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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 18 janvier 2011

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 46

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, sur le niveau de centralisation des encours des livrets d’épargne réglementés à la Caisse des Dépôts et consignations

–  Présences en réunion 9

La Commission entend M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur le niveau de centralisation des encours des livrets d’épargne réglementés à la Caisse des dépôts et consignations.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous accueillons maintenant Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur la question du  niveau de centralisation des encours des livrets d’épargne réglementés à la Caisse des dépôts et consignations, après avoir entendu M. Thierry Repentin, pour l’Union sociale pour l’habitat, MM. Michel Bouvard et Augustin de Romanet pour la Caisse des dépôts et consignations et M. François Pérol, président de la Fédération bancaire française.

Le sujet est bien connu et les questions qui se posent également : quel niveau de centralisation à la Caisse des dépôts, quel niveau de commissionnement et quelle utilisation des encours décentralisés sont-ils légitimes ? Avec quel contrôle possible ?

Le taux de centralisation retenu par le projet de décret est de 65 %, donc inférieur à celui – 70 % – que le Gouvernement s’était engagé à respecter au cours de la discussion de la LME, ce qui étonne les parlementaires et ce qui inquiète les responsables du logement social comme la Caisse des dépôts, sollicitée par l’État bien au-delà du financement du logement social et de la politique de la ville.

Il ne satisfait pas non plus les établissements bancaires qui mettent en avant leurs besoins de liquidités, les nouvelles exigences de Bâle III auxquelles elles devront répondre, et leur rôle central dans la distribution de crédits aux entreprises, notamment les PME.

À ce sujet, il nous apparaît que le fléchage de l’épargne réglementée collectée par les établissements bancaires et qui reste décentralisée, vers le financement des PME et du développement durable, n’est pas démontré. Qu’en est-il des rapports que les établissements bancaires doivent publier, chaque année avant le 31 mars, et chaque trimestre ? De quelles informations dispose-t-on ? Comment s’assurer que le surplus de financement ainsi obtenu est bien dirigé vers les PME ? De quelle façon les PME peuvent-elles bénéficier indirectement du faible coût de cette ressource pour les banques ?

À quel niveau doit se situer la centralisation de la collecte auprès de la Caisse des dépôts pour que celle-ci continue à répondre aux besoins de financement à long terme ?

Enfin, est-il légitime que l’épargne défiscalisée, qui a donc un coût pour les finances publiques, serve à renforcer les fonds propres d’établissements bancaires privés ? Cela est-il compatible avec la législation européenne sur la concurrence, qui exige qu’un État ne puisse octroyer d’avantages à des entreprises privées qu’à raison des missions d’intérêt général qu’elles remplissent ? Dans quelle mesure la Commission européenne peut-elle constater, dans le financement des petites et moyennes entreprises, cet emploi d’intérêt général?

Monsieur le Gouverneur, vous avez la parole.

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France. Je partage pleinement le souci d’assurer au logement social, et à la politique de la ville en général, la pérennité de son financement. Je ne plaide pas pour une atténuation du fléchage vers les petites et moyennes entreprises. Les parlementaires ont marqué leur attachement à ce financement de l’économie.

La situation n’a rien d’alarmant, si les pouvoirs publics savent agir sur les bons paramètres et se gardent de se fixer des objectifs contre-productifs. Comme en matière fiscale, il faut éviter l’effet pervers qui amène une baisse des recettes après une hausse du taux d’imposition, du fait d’une réduction corrélative de l’assiette. Les prêts octroyés sont aujourd’hui couverts à près de 155 %, soit beaucoup plus que les 125 % légalement requis. Cela est dû au dynamisme de la collecte sur les livrets A, qui a augmenté de 5 % en 2010. Avec un taux de rémunération devant passer à 2 % au 1er février 2011, le succès ne devrait pas se démentir. D’une manière générale, et par construction, le livret A, réserve d’épargne garantie par l’État, rémunérée au moins au taux d’inflation plus 0,25 % et défiscalisée, et libre à tout moment, reste attractif. Aussi le seuil plancher des 125 % ne risque-t-il pas, dans une hypothèse conservatrice, d’être franchi.

Pour parer à tout imprévu, des précautions paraissent néanmoins nécessaires. Je m’interroge pourtant sur le système du corridor envisagé par le décret. Il me paraîtrait préférable de définir un seuil d’alerte, à 135 % par exemple, auquel le Gouvernement serait tenu, après une analyse des causes de la moindre collecte, de revoir les paramètres de la centralisation. En l’état, le système est de facto équilibré, pour peu que la collecte ne soit pas découragée. En revanche, si les conditions faites aux réseaux sont dissuasives, ils seront induits à faire baisser les en-cours au profit d’autres supports d’épargne.

Le paysage de l’épargne française présente des particularités : depuis les réformes du milieu des années 1980, la part d’OPCVM détenue par les ménages est supérieure à la moyenne européenne ; les livrets centralisés et réglementés occupent une place à part ; l’assurance-vie est enfin très développée. Les dépôts dans les banques françaises sont inférieurs à la moyenne européenne, même si cela est en partie compensé par les certificats de dépôt souscrits en particulier par les SICAV monétaires. Les nouvelles règles de liquidité imposées par Bâle III, encore en phase d’observation, privilégient cependant très fortement, dans le calcul des ratios, les dépôts de clientèle.

Exiger des banques un niveau plus élevé de centralisation des encours des livrets réglementés reviendrait ainsi à accuser encore les particularités de l’épargne française. C’est pourquoi il faut soigneusement peser le bon équilibre en ce domaine. Le problème se pose dans des termes analogues à ceux qui président à la définition d’un taux d’imposition : la recherche d’une maximisation des recettes fiscales ne saurait, sans se contredire, engendrer une réduction de l’assiette d’imposition.

Or, quels que soient les paramètres retenus, les nouveaux distributeurs de livrets réglementés devront, d’après le projet de décret, centraliser des montants supérieurs à la croissance de la collecte. L’effort supplémentaire représente 25 milliards d’euros, au moment même où les dépôts inscrits à leur bilan doivent augmenter… Les marges de rentabilité sont certes faibles dans le secteur du prêt aux petites et moyennes entreprises. Mais les quelque 0,75 % ou 0,80 % atteints restent supérieurs au 0,5 %, voire au 0,3 %, envisagés sur le livret A. En l’état actuel, les banques ont donc plutôt intérêt à octroyer des prêts aux entreprises et à renforcer leurs fonds propres.

De ce fait, il paraît risqué d’imposer à la fois un fort taux de centralisation et un faible commissionnement, dans la mesure où les établissements bancaires seraient alors incités à développer des produits concurrents aux livrets réglementés. Trop sévères, les règles de collecte seraient finalement contre-productives.

Quelle est alors la meilleure équation possible ? L’économie actuelle du dispositif ne doit pas être bouleversée. Certaines aspérités méritent d’être gommées, d’autres risques peuvent diminuer grâce à une modification à la marge des paramètres. À collecte constante, le financement du logement social est assuré. Le risque de moindre collecte serait cependant moins important si la période de convergence était allongée, passant par exemple de sept ans à dix ans. De même, il serait sage de renoncer à la disparité des taux de commissionnement, en évitant un taux à 0,3 % qui dissuaderait les établissements bancaires de distribuer les livrets réglementés, alors même qu’ils doivent déjà centraliser plus qu’ils ne collectent. En alignant d’emblée les taux sur 0,5 %, les pouvoirs publics les protégeraient contre cette « double peine ». Quant à réviser le taux de commissionnement chaque mois… je pense qu’il est bien préférable de le maintenir à un niveau constant. Enfin, la couverture des en-cours à 125 % serait suffisamment garantie par la définition d’un taux d’alerte.

Vous m’avez également interrogé, M. le Président, sur le fléchage de l’épargne réglementée collectée vers le financement des PME. Pour l’heure, nous sommes dans une phase de transition car nous ne disposons pas encore de statistiques par établissement de crédit. Les systèmes informatiques sont en effet très longs à adapter afin de permettre aux banques d’identifier les crédits consentis aux PME, d’autant qu’il s’agit d’incorporer un paramètre – la définition européenne de la PME – jusqu’alors absent.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous venez de nous exposer un certain nombre de difficultés techniques. Êtes-vous en mesure de nous indiquer pourquoi la situation n’est pas satisfaisante aujourd’hui ?

M. Christian Noyer. J’espère bien que ces difficultés techniques seront résolues avant la fin de cette année. À la fin du mois de septembre, le cumul sur un an des flux de crédits nouveaux échéancés par les banques françaises s’élevait à 79,9 milliards d’euros et il y a eu une variation des encours de l’épargne non centralisée – Livret A, livret bleu et LDD – de 4,9 milliards d’euros. Les ordres de grandeur sont tellement différents que l’on est absolument sûr que tout le monde respecte, au niveau agrégé, la règle de fléchage.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous êtes beaucoup plus catégorique que M. Pérol la semaine dernière, M. le Gouverneur.

M. Christian Noyer. Du point de vue statistique, nous sommes sûrs de nous.

M. le président Jérôme Cahuzac. Avez-vous eu communication des rapports sur le sujet que les banques doivent publier au 31 mars de chaque année ainsi que des rapports trimestriels correspondants ?

M. Christian Noyer. Non, car ces rapports supposent que les systèmes d’information soient à même d’effectuer ce travail statistique et, donc, d’identifier précisément les PME répondant à la définition européenne. Cela suppose une vérification entreprise par entreprise, ce qui prend du temps.

M. le président Jérôme Cahuzac. Ces documents seront-ils disponibles fin mars, comme le prévoit la loi ?

M. Christian Noyer. Je compte plutôt sur la fin du premier semestre.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous nous confirmez donc que pour la seconde année consécutive, la loi ne sera pas respectée…

M. Christian Noyer. C’est sans doute le cas…

M. le président Jérôme Cahuzac. Avant de passer la parole aux collègues qui souhaitent vous interroger, je retiens que le système du corridor suscite chez vous de fortes interrogations.

M. Michel Bouvard. Je remercie le Gouverneur pour la franchise de ses propos. Je souhaite formuler deux observations relatives au niveau actuel dit « de centralisation » – 65 % – dont vous estimez qu’il permet de financer « confortablement » la politique de la ville et du logement. La première concerne le taux réel de centralisation, dont je vous rappelle qu’il est inférieur car ces 65 % confondent le taux de centralisation et le taux de recentralisation, qui constitue un sujet distinct. La loi, elle, distingue bien les deux. La seconde a trait à l’adverbe « confortablement » que vous avez employé. Je veux attirer l’attention de mes collègues sur le plancher légal de couverture fixé à 125 % des encours. Le rapport de Michel Camdessus avait justifié l’ouverture de la distribution du livret A à l’ensemble du réseau bancaire notamment par la nécessité d’accroître le volume de collecte. Il pointait en particulier un risque d’impasse à l’horizon 2015 pour le financement de la politique de la ville et du logement, compte tenu de l’accroissement des besoins. Aujourd’hui ce taux d’encours atteint le niveau qui était prévu dans le rapport Camdessus pour 2012 : nous sommes donc en avance de phase et l’adverbe « confortablement » ne constitue pas une terminologie adaptée. Cette situation fait, de plus, écho au problème de liquidité auquel sont confrontés les établissements de crédit français dans la perspective des normes dites « Bâle III ».

J’en arrive à mes questions. Tout d’abord, vous paraît-il raisonnable de prendre le risque, si le taux plancher de centralisation était atteint, que les banques doivent en même temps satisfaire aux exigences de Bâle III et recentraliser brutalement à la Caisse des dépôts et consignations des sommes importantes afin de respecter la loi ? Au-delà du taux de centralisation, les établissements de crédit disposent-ils d’autres leviers ou l’épargne réglementée constitue-elle la seule variable d’ajustement ? Enfin, il existe à côté de la politique de la ville et du logement, d’autres emplois pour les fonds centralisés à la Caisse, avec des caractéristiques analogues en termes de taux et de durée : c’est le cas des infrastructures publiques. Que se passerait-il si la Caisse des dépôts et consignations n’avait plus les moyens d’octroyer ces financements, faute d’une centralisation suffisante ?

M. Jean-Pierre Balligand. Je pense que les deux questions que vient de soulever Michel Bouvard sont cruciales. Je crois d’ailleurs pertinent d’élargir le débat. Si les hommes politiques peuvent être tentés par le court-termisme, une autorité de régulation comme celle que vous présidez, Monsieur le Gouverneur, doit regarder plus loin. En 2008, la Caisse des dépôts et consignations a été mobilisée pour soutenir le secteur bancaire. C’était, sans conteste, légitime. Aujourd’hui, le Gouvernement est tenté de liquider cet outil d’atténuation de crise, sans équivalent, en attaquant l’épargne réglementée par des coups successifs. De même, depuis quelques mois, la Caisse est mise à contribution au titre du financement des PME, afin que ces dernières puissent survivre à la crise économique, ce qui se traduit par une exposition accrue au risque de contrepartie. Troisièmement, la mise en place des normes Bâle III justifierait aujourd’hui un nouveau rapt des fonds d’épargne. Mais si le comité de Bâle demande une hausse des fonds propres pour les activités à risques, c’est précisément pour éviter que ne se multiplient à l’infini les dérives du secteur financier. J’aimerais donc connaître le sentiment du Gouverneur sur cette remise en cause du rôle assuré par la Caisse des dépôts.

S’agissant enfin du financement des infrastructures publiques qu’évoquait Michel Bouvard, serait-il illégitime de centraliser davantage afin de transformer l’épargne à court terme en prêts de long terme et permettre ainsi le financement des secteurs aussi prioritaires que la rénovation des universités ou le développement des transports en site propre ? C’est là la mission historique de la Caisse des dépôts et consignations en même temps qu’une question politique de premier ordre, à l’heure où l’État n’a plus les moyens de financer de tels investissements. Le régulateur bancaire ne peut s’en désintéresser.

M. Charles de Courson. Il est d’usage de considérer que la collecte va croître de 2 % à 3 % par an. Toutefois, comme la part des livrets classiques, livret A, LDD, LEP, diminue, quelles sont les conditions de rémunération relatives des autres produits et quels doivent être les écarts de taxation pour assurer une croissance des dépôts.

Par ailleurs, seriez-vous favorable à une modification du rapport entre le montant des encours et celui des prêts, qui est légalement fixé à 1,25 % ? Pouvez-vous nous dire sur quelles bases techniques repose ce taux ? Seriez-vous enfin d’accord pour élargir le dénominateur à l’ensemble des emplois, et pas seulement à ceux liés au logement ? Et le numérateur à d’autres formes d’épargne, puisque seulement une partie des trois livrets cités y est incluse ?

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France. Je ne suis pas venu devant vous pour défendre les banques, mais pour vous faire partager mes convictions de la manière la plus objective possible.

On peut trouver des justifications pour considérer que l’épargne qui fait l’objet d’une défiscalisation devrait intégralement être centralisée et que, pour abaisser le coût de cette ressource, il faut fixer le niveau de commission aussi bas que possible. On pourrait ainsi, c’est un exemple, décider un taux de centralisation de 100 % et fixer la commission à 0,3 %. Nous aurions, sur le papier, des ressources abondantes pour la Caisse des dépôts, avec un coût très faible. Mais cela ne durerait pas longtemps. Il est de l’intérêt de la mission que vous avez confiée à la Caisse des dépôts de trouver le bon équilibre et il est délicat de trouver les bons paramètres.

Ce qui inquiète les nouveaux distributeurs est de devoir faire la différence avec les réseaux historiques qui vont converger vers le taux de centralisation quel qu’il soit.

Plus on allonge la durée de la convergence, plus on protège un taux de rémunération minimal et mieux on accroît les chances de disposer d’une ressource convenable.

Sur quel dénominateur faut-il raisonner ? Dans les années 1980, l’État, sous l’impulsion d’un certain nombre de ministres, dont Pierre Bérégovoy, avait souhaité concentrer le financement sur le logement social, considérant que, pour garantir la pérennité du circuit, il ne fallait pas multiplier les emplois possibles. On a donc incité à l’époque les collectivités territoriales à faire appel au marché pour se financer. Si la collecte devait à l’avenir s’avérer insuffisante, nous n’aurions pas le choix : il faudrait bien aller chercher des ressources sur le marché.

La Représentation nationale doit s’interroger pour savoir s’il faut augmenter le nombre d’emplois possibles de la ressource, quitte à prendre le risque de ne plus parvenir à équilibrer le système, ou s’il vaut mieux restreindre volontairement les emplois pour garantir le plus longtemps possible un financement adéquat à partir des livrets défiscalisés. Il s’agit d’un choix politique.

Existe-t-il d’autres formes d’épargne que les banques vont chercher à remettre en dépôt dans les bilans ? La réponse est positive. Les nouvelles règles de liquidité vont les amener à tenter de rapatrier des encours de Sicav monétaires, ainsi qu’une fraction de l’assurance-vie, en dépôts bancaires. Mais les rémunérations devront être plus généreuses, ce qui risque de concurrencer les livrets défiscalisés.

C’est la raison pour laquelle je suis convaincu que, pour défendre la Caisse des dépôts contre les risques de déplacement des volumes d’épargne, la prudence s’impose.

Certes, exposer les banques au risque de devoir centraliser davantage à un moment de tension constituerait un risque fort. Mais cela signifierait qu’il y aurait eu une diminution de la collecte et que la ressource des épargnants serait allée sur d’autres supports d’épargne dans le bilan des banques, favorisant leur situation.

Surtout, les banques ne vont pas attendre le dernier moment pour se conformer aux règles. Des ajustements sont à prévoir en 2011 et 2012, ce qui permettra de constater assez rapidement l’évolution des encours sur les différents supports d’épargne, réglementés ou pas. Le cas échéant, les pouvoirs publics pourront essayer d’infléchir les tendances.

Je n’ai pas connaissance d’un calcul scientifique qui détermine le seuil de 125 % auquel a fait allusion M. de Courson. Ce ratio est un seuil de prudence raisonnable fixé par la loi, qui laisse une marge de sécurité permettant de contrer un éventuel mouvement de décollecte. Dès lors que ce seuil est considéré comme un minimum, instaurer un seuil d’alerte à un niveau un peu plus élevé me paraît être une bonne idée. Il permettrait aux principaux acteurs d’observer si les banques modifient spontanément leur politique de distribution ou s’il est nécessaire d’intervenir par décret.

Je ne peux que confirmer ce qu’a dit M. Michel Bouvard au sujet du PEL et du CEL : ce sont des paramètres qui ont toute leur importance et qui vont aider les banques à dégager un bilan plus conforme aux futures règles de liquidité.

Je me souviens parfaitement de l’action de la Caisse des dépôts pendant la crise : elle a été extrêmement appréciée. Cela étant, à un moment où les entreprises n’étaient pas sûres de voir se renouveler leurs lignes de crédit et hésitaient à continuer à déposer leurs avoirs dans les banques, l’essentiel de l’aide en liquidité qu’a reçue le système bancaire a résulté d’abord d’une action conjuguée de l’eurosystème qui a complètement modifié ses mécanismes de refinancement, ensuite de l’État qui a permis d’apporter des ressources de long terme à une période où les marchés, notamment celui des obligations foncières, étaient fermés, enfin de l’action de la Caisse des dépôts et consignations qui a donné un « coup de pouce » important et immédiat parfaitement opportun.

Mes propos ne se veulent surtout pas une critique ni des mécanismes ni de l’action de la Caisse des dépôts. Mon seul souci est que les paramètres fixés soient suffisamment prudents pour que la collecte ne recule pas. En effet, entre la fin 2008 et la fin 2010, l’épargne réglementée a connu un effritement non négligeable puisqu’elle est passée de 21,5 % de l’épargne des ménages à 20,3 %, notamment en raison du développement très rapide de l’assurance-vie. Mais cette dernière forme d’épargne constitue une source de financement long qui peut être prêté ensuite aux collectivités territoriales, à l’État, aux entreprises pour leurs investissements.

M. Alain Cacheux. Je voudrais exprimer le point de vue d’un député qui, sans être spécialiste de ces questions tout en s’intéressant au logement social, a le sentiment d’être « mené en bateau ». En 2008, on nous a expliqué qu’il fallait satisfaire aux exigences européennes, qui n’ont d’ailleurs jamais concerné le taux de centralisation ; on nous a dit par ailleurs qu’il s’agissait de dynamiser la collecte ; ensuite, il fut question d’aider le financement des PME, que l’on n’est pas capable de chiffrer. Nous entendons maintenant parler des fonds propres des banques et des nouveaux critères de la convention Bâle III…

Que va-t-il se passer, en particulier en 2012 et 2013, si l’on est amené à demander aux banques un effort de recentralisation alors même qu’elles devront satisfaire à de nouvelles exigences ? Au regard de ce qui s’est passé ces dernières années, j’ai le sentiment que le débat sera bientôt relancé et qu’on nous demandera de modifier le taux de 125 % inscrit dans la loi, déshabillant un produit qui a eu un rôle irremplaçable depuis fort longtemps, mais en particulier au cours de ces dernières années avec la crise financière que nous avons traversée.

Michel Bouvard. Je voudrais revenir sur l’allongement de la période de convergence. Cet allongement est-il réaliste justement au regard du fait que le plancher légal de 125 % va être atteint dans les toutes prochaines années ? Je suis troublé par le fait que l’on n’ait pas conscience de la dynamique de la croissance des encours de prêt qui fait que le taux de centralisation, mécaniquement, devra remonter. Dès lors, on sera confronté à un effet cumulatif entre la convergence d’une part et la remontée du taux de centralisation d’autre part.

M. Christian Noyer. Pour rassurer la commission des Finances, je peux affirmer que les nouveaux collecteurs ont joué le jeu. Ils ont collecté au titre du Livret A un peu plus de 38 milliards d’euros de ressources provenant essentiellement d’autres types de dépôts dans leur propre bilan. Tant que le taux de centralisation reste relativement faible, ce qui est transféré à la Caisse des dépôts est limité. Avec la perspective d’une remontée de ce taux, ce qui était en dépôt dans les établissements bancaires va partir à la Caisse des dépôts, constituant progressivement un manque.

Depuis 2008, il s’est produit un changement non négligeable : la perspective de règles de liquidité internationales, différentes de nos règles nationales. Le principe de la globalisation de la réglementation bancaire et financière fait que nous allons devoir abandonner des règles de liquidité, dont j’ai la faiblesse de penser qu’elles étaient bonnes, au profit de règles qui auront l’avantage d’être valables mondialement et qui donnent une importance considérable aux dépôts collectés restant dans le bilan des établissements. Ce changement de perspective va obliger les banques à réaliser un certain nombre de modifications, qui devraient d’abord concerner les SICAV. Il y a là un risque nouveau qui ne pouvait pas être identifié en 2008.

De toute façon, si l’on était resté sur une collecte traditionnelle, on aurait pu connaître également le glissement progressif de l’épargne des livrets réglementés vers d’autres placements. C’est une tendance de long terme que l’on constate.

L’allongement à dix ans ne change strictement rien pour la Caisse des dépôts. Seule sera changée la rapidité avec laquelle les anciens distributeurs baissent leur centralisation et les nouveaux distributeurs la montent. La centralisation totale reste la même, mais la rapidité de convergence est plus faible. Cela permet de minimiser les tentations de déshabiller les livrets d’épargne pour habiller d’autres placements. C’est une façon simple et élégante de réduire la pression sur les banques sans remettre en cause les grands équilibres qui sont souhaités par la représentation nationale.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Monsieur le gouverneur, merci des précisions que vous avez bien voulu apporter sur ce sujet qui tient à cœur aux membres de la commission des finances.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 18 janvier 2011 à 11 h 30

Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Yves Censi, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Laurent Hénart, M. Jean Launay, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Novelli, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier, M. François Scellier, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Jean-Claude Flory, M. Jean-Louis Idiart, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel

Assistait également à la réunion. - M. Alain Cacheux

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