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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 8 juin 2010

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 81

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, sur le projet de loi de règlement pour 2009 et la politique de regroupement dans l’enseignement supérieur 2

–  Présences en réunion

La Commission entend Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, sur le projet de loi de règlement pour 2009 et la politique de regroupement dans l’enseignement supérieur.

M. le président Jérôme Cahuzac. Bienvenue à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et à M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes.

Nous poursuivons nos auditions dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement pour 2009. Sur la suggestion de notre rapporteur spécial pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, M. Laurent Hénart, nous évoquerons en particulier la politique de regroupement et de coopération dans l’enseignement supérieur.

Je vous propose, madame la ministre, de commencer par nous exposer brièvement les principales caractéristiques de l’exécution de la mission Recherche et enseignement supérieur en 2009. Le rapport annuel de performances de cette mission interministérielle, qui regroupe douze programmes, compte plus de 750 pages. Je vous remercie donc de l’effort de synthèse que vous serez amenée à effectuer.

Je demanderai ensuite à M. Jean Picq de présenter les conclusions du référé qui nous a été adressé il y a deux semaines, à la suite d’une enquête interchambres réalisée en 2009 sur les différents types de coopération entre les établissements d’enseignement supérieur.

Puis, nous écouterons M. Laurent Hénart et les deux autres rapporteurs spéciaux pour les programmes de recherche, M. Jean-Pierre Gorges et M. Alain Claeys, avant d’en venir aux questions que nos collègues souhaiteront poser.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Je voudrais tout d’abord saluer la qualité du travail accompli par la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement et sur la politique territoriale menée au titre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES).

Le premier fait saillant de l’exécution budgétaire en 2009 est la réalisation d’un effort historique en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, première priorité du Gouvernement. Compte tenu du plan de relance, les crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) ont atteint 24,5 milliards d’euros en exécution, soit une hausse de 9,2 %, contre 3,6 % en moyenne pour le budget général de l’État. Le taux de consommation s’est élevé à 99,3 %, ce qui est considérable.

Ces crédits nous ont permis d’être au rendez-vous des réformes : le renforcement de l’attractivité des carrières dans les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui était la priorité de ce budget ; la réussite des étudiants dans le cadre du plan « Réussir en licence » ; la mise en œuvre de l’autonomie des universités, qui nécessitait une rénovation et une modernisation des relations financières avec l’État sous la forme d’une contractualisation ; l’accompagnement de la réforme des organismes de recherche, qui passait notamment par leur réorganisation en instituts et par la création des alliances ; la valorisation de l’excellence des laboratoires, en particulier grâce à l’action de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ; la dynamisation de la recherche privée par l’intermédiaire du crédit d’impôt recherche.

L’année 2009 a été la première année de mise en œuvre du principe d’autonomie dans dix-huit universités. Le transfert de leur masse salariale, qui représente 2 milliards d’euros, et celui des 34 000 emplois correspondants ont été un succès malgré les difficultés techniques et politiques auxquelles on pouvait s’attendre. C’est une réussite pour nos universités, qui ont déjà commencé à utiliser leurs compétences pour dégager des marges de manœuvre et pour mener des politiques de ressources humaines dynamiques et novatrices en matière de primes, de promotions, de requalification, de formation, de politiques sociales et de mobilisation des emplois vacants. Comme je connais la grande attention que vous portez au suivi de la masse salariale et de l’emploi, je précise que nous avons mis en place de nouveaux outils, très performants, de gestion des ressources humaines afin de garantir la soutenabilité de ces nouvelles responsabilités pour les finances publiques.

Le deuxième fait marquant de l’année 2009 a été le plan de relance, qui a apporté 730 millions d’euros de crédits supplémentaires à la recherche et à l’enseignement supérieur, dont 581 millions au seul titre de mon ministère. Ces moyens ont permis de mettre à niveau le patrimoine universitaire et d’accélérer de nombreux projets de recherche. En trois ans, nous avons rattrapé dix-huit mois dans l’exécution des contrats de projets État-régions (CPER), dont le taux d’exécution s’élève désormais à 50 % en ce qui concerne les universités. Ces crédits ont également permis d’accélérer de nombreux projets de recherche. Au total, 97 % des crédits ont été affectés, et 82 % ont été engagés par l’État ou par les opérateurs. Le taux d’engagement a atteint 93 % à l’université, mais il a été plus faible dans le domaine de la recherche du fait des échéanciers que nous devions respecter. En aucun cas, ces moyens n’ont servi à « gonfler » la trésorerie des établissements : ils correspondent à de véritables besoins. Une fois les études réalisées et les difficultés posées par le code des marchés publics surmontées, les universités sont capables d’aller vite dans la consommation de ces crédits.

Pour ce qui est du programme Vie étudiante, sur lequel la Cour a appelé notre attention, force est de reconnaître que l’exécution des crédits a été en décalage avec les prévisions budgétaires. Il a fallu abonder ce programme en cours d’année afin d’assurer un taux très élevé de versement des bourses. À la fin de l’année 2009, 96 % des dossiers de bourses sur critères sociaux ont été validés, ce qui a dépassé nos prévisions initiales. L’insuffisance de la programmation budgétaire s’explique par l’augmentation considérable du nombre des boursiers conformément au souhait du Gouvernement. Les plafonds de ressources ont été augmentés au premier semestre de 2009 et nous avons enregistré des évolutions considérables dans la répartition par échelon : il y a eu 14 700 boursiers de moins à taux zéro et 10 800 boursiers supplémentaires hors taux zéro, ce qui a occasionné un surcoût de 10 millions d’euros en gestion et une augmentation du report de charges de 9 millions d’euros par rapport aux prévisions. Les effectifs au cours du second semestre de 2009 ont, en outre, légèrement dépassé le niveau prévu lors de l’élaboration de la loi de finances, car il y a finalement eu 549 000 boursiers au lieu de 533 000. Les dépenses réalisées à ce titre dépendant substantiellement de la conjoncture économique, on constate forcément un décalage structurel entre la présentation du budget et son exécution.

J’en viens au référé de la Cour des comptes relatif aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES. De même que le rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, qui a été remis, à ma demande, en mars 2010, les travaux de la Cour ont mis en lumière le rôle structurant que les pôles ont joué dans le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis 2006. Alors qu’on comptait à l’origine 85 universités et 200 écoles, il existe aujourd’hui une forte structuration du paysage autour d’un certain nombre de pôles.

Les deux rapports font état de progrès substantiels, notamment en matière de mutualisation des formations doctorales et de valorisation de la recherche. Ils soulignent également l’accélération de la montée en puissance des PRES dans le cadre de l’opération « Campus », qui repose sur eux. Sans les PRES, en effet, cette opération ne pourrait pas exister. Elle vise à créer des campus constituant de véritables lieux de vie grâce à une mutualisation de toutes les infrastructures de la vie étudiante, telles que les bibliothèques, les installations sportives et les logements.

Les deux rapports convergent également sur la question des améliorations qu’il faudrait apporter. Peu de compétences sont aujourd’hui fédéralisées, en particulier dans le domaine de la formation. La loi de 2006 ne faisant expressément référence qu’aux formations doctorales, la capacité des PRES à délivrer des diplômes a été contestée – y compris, d’ailleurs, pour les doctorats. Dans le domaine de la recherche, les interventions des PRES restent parfois trop modestes, malgré les ambitions affichées. Cela étant, je veux saluer l’intérêt des expérimentations de guichets uniques pour la valorisation qui sont réalisées au sein des PRES en partenariat avec l’ANR, en préfiguration des futures sociétés d’accélération de transfert de technologie que nous voulons instaurer dans le cadre du grand emprunt. À l’évidence, les relations avec les entreprises ne peuvent pas se nouer au niveau de chaque université, mais au niveau des sites. On constate, par ailleurs, que les membres fondateurs des PRES participent inégalement à la mise à disposition des moyens aux PRES, que les modes de gouvernance sont extrêmement variables et que les organismes de recherche font souvent preuve d’un investissement insuffisant dans la démarche engagée.

Il reste que les situations sont très diverses. Le PRES de Lyon, qui témoigne d’un grand dynamisme, a non seulement opté pour la signature unique des publications, mais il coordonne aussi les formations doctorales, il délivre les doctorats sous son label et il a développé une stratégie de valorisation de la recherche. Il faut également saluer le rapprochement de Lyon 2 et de Lyon 3, qui était inimaginable il y a quelques mois alors que les champs de formation et de recherche de ces deux universités sont identiques. Des projets phares ont été lancés, tels que la création d’un learning center aux standards internationaux.

Il faut en outre être conscient que certains PRES sont encore très jeunes, comme le PRES « Paris Cité » qui réunit notamment l’université Paris-Descartes, Sciences-Po et l’université de Tolbiac. De grands espoirs peuvent être fondés sur ce PRES, créé il y a seulement quelques semaines.

Le paysage de l’enseignement supérieur évolue lentement mais sûrement dans tous les sites. Certes, tout n’avance pas au même rythme partout, ni dans tous les champs d’action, mais le mouvement est lancé et l’on ne peut pas reprocher à des universités qui jouissent désormais de l’autonomie de structurer leurs partenariats comme elles l’entendent. Les universités et les écoles se parlent, ce qui est un fait nouveau, et leurs personnels travaillent ensemble. Personne n’a intérêt à ce que cette dynamique s’affaiblisse. Mon ministère s’emploie à encourager, à impulser et à orienter tout ce qui lui paraît de nature à favoriser la coopération entre les forces de l’enseignement et de la recherche sur chaque site.

Les PRES sont un outil utile pour la structuration du paysage, car leur développement est complémentaire de l’autonomie des établissements. Les PRES renforcent ces établissements en faisant émerger des pôles de visibilité mondiale. Avec les investissements d’avenir que nous projetons, un véritable acte II se prépare. Les PRES constituent l’un des lieux naturels pour la préparation et pour la coordination de la réponse des établissements et de leurs regroupements aux projets financés par le grand emprunt national dans le domaine de la recherche. Ils peuvent, en outre, constituer des périmètres pertinents pour les initiatives d’excellence, même s’ils ne sont pas le seul cadre envisageable dans ce domaine.

Avec les investissements d’avenir, la période qui s’ouvre sera cruciale pour la structuration de notre système d’enseignement supérieur et de recherche dans l’ensemble du territoire, grâce au développement d’une très forte logique de sites. Les PRES sont des outils de coopération que les universités et les écoles ont librement choisi d’utiliser pour bâtir des projets communs dans le domaine de la formation et dans celui de la recherche. Les mentalités ont beaucoup évolué : ce qui était impossible à concevoir hier est aujourd’hui envisagé sereinement. Je reviens, par exemple, de l’École centrale de Paris, qui est en train de mettre au point un master conjoint avec Supélec et Paris-XI, et d’ouvrir une voie d’entrée en grande école par l’intermédiaire des licences et des DUT délivrés par Paris-XI, ce qui était impensable il y a quelques mois.

Il revient à l’État d’être à l’écoute des acteurs, de les accompagner et de leur donner les moyens d’accélérer les transformations en cours pour le plus grand bénéfice des chercheurs et des étudiants.

M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. Je remercie la ministre d’avoir salué le travail de la Cour. Cette audition s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’article 47-2 nouveau de la Constitution, aux termes duquel la Cour « assiste le Parlement et le Gouvernement […] dans l’évaluation des politiques publiques ».

Les relations entre la commission des Finances et la chambre que je préside ont désormais une certaine épaisseur historique. À la demande de votre Commission, nous avons réalisé en 2005 un rapport sur l’efficience et l’efficacité des universités, qui a été suivi par la constitution d’une mission d’évaluation et de contrôle, corapportée par M. Alain Claeys et par M. Michel Bouvard. Son travail a contribué à éclairer significativement le législateur lors de la préparation puis du vote de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, dite « LRU ». Nous avons ensuite réalisé un travail sur la formation continue, puis la problématique de la recomposition de la carte universitaire nous a conduits à mener l’enquête que nous évoquons aujourd’hui.

Je parlerai en premier lieu de l’exécution des crédits de la MIRES, dont cinq programmes, représentant 88 % des crédits, sont placés sous la responsabilité de la ministre.

Le fait que l’exécution de la MIRES relève désormais des opérateurs de l’État transforme la question du contrôle des plafonds d’emplois. L’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 avait déjà prévu que le plafond d’emplois des opérateurs serait désormais soumis au vote du Parlement, mais il me semble que c’est la première fois que l’on fait apparaître un plafond consolidé de la MIRES. Celui-ci n’était pas de 115 509 emplois en 2009, comme prévu, mais de 263 126 emplois. La zone de démarcation entre les emplois sous plafond et ceux hors plafond est une vaste zone grise qui peut être le lieu de dérapages. Les outils évoqués par la ministre pour suivre et pour contrôler la masse salariale présentent donc un grand intérêt. Il faut éviter que les plafonds ne soient contournés.

J’en viens maintenant au programme 231 Vie étudiante. La ministre a rappelé les causes de ses difficultés. Cela fait au moins trois ans que ce programme fait l’objet d’une mauvaise programmation des crédits et qu’il souffre d’un problème de prévisibilité de la dépense. Quelles qu’en soient les raisons – le nombre des bénéficiaires a augmenté et le Gouvernement a décidé d’accorder en 2009 un dixième mois de bourse parce que les examens ont dû être repoussés à la suite du blocage des universités –, les crédits prévus en loi de finances n’ont pas été suffisants pour faire face aux engagements de l’État. Dans ces conditions, la puissance publique n’a pas pu verser au réseau des œuvres universitaires le solde de sa subvention pour charges de service public, ce qui a conduit à un report de charges.

Le référé qui vous a été transmis fait suite à une enquête réalisée sur la quasi-totalité des PRES, avec le concours des chambres régionales des comptes, dans le but d’effectuer un bilan d’étape quatre ans après la promulgation de la loi de programme pour la recherche d’avril 2006, qui a créé les PRES. J’évoquerai principalement cet outil, dont la principale caractéristique est la souplesse, car les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) n’ont pas le même effet que les PRES en matière de recomposition, même s’ils ont fait la preuve de leur efficacité par ailleurs.

Comme la ministre l’a indiqué, une dynamique positive a été lancée : 17 PRES ont vu le jour sous la forme d’établissements publics de coopération scientifique. En soutenant ceux des PRES qui ont choisi cette formule juridiquement contraignante, le ministère a marqué son désir que la nouvelle structure ne constitue pas une couche supplémentaire, comme certains dispositifs antérieurs, tels que les GIP « pôles européens ». L’opération « Campus » a incontestablement contribué à accélérer cette dynamique, en particulier en Aquitaine, à Aix-Marseille et en Lorraine. Le Gouvernement se plaît, en outre, à rappeler qu’il a incité les universités de Grenoble et de Montpellier à entrer dans cette dynamique vertueuse. L’annonce de dotations en capital et de financements importants a joué un rôle très incitatif, même si aucun euro n’a été formellement débloqué à ce jour sur les 5 milliards prévus, sauf études de projet.

Notre second constat est que les promesses n’ont pas été intégralement tenues. La mutualisation est très diverse dans le domaine de la formation. Même si beaucoup d’écoles doctorales ont été regroupées, un seul cas de transfert effectif de compétences a pu être relevé, à Paris Est. Les PRES se sont, en outre, peu impliqués dans la recomposition des masters et même dans leur coordination. Dans la majorité des cas, la licence demeure également une compétence exclusive des membres des PRES. Quelles que soient les explications juridiques invoquées, la situation paraît regrettable à la Cour. C’est en effet là que doit être réalisé le principal effort de restructuration pour améliorer l’efficience et l’efficacité du système.

Dans le domaine de la recherche, des politiques véritablement mutualisées peinent également à émerger, y compris en matière de valorisation. Cette faiblesse affecte même des mesures qui ne nécessitent pourtant pas des transferts de compétences ou des restructurations, comme la signature commune des publications scientifiques, si importante pour les classements internationaux. Nous avons également constaté une certaine réticence des universités à participer à ce mouvement vertueux. Le transfert des activités de documentation reste difficile, de même que celui des systèmes d’information et des personnels, ce qui a conduit les PRES à recruter des emplois propres, contrairement à leur logique initiale. J’ajoute que la gouvernance des PRES n’est pas adaptée aux enjeux actuels : l’alternance annuelle entre les membres fondateurs à la tête des PRES est loin de garantir la continuité stratégique, et la règle de l’unanimité complique le fonctionnement des instances. Alors que leur formule juridique devrait pousser à une rationalisation, le fonctionnement des PRES reste proche de ce que le législateur voulait éviter.

Comment en est-on arrivé là ? La loi sur l’autonomie a eu pour conséquence d’accorder la priorité aux responsabilités élargies en application du principe small is beautiful, et la participation aux PRES est passée au second plan. Le passage à l’autonomie, qui est sur le point de s’achever, devrait favoriser les regroupements dans un second temps, car les universités doivent renforcer leur visibilité internationale et leur efficience. Le passage à l’autonomie, qui a d’abord pu constituer un frein, devrait désormais cesser de jouer en ce sens.

On peut également regretter que les grands organismes de recherche peinent encore à participer. Le CNRS nous a fait savoir qu’il n’était disposé à des partenariats que dans l’hypothèse où des transferts de compétences auraient lieu, ce qui le conduit en réalité à observer les évolutions avec sympathie, mais en restant dans une position de retrait. En continuant à contractualiser avec les seuls membres des PRES, et non avec les PRES eux-mêmes, le ministère a envoyé un signal qui n’a pas été perçu favorablement.

Pour la Cour, le moment est peut-être venu de s’assurer que, dans ce paysage très évolutif, marqué par une succession d’annonces, la ligne stratégique du Gouvernement est bien claire. La Cour a donc formulé trois recommandations.

En premier lieu, si les moyens financiers annoncés constituent une opportunité considérable pour la recomposition du paysage universitaire, une mise en cohérence des initiatives législatives et financières qui se sont succédé s’impose pour savoir où l’on va. Le fait que les situations soient diverses, comme l’a indiqué la ministre, n’interdit pas de fixer une direction générale. La clarification doit notamment porter sur le rôle des PRES dans la mise en œuvre de l’emprunt national. La ministre a indiqué qu’ils devaient en être un point d’ancrage naturel parmi d’autres. Après avoir contrôlé les PRES et entendu un certain nombre de leurs présidents, la Cour considère qu’il ne faudrait pas prendre le risque que la dynamique engagée se grippe. Les équipes locales se sont investies dans cette dynamique, ce qui n’allait forcément pas de soi ; des moyens y ont été consacrés et l’on attend désormais des crédits importants. Comment tirer parti du travail considérable qui a été engagé pour relancer, de manière décisive, les regroupements ?

Notre recommandation est que, si l’on veut s’appuyer sur les PRES – cette hypothèse n’est pas la seule envisageable, mais elle a manifestement un sens –, il faut tirer les leçons du passé en donnant à ces structures un contenu plus large et en leur permettant de développer des projets plus ambitieux.

Deux perspectives nous semblent envisageables : la première consiste à se placer dans une logique d’intégration, voire de fusion, qui ferait du PRES une forme transitoire d’accompagnement. Cette logique a prévalu à Strasbourg, même si l’on n’a pas eu recours au PRES, et c’est apparemment celle qui est retenue par les acteurs du terrain en Lorraine, à Marseille, à Montpellier et à Lille. Dans cette hypothèse, cinq pôles, parmi les plus importants du pays, disposeraient d’une véritable visibilité internationale. Quand la fusion n’est pas souhaitée ou quand elle ne paraît pas envisageable, une seconde option consiste à créer des ensembles confédéraux, fédéraux ou fédératifs, le terme choisi important peu : l’essentiel est qu’il existe une mécanique « à l’européenne », reposant sur des transferts de compétences et sur la constitution d’une capacité de coordination effective en matière de formation et de recherche. C’est, semble-t-il, ce que souhaitent les responsables des PRES de Lyon, de Toulouse, de Bordeaux, de Paris-Est et d’UniverSud. Dans ces deux hypothèses, une douzaine de sites pourraient, au total, atteindre la visibilité internationale souhaitée.

Afin d’atteindre cet objectif d’attractivité et de visibilité au niveau international, il faudrait que les PRES disposent d’un noyau de compétences effectives, déléguées par leurs membres dans leur « cœur de métier ». Il s’agirait de la coordination et de l’harmonisation des offres de formation, des responsabilités exercées sur les écoles doctorales, de la labellisation des doctorats et des masters internationaux, voire de l’ensemble des diplômes, et de la signature des publications scientifiques. Ces PRES « confédéraux » devraient aussi voir leur rôle renforcé en matière de prise en charge des fonctions supports, qui sont l’une des principales formes de mutualisation envisageables. Enfin, ils devraient servir d’interlocuteurs uniques pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de recherche, et de structures d’adossement des futures sociétés d’accélération des transferts de technologie et, plus généralement, de valorisation.

Si aucune de ces formules ne devait être retenue, la Cour est d’avis qu’il n’y aurait pas lieu de maintenir des PRES ne présentant pas de valeur ajoutée. Si les PRES ne fonctionnent pas, des actions correctrices doivent être envisagées, ou bien il faut les supprimer.

Troisième recommandation de la Cour : renforcer et clarifier le pilotage stratégique exercé par l’État. Outre la création des schémas stratégiques territoriaux, qui pourront servir de cadre pour la formulation d’objectifs partagés par le ministère, les collectivités territoriales et les établissements, nous avons besoin de remédier à la principale faiblesse du dispositif, à savoir l’absence de contractualisation. Après avoir veillé à assurer une bonne synchronisation des vagues de contractualisation, il conviendrait sans doute d’envisager une contractualisation entre l’État et les PRES en coordination avec leurs membres.

Le bilan critique que nous dressons ne doit pas être une raison d’enterrer cette formule encore jeune que sont les PRES. Il faut se servir des points d’appui que donne la relecture du passé pour identifier tant les faiblesses des PRES que les facteurs déterminants pour leur succès. Nous avons été frappés par l’engagement des présidents de région et des maires de grandes agglomérations dans ces opérations. Les évolutions en cours suscitent une attente, mais aussi des inquiétudes. Les élus s’interrogent notamment sur le soutien qui pourrait être apporté, de façon pérenne, à leur action et sur l’arrivée des crédits annoncés. La réponse à ces questions ne peut être que politique.

Il me semble que l’heure des décisions est aujourd’hui venue en ce qui concerne les PRES.

L’audition de ce jour est une première en France, alors que de telles réunions ont fréquemment lieu à la Chambre des communes pour identifier en commun les solutions envisageables lorsque le National Audit Office (NAO) a adressé l’équivalent de nos référés à la commission des Finances. Je me réjouis que nous suivions cet exemple et je vous en remercie.

M. le président Jérôme Cahuzac. Concernant les œuvres universitaires, pourriez-vous confirmer, madame la ministre, que le report de charges de 2010 à 2011 sera d’un montant semblable à celui de 2008 à 2009, c’est-à-dire d’une vingtaine de millions d’euros ?

Mme la ministre. Nous sommes en train de travailler sur la demande, formulée par les organisations étudiantes, d’un dixième mois de bourse qui serait versé à la rentrée 2010. Cette question n’ayant pas été tranchée, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Tout ce que je peux vous dire est que la mesure devrait correspondre, dans l’esprit du Président de la République, à un dixième mois d’études effectives et que le report de charges de 2009 à 2010 a été remboursé en janvier.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. L’exécution du budget a été assez « confortable » puisque celui-ci a bénéficié d’une augmentation de crédits de 2 % en volume, hors plan de relance, ce qui est beaucoup plus que la norme retenue pour l’ensemble du budget général. Une bonne partie des crédits du plan de relance a été affectée à votre ministère, pour un montant de 355 millions d’euros. Sans vous demander une liste exhaustive des actions menées, pouvez-vous nous dire comment vous avez piloté l’utilisation de ces crédits ? Quelle a été l’articulation de ce pilotage avec le suivi et l’évaluation des contrats de projets État-régions ?

Le programme 231 Vie étudiante connaît de réelles difficultés d’exécution et de programmation. Plus de 41 millions d’euros de charges ont été reportés sur l’exercice 2010, notamment des crédits destinés au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Les difficultés rencontrées dans l’évaluation du montant des bourses à verser, du fait de l’état incomplet des dossiers au moment de leur dépôt, ont occasionné environ 23 millions de reports de charges. Pouvez-vous nous dire quelles mesures vos services envisagent en 2010 pour améliorer l’exécution budgétaire de ces crédits, structurellement difficile, et en 2011 pour mieux les programmer ?

J’en viens aux établissements privés d’enseignement supérieur, qui font toujours l’objet de multiples amendements lors de nos débats budgétaires. La Cour s’interroge sur le lien entre la politique conventionnelle que vous menez avec ces établissements et la qualification de la subvention versée. Ne faudrait-il pas considérer cette dernière comme une subvention pour charges de service public ?

Je fais miennes les observations de la Cour sur les PRES. Cet outil présente un vrai potentiel. Mais pour qu’il soit pleinement exploité, notamment en matière d’aménagement du territoire dans le domaine universitaire, nous devons veiller à recadrer l’utilisation des PRES et à corriger leurs déficiences. Quelle est votre vision de la politique des sites ?

Que les PRES soient pré-fusionnels ou promotionnels, c’est-à-dire seulement destinés à renforcer la visibilité externe, il faut envisager de les doter d’un socle minimal de compétences propres. Qu’envisagez-vous en ce domaine ?

Vous avez évoqué tout à l’heure la faculté de délivrer des diplômes. Ne faudrait-il pas conférer aux PRES un monopole sur les politiques contractuelles menées avec le ministère et avec les collectivités territoriales, voire avec les grands partenaires privés ? Êtes-vous prête à faire évoluer la gouvernance des PRES vers un modèle plus intercommunal, reposant sur le vote à la majorité simple ou qualifiée, et non plus sur l’unanimité ?

Compte tenu des habitudes culturelles à surmonter, la mise en place des PRES a nécessité du temps, et il a fallu affronter le choc produit par le rythme des changements successifs – la loi LRU, le programme « Campus », puis les Initiatives d’excellence lancées dans le cadre du grand emprunt. Quels aménagements du fonctionnement des PRES envisagez-vous afin de prendre en compte ces évolutions ? Que comptez-vous faire, par ailleurs, pour renforcer l’intégration des établissements de recherche aux PRES et pour mieux associer les collectivités territoriales ? Il paraît difficile d’envisager de faire évoluer substantiellement la vie étudiante sans une participation de ces collectivités. Elles sont les autorités organisatrices des transports, elles peuvent adopter des programmes locaux de l’habitat (PLH) avec délégation de la compétence de l’État dans le domaine du logement, et elles ont reçu compétence en matière d’insertion professionnelle, de formation professionnelle et de développement économique.

Mme la ministre. L’enseignement supérieur a été l’un des premiers bénéficiaires du plan de relance : 445 millions d’euros de crédits ont été ouverts à ce titre, dont 351 millions ont été effectivement consommés.

Ces moyens nous ont permis de lancer les études relatives à l’opération « Campus » pour un montant de 75 millions d’euros. Seuls 12 % de ces crédits ont été consommés pour le moment, mais c’est tout à fait normal compte tenu de la complexité du sujet. Les plans d’aménagement de l’opération « Campus » devraient être bouclés avant la fin de l’été, ce qui représente un effort considérable. Ces moyens supplémentaires ont également permis d’améliorer la sécurité des établissements, opération qui était particulièrement nécessaire, et de financer de nombreuses opérations spécifiques – le développement du wi-fi, celui des podcasts de cours, l’équipement des Instituts universitaires de technologie ou encore les schémas directeurs immobiliers, innovation radicale qui nous permettra de préparer le transfert de la compétence patrimoniale aux universités, ce patrimoine étant jusqu’à présent sous-estimé et méconnu.

Nous avons, par ailleurs, accéléré le chantier de Jussieu. Il est maintenant achevé à 50 %, ce qui permet d’affirmer qu’il n’y aura plus de personnels travaillant dans les locaux amiantés au 31 décembre. Nous avons, en outre, entrepris de mettre à niveau un certain nombre de sites dans la perspective de la dévolution du patrimoine immobilier. Les efforts réalisés s’élèvent à 197 millions d’euros, dont 92 % ont été consommés.

Nous avons enfin été en mesure d’accélérer la réalisation des CPER pour un montant de 125 millions d’euros, consommés à 97 %, et de consacrer 30 millions d’euros à l’amélioration de l’accessibilité des établissements aux personnes handicapées et à l’amélioration du logement étudiant, avec un taux de consommation de 96 %.

J’en viens à la recherche, qui a bénéficié de 136 millions d’euros au titre du plan de relance. Nous avons alloué 46 millions aux très grandes infrastructures de recherche. Le taux de consommation s’élève à 89 %, et même à plus de 100 % si l’on considère les échéanciers initiaux dont nous sommes parvenus à accélérer le rythme – ce n’était pas simple étant donné qu’il s’agit de très grandes infrastructures. Nous avons, en outre, alloué aux nanotechnologies 77 millions d’euros, dont le taux de consommation s’est élevé à 92 %, ainsi que 10 millions d’euros aux CPER et 10 millions aux opérations de mise en sécurité dans les organismes de recherche.

Tous ces crédits correspondent à des besoins réels, comme en témoigne la réactivité avec laquelle ils ont été utilisés.

J’ai déjà apporté un certain nombre d’éléments de réponse concernant l’amélioration des prévisions budgétaires pour le programme Vie étudiante. Les difficultés que nous constatons résultent en grande partie du changement des règles du jeu – les plafonds de ressources ont été augmentés et l’on a accordé, à la suite des mouvements étudiants de l’an dernier, un mois de bourse supplémentaires aux étudiants qui ont passé leurs examens en juillet. Mais l’instabilité dont nous souffrons est également la conséquence de la conjoncture économique, de sorte qu’il n’est pas impossible que des évolutions semblables se reproduisent cette année. Les fonds d’aide d’urgence et les bourses sur critères sociaux sont en particulier très sensibles à la situation des familles. Nous avons entrepris de fiabiliser l’évaluation des reports de charges dès cette année, et nous allons demander aux universités de valider plus rapidement les inscriptions, ce qui devrait nous permettre de nous prononcer plus vite sur les dossiers de bourse et de connaître plus vite aussi le nombre des boursiers chaque année.

Vous m’avez demandé pourquoi les subventions aux établissements privés n’étaient pas considérées comme des subventions pour charges de service public alors que nous nous engageons dans une démarche de contractualisation avec ces établissements conformément aux accords signés par Jack Lang en 2002. La qualification d’opérateur de l’État, qui est liée à la notion de subvention pour charges de service public, nécessite de remplir trois conditions cumulatives définies à la suite de la LOLF : l’exercice d’une activité de service public, un financement assuré majoritairement et directement par l’État, et enfin un contrôle de l’État.

Les établissements d’enseignement supérieur privés ne remplissant pas les deux derniers critères, ils ne reçoivent pas de subventions pour charges de service public mais perçoivent des financements dans un cadre dit de « dépenses d’intervention ». Quoi qu’il en soit, cela n’interfère en rien dans le processus de contractualisation que le ministère engage avec les différents acteurs participant au service public de l’enseignement supérieur. Cette démarche « gagnant-gagnant » constitue d’ailleurs une avancée majeure pour les établissements comme pour l’État : les premiers bénéficient de moyens financiers inédits, le second dispose des instruments nécessaires à une bonne analyse des performances réelles des établissements d’enseignement supérieur privés de manière à agir encore plus en faveur de la formation et de la recherche mais, également, à nouer de véritables partenariats.

Par ailleurs, si le rapport de la Cour des comptes considère que les PRES préfigurent des fusions entre universités, je me montrerai quant à moi plus prudente, la fusion ne constituant pas l’étape ultime des rapprochements interuniversitaires. L’exemple strasbourgeois montre en effet combien il est difficile de la mettre en œuvre : outre qu’il y faut une volonté politique forte de la part des établissements, les universités peinent à mettre en place la lourde ingénierie de gestion qui s’impose. Si je me félicite donc des réflexions qui se font jour à ce sujet, je mets également en garde les structures les plus fragiles qui souhaiteraient accélérer le processus : qu’elles songent à se fiancer avant de se marier car un échec entraînerait bien des difficultés ! J’ajoute que des démarches sont en cours en Lorraine ainsi que dans l’académie d’Aix-Marseille quand celles de Montpellier et de Lille ont fait part de leurs intentions en la matière.

Quant à l’organisation des PRES, la distinction entre confédération et fédération repose sur la prévalence de la règle de l’unanimité, pour la première, et sur le transfert de compétences propres, pour la seconde, les PRES pouvant prendre des décisions au nom des établissements dans ce dernier cas.

Le président Picq l’a dit : l’autonomie a pris le pas sur la logique des PRES, mais cela a été un préalable gestionnaire nécessaire. Les universités étant maintenant autonomes, c’est à elles d’œuvrer à la mise en place des coopérations qu’elles souhaitent engager.

Comme le président Picq, je considère que, si les PRES devaient relever d’une simple politique d’affichage ou s’ils se limitaient à être un échelon supplémentaire, ils ne serviraient à rien : ils se doivent d’être un outil efficace de coopération. De ce point de vue là, je suis très optimiste lorsque j’observe notamment les grands pôles universitaires régionaux.

Par ailleurs, outre que les PRES constituent déjà une étape fructueuse, ils pourraient être, dans l’avenir, à l’origine de véritables universités fédérales locales comprenant en leur sein les grandes écoles et coopérant avec les différents organismes de recherche.

Même si mai-68 a contribué à creuser un peu plus les fossés existant entre les différentes cultures universitaires et disciplinaires – ce genre de fractures étant, comme vous le savez, les plus délicates à réduire –, les partenariats que nous avons noués avec les collectivités territoriales sont en l’occurrence extrêmement féconds. Je salue, à ce propos, les présidents d’universités qui se sont saisis à bras-le-corps de la question de la structuration universitaire de certains pôles.

J’ajoute que les PRES sont particulièrement précieux lorsqu’il s’agit, par exemple pour une région, de travailler au rayonnement international d’un pôle unique, comme c’est notamment le cas en Aquitaine, en Languedoc-Roussillon, en Midi-Pyrénées, à Lyon, à Grenoble ou à Lille.

En ce qui concerne la coordination de l’offre de formation, il faut aller plus loin – je dois avouer à ce propos que les PRES ont été un peu freinés par une administration qui a connu quelques difficultés à se mouvoir dans le maquis législatif. Si, aujourd’hui, ces derniers peuvent délivrer directement les diplômes de doctorat dans cinq sites au moins – Lyon, Grenoble, Paris-Est, la Lorraine et Paris-Tech –, il conviendra non seulement de coordonner l’offre en masters, ce qui supposera une évolution législative en matière de « diplomation », mais aussi d’accroître les signatures communes ainsi que la mutualisation des fonctions supports dès lors que les universités se doteront de certaines d’entre elles en matière notamment de gestion des ressources humaines et financières. En l’occurrence, je le répète, le passage à l’autonomie peut profiter aux PRES : les fonctions supports de l’université Aix-Marseille 3 – dont la logique facultaire est très forte – étaient par exemple réparties au sein de chacune des facultés avant d’être transférées d’abord au niveau central de l’université – 23 emplois ont été concernés afin de mutualiser notamment les fonctions d’achat –, puis à celui du PRES.

La contractualisation avec les PRES est quant à elle possible, mais pas en doublon avec celle des universités car, je le redis, il n’est pas question de considérer ces derniers comme un échelon supplémentaire. C’est aux différents membres d’un PRES, dans le cadre de l’autonomie, qu’il appartient de décider si la structure porteuse du contrat doit être ou non celui-ci.

J’ajoute que nous pourrions convenir d’un rendez-vous à la fin de 2010 afin d’évaluer la « valeur ajoutée » des PRES, mais tout en gardant à l’esprit que certains d’entre eux viennent à peine d’être constitués.

Par ailleurs, les PRES bénéficieront au premier chef du grand emprunt dès lors que les universités auront décidé d’en faire leur instrument de pointe, ce qui sera le cas dans un très grand nombre de sites. Il n’est pas exclu que celui-ci fasse apparaître, dans certains cas, la faiblesse d’un certain nombre de PRES, faute de volonté réelle, de la part de plusieurs établissements, de s’inscrire dans une telle dynamique. Au fond, le grand emprunt servira de révélateur de la solidité des PRES et de leur logique !

Il est en outre trop tôt pour savoir si les PRES et les Initiatives d’excellence doivent se confondre, les secondes pouvant fort bien ne concerner qu’une partie des premiers. Quoi qu’il en soit, conformément aux critères que le Président de la République a fixés dans le cahier des charges des Initiatives d’excellence, nous tenons à promouvoir une formation et une recherche remarquables, une gouvernance efficace et un rapprochement réel entre les universités et le monde socio-économique à travers, notamment, la mise en place de partenariats public-privé (PPP). Les projets qui verront le jour contribueront à déterminer la nature des structures juridiques qui seront les plus efficaces et cohérentes en la matière.

J’ajoute que, dans un certain nombre de cas, la dynamique du PRES est sans doute d’ores et déjà dépassée – je pense, en particulier, au plateau de Saclay, où la fondation de coopérations scientifiques et l’établissement public d’aménagement du plateau permettent d’envisager d’autres regroupements.

Enfin, en matière de stratégies territoriales, nous réfléchirons avec les élus et les milieux socio-économiques à l’élaboration d’un schéma directeur académique de la formation universitaire dans le cadre du projet Strater, ce dernier permettant de définir en particulier une offre de formation sur le plan régional pour ces pôles universitaires de proximité que sont les BTS, les IUT et les antennes locales d’IUFM.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial pour les programmes de recherche. Le ministère dispose-t-il des moyens nécessaires visant à réorienter les programmes de recherche en fonction de l’évolution de la politique publique ? Ne serait-il pas opportun de déterminer des critères permettant de procéder à une vérification au sein de ces programmes ?

De plus, ne pensez-vous pas, alors que la réforme du crédit d’impôt recherche (CIR) de 2008 a entraîné une importante dépense fiscale, que les critères d’éligibilité à ce dernier soient imprécis et parfois contradictoires, la lecture du manuel de Frascati différant d’ailleurs selon les lecteurs ?

Enfin, quelle mesure comptez-vous prendre afin de faciliter la mobilité des chercheurs vers l’enseignement et l’entreprise ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial pour les programmes de recherche. Outre que, comme l’a dit M. Picq, l’autonomie – bien appréhendée par les universités – n’est pas antinomique avec le regroupement, je note que les organismes de recherche sont les grands absents des « petits » ou des « moyens » PRES. Or, faute de leur implication directe, aucune avancée ne sera possible. Ainsi, la signature commune des PRES ne fonctionnera-t-elle que si les organismes de recherche jouent le jeu. Nous sommes en effet confrontés, d’une part, à une logique universitaire d’aménagement du territoire fortement soutenue par les élus et, d’autre part, à la logique des organismes de recherche, ces deux logiques ne se recoupant pas forcément. Comment concilier les deux ?

En outre, comme l’a dit M. Gorges, parce que le CIR constitue aussi un outil d’optimisation fiscale, le dispositif d’évaluation des dépenses fiscales – avec, en l’occurrence, son indicateur budgétaire unique – me semble particulièrement insuffisant. Envisagez-vous de le compléter en mesurant notamment le nombre de brevets déposés et le nombre d’emplois créés ?

Enfin, comment le grand emprunt s’articulera-t-il avec l’ensemble des investissements en cours ? Quid des critères d’éligibilité ? Un guichet unique sera-t-il mis en place ?

Mme la ministre. La réorientation des programmes dans le sens des priorités définies par la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) ainsi que par la commission Juppé-Rocard – exercice de programmation inédit auquel nous avons associé l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – fait précisément l’objet des contrats quadriennaux que nous signons avec des organismes tels que l’INSERM ou le CNRS. Pour la première fois, ce dernier sera d’ailleurs doté d’un véritable programme de contrôle de gestion permettant la certification des comptes et assurant ainsi une plus grande transparence de l’organisation et du fonctionnement des organismes de recherche. J’ajoute que le programme d’investissements d’avenir et les financements de l’Agence nationale de la recherche – l’ANR – constituent également de puissants outils d’orientation des programmes : les chercheurs soucieux du bon fonctionnement de leur laboratoire ne se porteront-ils pas d’abord candidats, par exemple, pour développer le programme Bio-santé doté de 900 millions ?

En ce qui concerne le CIR, j’aurai l’occasion de m’exprimer plus longuement devant votre mission d’évaluation et de contrôle. En tout état de cause, il me semble important de travailler à l’interprétation du référentiel de Frascati, tant par le fisc que par le ministère de la recherche, le nombre de rescrits ayant en l’occurrence doublé.

Par ailleurs, nous avons besoin de clarifier l’ensemble des dispositions relatives à ce thème fondamental qu’est la mobilité des chercheurs en entreprise. Dix ans après la loi sur l’innovation de Claude Allègre, nous avons dû réactualiser la circulaire qui en est issue en y intégrant l’ensemble des nouveaux dispositifs concernant, précisément, la mobilité et les passerelles entre secteurs public et privé mais, également, l’activité de consultant ainsi que les doctorants-conseils. Toutes ces informations – hélas souvent ignorées des chercheurs et des directeurs des ressources humaines – figurent sur le site Internet du ministère. Nous travaillons donc avec les universités, mais aussi avec la commission de déontologie afin d’assouplir les procédures en vigueur.

Enfin, je ne doute pas que le programme d’investissements d’avenir favorisera également le développement de la mobilité.

Les organismes de recherche estiment quant à eux avoir une vocation nationale et hésitent à devenir membres fondateurs d’un PRES, par crainte d’une dispersion des équipes et de la mise en place de « baronnies ». En affirmant sa volonté de travailler avec chaque université afin de l’aider à tirer parti de la nouvelle autonomie, le nouveau président du CNRS, M. Alain Fuchs, applique quant à lui scrupuleusement la lettre de mission qui lui a été confiée. De ce point de vue, une expérience extrêmement prometteuse, dont j’espère qu’elle sera généralisée à l’ensemble des PRES, sera mise en place à Strasbourg dans les prochaines semaines avec la création d’une agence de services mutuels aux laboratoires de recherche des unités mixtes CNRS-universités.

La cohérence de l’ensemble des dispositifs – stratégie nationale de recherche et d’innovation, programme d’investissements d’avenir – réside dans la volonté de promouvoir l’excellence partout où elle existe et de faire en sorte que chaque établissement puisse définir les voies qui lui sont propres pour l’atteindre. Ensuite, c’est à nous qu’il appartient d’harmoniser la présence de programmes à visée internationale, et donc très sélectifs, avec la labellisation de plusieurs dizaines d’autres projets. Un premier appel à projets de 1 à 20 millions d’euros sera ainsi lancé en fin de semaine ou en début de semaine prochaine pour permettre à des laboratoires d’excellence de se doter de différents équipements. D’autres suivront, en l’occurrence à hauteur de 900 millions dans le domaine de la santé et des biotechnologies, où nous avons identifié un certain nombre de points faibles : plateformes technologiques, séquençage, cohortes, démonstrateurs ; le développement des nano-bio, info-bio et biotechnologies végétales permettra quant à lui de trouver des alternatives aux OGM et de s’engager dans une véritable dynamique agronomique. Seront également concernés les instituts de recherche technologique, en partenariat avec le secteur privé à hauteur de 50 %, les instituts hospitalo-universitaires à visibilité mondiale – soins, formation, recherche –, des sociétés d’accélération de transfert de technologie professionnelles ayant vocation à être sur sites le guichet unique d’accueil des entreprises, le fonds d’amorçage doté de 400 millions, le fonds numérique dédié au e-learning ainsi qu’aux pédagogies innovantes et, enfin, les Initiatives d’excellence.

M. Patrice Martin-Lalande. Dans le domaine d’Internet, la plupart des grands opérateurs ne sont ni français ni européens, au point que M. Didier Lombard, PDG de France Télécom, s’est lui-même interrogé sur la nécessité de construire des autoroutes de l’information où ne rouleraient que des véhicules californiens… L’exemple de Google le montre : il est à la fois nécessaire de favoriser le développement des micro-entreprises et le cercle vertueux de l’innovation. De ce point de vue, quel peut être le rôle du grand emprunt ?

M. René Couanau. En guise de préambule, je tiens à souligner combien nos échanges avec la Cour des comptes me semblent particulièrement utiles.

J’ajoute, madame la ministre, que, si le contexte global vous est très favorable, l’état de grâce ne dure jamais longtemps : il convient donc d’agir rapidement en définissant un certain nombre de lignes de force.

Pourquoi est-il selon vous nécessaire de recomposer la structure universitaire ? Cherchez-vous à accroître la mutualisation des structures ou à améliorer leur visibilité internationale ? Dans ce dernier cas, est-ce la massification – le regroupement des universités –, les fusions, les coopérations ou les pôles d’excellence qui importent ? Les universités, quant à elles, continuent de s’interroger.

En outre, quid de la formation des enseignants, notamment, du premier degré ? Quelles sont les coopérations qui doivent se mettre en place, y compris, par exemple, avec les chercheurs en pédagogie ou en psychologie ? Une unité de formation disciplinaire verra-t-elle le jour ?

Enfin, comment concilier autonomie, initiatives d’excellence, coopération avec l’ensemble des établissements universitaires, et exigences d’aménagement du territoire ?

M. Thierry Carcenac. Contrats de projets État-régions, plan « Campus », RGPP, grand emprunt : il est d’autant plus indispensable, madame la ministre, de clarifier votre action que les attentes des universitaires sont grandes alors que les premiers euros tardent à arriver, notamment à Strasbourg, comme M. Hénart et moi-même avons eu l’occasion de nous en rendre compte lors d’une audition de la MILOLF, le 12 mai dernier.

De surcroît, en Midi-Pyrénées, la concentration de l’offre de formation est très forte dans la région toulousaine. Or, les collectivités locales, départements et communes en particulier, investissent encore beaucoup – en l’occurrence pour le centre universitaire de formation et de recherche Albi-Rodez-Figeac réparti sur les trois villes. Ne serait-il donc pas opportun de « cibler » les enseignements et de favoriser le développement de la recherche dans ces pôles universitaires de proximité ? À Albi, la recherche est particulièrement développée à l’École des mines, notamment en lien avec le secteur privé, mais le CNRS et les enseignants souhaitent, pour la plupart, rester sur place plutôt que de rejoindre Toulouse. Or ils ne sont en rien encouragés à développer leurs activités.

Quid de la formation des professeurs ? Comment mieux l’assurer alors que des titulaires de « masters 2 » se retrouveront directement devant des élèves à la rentrée prochaine ? Quelle sera la place, en la matière, des centres universitaires de formation de proximité et verront-ils leurs prérogatives s’élargir ?

M. Alain Cacheux. Je prends note, madame la ministre, que vous ne considérez pas systématiquement la fusion des établissements universitaires comme la seule ni toujours la meilleure finalité d’un PRES.

Par ailleurs, si la création des PRES a constitué une véritable dynamique – comme j’ai pu le constater au sein de l’université lilloise – l’État ne doit-il pas veiller, dans le cadre de sa mission de pilotage, à ce qu’aucun pôle universitaire ne soit écarté, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Lorraine ?

Enfin, je note que, même si sa dotation générale a été significativement augmentée, l’Institut d’études politiques de Lille souffre d’un important déficit d’emplois statutaires que la RGPP interdit, semble-t-il, de combler.

Mme la ministre. Le développement de l’Internet est au cœur du grand emprunt, tout comme celui des Instituts européens de technologie (IET), comme j’ai eu l’occasion d’en faire part hier à leurs représentants dès après que nous eûmes remporté – grâce à l’initiative High City IET – l’appel à projets qui avait été lancé. J’ajoute que l’ensemble des grandes entreprises européennes participe à cette structure partenariale en matière de recherche et que nous espérons ainsi parvenir à déposer des brevets européens dans le monde entier.

L’informatique en nuages, le développement des capacités de calcul, les contenus et nouveaux usages du e-learning et de la télémédecine, la numérisation de fonds documentaires et de bases de données seront également au centre du programme d’investissements d’avenir.

L’excellence, quant à elle, se mesure au niveau des masters, des doctorats et des deuxièmes cycles – les graduate schools. Pour les premiers cycles – undergraduate schools – nous promouvons une logique d’accompagnement et d’orientation des étudiants. Quelle que soit les différences, il n’est pas possible de distinguer le plan « Réussir en licence » de la dynamique d’excellence des niveaux supérieurs, car c’est ainsi que l’on parviendra à attirer les étudiants et les chercheurs étrangers.

Monsieur Carcenac, ne vous inquiétez pas : dès la rentrée, nous lancerons la deuxième étape du plan « licence », laquelle passe par la réforme des BTS, la consolidation des IUT dans le cadre de l’université autonome ainsi que par l’accroissement des liens de ces derniers avec les licences. Il faut, par ailleurs, que l’université procède à des redéploiements alors que des milliers de postes sont vacants. L’enquête d’insertion professionnelle que nous avons diligentée pour l’ensemble des diplômes montrera d’autant plus l’utilité de ce processus en direction de filières spécifiques que l’allocation des moyens, désormais, tient compte des débouchés.

Je serai à Lille la semaine prochaine, monsieur Cacheux, afin de décider avec l’ensemble des acteurs de la meilleure stratégie à adopter. En l’occurrence, il est hors de question de laisser de côté les universités d’Artois, de la Côte d’Opale et de Valenciennes. Nous avons donc tout intérêt à bâtir un PRES « Nord de France » très solide.

Par ailleurs, avant d’envisager une fusion délicate – en raison de la différence des cultures et des territoires –, il conviendra de travailler au développement de la formation et de la recherche.

La question de la formation, quant à elle, mérite une audition spécifique, mais sachez, monsieur Couanau, que les jeunes qui arriveront devant les classes auront la même formation que leurs prédécesseurs en deuxième année d’IUFM lesquels, pas plus qu’eux, n’avaient été auparavant en contact avec des élèves. L’essentiel est que les stages se déroulent d’une manière optimale, avec un encadrement efficace, comme s’y emploient d’ailleurs M. le ministre Luc Chatel et l’ensemble des recteurs.

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, monsieur le président, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 8 juin 2010 à 11 heures

Présents. - M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Olivier Dassault, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Jacques Pélissard, M. François Scellier

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Michel Vergnier

Assistait également à la réunion. - M. Alain Cacheux

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