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Commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Mercredi 16 novembre 2011

Séance de 19 heures 50

Compte rendu n° 22

Présidence M. Claude Bartolone, Président

– Table ronde, ouverte à la presse, « Les propositions des associations d’élus locaux », avec :

– M. Michel Piron, député, président délégué de l’Association des communautés de France (AdCF) et Mme Claire Delpech, responsable des questions finances et fiscalité à l’AdCF ;

– M. Dominique Gaubert, adjoint au maire de Sannois et membre de la commission des finances de l’Association des maires de France (AMF) et Mme Soraya Hamrioui, chargée d’études au département finances de l’AMF.

M. le président Claude Bartolone. Cette table ronde doit nous permettre d’étudier les solutions au problème des emprunts à risque proposées par les acteurs concernés.

Les associations regroupant les collectivités territoriales ne sont pas restées impassibles face à la situation. Nous avons déjà vu, lors de notre table ronde précédente, comment trois d’entre elles, bientôt rejointes par toutes les autres grandes associations d’élus locaux se sont réunies pour porter un projet de création d’une structure de financement des collectivités territoriales.

M. Dominique Gaubert, Mme Soraya Hamrioui, M. Michel Piron, Mme Claire Delpech, M. Emmanuel Duru prêtent successivement serment.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Trente ans après la loi de décentralisation, les collectivités assurent les deux tiers de l’investissement public qu’elles financent en s’endettant auprès d’établissements mutualistes ou privés. Pourquoi faudrait-il aujourd'hui qu’elles mettent en place une agence de financement ? Pourquoi une telle rupture ?

M. Michel Piron, président délégué de l’Association des communautés de France (AdCF). Je vais vous répondre brièvement, car mes voisins n’ont pas été mandatés pour répondre à cette question précise.

Ce n’est pas un hasard si la question ne s’est pas posée avant, Monsieur le rapporteur. Il faut y voir une conséquence des derniers montages, caractérisés par leur complexité et leur opacité, pour reprendre les termes de la Cour des comptes. L’enjeu réside dans la sécurisation des modes de financement des collectivités territoriales dont les investissements répondent, par définition, à une logique de long terme et doivent être à l’abri de la volatilité des marchés – ce qui n’interdit pas le recours à des taux variables, éventuellement « capés ». Le Crédit local de France donnait satisfaction mais il s’est aligné sur la concurrence, dont les règles ne correspondent pas forcément à nos besoins.

M. le rapporteur. Les dispositions issues de l’accord de Bâle III pourraient poser rapidement des problèmes de financement aux collectivités, et Finance Active nous a fait remarquer à juste titre que les collectivités qui ont des prêts structurés risquaient une « double peine » si elles devaient se procurer de nouvelles ressources auprès du secteur financier.

Venons-en aux mesures de prévention proposées par vos associations respectives.

Doit-on interdire certains produits structurés ? Que pensez-vous de réserver aux collectivités les plus importantes le recours à certains produits complexes ? Peut-on introduire des disparités de réglementation entre les collectivités, et le critère de la taille vous semble-t-il le plus pertinent ?

Doit-on soumettre les contrats de prêt au code des marchés publics et par là même au contrôle de légalité préfectoral ? L’argent est un produit que les collectivités « achètent » mais qui échappe à tous les contrôles habituels, alors qu’il contribue à l’équilibre financier des collectivités.

Doit-on obliger les collectivités qui souscriraient des produits pouvant se révéler dangereux à terme à mettre en place des provisions pour risque ?

M. le président. Notre commission a beaucoup de mal à savoir combien de collectivités sont touchées. Dans un premier temps, le secret était de mise parmi les élus qui avaient signé de tels contrats. Le ministre chargé des collectivités territoriales a écarté tout risque systémique. Ensuite, le nombre de 5 000 a circulé dans la presse, mais il semblerait que ce soit moins. Pouvez-vous faire le point de la situation ?

M. Dominique Gaubert, adjoint au maire de Sannois et membre de la commission des finances de l’Association des maires de France (AMF). Je vous prie d’excuser l’absence de Jacques Pélissard et Philippe Laurent qui auraient souhaité répondre eux-mêmes aux questions de la commission d’enquête, mais qui en ont été empêchés par leur agenda.

Nous n’avons pas tellement de remontées d’information, pour une raison simple : encore faut-il que les élus aient connaissance de la situation. La Gazette des communes a publié il y a quelques jours un excellent article expliquant comment faire la différence entre un produit toxique et un produit structuré. Le Parisien d’aujourd'hui jette les collectivités en pâture à ses lecteurs : « …des communes auraient un surcoût de 20 % à 50 % dû aux emprunts toxiques. » C’est du n’importe quoi ! Les grosses communes sont mieux équipées pour faire face, mais les autres ont fait confiance aux banques. Ce n’est pas la procédure de marché qui sécurise l’achat, M. Klopfer l’a dit. L’article paru dans Libération ne concernait que Dexia. Or Dexia n’est pas la seule banque à avoir consenti des emprunts structurés. Attention ! Tout emprunt structuré n’est pas forcément toxique. Tout dépend de la façon dont ces emprunts ont été gérés par la suite.

Mme Soraya Hamrioui, chargée d’études au département finances de l’AMF. Depuis 2008, l’AMF se préoccupe avant tout d’avoir accès à une information fiable sur l’encours de produits structurés et sur la proportion de produits toxiques. Pour le moment, il y a peu d’information et elle n’est pas fiable. Il existe des entreprises privées, telle Finance Active, qui fournissent des statistiques élaborées à partir de leur clientèle. Certains médias se livrent à de la désinformation en publiant des chiffres anciens et incomplets. Nous réclamons à l’État depuis 2008 une information fiable, car elle est indispensable pour se positionner et savoir si, oui ou non, il y a un risque systémique.

M. le rapporteur. Je vous rassure. Maintenant, nous avons les chiffres et nous sommes en train de les consolider.

Mme Soraya Hamrioui. Tant mieux ! Et nous nous réjouissons que M. le ministre ait annoncé qu’il publierait les statistiques à partir du recensement qui aura été effectué.

M. le rapporteur. Les chiffres du ministère de l’Intérieur sont difficiles à exploiter. En ce qui nous concerne, nous travaillons à partir des états des banques. Elles ont obligation de répondre et leurs chiffres seront très précis.

M. Dominique Gaubert. Normalement, les conseils municipaux devaient donner en annexe une répartition de leurs emprunts selon la charte Gissler, et les préfectures reçoivent copie de toutes les délibérations.

M. le rapporteur. Les tableaux ne sont pas toujours bien remplis.

M. le président. Ce sera toujours mieux que rien. Finance Active a avancé le chiffre de 10 milliards, d’autres 15 milliards. Ce sont des sommes considérables, surtout compte tenu de la situation du budget de l’État. Il est impératif d’y voir plus clair !

M. Dominique Gaubert. Si les préfets, qui ont tout de même quelques pouvoirs, n’arrivent pas à récupérer les informations, l’AMF encore moins !

M. le président. Quelles sont vos propositions ?

M. Michel Piron. Je confirme le flou dans lequel nous évoluons, mais il ne me choque pas, les associations n’ayant pas vocation à faire des contrôles. Nous avons surtout diffusé de l’information. La fourchette des chiffres qui circulent prouve que l’on n’y voit pas clair.

Pour l’avenir, nous partageons largement les recommandations de la Cour des comptes, à quelques nuances près. La Cour des comptes essaie à juste titre de traiter le problème en amont. La « transparence » est à la mode, mais, en l’espèce, elle ne serait pas déplacée. Il faudrait d’abord se doter des outils qui permettraient de s’y retrouver. À cet égard, je voudrais vous mettre en garde contre certains ratios qui ne sont pas forcément très pertinents, et qui peuvent même fausser l’analyse. La Cour conseille de se préoccuper davantage de la capacité de désendettement, et met en garde contre les ratios qui reposent uniquement sur l’annuité de remboursement, ignorant par définition la durée des engagements souscrits, et qui minorent les charges. Il faut donc commencer à revoir la batterie de ratios pour concevoir un outil d’information plus pertinent. Ce travail est d’autant plus nécessaire que nos communes sont plus nombreuses et plus petites qu’ailleurs : 60 % d’entre elles comptent moins de 500 habitants. Difficile, dans ces conditions, de généraliser l’ingénierie financière.

Je suis tout à fait favorable à la constitution de provisions pour risque, qui feraient perdre l’avantage de présenter un taux d’intérêt facial à 0 %, et à la transparence sur les soultes réclamées par les banques. Par ailleurs, je ne peux que souscrire au projet de suivi statistique de la structure de la dette, bien qu’il soit plus lourd à mettre en œuvre.

La Cour des comptes évoque un cahier des charges. Pourquoi pas, à condition de mettre un seuil ? Il ne faudrait pas passer d’un excès à l’autre et imposer des procédures très lourdes pour contracter des emprunts modiques.

Il va de soi qu’il faut traiter différemment les petites collectivités, mais il faudra tôt ou tard se poser la question de l’interdiction, ou non, de certains produits structurés. La Cour des comptes préconise d’écarter « les produits basés sur des écarts d’indice hors zone euro ou comportant des effets de levier », et « de modifier en conséquence la circulaire du 25 juin 2010 ». La charte n’est pas un document prescriptif mais elle pourrait l’être davantage. Reste à savoir jusqu’où pour respecter le principe de libre administration des collectivités ? Néanmoins, je ne suis pas hostile à ce qu’elles soient régulées, sinon encadrées, compte tenu de l’atomisation de nos structures locales, propre à notre pays. On ne peut pas laisser s’instaurer un face-à-face trop inégal entre des experts privés commercialisant des produits à la complexité et l’opacité relevées par la Cour et nos élus locaux.

Ensuite, la taille est-elle le critère le plus pertinent ? Je ne suis pas sûr qu’elle suffise à garantir la capacité d’expertise, ce qui nous renvoie en amont du problème, à la batterie de ratios, à l’interdiction pure et simple de certains produits qui privilégient la volatilité, à la durée des emprunts, parfois déraisonnable.

Je ne suis pas non plus assuré de la pertinence du contrôle de légalité que pourraient exercer les préfectures. Les préfets ne seraient-ils pas plutôt embarrassés d’hériter de ce surcroît de travail ?

Dans votre dernière question, Monsieur le rapporteur, vous parlez de produits « dangereux ». Je récuse ce terme car, s’ils le sont, ils doivent être interdits d’emblée. Je préférerais les qualifier de « risqués », ce qui justifierait de constituer des provisions pour risque. C’est d’ailleurs l’une des recommandations de la Cour des comptes, et elle est hautement souhaitable.

En conclusion, nous aurions tout intérêt à traiter le problème en amont plutôt qu’en aval, bref, à nous attaquer aux causes plutôt qu’aux effets. Le contrôle a posteriori de produits aussi sophistiqués reviendrait à administrer trop tardivement une potion trop diluée.

Et, pour revenir à la question initiale, dans le paysage bancaire national et international tel qu’il est, les pratiques en vigueur dans le financement des collectivités méritent d’être réinterrogées en termes d’exigences déontologiques.

M. le rapporteur. Faire des recommandations, c’est facile. Le problème, c’est le stock. Comment assumer des charges latentes aussi lourdes ?

M. Dominique Gaubert. En tout cas, le flux s’est tari. Les banques ont compris. On propose encore l’Euribor, qui n’est pas un taux fixe.

M. le rapporteur. Un taux variable n’est pas un produit structuré.

M. Dominique Gaubert. Certes. En adepte de la gestion en bon père de famille, je n’étais favorable au départ qu’au taux fixe. Il faut une souplesse de gestion, avec des offres à taux fixe et à taux variable, mais surtout une offre sécurisée.

M. Michel Piron. S’il est « capé », c’est clair et net.

M. Dominique Gaubert. Les grandes collectivités, dont le personnel devrait être compétent, ont aussi des emprunts structurés, voire toxiques. La taille de la collectivité n’est pas un critère suffisant.

Les associations d’élus doivent être très soucieuses de l’information en amont, pour pouvoir distinguer le vrai du faux. Quand et comment déclencher l’alerte ? Et qui doit s’en charger ? La direction générale des collectivités locales et le ministère du Budget ne manquent pas de compétences. Pourtant, ils ne nous ont pas mis en garde. Une association d’élus peut-elle le faire à la place de l’État ?

M. Michel Piron. La gestion des risques est-elle dans la vocation des collectivités locales ? Doivent-elles, et je ne dis pas que je le souhaite, élaborer chacune un plan de prévention des risques financiers ? Quelle est leur mission, qui, j’insiste, s’inscrit dans le long terme et ne consiste nullement à jouer au casino ou à boursicoter ?

Faire apparaître le plus vite possible dans les comptes les soultes payées ou reçues lors d’opérations de réaménagement permettrait déjà d’y voir plus clair, dès l’année prochaine. Il y a encore des collectivités qui ne tiennent pas à se vanter des risques qu’elles ont pris, et qui hésitent à se faire connaître. Il y aurait tout intérêt à être plus contraignant dans ce domaine.

Ensuite, une fois le stock connu, les protagonistes de premier rang seront les banques et les collectivités. On ne peut pas, d’un côté, défendre l’autonomie des collectivités contre la tutelle, et de l’autre, réclamer le parapluie de l’État à la première averse. La première question à examiner, c’est la relation banque-collectivité. À cet égard, la médiation, si elle pouvait fonctionner de manière plus efficace, est la bienvenue.

Vis-à-vis des plus petites collectivités, qui auraient pris des risques en toute méconnaissance de cause, il faut d’abord envisager la voie juridictionnelle même s’il n’y a pas encore de jurisprudence claire en France, contrairement à l’Allemagne. Quant à l’intervention de l’État, je suis plus réservé, au moins dans un premier temps. À quelles conditions ? On ne sait pas dans quel engrenage on entre.

M. Dominique Gaubert. Le gré à gré entre les collectivités et les banques se pratique depuis des années, et il devrait continuer. Mais le petit grain de sable dans la mécanique vient de ce qu’une des banques, la plus grosse en l’espèce, est très fragilisée, et risque de ne pas avoir grand-chose à renégocier. Pour négocier, il faut être deux. On nous dit que rien ne va changer. Soit, mais quelle va être l’attitude de cette banque dans les prochaines semaines ? C’est là que la commission d’enquête et l’État peuvent être utiles.

M. le rapporteur. Je vous demande ce qu’il faut faire et vous me répondez que vous attendez le résultat de la commission d’enquête !

Quel type de procédure faut-il mettre en place ? Doit-on envisager la voie contentieuse pour les petites communes, dont la dette est entièrement constituée de produits structurés ? En mettant en avant l’absence de compétences, l’existence d’une vente forcée pour obtenir une jurisprudence favorable qui fasse boule de neige. La banque que vous n’avez pas citée, et qui a vendu 70 % du stock en cause, doit se refinancer sur le marché, trouver des couvertures. Comment dénouer la situation ? Personne n’a de baguette magique.

M. Dominique Gaubert. Les responsables ont rarement signé avec le pistolet dans le dos. La plupart d’entre eux étaient de bonne foi et je pense qu’elle était partagée.

M. Michel Piron. La bonne foi n’exclut pas une forme de cécité. Dans un contexte de concurrence exacerbée entre les établissements et un environnement largement dérégulé, la virtuosité l’a emporté sur la sécurité, et le panurgisme a été la règle. Cela étant, j’en reviens aux prolégomènes, les considérations de court terme sont incompatibles avec une vision à long terme. La jurisprudence ne réglera pas tout, mais elle devrait permettre de fixer les limites de la responsabilité de part et d’autre, ce qui n’exclut pas la médiation, ni même une intervention plus large dans le cas de l’établissement auquel tout le monde pense.

M. le président. J’entends votre argument de la bonne foi partagée. Mais, si les banquiers, dont c’est le métier, n’étaient pas en mesure de gérer les produits qu’ils proposaient, comment peuvent-ils invoquer, pour leur défense, la compétence de leurs clients ? Ensuite, vous avez entendu ce qu’ont déclaré les responsables de Finance Active sur les marges bancaires, qui ont alimenté l’offre de produits structurés.

M. Michel Piron. Il me semble que, dans les milieux bancaires, certains responsables savaient qu’ils ne savaient pas ; tandis que les élus, eux, ne savaient pas qu’ils ne savaient pas.

M. Henri Plagnol. Je souscris à toutes les observations sages de Michel Piron, à une exception près. La vocation des associations de collectivités locales n’est sûrement pas de faire le ménage parmi les adhérents. Mais je m’inquiète d’entendre les responsables de l’État dire que les collectivités locales qui ont signé n’ont qu’à payer. Sur ce point, les associations ont un rôle très important à jouer.

Certes, les élus qui ont signé sont responsables, mais le dialogue avec les banquiers était inégal. Et la taille de la collectivité n’est pas un critère discriminant. Surtout, l’État est également responsable, ce que confirme la Cour des comptes. Ce n’est pas un hasard si c’est essentiellement en France que les prêts les plus toxiques ont été souscrits : aucun des systèmes de contrôle et d’alerte de l’État n’a fonctionné.

S’agissant des collectivités locales, les plus touchées, et qui sont en petit nombre, ne pourront pas payer parce que la ponction fiscale sur les habitants contribuables serait gigantesque. Il faut donc, à défaut de baguette magique, trouver une solution pour en sortir.

Dernière remarque : Les banques que nous avons en face de nous, et pas seulement Dexia, ont depuis très longtemps revendu leurs options sur les produits de change. C’est un point capital parce que cela signifie que revenir sur les termes du contrat initial équivaut pour elles à des pertes nettes.

Pour toutes ces raisons, le discours un peu simpliste qui consiste à vouloir faire payer les responsables mène à une impasse. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que je suis un nouvel élu. Il faut en sortir vite car, plus le temps passe, plus le coût sera élevé. La période dangereuse ne fait que commencer.

Mme Claire Delpech. La fonction d’alerte n’a pas du tout joué. Les préfets et les trésoriers-payeurs généraux n’avaient pratiquement pas accès aux documents qui leur auraient permis de juger de la qualité de la dette, ou du risque encouru. Ensuite, au sein des collectivités elles-mêmes, les adjoints aux finances ou les responsables financiers se sont trouvés seuls pour apprécier le risque. Il faut regarder comment mieux le faire partager.

M. Dominique Gaubert. J’ai cité Dexia, parce qu’elle a le dos au mur. Or, pour qu’une négociation aboutisse, il faut pouvoir faire un geste. Les autres banques, en revanche, peuvent puiser dans leurs réserves.

Les associations peuvent donner une impulsion, mais il ne faudrait pas tomber dans le piège que pourrait nous tendre l’État et qui consisterait à ponctionner toutes les collectivités.

Je veux bien que les assemblées partagent la décision, mais on voit que les adjoints aux finances et même les maires de collectivités importantes ont du mal à comprendre. Les banques ont sans doute été trop loin, mais si les collectivités s’estiment lésées, elles ont la possibilité d’aller devant le juge qui, au bout d’un certain temps, tranchera au cas par cas sur l’existence, ou non, d’un défaut d’information. Mais je doute qu’il soit pertinent de faire de la vulgarisation auprès des élus pour des produits autres que ceux à taux fixe.

M. le président. On ne peut pas demander aux petites communes d’avoir la même ingénierie financière et le même personnel que dans les salles de marché. Ce n’est pas insulter les responsables de Finance Active ou M. Klopfer que de supposer que, s’ils ont été capables de donner l’alerte notamment sur l’évolution des parités monétaires, il y avait dans les banques des personnes aussi intelligentes qui auraient pu en faire autant.

M. Dominique Gaubert. C’est bien pire ! D’expérience, je sais que quand, par hasard, je m’aventurais à poser à mes interlocuteurs de Dexia ou autre des questions sur les risques éventuels, c’est tout juste si je ne devais pas m’excuser.

Mme Claire Delpech. Ne faudrait-il pas changer les modalités de passation des contrats entre les banques et les collectivités ? Mieux fixer les règles de responsabilité ? Mieux informer sur les risques encourus ? Les collectivités ont cru emprunter à taux fixe ; elles se sont laissées illusionner. Il faut rendre l’offre beaucoup plus lisible.

Mme Soraya Hamrioui. Le contentieux est le dernier recours. Aujourd'hui, l’information est insuffisante à tous les niveaux. La situation actuelle est le résultat d’une responsabilité partagée entre les banques, les collectivités et l’État dont chacun doit assumer sa part.

Les propositions des banques consistent seulement à repousser une échéance, ou à bloquer une annuité, en attendant. Dès lors que la collectivité refuse de payer la soulte de sortie, il n’y a pas de renégociation couvrant l’ensemble du prêt de possible. Certaines collectivités ont fait appel à la médiation, mais toutes ne connaissent pas son existence. L’État a très peu communiqué sur la médiation, et sur le nombre de collectivités qui ont fait appel à elle, que nous aimerions connaître.

M. le rapporteur. Nous le savons.

Mme Soraya Hamrioui. Nous avons demandé à ce qu’elle soit évaluée, pour savoir si elle est suffisante et juste. L’AMF a saisi la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, de cette question le 16 mai dernier.

Une collectivité peut toujours, si sa situation est très dégradée, se lancer dans un contentieux, mais c’est une option par défaut.

Plus généralement, nous défendons le libre choix des collectivités. Elles doivent avoir la maîtrise de leur endettement, et de leur mode de financement, ce qui suppose une pluralité d’acteurs bancaires et un accès au marché obligataire. Il faut qu’elles puissent recevoir des offres diversifiées, ce qu’elles n’avaient pas, puisque les banques qui trustaient le secteur du financement aux collectivités locales ne proposaient que des produits structurés. Nous nous réjouissons donc de la création de l’entité Caisse des dépôts-Banque postale car nous espérons qu’elle améliorera la transparence du marché et servira de modèle aux autres. C’est aussi pourquoi nous proposons une agence de financement qui contribuera à une diversification de l’offre, qui est d’autant plus nécessaire que le crédit bancaire risque de s’assécher, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’investissement des collectivités.

M. le président. Je vous remercie, Mesdames, Messieurs, de nous avoir apporté votre point de vue.