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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 19 mai 2010

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 71

–  Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et de M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010

–  Présences en réunion

Présidence
de M. Jérôme Cahuzac,
Président

La Commission entend Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous accueillons aujourd’hui Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, et M. François Baroin, ministre du budget, qui viennent nous présenter le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année.

Madame le ministre, monsieur le ministre, lors de notre réunion du 11 mai, vous nous avez fait part des résultats de la réunion des ministres des finances des vingt-sept États membres de l’Union européenne, laquelle avait permis de finaliser un accord tendant, pour l’essentiel, à créer un mécanisme de stabilisation de la zone euro. Il appartient désormais aux représentations nationales de chaque État de se prononcer sur ces décisions.

La France doit participer au dispositif à hauteur de 20,38 %, ce qui correspond à la part qu’elle détient dans le capital de la Banque centrale européenne. Vous envisagiez toutefois, à l’instar de vos homologues allemands, de demander au Parlement une autorisation de dépense supérieure au montant de cette quote-part, de façon à prévoir le cas où le fonds de garantie serait employé pour soutenir un pays qui, par définition, ne pourrait alors pas assumer sa propre contribution. Est-ce toujours votre intention ?

Ces derniers jours, nous avons vu les marchés financiers exprimer leurs incertitudes au sujet de la stabilité de la zone euro et, peut-être, leurs doutes sur la détermination des États. Qu’en est-il maintenant ? Il est opportun, dans un tel contexte, que vous vous exprimiez pour que les choses retrouvent rapidement leur cours normal.

J’aimerais enfin connaître votre point de vue, madame le ministre, sur l’idée de donner à la Commission européenne un droit de regard sur les projets de budget des États avant leur examen par les parlements nationaux.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le contexte ayant conduit à la réunion exceptionnelle, le 7 mai, des chefs d’État et de gouvernement des pays de la zone euro.

Un mécanisme spécifique de soutien à la Grèce avait déjà été mis en place sous la forme de prêts bilatéraux, à hauteur de 80 milliards d’euros pour les pays de l’Eurogroupe et de 30 milliards pour le Fonds monétaire international. Lorsque, le 23 avril, la Grèce a demandé l’activation de ce mécanisme et la mise en œuvre des prêts bilatéraux, on a commencé à observer sur les marchés boursiers – en particulier sur le marché de refinancement des dettes souveraines et sur le marché interbancaire – une volatilité et une fébrilité, caractéristiques qu’en d’autres temps, M. Greenspan aurait probablement qualifiées « d’exubérance irrationnelle ». Ces mouvements ont culminé entre le 3 et le 7 mai, semaine pendant laquelle la bourse a perdu 11 %, tandis que des tensions – qui toutefois n’avaient pas l’ampleur et la brutalité de celles observées immédiatement avant et après la faillite de Lehman Brothers – se manifestaient sur le marché interbancaire. Par ailleurs, les spreads des taux d’intérêts mesurant le rendement des emprunts sollicités par les États de la zone euro ont augmenté de façon considérable, notamment s’agissant des États du Sud de la zone : Grèce, Portugal, Espagne. Ainsi, en Grèce, le spread des taux des emprunts à dix ans par rapport à celui des emprunts de l’Allemagne a dépassé les 1 200 points de base, ce qui est considérable.

Une telle situation justifiait que soient réunis les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro, une initiative inhabituelle – une telle réunion n’avait eu lieu qu’au moment de la crise financière – et non prévue par les traités. Cette réunion s’est tenue le 7 mai et a donné lieu à un accord politique en faveur de la stabilité et de l’unicité de la zone. La demande a été faite à la Commission et aux vingt-sept ministres de l’économie de l’Union européenne de mettre en place les mécanismes appropriés pour répondre à l’évolution des marchés.

Notons que cette évolution ne se résume pas à des mouvements de spéculation. Il est facile de s’en prendre aux spéculateurs, et on a raison de le faire – la France est d’ailleurs loin d’être la moins active en matière de régulation financière –, mais, si on analyse de façon objective les mouvements effectués entre le 3 et le 7 mai, ceux-ci n’avaient rien de spéculatif. Il s’agissait en fait de mouvements de retrait, effectués par des gérants de fonds très importants – banques, compagnies d’assurance – au vu de la situation des pays européens, notamment des plus fragiles d’entre eux.

En se fondant sur l’article 122-2 du traité instituant la Communauté européenne, la Commission a proposé, dans la nuit du 9 mai, de mettre en place, sur le modèle du fonds d’aide à la balance des paiements dont avait bénéficié la Hongrie, un mécanisme communautaire de soutien. Toutefois, celui-ci, avec une capacité de 60 milliards d’euros, ne constituait pas une réponse suffisamment forte aux inquiétudes des marchés. Une structure intergouvernementale, le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, a donc été créée en dehors des institutions communautaires. Limité aux seize États membres de l’Union européenne ayant adopté l’euro, il est doté d’une capacité d’emprunt de 440 milliards, ce qui représente donc un total de 500 milliards avec les 60 milliards de l’instrument communautaire. Par ailleurs, le Fonds monétaire international s’est engagé à apporter en complément 50 % de toute somme qui serait engagée.

Le FESF fonctionne un peu comme la SFEF, la Société de financement de l’économie française, que nous avons créée ensemble et qui a permis aux banques de se refinancer aux pires moments de la crise financière. Dans la mesure où le gestionnaire choisi est la Banque européenne d’investissements, basée à Luxembourg, le FESF est une institution de droit luxembourgeois, et non britannique comme l’était la structure intergouvernementale concernant les prêts grecs. Un représentant de chacun des 16 États membres de la zone euro siégera à son conseil d’administration. Bien que d’autres pays comme la Suède et la Pologne aient manifesté leur volonté de participer à des opérations spécifiques, il nous a paru plus simple de limiter son périmètre aux pays de la zone euro.

L’article 3 du projet de loi de loi de finances rectificative prévoit donc l’octroi par la France de sa garantie au Fonds européen de stabilité financière. Sa quote-part correspond à la part qu’elle détient dans le capital de la BCE et s’élève donc à 20,37 % – elle était de 20,97 % lorsque la Grèce n’était pas incluse dans le mécanisme. Elle sera majorée de 20 % afin de prévoir l’hypothèse dans laquelle le fonds serait mobilisé en faveur d’un État membre défaillant, lequel, par définition, ne pourrait lui-même apporter sa garantie. Compte tenu de cet apport supplémentaire, cette quote-part sera donc de 111 milliards d’euros et non de 90 milliards.

La garantie, dans l’hypothèse où elle serait utilisée, serait bien évidemment rémunérée. La rémunération serait égale à la différence entre le coût du recours au marché rendu nécessaire par les besoins de financement de l’État en détresse et le taux d’intérêt consenti par le Fonds monétaire international. Par ailleurs, en contrepartie de son octroi, des conditionnalités – consolidation budgétaire, réformes structurelles – seraient demandées à l’État concerné.

Lors de la réunion du G20 à Londres, il avait été décidé d’augmenter de 500 milliards de dollars la capacité de financement du Fonds monétaire international. L’article 4 permet donc à la France de remplir ses obligations à l’égard de l’institution financière en apportant une contribution additionnelle à hauteur de 18,7 milliards de DTS, soit 21 milliards d’euros. Il nous a paru cohérent d’inclure cette disposition dans le projet de loi de finances rectificative dans la mesure où toute activation du Fonds européen impliquerait la participation du FMI, dont les capacités de financement dépendent des droits de tirage spéciaux des États. Bien entendu, nous espérons que son intervention ne sera jamais requise : tel est le sens des engagements pris par les pays de la zone euro, qu’il s’agisse de consolidation budgétaire, de réformes structurelles ou de mesures de soutien à une croissance intelligente.

Vous avez évoqué l’instabilité des marchés. La nuit dernière, la BaFin – équivalent allemand de l’Autorité des marchés financiers – a décidé d’interdire la vente à découvert de certaines actions financières, une mesure que la France applique sans discontinuité depuis le mois de septembre 2008. Mais – et cela me surprend – l’Allemagne a également décidé, sans prévenir les pays de la zone euro, d’interdire la vente à découvert sur les titres souverains de ces pays et sur les CDS des mêmes titres. Cela pose un vrai problème en termes de liquidité, car ils sont échangés en particulier sur le marché allemand. Une mesure aussi inhabituelle nous amène à nous interroger. J’ai donc suggéré à Jean-Pierre Jouyet d’inviter le CESR, le comité européen des régulateurs de marchés, à se réunir rapidement afin d’évaluer la pertinence de cette initiative, quitte à en demander la généralisation dans le cas où ces titres et leurs CDS se révéleraient gravement menacés.

J’en viens à l’information croisée au sujet des budgets nationaux. Hier, devant le conseil ECOFIN, j’ai rappelé à nouveau le caractère souverain et prioritaire du Parlement pour ce qui concerne l’examen et le vote du budget, dans sa partie « recettes » comme dans sa partie « dépenses ». Pour autant, ce principe intangible n’exclut pas que les pays avec lesquels nous partageons une même monnaie et la Commission puissent examiner l’ensemble des grandes lignes budgétaires, afin d’en vérifier la cohérence avec le pacte de stabilité et de croissance, mais aussi avec les autres budgets nationaux – car ce qui se décide dans un pays intéresse également les autres. Cette information croisée est nécessaire, et elle ne remet pas du tout en cause la souveraineté du Parlement. De même, je souhaite que les deux assemblées – ou tout au moins leurs commissions des finances – s’approprient le pacte de stabilité et de croissance. Si nous voulons assurer une meilleure convergence sur le plan économique et sur le plan budgétaire, ce pacte doit faire partie des documents de référence.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Je précise que ce projet de loi de finances rectificative n’a aucune conséquence sur le déficit budgétaire de 2010 dans la mesure où il s’agit d’une garantie qui n’impacte ni les dépenses, ni les recettes de l’État. Le solde budgétaire reste donc celui inscrit dans le collectif adopté il y a quelques jours, soit un déficit de 152 milliards d’euros. Toutefois, l’application de la LOLF nous impose de passer par une loi de finances. Ainsi, une transparence totale sera assurée pour ce qui concerne les engagements de l’État.

Par ailleurs, il nous est apparu plus cohérent politiquement, plus sincère à l’égard du Parlement et plus lourd symboliquement de présenter conjointement le plan de soutien à la zone euro et le renforcement des ressources du Fonds monétaire international.

Compte tenu de ma forte culture parlementaire, j’ai personnellement accueilli avec beaucoup d’intérêt et de bonheur la position commune que vous avez prise, Gille Carrez et vous-même, monsieur le président, concernant le rôle du Parlement dans l’examen du programme de stabilité. À l’heure où les contours et les modalités du pacte de stabilité et de croissance sont sur le point d’être redéfinies, il serait inconcevable que le Parlement ne soit pas associé à chacune des étapes de l’évolution des engagements français. En matière de finances publiques en général – qu’il s’agisse des discussions que nous aurons dans le cadre de la conférence des finances publiques ou de la loi de finances pour 2011 –, plus le Parlement intervient, plus les commissions des finances sont impliquées, et plus forte est la voix de la France et plus marquée sa cohérence. Or la cohérence est un élément indiscutable de nature à stabiliser les différents acteurs de l’économie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel que soit le nom du dispositif mis en place le 9 mai – Fonds européen de garantie financière, special purpose vehicle, société européenne de stabilisation –, comment celui-ci va-t-il fonctionner ? Si j’ai bien compris, les pays participants seraient ceux de la zone euro, ainsi que la Pologne et la Suède. Seront-ils actionnaires de la société ? L’unanimité du conseil d’administration sera-t-elle nécessaire pour prendre une décision ? Les décisions devront-elles faire l’objet d’une validation à l’échelle nationale ? D’une manière générale, ce système reprend-il les modalités du mécanisme d’aide à la Grèce ?

La semaine dernière, vous avez évoqué la mise en place de dispositifs pérennes. Comment concilier cette exigence avec la durée de vie du fonds de garantie, qui n’est que de trois ans ?

J’ai lu dans la presse que des points de désaccord subsistaient autour du fonctionnement de ce fonds. Sur quoi portent-ils ?

Par ailleurs, l’articulation, dans le projet de loi, de la contribution de la France au fonds de garantie financière de la zone euro et de l’augmentation de sa participation au FMI me paraît tout à fait justifiée.

L’hypothèse d’un droit de regard de la Commission sur les finances publiques des différents pays – en particulier ceux de la zone euro –, m’amène à formuler une proposition. Nous avons adopté le 9 février 2009 la loi de programmation prévue par la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2008. Or elle comporte des différences substantielles avec le programme de stabilité que nous avons envoyé début 2010, en particulier sur un point essentiel, celui de la protection de l’évolution des recettes. Ainsi, l’objectif de réduire de 6 milliards d’euros les exonérations liées aux niches fiscales figure dans le programme de stabilité, mais pas dans la loi de programmation. Le temps n’est-il pas venu de prendre en compte au plan national – peut-être dans le cadre de la loi de programmation – les informations que nous envoyons à Bruxelles ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Il s’agit en effet d’un sujet sur lequel nous sommes, avec Gilles Carrez, en plein accord. L’évolution qu’il suggère, et qui peut se faire à droit constant, nous semble nécessaire si nous voulons mettre fin à une situation qui, aujourd’hui, n’est satisfaisante pour personne, ni pour le pouvoir exécutif, ni pour le pouvoir législatif. Au début de cette année, en effet, le Gouvernement a transmis aux autorités communautaires un programme de stabilité d’une portée très lourde, puisqu’il prévoit une réduction considérable de la dépense publique ainsi qu’une augmentation de 40 milliards d’euros – soit deux points de PIB – des prélèvements obligatoires. Or à aucun moment le Parlement n’en a été informé, ni a fortiori n’a eu à se prononcer, en commission comme en séance, sur ce document.

M. Gilles Carrez. Mon intention n’était pas de critiquer le Gouvernement, car il en a toujours été ainsi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je n’exprime aucun reproche : je me borne à constater que la situation n’est pas satisfaisante, même si elle n’est effectivement pas nouvelle. Si, grâce à une démarche transpartisane, nous parvenons à établir une meilleure transparence, ce sera déjà un progrès. Et si cette transparence rend plus crédibles les informations que nous envoyons aux autorités communautaires et à nos partenaires, nous ne pourrons qu’en tirer profit.

Mme le ministre. Une partie des débats qui ont eu lieu dans la soirée de lundi a été consacrée au fonctionnement du Fonds européen de stabilité financière. Il fallait tenir compte des procédures parlementaires applicables à chacun des États, et surtout du fait que certains pays – l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche – avaient déjà pris l’initiative de se présenter devant leur parlement sans même connaître les contours précis du dispositif. Celui-ci ne concerne que les États membres de la zone euro. Il n’inclut pas les États non-membres qui, tels la Suède et la Pologne, avaient manifesté leur volonté de prendre part à des mesures de soutien au cas par cas, car nous avons jugé qu’un fonctionnement « à la carte » aurait été trop compliqué. Le conseil d’administration comprend donc seize membres, soit un représentant par État. L’activation du mécanisme de soutien et l’appréciation des conditionnalités – lesquelles sont négociées, comme dans le cas de la Grèce, par la Commission après avis de la Banque centrale européenne et du FMI – sont des décisions requérant l’unanimité.

Bien entendu, instituer une telle règle, c’est prendre le risque que l’opposition d’un État ne conduise à mettre en cause le fonctionnement du mécanisme. Mais dans ce cas, le conseil d’administration pourrait prendre une résolution pour resserrer le dispositif autour de quatorze ou quinze membres. Le choix de l’unanimité s’explique par une volonté de manifester le caractère collectif et politique de la décision.

Certains commentateurs de la presse économique ont affirmé que des désaccords patents existaient entre la France et l’Allemagne, nécessitant la médiation de Jean-Claude Juncker. Ce sont des fadaises. Nous avons travaillé ensemble et nous avons trouvé des solutions. Quand je souhaite parler avec Wolfang Schaüble, je n’ai pas besoin d’intermédiaire. Le seul problème qui s’est posé, compte tenu de la façon dont le projet de loi de finances rectificative allemand avait été libellé, est celui du quantum de la garantie de chacun des États membres au moment de l’activation du mécanisme – d’où la décision de majorer de 20 % la garantie de chacun des États. La garantie individuelle de chaque État membre dans le Fonds européen de stabilisation financière est donc plafonnée à hauteur de 120 % de la part détenue dans le capital de la BCE. Elle n’est pas conjointe et solidaire.

Le FESF a été créé pour trois ans, mais cela ne signifie pas que les prêts et les garanties ne sont émis que pour cette durée. Les règles de fonctionnement ont été calquées sur le mécanisme de soutien à la Grèce : les prêts sont émis pour une durée de cinq ans, comprenant une période de grâce de trois années pendant lesquelles aucun remboursement n’est appelé. Ainsi, des prêts émis au dernier jour de fonctionnement du Fonds européen seraient remboursés au plus tard en juin 2018.

Le FESF n’a donc pas été conçu comme un instrument pérenne. Pour autant, rien ne nous empêche de profiter de la réunion convoquée vendredi après-midi à Bruxelles par M. Van Rompuy pour réfléchir à l’institution – de préférence à traité constant – d’instruments de gouvernance économique, voire d’un mécanisme pérenne de garantie financière, en particulier au sein de la zone euro.

M. le rapporteur général. La Grèce est donc intégrée au Fonds européen de stabilisation financière ?

Mme le ministre. Oui.

M. le ministre. En ce qui concerne votre suggestion, monsieur le rapporteur général, j’y suis tout à fait favorable. Je ne suis ministre du budget que depuis deux mois, mais j’ai conscience que la logique de transparence et la sincérité du message délivré par le Gouvernement sont des facteurs profonds et durables d’efficacité dans ce contexte très instable. En effet, les interrogations sincères des acteurs économiques jouent tout autant un rôle que la spéculation dans les turbulences que connaissent les marchés financiers.

Nous avons déjà un rendez-vous, celui du débat d’orientation des finances publiques, prévu au mois de juin. Je ne peux prendre aucun engagement à ce stade, mais je crois comprendre que vous ne voulez pas d’une discussion à la sauvette, un lundi après-midi, au détour d’une loi de règlement. Compte tenu de la situation préoccupante des finances publiques, il convient en effet de donner plus d’importance à ces enjeux. On pourrait donc envisager de prendre le temps nécessaire, dès la fin du mois de juin, pour examiner les engagements que nous avons pris sur trois ans, les perspectives sur lesquelles nous travaillons, les estimations, les documents adressés à la Commission, etc. De toute façon, nous vous transmettrons ces informations : les engagements du Gouvernement sont connus de tous, il n’y a rien à cacher, tout est sur la table. Mais je ne verrais que des avantages à ce que l’hémicycle serve de caisse de résonance.

Nous n’avons pas besoin de modifier les traités, ni même la loi. Simplement, en posant en commun cet acte politique, nous créerions un précédent sur lequel il serait très difficile pour un gouvernement, quel qu’il soit, de revenir. Et nous franchirions ainsi une étape qui n’est pas négligeable.

Mme le ministre. J’ai par ailleurs le souvenir d’avoir envoyé aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances des deux chambres le programme de stabilité et de croissance au moment même où nous l’adressions à la Commission. Il n’en demeure pas moins, toutefois, que le Parlement n’a, jusqu’à présent, jamais été consulté en tant que tel à propos de ce document.

Quant à l’augmentation du produit des prélèvements obligatoires à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le président, elle s’explique évidemment par les prévisions de croissance et donc par une augmentation de l’assiette. Il n’agit pas de créer de nouveaux prélèvements.

M. le président Jérôme Cahuzac. J’en prends acte. Pour les collègues qui n’auraient pas suivi cette affaire en détail, je rappelle en effet que le Gouvernement a retenu une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2011 et en 2012, ainsi qu’une hypothèse d’élasticité des recettes à la croissance équivalant à 2 pour l’impôt sur les sociétés. Je laisse chaque commissaire des finances juge de la vraisemblance de ces prévisions : pour ma part, en tant que président de la Commission des finances, je m’abstiendrai de porter une appréciation.

M. Pierre-Alain Muet. Les crises n’ont qu’un seul effet positif : elles conduisent à des évolutions qui paraissaient auparavant impossibles. C’est ainsi que l’on a pu enfin concrétiser ce que l’on n’était jamais parvenu à mettre en place jusqu’à présent, un fonds de stabilisation destiné à soutenir un État en difficulté. Le Parti socialiste européen l’appelait depuis longtemps de ses vœux, de même que le Parti socialiste en France. Et on ne peut qu’approuver la décision prise par la Banque centrale européenne de faire ce que font toutes les banques centrales, c’est-à-dire acheter des titres publics sur le marché secondaire.

Mais la mise en œuvre de tous ces mécanismes ne devrait pas cesser lorsque l’économie reprendra un cours normal. Si nous voulons tirer l’enseignement de la crise et éviter qu’elle ne se reproduise, il convient de modifier la régulation et de faire en sorte que les mesures prises en urgence soient pérennisées. Ainsi, la durée de vie du Fonds européen de stabilisation pourrait être prolongée dans le cadre d’une coopération renforcée – une expression que l’on n’emploie plus guère en Europe – entre pays volontaires, en particulier ceux de la zone euro. Cela permettrait de mieux réagir en situation de crise, sans attendre quatre mois pour intervenir.

J’en viens à la question du droit de regard de la Commission. Il est évident que dans toute union monétaire, une coordination des politiques économiques est nécessaire. Pour effectuer un dosage macroéconomique entre politiques monétaires et politiques budgétaires à l’échelle européenne, un échange entre les ministres des États membres est indispensable. Mais cela ne signifie pas que la Commission puisse se mêler de ce qui ne la concerne pas en examinant le détail des budgets. Ce qui compte, à l’échelle de l’Union, c’est de pouvoir apprécier le caractère restrictif ou au contraire la capacité d’impulsion d’une politique budgétaire.

À cet égard, ma crainte est que les politiques d’austérité mises en place partout en Europe ne conduisent à casser la croissance – un effet que ne pourrait pas compenser une politique monétaire expansionniste –, au point de renvoyer la reprise à plus tard. C’est d’ailleurs l’analyse que font les marchés, dont la seule rationalité consiste à essayer d’anticiper ce que tout le monde va penser : après s’être inquiétés des déficits, ils s’alarment désormais des politiques d’austérité et de leurs conséquences sur la croissance en Europe. Ainsi, en croyant répondre à une inquiétude, on finit par en susciter d’autres.

Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, ce que représentent précisément les ventes à découvert sur les actions financières ? Pour ma part, il me paraît nécessaire d’en remettre en cause le principe même. En effet, cette technique a été inventée à une époque, il y a vingt ou trente ans, où la majorité des économistes pensaient que la spéculation était stabilisatrice, qu’elle tendait à limiter les écarts et à ramener l’économie vers l’équilibre. Aujourd’hui, aucun économiste n’affirmerait une chose pareille : tous reconnaissent que la spéculation est par nature déstabilisatrice. Or les ventes à découvert permettent de spéculer à partir de rien, de surcroît dans des temps extrêmement brefs, sur le moindre petit écart de marché, avec des résultats qui peuvent s’avérer catastrophiques.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, l’explication selon laquelle l’élasticité entraînerait spontanément leur augmentation ne me paraît pas réaliste. Une augmentation de deux points de PIB signifie que le Gouvernement, sans l’avouer, tient compte d’une future augmentation des impôts dans les documents qu’il transmet à la Commission européenne. L’importance de ces documents justifie donc qu’ils fassent l’objet d’un vrai débat au sein de notre assemblée, même si cela n’a jamais été le cas jusqu’à présent.

M. Charles de Courson. Un grand nombre de dispositions du programme de stabilité 2010-2013 devraient faire l’objet d’un vote au sein du Parlement. Ce document prévoit par exemple que les dépenses fiscales et les exonérations de charges sociales devront diminuer chaque année de 2 milliards d’euros – un montant modifié moins d’un mois après par le Premier ministre. De même, le tableau décrivant la situation financière des administrations publiques indique que le taux de prélèvements obligatoires va passer de 41 à 43 % du PIB, la plus grande part de cette augmentation de recettes provenant des impôts courants sur le revenu du patrimoine et des impôts sur la production et l’importation – c’est-à-dire de la TVA. De telles prévisions ne peuvent s’expliquer uniquement par l’effet d’assiette. Il est vrai qu’il suffit de ne pas réévaluer le barème pour obtenir de façon mécanique des recettes beaucoup plus importantes, de l’ordre de 23 milliards d’euros en trois ans. Mais ce qui importe, c’est que le programme de stabilité comporte de nombreux choix implicites qui devraient relever de la représentation nationale. Il conviendrait donc de soumettre ce document au Parlement et de le prendre en compte dans l’élaboration de la loi de programmation. Le problème ne se limite pas à la question du respect du Parlement ; il est constitutionnel, dans la mesure où le Gouvernement ne devrait pas pouvoir, sans l’accord de ce dernier, s’engager sur de tels chiffres auprès de la Commission.

Ce même tableau prévoit une réduction de 3 % en trois ans des dépenses des administrations publiques. Cette réduction serait obtenue à hauteur de 1,4 % par des mesures touchant à la rémunération des salariés et aux consommations intermédiaires, c’est-à-dire à la fonction publique, et à hauteur de 0,8 % par une diminution des prestations sociales en espèces. Tout cela représente un effort énorme et mérite donc un vrai débat.

J’observe par ailleurs que nos procédures budgétaires ne sont plus adaptées. Alors qu’il faut au mieux trois semaines pour adopter une loi de finances rectificative comprenant trois articles, le Gouvernement est obligé de déposer des amendements pour tenter de s’adapter à l’évolution du marché. Ne faudrait-il pas lui donner la possibilité d’agir par délégation, peut-être par voie d’ordonnances ? Le drame, c’est que la réaction des marchés est immédiate : à l’instant même ou le texte du collectif sera rendu public, vous serez interviewée, madame le ministre, et les marchés réagiront. Or, face à des marchés qui évoluent en une fraction de seconde, nous faisons figure de pachydermes. Nous avons besoin d’outils de décision rapide.

Mais le plus grave, c’est que les événements de ces dernières semaines conduisent à un affaiblissement de la construction européenne. Dans l’urgence, les membres de l’Union sont contraints de revenir à une approche intergouvernementale dont la géométrie est de plus en plus variable. Quant aux institutions de l’Union, on n’en parle même plus. Il existe, paraît-il, un président de l’Union européenne, et un président de la Commission, mais on a l’impression que les ministres se contentent de les transporter dans leurs valises. Un tel système de gouvernance ne peut pas perdurer.

Vous nous avez indiqué que l’engagement des garanties impliquait l’unanimité des seize. Que se passera-t-il si l’un des membres de l’Eurogroupe refuse : y aura-t-il blocage, ou est-il possible de passer outre ? Qu’en est-il de la rémunération des garanties ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Mme le ministre a déjà répondu à ces questions.

M. Charles de Courson. Au fond, ce à quoi nous assistons depuis quelques mois, c’est à l’européanisation de la dette publique. S’il ne s’agit que d’une phase transitoire, dans l’attente d’une réduction rapide des déficits, on peut l’accepter. Mais, inéluctablement, le jour viendra où il sera nécessaire de rééchelonner la dette des États concernés – y compris, éventuellement, celle de la France. Pourquoi s’obstiner à le nier ? Pourquoi faire payer la note aux peuples, à travers leurs impôts, plutôt que d’impliquer les banques ? Cette politique n’est pas tenable.

En ce qui concerne la vente à découvert, j’avais proposé au Président de la République, au début de la crise, non seulement de l’interdire, mais d’imposer un dépôt de garantie significatif, de l’ordre de 5 à 10 %. Aujourd’hui, une telle garantie n’est pas obligatoire. Êtes-vous prêts à vous battre pour l’instituer au niveau communautaire ?

M. Jean-Pierre Brard. « Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise : depuis que je suis petit, c’est comme ça », disait Coluche. Mais justement, ce n’est plus comme ça. La crise, nous sommes en plein dedans, parce que votre système ne fonctionne plus. Les contradictions arrivent à maturité, et il faudra bien que quelque chose change. En cela, la crise est positive.

Tout à l’heure, sur un autre sujet, François Baroin disait vouloir éviter un débat à la sauvette, un lundi après-midi. Or l’examen du projet de loi de finances rectificative est justement prévu un lundi après-midi ! Cela montre en quelle estime est tenu le Parlement.

À entendre vos propos, madame le ministre, on comprend – et là se situe la ligne de partage entre nous – que vous ne vous déterminez que par rapport aux marchés. Dès lors, je ne vois pas comment vous pourrez vous en sortir : la descente aux enfers vous est promise.

Dans la création de ce Fonds européen de soutien, on reconnaît d’ailleurs votre patte. Comme pour la SFEF, vous faites le pari que les droits de tirage accordés ne seront finalement pas exercés. Mais qui vous dit qu’il en sera ainsi ? Selon François Baroin, la création du Fonds européen n’aura pas d’incidence sur la dette française ni sur le déficit, mais cela n’est vrai que si votre pari tient la route. Dans le cas contraire, quelles seront les conséquences ? Que représentent ces 750 milliards d’euros par rapport aux enjeux réels ?

Vous avez été surprise, madame le ministre, de la position allemande. Votre homologue, Wolfgang Schäuble, a oublié de vous prévenir : quelle conclusion tirez-vous de cette mauvaise manière ?

Je reviendrai par ailleurs dans l’hémicycle sur l’affaire des réparations dues par l’Allemagne à la Grèce, puisque la chancelière a déclaré, en substance, que son pays ne s’estimait pas obligé d’acquitter une dette aussi ancienne. Or le Gouvernement français a un devoir de solidarité morale vis-à-vis des Grecs.

J’en viens au fond du sujet qui nous occupe. Que répondez-vous, madame le ministre, à ceux qui craignent que la multiplication des plans d’austérité ne conduise à une récession durable, alors qu’une reprise de la croissance est nécessaire ?

Par ailleurs, quelle est la position du grand ami du Président de la République, Barack Obama ? Il paraît que vous lui téléphonez beaucoup : pouvez-vous nous en dire plus sur ces conversations ?

Enfin, une question annexe : le Gouvernement français verse des émoluments aux agences de notation, mais selon Les Échos, la somme précise n’est pas connue. Pourriez-vous nous mettre dans la confidence ?

M. Henri Emmanuelli. En ces temps d’instabilité financière chronique, il convient certainement de mesurer les expressions utilisées ici.

Sur le fond, j’ai le sentiment que la situation que nous connaissons actuellement va durer un certain temps.

J’observe par ailleurs que la démarche intergouvernementale est devenue inévitable dès lors que l’on a eu l’idée géniale de porter à vingt-sept le nombre de membres de l’Union européenne dans les conditions où on l’a fait. Peut-être aurait-il fallu faire preuve de moins d’enthousiasme à l’égard de l’élargissement. Je ne vois plus très bien comment on peut travailler aujourd’hui à vingt-sept.

Quoi qu’il en soit, il y a, à propos de la création du Fonds européen de stabilité, quelque chose que je ne comprends pas. On sait que les marchés sont particulièrement instables, et que la rationalité n’est pas leur caractéristique majeure. Dès lors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi le FESF n’a-t-il qu’une durée de vie limitée ? Pourquoi cette règle de l’unanimité ? Certes, je peux comprendre le fait que la garantie ne soit ni conjointe ni solidaire, mais il n’en demeure pas moins qu’un tel choix affaiblit le dispositif.

On sait que la spéculation s’engouffre dans la moindre ouverture. Toute conditionnalité, toute hésitation est une porte qu’on lui ouvre. Alors, autant aller jusqu’au bout afin de tenir la spéculation à distance. Quant à la Grèce, on a parlé des missions d’inspection. Mais que se passera-t-il si on s’aperçoit que le pays ne remplit pas ses engagements ?

M. Olivier Carré. J’ignore si les précédents programmes de stabilité avaient anticipé la chute des prélèvements obligatoires que révèle l’analyse de nos comptes. Aujourd’hui, c’est à un mouvement inverse que nous assistons, pour des raisons déjà indiquées. Tout cela n’est qu’une question d’arithmétique.

La Grèce a bénéficié récemment d’un versement de 21 milliards d’euros. On a évoqué les modes de décision, qui ne sont pas toujours très simples. Pourriez-vous en dire plus sur la chaîne de financement – qui a décaissé quoi, en faveur de qui, etc. ?

L’action des pays européens s’apparente à un plan de sortie de crise appliqué de manière forcée. Or la Commission a été appelée à réfléchir au sujet d’une politique de soutien de la croissance à l’échelle européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Enfin, on sait que le Président de la République a voulu porter à plusieurs reprises l’idée d’un gouvernement européen, mais qu’il s’est heurté au refus de certains de nos partenaires. La France a-t-elle un dessein en la matière, qui l’amènerait à privilégier telle ou telle structure décisionnaire ?

M. Nicolas Perruchot. L’absence de cohérence au plan européen, déjà manifeste au début de la crise, est de plus en plus criante. Si, à cet égard, le Fonds de soutien peut être considéré comme un élément de réponse, pourquoi n’existe-t-il aucune consolidation budgétaire au niveau communautaire ? Cela manque cruellement. Dans le cas d’une entreprise dotée de filiales, cette consolidation est toujours effectuée au niveau comptable, ce qui permet de connaître à chaque instant la situation financière. Mais au sein de l’Union européenne, même lorsque les pays parviennent à mettre en place des instruments communs, chacun finit par repartir avec sa dette et ses déficits.

Sans une telle consolidation, non seulement le ver est dans le fruit, mais les fonds de soutien risquent de devenir des trappes à besoins de financements publics. Dans ces conditions, représentent-ils vraiment une solution capable, à terme, de nous faire retrouver le chemin de la croissance ?

Par ailleurs, si la chute du cours de l’euro a inquiété par l’ampleur et la brutalité des attaques qui lui ont été portées, l’augmentation prévisible du cours du pétrole et des matières premières ne risque-t-elle pas d’annihiler les effets positifs de la baisse de la monnaie unique ?

Mme le ministre. Monsieur Muet, je suis d’accord avec vous sur de nombreux points, mais pas avec votre appréciation selon laquelle notre économie n’aurait pas la faculté de retrouver une croissance de deux points et demi après une période de chute brutale. En 1993, déjà, nous avions connu une telle chute de la croissance…

M. Henri Emmanuelli. Seulement une croissance nulle.

Mme le ministre. Non : il s’agissait d’une période de récession, suivie par une croissance forte.

Vous m’avez interrogé sur les sociétés financières faisant l’objet, depuis septembre 2008, d’une interdiction complète de vente à découvert. Je peux vous citer : Allianz, April, Axa, BNP Paribas, CIC, CNP Assurances, Crédit Agricole, Dexia, Euler Hermès, HSBC, Natixis, NYSE Euronext, Scor et Société Générale… Bref, toutes les grandes sociétés françaises du secteur sont concernées par cette interdiction.

M. Henri Emmanuelli. Vous parlez donc des titres des sociétés financières.

Mme le ministre. Oui.

M. de Courson suggère d’imposer un dépôt de garantie. Mais il existe déjà un mécanisme équivalent, sous la forme d’appels de marges. Il est vrai que ces versements ne sont probablement pas suffisants et qu’il conviendrait d’en relever le montant.

M. Henri Emmanuelli. L’effet levier est énorme.

Mme le ministre. C’est vrai.

J’en viens aux remarques sur l’affaiblissement de l’Europe et sur l’opportunité de constituer des mécanismes de consolidation des dettes et des déficits. Il est exact, tout d’abord, que la crise peut constituer une véritable opportunité de redessiner certaines de nos institutions, voire de les renforcer, à condition toutefois de garder les yeux bien ouverts sur les écarts entre les différentes situations. Songeons aux différences entre États de la zone euro : les signatures ne sont pas les mêmes, les politiques économiques suivent des modèles complètement différents, la taille des économies est très variable… Ce manque de convergence, sur le plan économique et budgétaire, constitue un obstacle à la poursuite et à l’approfondissement de la construction européenne que pour ma part j’appelle de mes vœux. J’espère donc que la crise sera l’occasion de parvenir à une meilleure convergence.

J’en viens aux circuits de financement. La Grèce connaît aujourd’hui une tombée de dette de 10 milliards d’euros. Elle a reçu hier, de la part de dix États sur les seize concernés, un prêt de 14,3 milliards d’euros, auquel la France a apporté son concours à hauteur de 3,3 milliards d’euros – l’agence France trésor a bien actionné le mécanisme. Quant au Fonds monétaire international, il a transféré, le 15 mai, 5 milliards d’euros via la Banque centrale de Grèce. Le dispositif a donc fonctionné, même si sa mise en place avait été laborieuse. Quant à la BCE, c’est elle qui effectue les virements au bénéfice de la banque centrale grecque.

Vous avez raison, monsieur de Courson, de souligner le décalage entre le temps démocratique et celui des marchés. Résister à ces derniers implique en effet de réagir rapidement. Pour autant, faut-il adopter leur précipitation et leur réactivité permanente, ou se donner le temps d’une réflexion sereine pour prendre les décisions de fond ? La réflexion doit être poursuivie sur ce point. Peut-être faudrait-il se donner une plus grande marge de manœuvre dans certains domaines étroitement définis. Dans les moments les plus graves de la crise financière, nous avons ainsi travaillé en petit comité et de façon confidentielle, avec les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances, ce qui nous a permis de suivre l’évolution de la situation et de nous assurer par exemple que la création de la SFEF et de la Société de prise de participation de l’État constituait une bonne réponse aux tensions observées sur le marché interbancaire. En revanche, il aura fallu deux ans pour que la proposition de la présidence française de l’Union européenne d’enregistrer et de contrôler les agences de notation ne se traduise par l’entrée en vigueur d’un règlement européen sur ce thème. La question se pose dans les mêmes termes pour les fonds alternatifs et pour toute une série de mesures de régulation financière.

Vous avez évoqué la règle de l’unanimité au sein du conseil d’administration du Fonds européen, la question de la pérennité du dispositif, le caractère non conjoint et non solidaire de la garantie. Ces limites étaient nécessaires, si nous voulions que chacun monte à bord. Mais nous n’aurons pas besoin de demander l’autorisation de chacun des parlements nationaux en cas d’activation du mécanisme de garantie.

Enfin, en ce qui concerne les agences de notation, vous pouvez être rassuré, monsieur Brard. Leurs services sont gratuits, tout au moins s’agissant des émissions de dette publique. Je ne paye pas ces agences.

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous n’avez pas répondu à ma question sur les menaces de récession.

M. le ministre. Le plan que nous vous proposons est justement calibré pour répondre à deux exigences : d’une part, respecter nos engagements européens – même si je sais que vous êtes peu sensible à un tel langage – ; d’autre part, éviter les risques liés à une réduction brutale de la dépense publique, compte tenu du rôle que celle-ci joue dans le modèle économique français, lequel s’appuie fortement sur la croissance à travers la consommation. À cet égard, nous devons nous maintenir à un point d’équilibre et ne pas courir le risque de passer sous la ligne de flottaison. Tel est justement le sens du projet de loi de finances rectificative qui vous est présenté ainsi que des lettres de cadrage adressées au Gouvernement par le Premier ministre.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 19 mai 2010 à 12 heures

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Jean-Marie Binetruy, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Olivier Dassault, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Jean Launay, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Bernard Carayon, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel

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