’établissements culturels.

J’entends bien les réserves émises à l’égard des préconisations portant sur la fiscalité du mécénat, mais nous pouvons espérer que la crise économique et financière actuelle ne sera pas éternelle. En outre, cette crise ne doit pas nous conduire à réduire nos prétentions, car l’on sait bien que, dans une telle période, la culture constitue un élément essentiel pour fédérer les énergies de nos concitoyens – j’en veux pour preuve la progression aujourd’hui très importante de la fréquentation du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou.

Enfin, je partage tout à fait l’opinion de Mme Boulestin concernant le rôle majeur que doivent jouer les directions régionales des affaires culturelles en matière de régulation des pratiques de mécénat. Le rapport propose d’ailleurs que ce rôle soit renforcé notamment à travers des pôles du mécénat. Permettez-moi de citer un extrait de la page 43 du rapport : « La mission a souligné l’importance que revêt l’action menée au niveau territorial par les directions régionales des affaires culturelles et par les partenaires du ministère de la culture. Il apparaît toutefois que cette action pourrait être approfondie, notamment à travers des pôles régionaux de mécénat, comme celui du pôle Atlantique du mécénat en Loire-Atlantique. »

Mme la présidente Michèle Tabarot. Merci, monsieur le rapporteur. Nous en venons au vote sur l’autorisation de publication du rapport.

La commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous propose maintenant d’échanger avec les personnalités invitées par notre commission.

M. Alain Seban, président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou. Je me réjouis de l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information, car ce document de référence permet de rassembler et synthétiser une somme précieuse d’informations sur une question qui est, comme l’a souligné le rapporteur, complexe et caractérisée par une certaine confusion.

Je m’attarderai sur trois points qui me paraissent importants.

Le premier concerne les « emplois mécénés ». Il est aujourd’hui admis que les établissements publics financent des emplois temporaires par des ressources issues du mécénat et qui y sont spécialement affectées ; ces emplois ne s’imputent pas sur le plafond d’emplois des établissements, dont vous savez qu’il tend à diminuer ces dernières années. Il me semble important de préserver cet acquis. Il a certes été récemment critiqué par la Cour des comptes ; sans doute faudrait-il l’encadrer davantage. Il fait aujourd’hui l’objet d’une grande vigilance de la part des contrôleurs économiques et financiers ; il est utilisé avec mesure par les établissements. Ce dispositif me semble indispensable car, comme nous avons pu le constater au Centre Pompidou, les mécènes semblent aujourd’hui moins intéressés par un soutien à l’activité « normale » des établissements culturels et privilégient désormais le financement de projets innovants, pouvant avoir plusieurs dimensions – culturelle, mais aussi éducative ou sociale. Or, ces projets supposent la constitution d’équipes et donc de disposer de ressources humaines suffisantes. De ce point de vue, le mécénat permet d’alléger la contrainte pesant actuellement sur les emplois publics.

En deuxième lieu, je soulignerai la concurrence croissante existant entre les bénéficiaires du mécénat. Je n’ai pas le sentiment que le mécénat d’entreprise soit en phase d’expansion importante ; il me semble plutôt stagner, ou, peut-être, croître très légèrement, alors que les besoins des établissements culturels progressent pour leur part fortement. Ceux-ci sont donc placés en situation de concurrence auprès des mécènes potentiels. Cette concurrence doit porter sur les seuls projets et ne doit pas conduire les établissements à pratiquer un « dumping » éthique en proposant aux mécènes de définir leur programme culturel. Il me semble donc nécessaire d’établir des règles déontologiques communes et de tracer des « lignes jaunes » à ne pas franchir, dans le cadre de « chartes éthiques ». Les entreprises pourraient être incitées à y adhérer par une augmentation du plafond de déduction fiscale ou un relèvement du taux des contreparties admissibles de 25 % à 30 % du montant du don.

Enfin, je pense qu’il nous faut développer le mécénat des particuliers ; je suis frappé de constater, lorsque je m’entretiens avec des confrères directeurs de musées à l’étranger, combien tout le monde croit à cette forme de soutien. Sans doute notre « culture philanthropique » est-elle différente de celle de nos amis anglo-saxons. Les évolutions sont chez nous plus progressives. Mais notre pays accueille un grand nombre de particuliers étrangers qui seraient désireux de soutenir nos institutions culturelles. Un tel mécénat ne pèserait pas sur les finances publiques, puisque la plupart d’entre eux ne sont pas fiscalement domiciliés en France. Nous devons compter sur ce vivier de donateurs. Il nous faut nous doter d’instruments aussi efficaces que ceux dont disposent les musées anglo-saxons.

M. Marcel Rogemont. Le rapporteur a débuté son propos en citant Michel Serres qui déclarait que « la création ne peut pas survivre par soi-même. Elle meurt sans mécène et ne vit que de lui ». Certes, mais le principal mécène de la culture demeure la puissance publique. Peut-être le rapport aurait-il dû insister davantage sur ce point, car, à trop parler du mécénat, on pourrait laisser croire que l’avenir financier des établissements culturels résiderait essentiellement dans les moyens qu’y consacre le mécénat privé – qui n’est d’ailleurs que partiellement privé, en raison de la dépense fiscale consentie en sa faveur.

On peut également noter que notre dispositif fiscal en faveur du mécénat, parfois critiqué, se révèle, en réalité, plus efficace que les dispositifs américain, britannique ou allemand. Ce ne sont donc pas des préconisations de nature fiscale qui permettront de développer le mécénat culturel ; pour autant, je m’accommode des quatre préconisations émises en la matière. Par ailleurs, je déplore le manque d’informations précises sur le volume de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel, ce qui me semble tout à fait anormal.

J’estime enfin que le dispositif fiscal en faveur du mécénat devrait être orienté en ciblant la dépense fiscale sur certains secteurs prioritaires, car tous ne se valent pas. Ce choix relève de la puissance publique. Je m’interroge ainsi sur le mécénat sportif. J’estime que l’on pourrait orienter le mécénat prioritairement vers le secteur culturel.

M. Jean-François Hebert, président des Musée et domaine nationaux du château de Fontainebleau. Permettez-moi, à mon tour, de me réjouir de l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information, qui constitue un document fort utile. Il convient d’insister, comme l’a fait le rapporteur, sur la nécessité de préserver le dispositif existant.

Je limiterai mon propos à deux remarques.

En premier lieu, je m’étonne des difficultés que suscite la mesure du montant de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel. Certes, cette question relève de deux ministères, celui de l’économie et des finances et celui chargé de la culture. Peut-être ce dernier a-t-il d’ailleurs intérêt à « masquer » le montant de cette dépense fiscale, du fait de la difficulté à communiquer sur ce sujet… Toujours est-il que nous avons besoin de disposer de chiffres précis et fiables.

En second lieu, je m’associe aux propos précédemment tenus par M. Alain Seban : il est nécessaire de dégager, dans le respect de l’autonomie des établissements publics, des éléments de doctrine et des lignes directrices en matière de mécénat culturel. Cela vaut pour la pratique de « nommage » des salles d’exposition, mais pas seulement. Je pense aux contreparties parfois exigées des mécènes. Par exemple, en contrepartie d’un don de 200 000 euros à l’établissement que j’ai l’honneur de présider, un mécène a demandé que soient exposés dans nos salles des objets destinés à une vente aux enchères. Nous nous y sommes opposés, car on ne peut confondre collections privées et publiques. Il convient donc de tracer des « lignes jaunes » à ne pas franchir, grâce à une réflexion commune, à partir de quelques exemples concrets.

J’exprimerai enfin un regret : le rapport n’envisage pas d’étendre aux dons aux opérateurs culturels le dispositif permettant d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 45 000 euros, 50 % du montant des dons à des établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Cette situation peut conduire à certaines difficultés : ainsi, pour soutenir le festival d’histoire de l’art qui se tient tous les ans à Fontainebleau, les mécènes consentent-ils leurs dons à l’Institut national d’histoire de l’art et non au château de Fontainebleau, pour pouvoir bénéficier d’une réduction de leur impôt de solidarité sur la fortune. Je suis bien conscient des difficultés résultant du contexte économique actuel, mais il me semble qu’une réflexion pourrait être engagée sur ce sujet, car le système actuel constitue un frein au mécénat et nous contraint parfois à de véritables « contorsions ».

Mme Muriel Marland-Militello. Je m’associe tout à fait aux derniers propos de M. Jean-François Hebert parce qu’ils soulèvent un problème que l’on rencontre ailleurs. Je voudrais aussi souligner, à titre liminaire, le travail remarquable accompli par notre collègue Michel Herbillon.

J’aimerais pour ma part insister sur une mesure que je propose depuis un certain temps et que nous n’avions pas pu mettre en œuvre avec M. Jean-Jacques Aillagon lorsqu’il était ministre de la culture. Il s’agirait, sans augmenter le coût pour l’État, d’effectuer un redéploiement qualitatif des avantages fiscaux relatifs au mécénat. Dans une société d’« assistés » comme la nôtre, l’existence d’une prime pour ceux qui prennent des risques me paraît fondamentale en matière de mécénat. Je me demande, ainsi, si l’on ne pourrait pas envisager un accroissement des avantages fiscaux en faveur des mécènes, qu’ils soient entreprises privées ou particuliers, dès lors qu’ils investissent et qu’ils achètent directement les œuvres de jeunes artistes émergents ou innovants. Nous savons que seul le temps donne une légitimité aux artistes, dans le domaine du spectacle vivant comme dans celui des arts plastiques. Je trouve donc formidable que des gens prennent le risque d’encourager de jeunes artistes qui, sans ce soutien, disparaîtraient peut-être.

Les fonds régionaux d’art contemporain et les directions régionales des affaires culturelles font certes ici du bon travail, mais ce n’est pas suffisant. Si l’on favorisait le mécénat qui se porte vers la scène émergente, ceci assurerait tout d’abord un enrichissement de notre futur patrimoine. Mais ceci constituerait également, sur le plan éthique, une reconnaissance pour les mécènes qui savent prendre des risques sur un coup de cœur.

Mme Bénédicte Ménanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL). L’association que je représente se félicite bien évidemment de la publication de ce rapport qui vient d’être autorisée par la commission. Nous œuvrons depuis trente ans à la promotion du mécénat, en particulier culturel. Il faut savoir en effet que le mécénat est né du mécénat culturel.

J’aimerais revenir sur ce que vous avez appelé le déclin du mécénat culturel. Les chiffres sont certes discutés. Mais ils ont le mérite d’avoir amené tout le monde à s’interroger sur les raisons de ce déclin, sur l’identité de ceux qui soutiennent le mécénat culturel et sur la manière de le réinventer aujourd’hui. Cette dramatisation peut-être un peu excessive a ceci de positif que jamais autant d’articles de presse n’ont été consacrés à ce sujet, notamment à un certain nombre d’initiatives intéressantes, tout particulièrement en région. C’est à juste titre, monsieur le rapporteur, que vous nuancez ces chiffres dans votre rapport.

Mais je tenais à souligner le fait que notre association publie tous les deux ans une étude portant sur un échantillon représentatif d’entreprises françaises. Cette étude n’est en aucune façon contestable dans la mesure où elle est aujourd’hui barométrique. Entre 2008 et 2010, nous avions bien pressenti que le mécénat, dans son ensemble, enregistrerait une baisse, ce qui a été le cas. Nous voyions bien que le mécénat culturel était en très grande difficulté mais nous ne pensions pas que l’effondrement serait tel. Nous avons pris la mesure des effets de la crise au plus mauvais moment.

Au début du mois d’avril prochain, nous aurons à nouveau les résultats d’une enquête, conduite avec l’institut CSA et à laquelle, cette année, ont été associés les ministères des affaires étrangères, de l’environnement, des sports et de la culture. Nous manquons d’informations, en particulier par domaine. Cette année, nous allons essayer de déterminer quel est le mécénat qui soutient la création, quel est celui qui aide la diffusion et quel est celui qui favorise la démocratisation culturelle. Nous allons ensuite nous interroger sur les sous-domaines, sur la typologie des projets et sur la typologie des structures. Nous allons de cette manière en savoir plus et tâcher de comprendre ce qui se passe.

En tous cas, nous sommes sûrs de nos chiffres. Il y a certes un décalage par rapport à ce que l’administration fiscale peut déclarer. Les chiffres publiés au Journal officiel Questions Assemblée nationale du 7 février dernier annoncent un montant de 666 millions d’euros de dons. Notre propre chiffre s’élève à 2 milliards. On sait que plus de la moitié des entreprises ne défiscalisent pas leurs dons, mais ceci n’explique pas entièrement l’écart constaté. Nous estimons, quoi qu’il en soit, que ce que nous disent les entreprises est parfaitement fiable. Au demeurant, la méthode de notre enquête est élaborée par un institut très sérieux. Surtout, nous prenons les mêmes mesures sur la base du même questionnaire tous les deux ans. Je pense que nous serons confortés par les résultats qui seront communiqués début avril.

J’ajoute que le mécénat culturel est un mécénat qui se réinvente, avec un affichage différent. Les entreprises préfèrent aujourd’hui dire qu’elles mènent des actions de mécénat en faveur de la solidarité. On voit bien aussi que le sport est un vecteur de communication essentiel dans la mesure où il reflète le « vivre-ensemble ». En temps de crise, la culture est fondamentale. Une petite ou moyenne entreprise, quand elle fait du mécénat, dépense en moyenne entre 1 000 et 5 000 euros par an. Un don de 5 000 euros correspond au plafond associé à un chiffre d’affaires de un million d’euros par an. Beaucoup de petites entreprises sont au-dessus de ce plafond alors qu’aucune des grandes entreprises ne l’est. Les grandes consacrent plutôt 0,1 ‰ de leur chiffre d’affaires au mécénat, ce qui représente déjà beaucoup d’argent. La France n’a pas à rougir de son mécénat d’entreprise, qui est à l’égal de celui pratiqué par exemple aux États-Unis.

S’agissant des valeurs du mécénat, il est vrai qu’il y a des « lignes jaunes » à ne pas franchir, un code éthique à respecter. Nous avons, quant à nous, publié une charte du mécénat, signée par le ministre de la culture, par le MEDEF et par plus de cent entreprises, institutions culturelles ou organisations non gouvernementales. Elle va l’être également par le ministre de l’éducation. Nous proposons de l’annexer dans toutes les conventions de mécénat qui seront conclues entre les entreprises et les bénéficiaires. Il est en effet important de contractualiser la relation pour que chacun sache les bénéfices qu’il peut en attendre.

J’en viens maintenant à un dernier point. Je me félicite des mesures que vous préconisez en faveur des petites et moyennes entreprises. C’est vraiment là que réside le gisement du mécénat. 83 % des entreprises mécènes sont des petites ou moyennes entreprises. Ce n’est pas l’envie qui leur manque de faire du mécénat, mais elles ont besoin d’être accompagnées. Le fait de structurer en région un accompagnement, de fédérer des acteurs qui agissent parfois en ordre dispersé, pourrait se révéler extrêmement productif. De plus en plus, les petites et moyennes entreprises se regroupent en clubs pour soutenir des projets culturels ou une institution. Elles créent de petites fondations pour soutenir un territoire. L’idée d’accroître l’attractivité d’un territoire est ainsi très importante dans la décision prise par une entreprise de s’engager dans le mécénat.

En résumé, nous sommes très optimistes sur le développement du mécénat culturel, en particulier celui des petites entreprises.

Mme Françoise de Panafieu. Je voudrais rendre hommage aux personnalités ici présentes qui ont pris ou vont prendre la parole. Par-delà les étiquettes politiques, nous apprécions tous le travail réalisé, que ce soit au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou ou au château de Fontainebleau. Ce dernier est devenu un établissement public et ses résultats en termes de fréquentation ont été récemment soulignés par la presse. Les personnalités ici présentes sont donc d’excellents « patrons » de leurs établissements.

Il ne s’agit pas de prôner un désengagement de l’État. L’État a toujours été mécène. Cela dit, il est vrai que nous sommes dans une période difficile sur le plan financier. En tout cas, il me paraît profondément sain d’associer le secteur privé, les entreprises, les mécènes, à une démarche structurée par l’État ou les collectivités territoriales. Il faut avancer sans œillères, en veillant à ce que l’État remplisse son rôle, comme il l’a toujours fait au cours de notre histoire. Chacun peut y trouver son compte. Je me souviens, lorsque j’étais chargée des affaires culturelles de la ville de Paris, de la restauration très lourde des statues de la place de la Concorde représentant les grandes villes de France. Nous avons été accompagnés par l’entreprise Béghin Say sans pour autant que la ville de Paris ou l’État ne se défausse. Cette entreprise nous disait qu’elle avait trouvé là le moyen de fédérer son personnel et à quel point celui-ci était fier de cet accompagnement. C’est quelque chose que les entreprises cherchent et qui leur permet de n’être pas que des entités « industrielles », mais de pouvoir se dépasser.

J’ai à présent deux questions à poser au rapporteur. Il est proposé dans le rapport de créer une structure qui recevrait les successions en déshérence. A-t-on une idée de ce que cela représenterait et cet apport est-il à l’échelle des besoins ? Ma seconde question porte sur l’émergence des pôles régionaux : quelle sera leur articulation exacte avec les directions régionales des affaires culturelles, dont un de nos collègues socialistes tout à l’heure redoutait le peu d’engagement ?

M. Christophe Tardieu, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris. Beaucoup de choses très intéressantes ont été dites.

Pour ma part, je soulignerai que le premier de nos mécènes, c’est l’État, et il le restera, je pense, pendant très longtemps dans la plupart des établissements publics. En ce qui nous concerne, à l’Opéra de Paris, le financement de notre budget provient à 50 % de l’État. Le mécénat, malgré des performances croissantes, n’apporte que 10 % de nos ressources propres. C’est certes beaucoup d’argent. Néanmoins, c’est encore de l’État qu’il nous faut attendre la première de nos ressources.

On s’aperçoit, quand on discute avec nos collègues des opéras de Londres, New York, Milan ou Vienne, que le dispositif français en matière de mécénat est excellent et fonctionne très bien, contrairement à celui d’autres pays que pourtant l’on présente souvent comme plus ouverts au mécénat. Toutefois, il est certain que nous avons une différence de culture en ce domaine : en France les entreprises s’investissent davantage dans le mécénat que les particuliers. Le fait de donner à une institution culturelle paraît normal dans le monde anglo-saxon, ce qui n’est pas encore le cas dans nos contrées, malgré d’indéniables progrès.

Je souhaiterais revenir sur deux propositions contenues dans ce rapport. Même si notre dispositif est excellent, il est susceptible d’être amélioré à la marge. Il serait bon de relever le plafond des dons pour les petites et moyennes entreprises qui souhaitent investir dans le mécénat. On voit bien qu’il y a une forte demande en la matière. De nombreuses petites entreprises souhaitent avoir une action en matière de mécénat ou une activité citoyenne. Aujourd’hui, les grandes entreprises n’atteignent pas ce plafond alors que les petites et moyennes entreprises y parviennent très vite. Ce serait donc une bonne chose de les aider.

Le mécénat de compétences doit certes être encadré ; il faut en particulier évaluer les contreparties offertes. Néanmoins, ce type de mécénat doit être encouragé. À travers ce type de mécénat, l’entreprise valorise ses savoir-faire, ses compétences et ses salariés. L’entreprise en cause peut par ce biais mener d’importantes actions en termes de communication interne et externe ainsi que de conquête de parts de marché. Par exemple, quand un ascensoriste restaure un ascenseur historique du Palais-Garnier et qu’il invite ses clients à venir voir le résultat, c’est une très bonne opération pour lui.

Enfin, et ce sera mon dernier point, quel que soit le dispositif, un mécénat est réussi lorsque le mécène et l’établissement public qui en bénéficie ont une belle histoire à raconter ensemble. Il importe d’être très attentif à ces histoires que les entreprises et les institutions culturelles peuvent raconter.

M. Jacques Grosperrin. Je veux en préambule féliciter notre collègue Michel Herbillon et l’ensemble des commissaires qui ont participé à ce travail. Je souhaite également remercier les personnalités présentes aujourd’hui pour l’éclairage qu’elles nous ont apporté.

Il est vrai qu’il est toujours vulgaire de parler d’argent, surtout dans le domaine de la culture. Dans le milieu du sport, où il s’agit plus de « sponsoring » que de mécénat, on ressent moins cet embarras.

Je soumets deux questions au rapporteur. La première porte sur le rôle « essentiel », pour reprendre son terme, des directions régionales des affaires culturelles. J’aimerais avoir davantage d’informations à ce sujet. La seconde a trait au rôle des collectivités territoriales en matière de spectacle vivant : n’y a-t-il pas là matière à réflexion ?

M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine. Je voudrais tout d’abord m’associer aux propos de plusieurs intervenants précédents qui se félicitaient de la publication de ce rapport qui va nous apporter des références précieuses dans un certain nombre de domaines.

Ce rapport a le grand mérite de reconnaître la place du mécénat des particuliers et des petites et moyennes entreprises. Pendant trop longtemps, la France a eu une conception « élitiste » du mécénat, en considérant que c’était l’apanage des grandes entreprises et de leurs fondations ainsi que des particuliers très fortunés. À la Fondation du patrimoine, nous assistons à une explosion du mécénat populaire. Je signale au passage que les tendances que nous avions communiquées à la mission concernant les années 2009 et 2010 se sont amplifiées en 2011. Le mécénat populaire, qui est essentiellement le fait de particuliers mais qui provient aussi de très petites, de petites ou de moyennes entreprises, au travers de souscriptions publiques locales, a représenté 11 millions d’euros au cours de l’année 2011 contre un peu plus de 8 millions l’année précédente et 6 millions en 2009. La tendance est donc nette. Le phénomène va très certainement, selon nous, se poursuivre au cours des années à venir. Ce mécénat populaire doit être pleinement reconnu. Le particulier qui effectue un don de 50 euros pour un bâtiment de son village doit être pleinement considéré comme un mécène.

La Fondation du patrimoine se félicite des préconisations contenues dans le rapport, concernant le régime fiscal des dons tant pour les particuliers, notamment avec l’augmentation du niveau de contrepartie, que pour les petites et moyennes entreprises. Il y a là un gisement de mécénat qui est encore sous-exploité. Des mesures incitatives telles que celles qui sont proposées ne peuvent que renforcer leur volonté d’être présentes sur le terrain du mécénat.

Je voudrais enfin m’associer à ce qui a été dit à plusieurs reprises. Le mécénat, pour être crédible, doit être un mécénat d’accompagnement, et non de substitution au soutien apporté par la puissance publique. Les mécènes doivent être là pour accompagner l’effort. On est parfois perplexe quand on voit des projets où l’autofinancement du maître d’ouvrage est présenté comme nul et où l’on attend tout du secteur privé. Il est important qu’une part du financement continue d’être assurée par les acteurs publics, nationaux ou locaux, et que le mécénat vienne seulement en accompagnement de cet effort public.

M. Benjamin Mermet, directeur du financement des projets publics de la Fondation du patrimoine. Je souscris pleinement à ce que vient de rappeler M. Frédéric Néraud : l’enjeu est aujourd’hui de mobiliser les entreprises, petites et moyennes entreprises, mais aussi très petites entreprises, autour du mécénat sur le terrain. Cette mobilisation peut prendre la forme de clubs de mécènes, qui associent plusieurs entreprises dont les responsables choisissent les projets qu’ils financent, ou de produits partages. Ces derniers contribuent à soutenir des projets de restauration retenus par la fondation et se traduisent en versement par les entreprises d’un certain montant des produits qu’elles vendent pendant une durée déterminée. Ce dispositif est adapté à tous types d’entreprises, indépendamment de leur taille ou des produits ou prestations qu’elles proposent.

M. le rapporteur. Je voudrai au préalable remercier l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse de mes collègues députés ou des personnalités qui nous ont fait l’honneur de participer à nos débats. Leurs appréciations positives confirment que les pistes que nous avons retenues sont les bonnes et que les points que nous avons soulignés pour améliorer les dispositifs actuels d’appui au mécénat étaient pertinents.

Il ressort des différentes interventions un accord assez général pour considérer que le mécénat n’a pas à se substituer à l’action publique, mais doit venir en complément de celle-ci. M. Christophe Tardieu a précisé à juste titre que le premier mécène, c’est l’État.

En deuxième lieu, il apparaît clairement qu’il convient d’accompagner le développement du mécénat des particuliers et du mécénat étranger.

Troisièmement, et comme nous l’ont montré les auditions, il faut encourager le mécénat des PME, ce qui me conduit à proposer de modifier le plafond des dons ouvrant droit au bénéfice des réductions fiscales des déductibilités fiscales. C’est là que se trouve en effet le gisement des mécénats futurs. Au-delà de ce seul aspect fiscal, le développement du mécénat des PME est également d’un grand intérêt dans le cadre régional. Une PME ou un club de PME qui se mobilisent dans ce cadre, comme ce fut le cas par exemple pour la restauration du château d’Angers, donnent une grande lisibilité aux projets culturels ainsi soutenus.

Le rôle des directions régionales des affaires culturelles est évidemment essentiel. Elles disposent d’ores et déjà, en leur sein, de correspondants mécénat. Ce développement régional articulé avec un pilotage renforcé par le ministère de la culture nous dotera d’une structure adaptée au développement du mécénat.

En réponse à notre collègue Françoise de Panafieu, outre le rôle des pôles régionaux et des directions régionales auquel je viens de me référer, je ne suis pas en mesure de donner un montant précis des sommes provenant des successions en déshérence, mais M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine, est peut-être en mesure de le faire ? Je préconise dans le rapport que soit créée une fondation pour le spectacle vivant à l’instar de celle qui existe pour le patrimoine. La Fondation du patrimoine récupérant une partie des fonds issus des successions en déshérence, je propose que l’autre partie soit attribuée à cette nouvelle fondation.

M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine. Les sommes provenant des successions en déshérence sont, par définition, imprévisibles, puisque dépendant de la mortalité de personnes sans héritiers. Elles connaissent donc d’importantes fluctuations. La loi dispose que la Fondation du patrimoine est attributaire de 50 % du produit des successions en déshérence, ce qui représente, selon les années, de 6 à 11 millions d’euros, si l’on prend comme référence la tendance observée pour les cinq dernières années.

M. le rapporteur. C’est un montant important.

Je crois avoir répondu à M. Marcel Rogemont en parlant de l’exemplarité française en matière de mécénat, à préserver et à consolider. Je souhaite, à la veille d’échéances électorales importantes, que ce dispositif conserve le soutien qui lui est ici manifesté.

L’ensemble des intervenants et des personnes auditionnées ont également fait part de leur accord sur l’insuffisance des données concernant le mécénat, en particulier la dépense fiscale. Ce flou devait être dissipé par le ministère de la culture, mais nous n’avons toujours pas reçu de réponse à ce jour.

J’ai noté aussi l’assentiment général sur la proposition de mise en place d’une charte éthique du mécénat : l’établissement de règles et de barrières déontologiques est nécessaire pour éviter les dérives.

Je voulais dire à notre collègue Muriel Marland-Militello que je connais son engagement aux côtés de ceux qui prennent des risques, notamment en faveur de l’art contemporain. Ses idées et ses propositions rejoignent les miennes sur ces questions. Des dispositifs existent pour favoriser l’acquisition d’œuvres d’art contemporain ou d’instruments de musique. Ils sont actuellement réservés aux entreprises et ne s’adressent pas, pour le moment, aux particuliers. Certaines banques ou entreprises ont d’ailleurs créé des fondations qui sont spécifiquement dédiées à l’art contemporain.

Nous attendons avec impatience, Mme Ménanteau, les chiffres de l’ADMICAL qui figureront dans son rapport publié au mois d’avril, et je me félicite que vous considériez comme nous que les PME constituent un gisement du mécénat.

Mme Bénédicte Menanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL). Le mécénat va être à l’ordre du jour du Haut Conseil à la vie associative, placé auprès du Premier ministre. Parmi les questions dont il a choisi de débattre immédiatement figurent le financement de la vie associative, le mécénat, la territorialité du don – l’instruction fiscale en la matière étant assez restrictive. Cette enceinte importante devrait donc être un cadre propice pour que soient développées quelques idées fortes.

M. le rapporteur. Je remercie M. Alain Seban d’avoir précisé qu’un certain nombre d’emplois sont financés par le mécénat, les emplois hors plafond, très importants pour les institutions culturelles, et d’avoir souligné la nécessité d’une mise en place de règles éthiques face à une concurrence accrue dans la recherche de mécènes. J’ai également pris bonne note de son plaidoyer en faveur du mécénat des particuliers et du mécénat étranger.

Je prends acte du regret exprimé par M. Jean-François Hebert face à l’absence dans le rapport de proposition de modification de la nature des dons ouvrant droit au bénéfice d’une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune. Sur ce point, nous nous sommes contraints, à la fois pour tenir compte de la situation économique actuelle mais aussi, ce n’est pas un mystère, parce que cet impôt est un sujet généralement éruptif à l’Assemblée nationale. Aussi, afin d’obtenir l’accord le plus large sur les propositions de ce rapport et l’autorisation de sa publication, il ne m’a pas semblé opportun d’aborder cette question et d’introduire des clivages sur le mécénat, qui est un sujet qui, par ailleurs, nous réunit.

Pour conclure, je voudrais remercier, au nom de l’ensemble des parlementaires que nous sommes, tous les mécènes qui contribuent à la vitalité de nos institutions et de nos projets culturels et qui rencontrent l’adhésion et l’enthousiasme de nos compatriotes. Comme le constatait M. Christophe Tardieu, derrière chaque mécénat réussi se trouve une belle histoire, que les Français souhaitent se faire raconter.

M. Patrick Bloche. Je voudrais préciser le sens du vote des députés SRC de la commission. Nous aurions pu voter pour l’autorisation de la publication de ce rapport, dont certaines préconisations rejoignent nos préoccupations et qui constitue un excellent bilan de la réalité du mécénat culturel en France. De plus, M. Michel Herbillon l’a souligné avec pertinence, « le mécénat n’est pas là pour assurer les fins de mois d’un État nécessiteux », comme l’aurait dit Jacques Rigaud. Il ne s’agit donc pas de substituer le mécénat à la défaillance de l’État culturel. Dès lors, nous ne pouvions voter contre. L’abstention aurait marqué un désintérêt. Nous n’avons donc pas participé au vote du fait de certaines préconisations de ce rapport et de leurs conséquences fiscales. À la fin d’une législature, une participation au vote pourrait valoir engagement pour les cinq ans à venir.

M. le rapporteur. J’ai bien noté l’intervention de notre collègue Patrick Bloche comme celle, au début de notre séance, de Monique Boulestin. Je comprends que notre travail ne vaille pas engagement pour l’avenir, je souhaiterais cependant que l’augmentation du plafond des sommes ouvrant droit à une réduction d’impôts pour les PME puisse faire l’objet d’une proposition de loi, qui pourra être examinée lors de la prochaine législature, qu’elle émane de la majorité ou de l’opposition.

Mme la Présidente Michèle Tabarot. Je remercie nos invités au nom de nos collègues députés. Leur présence a rendu la présentation de ce rapport particulièrement vivante. Merci également aux membres de la mission qui ont travaillé sur un sujet qui nous tient tous à cœur.

La séance est levée à midi.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 15 février 2012 à 10 h 30

Présents. - M. Pierre-Christophe Baguet, M. Éric Berdoati, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, Mme Marie-George Buffet, M. René Couanau, Mme Pascale Crozon, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Jean-Pierre Giran, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, M. Yvan Lachaud, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Pierre Lequiller, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Ménard, M. Michel Pajon, Mme Françoise de Panafieu, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. - Mme Sylvia Bassot, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Jean-François Copé, M. Gérard Gaudron, Mme Marie-Claude Marchand, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Georges Tron, M. Jean Ueberschlag

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory