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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 30 mars 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 65

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, de Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, adjointe au délégué et chef de service des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle et de M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi, sur un référé concernant l’accompagnement des restructurations économiques : conventions de reclassement personnalisé et contrats de transition professionnelle

– Informations relatives à la Commission 14

– Présences en réunion

M. le président Jérôme Cahuzac. L’ordre du jour appelle d’abord la désignation d’un rapporteur pour avis sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.

Cette désignation pourrait très naturellement se porter sur notre Rapporteur général, M. Gilles Carrez.

M. Charles de Courson. Je n’ai aucune objection sur sa désignation. En revanche, je veux exprimer mes regrets que le texte n’ait pas été renvoyé à une commission spéciale, où auraient pu être représentées à la fois les commissions des Lois, des Finances et des Affaires sociales. Il est tout de même très paradoxal que, sur un projet relatif à l’équilibre des finances publiques, le rapport au fond soit assumé par la commission des Lois, alors que les spécialistes sont plutôt ici et chez nos collègues des Affaires sociales.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cette question a été débattue par la Conférence des présidents, qui a tranché. Il nous faut en prendre acte.

Sur la désignation de M. Gilles Carrez, il n’y a pas d’objection ? Il en est ainsi décidé.

Je vous propose maintenant d’autoriser la publication du rapport d’information sur le contentieux CDR-Tapie puisque notre Commission détient désormais tous les éléments d’information qu’il lui était possible d’obtenir.

Chaque groupe a eu connaissance du projet de rapport qui contient les comptes rendus des auditions auxquelles il a été procédé, des communications de Charles de Courson, membre du conseil d’administration de l’EPFR, et de votre président, le référé de la Cour des comptes du 12 novembre 2010 concernant la défaisance du Crédit Lyonnais, les courriers échangés entre le président de la Commission, Didier Migaud puis moi-même, avec les ministres concernés ainsi qu’avec M. Bernard Tapie et les propositions de la Commission qui ont fait l’objet d’un commun accord.

Ce rapport sera enfin complété par mon avant-propos et les contributions des groupes qui ont fait l’objet de mises à jour, compte tenu des dernières informations reçues. Je les ai, à ce jour, toutes reçues.

Je consulte la Commission : autorise-t-elle la publication de ce rapport d’information ? Il en est ainsi décidé.

Puis la Commission entend, en audition ouverte à la presse, Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, adjointe au délégué et chef de service des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle et M. Christian Charpy, directeur général de Pôle Emploi, sur un référé concernant l’accompagnement des restructurations économiques : conventions de reclassement personnalisé et contrats de transition professionnelle

M. le président Jérôme Cahuzac. Je souhaite la bienvenue à Mme Anne Froment-Meurice, qui est depuis quelques semaines présidente de la 5ème chambre de la Cour des comptes. Elle est accompagnée de magistrats de cette chambre, dont Mme Renée Chapuis-Nenny, rapporteur du référé qui nous réunit aujourd’hui.

Nous accueillons également Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, chef du service des Politiques de l’emploi et de la formation professionnelle à la délégation générale à l’Emploi et adjointe au délégué général. Celui-ci, M. Bertrand Martinot, nous a fait part de son empêchement de participer à cette réunion.

J’accueille enfin M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi.

Conformément au code des juridictions financières, la Cour des comptes me transmet, tout au long de l’année, copie des référés qu’elle adresse, après ses contrôles, aux services de l’État. Ces envois, destinés à l’information des commissions des Finances des deux assemblées, représentent une quarantaine de documents par an. Ils constituent une très utile source d’information sur le fonctionnement des administrations et la mise en œuvre des politiques publiques ; de plus en plus souvent, ils sont pour notre Commission le point de départ ou le complément d’opérations de contrôle.

Lorsque nous avons reçu le référé concernant « l’accompagnement des restructurations économiques : conventions de reclassement personnalisé et contrats de transition professionnelle », les rapporteurs spéciaux pour la mission budgétaire Travail et emploi, Mme Chantal Brunel et M. Christian Eckert, ont proposé d’organiser cette réunion. Ils ont en effet estimé que les problèmes soulevés sans complaisance par la Cour étaient suffisamment importants pour justifier un échange entre notre Commission, la Cour des comptes et les services compétents.

La mise en œuvre de la politique de l’emploi et l’accompagnement des restructurations nous préoccupent particulièrement. Ainsi, notre Commission a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les contrats aidés ; cette enquête, qui relève aussi de la responsabilité de la 5ème chambre de la Cour, fera l’objet d’un rapport qui devrait nous être remis à la fin septembre.

La Cour des comptes présente une analyse très critique des deux dispositifs examinés dans le référé. Comme c’est souvent le cas, un dispositif géré par les partenaires sociaux et un autre principalement par l’État, au lieu de se compléter, sont en concurrence auprès d’un même public. De plus, ils sont coûteux. Or, leurs résultats – le reclassement des salariés licenciés pour motif économique - sont décevants. La Cour en conclut qu’il y a lieu de fusionner ces deux dispositifs et de dissoudre la société chargée de gérer le contrat de transition professionnelle.

Il convenait donc d’ouvrir le débat. Je constate que le Gouvernement a pris la mesure du problème : même s’il n’a pas répondu à la Cour des comptes – tout au moins nous n’avons pas reçu cette réponse – il conduit actuellement des négociations avec les partenaires sociaux en vue de procéder à la fusion que la Cour préconise. Cette démarche suscite elle-même de nouvelles questions.

Nous commencerons par faire le point sur les constats de la Cour des comptes avec Mme Anne Froment-Meurice avant d’évoquer avec les représentants de l’État et de Pôle Emploi les suites qui pourraient être données au référé.

Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes. La convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP) ont été créés au milieu des années 2000. Traduisant la volonté des pouvoirs publics de développer des outils de sécurisation des parcours professionnels selon une logique de « flexisécurité » empruntée à certains pays scandinaves, ils visaient à proposer aux salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique un accès renforcé à la formation et une indemnisation sensiblement majorée par rapport au droit commun.

Les deux dispositifs devaient arriver à échéance au même moment, le 31 mars 2011. Ce devrait toujours être le cas pour le CTP. Pour la CRP, la dernière prolongation en a repoussé l’échéance au 31 mai 2011, l’accord national interprofessionnel du 25 mars 2011 qui prolonge jusqu’au 31 décembre 2013 la convention générale d’assurance chômage qui l’avait créée n’ayant apparemment traité que de cette dernière.

Le référé adressé le 26 novembre 2010 au ministre du Travail et au ministre du Budget et qui fait suite au contrôle de ces deux dispositifs peut se résumer en trois constats : très proches, ils sont devenus redondants ; leurs résultats sont décevants ; leur coût est à la fois élevé et mal réparti.

Premièrement, CRP et CTP présentent de nombreux points communs. Ils concernent la même population : les salariés en contrat à durée indéterminée ayant fait l’objet d’un licenciement économique de la part d’une entreprise de moins de mille salariés ou les salariés des entreprises de toute taille en situation de redressement ou de liquidation judiciaires. Ils ouvrent droit à un régime d’indemnisation nettement plus favorable que celui des autres demandeurs d’emploi : 80 % du salaire brut antérieur, soit plus de 90 % du salaire net. Il faut remonter à 1974 pour retrouver un régime d’indemnisation aussi favorable. Ils offrent tous deux un accompagnement renforcé sous forme d’un suivi personnalisé des démarches de retour à l’emploi effectuées par les bénéficiaires. Enfin, les bénéficiaires des deux dispositifs ne sont pas considérés comme des demandeurs d’emploi mais comme des stagiaires de la formation professionnelle ; en conséquence, ils ne sont pas comptés dans les statistiques du chômage.

Il existe des différences entre les deux dispositifs mais elles sont très limitées : le CTP est piloté par l’État alors que la CRP relève de l’assurance chômage ; le CTP a été conçu comme un dispositif expérimental qui devait se substituer à la CRP dans certains bassins d’emploi justifiant une aide particulière alors que la CRP concerne l’ensemble du territoire ; enfin, le critère d’ancienneté dans l’emploi est de deux ans au minimum pour le CRP et il n’y en a pas pour bénéficier du CTP.

Ces différences se sont estompées au fil du temps, le CTP ayant fait l’objet d’une extension géographique continue qui ne correspond pas à une logique économique rigoureuse. Dès l’origine, certains des sept premiers bassins d’emplois concernés affichent des taux de chômage inférieurs, voire très inférieurs, à la moyenne nationale, comme à Vitré et à Morlaix. Pour ces premiers bassins d’emploi déjà, les critères objectifs de sélection et de délimitation n’ont pas été explicités. L’imprécision demeure, et les critères sont trop généraux pour ne pas laisser subsister des risques importants de disparité de traitement entre des zones aux caractéristiques comparables. Enfin, les conditions d’indemnisation et de durée de la CRP, à l’origine moins favorables que celles du CTP, ont été quasiment alignées sur ce dernier.

CRP et CTP apparaissent aujourd’hui bien plus redondants que complémentaires, et la logique d’ensemble du système a été perdue de vue.

Deuxièmement, les résultats obtenus par ces deux dispositifs sont plutôt décevants. En premier lieu, leur utilisation a été limitée. Certes, CTP et CRP ont été mobilisés pendant la crise, mais ils n’ont au total concerné qu’une fraction réduite des demandeurs d’emploi : seuls 36 % des salariés licenciés économiques en 2009, soit 152 000 personnes – dont 137 000 pour la CRP et 15 000 pour le CTP - ont bénéficié de l’un de ces dispositifs cette année-là. En 2010, le nombre de bénéficiaires serait de l’ordre de 110 000. Le recours au CTP et à la CRP a été inférieur à l’utilisation qui avait été faite des anciennes conventions de conversion.

Les résultats déçoivent également au regard des moyens mis en œuvre pour offrir aux adhérents de la CRP et du CTP un important effort d’accompagnement. L’intensité des prestations qui leur sont offertes doit être soulignée. En 2009, les salariés adhérents ont eu en moyenne neuf entretiens par personne pour la CRP, contre 4,3 en moyenne pour les demandeurs d’emploi toutes catégories confondues, et ils se sont vu communiquer par Pôle Emploi cinq mises en relation avec des employeurs potentiels, contre 0,7 en moyenne pour l’ensemble des demandeurs d’emploi.

Pourquoi ces résultats décevants ? Il semble à la Cour que le ciblage des bénéficiaires est peu pertinent. Les importants moyens mobilisés ont été destinés à une population dont rien ne garantit que sa situation justifiait pleinement ces efforts particuliers.

Comme je l’ai indiqué, 36 % seulement des personnes ayant fait l’objet d’un licenciement économique se sont vu proposer un CTP ou une CRP. Différentes raisons peuvent expliquer cette situation, mais il apparaît que les personnes auxquelles ces dispositifs n’ont pas été proposés sont précisément celles dont la situation au regard de l’emploi apparaît la plus fragile : ils ont plus souvent un travail à temps partiel, leur qualification est moins élevée, leur salaire plus faible et ils sont salariés d’entreprises plus petites, souvent dans le secteur artisanal. En bref, les salariés a priori les plus éloignés de l’emploi n’ont pas toujours pu bénéficier des deux dispositifs alors même qu’ils entraient dans leur champ d’application – un champ d’application qui est en lui-même motif d’interrogation.

Ces dispositifs ne concernent en effet que les personnes ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique. Or la part des licenciés économiques parmi les demandeurs d’emploi, passée de 12,5 % en 1980 à 4,4 % en 2009, est aujourd’hui très faible. Par ailleurs, ces salariés ne sont pas nécessairement les plus fragilisés au regard du marché du travail. Ce ciblage n’apparaît donc pas de nature à diriger les moyens vers les salariés qui en auraient le plus besoin.

On note également des résultats décevants en termes d’insertion dans l’emploi. Selon une étude réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – la DARES – en 2008 pour l’année 2006, les taux de retour à l’emploi dix-huit mois après une CRP ou un CTP étaient respectivement de 66 % et 70 %. Mais cette proportion, satisfaisante en apparence, doit être comparée avec celle qui concerne les salariés ayant bénéficié de dispositifs de droits commun. On constate alors que 57 % des demandeurs d’emploi ayant bénéficié d’une formation délivrée par l’Association pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA – en 2007 avaient retrouvé un emploi dans les six mois suivant leur sortie de formation. Surtout, les taux de retour à l’emploi des CRP/CTP se sont nettement dégradés au fil des ans, sans qu’il soit possible de distinguer ce qui relève de l’usure des dispositifs et des effets de la crise économique. En 2009, ce taux n’était plus que de 48 % douze mois après un CTP, et les chiffres les plus récents sont préoccupants : à la fin 2010, en région Île-de-France, 69 % des bénéficiaires de CRP se sont réinscrits à Pôle emploi juste après la fin de la CRP, et même 77 % des seniors. Les résultats en termes d’insertion dans l’emploi obtenus par les CTP et CRP ne se distinguent plus clairement de ceux obtenus avec les dispositifs de droit commun. Leur bilan apparaît donc décevant au regard des moyens déployés.

Troisièmement, ces dispositifs représentent un coût élevé et mal réparti. Le CTP et la CRP font intervenir quatre financeurs : l’État, l’Unedic, la sécurité sociale en raison de l’exonération de cotisations associée à ces dispositifs et le salarié lui-même, qui doit, pour en bénéficier, renoncer à l’indemnité de préavis à laquelle il a droit.

Le coût total du CTP pendant la période 2006-2009 a été de 200 millions d’euros environ. Sur la base des chiffres de la Société de gestion du contrat de transition professionnelle, la SGCTP, le coût unitaire, sur la période, est estimé à 15 500 euros, dont 90 % de dépenses d’allocations, le reste étant constitué de dépenses d’accompagnement et de frais de gestion, qui sont principalement financés par l’État. Les charges d’allocation ont été réparties entre l’assurance chômage pour 39 % et l’État pour 38 %, les 23 % restants étant financés par les droits à préavis des salariés concernés. L’État, qui assume au total 44 % des dépenses, est le principal financeur du CTP.

Le coût global de la CRP a excédé un milliard d’euros en 2009. La CRP étant un dispositif conventionnel, son financement repose en grande partie sur l’assurance chômage qui verse les allocations et finance les actions d’accompagnement. La dépense devrait atteindre 1,85 milliard en 2010, dont 60 millions pour l’accompagnement, mais il faut noter que, compte tenu des produits enregistrés par l’Unedic au titre des droits à préavis, sa participation nette au financement des allocations spécifiques de reclassement n’a été en réalité que de 49 % pour la période 2005-2008 et de 53 % en 2009.

La sécurité sociale, qui ne reçoit pas les contributions au titre de la CSG et de la CRDS, et pas davantage les cotisations patronales et salariales au titre de l’indemnité de préavis des salariés bénéficiaires, est un contributeur net aux deux dispositifs. Sa participation cumulée, de 2005 à 2009, est évaluée à 600 millions d’euros, dont 300 millions d’euros environ pour la seule année 2009.

Un mot enfin sur la gestion, que la Cour des comptes a considérée comme critiquable, du CTP. Alors que l’ANPE puis Pôle emploi ont été désignés comme gestionnaires de la CRP, l’État a suscité la création d’une structure de gestion privée pour gérer le CTP. Celle-ci a pris la forme d’une société commerciale, la SGCTP, dont l’AFPA est l’actionnaire unique. Cette société a subsisté alors même qu’elle ne gère qu’une partie des CTP, ceux des sept bassins sélectionnés à l’origine, Pôle emploi assurant la gestion du CTP pour les 25 autres bassins concernés.

Outre que l’on perçoit mal l’avantage d’une organisation aussi complexe, la SGCTP a des coûts de gestion élevés - charges de structure, dépenses de communication et coûts logistiques dont le recours à un opérateur public aurait permis de faire l’économie. Enfin, cette société a bénéficié de concours budgétaires supérieurs à 95 millions d’euros depuis 2006 sans base législative en ce qui concerne la prise en charge des allocations de transition professionnelle, et sans que la société ne fasse l’objet du contrôle qui s’imposait. La Cour a toutefois contrôlé cette société en 2010 ; la procédure contradictoire est en cours.

En conclusion, compte tenu des traumatismes qu’engendrent les licenciements économiques et les défaillances d’entreprises, les partenaires sociaux et l’État ont légitimement cherché à en prévenir et à en atténuer les effets, en complément de la responsabilité des entreprises dans les plans de sauvegarde de l’emploi. Bien qu’ils aient été à l’origine d’une mobilisation réelle des partenaires concernés, le CTP et la CRP n’ont qu’imparfaitement atteint les objectifs qui leur avaient été assignés.

Ils ont tout d’abord – et c’est la critique la plus forte de la Cour – concentré des moyens importants au profit de bénéficiaires qui n’étaient pas nécessairement ceux qui en avaient le plus besoin. C’est en effet le statut de licencié économique et non la distance à l’emploi qui détermine l’entrée dans les deux dispositifs, et ce critère est aujourd’hui peu pertinent. Surtout, les licenciements économiques ne concernent pas nécessairement les salariés les plus fragiles. Le CTP et la CRP ont conduit à soutenir certains salariés qui n’en avaient pas besoin et à en négliger d’autres, notamment ceux sous contrats précaires, qui n’ont pas été concernés par les deux dispositifs, si ce n’est pendant le temps d’une expérimentation très limitée, à l’été 2010.

Ce constat appelle deux critiques de nature différente mais d’égale importance : tout d’abord, l’efficacité des CRP et CTP a probablement été amoindrie par le ciblage peu pertinent des bénéficiaires des mesures ; par ailleurs, l’équité de ces dispositifs est sujette à caution, CRP et CTP ayant accordé des niveaux d’indemnisation sans précédent depuis 1974 et un accompagnement très supérieur à celui dont disposent en moyenne les demandeurs d’emploi, sans que l’on se soit assuré que la situation des bénéficiaires justifiait ces efforts.

Les deux dispositifs, devenus redondants, ont fait perdre de l’efficacité à la gestion et de la lisibilité aux politiques correspondantes. Par ailleurs, considéré comme expérimental depuis 2006, le CTP aura finalement été prorogé jusqu’au premier trimestre 2011 sans que les enseignements de cette expérimentation aient jamais été tirés ni qu’ils aient été présentés au Parlement, alors que les textes le prévoyaient. Plus largement, le CTP et la CRP n’ont fait l’objet d’aucune évaluation systématique de la part des services de l’État et les quelques données d’évaluation dont nous disposons sont éparses, hétérogènes et peu significatives.

À l’issue de ce contrôle, la Cour a formulé six recommandations. La première est de fusionner le CTP et la CRP ; cela semble en bonne voie. La deuxième est de mieux cibler le dispositif résultant de cette fusion sur les salariés les plus éloignés de l’emploi, ce qui suppose notamment de ne plus prendre pour critère unique de l’accès au dispositif le statut de licencié économique. La troisième est de dissoudre la SGCTP. La quatrième consiste à redéfinir un niveau adapté d’accompagnement et d’indemnisation au vu des enseignements tirés de ces deux expériences. La cinquième tend à rééquilibrer la contribution des financeurs. La dernière est de prévoir un dispositif d’évaluation systématique et régulier des résultats obtenus par ce nouveau dispositif afin d’en mesurer précisément l’avantage.

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la présidente, je vous remercie. La parole est à nos deux rapporteurs spéciaux pour la mission budgétaire Travail et emploi.

Mme Chantal Brunel. Le taux moyen de reclassement obtenu par le biais de ces deux dispositifs est faible. Cela s’explique par la crise, certes, mais aussi par le niveau d’indemnisation : quiconque perçoit une indemnisation égale à 93 % du salaire net antérieur au licenciement économique tout en bénéficiant d’une couverture sociale complète doit être très vertueux pour retravailler.

A-t-on une idée de l’âge des bénéficiaires de ces dispositifs ? Dans un autre domaine, la Cour estime que la fusion du CPT et de la CRP peut entraîner des économies de gestion ; mais entraînera-t-elle aussi une plus grande efficacité ? Pôle emploi sera-t-il toujours le pilote de l’aide au reclassement, sachant que la territorialisation de l’action s’impose ? Enfin, comment expliquer la gestion onéreuse des CTP ?

M. Christian Eckert. Sans partager entièrement l’analyse de la Cour, j’approuve certaines de ses conclusions. J’avais cru comprendre que le CTP serait prolongé ; or Mme Froment-Meurice a dit qu’il n’en serait rien. Je déplore l’absence de M. Bertrand Martinot, qui aurait pu compléter notre information à ce sujet. Je note que les deux dispositifs cités se différencient essentiellement par leurs financeurs.

Par ailleurs, je souhaite tempérer l’analyse faite par la Cour du taux de réussite de ces dispositifs. Bien entendu, ce taux sera toujours jugé trop faible si l’on escompte un succès complet mais il n’empêche que la proportion de reclassements obtenus par ce biais est nettement supérieure pour les bénéficiaires de ces dispositifs de ce qu’elle est pour les bénéficiaires des dispositifs de droit commun ; du reste, fonder la comparaison sur le taux de reclassement des demandeurs d’emploi ayant bénéficié d’une formation APFA fausse quelque peu l’analyse, car c’est faire l’impasse sur le taux de reclassement de tous les salariés qui n’ont bénéficié d’aucune formation.

Dans un autre domaine, j’avais retenu des propos tenus à la télévision par le Président de la République qu’il envisage la généralisation du CTP. Qu’en est-il exactement ?, Je regrette une fois encore l’absence du délégué général à l’Emploi et à la formation professionnelle.

Ces dispositifs concernent des personnes qui se trouvent dans des situations particulièrement difficiles. J’aimerais que M. Christian Charpy nous donne quelques indications sur l’efficacité de Pôle emploi. Je peux conclure de ce qui remonte du terrain que les résultats du CTP sont bons, en tout cas nettement meilleurs qu’avec les dispositifs de droit commun - essentiellement en raison des moyens mis à disposition : dans le cadre du CTP, chaque conseiller de Pôle emploi est chargé de 50 à 60 demandeurs d’emploi, alors que dans le dispositif de droit commun, les conseillers – en tout cas dans les agences de Pôle emploi de Briey et de Longwy où je me suis rendu – sont, chacun, chargés de trouver un emploi à près de 200 personnes !

Je partage l’avis de la Cour quant à la nécessaire harmonisation des dispositifs et de leur financement et, surtout, quant à l’indispensable dissolution de la SGCTP, car le Rapporteur général a déjà appelé notre attention sur les dérives budgétaires de ces dispositifs. Enfin, comme la Cour, je m’interroge sur la pertinence des critères retenus pour étendre l’expérimentation des CTP à 25 autres bassins d’emploi. Sur ce point aussi, M. Martinot nous aurait utilement éclairés.

Mme Anne Froment-Meurice. Mme Renée Chapuis-Nenny répondra à celles des questions des rapporteurs qui concernent la Cour des comptes. Les autres sont du ressort de la délégation générale à l’Emploi et à la formation professionnelle et de Pôle emploi.

Mme Renée Chapuis-Nenny, rapporteure de la Cour des comptes. S’agissant du taux de retour à l’emploi des demandeurs d’emploi adhérant au CTP et à la CRP, les différences sont assez marquées selon que l’on analyse l’ensemble des populations concernées ou que l’on se penche sur les résultats des enquêtes sur échantillon. Ainsi, l’enquête conduite par la DARES sur les résultats constatés en 2006 montrait des résultats plutôt favorables, mais les enquêtes de Pôle emploi et de la SGCTP montrent que la crise a beaucoup diminué l’efficacité des dispositifs. En revanche, les dernières enquêtes téléphoniques sur échantillon menées par Pôle emploi montrent que les résultats peuvent s’inverser selon les dispositifs et les cohortes suivies, avec une très légère amélioration à la fin de l’année 2010, sans doute liée à l’amélioration de la situation de l’emploi.

Le financement des deux dispositifs est très différent. La CRP ayant été créée dans le cadre de l’assurance chômage, celle-ci assure le versement des allocations et une partie du financement de l’accompagnement – l’État ayant décidé en 2009 de participer à cette deuxième dépense au même niveau que les partenaires sociaux, ce qui représente une dépense de quelque 100 millions d’euros. Cela étant, ce financement brut par l’Unedic est atténué par les cotisations des entreprises et des salariés au titre du préavis. D’autre part, nous avons cherché à comparer le coût qu’aurait représenté pour l’Unedic le versement de l’indemnisation de droit commun – l’allocation de retour à l’emploi - rapporté à celui de cette allocation spécifique, mais nous manquons de données définitives pour ce calcul complexe. Quoi qu’il en soit, il est certain que les produits enregistrés par l’Unedic au titre du préavis lui permettent de financer à peu près la moitié de l’allocation et que ce mécanisme fait de la sécurité sociale un financeur net très important de la CRP – à hauteur de 40 %.

Le CTP, en revanche, est très largement financé par l’État, l’Unedic ayant refusé de contribuer au financement du dispositif au-delà de ce qu’aurait été sa participation dans le dispositif de droit commun, y compris pour les différés d’indemnisation. Cela explique le niveau élevé de la contribution de l’État. Enfin, les textes – en raison, sans doute, de divergences entre la direction du Budget et le ministère de l’Emploi – n’ont pas prévu la participation financière de l’État au financement des CTP. Il en est résulté de nombreuses difficultés de gestion qui ont compliqué la mise en œuvre du dispositif, et la création de la filiale privée de l’AFPA précédemment mentionnée.

M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi. Je reviens sur le ciblage des dispositifs d’une part, sur le retour à l’emploi d’autre part. Les deux outils s’adressent certes au même type de population, mais ils ne sont pas mis en œuvre dans les mêmes bassins d’emplois ; ils ne sont donc pas concurrents. Deux questions se posent : la première est de savoir si le choix des bassins retenus pour le CTP est pertinent ; je ne reviendrai pas sur cette question, évoquée par la Cour.

On peut aussi se demander, plus fondamentalement, si les efforts de reclassement renforcés accomplis dans le cadre de ces dispositifs spécifiques sont justifiés au regard de la situation des personnes considérées, comparée à celle des autres demandeurs d’emploi. Le ciblage par la référence au licenciement économique est un choix politique qu’il ne m’appartient pas de commenter ; il tient aussi à ce que les partenaires sociaux sont traditionnellement plus enclins à financer des renforcements d’accompagnement de salariés licenciés. J’ajoute que d’autres mécanismes s’adressent à des personnes qui ne sont pas licenciées économiques mais qui ont des difficultés particulières de retour à l’emploi : « Trajectoire emploi », sous-traité à des opérateurs privés de placement, et « Cap vers l’entreprise », mis en œuvre par Pôle emploi.

Pour mesurer l’efficacité des dispositifs, il me paraît illusoire de comparer la période 2006-2007 et la période 2009-2011 alors qu’entre-temps une crise économique majeure s’est déclenchée : il est assez logique que les taux de reclassement soient plus faibles maintenant qu’il y a deux ans.

La comparaison de l’efficacité respective du CTP et de la CRP montre des résultats très proches. Tout dépend des cohortes, des trimestres et des bassins d’emploi considérés, sans que l’on puisse tirer de ces chiffres des conclusions définitives.

Enfin, le taux de sortie vers l’emploi ou vers la formation est-il supérieur selon que l’on est adhérent au CTP ou à la CRP d’une part, que l’on est dans le dispositif de droit commun d’autre part ? Là encore, tout dépend de la période considérée, car le dispositif CTP-CRP met un très fort accent sur la reconversion professionnelle, très utile dans certains bassins où l’emploi est fortement déprimé : en conséquence, l’entrée en formation est, au départ, privilégiée, davantage que l’entrée dans l’emploi. De plus, tenir compte pour cette comparaison de l’ensemble de la population des demandeurs d’emploi c’est, par définition, tenir compte des jeunes qui, contrairement aux idées reçues, trouvent assez rapidement un emploi au sortir des établissements d’enseignement. De manière générale, les études confirment simplement que plus fort est l’accompagnement, plus élevé est le taux de sortie positif.

Mme Chantal Brunel. De toute évidence, une indemnisation fixée à 93 % du salaire net antérieur n’incite pas ceux qui en bénéficient à retravailler. A-t-on étudié à quel niveau il faudrait fixer le niveau d’indemnisation pour améliorer le taux de sortie vers l’emploi ? Sait-on aussi quel est l’âge moyen des bénéficiaires de ces dispositifs ?

M. Christian Eckert. Si, comme l’a souligné Mme Anne Froment-Meurice, la part des licenciés économiques parmi les demandeurs d’emploi est tombée à 4,4 % en 2009, c’est en raison de l’augmentation exponentielle du nombre des ruptures conventionnelles de contrat de travail. Il serait bon que le ministère du Travail reconnaisse qu’un certain nombre de ces accords masquent des licenciements économiques.

On peut s’interroger sur le ciblage de ces dispositifs et sur leur pertinence pour les demandeurs très éloignés de l’emploi, mais n’appartient-il pas aussi à Pôle emploi de revoir ses dispositifs propres ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Il y a effectivement eu 500 000 ruptures conventionnelles du contrat de travail en 2010.

Quel sera le calendrier de suppression de la SGCTP, dont la Cour nous rappelle qu’il s’agit d’une entreprise unipersonnelle à but lucratif dont l’AFPA est l’actionnaire unique, et d’une société qui a pris des initiatives inutilement coûteuses ?

M. Christian Charpy. Ce sont l’État et les partenaires sociaux qui déterminent le niveau d’indemnisation. Pôle emploi n’est qu’opérateur et ne participe pas à ces négociations. Le niveau maximal d’indemnisation est plus élevé en France qu’ailleurs, mais l’indemnité mensuelle moyenne servie aux chômeurs est de 1 000 euros ; les 5 600 euros souvent évoqués dans la presse restent une exception.

Les bénéficiaires des deux dispositifs sont majoritairement des hommes – 56 % pour les bénéficiaires de la CRP, 60 % pour le CTP. Ils sont, pour un peu plus des deux tiers d’entre eux, âgés de 25 à 49 ans, et il s’agit pour la plupart d’ouvriers qualifiés.

La rupture conventionnelle du contrat de travail peut bien sûr se substituer aux licenciements économiques, mais la baisse de ces licenciements s’explique aussi par le moindre nombre de plans sociaux, si bien que la population éligible au CTP et à la CRP se réduit.

Cependant, nous avons une vision un peu plus favorable que celle de la Cour concernant le taux d’adhésion – 36 % selon la Cour : nous retenons un taux d’adhésion à la CRP de 52,3 % de la population éligible fin septembre 2010, et de 82,8 % pour le CTP.

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, adjointe au délégué général à l’Emploi et chef du service des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle. La convergence CTP-CRP est à l’œuvre. Toutefois, comme M. Charpy l’a souligné, les deux dispositifs ne sont pas en réellement en concurrence puisqu’ils ne s’exercent pas dans les mêmes bassins d’emplois. Les partenaires sociaux sont engagés dans des discussions, entre eux et avec l’État, visant à définir si la CRP sera prorogée jusqu’au 31 mai 2011 pour permettre la mise en place des mesures de transition nécessaires. Par ailleurs, la décision de prorogation éventuelle du CTP ne sera prise que demain ; je ne puis, pour cette raison, vous en dire davantage à ce sujet.

M. Christian Eckert. Se rend-on suffisamment compte que le délai légal expire demain, et que des salariés sont dans l’incertitude complète du sort qui leur sera fait ?

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier. Nous sommes prêts à prolonger le CTP si telle est la décision prise.

La Cour des comptes a relevé à juste titre que la création et la pérennisation de l’EURL SGCTP reposent sur des bases approximatives. Mais, la crise survenant, il n’était plus question de désarmer le dispositif du CTP, ni donc son gestionnaire. Cela se concevait d’autant moins que si les résultats obtenus grâce à cet outil étaient en certains cas décevants, ils étaient aussi parfois encourageants étant donné l’extrême difficulté du retour à l’emploi dans certains bassins d’ancienne tradition industrielle progressivement inclus dans le champ de l’expérimentation.

Le niveau de l’indemnisation n’est pas un sujet tabou, mais il relève de la négociation entre partenaires sociaux. Sans doute s’interrogent-ils, car il n’est pas certain qu’un tel niveau d’indemnisation pendant un an soit indispensable ; toutefois, cette mesure peut être comprise comme un acquis social du traitement du chômage. La question est délicate, et l’organisation syndicale qui est la plus attachée au CTP ne souhaite pas réformer l’indemnisation.

De façon générale, il n’est pas acceptable pour les organisations syndicales que la situation des licenciés économiques se dégrade alors qu’ils bénéficient depuis plusieurs années d’un traitement spécifique dont l’une des particularités est d’avoir permis qu’accèdent à la formation en vue de reconversion, des catégories socioprofessionnelles qui, jusqu’alors, avaient été exclues de la formation continue.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mme Isabelle Eynaud-Chevalier a indiqué que la société commerciale SGCPT n’aurait pas été dissoute, car il ne fallait pas « désarmer » l’outil de gestion du CPT en temps de crise. Jugez-vous que les modalités actuelles de gestion du CTP conditionnent son efficacité ? Si oui, cela signifie-t-il que la SGCTP sera maintenue en dépit de la recommandation expresse de la Cour des comptes ? Quel sera le calendrier de la fusion entre CTP et CRP et comment le dispositif fusionné sera-t-il financé ? Enfin, Pôle emploi pilotera-t-il toujours l’aide au reclassement ? On envisage, semble-t-il, de confier cette tâche aux sous-préfets ; cela me paraît curieux, alors que l’on parle dans le même temps de supprimer des sous-préfectures…

Mme Aurélie Filippetti. Après la fusion CTP-CRP, comment seront gérés les « bassins d’emplois CTP », dont la définition était pour le moins problématique ? Par exemple, la Moselle, pourtant durement frappée, n’est pas éligible au CTP.

Les dispositifs actuels concernent un nombre de salariés assez réduit. Ne serait-il pas plus intéressant de reprendre les dispositions relatives à l’indemnisation du chômage partiel appliquées en Allemagne, qui ont amorti la crise de manière beaucoup plus satisfaisante que ce ne fut le cas en France et qui concernent un nombre beaucoup plus important de salariés ? Le dispositif allemand a un objectif conjoncturel, mais il permet aussi aux entreprises qui éprouvent des difficultés structurelles de former leurs salariés et de reclasser les licenciés économiques.

M. Henri Emmanuelli. J’ai cru comprendre que nul ne discerne précisément quels critères distinguent CRP et CPT. La différence entre les deux dispositifs tient-elle à des critères objectifs ou la distinction est-elle d’ordre… politique ?

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier. La SGCPT dans sa forme actuelle est condamnée, mais il n’est pas nécessairement pertinent de la supprimer alors que des salariés sont encore dans le dispositif. Nous n’avons donc pas envisagé une extinction immédiate de la société de gestion, mais le dispositif s’éteindra de mort naturelle puisqu’il n’y aura plus d’entrées nouvelles après que CRP et CPT auront fusionné.

M. le président Jérôme Cahuzac. Faut-il comprendre que les CTP accordés jusqu’à maintenant continueront d’être gérés par la SGCTP et les nouveaux par une autre structure ?

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier. Pendant un an coexisteront un CTP dit « transition », un CTP dit « Pôle emploi », une CRP classique et un dispositif unifié pour les flux entrants. Pendant cette période intermédiaire, il n’y aura plus d’entrées nouvelles dans le dispositif ancien. Les partenaires sociaux ont prolongé la CRP actuelle jusqu’au 31 mai pour se donner le temps de mener la transition à son terme et nous avons bon espoir que les négociations aboutissent bientôt. Il se peut aussi que le CTP soit également prolongé, mais la décision n’est pas prise à ce jour.

M. Henri Emmanuelli. Le délai pour en décider expirant demain, il eût été bon que vous puissiez nous en dire plus !

M. le président Jérôme Cahuzac. Je prends note de votre protestation, mais Mme Isabelle Eynaud-Chevalier ne peut être tenue pour responsable d’un calendrier décidé en très haut lieu et sur lequel elle n’a pas prise.

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier. Croyez que j’aurais préféré pouvoir vous répondre.

Le calendrier de la fusion CPT-CRP participe de l’accord général sur le régime d’assurance chômage conclu par les partenaires sociaux le 25 mars dernier.

L’opérateur pivot du nouveau dispositif sera Pôle emploi. Comme la Cour l’a noté, la SGCTP n’accueille plus de flux nouveaux depuis longtemps. C’est Pôle emploi qui a géré l’extension du CTP au fil des ans ; il est donc l’opérateur naturel du nouveau dispositif. Cela ne signifie pas qu’une partie des salariés orientés vers ce nouveau dispositif ne sera pas encadrée par des opérateurs de placement privés, dans la continuité de ce qui se fait déjà.

Le mode de pilotage stratégique du dispositif unifié fait actuellement l’objet d’échanges entre les partenaires sociaux qui souhaitent conserver ce que les deux dispositifs ont de meilleur. Nous avons constaté que le pilotage territorial du CTP est sans doute plus satisfaisant que ce que nous avons réalisé pour la CRP. Le rôle des sous-préfets a été mis en avant, mais chacun sait qu’ils sont appuyés par les services déconcentrés du ministère du Travail et de l’emploi. Grâce à la territorialisation, Pôle emploi aura une vision d’ensemble des restructurations et pourra les anticiper, ce qu’il n’est pas en mesure de faire actuellement. En renforçant le pilotage territorial, on donne les meilleures chances de succès à l’opérateur pivot, Pôle emploi. C’est ainsi que doivent être comprises les déclarations du ministre à ce sujet.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le besoin de financement du dispositif fusionné est-il bien de 200 millions d’euros ? Qui financera l’aide au reclassement ?

Mme Isabelle Eynaud-Chevalier. Les 200 millions évoqués ne correspondent pas à un coût net mais au surcoût estimé du dispositif fusionné rapporté au coût de la CRP actuelle. Ce surcoût a été calculé en tenant compte de trois paramètres : le « rattrapage » des salariés auxquels les dispositifs précédents n’avaient pas été proposés – ils pourraient être 20 % plus nombreux ; le critère d’ancienneté dans l’entreprise, qui pourrait passer à un an au lieu de deux pour ne pas pénaliser les salariés qui ont fait un effort de mobilité ; enfin, la prise en compte dans le dispositif fusionné des périodes de travail extérieures au dispositif. Ce surcoût pourrait se partager entre les partenaires sociaux pour 140 millions et l’État pour 60 millions.

M. Henri Emmanuelli. Quels sont donc les critères qui ont conduit à instaurer des CPT ici, des CRP là ?

M. Christian Charpy. Lors de l’instauration du CTP, on a combiné deux approches. D’une part, on a tenu compte des bassins d’emplois fortement touchés par la crise, d’autre part on a voulu mesurer comment l’accompagnement par le CTP permettait de faciliter la transition professionnelle dans des bassins où le niveau d’emploi était bon et le taux de chômage relativement faible. C’est pourquoi on compte, au nombre des sept bassins originellement retenus, à la fois Vitré, où le taux de chômage est faible, et des bassins où il est beaucoup plus élevé. L’extension ultérieure du dispositif a essentiellement concerné des bassins d’emplois en grande difficulté. Puis l’ampleur de la crise a été telle en 2009-2010 que l’ensemble des bassins d’emplois ont été touchés.

Pôle emploi a vocation à être l’opérateur principal du dispositif fusionné. Mais il faut gérer la transition avec prudence pour garantir dans les meilleures conditions l’accompagnement des demandeurs d’emploi concernés. Enfin, la territorialisation de l’action de Pôle emploi est indispensable. Nous nous y sommes engagés depuis plusieurs mois et l’on peut seulement aller plus loin. À cet égard, l’expérience en cours sur le plan de mobilisation pour l’emploi montre que l’on peut travailler de manière efficace avec les sous-préfets.

M. Jean-Pierre Brard. Le schéma envisagé est irréaliste car les sous-préfets sont sans moyens : en Seine-Saint-Denis, par exemple, l’essentiel de la force de travail préfectorale se consacre à l’examen de la situation des étrangers. De plus, la crise est loin d’être finie, mais les sous-préfets n’ont aucune capacité d’anticiper les restructurations, qui leur sont signalées le jour où elles se produisent ! La seule anticipation possible provient des inspections du travail, mais elles n’ont pas de lien hiérarchique avec les sous-préfets. Dans ces conditions, le dispositif envisagé sera une étape supplémentaire du démantèlement du service public, alors qu’il faudrait s’attacher à mieux répondre à la détresse des demandeurs d’emploi.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mesdames, messieurs, je vous remercie.

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé M. Gilles Carrez rapporteur pour avis sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 3253).

Ella a également autorisé la publication d’un rapport d’information sur le contentieux entre le CDR et le groupe Bernard Tapie.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 30 mars 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Olivier Dassault, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Alain Joyandet, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, Mme Béatrice Pavy, M. Jacques Pélissard, M. Camille de Rocca Serra, M. François de Rugy, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, M. Pascal Terrasse, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Thierry Carcenac, M. René Couanau, M. Jean-Claude Flory, M. Jean-Louis Idiart, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel, M. Hervé Novelli, M. Nicolas Perruchot