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Mercredi 25 janvier 2012

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Daniel Goldberg Président

– Audition conjointe de MM. Michel Teulet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF), Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye, Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy, et Michel Bisson, vice-président du SAN de Sénart, maire de Lieusaint

Commission d’enquête relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation
du réseau express régional d’Île-de-France

L’audition débute à dix-neuf heures dix.

M. le président Daniel Goldberg. Nous avons le plaisir de recevoir M. Michel Teulet, président de l'Association des maires d'Île-de-France (AMIF), maire de Gagny et conseiller général de Seine-Saint-Denis, accompagné de M. Stéphane Beaudet, vice-président de l’AMIF et de sa commission « Transports et Déplacements », maire de Courcouronnes, ainsi que MM. Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye, Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux, Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy, et Michel Bisson, vice-président du SAN de Sénart et maire de Lieusaint.

L'AMIF a pris le relais de l'Union des maires de l'agglomération parisienne (UMAP) en 1990. Aujourd'hui, elle rassemble plus de 80% des communes de la Petite et de la Grande couronne.

Nous venons d'auditionner MM. Huchon, Karoutchi et Kalfon, qui nous ont donné le point de vue de la région sur l'action du STIF. Nous recevrons demain la directrice générale du STIF, ainsi que le président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), à propos de la qualité du service offert aux usagers du RER par la RATP et la SNCF, dont nous avons auditionné les présidents la semaine dernière.

À en croire MM. Mongin et Pepy, si tout ne va pas mieux dans le meilleur des mondes, certains dysfonctionnements, notamment en matière de gouvernance, seraient en passe d'être résolus. Il me semble que les membres de la commission d'enquête partagent certains doutes à cet égard. C’est pourquoi, afin d’y voir clair, nous avons souhaité auditionner, outre le président de l’AMIF, des maires ou maires adjoints qui sont directement et plus particulièrement impliqués dans ces questions de transport régional.

Même si plusieurs des membres de la commission d'enquête sont également des maires adhérents de l'AMIF, je vous serais reconnaissant, monsieur le président, de bien vouloir nous présenter rapidement le rôle de cette structure en matière de politique de transport.

L'AMIF a rendu en décembre 2010, sur les projets de réseau de transport public du Grand Paris, un avis dans lequel elle semble craindre un épuisement des capacités d'investissement, lequel serait préjudiciable à la réalisation des objectifs fixés.

Nombre d’élus franciliens ont demandé qu'une importance particulière soit accordée à la modernisation des infrastructures existantes, donc au réseau du RER. Ils sont nombreux, en effet, à redouter que les solutions proposées n’améliorent pas la vie quotidienne des usagers du RER au cours des dix prochaines années.

Enfin, force est de constater que la saturation des lignes de RER est en partie liée au déséquilibre géographique entre les zones d'habitation et les bassins d'emploi. À votre avis, quel rôle les collectivités territoriales peuvent-elles jouer en faveur de politiques d'aménagement du territoire concertées qui favoriseraient une répartition plus équitable des emplois et des logements entre les départements ?

Puisque nous sommes ici dans le cadre d’une commission d’enquête, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

MM. Michel Teulet, Stéphane Beaudet, Emmanuel Lamy, Patrice Pattée, Dominique Lefebvre et Michel Bisson prêtent successivement serment.

M. Michel Teulet, président de l’Association des maires d’Île-de-France (AMIF). L’AMIF est, non pas un organisme opérationnel, mais une association, qui rassemble la très grande majorité des maires d’Île-de-France, de grandes villes comme de petites communes. Quels que soient nos engagements politiques et nos implantations géographiques, nous essayons de réfléchir ensemble sur les projets de toutes dimensions qui touchent à la vie quotidienne des Franciliens.

Aujourd’hui, le transport est au cœur des préoccupations des maires. Au sein de l’AMIF, nous vivons au quotidien le projet du Grand Paris, dont l’épine dorsale est le réseau de métro automatique. Vous avez eu raison de souligner, monsieur le président, que, lorsque l’AMIF a été appelée à émettre un avis, elle n’a pas manqué de souhaiter que l’avenir ne soit pas sacrifié au présent, ni le présent à l’avenir. Nous avons demandé que le financement du réseau Grand Paris Express ne soit pas assuré au détriment du plan de mobilisation, autrement dit d’une réelle prise en compte des besoins des Franciliens.

La vision de l’AMIF n’est pas ponctuelle. Bien sûr, chacun des membres de notre commission des transports se préoccupe plus particulièrement de sa ville. Il reste que l’AMIF est une sorte de « caisse de résonance » pour l’ensemble des souhaits, des demandes et des réclamations.

Aujourd’hui, alors que la technologie a progressé, le temps de transport s’est allongé ! Les Franciliens installés depuis longtemps au même endroit voient effectivement le temps passé dans les transports s’allonger, qu’ils prennent la route ou les transports collectifs. Il n’est pas rare que le trajet pour se rendre à leur travail augmente d’un tiers le temps qu’ils consacrent à celui-ci. Dans ces conditions, la semaine de travail passe de 35 à 50 heures. C’est beaucoup trop !

Pour améliorer cette situation dans l’immédiat, un recensement exhaustif des dysfonctionnements s’impose. Quels que soient les efforts de la SNCF et de la RATP, il en existe bel et bien. Nous sommes encore loin du compte pour que les Franciliens voyagent dans des conditions satisfaisantes.

Pour autant, les améliorations au quotidien ne doivent pas s’effectuer sans lien avec le projet du Grand Paris. Pour éviter le renouvellement des erreurs passées, il nous faut développer une réflexion sur l’articulation du réseau de RER avec la nouvelle « double boucle » du Grand Paris, avec Arc Express et avec les nouveaux moyens de transport, sur la base de la situation telle qu’elle sera dans quinze ans.

Il faut aussi être attentif à la liaison entre les lieux du travail et de l’habitation. Si le nouveau réseau est de nature à la faciliter, il ne faut pas qu’il aboutisse à créer, d’une part, des plateformes de travail et, de l’autre, des plateformes d’habitation ; les moyens de transport ne servant alors qu’à relier les unes aux autres. Le but doit être, grâce aux moyens de transport actuels et futurs, de fabriquer des lieux de vie, autrement dit à la fois d’habitation, de commerce, de travail et de loisirs. Cet objectif du Grand Paris est encore à construire.

Au-delà des difficultés ligne par ligne, nous constatons des dysfonctionnements globaux. Ignorant qu’il n’a pas de compétence directe en matière de transport, nos administrés viennent se plaindre auprès de leur maire, qui peut donc avoir une bonne idée des récriminations et des attentes. Celles-ci portent sur la vétusté des équipements, notamment des voitures, mais aussi des moyens techniques, qui ne permettent pas d’organiser un cadencement satisfaisant donc de limiter les trop fréquents retards. Les usagers se plaignent aussi de la dimension que prend tout incident : la chute d’une personne sur la voie ferrée peut entraîner la paralysie d’une ligne pendant des heures. Des méthodes pourraient sans doute être étudiées pour améliorer la rapidité du traitement des incidents, même les plus graves. Il y a quelques jours encore, un arrêt sous un tunnel a entraîné le gel total du trafic d’une ligne pendant plus de deux heures et demie, des passagers étant descendus sur la voie.

Il faut aussi s’attaquer aux problèmes structurels. Je pense notamment au changement de conducteur lors du passage entre la partie RATP et la partie SNCF d’une ligne. Si ce point a récemment été résolu sur une ligne, où le conducteur reste désormais le même tout au long du parcours, tel n’est pas le cas partout. Or le moindre incident lié, par exemple, à un empêchement de dernière minute d’un conducteur provoque une accumulation de retards.

Les exemples que je viens de citer montrent que, même si les opérateurs peuvent indiquer être globalement sur la bonne voie, les dysfonctionnements restent très nombreux et les progrès à accomplir importants.

La disparité des taux de satisfaction reste également considérable. Alors que la satisfaction des usagers de la ligne E doit avoisiner les 95% – soit l’objectif contractuel –, d’autres lignes en sont toujours bien loin.

Le rôle de l’AMIF est justement de rassembler les opinions des uns et des autres, d’en débattre dans l’esprit constructif auquel notre pluralisme nous oblige, puis de faire valoir ces attentes des Franciliens dans les organismes de transport où elle est représentée.

M. Dominique Lefebvre, président de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise, maire de Cergy. Je commencerai par citer deux témoignages. Samedi dernier, lors d’une fête d’association, un habitant de Courdimanche travaillant presque à l’autre extrémité de la ligne A du RER m’a déclaré qu’il ne sait jamais à quelle heure il arrivera à son travail, la durée de son trajet pouvant aussi bien être d’une heure que d’une heure trente. Quant à eux, les habitants de Cergy-Pontoise m’expliquent qu’à l’interconnection de Nanterre, il est très facile de reconnaître les trains en direction de Cergy : ils sont sales à l’extérieur et bondés à l’intérieur ; un train sur cinq seulement se dirige vers Cergy, contre trois, plus propres et à moitié vides, vers Saint-Germain-en-Laye, le dernier allant à Poissy.

Cergy-Pontoise, ce sont 200 000 habitants, 100 000 emplois et 27 000 étudiants. La Confluence, qui inclut notamment Achères et Conflans-Sainte-Honorine, 375 000 habitants et 150 000 emplois. Or l’État souhaite, dans le cadre d’un contrat de territoire, en faire passer la population à 500 000 habitants en 2025, autrement dit réaliser en quinze ans ce qui n’a été réalisé que difficilement en quarante ans pour construire Cergy-Pontoise, dont la population est passée, pendant cette période, de 40 000 à 200 000 habitants. D’autre part, 54% de nos actifs travaillent à l’extérieur de l’agglomération et, inversement, 50% des emplois de Cergy concernent des gens qui viennent de l’extérieur. Si cette situation représente un bon équilibre pour la Grande couronne, elle indique bien que la question de l’emploi se joue dans les deux sens, et elle pose fondamentalement le problème de la qualité de vie de ceux qui trouvent à se loger à Cergy-Pontoise. Chaque année, en moyenne, nous créons 1 300 logements. Cette année, nous lançons la construction de 1 800. La territorialisation de l’offre de logements nous amènerait à en réaliser de 1 600 à 1 700 par an à Cergy-Pontoise et de 2 500 à 2 700 sur le territoire de la Confluence.

Nous devons aussi affronter la question de l’attractivité de notre territoire. L’un des motifs avancés par des entreprises pour justifier leur départ de Cergy-Pontoise est la difficulté pour leurs clients et pour leurs salariés, notamment cadres moyens et supérieurs, de se rendre dans notre ville, en raison de la saturation des réseaux routiers, notamment des autoroutes A 86 et A 15 – à quoi s’ajoute le non bouclage de la Francilienne. Cette saturation est notamment due aux incertitudes sur la régularité des transports en commun, à l’absence de confort et à la saturation des trains – celui de 7 h 52 est déjà rempli à 120% à Cergy-Préfecture, qui n’est que la troisième station de la ligne. Cette situation n’incite pas les gens à prendre le train ! Des chefs d’entreprise m’ont également déclaré, avant le début des travaux de rénovation des gares, qu’ils allaient chercher en taxi leurs clients étrangers arrivant à Paris, de peur de leur faire vivre l’ambiance à l’intérieur du RER et dans la gare de Cergy-Préfecture.

Si l’ensemble de la ligne A connaît des problèmes de qualité de service, de régularité et, probablement, de maintenance de l’infrastructure existante, je voudrais souligner les points particuliers qui concernent Cergy-Pontoise. Nous sommes soumis à une double ou triple peine : victimes de l’engorgement du tronçon central aux heures de pointe, nous devons aussi faire face à l’engorgement à Nanterre cependant que, du fait de l’insuffisance de l’infrastructure, entre Achères et Maisons-Laffitte – c’est le seul cas en Île-de-France –, il faut faire passer sur seulement deux voies la ligne A du RER, le Transilien, les lignes reliant Paris à la Normandie et enfin du fret jusqu’à Sartrouville !

La branche du RER A qui nous concerne est également la seule à être gérée, à partir de La Défense, par la SNCF. C’est donc celle-ci qui est notre interlocuteur alors que c’est la RATP qui met en place les lignes. Bien que les nouvelles rames, à deux étages, soient censées être affectées en priorité aux liaisons avec Cergy, j’ai pu constater moi-même qu’elles pouvaient l’être à la ligne de Saint-Germain-en-Laye.

J’ai aussi eu, au début des années 2000, avec les prédécesseurs de MM. Guillaume Pepy et Pierre Mongin les mêmes discussions qu’avec eux sur la desserte de Cergy-Pontoise. Celle-ci était alors de 12 trains par heure aux heures de pointe – répartis entre 6 RER et 6 Transilien, qui ne roulaient que de 7 à 9 heures le matin et de 17 à 19 heures le soir –, d’un train toutes les vingt minutes entre 9 heures et 17 heures, et enfin d’un train toutes les trente minutes le samedi et le dimanche. C’est grâce au STIF et à la région qu’à partir de 2007, il nous a été possible de profiter d’un train toutes les dix minutes en journée – ce qui est un bon rythme – et d’un train toutes les vingt minutes le samedi et le dimanche, ce qui reste en revanche insuffisant. Des difficultés subsistent aussi en soirée pour les actifs, notamment des cadres et ingénieurs, qui se trouvent à partir de 19 h confrontés à des cadences d’un train toutes les vingt minutes, voire toutes les demi-heures. De plus, pendant les vacances scolaires, le rythme d’un train toutes des dix minutes n’est plus respecté. Cette situation nuit à la fois aux conditions de vie de nos concitoyens et à l’attractivité de notre territoire.

La ville nouvelle de Cergy-Pontoise a pour origine un grand projet d’intérêt national. Au départ, elle devait se développer grâce à l’aérotrain. Or celui-ci n’a jamais été construit. De ce fait, depuis 1975, les transports sont en permanence en retard sur le développement urbain. Il m’a fallu conduire une action de lobbying, en m’appuyant sur un cabinet privé, pour obtenir des cadences plus que justifiées – un train toutes les dix minutes en journée et toutes les vingt minutes les week-end – auprès d’interlocuteurs qui, ne s’étant jamais intéressés à ce territoire. Ils restaient dubitatifs sur la légitimité de nos demandes. J’ai dû expliquer à M. Louis Gallois, alors président de la SNCF, que des étudiants vivaient à Cergy-Pontoise, qu’il nous fallait du trafic le dimanche après-midi et que l’augmentation des Transilien vers la Gare Saint-Lazare n’était pas une solution pour relier Cergy-Pontoise à Paris : ce qui est structurant, c’est le RER A.

Ce travail de lobbying nous a permis de mettre en évidence le déséquilibre de l’offre. Le bassin de population et d’emploi de Cergy-Pontoise est trois fois supérieur à celui de Poissy, pour un nombre de trains identique. La même remarque pourrait être faite pour les trains en direction de Saint-Germain. L’offre actuelle ne correspond pas à la réalité du nombre des habitants et des emplois. Un rattrapage s’impose !

Je ne comprends pas pourquoi l’interconnection de Nanterre n’est pas supprimée : quoi qu’en disent les anciens et actuels responsables de la SNCF et de la RATP, elle fait perdre au moins deux minutes à nos voyageurs. La maintenance aussi devrait pouvoir être améliorée. Si, d’ici à dix-huit mois, le remplacement de la totalité du matériel par des rames à double étage doit augmenter de 30% la capacité d’emport de passagers, nous restons confrontés à des difficultés lourdes. Malgré son schéma directeur, la ligne A est le réceptacle d’autres problèmes de structuration de l’offre dans l’Ouest francilien. Ils doivent également être pris en compte. Faute de réaliser les tangentielles Nord et Ouest, ainsi que la ligne nouvelle Paris-Normandie, indispensable pour libérer des sillons et pour permettre un jour de « débrancher » Roissy du RER, opération qui impose aussi la réalisation de la ligne Éole, il sera impossible d’accroître l’offre, comme l’exige pourtant l’importance des bassins d’emploi de Cergy-Pontoise et de la Confluence, surtout compte tenu des projets de développement qui les concernent.

C’est pourquoi, si je suis favorable aux projets à court terme, qui feront passer le nombre de places par train de 1 600 à 2 500 et celui des places assises de 400 à 900. Je dois pourtant constater qu’ils ne permettront même pas d’assurer le rattrapage nécessaire, alors que le développement de la ville continuera. Nous réalisons, je le répète, 1 300 logements par an ! La population de Cergy-Pontoise a crû de 5% par an en dix ans, et le trafic sur la ligne progresse de 10% par an.

Nous ne sommes pas opposés au Grand Paris Express ; les habitants de la Grande couronne ont besoin d’un système de transport qui fonctionne. La question était juste celle de la localisation des interconnections. Il reste que si les autres infrastructures que j’ai mentionnées ne sont pas réalisées, le RER A restera engorgé : nos habitants sont obligés de l’emprunter, même pour aller à Roissy. Or les infrastructures nécessaires ne seront pas réalisées avant dix ans. Et la saturation de la ligne A entraîne des dysfonctionnements importants au quotidien.

Pour conclure sur une note positive, je dois remarquer que, depuis quinze ans, et notamment avec le Transilien, nous avons fait avec la SNCF un excellent travail. Nous avons réglé les questions de l’accueil et de la sécurité dans les gares, que nous continuons à rénover.

De plus, lorsque le RER fonctionne et que ses trains sont à l’heure, sa rapidité et son caractère pratique sont sans comparaison avec ceux de la voiture. La vraie difficulté vient des surcharges aux heures de pointe et de l’irrégularité des horaires, notamment entre 16 heures et 18 heures 30. De plus, en cas de problème, aucune information n’est fournie. Les voyageurs sont laissés en déshérence, sans aucun renseignement sur la durée prévisible de l’incident et sans savoir vers quelle solution alternative ils pourraient se tourner.

Dans le cadre de mes fonctions professionnelles, j’avais été amené en 2005 à rédiger un rapport sur les transports de voyageurs, notamment en Île-de-France. Pour avoir vu fonctionner le système du temps du Syndicat des transports parisiens (STP), puis du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), avant et après la décentralisation, je ne peux que conclure, avec les élus, que le système fonctionne mieux aujourd’hui, même si c’est encore de manière imparfaite.

En revanche se pose la question du pouvoir effectif de l’autorité organisatrice. Face à la RATP, les effectifs du STIF font piètre figure : c’est un peu un jeu de dupes. J’avais moi-même exposé au président de la région, M. Jean-Paul Huchon, que régionaliser les transports dans des conditions où leur autorité organisatrice serait totalement dépendante de deux entreprises d’État – aux conseils d’administration desquelles la région ne peut siéger pour des raisons de réglementation européenne – était une décentralisation en « demi-trompe-l’œil ». Le STIF doit faire face aux décisions de l’État au sein des conseils d’administration des deux entreprises publiques ainsi qu’aux logiques qui leur sont propres –sachant qu’elles ne sont pas non plus d’accord sur les décisions à prendre concernant le RER A. Les deux entreprises souhaitent vraisemblablement nous imposer le maintien de deux opérateurs sur une ligne, ce qui n’est sans doute pas une solution.

M. Patrice Pattée, maire adjoint de Sceaux. Le RER est-il un système ou un service ? Je crains qu’aujourd’hui, il ne soit d’abord un système.

Ce système a été le moteur du développement de l’agglomération de l’Île-de-France. Le développement de ma ville au xixe siècle est dû à l’arrivée de la ligne de Sceaux – désormais ligne B –, qui a permis aux Parisiens de profiter de la verdure de sa colline. Marne-la-Vallée, Cergy ou La Défense n’existeraient pas sans le RER. Ce système a permis aux Franciliens de trouver un logement, quitte à ce que celui-ci ne soit pas à proximité immédiate de leur lieu de travail, ce qui les oblige à « avaler des kilomètres ».

Mais aujourd’hui, pour reprendre un article du quotidien Le Monde du 11 novembre dernier, ce système est au bord de l’implosion. Qui doit-on incriminer ? Bien sûr, d’abord l’évolution de la charge du réseau. L’étalement de la région parisienne a effectivement abouti à charger le réseau au-delà de sa capacité nominale. Non seulement il est plus que saturé aux heures de pointe, mais celles-ci s’étalent dans le temps jusqu’à couvrir presque toute la journée.

Est aussi en cause l’obsolescence du matériel et de l’infrastructure. Il faut bien constater aujourd’hui que l’infrastructure a fait l’objet d’une maintenance et d’un entretien insuffisants.

Les témoignages indiquent également que l’exploitant privilégie la performance du système – ainsi, le dispositif des bonus et des malus amène, pour éviter des pénalités, à ce que des trains ne s’arrêtent pas dans certaines gares –, aux dépens de la qualité du service et des voyageurs.

À ces causes s’ajoute un problème de gouvernance. Il vaut aussi bien pour la ligne B que pour la ligne A. Cette gouvernance ne s’est pas adaptée à une situation qui s’est complexifiée.

Le schéma directeur de la ligne B n’a pas encore été élaboré. Seul un dossier d’émergence nous a été présenté, le 16 novembre dernier. Il prévoit de très nombreuses études pour mettre la ligne à niveau. Mais l’usager n’a pas besoin de chiffres pour mesurer au quotidien la dégradation du service. Ses sentiments, ce sont la colère, l’exaspération, mais aussi la lassitude : comme le titrait Le Monde, les Franciliens sont un peu « prisonniers du RER »

Cette tendance à baisser les bras a cependant trouvé ses limites avec la crise de l’amiante sur la ligne B, à l’automne dernier, qui a entraîné une dégradation du service pendant des mois, assortie d’une communication totalement défaillante. Le blog ouvert par Le Monde pour suivre le fonctionnement de huit villes de France pendant l’année précédant l’élection présidentielle couvre notamment la ville de Sceaux. Mme Pascale Kremer a consacré sa chronique du 22 octobre au RER B ; s’en sont ensuivis 164 commentaires, puis 63 sur le blog du 23 octobre, 95 sur celui du 8 novembre, 81 sur celui du 9 et enfin 65 sur celui du 17. Bref, fatigués, les voyageurs prennent la parole pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils voyagent tous les jours. Pourtant, le RER est une belle mécanique… lorsqu’il fonctionne !

Aujourd’hui, le fil conducteur de l’action doit être de remettre au cœur du dispositif un voyageur qui a été un peu oublié – et cela me semble valoir aussi pour le Grand Paris Express. Ce qui ressort des témoignages, c’est l’incertitude du passager quant à l’heure à laquelle il va arriver à destination ! Paradoxe à peine imaginable aujourd’hui : alors que l’automobiliste peut savoir par la radio, le matin, l’état des « bouchons » autoroutiers d’Île-de-France, il n’est possible au voyageur de connaître l’état du fonctionnement du réseau RER qu’au moment où il constate le retard avec lequel sa rame entre en gare.

Le travail de rattrapage à faire paraît considérable : il y faudra du temps. La RATP, je le lui ai dit, devrait à tout le moins mieux communiquer avec ses usagers sur les retards, notamment grâce à son site Internet ; il n’en est rien aujourd’hui.

Nous sommes, de fait, un peu prisonniers du RER. À Sceaux, la seule solution alternative est de prendre les autobus. Mais leur capacité est sans comparaison avec celle du RER, si le réseau RER est en panne, ils ne peuvent pas absorber la masse de voyageurs qui voudraient se reporter sur ce moyen de transport. Les usagers éprouvent de ce fait un sentiment de colère face à un système qui ne fonctionne plus, et qui ne les informe même pas un minimum des difficultés rencontrées.

J’ai créé sur Facebook une page destinée à collecter des témoignages. Ils vont tous dans le même sens : ils dénoncent un système qui ne se préoccupe en aucun cas du voyageur.

La ligne B, même si elle n’est pas aussi chargée que la ligne A, relie Saint-Rémy-lès-Chevreuse à Roissy, elle souffre aussi d’une difficulté de gouvernance, du fait de la présence de plusieurs opérateurs : RATP, SNCF, sans oublier Réseau ferré de France (RFF). Même sans aller jusqu’à instaurer un opérateur unique, il faudrait au moins que cette ligne soit dotée d’un centre de commandement unique, qui serait situé à Denfert-Rochereau. Or, aujourd’hui, ce centre de commandement est resté à l’état de projet. En cas de crise, il faut contacter par téléphone les correspondants de la RATP, de la SNCF et de RFF. Une telle situation nuit bien sûr à la réactivité de l’opérateur – au sens générique du terme.

La ligne B présente une autre difficulté, liée à ce que les techniciens appellent les « points de retournement ». Ainsi, en cas d’incident empêchant la circulation sur la partie nord de la ligne, un point de retournement, situé à la station Laplace, est activé ; mais les voyageurs se retrouvent alors bloqués dans cette station sans pouvoir emprunter un autre réseau de transport en commun. Une solution serait l’aménagement d’un point de retournement à Denfert-Rochereau ; il permettrait aux usagers de la branche sud du RER B de prendre le tramway à la station Cité universitaire ou d’emprunter le métro à la station Denfert-Rochereau. Aucune décision n’a été prise aujourd’hui en ce sens.

M. Pierre Morange, rapporteur. Eu égard au temps dont nous disposons, je suis amené à demander aux intervenants de limiter la durée de leurs interventions. En revanche, je propose à chacun de m’adresser une contribution écrite reprenant l’ensemble de ses revendications. Ainsi notre commission d’enquête pourra se faire votre porte-voix. Nous avons tous en tête les éléments qui contribuent aux difficultés du RER, et nous partageons les mêmes constats. Nous devons avancer de façon pragmatique, en ayant à l’esprit que les questions de moyen ou de long terme ne connaîtront leur solution qu’au prix d’une reprise des investissements, laquelle n’a été lancée que récemment. Notre objectif est d’établir une liste des éléments pouvant aider à mieux gérer une période intermédiaire qui devient absolument insupportable pour l’ensemble de nos concitoyens.

M. Patrice Pattée. Je mentionnerai enfin simplement une certaine inquiétude de la ville de Sceaux face au projet du Grand Paris. Les opérateurs ne nous semblent pas vraiment motivés pour réaliser dans « notre gare  fétiche », celle de Robinson, les aménagements pourtant identifiés dans le cadre d’un diagnostic partagé. Nous avons l’impression que le RER passe au second plan par rapport à des projets d’une autre nature.

M. Emmanuel Lamy, maire de Saint-Germain-en-Laye. Je partage assez largement l’analyse de M. Lefebvre sur la situation de la ligne A.

Je rappelle toutefois que c’est en 1972 que le RER a atteint Saint-Germain-en-Laye et il a été une source de progrès considérable pour la commune, contribuant au développement de cette sous-préfecture à la tête du plus grand arrondissement de France.

Pourtant, aujourd’hui, nous sommes revenus,  toutes choses égales par ailleurs, à la situation de 1837 ! En effet, contrairement à ce croit M. Lefebvre, tous les trains marqués « Saint-Germain » ne vont pas jusqu’à cette ville. La plupart s’arrêtent à La Défense, à Rueil, et surtout à la gare du Vésinet-Le Pecq. En fait, un train sur six parvient à Saint-Germain – un sur quatre à certaines heures car j’ai obtenu que soient « glissés » quelques trains supplémentaires dans le prochain schéma directeur de la ligne A mais, au moindre incident, ce sont les premiers supprimés.

Ainsi, après avoir représenté un progrès fantastique, le RER est devenu une sorte de nœud coulant pour Saint-Germain et pour les communes aux alentours. Quand il fonctionne, c’est formidable ; dans le cas contraire, c’est épouvantable ! On peut d’ailleurs en dire autant dans toutes les villes qu’il dessert.

À l’été 2008, jugeant la situation insupportable, un certain nombre d’élus de toutes tendances ont bien voulu me rejoindre au sein d’un collectif informel. Après avoir rencontré tous les décideurs concernés, nous avons publié un livre blanc qui a eu un certain écho.

Aujourd’hui, et malgré les décisions qui ont été prises, la situation n’a pas fondamentalement évolué, ce que nous avons beaucoup de mal à expliquer à nos administrés. Bien sûr, certaines annonces, comme l’acquisition de nouvelles rames, mettent en jeu l’industrie et leur concrétisation demande du temps. Nous comprenons également que certaines sections soient prioritaires. Mais, bien que tous les incidents soient répertoriés par un collectif appelé « Ma ligne A » et que la RATP ait accepté de jouer le jeu, rien n’a véritablement changé au quotidien. On a un sentiment d’impuissance. Cela ne peut qu’accroître la frustration.

Quand on peut expliquer pourquoi les choses se passent mal, les usagers l’acceptent ou ne l’acceptent pas, mais au moins un dialogue s’établit. En l’espèce cependant, nous ne le pouvons pas. Il est par exemple impossible d’expliquer les problèmes de gouvernance et le fait que deux sociétés publiques se disputent le réseau. En outre, même lorsqu’on parvient à identifier les problèmes, la RATP ne peut pratiquement rien faire. La situation ne pourra se débloquer que très lentement.

La raison de cette lenteur, c’est que nous sommes toujours « en retard d’une guerre » : certes, les lignes A et B connaître des améliorations mais, dans le même temps, les populations concernées vont continuer d’augmenter, si bien que les gains obtenus seront absorbés par cette croissance démographique. C’est pourquoi je lance l’alerte : la territorialisation des objectifs de logement et le Grand Paris sont des idées formidables, mais il ne faut pas oublier que la Grande couronne est totalement dépendante des transports collectifs. Si la population s’accroît sans que ces moyens soient développés, la thrombose est inévitable. Et, dans ce cas, la réaction des usagers peut être très violente, même à Saint-Germain-en-Laye qui a l’image d’une ville policée !

Comment sortir de cette situation ? Tout d’abord, il faut être extrêmement prudent à l’égard des objectifs de territorialisation et éviter une augmentation inconsidérée et trop rapide du nombre de logements. Mieux vaut raisonner en termes de réseaux, brancher le RER A, notamment à l’ouest et au nord, sur les tangentielles ferrées, donner des alternatives aux voyageurs. Par ailleurs, il faut se concentrer sur certains nœuds. Ainsi, si peu de trains vont jusqu’à la gare de Saint-Germain, c’est parce qu’elle est ancienne et inadaptée. On ne peut pas y effectuer des retournements, à moins de bloquer la ligne à 500 mètres le temps que la rame change de voie.

Une autre raison du manque de trains à Saint-Germain tient à la gestion de la section centrale. C’est une évidence, mais elle est peu soulignée : pour assurer des fréquences exceptionnelles sur la section centrale de la ligne A, il est impossible d’envoyer toutes les rames aux extrémités du réseau. Il faudrait augmenter leur nombre mais, dans ce cas, il n’y aurait plus la place de les faire circuler. Il existe donc un lien direct entre la fréquence des passages en section centrale et l’irrigation des extrémités. Le problème peut être réglé notamment par une augmentation de la capacité unitaire des rames.

À Saint-Germain comme ailleurs, nous voulons rendre un peu d’espoir à nos habitants. Cela implique l’utilisation de rames à double niveau, mais aussi le développement d’Éole : sans cette ligne qui peut seule permettre le doublement de la capacité sur la branche ouest du RER A, les gains obtenus grâce aux nouvelles rames seront absorbés en quelques années.

Il faut donc de nouvelles infrastructures, un raisonnement fondé sur les réseaux et une nouvelle gouvernance, susceptible de donner aux usagers des espoirs d’amélioration. Aujourd’hui, tout est flou, et on ressort de chaque réunion avec la RATP – même si nos relations avec la Régie sont plutôt bonnes – avec un sentiment d’impuissance.

M. Michel Bisson, vice-président du syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart, maire de Lieusaint. Je concentrerai mon propos sur la ligne D du RER, qui dessert notre agglomération. Exploitée par la SNCF, cette ligne accueille 550 000 voyageurs par jour et a vu sa fréquentation croître de 40% en huit ans. Aujourd’hui, plus de 20 % des trains ont systématiquement plus de cinq minutes de retard. Aux heures de pointe, il y a donc du retard tous les jours.

Une des raisons de cette dégradation est l’absence d’investissements durant les dernières décennies. Toutefois, la ligne ayant été jugée sensible par le STIF, plusieurs plans ont été mis en œuvre. Le premier, le plan d’investissement 2007-2014, n’a apporté que des corrections marginales et ses résultats seront notoirement insuffisants. La deuxième tranche, 2014-2020, outre que ses résultats sont lointains, est conditionnée à des investissements et des mobilisations financières encore incertains.

Sénart abrite 100 000 habitants et 40 000 emplois. En outre, 40% des habitants travaillent à Paris ou dans sa proche couronne. Ils doivent donc emprunter la ligne D et sont confrontés tous les jours au manque de fiabilité de cette section du réseau. Pour illustrer le défaut d’investissements, sachez que l’on y voit encore circuler des trains « petits gris », qui ont plus de cinquante ans.

La ville nouvelle de Sénart étant une opération d’intérêt national, l’État et la région nous demandent de réaliser des logements : nous en construisons donc mille par an. Bien entendu, les élus lient logement et emploi, si bien que nous créons également mille emplois par an. Cependant – et c’est nouveau –, des responsables d’entreprise nous disent ne pas vouloir s’implanter sur notre territoire en raison de l’absence de fiabilité du RER D, qui serait pénalisante pour leurs salariés comme pour leurs clients.

On nous a fixé pour objectif d’atteindre, en 2025, 150 000 habitants et 60 000 emplois. Cela implique un équilibre entre le logement, les services, l’emploi et les transports. À cet égard, la ligne D, qui permet le raccordement de notre agglomération à Paris et à la proche banlieue, représente un élément fondamental, un axe majeur de notre développement.

Dans le cadre du projet « Grand Paris », la priorité doit être donnée à la rénovation des RER. Les plans de cette rénovation doivent être clarifiés et faire l’objet d’engagements fermes, assortis d’objectifs plus précis.

J’en viens au problème de la gouvernance. Je participe assidûment aux comités de ligne organisés par le STIF et qui réunissent également la SNCF et RFF – par chance, la RATP n’est pas concernée par la gestion de notre ligne. Nos interlocuteurs sont mobilisés et ont de bonnes intentions, mais on sent une absence de fil conducteur, de coordination. Il est nécessaire d’avoir un pilote et un opérateur, mais pas davantage.

En ce qui concerne le financement, il est indispensable de confirmer la mobilisation en faveur du doublement du tronçon entre la gare de Lyon et Châtelet, compte tenu de l’importance de la section centrale, soulignée par M. Lamy.

Vous vous interrogez sur les solutions qui pourraient être envisagées à titre transitoire. L’une d’elle serait l’organisation de liaisons semi directes vers Paris. Cela n’impliquerait pas une augmentation du rythme de circulation des rames, mais permettrait de mieux répartir l’effort et d’améliorer la qualité du service. La même décision pourrait concerner la branche desservant Corbeil et Évry.

Il existe une autre solution, à moyen terme, liée à la validation par RFF de l’implantation d’une gare TGV à Sénart – obtenue grâce à l’unité sans faille des conseils généraux de la Seine-et-Marne et de l’Essonne et des collectivités de ce qu’on appelle le « quadrant sud-est » : c'est-à-dire Sénart, Melun, Évry et Corbeil. Non seulement ce projet va améliorer l’attractivité de cette partie de la région parisienne, mais il rend possible la création de navettes que l’on pourrait appeler « RER-GV », susceptibles de relier Massy, Orly, Sénart, Marne-la-Vallée, Roissy et, peut-être demain, Cergy – une telle mesure permettrait d’alléger le trafic sur le réseau express régional.

Quant au projet du Grand Paris, il concerne avant tout les transports, les logements et l’emploi. Or les gisements de logements et d’emplois se trouvent surtout en Grande couronne. Le Grand Paris ne peut donc pas se faire sans celle-ci, et donc sans la rénovation des lignes RER, la D comme les autres.

M. Stéphane Beaudet, vice-président de l’AMIF et de sa commission « Transports et Déplacements », maire de Courcouronnes. Je partage bien entendu le constat général dressé par les intervenants précédents, qui, comme je le suis également, sont des élus de villes nouvelles ou de collectivités de la Grande couronne. Je tiens aussi à souligner la perte d’attractivité dont souffrent nos territoires, un phénomène qui fait du Grand Paris un projet anxiogène à nos yeux.

Enfant de la ville nouvelle, j’ai pu mesurer combien, en trente ans, notre ville d’Évry s’est éloignée de Paris. En effet, il faut désormais deux heures en voiture, contre vingt à vingt-cinq minutes auparavant. Et en RER, alors qu’il fallait vingt-neuf minutes, il nous arrive d’en mettre trente-neuf !

Lorsqu’on parle des transports franciliens, il est un sujet qui n’est pas suffisamment évoqué, me semble-t-il : l’apparition d’une  quatrième couronne , constituée par Lille, Reims, Orléans, Vendôme, autant de villes desservies par le TGV et devenues – surtout d’un point de vue foncier – très attractives pour les familles des villes nouvelles. Par ailleurs, l’agglomération d’Évry – qui, après avoir été longtemps soutenue par l’État, au point d’atteindre 120 000 habitants pour 70 000 emplois, a le sentiment d’être abandonnée – commence à voir les entreprises quitter son territoire, non pour s’éloigner de Paris, comme elles le faisaient il y a trente ans, mais au contraire pour s’en rapprocher.

Le problème est que, comme nous le constatons tous, le montant des investissements destinés à la réhabilitation des RER n’est pas à la hauteur des enjeux, d’autant qu’une partie risque d’être absorbée par le projet du Grand Paris, dont les besoins en financement sont colossaux. Le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) nous invite à lutter contre l’étalement urbain, à « reconstruire la ville sur la ville », à réinvestir les centres villes et les quartiers proches des gares. Ce serait cohérent si les réseaux de transport n’étaient déjà saturés. Le premier défi auquel est confrontée la ligne D du RER, c’est celui de sa capacité. Changer de matériel roulant, mettre une troisième porte à chaque voiture n’est pas ce qui permettra de résoudre le problème, alors que l’on prévoit de construire 50 000 ou 60 000 logements sur la seule partie sud du réseau.

Dès lors, quelle est la solution ? Je proposerai pour ma part plusieurs pistes, dont certaines pourront paraître provocatrices. Ce serait d’abord de recourir à d’autres modes de transport que le RER, qu’ils soient ou non ferrés. Pour les trajets de banlieue à banlieue, le développement des T Zen – comme il en existe entre Sénart et Évry, et bientôt entre Évry et Versailles – me paraît souhaitable. Il s’agit de lignes de bus, mais en site propre. Je rappelle qu’une somme de 200 millions d’euros suffirait pour doubler le kilométrage des lignes de bus en Grande couronne. Ce mode de transport, même s’il paraît moins noble que les lignes de tramway que nous rêvons tous d’accueillir dans nos agglomérations, est sans doute à même de désengorger le réseau de RER.

Une autre piste consisterait à revenir sur la continuité de la ligne D et à la couper à nouveau – même s’il paraît peu plausible que la séparation se fasse comme auparavant à l’intérieur de Paris. On peut envisager un terminus situé juste au nord de Paris pour la partie sud, et un autre juste au sud pour la partie nord. En effet, seulement 1% des usagers de la section sud du RER D vont au-delà de la capitale. Or, à l’heure actuelle, un incident qui survient à 125 kilomètres d’Évry peut avoir des conséquences dans notre ville.

De même, nous devons nous interroger sur une possible réorganisation du réseau à ses extrémités, situées en très grande couronne. Je rappelle que la ligne D s’étend jusqu’à Malesherbes, soit 15 kilomètres au-delà du péage de Fleury, sur l’autoroute A6. Peut-être n’est-il pas nécessaire de prévoir systématiquement un terminus à cet endroit ; on pourrait envisager des trains plus rapides, dont le terminus serait Évry ou Corbeil. Ce serait une solution peu onéreuse.

Qu’on parle de  plan de mobilisation  – au conseil régional – ou du projet du Grand Paris – du côté de l’État –, le financement disponible, 500 millions d’euros, résulte pour l’essentiel de ce qui a été engagé en 2009. Il n’y a pas, en réalité, d’investissement nouveau. Or on estime qu’entre 2 et 4 milliards seraient nécessaires pour régler, à démographie constante, les problèmes auxquels est confrontée la ligne De fait, et contrairement à M. Lefebvre, je ne m’estime même pas autorisé à dire aux habitants d’Évry que la situation sera meilleure dans dix ans, car ce serait mentir. Or il n’y a rien de pire, pour les élus que nous sommes, que de s’attendre à une dégradation continue des conditions de transport, donc de vie quotidienne, de nos concitoyens à échéance de dix ou vingt ans.

M. le rapporteur. Vous faites une analyse lucide de la situation, marquée – c’est un constat partagé – par une forme de gestion de la pénurie.

En matière de gouvernance, quelles sont vos positions respectives sur la question classique du partage des compétences entre la SNCF et la RATP ? Êtes-vous favorables à une gestion unifiée sur les lignes A et B ?

S’agissant de la place de l’usager dans le dispositif, quelle est la capacité de nos concitoyens à être, non de simples témoins passifs, mais des acteurs susceptibles de participer à une rationalisation du système et à peser sur les décisions intéressant la qualité du service, la diffusion de l’information en temps réel ou le développement de modes de transport alternatifs ?

Je rappelle qu’une commission d’enquête est dotée de pouvoirs particuliers dont nous pouvons user, comme celui d’effectuer des contrôles sur pièces et sur place. La Cour des comptes a en effet souvent dénoncé le manque de transparence des décisions stratégiques prises en matière de transport, dont la conséquence est l’incapacité de mesurer leur efficience socio-économique. En tant qu’élus, il est légitime que vous puissiez adosser votre réflexion sur des faits tangibles afin de parvenir à un compromis entre le souhaitable et le possible.

Enfin, j’aimerais connaître votre sentiment sur l’articulation entre les activités de la SNCF et celles de RFF, autorité qui a le pouvoir d’attribuer les sillons mais qui ne semble pas hiérarchiser les priorités. Les travaux de la commission d’enquête nous ont en effet permis d’apprendre un fait surprenant, que même le président du conseil régional d’Île-de-France semblait ignorer : pour donner au transport de voyageurs une priorité sur le fret, ce que tous les élus appellent de leurs vœux, il est nécessaire de faire une déclaration de saturation. Or une telle déclaration n’aurait jamais été faite…

M. le président Daniel Goldberg. Un des objectifs de la commission d’enquête est aussi de mieux comprendre les besoins des usagers. Certes, des études sont régulièrement réalisées sur le sujet et elles sont de qualité, mais leurs conclusions peuvent servir les intérêts des opérateurs qui en sont généralement les initiateurs. Nous aimerions donc bénéficier de votre expérience – soit maintenant, soit sous forme de contributions écrites – s’agissant des besoins de déplacement des populations de chacun de vos territoires.

M. Beaudet a rappelé que seulement 1% des usagers de la section sud du RER D allaient au-delà de Paris. Une question a été posée au moment du débat sur le Grand Paris : les déplacements de banlieue à banlieue, majoritaires, se font-ils surtout entre le domicile et le lieu de travail ? Quelle part y prennent les déplacements d’une autre nature – comme ceux liés aux loisirs –, qui me semblent avoir augmenté ces dernières années ? Ces déplacements sont-ils plutôt de type radial ou tangentiel ? Pour ma part, j’ai le sentiment que dans un grand nombre de secteurs de l’Île-de-France, les déplacements sont plutôt de type radial, même s’ils n’atteignent pas nécessairement la capitale. Cela expliquerait la saturation du RER, réseau de transport essentiellement radial.

M. le rapporteur. M. Mongin observait que le doublement des rames en heures creuses sur le RER A avait absorbé toute marge de manœuvre dans la gestion du tronçon central. Cela montre que l’ensemble des décideurs, locaux ou nationaux, sont pris au piège d’une gestion de la pénurie, parce que les moyens matériels n’ont pas suivi la croissance de la demande de transport.

M. Dominique Lefebvre. À la question de savoir si nous sommes en faveur d’un gestionnaire unique pour le RER A, je ferai une réponse de Normand : peut-être bien que oui, peut-être bien que non. La pratique actuelle m’offre au moins la garantie de bénéficier d’un avocat au sein du système, Guillaume Pepy, qui me dit régulièrement que la SNCF n’est pas le premier responsable de la plupart des dysfonctionnements, et qu’il veille, lors de ses discussions avec la RATP, à ce que le tronçon de Cergy soit le mieux desservi possible.

Désigner un opérateur unique pourrait sembler la solution la plus simple, mais en fait, la vraie question n’est sans doute pas là. Dans la mesure où, en effet, nous gérons la pénurie et où nous devrons le faire encore longtemps. Nous devons nous intéresser aux conditions dans lesquelles se font les arbitrages successifs, d’autant que certains sont effectués à l’intérieur même de chaque opérateur, ce qui en double le nombre. Ainsi, lorsque nous avons obtenu que la fréquence des trains passe à un toutes les dix minutes, il a fallu faire des choix politiques. C’est comme pour le cadencement : il y a des gagnants et des perdants ! Mais il importe que ces choix soient cohérents avec les objectifs stratégiques globaux, notamment en matière de développement territorial, ou qu’ils contribuent à de nécessaires rééquilibrages.

En 2010, une dégradation du dialogue social au sein de la SNCF a fait que les agents de conduite se sont mis à respecter strictement les réglementations de sécurité, ce qui a entraîné une désorganisation totale d’un système déjà en flux tendu. Dans ce cas, l’usager a été victime d’un arbitrage effectué à l’intérieur de l’entreprise publique, sur une question relative au dialogue social. Or le problème de l’interconnexion entre la RATP et la SNCF est avant tout un problème de statuts, de primes et de règlements. Lorsque je demande pourquoi ce qui a été accompli à la Gare du Nord ne peut pas l’être à La Défense, on m’explique que cela entraînerait plus de problèmes que ça n’en résoudrait – mais des problèmes pour qui, je ne le sais pas.

Alors, on peut envisager que demain, la RATP soit gestionnaire de l’ensemble de la ligne, mais encore faut-il savoir dans quelles conditions se feront les arbitrages.

La gouvernance commence à la tête. La régionalisation a été une bonne chose : pour avoir, comme je l’ai dit, successivement contrôlé le STP, puis le premier et le deuxième STIF, j’ai pu apprécier l’évolution. Reste que les moyens attribués au STIF sont toujours insuffisants, de même que les leviers dont il dispose pour peser sur les opérateurs – même si les contrats aussi connaissent une évolution. Réfléchir à une meilleure gouvernance revient donc à rechercher ce qui permettrait à l’autorité organisatrice d’exercer pleinement ses responsabilités. On prétend que la région décide mais, en réalité, son président se retrouve seul face aux deux opérateurs d’État. Ce n’est pas le système que l’on connaît en province, où des délégations de service public sont accordées en application de la loi d’orientation des transports intérieurs. On devrait parvenir à la même situation dans dix ou quinze ans, et la mise en concurrence devrait permettre de clarifier les compétences, mais cela rendra nécessaire le renforcement de l’autorité organisatrice et l’adoption de procédures de décision plus transparentes et plus claires, y compris pour mieux gérer la pression exercée par les usagers. Quant à RFF, il doit être inclus dans la boucle.

Lorsque ont été introduites les rames à double étage, elles arrivaient à Cergy-Pontoise à neuf heures trente, le matin – vous pouvez imaginer les réactions des usagers ! Mme Anne-Marie Idrac m’avait expliqué qu’il y avait objectivement plus de gens à transporter depuis Marne-la-Vallée, si bien que l’on a fait circuler ces rames en priorité là. Plus tard, lorsqu’on a parlé de renforcement de l’offre, j’ai revu Mme Idrac – ancienne directrice générale de l’établissement public administratif de Cergy-Pontoise –, qui n’était plus directrice générale de la RATP mais présidente de la SNCF : à ce titre, elle souhaitait donner la priorité au fret. Mais comment expliquer à nos concitoyens qu’après avoir massivement construit des logements à Cergy-Pontoise, on allait refuser d’augmenter le nombre de trains de voyageurs afin de favoriser le fret et de tenter de redresser la branche spécialisée de la société nationale ? C’est un problème qui relève de l’autorité de régulation.

Compte tenu des difficultés que connaît l’Île-de-France en matière de transports, il faut réévaluer le rôle de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires, l’ARAF, mais aussi les compétences du STIF et les logiques des différentes entreprises concernées. En effet, l’état du système de transport est la résultante d’une somme incommensurable d’arbitrages, et sans une clarification des priorités, non seulement il n’est pas du tout certain que les décisions prises soient les plus cohérentes, mais il en résulte pour les usagers un sentiment de malaise et d’abandon.

À court terme, sur la ligne A, il est possible, à faible coût, d’améliorer deux points : la propreté et l’information. Que signifient les mots : « train retardé » ? Le retard est-il de cinq minutes, d’un quart d’heure ? Faute d’annonce vocale, on ne le sait pas. Le voyageur doit être mieux informé de façon à pouvoir prendre une décision.

En attendant les conclusions du rapport sur le schéma directeur de la ligne A, je reste persuadé que les difficultés sont dues à une trop grande complexité et à des décisions incohérentes. Il y a un an et demi, lorsqu’un grave incident a entraîné pendant plus de deux heures une perturbation du service, un de mes collaborateurs, présent sur le quai bondé de la gare Cergy-Saint-Christophe, a vu passer successivement quatre rames entièrement vides. Or aucune explication n’a été donnée ! Depuis, nous avons compris que la régulation de l’ensemble était compliquée par l’existence de trois types différents de matériels, de plusieurs types de quai ou de voies, etc. C’est un système d’horlogerie extrêmement complexe. Or, en cas d’incident, il est essentiel d’améliorer le temps de réactivité et la qualité de la réponse. On comprend bien qu’un suicide conduise à une perturbation du service, mais le problème est qu’il faut parfois de deux à quatre heures pour la surmonter. C’est pourquoi, au-delà des solutions de court terme, nous devons adopter un cadre de travail tel que, dans dix ou quinze ans, les mêmes problèmes ne surviennent pas faute d’anticipation et de coordination dans la conception des systèmes.

M. Stéphane Beaudet. Je suis plutôt en accord avec l’analyse de M. Lefebvre, même si les problèmes ne sont pas les mêmes sur la ligne D dans la mesure où la SNCF y est seule gestionnaire.

Je pense en effet que le STIF manque de moyens, y compris humains, mais aussi que ses missions ne sont pas forcément adéquates. Il est vrai que ses compétences doivent être renforcées, notamment pour ce qui concerne le développement de grosses infrastructures, mais, pour l’instant, un tel renforcement est impossible, pour des raisons fonctionnelles mais aussi de pertinence territoriale : on dénombre 122 contrats de type II – CT 2 – signés en Île-de-France, gérés par onze personnes seulement. L’ouverture, prévue par la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU), de délégations de compétence, notamment au bénéfice d’autorités organisatrices de proximité, est selon moi une nécessité, en particulier en Grande couronne.

Une autre difficulté est que les lignes de RER sont longues, s’étendant de part et d’autre de Paris, alors que les problématiques d’aménagement urbain sont fondamentalement différentes d’une zone à l’autre. Le déséquilibre entre l’est et l’ouest, qui fait tant débat, est l’exemple le plus connu, mais il n’est pas le seul. Si bien que les élus comme les associations d’usagers – dont certaines comptent des techniciens hors pair – ont tendance à adopter une vision très territoriale du RER et ne partagent absolument pas une culture commune. Le résultat est que les opérateurs, qui portent les projets et même souvent les imaginent, ont pour terrain de jeu la région entière. J’ai évoqué tout à l’heure la question de la coupure de la ligne D : avec qui en discuter ? Au sein de quelle instance ? Nous devons nous doter d’une culture commune liée à des bassins de population. Si l’avenir du RER nous laisse perplexes, c’est d’abord pour des raisons financières, mais aussi faute d’une vision. Nous ne sommes pas là pour discuter de l’opportunité du projet de Grand Paris, ni de celle d’une fusion entre Arc express et la « double boucle ». Mais si ce projet est mené à son terme, je doute qu’il réponde, ne fût-ce qu’en partie, aux problèmes auxquels le RER est confronté. Le réseau est en panne de projet : je ne vois pas de possibilité de se réunir autour d’une table – comme au moment du débat sur la convergence entre Arc express et la « double boucle » – afin de s’interroger sur l’avenir du RER. Or, alors que toutes les réunions de concertation aboutissent à la même conclusion – la priorité est de s’occuper de l’existant –, rien n’a fondamentalement changé, à part une partie du matériel et quelques aiguillages. Et malheureusement, cela risque de durer.

M. Emmanuel Lamy. Ce qui peut être réalisé pour un faible coût, c’est l’amélioration de la prévisibilité. Lors de la dernière rencontre entre notre collectif et Pierre Mongin, nous avons beaucoup insisté sur ce point. Il est important de savoir si l’horaire affiché va être respecté et, en cas d’incident, de pouvoir prévoir, en montant dans un train, que l’on atteindra telle station à telle heure. Le personnel dispose souvent de ces informations ; la partager ne coûterait rien de plus qu’un peu de discipline à tous les échelons. Et les voyageurs n’auraient pas le sentiment de « jouer à la roulette russe » en empruntant le réseau ferré. Aujourd’hui, le candidat qui doit se trouver à Paris à une heure précise pour passer un examen n’emprunte pas le RER : c’est bien trop risqué. Une plus grande prévisibilité permettrait d’améliorer la qualité du service.

M. le président Daniel Goldberg. C’est d’autant plus vrai que selon un chercheur que nous avons auditionné, M. Jean-Pierre Orfeuil, une minute de temps d’attente sur un quai est ressentie par l’usager comme aussi longue que trois minutes de temps de transport.

Je vous remercie, Messieurs, pour votre participation. N’hésitez pas à nous transmettre vos contributions par écrit ; de notre côté.

M. le rapporteur. J’ajoute que la Commission peut exercer un droit de suite. Nous allons engager les opérateurs à prendre des engagements écrits, selon un échéancier précis, et nous nous assurerons que ces engagements sont tenus en temps et en heure.

L’audition s’achève à vingt heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mercredi 25 janvier 2012 à 19 h 15

Présents. - M. Daniel Goldberg, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Pierre Morange, M. François Pupponi