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Mercredi 18 janvier 2012

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Daniel Goldberg Président

– Audition de M. Pierre Mongin, président de la RATP

Commission d’enquête relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation
du réseau express régional d’Île-de-France

La table ronde débute à dix-sept heures.

M. le président Daniel Goldberg. Nous recevons ce soir M. Pierre Mongin, président de la RATP, l’une des deux entreprises chargées de l’exploitation du RER – la RATP partageant avec la SNCF les fonctions d’opérateur sur les lignes A et B.

Monsieur le président, nous avons tous conscience que le RER est un réseau fragile, qui s’inscrit dans un maillage complexe et qui est en partie emprunté par d’autres circulations ferroviaires, de voyageurs comme de fret. Pourriez-vous préciser à la Commission d’enquête ce qui relève du réseau ferré national qui est géré par Réseau ferré de France (RFF) et ce qui relève du réseau dont la RATP est pleinement propriétaire ? Quelles sont les conséquences de cette situation sur vos investissements, ainsi que sur vos relations avec RFF et avec le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF ?

Votre audition intervient après deux Tables rondes organisées, d’une part, avec les associations d’usagers, d’autre part, avec les organisations syndicales. Les usagers vivent très mal la dégradation de la qualité et de la régularité du service. Leurs représentants ont tous souligné les lacunes dans l’information qui leur est délivrée, notamment en cas d’incident ; ils ont cité des exemples de trains affichés puis annulés, ainsi que de trains ne marquant pas un ou plusieurs arrêts initialement prévus, sans qu’il ne soit jamais donné d’informations aux voyageurs.

Les syndicats nous ont semblé quelque peu désarmés face à ces problèmes ; certains de leurs représentants ont signalé que les propositions simples et – selon eux – peu onéreuses qu’ils soumettaient à leur direction demeuraient sans réponse. Ils se sont engagés à nous fournir des précisions sur ce point.

Il y a un peu plus d’une semaine, une rame est restée bloquée pendant trois heures, dans l’obscurité, entre les stations Étoile et La Défense ; les usagers ont dû être évacués par les voies. L’incident a eu des répercussions sur l’ensemble du réseau, en particulier sur la ligne 1 du métro. La RATP dispose-t-elle de retours d’expérience après des événements de cette gravité ? Pouvez-vous nous donner des exemples d’investissements préventifs ou correctifs engagés rapidement après de tels incidents ?

D’autres interrogations se sont fait jour au sujet de l’unité de commandement de circulation et de régulation sur les lignes A et B. Le projet de création d’un poste de commandement unique et centralisé, le « CUB », à Denfert-Rochereau, a notamment été évoquée. S’agit-il d’un « serpent de mer » ?

Notre commission ne possède pas a priori une « recette miracle ». Ses membres, qui sont des élus franciliens eux-mêmes usagers du RER, cherchent à mieux comprendre certains dysfonctionnements techniques ou organisationnels, sans volonté polémique. Notre objectif est de donner de meilleures conditions de transport aux habitants d’Île-de-France, en formulant des propositions concrètes, assorties d’un calendrier de mise en œuvre réaliste.

C’est dans cet esprit que nous avons souhaité vous entendre. De manière à nourrir notre réflexion, pourriez-vous nous préciser le programme des investissements que la RATP a prévu de consacrer au RER dans les prochaines années ? Quelles actions à plus long terme pourraient être envisagées afin d’adapter le réseau du RER aux besoins des Franciliens ?

Avant de vous laisser la parole, monsieur le président, je vous rappelle que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires exige des personnes auditionnées dans le cadre d’une commission d’enquête qu’elles prêtent serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande donc de lever la main droite et de dire : « Je le jure. »

M. Pierre Mongin prête serment.

M. Pierre Mongin. C’est pour moi un honneur que de venir apporter à la représentation nationale la vision de notre entreprise publique sur le réseau express régional d’Île-de-France. L’enjeu est en effet considérable.

La RATP remplit, sur 79 kilomètres et 35 gares de la ligne A et 40 kilomètres et 31 gares de la ligne B, une double tâche de gestionnaire d’infrastructure et d’opérateur de transport – les deux missions étant séparées depuis le 1er janvier 2012 en application de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Nous sommes parfaitement conscients de la responsabilité qui nous incombe du fait de la densité exceptionnelle du trafic sur ces lignes, ainsi que des insuffisances et des lacunes du service que nous offrons actuellement à nos voyageurs, malgré d’immenses efforts que je vais essayer de résumer.

Depuis mon arrivée à la tête de la RATP en 2006, mes deux priorités opérationnelles majeures furent le bon fonctionnement des lignes A et B du RER et celui de la ligne 13 du métro. Avec 6 millions de passagers quotidiens, le métro est un sujet de fierté pour l’Île-de-France, qui a servi, au point de vue de la technique, de la sécurité et de la réglementation, de modèle pour le RER : il s’agissait de faire passer des trains dans la zone dense de l’Ile-de-France, à de hautes fréquences, en assurant la connexion avec le réseau ferré national et en évitant les ruptures de charge. La juxtaposition des systèmes d’exploitation fut une vraie bonne idée, qui permit l’optimisation des infrastructures ferroviaires et une coopération entre les deux opérateurs tant au plan de la technique qu’au plan de la sécurité.

Cette mécanique a parfaitement fonctionné jusqu’il y a dix ans. Ce qui l’a déréglée, c’est l’accroissement considérable de la fréquentation du réseau de transports publics en Île-de-France, qui a contraint les deux opérateurs à livrer une course contre la montre permanente. Pour la seule année 2011, la fréquentation des lignes A et B du RER a augmenté de 2,6 %, ce qui représente 12 millions de passagers supplémentaires pour la seule partie RATP. Néanmoins, nous avons réussi à améliorer le taux de régularité des trains, qui s’est accru, en moyenne annuelle, de 3 points sur la ligne A et de 1 point sur la ligne B, pour atteindre respectivement 86 % et 85 %. Malgré les critiques – légitimes – formulées par un certain nombre de voyageurs, et même s’ils ne me satisfont pas, ces résultats montrent que nous sommes parvenus à stabiliser le dispositif.

Je pense qu’on a fait peser sur ces deux lignes une responsabilité excessive. Les lignes A et B du RER sont structurantes : la croix qu’elles forment supporte l’essentiel des déplacements quotidiens des Franciliens. En dix ans, la fréquentation de la ligne B a augmenté de 35 %, celle de la branche de Chessy de la ligne A de 43 %. Lorsqu’à la demande du STIF, nous avons renforcé en 2008 la desserte des branches de Cergy et de Poissy, afin que les trains puissent circuler avec un intervalle de 3 minutes 20 en heures creuses sur le tronçon central de la ligne A, nous avons dès lors utilisé le dernier potentiel d’élasticité dont nous disposions ; il est désormais impossible de rattraper un incident quelconque sur le programme de transport, sans que cela ait des répercussions sur les voyageurs.

D’une manière générale, le rôle des deux lignes a été de pallier les insuffisances graves de l’aménagement francilien depuis 30 ans. Je pense que la tension actuelle est liée au déséquilibre existant entre la progression considérable de l’habitat à l’est et l’accélération des programmes d’emploi à l’ouest. En 1975, Marne-la-Vallée comptait 100 000 habitants ; on en escompte 350 000 à l’échéance 2020. À La Défense, ce sont 150 000 salariés qui travaillent aujourd’hui dans les tours ; dix projets majeurs vont amener 30 000 à 40 000 emplois supplémentaires d’ici à 5 ans, ce qui fera tache d’huile sur Nanterre, Rueil, Bezons et La Garenne-Colombes, des communes qui accueillent un nombre croissant de salariés. Ce phénomène de balancier entre l’Est et l’Ouest provoque un déséquilibre de la ligne entre le matin et le soir.

Les précédents gouvernements avaient veillé à conserver des marges de manœuvre. En 1997, on avait décidé d’acheter des rames à deux niveaux, les MI 2N, afin de soulager la pression sur les trains. Le seul grand projet de transports depuis 30 ans, la décision prise par Michel Rocard de créer la ligne 14, a permis de soulager une partie de la ligne A. Enfin, on a décidé de prolonger par étapes la ligne E du RER, ce qui a apporté de l’oxygène. Mon sentiment est que l’on est revenu aujourd’hui à la case départ : l’effet positif de ces investissements a été annihilé par la croissance.

Pour faire face à cette situation, nous sommes fortement mobilisés. Avec de nombreux élus franciliens – parlementaires, conseillers régionaux, maires –, nous avons pesé sur la décision de créer un nouveau réseau de transport structurant en Île-de-France. Grâce au lancement du Grand Paris et à la décision de prolonger la ligne E entre les stations Gare-Saint-Lazare et Mantes-la-Jolie, on peut être optimiste quant au devenir de la mobilité organisée en transports publics en Île-de-France à l’horizon 2020-2025. Nous avons l’espoir que l’arc nord et l’arc sud, cette espèce de « métro périphérique » – comme j’avais appelé ce projet avant le lancement du « Grand Paris Express » –, soulageront les deux réseaux en croix centraux. D’ici là, nous sommes conscients qu’il convient de prendre des mesures pour ne pas se laisser déborder par la situation, étant entendu que tout incident d’exploitation a des répercussions sur l’ensemble du réseau.

Nous avons eu un retour d’expérience très précis sur les événements du 9 janvier ; j’en ai moi-même rendu compte en détail à la ministre, Mme Kosciusko-Morizet. L’incident est consécutif à une panne électrique totale – phénomène très rare – survenue sur l’un des vieux trains qui sont en cours de remplacement. Cette panne a mis le conducteur dans l’impossibilité absolue de communiquer avec les voyageurs, puisqu’il n’y avait plus de sonorisation. Heureusement, j’ai doté la RATP du système de radio numérique mobile TETRA : grâce à cet équipement, que tous les agents travaillant sur les voies et en exploitation possèdent, le conducteur a pu communiquer avec le Poste de Commandes centralisées (PCC). On a immédiatement envoyé depuis la station Étoile une équipe de secours, qui a emprunté une rame circulant dans la direction opposée pour rejoindre celle qui était en panne. Après quinze à vingt minutes de travail, le diagnostic a conclu à l’impossibilité de redémarrer le train par l’arrière ; le courant a cependant été rétabli dans la moitié de la rame. En passant devant les portes, les agents ont dit aux voyageurs que la RATP était navrée de l’incident et ils leur ont demandé de garder leur calme et de ne pas bouger.

Parallèlement, il fallait gérer le reste du trafic d’Île-de-France, ainsi que les répercussions de l’incident : faire tourner les trains de la ligne A à la station Étoile afin d’assurer la desserte de Paris et de l’est de l’Île-de-France, dégager les quais, renforcer la ligne 1 – dont l’automatisation a permis de travailler en mode « heure de pointe » jusqu’à 23 heures –, coordonner nos efforts avec la SNCF, en faisant appel à un train classique pour évacuer les voyageurs bloqués à La Défense vers Saint-Lazare, canaliser les foules qui s’étaient amassées dans les gares impactées par l’événement. La salle opérationnelle intermodale que j’ai créée a grandement facilité la gestion de l’incident.

Au bout de trois quarts d’heure, alors que le train de secours était en chemin, des voyageurs, agacés par l’attente – certes insupportable –, ont décidé de sauter par-dessus les portes et se sont égaillés dans les voies, sans savoir quelle direction emprunter puisqu’ils étaient au milieu du tunnel. Dès lors, ce fut un grand désordre : il devint impossible d’acheminer le train de secours, il fallut stopper complètement la circulation des trains, et toutes les opérations d’évacuation se sont faites à pied, en faisant sortir les voyageurs par les deux trains bloqués derrière la rame en panne. La manœuvre fut longue, puisqu’elle a duré trois heures, mais on n’a déploré aucune victime. Si le PCC n’avait pas réagi avec célérité et efficacité, vu l’heure de pointe, il y aurait pu y avoir 6 ou 7 trains bloqués. Toutefois, je reconnais qu’une telle qualité de service est inacceptable ; il convenait de présenter nos excuses aux voyageurs et de leur garantir, non pas le risque zéro, car c’est impossible en matière de panne, mais du moins que des mesures visant à réduire la probabilité que de tels événements se reproduisent seraient prises. C’est ce que j’ai fait.

La qualité du service passe, selon moi, par la qualité du dialogue social. La RATP est aujourd’hui une entreprise apaisée. En 2011, on a compté 0,29 journée de grève par salarié, soit le taux le plus bas de toute la profession du transport en France – la situation est dans ce domaine bien meilleure à Paris qu’à Londres. Dans la situation actuelle, nous considérons que les mouvements sociaux ne sont plus une cause de rupture du service public. Cela suppose toutefois que la direction générale et la direction opérationnelle portent une attention constante à la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise.

Par ailleurs, j’ai lancé en 2008 un plan d’action avec des mesures de proximité. Des agents d’encadrement ont été placés sur les quais à fort trafic, aux heures de pointe. En recourant à des contrats d’accompagnement dans l’emploi – ce qui montre que nous nous préoccupons de l’insertion sociale –, nous avons mis en place les « gilets verts », c’est-à-dire des personnes qui aident à la fermeture des portes et assurent la sécurité du départ du train. Nous avons également recruté des secouristes qualifiés, une des causes de dysfonctionnement étant les malaises de voyageurs, en raison de l’hypoglycémie, de la fatigue ou de la chaleur ; il s’agit en général de cas bénins, mais qu’il faut pouvoir traiter sans attendre l’arrivée des pompiers, car cela bloque la circulation des trains.

J’ai également lancé un plan d’action en faveur de la maintenance préventive ; les moyens qui lui sont dévolus ont considérablement augmenté depuis 5 ans. La maintenance préventive représente un investissement de 10 millions d’euros par an sur la ligne B et de 20 millions sur la ligne A, soit un montant de 50 à 60% supérieur au strict nécessaire. Elle comprend le contrôle systématique des rails par ultrasons, la mise en place d’un nouveau système de contrôle des caténaires par infrarouge, et le remplacement bisannuel des rails du tronçon central de la ligne A – quand les usages ferroviaires voudraient qu’il ait lieu tous les 25 ans. En 2014, nous devrons remplacer les voies et le ballast du tunnel central de la ligne A, ce qui nécessitera de travailler plus de 3 heures par nuit.

Autre investissement important pour les voyageurs, nous avons décidé en 2006 d’installer des caméras de vidéoprotection sur l’ensemble de nos sites. Résultat : le réseau de la RATP est aujourd’hui le premier réseau vidéoprotégé de France. Les seules lignes A et B du RER disposent de 3 000 caméras. Ce moyen de surveillance, qui a permis de renforcer considérablement la sécurité dans le RER, sera généralisé sur tous les trains neufs.

Tout cela ne suffit cependant pas : le plus important est d’apporter une réponse aux problèmes de capacité, qui se posent en des termes différents sur les deux lignes.

S’agissant de la ligne A, le problème a été traité lors du conseil d’administration de la RATP de mars 2009, qui a décidé le remplacement progressif de tous les trains qui n’ont pas encore été rénovés, les MI 84, par des trains à deux étages, les MI 09. Le 5 décembre dernier, le Président de la République a inauguré, en compagnie du président du STIF, M. Jean-Paul Huchon, la mise en circulation commerciale du premier train MI 09 sur la ligne A ; deux nouveaux éléments seront injectés chaque mois sur la ligne. En l’espace de 30 mois, nous aurons ainsi réussi à concevoir le train, à l’industrialiser et à le mettre en service. Cela permettra d’augmenter de 50% la capacité de chaque rame, d’optimiser l’utilisation des quais avec des trains de 225 mètres de long, d’améliorer l’accessibilité des rames grâce à des portes de 2 mètres de large et, à terme, d’homogénéiser l’ensemble du parc. Il s’agit d’un énorme investissement pour la RATP – 2 milliards d’euros –, mais cela donnera 15 ans d’oxygène à la ligne A.

Sur la ligne B, les intervalles entre les rames étant plus importants, la solution la moins coûteuse et la plus efficace consiste à augmenter le nombre de trains en circulation. Cette ligne a longtemps souffert de la coupure, à la station Gare-du-Nord, entre le domaine de la SNCF et celui de la RATP. Depuis le 9 novembre 2009, la ligne est interopérée, première étape d’un processus d’unification de sa gestion. Ce fut un chantier coûteux, notamment sur le plan social – les mouvements sociaux ont duré trois ans –, mais je pense que le franchissement de cette étape est une source de satisfaction pour le STIF.

Le 5 décembre 2011, le Président de la République a demandé que les trois opérateurs publics – RATP, SNCF et RFF – approfondissent l’idée d’une structure de pilotage unique, dans le respect des compétences de chacun. « La RATP et la SNCF proposent à présent de placer l’exploitation de la ligne B sous l’autorité d’une seule équipe commune. C’est une orientation que je ne peux que valider », a-t-il ajouté. Le 9 février, avec Guillaume Pepy, nous allons donc lancer un groupe de travail mixte pour tenter de passer d’une exploitation partagée à une exploitation commune, qui devra apporter des solutions à court terme, d’abord, pour fiabiliser l’information voyageurs, ensuite, pour réduire les délais de traitement des incidents. Nous avons l’idée d’instituer un pilotage technique commun de la ligne, et probablement une gouvernance nouvelle. Naturellement, ce projet prendra tout son intérêt lorsque RFF aura achevé ses travaux au nord, consistant à construire des voies dédiées à la ligne B jusqu’à Charles-de-Gaulle et Mitry.

Il y a urgence, car les circulations sont très nombreuses dans ce secteur. Or c’est RFF qui contrôle le robinet de la ligne B, à savoir l’aiguillage qui se trouve, sur le territoire de la RATP, à la station Gare-du-Nord, et qui permet de choisir entre l’injection de trains de la ligne D et l’injection de trains de la ligne B du RER. Le paradoxe du système actuel, c’est que ni la RATP ni la SNCF ne maîtrisent la circulation de leurs propres trains.

En outre, le passage prévu de 8 à 12 trains à l’heure sur la ligne D, alors que la SNCF vient de mettre en place le cadencement, qui n’est pas nécessairement compatible techniquement avec une circulation à l’intervalle, crée potentiellement un risque supplémentaire pour la fiabilité et la régularité de la ligne B. La seule solution, malheureusement longue et coûteuse, serait de doubler le tunnel central pour que chaque ligne ait son tronçon réservé. Cela suppose toutefois des investissements massifs qui n’ont pas été programmés, notamment dans le cadre du Grand Paris.

Il existe donc une contradiction technique : sur les 20 kilomètres du corps central de la ligne A, on a une gestion du type métro, avec une très forte fréquentation – on y transporte davantage de voyageurs que sur les 160 kilomètres de la ligne D – et une circulation à l’intervalle ; en revanche, sur les branches – qu’elles soient RATP ou SNCF –, on doit tenir un engagement sur les horaires. Tant que cette contradiction technique ne sera pas résolue, on rencontrera des problèmes, puisque l’on a choisi de perdre en élasticité pour amortir la charge. Dans le cadre des schémas directeurs de l’Île-de-France, il conviendrait de réfléchir à la possibilité de s’engager sur une durée d’attente sur le quai, et non sur un passage des trains à horaire fixe. En d’autres termes, il faudrait faire du métro partout. Cela demandera du temps et du travail, mais c’est à ce prix que nous pourrons réduire la tension sur les lignes A et B du RER.

M. Pierre Morange, rapporteurJe souhaiterais avoir votre sentiment sur les remarques faites par les représentants des usagers et des syndicats de salariés lors des tables rondes que nous avons organisées la semaine dernière, ainsi que sur les observations formulées par la Cour des Comptes dans son rapport de novembre 2010.

Il fut notamment question de la mesure de la qualité de service, les paramètres retenus ne donnant pas toujours un reflet fidèle de la réalité : sous pondération des critères de régularité et de ponctualité, insuffisance du système de bonus-malus et non-enregistrement de certains défauts de prestations. Il paraît en outre nécessaire que ces informations soient diffusées par l’intermédiaire de baromètres mensuels, destinés tant aux usagers qu’aux autorités.

Vous avez évoqué la nécessité d’aboutir à un pilotage commun et à une gouvernance nouvelle des lignes A et B. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces déclarations d’intention et de l’annonce de la création d’un groupe de travail sur le sujet, mais il serait bon de définir l’échéancier précis – avec des engagements écrits de la part des deux opérateurs – du projet visant à établir ce pilotage commun, voire, comme le préconisait la Cour des Comptes, à donner une délégation à tel transporteur en vue d’un pilotage unique des deux lignes, afin que l’on puisse remédier aux dysfonctionnements observés sans attendre la création des voies dédiées à la ligne B par RFF.

La Cour des Comptes recommandait également d’améliorer la qualité de l’information, en particulier la lisibilité des documents comptables, afin de procurer une meilleure connaissance du coût et des performances du réseau actuel, ainsi que d’affiner les analyses socio-économiques produites dans le cadre des plans d’investissement.

Ces remarques conduisaient la Cour à des préconisations concernant le renouvellement du matériel existant et l’amélioration du réseau actuel. Nous nous réjouissons que cela fasse partie de vos priorités, car le quotidien des Franciliens ne peut continuer à se dégrader dans l’attente de l’échéance de 2020-2025.

S’agissant de l’interopérabilité de la ligne B et de la mise en place du CUB, le projet est certes validé, mais où en est-on de sa mise en œuvre ? Lors des précédentes auditions, nombre d’interventions ont évoqué la nécessité d’une standardisation des normes et d’une formation commune afin de surmonter les différences de culture entre les deux établissements publics de transport, et de renforcer ainsi leur efficience.

M. François Lamy. On sait que le doublement du tunnel entre les stations Châtelet et Gare-du-Nord est la solution pour les 20 prochaines années. Il s’agit, vous l’avez dit, d’un projet coûteux ; suivant les interlocuteurs, les estimations varient de 500 millions à 1 milliard d’euros. Quel en est le montant exact ? Quel serait le calendrier de sa mise en œuvre ?

Ce qui exaspère les gens au quotidien, c’est non seulement que les trains soient en retard, mais surtout qu’on ne sache pas pourquoi. Lorsque les dysfonctionnements sont dus à des conflits sociaux ou à des incidents d’exploitation, il n’existe pas de système d’indemnisation automatique de l’usager. Avez-vous engagé une réflexion avec le STIF sur ce sujet ?

M. Patrice Calméjane. Lorsque nous les avons auditionnés la semaine dernière, les personnels de votre société nous ont signalé l’existence sur le tronçon central de la ligne A du RER d’un système d’aide à la conduite, à l’exploitation et à la maintenance, le système SACEM ; ils ont ajouté que leur hiérarchie refusait que les tronçons de l’est francilien en soient dotés, alors que, selon eux, cela permettrait d’augmenter la fréquence des trains, donc d’améliorer le service rendu aux usagers. Pourquoi ce refus ?

Avez-vous engagé une réflexion sur la manière dont on pourrait éviter les fraudes et les fausses alarmes ? Par ailleurs, les représentants syndicaux ont indiqué que l’on enregistrait entre 30 et 45 suicides par an, et que la procédure d’évacuation des corps était de plus en plus lourde : la voie doit désormais être fermée durant 3 à 4 heures, au lieu d’une heure auparavant.

Aéroports de Paris (ADP) fait état de 88 millions de passagers sur les plateformes d’Orly et de Roissy. Imaginez un touriste chinois bloqué pendant un long moment dans un train : comment s’étonner qu’on le retrouve sur la voie ? Comment faire pour améliorer l’information à destination des étrangers ? Projetez-vous de renforcer la desserte des plateformes aéroportuaires ? Des reports en surface pourraient être intéressants, mais les plans de bus sont si difficiles à lire…

M. Axel Poniatowski. L’investissement d’un  milliard d’euros pour la modernisation des lignes de RER prévu dans le cadre du plan de relance est-il inclus dans les 2 milliards dédiés à la modernisation et au renouvellement des rames ?

Vous affirmez votre optimiste à l’horizon 2020-2025 sur « la bouffée d’air » qu’apporteront les projets du Grand Paris et d’Eole. Cela est probablement  vrai pour Paris et la Petite couronne ; mais qu’en est-il de la Grande couronne ? Que préconisez-vous pour améliorer sa desserte ?

Qu’en est-il de la propreté dans le RER ? Quel est le programme de nettoyage des rames ? Est-il vrai, comme l’a affirmé un responsable, qu’elles ne sont nettoyées qu’une fois par mois ?

M. Yanick Paternotte. L’incident survenu sur la ligne A a beaucoup troublé l’opinion. Qu’une rame dépende entièrement de l’alimentation filaire, sans aucun système d’autonomie, paraît pour le moins surprenant !

Le RER a été lancé à une époque où il y avait beaucoup moins de voyageurs ; sa survie prouve sa pertinence, mais, au vu de votre expérience, n’avez-vous pas l’impression que l’on arrive au bout de l’exercice ? Une ligne de 100 kilomètres de long n’est-elle pas un élément de fragilité, du fait des « effets papillon » ? Au lieu d’investir 2 milliards pour doubler le tunnel entre Châtelet et Gare-du-Nord, ne serait-il pas préférable de concevoir des lignes autonomes et des plateformes d’échange ? La politique des années 1970 n’est-elle pas à revoir, d’autant plus que le Grand Paris Express va interconnecter les lignes de RER entre elles, et que l’on pourra enfin circuler de banlieue à banlieue sans passer par Paris ? En outre, le RER n’est plus « express » dans la mesure où, pour fiabiliser l’exploitation, on a décidé de faire s’arrêter les trains dans toutes les gares, et de remplacer les semi directs par des omnibus.

Quelles sont les principales causes de retard : les troubles sociaux, le matériel, l’infrastructure, les suicides, les alarmes ? Ne faudrait-il pas, dans certains lieux, installer des portes palières et développer l’automatisation des lignes ?

Pendant longtemps, sur la ligne B, il fallait changer de train à la station Gare-du-Nord en raison d’une différence de voltage. Les conducteurs n’avaient ni les mêmes régimes sociaux, ni le même nombre d’heures de repos suivant qu’ils étaient à la RATP ou à la SNCF. Ne vaudrait-il pas mieux qu’un seul opérateur s’occupe de la ligne A, et l’autre de la ligne B ?

Qu’apportera le nouveau matériel en termes de fiabilité et de régularité ?

Comme c’était prévisible, Vinci a décidé de se retirer du projet Charles-de-Gaulle Express. Vous avez, paraît-il, une solution de remplacement ; pouvez-vous nous donner des informations sur ce projet ?

Mme Cécile Dumoulin. À Mantes-la-Jolie, dont je suis l’élue, seuls des trains circulent, avec de gros problèmes de régularité. Nous espérons que le prolongement de la ligne E du RER améliorera les choses. On parle depuis très longtemps de ce projet. Le débat public a commencé et les perspectives se concrétisent enfin. En considérant l’importance des travaux, pouvez-vous nous assurer que les échéances annoncées – 2017 pour La Défense, 2020 pour Saint-Lazare – seront respectées ?

M. Henri Plagnol. Maire de Saint-Maur, je souscris à votre analyse sur la ligne A du RER : tant que l’on continuera à implanter les logements à l’est et les emplois à l’ouest, on sera confronté à un problème de fond. Il serait grand temps de raisonner, dans les documents d’urbanisme et autres stratégies de planification, en termes d’habitats et d’emplois.

Les nouvelles rames procureront-elles un gain de 30 ou de 50 % – les deux chiffres sont mentionnés ? Serait-il concevable d’accélérer le rythme de livraison, étant entendu qu’il s’agit du seul facteur d’ajustement dont on disposera dans les dix prochaines années ?

Il convient en outre d’étudier le prolongement le réseau en surface, avec les bus et les « mini-rames », parfois peu appropriées. Il est difficile d’aborder la question avec la RATP. Avez-vous engagé une réflexion sur le sujet ?

M. Gérard Gaudron. Pensez-vous vraiment que l’allongement des trains permettra d’éviter la saturation de la ligne A ?

Où en est le projet du RER B Nord + ?

Comment la desserte de Roissy s’intègre-t-elle dans votre schéma ? Quels sont vos projets en la matière ?

M. le président Daniel Goldberg. S’agissant des retards aux heures de pointe, êtes-vous en mesure de préciser ce qui relève de causes internes, comme la saturation du trafic et le nombre de voyageurs, et ce qui relève de causes externes comme les actes de malveillance, les accidents de voyageurs ?

À la station La Courneuve-Aubervilliers, le 14 décembre, il y a eu une interruption de service entre 9 h 44 et 10 h 29 sans qu’aucune information ne soit donnée aux voyageurs. C’est incompréhensible ! Quelle est votre pratique en matière de suppression de missions ?

Disposez-vous de données précises sur la « non-relève » des conducteurs et l’interopérabilité sur la ligne B ? Vous avez annoncé la création d’un groupe de travail sur une gestion non plus partagée  mais commune, alors que le projet de poste de commandement unique de la ligne B date de plusieurs années. Pourquoi le CUB n’a-t-il pas été mis en place ?

La mise en service des rames à double niveau sur la ligne A permettra d’accroître le nombre de voyageurs, mais a-t-on pris en considération les autres paramètres, comme la vitesse de démarrage et de freinage ou l’adaptation aux quais des gares ? Avez-vous prévu un programme d’investissement en la matière ?

M. François Pupponi. Que vont devenir les rames circulant actuellement sur la ligne A ? Vu leur état, est-il judicieux de les réutiliser ?

En cas de retard sur le RER, il n’existe aucune coordination avec le réseau de bus. Il arrive même que le dernier bus soit parti et qu’on soit obligé de rentrer à pied. Serait-il possible de coordonner l’ensemble des moyens de transport ?

Dans le cadre du Grand Paris, on annonce la construction de 70 000 logements par an, dans des lieux non desservis encore par le RER. Comment le réseau actuel pourra-t-il s’adapter ?

M. Guy Malherbe. Un spécialiste nous disait qu’1% seulement des voyageurs parcouraient la ligne B de bout en bout : la plupart s’arrêtent dans Paris. Dans ces conditions, le doublement du tunnel central est-il vraiment une priorité ? Ne faudrait-il pas plutôt prévoir un arrêt à l’entrée de Paris, avec des navettes circulant à l’intérieur, étant entendu que sur des lignes très longues, le moindre incident crée des perturbations sur 100 à 150 kilomètres.

Combien de rames sont-elles en circulation sur la ligne B, et combien y en a-t-il en réserve en cas de panne ? De quels crédits disposez-vous pour la maintenance ? Quel est le rythme des visites de contrôle ?

M. Jean-Marie Le Guen. Le doublement du tunnel des lignes B et D dans le centre de Paris n’est toujours pas inclus dans les perspectives financières, pourtant extrêmement ambitieuses, concernant les transports en Île-de-France. Est-il vraiment raisonnable d’investir dans de nouveaux espaces, alors que vous êtes dans l’incapacité d’assurer un fonctionnement à peu près normal des deux lignes de RER en raison de l’absence de ce tunnel, et que nous n’aurons vraisemblablement pas les moyens financiers d’en assumer le coût dans les 10 prochaines années ?

M. le rapporteur. En raison du temps qui nous est imparti, vous n’aurez probablement pas la possibilité de répondre de manière exhaustive à toutes les questions qui ont été posées – et qui ne constituent qu’une infime partie des interrogations soulevées par les auditions précédentes. C’est pourquoi je me permettrai de vous adresser un questionnaire écrit, afin que vous puissiez nous transmettre des réponses chiffrées, ainsi que nous donner votre avis sur un certain nombre de mesures « pratico-pratiques » susceptibles d’améliorer de façon concrète le quotidien, comme l’électrification des aiguillages, le retournement des trains aux terminus ou la verbalisation pour utilisation abusive du signal d’alarme. Je souhaiterais également un calendrier de mise en œuvre, car il importe qu’avant l’échéance annoncée de 2020-2025, on puisse fournir des réponses concrètes à nos concitoyens. Je précise que ces informations seront mises en ligne.

M. Pierre Mongin. Monsieur le rapporteur, je suis à votre entière disposition. De fait, les parlementaires ont évoqué de nombreux sujets, tous extrêmement importants. Je vais m’efforcer de répondre à leurs interrogations. Soyez en tout cas assurés que notre préoccupation essentielle est de faire face à la situation dans l’attente de l’échéance de 2020-2025, et que nous autres exploitants sommes totalement mobilisés sur les aspects « pratico-pratiques » – pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur.

L’évaluation de la qualité de service est un point crucial du contrat que nous avons conclu, pour la première fois depuis la décentralisation des transports en Ile-de-France, avec le président Jean-Paul Huchon. Nous disposons dans ce domaine de deux indicateurs principaux.

L’indicateur de production correspond à un engagement contractuel défini a priori sur la base de conditions d’exploitation optimales ; si nous n’atteignons pas ces objectifs, nous avons une sanction. Globalement, sur l’ensemble du RER, nous avons subi des pénalités à hauteur de 4 millions d’euros, que nous devons payer au STIF.

L’indicateur de régularité évalue le pourcentage de voyageurs arrivés à destination avec un retard de moins de 5 minutes. La mesure est faite de manière automatique par chacune des entreprises. C’est sur cette base que j’ai annoncé la stabilisation du taux de régularité à 86% pour la ligne A et à 85% pour la ligne B – un résultat qui, je le répète, est loin d’être satisfaisant.

J’ai accepté, il y a deux ans, que l’on modifie cet indicateur, et que l’on cesse de défalquer du résultat de chaque exploitant les conséquences des retards dans le territoire de l’autre. Si cette opération permettait de mesurer la responsabilité propre de chaque exploitant, elle n’avait guère d’intérêt pour les voyageurs, qui se moquent de savoir si l’incident a lieu dans le territoire de la SNCF ou dans celui de la RATP. On a donc conçu un indicateur de coresponsabilité, qui continue toutefois d’être calculé indépendamment par chaque exploitant. Dans le cadre de la contractualisation avec le STIF, je compte m’engager sur une progression de cet indicateur.

Le STIF m’a en outre demandé de mettre en place un troisième indicateur ; j’en ai accepté le principe. Il s’agit d’un indicateur associant la production et la régularité, visant à déterminer le nombre de trains que nous sommes capables de faire circuler sur chacune des lignes de RER aux heures de pointe. J’ai accepté de prendre un risque financier pour mon entreprise en m’engageant sur cet indicateur, espérant que je pourrais ainsi mieux mobiliser mes troupes sur le renforcement de la qualité de service.

M. le rapporteur. À quelle hauteur avez-vous pris ce risque ?

M. Pierre Mongin. La négociation n’est pas achevée. Par rapport à l’heure de pointe, nous raisonnons sur la base d’un intervalle de trois heures le matin et de deux ou trois heures le soir, et nous évaluons avec le STIF un nombre réaliste de trains à atteindre durant cet intervalle. Le chiffre précis n’a pas encore été fixé.

M. le rapporteur. Quelle sera l’éventuelle pénalité financière ?

M. Pierre Mongin. Je le répète, la négociation n’est pas encore achevée, mais la pénalité financière sera importante, de l’ordre de plusieurs millions d’euros par an.

M. le rapporteur. Le sujet avait été évoqué par la Cour des comptes.

M. Pierre Mongin. En effet, et j’en admets l’importance.

S’agissant de la diffusion de l’information, c’est au STIF de communiquer sur les prestations qu’il exige et sur la qualité de notre service. À mon sens, il mène dans ce domaine une politique de grande transparence, qui aboutit même parfois à la publication d’articles un peu compliqués.

Vous souhaitez connaître l’échéancier des opérations prévues sur la ligne B, au-delà de la mise en place en février du groupe de travail avec la SNCF. Pour être honnête, il convient de rappeler qu’il n’était inscrit dans aucun projet ni aucun schéma directeur qu’on irait plus loin que l’interopérabilité de la ligne B. Beaucoup pensaient que celle-ci était la solution à tous nos problèmes ; c’était évidemment une erreur. Selon moi, il s’agissait toutefois d’une étape nécessaire, qui va nous permettre d’aller plus loin. C’est ce à quoi nous allons, avec Guillaume Pepy, nous atteler.

Notre objectif est de passer à terme à une gestion complètement unifiée, avec un responsable unique de tous les indicateurs de qualité et de la fiabilité de l’information aux voyageurs ; cette fonction reviendrait, par alternance, à l’une et l’autre de nos entreprises. Cela nécessitera des efforts managériaux et organisationnels gigantesques.

Au nord, il existe actuellement trois centres de commandement : le centre RFF chargé de la gestion de l’énergie électrique, le centre opérationnel RFF chargé de la régulation des trains – c’est lui qui contrôle l’aiguillage à la station Gare-du-Nord –, et le centre opérationnel Transilien chargé de l’information voyageur et de la gestion des moyens humains et des matériels roulants. À la RATP, c’est plus simple : nous n’avons qu’un seul centre de commandement, le PCC de Denfert-Rochereau, qui dispose de toutes les informations, détient tous les pouvoirs et prend toutes les décisions. Lorsqu’on a mis en œuvre l’interopérabilité, j’ai demandé à la SNCF qu’elle désigne au moins un agent pour assurer le relais téléphonique avec tous les centres de commandement de la zone nord. À terme, je pense que l’unification de la ligne, qui passe par la réalisation d’une voie dédiée – qui est en cours et qui se poursuivra en 2013 –, devrait aboutir au pilotage unique. Il faut que nous fassions converger les différents programmes de rénovation ; je pense qu’à la fin 2013, nous devrions aboutir à une réelle unification, du point de vue du voyageur, de la ligne B.

La qualité des documents comptables ne fait pas problème, dans la mesure où l’essentiel de l’activité de la RATP se situe en Île-de-France. Le milliard et demi d’investissements annoncés concernent la seule région, et ils ont bien été effectifs. Je rappelle qu’en 2006, nos investissements étaient de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros par an. La « bosse » actuelle est également due au plan de relance. En premier lieu, l’État nous a apportés, pour la première fois, un financement dédié au renouvellement du matériel roulant sur la ligne A, à hauteur de 150 millions d’euros. Ensuite, nous avons pensé que c’était l’occasion d’accélérer le rythme des investissements qui nous apparaissent comme indispensables pour les 10 ou 15 années qui nous restent à tenir. Nous menons donc notre programme d’investissements à un train d’enfer. Cette année, j’ai fait voter un budget qui prévoit 1,8 milliard d’euros d’investissements destinés à moderniser les réseaux de l’Île-de-France. Le RER occupe une place considérable dans ce programme, avec la rénovation du matériel roulant, les travaux d’infrastructure et l’ouverture de lignes nouvelles.

L’année 2012 sera une année exceptionnelle pour le transport francilien : nous nous ouvrirons enfin à la Grande couronne, avec la mise en place d’un nouveau réseau de tramways. À l’hiver 2013, une nouvelle ligne reliera Saint-Denis à Sarcelles ; une autre partira en direction des Yvelines, et desservira successivement Châtillon, Vélizy-Villacoublay et Viroflay ; au nord, la ligne T2 sera prolongée jusqu’à Bezons, dans le Val-d’Oise. Avec ce réseau, conçu par la STIF et sur lequel la RATP est maître d’ouvrage, nous allons changer complètement la donne dans la relation entre la Grande et la Petite couronne. J’ignore si ce sera suffisant, mais il n’empêche que les choses avancent.

Les retards ont à peu près toujours les mêmes causes. Pour la ligne A, ils sont dus pour 13% au matériel roulant, pour 5% aux infrastructures – ce chiffre étant en baisse grâce aux efforts menés en matière de prévention –, pour 38% à des incidents d’exploitation et pour 44 % à des facteurs externes, comme la découverte d’un colis suspect, le malaise d’un voyageur, l’actionnement du frein de secours, la traversée d’une voie, le vol ou la dégradation de matériel.

Vous avez raison, monsieur le président : il faut qu’avec Guillaume Pepy, nous améliorions et homogénéisions l’information aux voyageurs. J’ai pour ma part lancé dans toutes les grandes stations de métro et gares RER de la RATP un vaste programme d’information aux voyageurs, diffusé par l’intermédiaire d’écrans, qui intègre les données de la SNCF ; ce projet, appelé « Image », représente un investissement de plus de 100 millions d’euros. Nous intervenons aussi auprès des conducteurs de trains afin d’améliorer l’information à bord – ce qui n’était pas la tradition à la RATP. Toutefois, cela suppose que l’information soit fiable ; d’où l’importance du CUB.

Le doublement du tunnel entre les stations Châtelet et Gare-du-Nord, soit sur une distance de 1,4 kilomètre, coûterait plus d’1 milliard d’euros. Les études sont en cours ; RFF en est chargé. Nous attendons les résultats.

Pourra-t-on s’en passer ? À terme, je ne le pense pas. Il reste que le projet de prolongement de la ligne 14 devrait aboutir bientôt. L’enquête publique sur le prolongement de la ligne entre les stations Saint-Lazare et Saint-Ouen est ouverte depuis hier ; la ligne reliera ensuite Saint-Denis, au nord, et Orly, au sud. Elle constituera un deuxième axe nord-sud, qui viendra soulager la ligne B dès lors qu’on aura augmenté la capacité des trains, en passant de 6 à 8 voitures – la décision de principe a été prise avec le STIF. Les discussions sont en cours, et cela se présente plutôt bien sur le plan financier. Le projet se concrétisera à assez court terme, puisque la desserte de Saint-Ouen est prévue pour 2017. Ces dossiers progressent à des vitesses jamais atteintes par le passé.

M. Jean-Marie Le Guen. Sur sa partie centrale, la ligne 14 est déjà saturée. De quelles marges de progression disposez-vous ?

M. Pierre Mongin. Comme je l’ai dit, nous avons programmé avec le STIF un allongement des trains de 6 à 8 voitures.

Monsieur Calméjane, le SACEM est un système inventé par la RATP, qui est un décalque du système d’exploitation du métro appliqué au RER. Faut-il l’étendre aux branches ? Tout dépend du mode d’exploitation : dans le cadre d’un engagement sur l’horaire, cela ne servirait à rien ; si, en revanche, nous décidons un jour de passer sur la totalité du réseau à un engagement sur l’intervalle, il faudra le faire. Nous sommes en train d’étudier cette hypothèse avec le STIF.

S’agissant des fraudes et des fausses alarmes, il faut en effet renforcer les sanctions. Sur les nouvelles rames MI 09 de la ligne A, l’image de la personne qui tire le signal d’alarme sera enregistrée par une caméra ; le conducteur visionnera la séquence et aura la possibilité de réarmer le signal d’alarme à distance, depuis sa cabine, sans perdre de temps.

M. le rapporteur. Un participant à une table ronde estimait que les MI 09 étaient inadaptées aux normes ferroviaires actuelles et technologiquement dépassées. Êtes-vous d’accord ?

M. Pierre Mongin. Absolument pas ; d’ailleurs, ce train est très apprécié des clients, et son confort est formidable. En revanche, il a fallu investir quelque 100 millions d’euros dans l’infrastructure, les ateliers et l’électricité pour pouvoir l’accueillir sur le réseau.

Le gain de capacité sera de 50% par rapport aux trains retirés de la circulation, les MI 84. Il serait de 30% si nous décidions de remplacer tous les trains, dans la mesure où les rames de deuxième génération, les MS 61, ont une capacité plus grande que les MI 84.

Après avoir été modernisés et rafraîchis, les MI 84 seront, pour une partie, transférés sur la ligne B, où l’on manque de trains, et, pour l’autre partie, transformés et affectés à la desserte de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Chaque année, 20 millions de personnes arrivent ou partent de Charles-de-Gaulle en transitant par Paris ou sa région. Or on ne dispose pas de moyens de transport adaptés. À la demande de l’État, la RATP, la SNCF, RFF et Aéroports de Paris se sont associés pour étudier une solution de desserte point à point, qui exclut pour l’instant une arrivée à la station Gare-du-Nord, aujourd’hui saturée, mais qui utiliserait une dérivation – à construire – vers la station Gare-de-l’Est ; cela permettrait de remplacer le projet de partenariat public privé qui n’a pu aboutir. Il convient de faire vite : dès que nos quatre établissements se seront mis d’accord sur les aspects techniques, il faut que l’État nous aide et que le projet soit mis en œuvre dans un délai de trois ans. L’opportunité d’utiliser une partie des trains MI 84, en modifiant leur agencement intérieur et en les dotant d’espaces pour les bagages, rendra possible une liaison directe entre Paris et Charles-de-Gaulle à raison d’un train tous les quarts d’heure.

Nous sommes très favorables au projet Eole, qui permettra à la fois d’assurer la desserte du Mantois et de soulager la ligne A, et qui doit aboutir vers 2020. Il convient de veiller à ce que ces délais soient tenus. Nous entrons dans une période extrêmement difficile pour les finances publiques. Un certain nombre de financements du Grand Paris ont été sanctuarisés par un système de taxes affectées et par la création d’un établissement public autonome échappant à toute régulation budgétaire de la part de l’État. Face à la nécessité absolue de résoudre les problèmes de mobilité en Île-de-France, il ne faut pas baisser la garde, car tout délai supplémentaire sera autant de souffrances et de sacrifices imposés aux Franciliens. En outre, ces investissements contribuent de manière importante au soutien de l’activité économique : lorsque la RATP investit 1,8 milliard d’euros, ce sont des milliers de PME et d’entreprises françaises qui se voient soutenues dans une période difficile.

Monsieur Paternotte, les bienfaits de l’automatisation ont été démontrés. Nous sommes d’ailleurs en train de procéder à l’automatisation de la ligne 1, qui accueille 720 000 voyageurs par jour, sans en stopper le fonctionnement. Je pense que les lignes à fort trafic pourraient bénéficier à terme de l’automatisation, mais il convient de procéder par étapes. Quant au RER, il n’est pas, à l’horizon 2020, destiné à recevoir ce système. En revanche, on peut envisager le renouvellement des systèmes d’exploitation : ainsi, on pourrait étendre le système SACEM aux branches ; de même, il faudrait, d’ici à dix ans, lorsque les voies dédiées auront été achevées, unifier les systèmes d’exploitation de la ligne B entre la zone RATP et la zone nord. Nous travaillons actuellement, en partenariat avec la SNCF et RFF, à la conception du nouveau système d’exploitation du RER E, qui sera très proche de celui utilisé par la RATP sur le métro. Ce système, appelé « NExT », pourrait être également utilisé sur la ligne B. Il se posera alors, c’est-à-dire dans un délai de dix ans, la question du remplacement du matériel roulant sur la ligne B.

Lorsque les bus sont exploités par la RATP, nous avons pris en considération la nécessité, non seulement de veiller à ce que les voyageurs puissent prendre le dernier bus, mais de renforcer la coordination entre les différents moyens de transport : en cas d’incident, nous renforçons les lignes, au besoin en faisant appel à des sous-traitants privés. La RATP possède désormais la culture de l’intermodalité.

En revanche, lorsque les bus sont exploités par des entreprises privées, comme dans le Val-d’Oise, la coordination avec les trains ne relève pas de notre compétence, mais de celle du STIF. Je reconnais que le traitement de la question est encore lacunaire.

Les rames de réserve représentent moins de 10% du parc, en raison d’un niveau de maintenance exceptionnel, notamment par rapport au reste de l’Europe. La RATP est le premier employeur manufacturier d’Île-de-France : les 10 000 « cols bleus » qui travaillent dans nos ateliers, dont plus de 3000 pour le matériel ferré, permettent de suppléer un parc de réserve, qui consommerait à la fois trop d’espace et de capital. Je pense qu’un bon équilibre a été trouvé.

Les révisions techniques des rames ont lieu toutes les deux ou trois semaines ; s’y ajoutent de grandes visites de contrôle. Les nouveaux trains requerront une maintenance plus légère et leur fiabilité sera bien supérieure.

Cela fait plusieurs fois qu’on me signale des problèmes de nettoyage de l’extérieur des trains sur la branche de Cergy. Nous allons étudier la question avec Guillaume Pepy ; il semblerait qu’il manque une machine à laver.

À l’intérieur, les rames sont nettoyées toutes les nuits. Je reconnais qu’en cas de salissure au cours de la journée, il est difficile d’y remédier. On peut faire appel à des équipes d’urgence, mais c’est compliqué, dans la mesure où le train ne s’arrête jamais. Toutefois, les trains neufs et les trains rénovés de la ligne B appellent le respect ; c’est un phénomène bien connu des élus locaux : plus un équipement est beau, plus il est respecté. Quoi qu’il en soit, les sommes consacrées à la propreté sont considérables : nous dépensons 70 millions d’euros en main-d’œuvre par an pour nettoyer nos trains et nos espaces !

À la RATP, lorsqu’il y a un problème de régularité, loin de supprimer des missions, nous en ajoutons de nouvelles, c’est-à-dire que nous desservons des gares qui ne devraient pas l’être, de manière à réguler la ligne et à ramasser sur les quais les voyageurs qui s’y sont accumulés ; en effet, comme nous intervenons sur des sillons embouteillés, nous ne pouvons pas, contrairement à la SNCF, mettre en circulation des trains directs qui doubleront les autres. Il est vrai que les omnibus sont plus lents et que, lorsqu’on est loin, on préfère emprunter un train direct ; d’un autre côté, il peut sembler inadmissible qu’un train traverse une gare sans s’arrêter. Il faut trouver le juste équilibre. C’est pourquoi, en liaison avec le STIF, nous ajustons notre service à la fréquentation constatée.

S’agissant de l’exploitation, comme je l’ai dit, nous avons perdu toute marge de manœuvre et sommes en tension constante. Le seul moyen de regagner un peu de souplesse serait de disposer de points de retournement supplémentaires. Pour le coup, il s’agirait d’investissements peu ruineux – de 30 à 40 millions d’euros. Par exemple, il serait urgent de créer un point de retournement à la station Denfert-Rochereau, sur la ligne B ; il en faudrait également un à la Gare-de-Lyon. Cela suppose d’étudier la possibilité de réaliser des tunnels supplémentaires ou des espaces pour tourner dans Paris. Techniquement, c’est très compliqué.

Madame Dumoulin, la RATP n’est pas impliquée dans Eole, qui est un projet commun de RFF et de la SNCF. Néanmoins, nous sommes chargés par la Société du Grand Paris de coordonner les études souterraines sous La Défense – ce qui, en raison de la densité des ouvrages d’art existants, impose des arbitrages complexes.

De même, on peut imaginer qu’avant de doubler le tunnel du tronçon central de la ligne B, on le double seulement sur la section où arrive la ligne D. Là aussi, il convient d’étudier comment insérer un tel projet dans le sous-sol.

Pour conclure, cette grande maison de la RATP, très attachée au service public et apaisée socialement, se mobilise dans toutes ses composantes – personnels des gares et des stations, ingénieurs de projets, personnels de maintenance et d’exploitation – afin de faciliter les transports quotidiens des Franciliens et d’améliorer le service rendu aux voyageurs. Je suis personnellement très attaché à l’humanisation du réseau, et je serai très vigilant, dans le prochain contrat avec le STIF, à ce que certains emplois ne soient pas supprimés. Ce sont aujourd’hui près de 11 millions de personnes qui empruntent chaque jour notre réseau, dont 2 millions qui utilisent les deux lignes de RER que nous cogérons. Nous sommes conscients que c’est sur ce point que nous devons faire le plus d’efforts en termes de qualité de service.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas répondu à la question sur la standardisation des procédures et la formation des personnels issus des deux transporteurs, RATP et SNCF. Par ailleurs, une réflexion plus approfondie est-elle en cours sur d’éventuelles conventions à établir entre les transporteurs et RFF, notamment en ce qui concerne la périphérie de Paris et l’articulation avec les autres modes de transport ?

M. Pierre Mongin. Le métier de la RATP est de gérer des canaux centraux : il s’agit de faire passer de nombreux trains « à la queue leu leu », aux heures de pointe, avec un système de sécurité qui permet d’optimiser l’intervalle. La SNCF n’a pas le même métier ; en conséquence, la réglementation, la sécurité, le travail des conducteurs sont différents. Ce qui se justifie dans le cadre de la mise en commun de la ligne B, où les deux entreprises apportent une contribution égale en matériel et en personnel, poserait d’énormes problèmes sur d’autres lignes, et je ne pense pas que le service public aurait à y gagner. En tout cas, cela demande réflexion.

Cela étant, nous ne sommes fermés à aucune suggestion, l’entreprise publique étant à la disposition de l’État, dans toutes ses composantes. Il serait d’ailleurs bon que le Parlement se prononce sur ce sujet – sur lequel, à titre personnel, j’adopterais une position très prudente.

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le président, je vous remercie.

La séance est levée à vingt heures.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mercredi 18 janvier 2012 à 17 heures

Présents. - M. Patrice Calméjane, Mme Cécile Dumoulin, M. Gérard Gaudron, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. François Lamy, M. Jean-Marie Le Guen, M. Guy Malherbe, M. Pierre Morange, M. Yanick Paternotte, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. François Pupponi, M. Yves Vandewalle

Excusés. - M. François Asensi, Mme Annick Lepetit