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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 26 mai 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 78

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l’État – exercice 2009 – et sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009

–  Présences en réunion

M. le président Jérôme Cahuzac. C’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion que j’accueille M. Didier Migaud dans ses fonctions de premier président de la Cour des comptes.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, la Cour des comptes certifie la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Elle transmet au Parlement un rapport sur la performance de l’État, analysant par mission et par programme l’exécution des crédits. À cette occasion, la Cour donne un éclairage sur les composantes du résultat budgétaire – déficit, recettes, dépenses – et ses caractéristiques, sur la dette, ainsi que sur des modalités de gestion budgétaire que la commission des finances suit attentivement, en particulier la norme de progression des dépenses et l’étendue des dépenses fiscales.

Monsieur Migaud, vous pourrez nous présenter les rapports qui nous ont été remis, relatifs respectivement à la certification des comptes 2009 et aux résultats et à la gestion budgétaire en 2009.

Il serait aussi utile que nous connaissions précisément l’avis de la Cour des comptes sur les points suivants.

La dégradation de la situation budgétaire de l’État en 2009 par rapport à la loi de finances initiale tient à la fois à une forte baisse des recettes et à un accroissement des dépenses. Sur ces deux volets, quelle part est due à la crise financière et économique, et quelle part est structurelle, c’est-à-dire imputable aux politiques publiques ?

Quelle est la position de la Cour à propos de l’adoption d’une règle limitant les déficits publics ? À quel niveau juridique cette règle devrait-elle être adoptée ? Au niveau constitutionnel, organique ou législatif ? Convient-il de s’inspirer de la règle allemande ou de se contenter d’une nouvelle procédure parlementaire ?

Quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur les prévisions de croissance et de recettes transmises par le Gouvernement français à la Commission européenne dans son dernier programme de stabilité et de croissance ? Ce programme prévoit un taux de croissance de 2,5 % en 2011 et 2012, un taux d’élasticité jugé surprenant par certains, ainsi qu’un accroissement des prélèvements obligatoire de deux points de PIB, soit 40 milliards d’euros. Ces prélèvements obligatoires seront-ils obtenus par les seuls effets de la croissance ou bien des mesures plus volontaristes, sur les taux, les assiettes ou les barèmes, seront-elles nécessaires ?

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. C’est un grand honneur de m’exprimer devant votre commission et de porter à votre connaissance ces deux documents accompagnant le projet de loi de règlement pour 2009 : l’acte de certification des comptes de l’État ; le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État.

Je retrouve avec émotion et plaisir d’anciens collègues, avec qui j’ai travaillé activement dans les fonctions qui furent les miennes au sein de cette commission. Je salue chaleureusement chacune et chacun d’entre vous. La Cour entretient des relations de confiance avec votre commission, et mon prédécesseur, Philippe Séguin, accordait une grande importance à ces rendez-vous. À l’occasion de ma première audition parlementaire, j’ai une pensée particulière pour lui et je vous prie de croire que je m’efforcerai de contribuer au maintien de nos relations très étroites, dans le respect de la Constitution.

Je suis accompagné de magistrats que vous connaissez bien : MM. Christian Babusiaux, président de la première chambre, Jean-Raphaël Alventosa, conseiller maître à la première chambre, Patrick Lefas, conseiller maître à la première chambre, Emmanuel Belluteau, conseiller référendaire à la première chambre, Brice Blondel, auditeur à la première chambre, et Laurent Zerah, expert à la première chambre.

Ce rendez-vous est le premier d’une longue série qui me permettra, avant l’été, de vous dresser un tableau d’ensemble de la situation des finances publiques françaises. Vous ne m’en voudrez pas si je réponds incomplètement à vos questions aujourd’hui, monsieur le président, car je m’en tiendrai à l’exécution du budget 2009 et à la certification des comptes. J’entretiens le « suspense », comme le faisait Philippe Séguin dans cet exercice, avant de vous présenter, le 23 juin, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Je rendrai aussi compte du rapport relatif à la certification des comptes du régime général de sécurité sociale à la commission des affaires sociales de votre assemblée. Enfin, la Cour vous adressera, avant l’été, le rapport sur la mise en œuvre du plan de relance que votre commission a demandé au titre de l’article 58-2 de la LOLF et, début septembre, le rapport que vous avez réclamé à propos des interventions extra-budgétaires.

Tous ces rapports attestent l’étroite relation qui lie la Cour des comptes au Parlement. Mon souhait est d’aller encore plus loin dans l’assistance que nous vous apportons, afin de donner toute sa portée au nouvel article 47-2 de la Constitution. Je m’exprimerai d’ailleurs la semaine prochaine devant votre comité d’évaluation et de contrôle à propos de la manière dont la Cour entend contribuer au développement de l’évaluation des politiques publiques.

L’assistance que la Cour vous apporte dans le contrôle de l’exécution de la loi de finances est, je crois, particulièrement utile cette année. En effet, 2009 a été à bien des égards un exercice exceptionnel, en raison des effets de la crise économique et financière mondiale, et des diverses mesures qui ont été prises par l’État pour en réduire les effets. Les trois résultats financiers de l’État, prévus à l’article 37 de la LOLF, en portent témoignage.

L’exécution budgétaire s’est achevée par un déficit de 138 milliards d’euros, soit deux fois et demi celui constaté en 2008. Celui-ci avait pourtant déjà atteint, avec 56 milliards, un niveau record dans notre histoire moderne. Le déficit 2009 représente près de la moitié des dépenses nettes du budget général, et plus des deux tiers de ses recettes fiscales nettes.

Il est vrai que l’année 2009 a connu une dégradation marquée de la situation économique : alors que le budget avait été préparé sur une hypothèse de croissance du PIB de 1 %, la France a finalement connu une récession de 2,5 %. Cette dégradation conjoncturelle majeure a conduit le Gouvernement à réviser ses hypothèses à plusieurs reprises, imposant une mobilisation exceptionnelle du Parlement mais aussi des administrations pour adapter le budget de l’État. Votre commission a été bien sûr en première ligne tout au long d’une année qui a vu, fait exceptionnel, le vote de trois lois de finances rectificatives, en février, avril et décembre. Signe que cette crise profonde n’est pas terminée, ce rythme inhabituel se poursuit en 2010 : deux lois de finances rectificatives ont déjà été promulguées aux mois de mars et de mai, et une troisième a été déposée devant l’Assemblée nationale le 19 mai dernier.

Première conséquence de la crise économique et financière, les recettes fiscales nettes de l’État se sont effondrées, au point de revenir, à périmètre courant mais en euros constants, à un niveau proche de celui de 1979, alors que, dans le même temps, le PIB augmentait de 68 %. Par rapport à 2008, elles ont diminué de 60 milliards d’euros, dont plus de 24 milliards directement attribuables à la dégradation de la conjoncture.

Seconde conséquence de la crise, pour soutenir l’activité et éviter une aggravation de la récession économique et de ses effets sociaux, le Gouvernement a pris des mesures qui ont réduit les recettes et accru les dépenses.

Au total, les rentrées fiscales ont diminué de 16,3 milliards d’euros, du fait du plan de relance, essentiellement au titre des mesures visant à alléger les besoins de trésorerie des entreprises.

Quant aux dépenses comptabilisées sur la mission provisoire « Plan de relance de l’économie », elles sont estimées à 15,7 milliards d’euros. Ces mesures ont eu bien sûr un effet sur le dynamisme des dépenses nettes de l’État. En prenant en compte la variation du solde des comptes spéciaux, les dépenses nettes ont progressé de 21,5 milliards en crédits de paiement, soit plus 7,7 % par rapport à 2008. Ce chiffrage diffère de celui du Gouvernement, qui calcule l’évolution des dépenses nettes de l’État pour le budget général uniquement, sans intégrer la variation du solde des comptes spéciaux. Or, celui-ci, proche de l’équilibre ou légèrement positif ces dernières années, a connu une dégradation de plus de 8 milliards en 2009, du fait principalement des 6,3 milliards d’euros de prêts consentis aux entreprises du secteur de l’automobile.

En sens inverse, on peut relever l’allègement des intérêts payés par l’État au titre de sa dette, inférieurs de plus de 5 milliards d’euros à ceux acquittés en 2008. Une telle baisse peut paraître paradoxale alors que l’encours de la dette négociable a augmenté de 131 milliards en 2009. C’est que la crise a entraîné une baisse des taux d’intérêt et un ralentissement de l’inflation. Dans ce contexte, l’État a choisi de recourir massivement à des emprunts à court terme.

Au final, la Cour a pu établir que la crise économique et les mesures adoptées pour y faire face ont alourdi le déficit de l’État de près de 63 milliards d’euros par rapport à celui constaté en 2008, soit les trois quarts de son aggravation totale, chiffrée à 82 milliards d’euros.

Néanmoins, le solde budgétaire présenté dans le projet de loi de règlement n’a qu’une signification limitée, car il ne rend pas compte de certaines opérations extrabudgétaires, comme les avances rémunérées souscrites auprès du Crédit foncier de France, et parce qu’il dépend du calendrier des opérations budgétaires, avec les pratiques de report de charges sur l’exercice suivant.

Le résultat de la comptabilité générale de l’État, autrement appelé résultat patrimonial, donne une vision plus complète de la situation économique et financière. L’analyse des comptes permet de dépasser l’horizon annuel de l’autorisation budgétaire. En comptabilité générale, le résultat est en effet exprimé en droits constatés – dès que les dettes et les créances ont acquis un caractère certain –, ce qui permet notamment de mieux appréhender les engagements que l’État devra honorer dans le futur.

Ce résultat patrimonial déficitaire atteste lui aussi l’impact de la crise, puisqu’il a diminué de 28,7 milliards d’euros par rapport à 2008, pour s’établir à moins 97,7 milliards d’euros. Il apparaît toutefois moins dégradé que le résultat budgétaire, en déficit, je le rappelle, de 138 milliards d’euros.

Le solde d’exécution des lois de finances et le résultat patrimonial correspondent à des concepts différents, induisant logiquement de nombreux écarts positifs et négatifs. Par exemple, des dépenses budgétaires d’investissement significatives ne correspondent pas à des charges au sens de la comptabilité générale, mais sont inscrites au bilan de l’État en tant qu’actifs. Ces dépenses accroissent donc le patrimoine de l’État. Ainsi, les 6,3 milliards de prêts aux constructeurs automobiles dans le cadre du plan de relance sont bien des dépenses budgétaires mais figurent à l’actif du bilan de l’État en tant que créances immobilisées.

Il n’en reste pas moins que ce résultat patrimonial en forte dégradation s’explique par la réduction très sensible des produits fiscaux, que j’ai déjà mentionnée, et par la progression de certaines charges, en particulier de transferts aux collectivités et aux ménages.

La situation nette de l’État, qui résulte de la différence entre ses actifs et ses passifs, illustre de manière encore plus significative l’aggravation de la situation financière de l’État. Celle-ci se dégrade en effet de 105 milliards pour s’établir, fin 2009, à moins 723 milliards d’euros.

Cette dégradation très marquée de la situation nette, qui était déjà fortement négative, découle d’une augmentation du passif de l’État de 118 milliards d’euros, due pour l’essentiel à la progression de la dette financière. Cette dernière s’élève, fin 2009, à 1 175 milliards d’euros, en progression de plus de 131 milliards par rapport à 2008. Je précise qu’il s’agit bien de la dette de l’État et non de la dette de l’ensemble des administrations publiques, prise en compte au titre des critères dit « de Maastricht », laquelle s’établit à 1 489 milliards d’euros.

L’augmentation de 13 milliards d’euros de l’actif est principalement liée à la valorisation des immobilisations financières, en hausse de 17,7 milliards d’euros par rapport à 2008. L’essentiel de cette valorisation provient de la quote-part détenue par l’État dans le fonds stratégique d’investissement.

Le résultat du tableau de financement fait apparaître un besoin de financement de l’État sans précédent, de 246,2 milliards d’euros, soit deux fois plus que la moyenne des années 2002 à 2007. Ce besoin de financement a été couvert par l’endettement, l’État faisant le choix d’emprunter de manière croissante à court terme et dans des proportions supérieures à la couverture des variations infra-annuelles du compte du Trésor.

Cette croissance de la dette à court terme, si elle a pu représenter un avantage certain en 2009, présente un double inconvénient : elle renforce la sensibilité de la charge de la dette de l’État à une remontée des taux d’intérêt ; elle réduit pour partie la portée de l’autorisation parlementaire prévue par la LOLF, qui ne porte explicitement que sur la dette à moyen et long terme. C’est pourquoi la Cour recommande instamment d’améliorer l’information du Parlement sur l’évolution de l’endettement à court terme.

Vous l’aurez compris, tous les clignotants budgétaires et financiers sont au rouge. Cela pourrait laisser penser que la dégradation de la situation de nos finances publiques n’est attribuable qu’à la crise économique et aux effets du plan de relance. Ce n’est pas l’avis de la Cour puisque certaines mesures prises avant la crise ont eu des effets en 2009.

Ainsi, les allègements fiscaux consentis en 2007 et 2008 ont engendré des surcoûts de 5,2 milliards d’euros en 2009 : par exemple, le coût de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « TEPA », a atteint 9,7 milliards d’euros en 2009, soit 2 milliards d’euros de plus qu’en 2008.

En outre, certaines pratiques anciennes, comme l’insuffisante sécurisation des recettes de l’État, ont perduré pendant la crise. De nouvelles mesures fiscales, adoptées en cours d’année, ont généré une baisse des recettes de 1,4 milliard d’euros. Il s’agit principalement, vous l’aurez sans doute deviné, de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.

Il n’y a pas lieu, dans le cadre des deux documents que je vous présente aujourd’hui, d’épiloguer sur le caractère surtout conjoncturel ou essentiellement structurel de la dégradation de nos finances publiques, ou d’en apprécier la soutenabilité. La Cour en tirera les conclusions dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Le panorama que je viens de dresser est sombre, j’en conviens. Il ne doit pas masquer les progrès accomplis par l’État, d’une part dans l’exécution de son budget, d’autre part pour fiabiliser les comptes.

S’agissant de l’exécution budgétaire, l’exercice 2009 a été marqué par l’apurement d’une partie importante des dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale, pour un total de 3,8 milliards d’euros ; cette mesure a été principalement financée grâce à la diminution de la charge payée au titre des intérêts de la dette. De même, le recours à des ressources extrabudgétaires pour financer des charges du budget de l’État a été réduit ; ainsi, les avances souscrites auprès du Crédit foncier de France pour financer les primes d’épargne logement ont diminué de 300 millions d’euros par rapport à 2008. Enfin, les reports de charges sur l’exercice suivant ont été divisés par plus de deux par rapport à 2008.

La fiabilité et la qualité du compte général de l’État ont incontestablement progressé en 2009, même si la Cour certifie les comptes de l’État pour l’exercice 2009 avec neuf réserves, dont huit que nous considérons comme substantielles, j’y reviendrai. Ces progrès sont l’aboutissement des efforts importants consentis par l’administration pour résoudre des difficultés, dont certaines étaient pendantes depuis plusieurs années.

La Cour a donc décidé de lever trois réserves formulées sur les comptes de 2008, qui portaient respectivement sur la justification des comptes de trésorerie, les participations de l’État dans les principaux fonds multilatéraux, y compris le FMI, et la comptabilisation des actifs sous-jacents des contrats de concession de service public. Cette dernière réserve représente à elle seule un enjeu financier massif, plus de 130 milliards d’euros, au titre des concessions autoroutières, ferroviaires et aéroportuaires. Leur comptabilisation montre qu’il est possible de faire prévaloir le principe d’image fidèle, dès lors que l’on prend le temps de discuter et de s’expliquer.

D’autres progrès importants ont été accomplis mais leur portée ne permet pas encore de lever les réserves substantielles auxquelles ils se rattachent. Le déploiement des dispositifs ministériels de contrôle interne se poursuit dans le cadre d’une méthodologie d’analyse et de maîtrise des risques comptables stabilisée et partagée. La tenue par le ministère de la défense de la trajectoire triennale de fiabilisation de ses actifs mérite d’être saluée ; le recensement des immobilisations et des stocks a été significativement étendu et une méthode fiable de valorisation des immobilisations est en cours de mise en place. Ce ne sont là que deux exemples ; il y en a d’autres, mentionnés dans l’acte de certification qui vous a été transmis.

Des améliorations ont également été apportées à l’annexe aux comptes, qui a été auditée par la Cour. Ce document fournit un ensemble d’informations utiles pour analyser la soutenabilité des finances de l’État et contribuer à leur pilotage et à leur contrôle. Elle gagnerait donc à être davantage utilisée par le Gouvernement ; permettez-moi de dire qu’elle pourrait l’être aussi par le Parlement. Par exemple, à la demande de la Cour, l’annexe présente des projections sur les dépenses et les recettes futures du régime de retraite de l’État ; son besoin de financement cumulé est évalué à 333 milliards d’euros à horizon 2050. Autre exemple, l’administration a accepté d’intégrer dans l’annexe une valorisation du stock des déficits reportables : il s’élève à 279 milliards d’euros et se traduira, à terme, par une perte de 50 milliards d’impôt sur les sociétés.

Ces résultats encourageants valident le bien-fondé de l’approche adoptée par la Cour et l’utilité de la démarche de certification. La certification avec réserves des comptes de l’État permet à la Cour d’accompagner la réforme comptable plutôt que d’en sanctionner l’inachèvement. Cette stratégie, pour être constructive, supposait que des progrès importants soient constatés au terme de chaque exercice, ce qui a été le cas.

En trois ans, huit réserves substantielles ont pu être levées, même si de nouveaux problèmes sont apparus entre-temps. Je souhaite que d’autres difficultés soient résolues dès le prochain exercice. Ce résultat est accessible, pour peu que l’administration se donne les moyens d’aller au bout d’une démarche exigeante et qui a déjà fortement mobilisé ses services.

La certification n’est pas un exercice purement intellectuel, déconnecté des réalités économiques ou de la situation financière de l’État. Bien au contraire, il s’agit d’un outil central pour faire progresser la sincérité et la transparence des comptes publics ; à l’heure où la fiabilité des comptes de certains États membres de la zone euro est mise en cause, c’est une question essentielle. L’acte de certification permet d’apporter une assurance raisonnable sur la conformité des états financiers de l’État à un ensemble de règles et de principes. Il prévient ainsi les risques de manipulation des comptes. La France est un des rares pays de la zone euro où les comptes de l’État sont certifiés. J’entends œuvrer, dans les enceintes de coopération européenne pertinentes, pour une meilleure diffusion de cette démarche. Je suis aussi de ceux qui pensent que les gouvernements devraient davantage s’intéresser à l’idée de normes établies par des comités d’experts et dont le non-respect peut entraîner des conséquences en matière de notation.

Des marges de progression importantes demeurent pour assurer le pilotage du budget de l’État et la régularité de son exécution, tout comme la fiabilité et la sincérité du compte général de l’État. Dans ces deux domaines, un des enjeux principaux est la refonte et l’adaptation des systèmes d’information financière et comptable de l’État, dans le cadre du progiciel Chorus.

Il s’agit là d’un sujet d’inquiétude majeur pour la Cour : cela a motivé l’envoi au premier ministre, en début d’année, d’un référé, qui vous a été communiqué. Vous connaissez le coût important de cet ambitieux chantier et l’ampleur des réorganisations qu’il implique, en vue d’assurer une bascule au 1er janvier 2011.

La Cour est aussi inquiète de la fiabilité des données qui seront entrées et véhiculées dans Chorus. Le paramétrage semble trop permissif, avec des carences dans la tenue des engagements de l’État vis-à-vis des tiers. En outre, les travaux de conception de son cœur comptable sont insuffisamment avancés, ce qui a déjà conduit à reporter à 2012 la tenue de la comptabilité générale de l’État dans ce progiciel.

Des progrès sont également souhaitables pour assurer une meilleure maîtrise du budget de l’État. Ce dernier se fixe depuis plusieurs années un objectif, une norme de progression des dépenses, destinée à encadrer la préparation du budget puis à mettre sous tension les gestionnaires ministériels lorsqu’ils consomment des crédits. Mais les conditions dans lesquelles l’État utilise cette norme pour rendre compte de l’exécution des dépenses ne sont pas satisfaisantes. Malgré l’élargissement de la norme aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, qui avait été demandé par la Cour, cet outil demeure insuffisant pour assurer un pilotage global des différentes modalités d’intervention de l’État. Une part importante des dépenses reste exclue de la norme, notamment pour une grande partie des comptes spéciaux.

La Cour propose donc que soit mis en place un outil complémentaire. Cela permettrait de mieux suivre l’évolution des remboursements et dégrèvements d’impôts, qui ont atteint 112 milliards d’euros en 2009, et le dynamisme des dépenses fiscales, qui en est la principale source. Les dépenses fiscales ont augmenté de 6,2 % par rapport à 2008, au lieu des 4,8 % affichés en loi de finances initiale, hors plan de relance. La Cour recommande de mettre sous norme non pas l’intégralité de ces dépenses et financements mais la part qui se substitue à des crédits budgétaires.

Cela ne dispense pas d’une réflexion sur la maîtrise des dépenses fiscales ni d’une évaluation systématique de leur efficacité, qui constitue l’une des priorités de la Cour. Je souhaite que nous contribuions, le 23 juin, à clarifier les dépenses fiscales, qui recouvrent des réalités différentes et auxquelles il arrive parfois, d’une année à l’autre, de devenir un mode de calcul de l’impôt. Il importe de préciser leur définition et leur périmètre.

La gestion des autorisations d’engagement, qui devait permettre une approche pluri-annuelle et favoriser un rapprochement de la comptabilité générale et des opérations budgétaires, est également déficiente. Un certain nombre de programmes ne consomment pas ces autorisations, alors que des engagements juridiques ont été pris. C’est donc qu’il n’existe pas encore de véritable comptabilité des engagements juridiques de l’État, contrairement à l’objectif de la LOLF, et que le contrôle interne continue de faire défaut en la matière.

Enfin, l’exécution budgétaire aura été marquée par la persistance de plusieurs entorses aux principes budgétaires, dont l’ampleur reste toutefois limitée et qui sont plutôt moins nombreux que les années précédentes. Vous les connaissez : sous-budgétisations, reports de charges ou anticipations de dépenses, usage inapproprié des comptes spéciaux, ordonnancement de crédits non disponibles, compensation des recettes et des dépenses.

L’exercice 2009 aura également connu un doublement des dépenses effectuées en période complémentaire, ce qui, à la veille de la suppression de cette période, est pour le moins regrettable. La Cour suggère d’avancer le calendrier de vote de la dernière loi de finances rectificative de l’année, afin de permettre l’exécution des dépenses avant le 31 décembre. Ce n’est pas la première fois que nous formulons cette recommandation ; nous souhaitons ne pas avoir à y revenir trop souvent !

En matière de qualité de la comptabilité générale, des améliorations substantielles restent également à réaliser. Le volume des ajustements passés dans les comptes à la demande de la Cour illustre à lui seul le chemin restant à parcourir pour que les états financiers soient conformes au référentiel comptable qui leur est applicable : plus de 10 milliards d’euros sur le solde des opérations de l’exercice et près de 64 milliards sur la situation nette de l’État.

Même à l’issue de ces corrections, un certain nombre de désaccords et de limitations persistent, qui nourrissent les neuf réserves maintenues par la Cour sur les comptes de l’exercice 2009. Entendons-nous bien : si la fiabilité et la sincérité des comptes de l’État ont indéniablement progressé, des marges importantes demeurent pour atteindre le haut niveau d’exigence attendu par la Cour.

Le détail figure dans l’acte de certification qui vous est remis et dans la synthèse jointe, je ne reviens donc pas sur l’énoncé des motivations qui les fondent. Celles-ci continuent de concerner, avec un degré de gravité variable, l’ensemble des postes du compte de résultat et du bilan, ainsi que la qualité de l’information fournie en annexe.

Si l’année 2009 a été marquée par une plus grande fiabilité des comptes de l’État et une plus grande régularité dans l’exécution de son budget, la situation financière s’est à tous égards très sensiblement dégradée par rapport à 2008. La Cour entend jouer un rôle majeur, aux côtés du Parlement et du Gouvernement, pour redresser la situation de nos finances publiques. La nécessité de ce redressement fait aujourd’hui consensus, même si son rythme et ses modalités font à juste titre débat. Nous reviendrons sur ces questions dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

L’année prochaine, dans le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour l’exercice 2010, nous nous efforcerons d’accorder davantage de place à l’appréciation de la performance de la gestion. Sur ce point, de très riches informations vous sont déjà communiquées dans le cadre des notes d’exécution budgétaire et des notes d’analyse de programme. La Cour doit systématiser cette approche et mener, sur plusieurs années, une véritable revue de l’ensemble des programmes budgétaires. Nous souhaitons que le Parlement puisse s’appuyer sur ces notes, notamment lorsqu’il examine les projets de loi de règlement.

En 2011, nous fêterons un double anniversaire : les dix ans de la promulgation de la LOLF et les cinq ans de son entrée en vigueur. À cette occasion, en plus de son rapport annuel sur les résultats et la gestion budgétaire et de l’acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2010, la Cour rendra public un rapport sur l’application de la LOLF. Ce document examinera les avancées à mettre au crédit de cette réforme majeure mais également ses limites, puisque lui échappent en particulier les interventions de l’État prenant la forme de dépenses fiscales, celles effectuées via des opérateurs de l’État ou encore celles reposant sur la mobilisation d’outils extérieurs au budget.

Les rapports que je vous présente aujourd’hui soulignent que toutes les conséquences des innovations induites par la LOLF n’ont pas encore été tirées ; j’espère donc que cette contribution sera utile. Elle constituera la première marche d’un dispositif plus ambitieux d’évaluation des politiques publiques, qui donnera à la Cour les moyens de mieux appréhender leurs enjeux et leur efficacité.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons grand plaisir à vous accueillir, Monsieur le Premier président, et nous ne pouvons que nous satisfaire de la qualité des relations de travail et de confiance que nous entretenons avec les magistrats de la Cour de comptes.

L’année 2009 fut certes exceptionnelle mais elle fait à nouveau apparaître une dissymétrie considérable entre l’exécution des dépenses et celle des recettes.

En matière de dépenses, les prévisions sont tenues, les écarts constatés en exécution sont mineurs. Alors que la dette s’accroît, nous accomplissons même une économie de 5 milliards d’euros par rapport aux prévisions d’intérêt de la dette : plus l’État emprunte, moins cela lui coûte ! Ce gain est affecté, pour plus de 3 milliards d’euros, à l’apurement des dettes de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale et, pour près d’1,9 milliard, à la couverture de dépenses évaluatives, dites « de guichet », du type aide personnalisée au logement ou allocation aux adultes handicapés.

En euros constants, les recettes de l’État sont retombées au niveau de 1979. Le périmètre a certes évolué, l’État ayant abandonné des recettes aux collectivités locales et à la sécurité sociale, mais cela donne à réfléchir. Cette chute est imputable à la crise pour 80 %. Il convient de s’intéresser aux 20 % restants, qui correspondent à des mesures de baisse d’impôt presque toutes prises en dehors des lois de finances, par exemple dans le cadre de TEPA ou de textes relatifs au tourisme ou à l’environnement. Le surcoût total approche 9 milliards d’euros, plus qu’en 2008 – et encore, je ne compte pas les mesures relatives aux cotisations sociales. Ces mesures, prises séparément, présentent toutes un intérêt, mais elles ne sont pas consolidées et, à la fin de l’année, l’addition est lourde, surtout dans une période où il importe de protéger les recettes. Lors de la conférence sur le déficit qui s’est tenue jeudi dernier autour du Président de la République, le président de la commission des finances et moi-même avons beaucoup insisté sur ce point : nous devons réagir très vite. Il suffirait de réserver l’adoption de dispositifs générant des abattements fiscaux ou sociaux aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Qu’en pensez-vous ? Pour ne pas porter atteinte au droit d’initiative parlementaire, le législateur pourrait toujours voter des dérogations fiscales ou sociales, mais celles-ci n’entreraient en vigueur que le 1er janvier de l’année suivante, une fois reprises et consolidées dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Vous estimez que les deux tiers seulement des crédits du plan de relance auraient été injectés dans l’économie. Ce n’est pas forcément négatif, car cela signifie que ses effets continueront de se faire sentir en 2010, mais pourriez-vous nous donner des détails pour les trois programmes de la mission « Plan de relance », à savoir l’investissement public, le soutien à l’emploi et enfin le logement et la solidarité ?

Dans le cadre de la mesure de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, la loi de finances prévoyait la suppression de 27 000 équivalents temps plein travaillé. Or vous n’en constatez que 24 000. Comment cet écart s’explique-t-il ? Le même phénomène se produira-t-il en 2010 ?

En matière de niches fiscales, les dérapages sont considérables. L’article 200 quater du code général des impôts, relatif aux mesures de dérogation fiscale pour économie d’énergie dans un logement, est devenu ma bête noire : il est responsable, à lui seul, d’un dérapage d’1,3 milliard d’euros par rapport à la prévision ! Chaque fois que nous auditionnons le ministre concerné, il nous promet que des économies de 500 ou 600 millions seront enregistrées l’année suivante. Pourriez-vous nous donner des explications à ce sujet ?

Le remboursement anticipé du FCTVA – le fonds de compensation de la TVA – pour les investissements de 2008 était une excellente mesure mais il a coûté 3,85 milliards d’euros au lieu des 2,5 milliards prévus en trésorerie. Il a donc emporté un franc succès auprès des collectivités locales, mais celles-ci ont probablement encaissé le remboursement sans avoir procédé à tous les investissements promis, eu égard à la baisse spectaculaire de leur besoin de financement global, qui a chuté de 5,6 milliards d’euros en 2009. Ces investissements ont-ils simplement été reportés à 2010 ou à un peu plus tard ?

La certification des comptes constitue un vrai progrès, nous partageons votre sentiment. L’administration témoigne d’un réel souci de progresser et, d’année en année, vos réserves diminuent. Selon vous, en masse financière, quelles réserves impactent le plus le résultat de comptabilité générale ?

M. Michel Bouvard. Je salue à mon tour la qualité des rapports entre notre commission et la Cour, et je remercie cette dernière pour la qualité des documents qu’elle nous a remis aujourd’hui.

L’exécution de l’exercice 2009 est marquée par le passage de la crise. Les prévisions de dépenses ont certes été tenues mais certaines tendances sont préoccupantes.

La première porte sur la sécurisation des recettes. Je lis que l’écart entre recettes brutes et nettes correspondant aux dégrèvements et remboursements d’impôt « a atteint en 2009 un niveau jamais atteint, près de 34 % des recettes fiscales brutes », soit 112 milliards d’euros. Les dépenses fiscales progressent de 6,2 % au lieu des 4,8 % prévus, pour s’établir à 69 milliards d’euros. Le problème n’est pas dû à une insuffisance des recettes votées mais au fait que celles-ci ne se retrouvent finalement pas dans le budget de l’État, à cause de l’empilement de dispositifs adoptés au fil du temps et qui, pour l’essentiel, n’ont pas été revisités depuis une vingtaine d’années. Avant de voter une disposition rapatriant en loi de finances les mesures d’exonération et de dégrèvement, il convient de revisiter celles qui ont été votées par le passé, au regard de leur légitimité sociale ou économique. Comment la Cour pourrait-elle nous aider à vérifier leur efficacité ? L’autre solution consisterait à passer un coup de rabot, avec toutes les imperfections que cela entraînerait.

Ma seconde préoccupation a trait à la transformation de la structure de la dette. L’augmentation du portefeuille de dette à court terme a été un choix intelligent puisque cela a permis de réduire les taux d’intérêt. Un équilibre doit cependant être trouvé avec la dette à moyen ou long terme, afin d’anticiper la remontée inéluctable des taux d’intérêt et de tenir compte de la difficulté nouvelle à placer de la dette sur les marchés, malgré la qualité toujours reconnue de la signature de la France. D’après la Cour, où la ligne de partage entre dette à court terme et dette à moyen et long terme doit-elle se situer ?

Ma troisième préoccupation est relative à Chorus, la mise en place d’un système d’information de l’État étant une affaire extrêmement complexe. Un premier échec a été essuyé avec ACCORD – « application coordonnée de comptabilisation, d’ordonnancement et de règlement de la dépense ». Chorus, opération de rattrapage, aurait dû en tirer les conséquences. Or la Cour des comptes fait observer que certaines faiblesses tiennent au « cœur comptable » du système. Considère-t-elle que des adaptations sont encore possibles pour que le dispositif soit déployé dans des conditions satisfaisantes, même si cela prend un peu plus de temps que prévu ? Le retour sur investissement de plus de 800 millions d’euros espéré l’an dernier dans le rapport de la MILOLF – mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF – reste-t-il réaliste ? Le déploiement d’une comptabilité d’analyse des coûts, attendu avec impatience, notamment en matière d’immobilier, reste-t-il envisageable, même s’il est reporté en fin de parcours ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Peut-être pourrions-nous aussi nous pencher sur l’utilité économique de niches fiscales comme celle exonérant totalement de droits les plus-values de cession de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans, qui a tout de même coûté 18,6 milliards d’euros en deux exercices, ou celle relative à l’intéressement, qui, dès lors qu’elle est actionnée, va jusqu’à ouvrir un droit à niche sociale, ce qui dénote la très grande créativité de ses inventeurs.

La Cour des comptes relève que la RGPP – révision générale des politiques publiques – est organisée par ministère alors que la LOLF est centrée sur des missions et des programmes, qu’elle fait émerger des responsables de mission alors que la LOLF avait institué des responsables de programme, et qu’elle vise à fédérer les services déconcentrés de l’État, sans référence à leur rattachement budgétaire. Quels inconvénients entraîne ce chaînage imparfait entre la RGPP et la LOLF ?

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais dire, à mon tour, à quel point nous sommes heureux d’entendre le Premier président de la Cour des comptes et de prendre connaissance des rapports qui nous sont transmis. Ce sont, en effet, des analyses extrêmement importantes pour nos débats budgétaires.

Vous nous demanderez sans doute d’attendre le mois de juin pour connaître votre réponse, mais j’aimerais tout de même vous poser la question : quelle est, selon vous, la part respective du déficit structurel et du déficit conjoncturel ? Si l’on en croit les instituts de conjoncture, la moitié du déficit est de nature structurelle en 2009. Le rapport de la Cour va dans ce sens, bien qu’il ne fournisse des indications que sur les comptes de l’État : selon la Cour, les trois quarts de l’augmentation du déficit s’expliquent par les mesures de relance qui ont été adoptées et par les effets de la crise ; un quart résulterait donc de mesures structurelles, notamment les allégements fiscaux accordés dans le cadre de la loi TEPA. Par ailleurs, comme nous étions en haut de cycle en 2008, on peut estimer que l’essentiel du déficit était alors structurel. Il s’élevait à 3,4 % du PIB, soit la moitié du déficit actuel. La comparaison avec les pays ayant ramené leur déficit à zéro avant la crise, et donc supprimé leur déficit structurel, comme l’Allemagne, confirme cette analyse.

J’ai entendu avec plaisir le rapporteur général demander que l’on réserve les engagements importants de dépenses fiscales aux lois de finances. C’est une évidence : les lois de finances sont faites pour prendre des décisions à moyen terme sur le fondement d’une analyse des évolutions prévisibles au niveau macroéconomique. Il n’y a pas besoin de révision constitutionnelle pour cela, ni de loi organique : il suffit de faire un bon usage des lois de finances et de la politique économique. On voit bien, par exemple, que la décision prise en juillet 2007 d’engager imprudemment des dépenses importantes sans se fonder sur la réflexion qui aurait pu être conduite dans le cadre d’une loi de finances nous a précipités, quelques années plus tard, dans un déficit structurel accru.

J’en viens à des questions plus ponctuelles. Après l’échec du projet ACCORD, on ne peut que s’inquiéter des difficultés rencontrées pour se doter d’un logiciel de synthèse : il existe non seulement un retard dans la réalisation du programme Chorus, mais aussi des inquiétudes sur les données qui sont entrées. Il est probable que cet instrument ne répondra pas à l’objectif initial. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ?

J’aimerais aussi en savoir davantage sur votre huitième réserve, relative à la CADES. Il était prévu que l’on ne laisserait pas la dette de cet organisme s’accroître sans adopter des mesures correctrices, mais c’est encore une de ces règles vertueuses que l’on s’impose sans jamais les respecter. La volonté politique compte plus que toutes les règles. Quel éclairage pouvez-vous nous apporter dans ce domaine ?

J’ignore dans quelle mesure la Cour des comptes entrera dans le détail des niches fiscales, mais on voit bien que le dispositif dont nous aurions besoin est une révision générale des niches, suivant la même logique qu’une RGPP bien pensée – l’exercice mené sous ce nom manque de pertinence en raison des contraintes qui ont été imposées. Une révision générale de tous les dispositifs en vigueur nous permettrait de voir quelles sont les économies réalisables, car beaucoup sont en réalité dépourvus de toute efficacité économique. Il serait très utile pour le Parlement que la Cour des comptes s’engage dans une telle révision.

M. Jean-Pierre Brard. S’il y a un point commun entre Didier Migaud et Philippe Séguin, c’est que, malgré des styles différents, leur audition constitue un véritable happening, si je peux parler comme Christine Lagarde.

La Cour des comptes, le Parlement et le ministre du budget disposent-ils des mêmes informations sur l’application Chorus ? M. Baroin nous a indiqué la semaine dernière, à l’occasion du débat sur l’immobilier de l’État, que tout allait bien dans ce domaine. Pouvez-vous nous indiquer quelle est l’appréciation portée par la Cour des comptes sur Chorus ?

Je peine à comprendre que l’on puisse persévérer à ce point dans ses erreurs – chacun sait que l’État en a commis beaucoup ces derniers temps, notamment dans la pénible affaire de l’Imprimerie nationale. Comment peut-on admettre l’irresponsabilité persistante dont bénéficient ceux qui échouent à mettre en oeuvre les décisions de l’État qu’ils sont chargés d’appliquer ? Certaines formes de mansuétude ne sont-elles pas coupables ?

Il a été question de s’inspirer de l’exemple offert par l’Allemagne pour réviser notre Constitution. Or, ce n’est pas forcément une bonne méthode de copier sur les autres, et il arrive que l’on regarde mal ce que fait son voisin. La révision évoquée par le Président de la République n’a rien à voir avec le dispositif adopté en Allemagne. Comme la Cour a certainement porté une grande attention au débat public qui s’est engagé sur ce sujet, j’aimerais savoir ce qu’elle en pense. Elle ne peut pas être indifférente à l’éventualité d’une telle révision constitutionnelle.

Au risque de vous paraître trivial, j’avouerai que j’ai bu du petit lait en écoutant notre rapporteur général. Il a répété des propos qu’il tenait déjà lorsque Didier Migaud présidait notre Commission – il faut le reconnaître –, mais j’observe que ni lui ni M. Bouvard ne parlent plus de réduction des dépenses publiques : ils concentrent désormais leurs efforts sur les pertes de recettes de l’État. Mieux vaut y voir clair tardivement que rester toujours aveugle.

Le montant de 112 milliards d’euros de dépenses fiscales est effrayant, surtout si on le rapproche du déficit actuel et que l’on songe un instant à l’absence d’efficacité de ces exonérations – rappelez-vous ce que nous disait Philippe Séguin. Il faudra que nous sortions de l’aveuglement idéologique : le système actuel ne fonctionnant pas, nous devons enclencher la marche arrière. Il reste qu’une suppression brutale de ces exonérations illégitimes risque de ne pas être facile à supporter pour les bénéficiaires. La Cour a-t-elle réfléchi aux mesures de transition qui pourraient être adoptées ?

M. Didier Migaud. Les dépenses fiscales, évoquées par plusieurs d’entre vous, renvoient à plusieurs types de questions, et d’abord celle de leur définition. Ces dépenses ont tendance à augmenter sans cesse : nous en avons identifié 506 en 2009, quand il n’y avait que 486 il y a deux ou trois ans. Malgré les recommandations de la Cour et les observations des uns et des autres, des dépenses fiscales continuent à être votées par le Parlement et leur volume augmente.

L’idée d’imposer une validation des dépenses fiscales dans la loi de finances initiale ou dans la loi de financement de la sécurité sociale pourrait être une réponse, mais elle me semble difficile à appliquer : un certain temps s’écoulera entre le moment où la disposition aura été votée dans une loi ordinaire et celui où elle sera validée dans une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Le comportement des acteurs économiques risque d’en être affecté. Il ne nous appartient pas de nous substituer aux responsables politiques en indiquant quelles mesures il faudrait adopter, mais nous formulerons un certain nombre de recommandations que je vous présenterai le 23 juin. J’observe, par ailleurs, qu’il existe déjà une règle imposant que toute nouvelle dépense fiscale soit gagée. Respecter cette règle serait un premier pas. Avant d’envisager de nouvelles règles, il conviendrait peut-être de s’interroger sur le respect de celles qui existent.

Il ne m’appartient pas de commenter les annonces relatives à l’introduction de nouvelles règles dans la Constitution ou dans la loi organique, mais j’observe qu’une telle initiative pourrait être utile dans le cadre d’une concertation au plan européen. Le fait que les pays de la zone euro se dotent d’un certain nombre de règles pourrait produire un effet d’affichage intéressant vis-à-vis de nos partenaires. Quoi qu’on dise et quoi qu’on pense, plus notre endettement augmente et plus nous dépendons des autres. La France n’est pas dans la même situation que le Japon, dont 94 % de la dette sont détenus par des Japonais : 68 % de notre dette sont aujourd’hui entre les mains de résidents étrangers. Nous sommes plus dépendants que d’autres pays et nous devons tenir compte de notre environnement extérieur.

Une modification constitutionnelle pourrait donner une plus grande solidité juridique à une loi organique qui viendrait préciser un certain nombre de règles, mais il n’appartient pas à la Cour d’en décider. C’est à vous qu’il reviendra de vous prononcer sur les propositions qui seront faites par le Président de la République et par le Gouvernement. Si la Cour peut jouer un rôle dans ce processus, ce ne sera pas tant en amont, même si nous pouvons être consultés à ce stade, que dans le suivi de l’application et de l’exécution des règles.

À titre personnel, le débat relatif à la consultation a priori de la Commission européenne sur les lois de finances initiales me semble quelque peu surréaliste : le problème n’est pas tant l’élaboration des lois de finances initiales que leur exécution et l’application des règles en vigueur. On ne peut tirer que peu d’enseignement des lois de finances initiales. L’adoption des perspectives financières et d’un plan de stabilité, ainsi que le suivi de l’exécution des dépenses et de la déclinaison des lois de programmation me paraissent, en revanche, essentiels. Bien que la France dispose déjà d’un certain nombre d’outils, en particulier grâce à la LOLF, on peut envisager d’aller plus loin, de manière ponctuelle, afin d’améliorer le pilotage des finances publiques. Mais l’essentiel reste, à mes yeux, le respect des règles.

S’agissant des dépenses, quelques nuances séparent l’analyse du Gouvernement et celle de la Cour, le Gouvernement faisant état d’une progression des dépenses de 0,1 % en volume, hors plan de relance, et la Cour d’une progression de 0,4 %. Nous nous en expliquons dans le rapport, mais ce n’est pas la question la plus importante. Ce qui compte le plus, c’est la détermination de la norme de progression des dépenses. Bien des éléments ne sont pas pris en compte à ce jour – je pense notamment à la transformation de certaines dépenses budgétaires en dépenses fiscales et aux dépenses réalisées par l’intermédiaire des opérateurs et des comptes spéciaux. La Cour propose d’instaurer une norme qui s’ajouterait à celle qui est utilisée par le Gouvernement, car il serait tout à fait compréhensible de préserver la norme actuelle afin de permettre une comparaison avec les exercices antérieurs : il ne faudrait pas changer sans cesse de références.

J’en viens aux questions portant sur le plan de relance de l’économie. Nous faisons le même constat que le rapporteur général en ce qui concerne l’anticipation du remboursement du FCTVA. Je pourrais vous donner dès maintenant quelques indications, mais nous aurons l’occasion d’apporter des éléments complémentaires dans le cadre du rapport qui nous a été commandé au titre de l’article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux finances publiques.

Le plafond d’emploi fixé dans le budget a été respecté en 2009. Nous constatons, en revanche, une inversion de tendance en ce qui concerne les départs à la retraite. D’autres facteurs ont également contribué à majorer les dépenses, en particulier des mesures catégorielles et l’évolution de certains déterminants du glissement vieillesse technicité, le GVT.

Notre rapport sur la LOLF pourra être l’occasion de revenir sur ses rapports avec la RGPP. Comme nous l’avons déjà indiqué l’an dernier, la RGPP est loin de porter sur l’ensemble du budget alors que l’ensemble des dépenses d’intervention devrait faire l’objet d’une revue générale. En outre, force est de constater que la logique de la LOLF et celle de la RGPP ne coïncident pas totalement, la première faisant référence à des missions et à des programmes, tandis que cette dernière se contente de suivre l’organisation administrative de l’État. Elle ne constitue donc pas une révision générale des programmes telle qu’on pouvait l’envisager dans le cadre de la LOLF.

Nous sommes prêts à réaliser l’évaluation d’un certain nombre de dépenses fiscales, étant entendu que cela représente un travail considérable. Cela prendra du temps, alors que certaines mesures pourraient être adoptées en urgence dans ce domaine. Sans attendre les propositions que nous formulerons, il me semblerait possible de renforcer l’application de la règle du gage.

La Cour formule des observations sévères sur Chorus. Si vous le souhaitez, vous pourrez auditionner le président Babusiaux en compagnie des magistrats qui ont participé à la rédaction du référé sur ce sujet. Il faut reconnaître qu’il existe un certain nombre de circonstances atténuantes : compte tenu de la complexité de la question, on peut comprendre certains dysfonctionnements, mais leur persistance est plus difficile à admettre une fois qu’ils ont été identifiés. Il est encore temps de corriger le tir, mais on peut douter que nous puissions disposer à très court terme d’éléments permettant d’apprécier les coûts, alors que c’était précisément le but de Chorus, qui devait non seulement renforcer l’information et la transparence, mais aussi fournir un outil de bonne gestion. C’est une ambition de la LOLF que le système actuel ne permet pas de réaliser pour le moment.

Vous me permettrez d’attendre le 23 juin prochain pour répondre à la question portant sur la part respective du déficit conjoncturel et du déficit structurel. Nous avons besoin d’encore un peu de temps pour prendre en compte la croissance potentielle, ainsi que pour actualiser et affiner les observations et les propositions que nous avons formulées l’an dernier.

Les services du ministère des finances ont visiblement pris des décisions pertinentes en matière de partage entre la dette à court terme et la dette à long terme, mais une telle « gestion active de la dette » n’est pas sans risque. Des ajustements rapides pourraient être nécessaires : chacun est conscient des conséquences que peut entraîner un accroissement rapide de la dette à court terme si les taux d’intérêt évoluent. L’exécutif sait qu’il faut être attentif à la ligne de partage entre dette à court terme et dette à long terme.

M. Christian Babusiaux vous répondra mieux sur la CADES, ainsi que sur la certification. Je me contenterai de rappeler, pour ma part, que le nombre des réserves les plus substantielles a diminué : nous en avons levé trois au total. Cela étant, les réserves qui demeurent ne sont pas dénuées d’importance.

M. le président Jérôme Cahuzac. Avant que nous écoutions M. Babusiaux, je vais donner la parole à nos collègues de Courson, Giscard d'Estaing et Olivier Carré.

M. Charles de Courson. Depuis six ou sept ans, les dépenses fiscales augmentent chaque année d’environ cinq milliards d’euros. La Commission des finances ayant demandé qu’on y mette le holà, le Gouvernement avait annoncé une décélération en 2009 : l’augmentation devait se limiter à trois milliards. Or, la Cour indique que ces dépenses ont augmenté de 4,7 milliards. Avec le Grenelle 2 et d’autres textes, nous continuons à dépenser l’argent que nous n’avons pas. Avez-vous eu la possibilité d’approfondir votre analyse des principales niches fiscales ? Votre programme comporte-t-il des enquêtes sur un nombre significatif de dépenses fiscales ? Vous savez que nous allons nous atteler à cette question dans le cadre de la loi de finances pour l’année prochaine.

Ma seconde question porte sur les divergences entre la Cour et le Gouvernement sur la prise en compte de la CADES, de la MSA, qui sont à l’évidence des entités contrôlées par l’État. Dans ces conditions, il conviendrait que les comptes de l’État intègrent la CADES, une partie de l’ACOSS et la MSA : je rappelle que l’État garantit des emprunts de trésorerie émis par l’ACOSS pour un montant de 55 milliards d’euros, et qu’il garantit également la dette à court terme grâce à laquelle la MSA parvient à payer les prestations sociales agricoles – la dette de la MSA augmente d’1,5 milliard d’euros par an. Où en serait-on si l’on tenait compte de ces éléments pour calculer le déficit réel de l’État ?

Vous avez rappelé l’ordre de grandeur de la provision du régime des fonctionnaires de l’État – environ 333 milliards d’euros…

M. Didier Migaud. Il s’agit du besoin de financement actualisé à l’horizon 2050…

M. Charles de Courson. Mais cela nous donne un ordre de grandeur de l’engagement de l’État.

Pouvez-vous nous dire si ce chiffre inclut les régimes de retraite des parlementaires et des fonctionnaires de l'Assemblée nationale et du Sénat ? Même si les assemblées parlementaires jouissent d’une autonomie budgétaire, elles relèvent de l’État en tant qu’entité juridique. Quel est l’ordre de grandeur des engagements correspondant à ces régimes ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Nous nous réjouissons tous de ces échanges sur les comptes de l’État pour l’année 2009 et sur leur certification – c’est une procédure positive, dont l’instauration a constitué un progrès sur la voie de la sincérité.

Ma première question porte sur les réserves que vous formulez – 13 réserves substantielles en 2006, 12 en 2007, dont 9 substantielles, 12 encore en 2008, dont 9 substantielles, et enfin 9 en 2009. Dans quelle mesure peut-on envisager la levée de ces réserves ? Ont-elles changé depuis le début du processus de certification ou bien s’agit-il toujours des mêmes ? Y a-t-il eu un progrès et que suggérez-vous pour aller plus loin ? On pourrait avoir l’impression que la procédure de certification est peu suivie d’effets.

S’agissant de la réserve portant sur le recensement et la valorisation des opérateurs, pouvez-vous nous dire si les entités visées sont des autorités administratives indépendantes ? Vous savez que nous travaillons sur l’existence de ces autorités dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle et que nous éprouvons un certain nombre de difficultés, notamment pour identifier leur patrimoine.

J’en viens à la cinquième réserve, relative aux actifs du ministère de la défense : les valeurs considérées comme « non auditables » par les services du ministère atteindraient 60 milliards d’euros en valeur brute et 25 milliards en valeur nette. Quelles suggestions pourriez-vous formuler pour que l’on parvienne à des éléments raisonnablement certifiables par la Cour ?

Selon les documents que vous nous remettez aujourd’hui, la valeur nette comptable du patrimoine immobilier de l’État aurait augmenté de 5 milliards d’euros entre 2008 et 2009. Un premier problème concerne la base sur laquelle est effectuée la valorisation des actifs immobiliers de l’État : on s’aperçoit, lorsque l’on vend certains biens, que leur valorisation ne correspond pas à leur prix de cession. Travaillez-vous avec France Domaine sur les critères retenus ? Par ailleurs, la crise immobilière devrait conduire, si l’on en croit certains acteurs, à une dépréciation d’une partie des actifs de l’État.

M. Olivier Carré. Sans vous demander de déflorer les sujets que vous aborderez le 23 juin, j’observe qu’un chiffre n’a pas encore été cité : celui de la récession de notre PIB. Si elle est inférieure à celle de nos voisins, nous savons qu’elle s’accompagne de phénomènes inséparables de l’analyse des comptes de l’État.

À quel montant estimez-vous l’accélération du remboursement de certaines dettes de l’État à l’égard d’autres acteurs, notamment les entreprises et les collectivités territoriales ? Ce type de mécanisme, qui a permis à l’État de prendre en charge un certain nombre de dettes afin d’améliorer les capacités de trésorerie d’autres acteurs, constitue une opération neutre au plan macroéconomique, mais il augmente naturellement le déficit budgétaire.

Je m’interroge enfin sur les concours de l’État aux collectivités territoriales, qui sont passés de 94 à 100 milliards d’euros l’année dernière, soit une augmentation de deux points de la part de l’État dans le financement des collectivités territoriales par rapport à 2006 – elle doit maintenant atteindre la moitié du total. L’une des plus fortes augmentations concerne les compensations d’exonérations et de dégrèvements, en hausse de 10 %, qui s’élèvent désormais à 1,6 milliard d’euros. Est-ce un phénomène conjoncturel ou une évolution structurelle ?

M. Didier Migaud. Le rapport que nous présenterons le 23 juin apportera des éléments complémentaires sur toutes ces questions.

Nous faisons le même constat que M. de Courson au sujet des dépenses fiscales : j’évoquais tout à l’heure les problèmes posés par leur maîtrise, leur définition et leur périmètre. La Cour souhaite contribuer à une clarification, et elle a commencé à évaluer un certain nombre de dépenses fiscales. Notre dernier rapport public annuel comporte ainsi une insertion relative aux dépenses fiscales outre-mer, qui atteignent des montants importants. Nous allons continuer ce travail, mais nous ne pourrons pas évaluer toutes les dépenses fiscales avant l’examen de la loi de finances pour 2011. C’est pourquoi je me suis permis d’insister sur le respect d’une règle déjà applicable : l’obligation de gager toutes les dépenses fiscales supplémentaires. J’ai cru comprendre, en écoutant le rapporteur général, que vous étiez sensible à la question de la sécurisation des recettes.

Je laisse à M. Babusiaux le soin de répondre aux questions portant sur la CADES et sur la certification. Je rappellerai, pour ma part, que nous avons levé six réserves depuis le début du processus. Même si de nouvelles réserves ont été formulées, le bilan est plutôt positif : le nombre des réserves a globalement diminué.

L’État a décidé de prendre à son compte une partie des dettes d’autres acteurs, y compris celles des entreprises dans le cadre du plan de relance. Nous reviendrons sur cette question le 23 juin prochain, sous l’angle de la soutenabilité des finances publiques, mais j’observe dès à présent qu’il n’y a pas eu de reprise de dette par l’État, hors mesures adoptées à l’occasion du plan de relance, lesquelles ne consistent d’ailleurs pas en une reprise de dette à proprement parler.

M. Olivier Carré. Il y a tout de même la réforme de la taxe professionnelle.

M. Didier Migaud. Oui, mais c’est un autre sujet.

Nous sommes conscients des conséquences que pourrait avoir la prise en compte de la CADES selon des modalités différentes. Nous continuons le dialogue avec le Gouvernement, qui a ouvert certaines pistes de réflexion, mais nous ne sommes pas en mesure, pour le moment, de lever la réserve substantielle que nous avons formulée.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre. Pour la Cour, la CADES est une entité contrôlée par l’État au sens des normes comptables : son conseil d’administration est composé, pour l’essentiel, de représentants de l’État ; le calendrier des émissions et leurs modalités sont approuvés par le ministre de l’économie, ce qui signifie que l’État exerce un pouvoir de décision sur le cœur de métier de la CADES et sur la quasi-totalité de son activité ; à cela s’ajoute la garantie implicite accordée par l’État aux émissions de cet organisme.

Le ministre ne conteste plus l’analyse de la Cour, puisqu’il a reconnu, dans un récent courrier, qu’il n’était pas normal que la CADES ne soit prise en compte nulle part : elle doit être rattachée soit à l’État, soit à la sécurité sociale, le ministre penchant pour cette dernière solution. Une première mesure a d’ailleurs été prise en ce sens : les annexes aux comptes de sécurité sociale sont désormais complétées par une mention de l’impact de la CADES sur les engagements et la situation des branches. Ce n’est toutefois qu’un premier pas : les questions relatives à la gouvernance de la CADES ne sont pas encore réglées. Dans une lettre adressée à la Cour, la semaine dernière, à propos de la certification qui vous est aujourd’hui présentée, le ministre a indiqué que la réflexion se poursuivait. Nous constatons qu’il y a une démarche positive du Gouvernement, qui reconnaît maintenant l’existence du problème, mais nous ne savons pas quelles solutions seront adoptées.

Si l’on retient la solution préconisée par le ministre, Monsieur de Courson, il n’y a pas de conséquences pour l’État. Mais nous ignorons encore s’il y aura une combinaison de comptes, agrégation comptable ou simple information sous la forme de tableaux communiqués à la commission des comptes.

En ce qui concerne l’ACOSS et la MSA, la question de leur traitement comptable est liée à la solution de fond qui sera retenue pour la prise en charge de leur trésorerie. Le ministre pourra sans doute vous apporter des précisions sur ce point.

M. Patrick Lefas, conseiller maître. L’ACOSS est « transparente » par rapport aux caisses nationales. Dès lors que nous les considérons comme des entités non contrôlées, elles n’apparaissent pas en tant que telles dans les comptes de l’État, sinon pour une valeur égale à zéro. La CCMSA, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, est également en dehors du périmètre considéré : ce n’est pas un établissement public national.

Il faut faire une distinction entre les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes : les unes figurent directement dans les comptes de l’État, car elles ne jouissent pas de la personnalité morale ; les autres sont en revanche pleinement indépendantes, et ne constituent pas des opérateurs. Nous ne les contrôlons donc pas, et nous ne les comptabilisons qu’au titre des coûts d’acquisition. C’est par exemple le cas de l’AMF, l’autorité des marchés financiers.

Nous travaillons bien sûr en étroite liaison avec France Domaine en matière de valorisation. Il y a une marge de progression, ce qui explique la réserve que nous formulons.

En ce qui concerne les actifs militaires, il conviendrait de fiabiliser la part des immobilisations en service, notamment les plus anciennes d’entre elles.

Les comptes des quatre caisses nationales de retraite des assemblées parlementaires sont intégrés en fin d’exercice dans les comptes de l’État, car les pouvoirs publics n’ont pas de personnalité morale autonome. Ces comptes sont distincts de la comptabilité des engagements de retraite et du compte d’affectation spéciale « pensions », mais ils « remontent » dans la comptabilité de l’État. Au Sénat, il s’agit d’un système de semi-capitalisation qui prend la forme d’un portefeuille dédié, distinct des immobilisations financières, puisqu’il existe des contreparties consistant en des provisions.

M. Didier Migaud. Nous aurons l’occasion de revenir, le 23 juin prochain, sur ce sujet. La question des retraites doit en effet être resituée dans le cadre de la soutenabilité des finances publiques.

M. le président Jérôme Cahuzac. Merci beaucoup, Monsieur le Premier président, pour vos réponses.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 26 mai 2010 à 16 h 15

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Jean-Marie Binetruy, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-François Lamour, M. Victorin Lurel, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Bernard Carayon, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Jean-Claude Flory

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