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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 14 septembre 2010

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 102

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur un rapport demandé à la Cour des comptes, en application de l’article 58-2° de la LOLF, relatif au plan de relance

–  Informations relatives à la Commission

–  Présences en réunion

–  Annexe : rapport de la Cour des comptes : « La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française »

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 14 septembre 2010 à 11 h 30

Juillet 2010

Introduction 1

Partie I - Le volet budgétaire et fiscal du plan de relance 5

I - La mission budgétaire « plan de relance » : un équilibre entre 2009 et 2010 différent des annonces initiales ; des réalités contrastées dans l’exécution des dépenses en 2009 5

A - la mise en place d’une mission budgetaire ad hoc et temporaire 5

B - Exécution des dépenses du plan de relance : des réalités contrastées selon les domaines 8

C - un choix selectif, ciblé sur des dépenses additionnelles et réversibiles : un principe qui ne s’avere pas intangible 20

II - Les mesures fiscales du plan de relance : un effet rapide et une importante sous-estimation initiale des coûts 22

A - des mesures beneficiant essentiellement aux entreprises, et marginalement aux menages modestes 22

B - Une mise en œuvre rapide et efficace : l’exemple de la direction des grandes entreprises de la DGFiP 24

C - des coûts sensiblement supérieurs aux prévisions initiales 27

Partie II - Les autres leviers d’intervention du plan de relance 31

I - Le dispositif de remboursement anticipe au titre du fonds de compensation de la tva : un effort majeur en direction des collectivités locales 31

A - Le levier du FCTVA, le plus universel pour inciter toutes les collectivités à participer au plan de relance 31

B - un dispositif assoupli et peu contrôle, pour recueillir le plus d’adhésions 34

C - Un coût budgétaire plus élevé que prévu du fait de l’universalité et de l’assouplissement du dispositif 36

D - L’effet du dispositif FCTVA sur l’évolution de l’investissement local 37

II - La contribution des entreprises publiques a l’effort collectif du plan de relance : une forte mobilisation affichée ; un effort net limité 38

A - Une volonté politique claire de mise a contribution des entreprises publiques 38

B - Un pilotage d’ensemble réduit à sa plus simple expression 41

C - Un surcroit d’investissement limite dans les faits 44

III - La valeur ajoutée apportée par le secteur public financier : un démultiplicateur de l’intervention de l’Etat 47

A - Le plan de relance d’OSEO en faveur des PME : une bonne dynamique mais qui a partiellement atteint ses objectifs ; des conséquences financières pour l’Etat 47

B - Une contribution majeure de la Caisse des dépôts, à la fois au titre des fonds d’épargne et sur fonds propres 51

C - Le Fonds stratégique d’investissement : un outil d’intervention qui ne relève pas du plan de relance 55

IV - Les mesures sectorielles de soutien : une efficacité qui n’est pas encore mesurable 56

A - Les mécanismes de prêts et de garanties : des mesures de moyen terme, dépourvues d’impact conjoncturel 56

B - L’allongement des concessions autoroutières : une décision prise dans le cadre de la relance, mais dépourvue d’effet sur la période prioritaire 2009-2010 59

Partie III - Pilotage et impact du plan de relance : premier bilan 63

I - Un pilotage globalement bien assure, au service d’une mobilisation large et d’une mise en œuvre voulue rapide malgré les difficultés de suivi 63

A - La mise en œuvre du volet budgétaire et fiscal du plan de relance : un dispositif complet de pilotage et de suivi, s’appuyant néanmoins sur une information incomplète et imparfaite 63

B - Le ministère chargé de la mise en œuvre du plan de relance : un rôle de coordination de poids inégal ; un vecteur de mobilisation politique et de valorisation médiatique 67

II - Les faiblesses du dispositif de suivi des effets du plan de relance et les incertitudes sur son impact 69

A - Des objectifs et indicateurs de performances partiels et peu instructifs en termes d’impact 69

B - La dificulté d’évaluer l’impact macro-économique du plan de relance 71

ANNEXES I

C - Répartition du coût des mesures fiscales par secteur et par taille d’entreprises 9

D - OSEO 12

E - EXECUTION DES PLANS DE RELANCE 14

A LA POSTE ET A EDF 14

Introduction

La crise économique mondiale qui s’est déclarée au cours de l’année 2008 a été la plus importante de l’après-guerre. Elle a trouvé son origine dans la crise du secteur bancaire, latente depuis le printemps 2007 et devenue systémique à l’automne 2008. L’OCDE souligne à cet égard que les crises d’origine bancaire sont en moyenne deux fois plus longues que les autres (choc de demande ou crise de change par exemple).

Elle a certes été de moindre ampleur que la grande dépression des années 1930, au cours de laquelle le PIB des grandes économies s’était contracté de 30% aux Etats-Unis, de 15% en France et de 22% en Allemagne, ces Etats n’ayant retrouvé qu’en 1939 leur PIB de 1929. Profonde néanmoins, elle a affecté les économies européennes de manière très différenciée.

Ainsi, la France semble avoir été moins touchée que les autres grands pays européens. Selon l’INSEE, cette résistance tient à des causes structurelles. Son absence de spécialisation sectorielle, qui est un handicap en période de croissance, s’est avérée être un « rempart » de protection en cette période de crise. De même, la moindre contribution de ses exportations à la croissance, l’endettement plus faible de ses ménages et son marché du travail moins flexible, y ont atténué l’impact de la crise.

Au surplus, l’importance des stabilisateurs automatiques a permis d’amortir le choc de la crise en France, bien plus que dans d’autres pays. Le FMI estime ainsi la contribution de ces stabilisateurs à 0,6 point de PIB en 2008, et 1,9 point en 2009, contre une moyenne de respectivement 0,3 et 1,2 dans les pays du G20, soit un point de plus sur les deux années. Au total, l’effet combiné de ces différentes spécificités de l’économie française a conduit à ce que la baisse du PIB soit limitée à 2,5 % en 2009 alors qu’elle était de 4,2 % pour l’ensemble de la zone euro et d’environ 5 % en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.

Contrairement à ce qui s’était produit dans les années 1930, les Etats ont réagi de manière coordonnée et rapide : des mesures de soutien budgétaire importantes ont été adoptées, tandis que les banques ont bénéficié de substantiels concours publics ; les autorités monétaires ont abaissé leurs taux d’intérêt, et l’importance du libre échange a été réaffirmée. L’ensemble de ces dispositions a permis de limiter l’impact de la crise économique, les plans de relance budgétaires n’étant qu’un des volets du large panel des réponses adoptées.

Le plan de relance français, tel qu’annoncé par le Président de la République le 4 décembre 2008 et rappelé dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative daté du 19 décembre 2008, a affiché un engagement total de 26 Md€ pour le soutien en faveur de l’activité et de l’emploi, dont les grandes masses se décomposaient comme suit :

- 11,6 Md€ de soutien à la trésorerie des entreprises (notamment par le biais de mesures fiscales prises dans le collectif budgétaire de décembre 2008) ;

- 10,5 Md€ d’investissements publics, partagés entre l’Etat (4 milliards), les entreprises publiques (4 milliards) et les collectivités locales, soutenues pour cela par l’Etat via le Fonds de Compensation de la TVA (2,5 milliards) ;

- 2 Md€ en faveur de secteurs particulièrement exposés aux effets de la crise économique (logement et automobile) ;

- 2 Md€ pour les mesures de soutien à l’emploi et au revenu des ménages les plus modestes.

Les moyens mobilisés sont de natures très différentes : crédits budgétaires, mesures fiscales, prêts, garanties d’emprunt, etc.

L’ampleur du plan de relance français se situe dans une bonne moyenne parmi les principaux pays développés. Néanmoins, en retirant les mesures ayant un simple impact de trésorerie (cf. mesures fiscales de remboursement anticipé ; avances sur marchés publics…) et qui ne sont pas prises en compte dans les données relatives aux autres pays, alors le plan français représente seulement environ 1,1 point de PIB1, ce qui le place à l’avant-dernier rang des grands pays développés, devant l’Italie.

Ce niveau est d’ailleurs cohérent à la fois avec une situation budgétaire de départ plus dégradée en France et les préconisations formulées par l’Union européenne (communication de la Commission européenne - novembre 2008, puis conclusions du Conseil européen - décembre 2008), invitant à la mise en œuvre de mesures budgétaires coordonnées entre les Etats-membres pour un total de l’ordre de 170 Md€, soit environ 1,2% du PIB communautaire.

L’ampleur du plan de relance a toutefois été renforcée de trois manières. Elle l’a été tout d’abord par les prêts consentis à des constructeurs automobiles dans le cadre du pacte automobile conclu au début de l’année 2009, ainsi que par les mesures budgétaires adoptées en loi de finances rectificative d’avril 2009 pour mettre en œuvre notamment les orientations décidées lors du sommet social de février, ce qui a porté l’effort global annoncé par le gouvernement en faveur de la relance de l’économie à 35 Md€ pour les années 2009 et 2010. Elle l’a été également par l’intervention d’autres acteurs publics qui n’avaient pas été évoqués à l’origine dans les premières annonces. Enfin, des mesures entrées en vigueur en 2009, tout en ne faisant pas partie intégrante du plan, ont également été présentées comme devant concourir au soutien à la consommation ou à l’investissement2.

Le plan de relance s’est en outre caractérisé par un coût constaté plus important que prévu du fait du poids des mesures fiscales, comme l’a souligné la Cour dans son rapport de mai 2010 sur les résultats et la gestion budgétaire de l’Etat pour 2009 et celui sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010.

Le phasage retenu par les principaux pays développés pour la mise en œuvre de leurs plans de relance fait pour sa part apparaître des différences d’approche importantes dans les intentions de départ. La France, comme le Japon, a souhaité que son plan soit majoritairement concentré sur l’année 2009, tandis que des pays comme les Etats-Unis et l’Allemagne ont choisi de répartir leur stimulus entre 2009 et 2010 de manière plus équilibrée. Le plan britannique fait exception, dans la mesure où il n’avait vocation à s’appliquer qu’en 2009. En termes de contenu des mesures annoncées, le plan de relance français se distingue par l’accent mis sur l’investissement (qu’il soit public ou privé), lequel devait mobiliser environ 50% de l’effort global.

Le présent rapport résulte d’investigations conduites par la Cour de la fin de l’année 2009 au mois d’avril 2010, pour répondre à la saisine effectuée par le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2009 portant sur la « mise en œuvre du plan de relance ». Une large contradiction a été menée avec le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance et les ministères financiers, mais aussi tous les autres ministères, organismes et entreprises concernés.

L’approche privilégiée par la Cour a consisté à examiner l’ensemble des composantes budgétaires et fiscales du plan de relance, tel qu’annoncé à Douai puis complété au premier semestre 2009, et à prendre en compte, au-delà de ce strict périmètre, les leviers d’intervention qui sont venus directement compléter les moyens budgétaires et fiscaux dégagés par l’Etat, tels la mobilisation du fonds d’épargne ou l’appel à contribution des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Elle n’a pas intégré en revanche les considérations liées au poids global des dépenses de crise et des stabilisateurs automatiques dans les finances publiques, lesquelles ont été développées par ailleurs dans le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2009 de l’Etat.

Les développements qui suivent portent ainsi d’une part sur le volet budgétaire et fiscal du plan de relance au sens strict (partie I) - qui concentre l’essentiel des mesures -, d’autre part sur les autres leviers mobilisés, tels que l’association des collectivités locales, des entreprises publiques et du secteur public financier à l’effort de relance (partie II), et enfin sur le pilotage d’ensemble du plan et un premier éclairage sur l’impact de ce dernier, même si ce dernier point n’est pas formellement énoncé dans la saisine du 2 décembre 2009 (partie III).

Tableau n° 1 : Crédits ouverts en 2009

(En M€ - 2009)

(En M€ - 2010)

L’enseignement supérieur et la recherche ( programme 315)

La plupart des conventions conclues avec les 21 établissements universitaires bénéficiaires des crédits relance dans le cadre de l’Opération Campus ont été signées entre septembre et novembre 2009, et les versements afférents ont été effectués, à la même période, en AE et en CP pour la totalité des montants prévus. Huit d’entre elles ont fait l’objet d’un avenant signé le 21 décembre 2009, et une convention nouvelle a été conclue le même jour avec l’université de Lille, donnant lieu à des versements additionnels - pour un total de 22,15M€ en AE et en CP - en période complémentaire. Ce montant considérable a permis de facto d’accroître significativement le niveau d’exécution des dépenses affiché en 2009 pour le volet Opération Campus du plan de relance.

Le niveau d’exécution relativement faible en CP sur la recherche civile tient, pour une large part, au caractère assez tardif de la signature des conventions avec certains opérateurs (Commissariat à l’Energie Atomique et Agence Nationale de la Recherche) qui, en toute logique, a conduit à un déblocage très partiel des versements au dernier quadrimestre de 2009.

Source : Cour des Comptes sur la base des diverses conventions Etat/ OSEO

1 Ce chiffre correspond à l’effet direct sur les comptes des administrations publiques en comptabilité nationale ; avec prise en compte des mesures dites de trésorerie, il atteint 1,3%

2 Baisse de la TVA dans la restauration, entrée en vigueur du RSA, suppression de l’Imposition Forfaitaire Annuelle,…

3 L’Etat a souscrit en 2009 à deux augmentations de capital du FSI pour un montant de 2,940 Md€ ; les engagements correspondants ont fait l’objet de transferts du programme 316 au compte d’affectation spéciale « participations financières de l’Etat » ; mais seulement 1,160 Md€ de capital avait été appelé en fin d’année 2009, soit un taux de consommation de 39 % qui réduit artificiellement le taux d’exécution des crédits du programme 316 et du plan de relance dans son ensemble.

4 Les données disponibles ne permettent pas de distinguer, dans l'augmentation des avances financée sur les crédits propres des ministères, ce qui tient à l'évolution virtuelle de ces avances et ce qui serait venu d'un effet spécifique d'accélération.

5 Au moment de cette décision, l’investissement des collectivités locales en 2008 n’était pas encore connu. Il ne l’a été qu’à la fin du premier trimestre 2009. Le total des dépenses d’investissement des collectivités concernées par cette décision a été en 2008 de 58 082 Md€, en légère diminution par rapport à 2007 (58 136 Md€).

6 Le coefficient de corrélation observé entre 2001 et 2009 est de 99,6 %.

7 Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2008.

8 Le montant de dépenses de fonctionnement annuel induit par un investissement est communément estimé de 10 à 15 % de son coût.

9 Inscrites au budget général et à tous les budgets annexes (y compris des services publics industriels et commerciaux).

10 Par exemple commande à des fournisseurs français pour de l’investissement international

11 Les arbitrages du Programme Moyen Terme d’EDF portent sur le périmètre suivant : EDF SA, ERDF, RTE ; le montant des investissements d’EDF en 2009 sur ce périmètre a été programmé à 7,5Md euros ; le périmètre du plan de relance inclut, en plus, les investissements d’EDF Energies Nouvelles et EDF Energies réparties, ainsi que la part France du nucléaire international ; sur ce second périmètre le montant des investissements devait être égal à 8,3Md€.

12 Ali Al-Eyd et Ray Barrell, Estimating tax and benefit multipliers in Europe : Economic modelling, vol. 22, 2005

13 HM Treasury, Fiscal stabilisation in EMU : Discussion paper 2003

14 INSEE et DGTPE, Document de travail sur Mésange, janvier 2010

15 O. Biau et E. Girard, Politique budgétaire et dynamique économique en France : l’approche VAR structurel : Revue économique n° 56, 2005

16 OFCE, Finances publiques 2009, janvier 2009

17 INSEE, comptes nationaux

18 Elle avait été de 2,8% par an en moyenne entre 2000 et 2007

19 Les dépenses budgétaires correspondant à des prêts ou à des apports en capital y sont considérées comme des opérations financières

20 Ces conventions sont pour l’essentiel reprises et parfois précisées par la convention, de portée générale, du 5 mai 2009.

21 Les conventions précisent qu’il s’agit des PME et TPE au sens de la définition européenne de la PME. La recommandation 2003/361/CE du 6 mai 2003 précise qu’une PME a un effectif inférieur à 250 personnes, un CA inférieur à 50 M€ ou un total de bilan inférieur à 43 M€. La TPE a un effectif inférieur à 50 personnes, un CA ou un total de bilan inférieur à 10 M€.

22 Présentation faite aux ministères de tutelle mais non communiquée à la presse dans son intégralité