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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 14 décembre 2010

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 41

Coprésidence de M. Louis Giscard d’Estaing,
Vice-Président,
puis de M. Jérôme Cahuzac, Président
et de Mme Michèle Tabarot,
Présidente de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation

–  Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, de M. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions

–  Présences en réunion

La commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire entend, en audition ouverte à la presse, commune avec la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’ai le plaisir d’accueillir M. Rémy Pflimlin – que nous avons déjà reçu en juillet dernier à l’occasion de sa nomination à la présidence de France Télévisions –, et l’équipe de direction qui l’accompagne.

L’exercice pour lequel nous nous retrouvons aujourd’hui est quelque peu formel : il s’agit en effet de faire le point sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions alors que, monsieur le président, vous en avez vous-même demandé la remise en chantier. En réalité, cette audition nous permettra de faire avec vous un bilan d’étape de la mise en œuvre des engagements que vous avez pris ici même.

Nous suivons tous attentivement les impulsions que vous donnez à France Télévisions depuis votre entrée en fonction. Nous avons nous-mêmes travaillé à stabiliser l’environnement financier de la télévision publique par le maintien de la publicité en journée, et nous vous écouterons avec intérêt présenter la stratégie et les axes de travail que vous avez définis.

L’un de ceux-ci concerne les programmes régionaux, tout spécialement sur France 3. La semaine dernière, la Commission des affaires culturelles a réuni dans une table ronde des journalistes et des représentants de cette chaîne. De cette réunion, je retiens notamment la demande, soutenue par de nombreux téléspectateurs, d’une durée plus longue consacrée à l’information de proximité. Le format actuel des journaux régionaux ne permet pas toujours d’accorder à certains dossiers locaux le traitement spécifique qu’ils méritent. France 3 ne pourrait-elle pas opérer des décrochages régionaux plus réguliers et plus fréquents pour des débats, des reportages et des événements culturels ou sportifs d’intérêt régional ? Seriez-vous prêt à engager une expérimentation en ce sens, par exemple en permettant à telle ou telle région pilote d’y consacrer un temps d’antenne en première partie de soirée, comme dans d’autres pays européens ?

M. Louis Giscard d’Estaing, vice-président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est en avril 2007 que France Télévisions a signé avec l’État son deuxième contrat d’objectifs et de moyens, pour la période 2007-2010. Il n’a échappé à personne que la mise en œuvre de ce contrat a été quelque peu perturbée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, traduction législative de la volonté du Président de la République de supprimer les écrans publicitaires sur les antennes du groupe. Un avenant couvrant la période 2009-2012 a donc été signé pour tenir compte de ce changement substantiel dans l’équilibre de l’économie et de l’organisation de France Télévisions.

Conformément aux axes stratégiques élaborés avec l’État, l’entreprise s’est engagée à renforcer la spécificité et la valeur ajoutée du service public télévisuel en conduisant un effort accru en faveur de la création audiovisuelle française et européenne et d’une meilleure prise en compte de tous les publics. Elle s’est aussi engagée à jouer un rôle moteur dans le développement des nouvelles technologies audiovisuelles et à améliorer et moderniser sa gestion.

Monsieur le président, quelle est la place de France Télévisions dans le soutien à la production audiovisuelle ? Quels montants y aura-t-elle consacrés en 2009 et en 2010 ? Quelle part des dépenses totales du groupe cela représente-t-il ? France Télévisions respecte-t-elle ses obligations à ce sujet ? Par ailleurs, pourriez-vous détailler la composition des publics de France Télévisions par antenne, nous dire quel est l’âge moyen des téléspectateurs et comment il a évolué au cours des dernières années ? Les audiences, notamment celles des émissions culturelles, sont-elles, selon vous, satisfaisantes ? Comment, sinon, les améliorer ?

Mes dernières questions ont trait à la gestion. Il a été demandé à France Télévisions de s’engager fortement dans la maîtrise de la masse salariale. Un plan de départs volontaires a été proposé aux salariés du groupe. Le critère du volontariat empêche cependant d’établir avec certitude le nombre de salariés qui quitteront l’entreprise et de déterminer l’impact du plan sur l’activité de l’entreprise : les départs sont en effet subis par elle et non choisis à la lumière de ses besoins. Ce plan permettra-t-il effectivement au groupe de tenir ses engagements ? Ne risque-t-il pas au contraire de déstabiliser l’activité de l’entreprise et de conduire à des recrutements supplémentaires pour compenser des départs intervenus sur des postes nécessaires au fonctionnement et au développement du groupe ? Enfin, quel est le coût du plan, compte tenu du nombre de départs déjà constatés et du montant moyen de l’incitation au départ ?

M. Rémy Pflimlin président-directeur général de France Télévisions. Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui le rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Je suis accompagné de Mme Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes et chargée de France 4, et de MM. François Guilbeau, directeur délégué chargé de France 3, Martin Ajdari, directeur général délégué à la gestion, aux finances et aux moyens, Patrice Papet, directeur général délégué à l’organisation, au dialogue social et aux ressources humaines, Claude Esclatine, directeur délégué chargé du pôle rassemblant France Ô et le réseau outre-mer, Bruno Patino, directeur général délégué chargé du pôle stratégie, média global et développement numérique ainsi que de France 5, et Claude-Yves Robin, directeur délégué chargé de France 2.

L’actuel contrat d’objectifs et de moyens a fait l’objet d’un avenant et, le 4 janvier 2010, la création de l’entreprise commune a quelque peu changé la donne ; c’est ce dont je vous entretiendrai particulièrement.

Quelques chiffres méritent d’être cités ; ils répondront pour partie à vos questions. En 2009, 740 programmes culturels, représentant quelque 1 119 heures d’antenne, ont été diffusés en première partie de soirée, pour 365 programmes prévus dans notre contrat d’objectifs et de moyens. L’entreprise a donc largement rempli ses objectifs.

Les audiences ont été variables. Si, en première partie de soirée, celles de programmes de théâtre ont été conformes aux audiences moyennes, d’autres audiences, celles de la diffusion d’opéras par exemple, ont été beaucoup plus faibles – entre 5 % et 8 % pour une tranche horaire où nous visons plutôt une part d’audience comprise entre 10 % et 15 %. Pour autant, nous considérons que diffuser de tels programmes fait partie de notre mission, et qu’il nous faut trouver les moyens d’attirer un public plus large.

Le groupe, dont le chiffre d’affaires est de 2,8 milliards d’euros, a investi 383 millions d’euros en faveur de la création culturelle française en 2009 ; l’objectif qui lui avait été fixé était 375 millions d’euros. Un effort considérable a été conduit en faveur de la fiction et du documentaire ; je rappelle qu’en matière de fiction française, la part de France Télévisions est de 60 % environ, et de 75 % pour le documentaire français.

Là où ses concurrents se concentrent sur un nombre réduit de disciplines sportives, le football et le sport automobile en particulier, France Télévisions aura rempli son contrat d’objectifs en permettant à ses téléspectateurs de découvrir plus de 89 disciplines sportives, toute la variété des sports olympiques.

Le groupe France Télévisions s’était engagé à installer un comité permanent de la diversité. J’ai relancé ce comité dès mon arrivée en renouvelant plusieurs de ses membres et en demandant son assistance pour la réalisation de l’objectif clé qu’est le développement de la diversité sur nos chaînes.

J’avais indiqué devant vous que France Télévisions devrait mener une réflexion stratégique sur son rôle, et que cette réflexion devrait se traduire par un projet stratégique et conduire à la négociation d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, le contrat actuel couvrant encore les années 2011 et 2012.

Une note d’orientation stratégique, mise à votre disposition, a été élaborée. Elle vise à nourrir un débat interne qui permette à l’entreprise de s’approprier tous les éléments du plan stratégique et de préparer dès le début de l’année 2011 le nouveau contrat d’objectifs et de moyens. Cette note rappelle d’abord les valeurs qui fondent France Télévisions, et d’abord l’indépendance et l’universalité. Aujourd’hui, nos audiences, quelles que soient les chaînes, se concentrent sur un public âgé de 50 ans ou davantage. Nous ne sommes pas assez performants pour ce qui concerne les jeunes actifs. Nous voulons nous adresser à tous, quels que soient leur âge, leur origine sociale ou leur lieu d’habitation. Cette mission est au cœur du service public.

Parvenir à ce résultat suppose que nous nous attachions à la modernité, à l’innovation et à la performance, notamment technologique. Enfin, l’indispensable confiance de nos concitoyens dans le service public, tout particulièrement en matière d’information, suppose le respect d’une troisième valeur : la fiabilité et la crédibilité de l’information. C’est par le respect de ces valeurs que l’offre et les programmes de France Télévisions pourront se distinguer de ceux des autres opérateurs.

La responsabilité de France Télévisions est triple. D’abord, nos concitoyens doivent percevoir notre offre d’information, de culture, de divertissement et d’ouverture au monde comme caractéristique du service public. Ensuite, le poids de France Télévisions dans les secteurs clés de la fiction, de l’animation et du documentaire lui confère une responsabilité particulière envers les industries de programmes et de la création. Enfin, mener à bien les missions que le législateur confie à la télévision publique doit être au cœur de nos préoccupations.

Le premier objet du programme stratégique que je propose est de construire l’entreprise commune. Notre première tâche est en effet de donner corps au cadre général défini le 4 janvier dernier. Les services supports – services informatiques, techniques, financiers, de ressources humaines – doivent recourir à des systèmes communs ; leurs équipes doivent être rapprochées. C’est un travail de longue haleine et, contrairement à ce que j’ai pu lire dans telle gazette, nous sommes en train de « tricoter », et non de « détricoter », l’entreprise unique. Nous affectons aux moyens informatiques et techniques des montants importants, par exemple pour remplacer par un seul système nos quatre systèmes de paye actuels, ou pour faire communiquer nos services techniques entre eux.

Parallèlement, nous travaillons sur l’identité des chaînes. Dans l’océan d’offres disponibles, c’est par des personnalités complémentaires et fortes qu’elles pourront s’adresser à l’ensemble des publics que constituent nos concitoyens en marquant la spécificité de l’identité du service public.

France 2 doit être une chaîne généraliste de référence, résolument contemporaine et fondée sur l’actualité. C’est grâce à l’intérêt que lui porteront les parents – les adultes actifs âgés de la quarantaine – qu’elle pourra rassembler la famille autour de ses programmes. Pour se protéger d’une évolution tendancielle qui en ferait seulement la chaîne des grands-parents, son offre de fictions, de séries et de magazines, doit s’inscrire dans le temps présent en usant d’une écriture innovante.

France 3 doit fonder son audience sur la proximité, le patrimoine, l’histoire, et rassembler nos concitoyens autour de l’appartenance à un territoire. Il lui faut rendre l’actualité et la vie régionales plus visibles grâce à des prises d’antenne plus souples et plus nombreuses. Vous avez raison, madame la présidente, nous devons donner aux antennes de France 3 les moyens de réagir plus vivement aux événements régionaux quand l’actualité le demande mais aussi d’instaurer des rendez-vous où les acteurs régionaux pourront débattre.

Chaîne de conquête des nouveaux publics, France 4 doit continuer à conforter notre implantation auprès du public âgé de 20 à 35 ans, son cœur de cible depuis son lancement. Elle a pour mission d’inventer, de recruter de nouveaux animateurs, de mettre en place de nouveaux formats et de se risquer à des projets d’émissions innovantes.

Nous conforterons le positionnement de France 5 : grâce à ses magazines, ses documentaires et ses relations fortes avec les milieux de l’Éducation nationale, c’est la chaîne du savoir, du décryptage du monde, de l’ouverture aux sciences.

Chaîne des cultures métissées, France Ô doit s’ouvrir aux cultures du monde. La proximité qu’offrent avec le Brésil et l’Amérique du Sud ses implantations aux Antilles et avec l’Océan Indien celles de La Réunion et de Polynésie doit le lui permettre, et cela doit transparaître dans ses programmes.

Outre-Mer 1ère, lancée le 30 novembre dernier, décline sur la télévision numérique terrestre (TNT) les chaînes desservant chaque département ou collectivité d’outre-mer. Ces chaînes peuvent désormais organiser leurs grilles localement mais aussi acheter des programmes correspondant aux régions dans lesquelles elles sont diffusées.

L’équipe dirigeante du groupe et l’ensemble des responsables de programmes travaillent ainsi sur l’identité de nos chaînes, la coordination et la complémentarité des chaînes étant organisées par la direction générale déléguée aux programmes. France Télévisions conserve néanmoins plusieurs unités transversales : les unités jeunesse, culture et spectacle, et sports, dont les thématiques se répartissent sur les différentes antennes sans spécificité particulière.

Fondée sur les valeurs, les responsabilités et le positionnement dits, cette organisation doit nous permettre, grâce à une grille de rentrée 2011 sensiblement rénovée, d’atteindre les objectifs qui nous sont fixés.

Nous devons aussi fournir un effort de développement considérable dans le domaine du numérique. Il ne s’agit pas de céder à un effet de mode mais de répondre à l’évolution des usages de nos concitoyens. Cette responsabilité est confiée à Bruno Patino, ici présent. Il lui appartient de faire que nos réflexions intègrent dès le départ la déclinaison numérique des programmes sur les nouveaux écrans, les réseaux sociaux ou les plates-formes que nous créons actuellement pour répondre à la révolution que constituent les télévisions connectées, c’est-à-dire les télévisions qui peuvent être directement reliées à l’Internet. Les premières télévisions connectées sont en vente. La norme ouverte que nous avons développée avec nos amis du service public télévisuel allemand doit assurer la présence de nos programmes sur toutes les télévisions connectées, quel que soit le système d’exploitation utilisé. Encore notre offre devra-t-elle, demain, être suffisamment adaptée pour répondre à ce défi ; nous devrons aussi veiller à rester maîtres de nos contenus et de la manière dont ils seront développés et présentés sur les écrans.

Pour la mise en œuvre de nos politiques et de nos projets, l’organisation de la gestion des ressources humaines est centrale. Dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, elle se traduira en projets de formation, d’organisation, et aussi de définitions différentes des métiers. Ces définitions seront développées dans le cadre de la négociation sur le statut social unifié. Vous le savez, la négociation a été interrompue par une décision de justice. Nous allons la reprendre, pour présenter dès que possible à nos collaborateurs un plan clair d’évolution des carrières et des compétences.

Le plan de départs présente en effet deux inconvénients. En premier lieu, il ne s’inscrit pas dans un schéma d’évolution des compétences et des carrières : il permet à des personnes qui ont l’âge du départ à la retraite de partir, s’ils le souhaitent, avec une allocation supplémentaire. À ce jour, 430 des 900 bénéficiaires potentiels ont opté pour cette possibilité. Le plan ne nous permet pas non plus de faire évoluer les effectifs : une grande partie des personnels qui ont choisi de partir a été remplacée. En matière d’effectifs, l’approche doit viser aujourd’hui une gestion prévisionnelle de l’emploi des compétences mais aussi s’inscrire dans la perspective de l’évolution des métiers et du mode d’organisation.

Les perspectives financières du développement de France Télévisions sont un élément-clé du contrat d’objectifs et de moyens. Les débats de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2011, la nuit dernière, les éclairent. Nous attendons le vote définitif de la loi de finances pour y travailler avec vous.

Enfin, dès le 1er janvier prochain, nous mettrons en œuvre une charte limitant le parrainage en soirée. Nous devrions ainsi pouvoir lancer nos programmes de soirée très rapidement – dès 20 h 35 – après la fin du journal télévisé, sur France 2, ou de la série sur France 3.

Monsieur Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. M. le rapporteur général et moi-même vous prions d’excuser notre retard, dû à une réunion de travail avec le président Accoyer.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » et pour les comptes spéciaux « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et « Avances à l’audiovisuel public ». Madame la présidente, l’audition du président de France Télévisions sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens du groupe ne pourrait-elle pas se tenir plus tôt dans l’année, pour mieux nourrir le débat budgétaire ?

Monsieur le président Pflimlin, la réflexion a-t-elle évolué sur les ressources que le service public peut tirer de la publicité sur l’Internet ? Comment le groupe France télévisions compte-t-il, en ce domaine, différencier sa politique de celle des sites de télévision privée ? Comment la télévision publique pourrait-elle ignorer sur l’Internet, qu’elle a, pour des motifs de fond et de programmation, mis fin à la publicité après 20 heures sur les ondes hertziennes ?

Quelle analyse portez-vous sur les ressources à développer par France Télévisions Distribution en matière de produits dérivés, de licences et de vente de droits ? Souhaitez-vous que, à l’instar de la BBC, le groupe France Télévisions dispose de 100 % des droits des programmes qu’il diffuse ? Souhaitez-vous voir évoluer certaines règles qui, en empêchant le service public de récolter les fruits de ses investissements, le dissuadent d’investir ?

Comment comptez-vous tirer tous les bénéfices de l’entreprise unique, en matière de fonctions support notamment ? Quel est l’état d’avancement de la réorganisation ? De premiers résultats sont-ils acquis ? Qu’attendez-vous de la création d’un pôle commercial regroupant plusieurs fonctions autrefois dispersées ?

La commission mixte paritaire, réunie pour examiner le projet de loi de finances pour 2011, a adopté un moratoire prolongeant jusqu’en janvier 2016 le régime actuel de la publicité sur France Télévisions, ce dont je me réjouis. Ce moratoire aligne le régime actuel de publicité de France Télévisions sur la durée de votre mandat et sur celle du futur contrat d’objectifs et de moyens, et donne à la régie publicitaire la stabilité dont elle a besoin pour faire ses preuves, diversifier ses activités si nécessaire et réfléchir à sa future évolution, quelle que soit la décision qui sera prise en 2016. Monsieur le président, à quoi attribuez-vous la remarquable performance de la régie publicitaire de France Télévisions – un excédent de recettes publicitaires de 150 à 200 millions d’euros – dans une conjoncture aussi maussade ? Comment se négocie avec l’État l’affectation de l’excédent des recettes publicitaires ?

La mutualisation des personnels participant à l’élaboration des programmes a-t-elle progressé, et a-t-elle permis un allégement des dépenses ?

Pouvez-vous détailler les audiences de France Télévisions sur les nouveaux supports et ses positions sur les nouveaux modes de consommation de la télévision, notamment la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande ?

Rencontrez-vous des difficultés, techniques ou de ressources humaines, dans la mise en œuvre du média global, l’un des objectifs principaux de la réforme de France Télévisions ? Qu’en est-il de la production de produits spécifiques pour ce média global, tel que les documentaires pour le web ?

Enfin, quelles orientations nouvelles souhaiteriez-vous voir inscrire dans le nouveau contrat d’objectif et de moyens ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a auditionné M. Rémy Pflimlin le 12 juillet, alors qu’il était candidat à la présidence de France Télévisions. Si nous n’avons pas tenu la présente audition plus tôt, monsieur le rapporteur spécial, c’est que nous avons souhaité le laisser s’installer dans son poste.

M. Patrice Martin-Lalande. Je puis comprendre le calendrier adopté cette année, mais il faudrait procéder différemment les années à venir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président Pflimlin, comment pensez-vous concilier à l’avenir les dépenses inhérentes à votre ambitieux programme et une ressource publique qui se raréfiera d’évidence, puisqu’il est hors de question d’augmenter la redevance et que la dotation budgétaire de l’État ne peut que diminuer à terme ? La question se pose d’autant plus que, dans le même temps, les économies attendues de la mutualisation des achats de programmes et du plan de départs, mis en exergue par votre prédécesseur, sont largement remises en cause.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les médias (audiovisuel) et les avances à l’audiovisuel public. Le précédent contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions préconisait une stratégie éditoriale renforçant la spécificité de la télévision publique. Cette stratégie devait s’exercer notamment par l’accroissement des investissements en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique, une meilleure valorisation du spectacle vivant, de la création, des programmes patrimoniaux et de la transmission du savoir, une bonne gestion des risques éditoriaux, la déconnection avec les contraintes d’audiences et la différenciation avec les chaînes commerciales. Au regard de ces objectifs, votre prédécesseur, M. Patrice de Carolis, n’avait, me semble-t-il, pas démérité, loin s’en faut.

Monsieur le président, pour la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens à venir, quelles spécificités, en termes de programmes et de budgets, allez-vous réaffirmer et défendre ? Comment définissez-vous l’« écriture innovante » qui devrait caractériser les programmes de France 2 ? La « proximité » que vous revendiquez pour France 3 semble laisser perplexes ses journalistes, et une inquiétude réelle semble également marquer ses personnels, notamment en région.

Lors de la rencontre que j’ai eue avec vous et votre équipe, en ma qualité de rapporteure pour avis, j’avais émis le souhait que, au titre de sa mission de télévision publique, France Télévisions crée une chaîne dévolue à la jeunesse, inexistante aujourd’hui. Envisagez-vous de suivre cette piste, plutôt que de focaliser France 4 sur la tranche des grands adolescents et des jeunes adultes, dont la fidélisation me semble difficile pour une télévision publique ?

S’agissant du numérique, pouvez-vous éclairer plus avant la formule figurant en page 8 de la note stratégique que vous nous avez remise : « Je souhaiterais que l’on fasse un peu moins mais plus ambitieux, avec plus de moyens et avec des priorités stratégiques claires » ?

Pour reprendre la question du rapporteur général, comment parviendrez-vous à concilier la baisse des financements publics et les besoins de ressources pour vos projets ?

Enfin, contrairement à mon collègue Patrice Martin-Lalande, je ne me félicite pas du moratoire relatif à la suppression de la publicité en journée, mais j’ai tendance à penser qu’il jouera un rôle essentiel dans votre mandat, qui court jusqu’en 2015. Qu’en sera-t-il ? Vous nous avez dit travailler à tricoter l’entreprise unique ; peut-être, mais il me semble que vous « détricotez » aussi beaucoup.

M. Rémy Pflimlin. Monsieur le rapporteur général, nous réaliserons bel et bien les économies que nous devons faire car la création de l’entreprise unique nous permet de constituer des services support communs et de créer des synergies qui nous donneront plus d’efficacité. De plus, la mutualisation des achats de programmes, en France et à l’étranger, est elle aussi maintenue. La conduite des achats de programmes, et plus généralement la gestion des antennes, reste unique et centralisée et n’est pas répartie entre les chaînes. De plus, alors qu’elle était précédemment rattachée à la direction des programmes, elle l’est maintenant à la direction de la gestion, des finances et des moyens. Pour nous permettre de bénéficier d’économies d’échelle, les négociations continueront à être menées collectivement et de façon regroupée. Seuls les choix de lignes de programmes ne sont plus centralisés : la spécificité de chaque antenne doit permettre de travailler sur des territoires complémentaires pour éviter ce qui s’est produit dans un passé récent, l’affaissement de certaines chaînes – je pense à France 3. Faute de programmation spécifique pour chaque chaîne, une tendance à la concentration des programmes les plus porteurs sur la chaîne à la plus forte audience, – autrement dit France 2 – prévaut, qui aboutit à l’affaiblissement des autres chaînes.

Je fais donc absolument mienne la volonté de mutualisation, de synergies et d’économies inscrite dans le présent contrat d’objectifs et de moyens. Je souhaite inscrire cette volonté dans le contrat d’objectifs et de moyens à venir.

Comme je l’ai indiqué, le plan de départ ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés. Nous devrons donc travailler sur les besoins de qualification et d’organisation du travail, et de cette réflexion découlera une politique d’effectifs qui n’existe pas actuellement et qui est d’autant plus nécessaire que l’évolution des métiers est considérable.

Nous travaillons bel et bien à la constitution de l’entreprise unique, et à en retirer tous les effets positifs possibles.

La très forte progression des recettes publicitaires s’explique à la fois par la bonne marche de la régie et le développement général des recettes publicitaires à la télévision. Nos parts de marché restent à peu près stables dans un contexte où les recettes de publicité des chaînes privées – chaînes hertziennes traditionnelles ou chaînes de la TNT – augmentent : après une baisse importante en 2008, elles sont reparties à la hausse en 2009 et sont, en 2010, globalement revenues à leur niveau antérieur.

Nous créons en ce moment un pôle commercial et nous avons recruté à cette fin. Nous attendons de notre filiale France Télévisions Distribution des recettes tirées de produits dérivés et de la concession de licences. Parallèlement, nous allons nous attacher à amplifier les ressources provenant de l’univers numérique et d’Internet. À cette fin, il nous faut entamer avec les professionnels des négociations sur les droits dérivés sur l’Internet, droits que la loi laisse actuellement au producteur. Si nous voulons modifier les conditions de circulation des œuvres sur l’Internet ou y développer la commercialisation de produits dérivés, nous devons ouvrir un débat sur les droits. J’ai fait part de ce souhait aux syndicats de producteurs.

Après que nous en avons débattu avec le ministère du budget, l’État devrait percevoir 35 millions d’euros sur notre surplus de recettes publicitaires pour cette année, un montant similaire à celui de l’année dernière.

M. Bruno Patino, directeur général délégué auprès du président de France Télévisions chargé de préfigurer les contours du pôle stratégie, média global et développement numérique de France Télévisions, et du positionnement et des modes de fonctionnement futurs de France 5. L’ensemble des sites Internet des chaînes de France Télévisions reçoit environ 40 millions de visites par mois et génère 6,2 millions de visiteurs uniques par mois en moyenne, pour 317 millions de pages vues. Ces chiffres nous placent derrière nos concurrents du secteur privé. Surtout, ils révèlent une répartition inégale de l’usage de nos sites web : nous sommes relativement peu présents dans le domaine de l’information et du sport sur Internet, mais en revanche très présents dans le secteur du divertissement. C’est cette inégalité de la répartition qu’il conviendrait de corriger.

Nous disposons depuis cet été de trois formes de télévision de rattrapage : les vidéos des programmes sur le site de chaque chaîne ; un site consacré à la télévision de rattrapage, Pluzz, lancé à l’été ; enfin les plateformes d’IPTV, où Pluzz est présent, notamment celles d’Orange et de Free, et nous sommes en discussion avec SFR et Numéricable pour élargir notre offre.

Même si nous ne disposons pas encore de moyens totalement fiables pour mesurer exactement l’audience de nos programmes de télévision de rattrapage, notre régie publicitaire estime à une vingtaine de millions le nombre de visions par mois, Pluzz comptant quatre millions de visites et six millions de pages vues avec vidéo par mois ; ces chiffres sont en progression constante puisque le site vient d’être créé.

Le budget publicitaire de nos sites web sera d’environ 7,5 millions d’euros cette année, chiffre très modeste si on le rapporte au montant des recettes publicitaires de France Télévisions et surtout si on le compare à celui d’autres acteurs du numérique tels qu’Allociné ou Le Monde.fr.

Le bilan est donc mitigé : notre présence sur l’Internet est incontestable, mais elle est trop fortement concentrée sur une offre ludique. Nos recettes publicitaires dans ce secteur sont en progression, mais elles restent largement en deçà de ce qu’elles pourraient être.

Comme vous l’avez souligné, nous faisons beaucoup avec peu de moyens. En effet, France Télévisions est devenue une machine à produire des sites Internet, avec quelque mille adresses URL et plusieurs centaines de sites, sans que l’offre soit nécessairement hiérarchisée. Cette offre numérique bénéficie d’une trentaine de millions d’euros de crédits budgétaires ; nos concurrents du secteur privé disposent de deux fois plus et même davantage, et la BBC de 317 millions d’euros, et de 31,3 millions d’euros pour le seul chantier de la télévision connectée.

En dépit de la faiblesse de nos moyens, nous avons fixé cinq priorités à notre stratégie numérique. Celle-ci vise à couvrir, pour citer le président Pfimlin, tous les usages de tous les publics. Il s’agit pour nous à la fois d’approfondir les usages des publics existants et de toucher de nouveaux publics à travers les modes de consommation qui sont les leurs. Si la première voie a été privilégiée ces dernières années, nous pensons devoir également essayer d’atteindre des populations que nous ne touchons plus ou que nous ne touchons pas encore, par le biais, notamment, de la multiplication des nouveaux supports et des nouveaux usages d’Internet qu’ils induisent : tablettes, consoles de jeux, et bientôt la télévision connectée.

Notre premier objectif est de tenir notre rang dans ce qui constitue le cœur de notre métier : l’offre d’informations et de sport, le service public devant être dans ces domaines aussi présents sur l’Internet qu’il l’est dans le broadcasting.

Notre deuxième objectif est de continuer à faire vivre nos programmes dans l’univers numérique, non seulement par la création de sites Internet mais également par la pénétration des réseaux sociaux et la diffusion de nos programmes sur de nouveaux supports. Il s’agit de s’adapter aux nouvelles pratiques sociales, notamment des plus jeunes.

Notre troisième objectif est de développer la « télévision hors de la boîte », c’est-à-dire la télévision sur tous les supports. Aujourd’hui, le service public n’est présent dans ce secteur que via une application iPhone. C’est pourquoi nous avons lancé un plan de développement de notre offre dans le mobile via iPhone, iPad et autres Androïd. Être fidèles à notre vocation d’ouverture suppose en effet que nous ne nous cantonnions pas à des technologies qui nous priveraient de toute une audience potentielle de téléspectateurs ou d’internautes.

Le quatrième pilier de notre stratégie est prospectif, puisqu’il s’agit de la prochaine révolution : celle de la télévision connectée. Pour l’heure, notre seule certitude est que les nouveaux téléviseurs seront connectés à l’Internet. Mais on ignore encore quelles seront les utilisations de la télévision connectée, quels seront les acteurs de ce nouvel univers, et quelles en seront les règles. Les usages de la télévision connectée pourraient couvrir une large palette, du schéma le plus rassurant pour les opérateurs traditionnels, celui d’une information complémentaire des programmes télévisés – et dans cette perspective nous sommes en train de développer la norme HbbTV – jusqu’à un schéma totalement ouvert, incluant des acteurs tels que Google. Quelles que soient nos préférences, nous devons nous préparer à tous ces scénarios si nous voulons défendre les valeurs et les programmes du service public. Ce chantier, avec toutes les conséquences qu’il emporte sur le plan technologique, humain et programmatique, est à mes yeux la plus grande aventure qui nous attende, aventure passionnante mais difficile.

Notre cinquième et dernier objectif est de développer une stratégie d’innovation et de prospective, non seulement dans le domaine des usages et des technologies mais également dans celui des contenus, les usages finissant toujours par rétroagir sur les programmes. Nous devons produire des programmes de webfiction et développer notre production de webdocumentaires, ceux de France Télévisions n’ayant pas, à ce jour, la visibilité de ceux d’autres chaînes. Nous devons également développer nos actions éducatives sur le web, domaine dans lequel, grâce notamment à France 5, nous sommes plutôt en avance.

Vous nous avez interrogés sur les limites techniques ou humaines qui risqueraient d’entraver notre développement numérique. Sur le plan technique, nous souffrons de la variété, de l’obsolescence ou du caractère rudimentaire des systèmes d’information - les content management systems, ou CMS - utilisés par nos services. Pour mettre fin à ce désordre, le groupe France Télévisions s’est lancé dans la construction d’un système d’information unique. Quand on sait qu’il nous a fallu 123 minutes pour mettre en ligne une vidéo des dernières intempéries produite par France 3, on voit qu’il s’agit d’un investissement nécessaire si nous voulons progresser dans ce domaine.

Sur le plan des ressources humaines, notre ambition est de former nos personnels à cette nouvelle langue qu’est le numérique. Sans attendre de disposer de personnels dont ce sera la langue maternelle, notre défi est de permettre à ceux dont la langue maternelle est le broadcasting d’acquérir la maîtrise du numérique. Si personne ne peut tout faire, tous doivent pouvoir comprendre l’une et l’autre langues.

M. Christian Kert. Nous avons bien compris, monsieur le président-directeur général, que vous ne souhaitiez pas détricoter l’œuvre de l’équipe précédente. Il est cependant évident que vous vous éloignez de la conception, tant redoutée par les producteurs, de la maison commune France Télévisions comme un « guichet unique », pour revenir à la notion d’un bouquet de chaînes ayant chacune leur identité propre. S’agit-il d’une simple réorganisation technique, ou d’une remise en cause du « virage éditorial » prôné par votre prédécesseur ? Quand, par exemple, vous évoquez la possibilité pour le service public de diffuser des programmes de téléréalité de qualité, êtes-vous dans la rupture ou dans la continuité ?

Nous nous félicitons de ce que vous ayez signé une charte encadrant le parrainage sur les antennes de France Télévisions, mais pourquoi limiter sa portée à certains horaires, alors que son champ d’application devrait être bien plus large ? Certains de nos collègues s’offusquent de voir l’antenne encombrée après vingt heures par des parrainages et des programmes courts, qui ne se distinguent pas vraiment des messages publicitaires aux yeux des spectateurs. Êtes-vous conscients de cette exigence de voir les écrans publics libérés de tout message publicitaire ?

Ne doit-on pas craindre enfin que le placement de produits, qui devrait arriver bientôt sur les écrans de France Télévisions, bénéficie davantage aux producteurs qu’au diffuseur ?

M. Michel Françaix. Les problèmes sont de quatre ordres, puisqu’ils concernent les contenus, les moyens, la concurrence, et France 3.

Selon vous, monsieur le président, la part de la création culturelle doit représenter entre 15 % et 18 % du chiffre d’affaires de France Télévisions, soit nettement plus que ce qui était prévu, notamment pour la fiction et le documentaire. C’est le signe que France Télévisions fait très bien son travail, ou que les chaînes privées ne font pas du tout le leur, et à ce propos j’invite mes collègues à faire pression sur les chaînes privées pour qu’elles respectent les règles qui s’imposent à elles. Je ne peux cependant que vous délivrer un satisfecit sur ce point, tout en rappelant que M. de Carolis vous avait précédé sur cette voie.

En ce qui concerne les moyens, nous faisons preuve, nous, parlementaires, de l’incohérence la plus totale : nous vous demandons de faire des économies, mais quand vous parvenez à dégager des excédents de recettes publicitaires, d’excellents collègues demandent qu’on vous en prive sans délai, en contradiction avec le dogme libéral dont ils se prévalent généralement. Dans le même temps, ils feignent de croire qu’il est impossible d’augmenter le prélèvement sur les recettes publicitaires des chaînes privées, en proportion de leur accroissement. Ultime incohérence, les sénateurs de la majorité, en proposant de supprimer la publicité pendant la journée sur les chaînes publiques, défont ce que les députés de la majorité avaient fait. Quel superbe imbroglio !

On ne saurait surestimer le problème posé par la concurrence, notamment dans les domaines du sport ou de l’information où le service public peine à jouer son rôle, et ce problème est appelé à s’aggraver à l’avenir du fait de la concurrence de la TNT, qui s’impose de plus en plus comme une alternative aux chaînes traditionnelles. Ainsi, l’audience de la TNT a connu des sommets jamais atteints le soir où TF1, France 2 et Canal plus diffusaient une interview du Président de la République.

Il faut dire enfin que France 3, même modernisée comme vous vous employez à le faire, et même en mutualisant les moyens de ses antennes régionales, va devoir affronter de terribles difficultés – et je m’adresse là à un partisan de la décentralisation, à un homme qui a vécu les grands moments de la troisième chaîne. Aujourd’hui, l’audience de France 3 est identique, voire inférieure à celle de M6, avec des coûts salariaux sans commune mesure. Vous devrez donc convaincre les parlementaires que France 3 est nécessaire au service public et que nous ne pouvons pas renoncer à son apport en termes de décentralisation. Enfin, monsieur le président-directeur général, si je vous félicite de miser sur l’identité des chaînes et la logique du bouquet, je n’ai pas bien compris comment vous comptiez révolutionner France 3 tout en conservant ce qui fait son identité.

M. Frédéric Reiss. Vous vous êtes, monsieur le président, déclaré favorable aux programmes d’intérêt régional. Je me réjouis de votre volonté de décliner proximité et authenticité, mais j’aimerais que vous précisiez votre propos : s’agira-t-il de programmes véritablement fabriqués en région ? Ou bien les programmes alsaciens, pour prendre un exemple au hasard, pourraient-ils être produits à Lille sous prétexte que l’Alsace relèverait du même grand pôle du nord-est ?

D’autre part, envisagez-vous des émissions régionales quotidiennes autres que d’information ?

Mme Monique Boulestin. Quelle stratégie comptez-vous adopter pour développer les programmes de France 3 ? Vous êtes en effet confrontés à un double défi : maintenir à cette chaîne sa vocation de télévision de proximité, tout en l’ouvrant sur le monde. Vous devez maintenir son audience, très variable d’une région à l’autre, tout en attirant d’autres publics, notamment les jeunes, qui se désintéressent souvent de ses programmes. Cela suppose une grille attractive, aux horaires adaptés à ces nouveaux publics, sans négliger les publics plus traditionnels. Dans ces conditions, comment allez-vous gérer l’ensemble de vos antennes, passées de treize à vingt-quatre, sans moyens supplémentaires ? Vos nouveaux « bébés » vont-ils faire les frais de cette restructuration ou au contraire fragiliser l’ensemble ?

Votre objectif de « parler à tous », pour reprendre votre expression, suppose de prendre en compte des attentes très diverses et de repenser le ciblage de vos programmes. Ne faudrait-il pas, par exemple, diffuser des programmes régionaux en langues étrangères, qu’elles soient frontalières ou utilisées par de très nombreux habitants en région – je pense notamment aux familles venues d’Outre-Manche s’installer dans ma région, le Limousin, et dont les enfants doivent pouvoir rester en contact avec leur culture maternelle – ?

M. Marc Bernier. Quelle forme de partenariat envisagez-vous pour prendre la suite de la convention liant France Télévisions à l’Association française contre les myopathies (AFM), convention qui expire à la fin de l’année ? Le Téléthon, organisé dans le cadre de cette convention, a des retombées importantes non seulement pour l’AFM – mais aussi pour la recherche scientifique et médicale –, au point que d’autres associations ont pu y voir une sorte de concurrence déloyale.

Mme Valérie Fourneyron. Je souhaite, monsieur le président, vous interroger sur la place du sport sur les antennes de France Télévisions ; la question est d’actualité bien qu’elle ne soit pas nouvelle. D’une part, la directive Télévision sans frontières, qui encadre les droits de retransmission des événements sportifs par les chaînes de télévision, doit à l’évidence être toilettée. D’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient d’autoriser la ligue de football professionnel à créer sur la TNT une chaîne consacrée à la retransmission des matchs de championnat. Or, depuis des années, le comité national olympique et sportif français, le CNOSF, défend le projet d’une chaîne de la TNT consacrée au sport afin d’assurer la médiatisation des disciplines sportives absentes des chaînes traditionnelles. Quelle est la viabilité d’un tel projet ? Ne serait-il pas préférable d’envisager la solution d’un portail Internet ? Les programmes régionaux pourront-ils acquérir la nouvelle dimension que vous souhaitez pour eux sans que le sport y occupe une place de premier plan ?

M. Alain Marc. Je suis très heureux de lire dans votre note d’orientation stratégique que France 3 « doit retrouver son centre de gravité en régions […] parce qu’elle est la chaîne des racines », et j’espère que ces objectifs très nobles ne resteront pas au stade des déclarations d’intention. Dans cette perspective, nous souhaiterions disposer d’une évaluation fine de l’audience des émissions régionales et des décrochages régionaux – on sait qu’elle varie considérablement d’une région à l’autre, France 3 étant beaucoup moins regardée en région parisienne qu’en province, par exemple –, une telle évaluation constituant par ailleurs un instrument de gouvernance intéressant.

Peut-on augmenter la durée des décrochages locaux ? Comment affirmer l’appartenance à un territoire ? À ce propos, madame Boulestin, les émissions en anglais ne manquent pas sur d’autres chaînes, alors que celles en langues régionales sont très rares. Au moment où nous allons proposer un texte relatif aux langues régionales, on ne peut que souhaiter qu’elles bénéficient d’un temps d’antenne un peu plus significatif. Je veux surtout appeler votre attention sur l’ignorance du patrimoine régional, par ceux qui en traitent, que trahissent certaines émissions régionales en langue française.

M. Jean-Luc Pérat. Je souhaite, monsieur le président, que vous précisiez votre position quant à la place de la téléréalité dans le service public audiovisuel. Dans un autre domaine, autour de quel axe comptez-vous développer les fictions, qu’il s’agisse de séries ou de téléfilms ? Vous avez misé sur des créations de qualité à caractère historique : envisagez-vous d’orienter la création vers des sujets plus modernes et de donner leur chance aux jeunes auteurs ? Enfin, quelle sera, dans les années à venir, la place de la culture et des disciplines sportives les moins médiatisées sur les antennes de France Télévisions ?

Mme Françoise de Panafieu. Les directeurs des chaînes de France Télévisions disposeront-ils d’un pouvoir éditorial, et si c’est le cas, comment ce pouvoir s’articulera-t-il avec celui des directeurs des programmes et des directeurs d’antenne ?

M. Rémy Pflimlin. Du virage éditorial opéré par mon prédécesseur, je souhaite conserver ce qui permet au service public de se différencier de l’offre privée, programmes culturels, débats politiques, magazines de qualité, tout en les rendant accessibles au public le plus large. S’agissant de la culture, par exemple, nous ne devons pas nous limiter à la culture patrimoniale mais consacrer du temps d’antenne à une culture plus contemporaine, qu’il s’agisse de musique ou de spectacle vivant, cette diversité devant nous permettre de réunir des publics plus larges.

J’ai bien compris que vous vous inquiétiez qu’un recours excessif au parrainage porte atteinte à la fluidité et à la liberté qui doivent caractériser les antennes du service public. Je voudrais rappeler cependant que les deuxièmes parties de soirées de France Télévisions démarrent en moyenne une trentaine de minutes plus tôt que dans le passé. La gestion du temps d’antenne est donc très différente de ce qu’elle était.

C’est avec la plus grande précaution et en concertation avec le CSA que nous envisageons la question du placement de produits dans les programmes de France Télévisions. Nous avons ainsi refusé certaines propositions des producteurs afin d’éviter les risques d’envahissement des antennes.

Nous souhaitons poursuivre notre partenariat avec l’AFM tout en nous interrogeant sur la baisse continuelle des dons qui affecte le Téléthon. Le CSA a été chargé par le Premier ministre d’étudier les modalités d’accès des associations, notamment l’AFM, à la télévision publique. Le rapport qu’il doit rendre dans les tout prochains jours nous permettra de chercher, en concertation avec l’équipe du Téléthon et avec d’autres associations, les moyens d’améliorer cette opération et de l’ouvrir à d’autres associations. Loin de nous la volonté de nous désengager de cette opération ou de décevoir les nombreuses associations qui se mobilisent dans ce cadre.

Plus de quatre-vingt disciplines sportives sont présentes sur nos antennes. Si j’ai bien compris, la chaîne affectée à la ligue de football ne diffusera pas de matchs en direct. Nous souhaitons conserver les droits de retransmission de la coupe de la ligue et de la coupe de France, d’autant que nos décrochages régionaux nous permettent d’offrir une offre spécifique, puisque nous ne diffusons pas les mêmes matchs dans toutes les régions. Nous avons aussi proposé d’assurer la diffusion du championnat de deuxième division, comme nous le faisons déjà pour le rugby.

J’ai pris contact tout récemment avec le président du CNOSF pour réfléchir à l’élaboration d’une plateforme numérique dédiée au sport olympique.

Les programmes de téléréalité tels qu’il en existe sur les chaînes privées ne correspondent pas du tout à nos objectifs. Pourquoi, en revanche, ne pas explorer les voies d’une télévision du réel visant à nous rapprocher des gens et à valoriser ce qu’ils font, comme c’est le cas de Strip-Tease, émission emblématique du service public, ou des programmes plus récents ? Ce que je refuse, c’est que l’on réserve certains types de programmes aux chaînes privées en laissant aux chaînes publiques le soin d’assurer le reste. Un tel dogme risque de nous empêcher de remplir notre mission, qui est de fédérer le plus large public possible.

Le directeur des programmes et le directeur d’antenne dépendent du directeur de chaîne, qui dispose du pouvoir éditorial car il doit pouvoir fédérer les énergies de la chaîne pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés.

Nous sommes conscients du rôle spécifique de France 3, qui incarne tout particulièrement la mission des chaînes publiques, à savoir permettre à tous l’accès à des services d’information et de loisir, les chaînes privées ne pouvant assurer ces services qu’en certains lieux – grandes villes ou territoires privilégiés. Cette mission est la colonne vertébrale du service public.

La notion de rapport au territoire est essentielle, même si elle reste à définir : territoires de toutes les proximités, régions administratives, et aujourd’hui bassins de vie présentant une unité culturelle. Je sais, monsieur le député, la spécificité de la région alsacienne et je me préoccupe de sa traduction dans les programmes, mais l’on ne peut nier l’appartenance de l’Alsace à un Grand Est qui présente une unité. Cette articulation appelle une réflexion de fond.

M. François Guilbeau, directeur délégué auprès du président de France Télévisions chargé de préciser le positionnement et les modes de fonctionnement futurs de France 3. France 3 compte désormais vingt-quatre antennes de proximité, qui font suite aux anciens bureaux régionaux de l’information. Chacune a pour responsabilité première d’éditer les informations régionales, qui représentent une heure par jour en moyenne hebdomadaire. Les programmes étaient auparavant réalisés par les treize directions régionales, qui n’avaient pas une grande pertinence éditoriale et dont les configurations étaient disparates, certaines comptant un seul bureau d’information, d’autres trois ou quatre. La réorganisation vise à ce que les programmes régionaux soient édités par des regroupements d’antennes « à géométrie variable » : les antennes intéressées collaborent à la réalisation des projets en fonction de leur ligne éditoriale. Ces programmes régionaux occupent quelque 2 heures 20 par semaine, principalement le week-end. S’ajoutent à cela les prises d’antenne exceptionnelles pour traiter d’événements sportifs, culturels ou d’information particuliers ; elles ont représenté 530 heures d’antenne en 2009 et représenteront 645 heures en 2010. Enfin, les programmes produits en régions et diffusés nationalement représentent un peu moins de cinq heures par semaine.

La part d’audience de ces différents programmes est très variable, et les fluctuations valent même pour les éditions d’information régionale qui contribuent largement à l’audience de la chaîne. Ainsi, la part d’audience moyenne du journal d’information phare, le 19-20 heures, s’établit à quelque 20 %, mais elle excède 30 % en certaines régions et peut être inférieure à 10 % dans d’autres – et pas uniquement en région parisienne, où les contenus régionaux sont historiquement plus difficiles à définir qu’ailleurs.

Ce constat appelait une analyse critique, car il n’y a pas de fatalité. Nous voulons améliorer la qualité des programmes pour toucher un plus large public, même si des spécificités locales font que l’audience sera toujours plus forte dans certaines régions que dans d’autres.

Cette réflexion de fond doit déboucher sur des changements de grilles en septembre prochain, après que nous aurons défini de meilleurs créneaux de diffusion et de meilleurs contenus ; nous nous attacherons en particulier à développer l’offre de services, un secteur dans lequel nous pouvons progresser. Dès la rentrée 2011, nous élargirons les créneaux régionaux en diffusant une heure supplémentaire de programme régional tous les matins ; pour cela, dans un premier temps, nous rééditerons les programmes diffusés le week-end. Mais il est aussi de la responsabilité de l’antenne nationale de refléter la vie des régions et, pour cela, de travailler avec les équipes régionales. Dès fin janvier, un nouveau programme quotidien, d’une durée de 1 heure 40, sera diffusé à la mi-journée, en direct d’une ville choisie en fonction de l’actualité. Ce programme sera réalisé avec l’apport des équipes régionales, qu’il s’agisse des sujets traités ou des présentateurs.

Nous entendons donc agir sur l’ensemble des outils à notre disposition, en améliorant la qualité des éditions régionales, la pertinence de la programmation et la collaboration des équipes nationales et régionales. Que le centre de gravité de France 3 soit en régions doit se traduire par des programmes régionaux, mais aussi par des programmes nationaux. Il en existe déjà : ainsi, Des racines et des ailes est une émission très ouverte sur le patrimoine régional. Mais nous devons nous ouvrir plus largement à la vie quotidienne des gens ; c’est à quoi tendra le nouveau programme « itinérant » dont je vous ai parlé, qui fera dès janvier très largement appel aux talents régionaux. Puis, en septembre, ayant passé notre offre actuelle en revue, nous proposerons de meilleurs contenus à des horaires mieux adaptés.

Mme Françoise de Panafieu. Est-ce la raison du recrutement de M. Laurent Boyer ?

M. François Guilbeau. Oui. Il animera ce nouveau programme.

M. Rémy Pflimlin. Après qu’en septembre notre nouvelle offre régionale aura été définie se posera la question de notre capacité à développer progressivement les prises d’antenne régionales lors d’événements importants. Ces décrochages existent déjà pour les rencontres sportives comme pour d’autres événements, mais il nous faudra faire davantage.

M. Michel Françaix. C’est un projet ambitieux, mais il a un coût.

M. Rémy Pflimlin. C’est vrai, et le défi sera de parvenir à développer des partenariats avec les collectivités locales et avec certains acteurs régionaux. Cela doit se pouvoir, puisque certaines télévisions de proximité sont largement soutenues, sur le plan financier, par les collectivités, avec des résultats dont je me suis laissé dire qu’ils ne sont pas probants. C’est cette dynamique qu’il nous faut lancer, en créant les plateformes numériques qui nous permettront d’offrir informations et services. Le projet est certes ambitieux mais il caractérise ce que doit être le service audiovisuel public de proximité.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Envisagez-vous de décrochages régionaux en première partie de soirée ?

M. François Guilbeau. Il doit s’agir de programmes nationaux adaptés. Il est difficile de ne diffuser des fictions très onéreuses que dans une partie de la France. Les décrochages régionaux en première partie de soirée se conçoivent si le sujet le justifie, et il nous est arrivé d’y procéder à l’occasion d’événements sportifs particuliers ou en cas de catastrophes naturelles. Nous avons prévu de dresser le bilan, fin février ou début mars, des mesures prises un an après les dévastations dues à la tempête Xynthia, et cela aura lieu en prime time.

Pour répondre à M. Françaix à propos des moyens, l’un des éléments de la réorganisation a été la constitution de quatre pôles qui n’ont pas de compétence éditoriale mais une pertinence de gestion. L’objectif est de mutualiser les moyens de chaque pôle. Les prises d’antenne exceptionnelles ne seront jamais faites en même temps en tous lieux ; on pourra donc mutualiser les équipes et les cars. Ainsi, monsieur Reiss, les programmes diffusés en Alsace ne seront pas des programmes lillois, mais les équipes de Lille ou de Reims pourront contribuer à leur réalisation. La nouvelle organisation permet de mettre pour une opération donnée tous les moyens d’un pôle à la disposition d’une antenne qui ne peut agir avec ses seuls moyens propres - d’autant que les vingt-quatre antennes de proximité ne sont pas toutes dotées des mêmes moyens. Et, si l’on veut réaliser des émissions ambitieuses, il faut regrouper davantage de moyens encore. C’est ce que nous avons fait pour couvrir le départ de la course transatlantique en solitaire La Route du rhum, qui a intéressé plusieurs antennes régionales et France 2 : nous avons bien sûr utilisé les moyens de l’antenne régionale de Bretagne mais aussi ceux des antennes de Normandie et de Poitou-Charentes. En invitant les antennes à coopérer, nous dégagerons les moyens nous permettant de réaliser des contenus attractifs.

Mme Françoise de Panafieu. Qu’en est-il plus précisément de l’articulation du pouvoir éditorial entre directeurs de chaîne, directeurs de programmes et directeurs d’antenne ?

M. Rémy Pflimlin. Chaque directeur de chaîne a à ses côtés un directeur des programmes et un directeur d’antenne qui dépendent de lui.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous remercie, monsieur Pflimlin, ainsi que les directeurs qui vous accompagnent.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 14 décembre 2010 à 17 h 30

Présents. - M. Jean-Marie Binetruy, M. Jérôme Cahuzac, M. Gilles Carrez, M. René Couanau, M. Jean-Yves Cousin, M. Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, M. Louis Giscard d'Estaing, Mme Arlette Grosskost, M. Patrice Martin-Lalande, M. Henri Nayrou, M. Nicolas Perruchot

Excusés. - M. Michel Bouvard, M. Thierry Carcenac, M. Jean Launay, M. Jean-Claude Mathis