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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 19 avril 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 69

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et de M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de programme de stabilité et de croissance

– Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de programme de stabilité et de croissance.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le projet de programme de stabilité et de croissance, qui va nous être présenté par Mme la ministre de l’Économie et M. le ministre du Budget, fera l'objet d'un débat et d'un vote en séance publique le 2 mai prochain, puis il sera transmis aux institutions communautaires. Assorti d'un programme de réforme suivant dix lignes directrices, ce texte définit la trajectoire des finances publiques pour la période 2011-2014.

Ma première question portera sur les hypothèses d'évolution de la consommation, du commerce extérieur et du taux d'emploi sur lesquelles reposent les prévisions de croissance. Il serait intéressant de savoir si elles recoupent celles des organismes internationaux.

En second lieu, pensez-vous que la progression de 10,1 % des exportations en 2010 reflète une amélioration structurelle de notre commerce extérieur? Certains affirment qu’il s’agit en réalité d’un rattrapage, consécutif à l’effondrement de 12,4 % des exportations en 2009. J’observe, par ailleurs, qu’il faudra attendre 2011 pour que les exportations reviennent à leur niveau de 2008, et que, cette année encore, la contribution du commerce extérieur à la croissance devrait être légèrement négative. Certains éléments structurels permettent-ils d’être un peu plus optimiste pour les années à venir ?

S’agissant des recettes, le document que vous nous avez transmis fait état d’une augmentation des prélèvements obligatoires, qui atteindraient 43,9 % du PIB en 2014. Dès l’année prochaine, leur niveau sera identique à celui de 2007, soit 43,2 %. Confirmez-vous cette hausse des prélèvements obligatoires dans les années à venir ? Le traitement des « niches » fiscales et sociales explique-t-il en totalité, selon vous, cette évolution ? Quel sera, par ailleurs, l’impact de cette « niche » que devrait être la prime versée dans les entreprises privées ?

J’ai le souvenir que vous envisagiez un coefficient d’élasticité égal à 2, la croissance revenant. Vous faites aujourd’hui référence à une élasticité de 1,1 pour une croissance de 2,5 %. Comment expliquez-vous cette évolution ? Si l’élasticité était sous-estimée, cela ne reviendrait-il pas à sous-évaluer la hausse des prélèvements obligatoires qui résultera mécaniquement de l’accroissement des recettes ?

J’en viens aux dépenses : la politique du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est-elle confirmée pour 2012 ? Si c’est le cas, prévoyez-vous de maintenir cette politique dans les années suivantes, et pour combien de temps ?

Enfin, pouvez-vous revenir sur l’évaluation du solde structurel des finances publiques par les institutions communautaires ? On constate un écart entre l’évaluation retenue par la Cour des comptes pour 2010 – 5,5 % du PIB – et celle qui figure dans ce programme de stabilité – 5,1%. Comment expliquer cet écart ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous venons aujourd’hui devant vous grâce aux modifications apportées en vue de rendre plus cohérent le débat au sein des parlements nationaux et des institutions communautaires. Il s’agissait de permettre aux assemblées parlementaires nationales de prendre connaissance de l’ensemble des prévisions, en particulier le cadrage macroéconomique, avant leur transmission aux instances communautaires sous forme de programme de stabilité. C’est une première manifestation du nouveau « semestre européen », instauré dans le cadre de la réforme de la gouvernance économique qui a été portée par la France, et dont le Président de la République a souhaité l’application la plus rapide possible.

Le calendrier de travail permet désormais d’établir un diagnostic sur les besoins de coordination en Europe, et d’examiner la façon dont les États membres mettent en œuvre les mesures appropriées. C’est dans ce contexte que le Conseil européen a arrêté, les 24 et 25 mars, des priorités en matière de politique économique. Il a indiqué qu’il fallait « s’attacher, en priorité, à rétablir des situations budgétaires saines, ainsi que la soutenabilité budgétaire ». Les deuxième et troisième objectifs, qui ne sont pas moins importants, consistent à « réduire le chômage par des réformes du marché du travail » et à « déployer de nouveaux efforts afin de renforcer la croissance ». C’est sur ces trois piliers que le Conseil nous a demandé de préparer des documents budgétaires soumis en premier lieu à votre examen, puis examinés par les instances communautaires.

L’objectif du « semestre européen » est double.

Il consiste, tout d’abord, à organiser un débat sur les programmes de stabilité et de convergence, ainsi que sur les programmes de réformes structurelles. À ce titre, vous avez reçu deux documents : le programme de stabilité de la France 2011-2014, et le programme national de réforme 2011-2014.

Il consiste, ensuite, à développer, avec nos partenaires européens, une vision complète des politiques économiques sous l’angle budgétaire et sous l’angle des réformes structurelles. Leur coordination, leur complémentarité et leur cohérence doivent garantir qu’elles se renforcent mutuellement, au lieu de s’affaiblir. Les performances des uns et des autres seront ainsi améliorées, suivant les trois axes que je viens d’évoquer : la lutte contre le chômage et le renforcement des politiques de l’emploi, le développement de politiques favorables à la croissance, et enfin l’assainissement des finances publiques, considérées d’un point de vue collectif.

Pour ce qui est du cadrage macro-économique, le programme de stabilité que nous vous avons transmis vendredi dernier repose sur des hypothèses légèrement révisées par rapport au programme précédent.

Tout d’abord, la croissance s’est établie à 1,5 % en 2010, comme l’avaient prévu le programme de stabilité de janvier 2010 et le projet de loi de finances. J’observe, par ailleurs, que la croissance est devenue plus autonome : l’investissement privé, reparti à la hausse, et la consommation des ménages, dont nous n’avons pas enregistré de baisse trimestrielle depuis le début de la crise économique, ont progressivement pris le relais des soutiens publics instaurés par le Gouvernement, notamment dans le cadre du plan de relance.

Pour l’année 2011, nous maintenons la prévision de croissance à 2 % de PIB, inscrite dans la loi de finances. L’OCDE, qui a révisé ses prévisions la semaine dernière, arrive au même résultat, voire un peu plus, selon son directeur général. Je tiens à votre disposition les prévisions de la Commission, du Fonds monétaire international et du « consensus de place », qui sont légèrement inférieures : entre 1,6 et 1,8 % de PIB.

Nos prévisions tiennent compte des développements défavorables observés au cours des derniers mois, à commencer par la hausse du prix des matières premières, qui nous a conduits à relever notre prévision d’inflation de 1,5 à 1,8 %.

Nous avons également pris en considération le niveau de l’euro, qui s’est réapprécié par rapport à l’ensemble des monnaies, notamment au dollar américain. Cela ne va pas sans conséquence pour les exportations, mais le pouvoir d’achat du site France est « dopé » pour l’acquisition de biens dont le prix est libellé en devises étrangères, en particulier en dollars.

Nous avons pris en compte, par ailleurs, les catastrophes subies par un certain nombre de pays, au premier rang desquels figure le Japon, même si les économistes hésitent encore sur les effets réels et indirects qui affecteront ce pays, les économies proches, et les pays en lien étroit avec lui. La fourchette des estimations va de 1 à 3,5, tant il est difficile de mesurer les effets indirects qui se produiront, et la rapidité avec laquelle les pays liés au Japon sur le plan commercial, voire manufacturier, pourront trouver des sources alternatives.

J’en viens aux bonnes surprises réservées par les derniers mois, en particulier en matière de créations d’emplois, facteur extrêmement important pour le respect de nos objectifs et pour la consommation en général. Au nombre de 125 000 en 2010, les créations d’emplois ont été supérieures à ce que nous avions prévu. La prévision de l’INSEE pour le premier semestre 2011 vient, en outre, d’être revue à la hausse : le nombre des créations d’emplois devrait s’établir à 78 000.

Les enquêtes de conjoncture, en particulier celles qui sont réalisées auprès des chefs d’entreprise, se sont aussi améliorées plus vigoureusement que prévu, tant pour la production actuelle que pour celle des mois à venir. Les derniers chiffres que nous avons reçus ce matin, en particulier le Purchasing Manager Index – PMI – pour l’ensemble des dix-sept pays de la zone euro, laissent penser que la croissance devrait être robuste au premier semestre. Comme je l’ai déjà indiqué, l’OCDE a révisé à 2 % de PIB sa prévision de croissance pour l’année 2011.

Un troisième facteur positif est la consommation des ménages, bien orientée pour le premier trimestre 2011 malgré la diminution, puis l’extinction de la « prime à la casse », qui a largement soutenu le secteur automobile à la fin de l’année 2009 et au début de l’année 2010.

Nous estimons que ces différents facteurs, négatifs comme positifs, devraient se compenser en matière de croissance. C’est pourquoi je maintiens à 2 % notre prévision de croissance pour 2011.

L’activité devrait s’accélérer cette année grâce à quatre moteurs principaux. Nous prévoyons tout d’abord que les exportations, qui ont été dynamiques au cours de la période récente, puisque leur rythme de croissance a été équivalent à celui des exportations allemandes pendant les six derniers mois, continueront d’évoluer de la même façon.

Les chefs d’entreprise du secteur manufacturier prévoient une hausse de 14 % de leurs investissements en valeur, et un fort rebond des permis de construire, qui est un bon indicateur pour anticiper l’évolution du BTP, est également constaté : l’investissement résidentiel devrait donc être bien orienté dans les mois à venir. Un troisième facteur de nature à encourager l’activité en 2011 est le cycle des stocks : les entreprises françaises n’ont que très faiblement reconstitué leurs stocks pendant l’année 2010, contrairement aux entreprises de certains de nos voisins, notamment l’Allemagne.

Enfin, les créations d’emploi devraient soutenir les revenus d’activité des ménages, et donc la consommation. Comme je l’ai indiqué, l’INSEE a révisé sa prévision concernant les créations d’emploi pour le premier semestre.

Dans l’ensemble, le paysage devrait être assez positif en 2011, même si certains facteurs pèsent négativement sur nos prévisions.

Pour 2012, nous prévoyons une croissance de 2,25 % : l’activité devrait s’accélérer légèrement grâce à la dynamique de l’investissement et à la poursuite de l’amélioration du marché du travail, qui soutiendra, une fois encore, le revenu des ménages et réduira l’épargne de précaution au profit de la consommation. Les réformes structurelles entreprises depuis 2008 – le crédit d’impôt recherche, les investissements d’avenir, le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, qui engagera mieux les entreprises à investir, mais aussi la réforme des retraites – devraient progressivement améliorer la compétitivité de la France et sa croissance potentielle. Il devrait en résulter une accélération de la croissance en 2013 et 2014 : celle-ci s’établirait alors à 2,5 %.

Mais les incertitudes pesant sur l’environnement international nous incitent à retenir, pour 2012, une prévision de croissance légèrement plus prudente qu’auparavant : nous la ramenons de 2,5 à 2,25 %. Le prix du pétrole étant très supérieur à ce que nous avions prévu, nous portons de 78 à 100 dollars par baril le niveau sur lequel nous tablons. Les crises de la dette souveraine, que nous n’avions pas anticipées au début de l’année 2010, vont en outre conduire à un effort de consolidation budgétaire dans un certain nombre de pays de la zone euro, ce qui aura un effet presque mécanique sur leur commerce extérieur.

Cela étant, la France reste déterminée à respecter la trajectoire qu’elle s’est fixée dans la loi de programmation des finances publiques. Nous ferons même un peu mieux que prévu. En 2010, le déficit public a, en effet, été moins lourd que nous ne le pensions : estimé dans un premier temps à 8,5 % du PIB, il a ensuite été réévalué à 8,2 %, puis à 7,7 %, et il s’est finalement établi à 7 % en exécution. Cela nous permet de revoir à la baisse notre cible de déficit pour l’année 2011 – elle est de 5,7 %, contre 6 % dans le programme de stabilité initial. Je laisserai à François Baroin le soin de détailler la trajectoire de déficit, mais je veux rappeler l’engagement ferme du Gouvernement de la respecter, quelles que soient les circonstances économiques. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires, compte tenu de la conjoncture, pour « rester dans les clous ». Nous réduirons ainsi le déficit public à 5,7 % en 2011, puis nous le porterons successivement à 4,6 %, à 3 %, et enfin à 2 % du PIB.

Au total, le programme de stabilité prévoit un ajustement structurel supérieur à 4 points de PIB pour la période 2010-2013, conformément à la recommandation formulée par le Conseil ECOFIN.

Je réitère l’attachement du Gouvernement à faire porter l’essentiel de l’effort de consolidation budgétaire sur la maîtrise des dépenses. C’est un choix indispensable compte tenu du niveau toujours élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays : ils atteignent 42,2 % de PIB en 2010, et vous avez rappelé, monsieur le président, les prévisions pour les exercices budgétaires suivants.

La maîtrise du volet « dépenses » repose, en particulier, sur le respect de la double norme inscrite dans la loi de programmation des finances publiques. Je laisse, là encore, à François Baroin le soin d’en présenter les détails, mais je tiens d’ores et déjà à dire que nous avons respecté, pour la première fois, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Nous partenaires européens l’ont observé avec attention. Nous avons à cœur de continuer sur la même voie, car chacun sait à quel point le volume des dépenses sociales pèse sur les finances publiques.

La réforme des retraites, adoptée en 2010, contribuera aussi à la maîtrise des dépenses. Du fait de sa montée en charge rapide, elle aura un double effet : une réduction des déficits, ainsi qu’une augmentation de la croissance. Cette réforme aura un impact sur le déficit public à hauteur de 0,5 point de PIB dès 2013.

Nous poursuivrons, en outre, l’effort de réduction des niches fiscales et sociales conformément au rythme prévu par la loi de programmation des finances publiques : un plancher de 11 milliards d’euros en 2011, puis de 3 milliards d’euros par an. Nous supprimerons prioritairement les niches les moins efficaces sur le plan socio-économique, en évitant toute hausse générale des impôts.

J’en viens aux recettes, qui seront spontanément soutenues par le rebond de l’activité. Ce sera d’autant plus vrai que la solidité du système bancaire français et le niveau relativement bas de l’endettement des ménages permettent d’envisager une reprise plus dynamique que chez certains de nos partenaires, contraints de procéder à des restructurations et à des recapitalisations importantes dans le secteur bancaire, lesquelles conduiront à une ponction sur les moyens disponibles. Les recettes publiques reviendront progressivement à la normale, après la très forte baisse observée en 2009, et elles devraient spontanément progresser un peu plus vite que l’activité économique : le programme de stabilité prévoit une élasticité moyenne des prélèvements obligatoires par rapport au PIB légèrement supérieure à l’unité pour la période 2011-2014. Je reviendrai plus tard sur les raisons qui nous conduisent à retenir ce chiffre.

Le respect de notre trajectoire des finances publiques, auquel nous allons nous astreindre aujourd’hui comme demain, permettra de commencer à inverser la trajectoire de la dette publique à partir de 2013 : en 2011 et 2012, la dette publique française augmentera encore en valeur absolue ; sa réduction sera d’autant plus rapide, par la suite, que le déficit se contractera. Cela suppose de respecter l’ensemble des politiques publiques que nous engageons aujourd’hui et que nous envisageons pour l’avenir.

Ce programme de stabilité est commandé par une double logique : renforcer notre stratégie de consolidation budgétaire, et ménager des marges d’investissement importantes, consacrées à des mesures améliorant la compétitivité de notre pays, telles que les investissements stratégiques d’avenir, axés sur des secteurs où le retour sur investissement est plus long.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. C’est la première fois que le Parlement peut accompagner, à ce stade de l’année, les engagements de la France auprès de ses partenaires européens, sur la base des travaux du Gouvernement. C’est une étape importante, après l’avancée significative qu’a constituée, au mois de juillet dernier, la correction apportée dans le cadre de la question grecque et de la crise européenne en général – il était important que la représentation nationale bénéficie du même niveau d’information que l’exécutif pour les perspectives des finances publiques, notamment en matière de dette, d’activité économique et d’évolution du coût de la vie. Il s’agit d’une évolution irréversible, qui me paraît aller dans le bon sens.

L’amélioration du déficit public enregistrée en 2010 montre, par ailleurs, que les efforts entrepris par le Gouvernement portent leurs fruits. Alors que nous avions prévu un déficit de 8,5 % à l’origine, nous sommes passés au-dessous de 8 %, et nous sommes arrivés à 7 % en fin d’année. Ce résultat positif, qui a été salué par la Commission européenne, nous permet d’avancer plus vite que prévu dans la réalisation de notre objectif intangible de réduction du déficit public.

Alors que la loi de finances pour 2010 prévoyait un taux de dette publique égal à 82,9 % de PIB, nous n’avons pas dépassé 81,7 %. Ce bon résultat est la conséquence de la reprise de l’économie et de l’emploi, plus dynamique que nous ne l’avions envisagé, et du coût moins élevé que prévu de la réforme de la taxe professionnelle en 2010. C’est aussi le fruit d’un effort collectif réalisé par l’ensemble des acteurs de la dépense – la « colonne vertébrale » de nos discussions budgétaires. Nous avons, en effet, agi sur l’ensemble des sources de dépenses publiques : celles de l’État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale.

En 2010, nous avons ainsi tenu notre engagement de maîtrise des dépenses de l’État, en respectant strictement le plafond autorisé et la norme de dépense, construite sur la base d’une progression limitée à l’inflation – c’est ce qu’on appelle le « zéro volume ». Notre premier devoir, et la première règle en matière budgétaire, étaient de ne pas dépenser un euro de plus que le montant autorisé par le Parlement. Le contrat est rempli. C’est un acte important dans notre nouvelle trajectoire de maîtrise des dépenses publiques et dans la définition d’une nouvelle approche. J’observe, en particulier, que le plafond de dépenses n’a pas été révisé à la hausse, alors que l’inflation s’est élevée à 1,5 %, et non à 1,2 % comme nous l’avions prévu. Il en est résulté une moindre dépense d’environ 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas neutre dans l’équation générale.

L’effort réalisé en 2010 se traduit aussi par une meilleure maîtrise des dépenses sociales, notamment celles de l’assurance maladie : pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM a été respecté. Il s’élève à 2,9 % en 2011, contre 3 % en 2010.

J’ajoute que les collectivités territoriales ont participé à l’effort global via une modération de leurs investissements.

La poursuite de notre stratégie, fondée sur la combinaison d’une maîtrise stricte et durable de la dépense publique et de réformes porteuses de croissance, est au cœur de ce programme de stabilité. Le Gouvernement est déterminé à être au rendez-vous des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques : notre objectif est de ramener le déficit public en deçà de 3 % en 2013. Nous reviendrons ainsi au niveau enregistré avant la crise.

Face à l’amnésie individuelle et collective encouragée par certains acteurs, sans doute pour favoriser leurs projets politiques, lesquels risquent de se résumer à de simples bouts de papier agrémentés d’une simple signature, je crois utile de rappeler que nous avons subi une crise mondiale. Elle a conduit à un effondrement des recettes dans notre pays, comme partout dans le monde. Nous avons adopté des mesures d’accompagnement pour arrêter l’hémorragie et pour parer au plus pressé, ainsi que des mesures de protection des investissements d’avenir, dans le cadre du grand emprunt. Nos « amortisseurs » sociaux ont, par ailleurs, fonctionné. Nous avons donc subi une récession moins forte que la plupart des autres pays de l’Union européenne, et nous sommes sortis plus vite de la crise économique. La réduction actuelle de nos déficits correspond au plan de marche que nous nous sommes fixé. Je rappelle ces différents éléments pour ceux qui les auraient oubliés, qui voudraient les oublier, ou qui voudraient faire croire qu’ils n’ont pas existé.

Nous gérons la sortie de la crise économique et sociale, qui laisse des cicatrices pour le moment, et nous continuons d’affronter la crise budgétaire. C’est le sens de ce pacte de stabilité.

Compte tenu du niveau de déficit public, moins important que prévu en 2010, et du sérieux avec lequel nous avons préparé, avec vous, les textes financiers pour 2011, nous sommes en mesure de réviser favorablement les prévisions pour cette année. Nous nous sommes ainsi fixé un objectif de 5,7 % de déficit public, et nous pouvons dès maintenant annoncer que nous serons au-dessous du seuil de 6 % initialement prévu.

Nous n’avons pas répercuté l’ensemble des 0,7 point de PIB car une partie de cette amélioration est liée à des effets non reconductibles les années suivantes, en particulier la révision du coût de la réforme de la taxe professionnelle.

Pour l’année 2012, nous avons souhaité maintenir l’objectif de déficit public à 4,6 % de la richesse nationale. Les bons résultats obtenus en matière de réduction des déficits nous permettent d’éviter de prendre des mesures complémentaires pour compenser la légère diminution – de 2,5 à 2,25 % – de la prévision de croissance figurant dans le programme de stabilité.

Nous tiendrons nos engagements année après année mais nous ne voulons pas accélérer le rythme de réduction des déficits publics : l’effort demandé aux Français est important et le Gouvernement, dont la priorité est de préserver l’activité économique, ne souhaite pas prendre le risque de casser une croissance encore convalescente par des mesures trop nombreuses et trop douloureuses, de même qu’il souhaite continuer à la protéger les publics les plus fragiles au moyen de différents dispositifs sociaux et fiscaux. Nous conservons la ligne fixée dans la loi de programmation des finances publiques.

Le projet de loi de finances pour 2012, en particulier, sera construit dans le respect du budget triennal 2011-2013, lequel contribue de manière décisive au redressement des finances publiques puisque son élaboration respecte la double norme de dépenses fixée par un article dédié de la loi de programmation : d’une part, une stabilisation en euros courants – le « zéro valeur » – des crédits budgétaires et des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités locales, hors charge de la dette et pensions des fonctionnaires de l’État ; d’autre part, le maintien de l’augmentation annuelle des crédits – sur le périmètre de la norme élargie – à un niveau inférieur ou égal à celui de l’inflation.

Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sera poursuivi en 2012. Cela se traduira par la suppression d’environ 30 000 emplois à temps plein. L’objectif triennal de réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention de 10 % sur trois ans impliquera une diminution de 2,5 % en 2012 après une baisse de 5 % en 2011. Nous ne nous détournons pas de la trajectoire inscrite dans la loi de programmation.

L’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales sera stabilisé en valeur comme en 2011, à l’exception du fonds de compensation de la TVA de façon à préserver la dynamique propre des investissements des collectivités. Les dépenses des autres administrations de sécurité sociale seront également contenues, en lien avec la montée en charge progressive de la réforme des retraites. Corrigée des revalorisations, la tendance des prestations vieillesse marquera une décélération dans les prochaines années, avec une augmentation de 1,8 % en moyenne annuelle pour la période 2012-2014, contre 2,8 % en 2010 et 2011.

Sans entrer dans le détail du volet recettes du programme de stabilité, je rappelle quelques engagements fermes du Gouvernement : il n’y aura pas d’augmentation généralisée des impôts ; la réforme de la fiscalité du patrimoine sera neutre pour les recettes fiscales de l’État sur l’ensemble de la période, la hausse des recettes résultant essentiellement de la reprise de l’activité et de la réduction, à hauteur de 3 milliards d’euros, des dispositifs dérogatoires.

Le programme de stabilité de la France s’inscrit dans le prolongement de l’action déjà engagée en faveur de la maîtrise des finances publiques pour un retour rapide à l’équilibre de nos comptes. Il s’agit d’un objectif inédit, qui nécessite de poursuivre un effort collectif important, mais aussi d’un objectif réaliste, puisque nous récoltons déjà les premiers fruits de cet effort. Le projet visant à inscrire dans la Constitution des règles de maîtrise des déficits s’inscrit dans cette démarche de long terme visant à garantir notre modèle social et notre souveraineté nationale aux générations suivantes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Votre présentation pèche presque par excès de modestie. Ce programme de stabilité met en évidence les bons résultats obtenus dans l’évolution des comptes publics. Il donne l’occasion de rappeler le « quasi-sans-faute » que le Gouvernement français a accompli dans sa gestion de la crise. Depuis la crise bancaire et financière de l’automne 2008, les mesures de soutien aux entreprises et à l’investissement, de soutien au pouvoir d’achat des ménages et de prévision de l’avenir – avec le grand emprunt – ont été parfaitement séquencées et calibrées.

En outre, le programme de stabilité confirme nos prévisions concernant le rétablissement de nos comptes en sortie de crise. Alors que le déficit prévu pour 2010 était de 8,5 %, nous avons terminé l’année à 7 %. Peu de gouvernements peuvent se flatter d’une telle amélioration ! En 2011, la prévision est de 5,7 % contre 6 % initialement, et l’on peut même espérer un chiffre encore inférieur. L’objectif du programme pour 2012 reste de 4,6 % en 2012, pour atteindre les 3 % en 2013.

Un tel rétablissement n’est ni trop rapide ni trop lent : d’une part, il n’étouffe pas la dépense publique, que notre bonne gestion permet de préserver, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres pays, et il ne s’accompagne d’aucune hausse générale et brutale des prélèvements obligatoires, à laquelle la consommation et le pouvoir d’achat ne résisteraient pas ; d’autre part, il privilégie la continuité, l’effort consenti annuellement étant de l’ordre de 1,5 % de PIB, soit 30 milliards d’euros. De fait, continuité, prévisibilité et réalisme sont les trois grandes caractéristiques de ce programme de stabilité, qui repose sur des prévisions macro-économiques raisonnables – 2 % de croissance en 2011 et 2,25 en 2012.

En dépit de sa propension normale et nécessaire à la critique, la Commission des finances doit à l’objectivité de souligner les évolutions positives.

Je n’en ai pas moins quelques questions à vous poser.

Concernant l’année 2010, l’écart entre le recalage de la prévision de déficit effectué en septembre – 7,7 % – et le déficit réalisé – 7 % – est relativement important. Il provient d’un effort consenti pour moitié par les collectivités locales, dont les dépenses ont été freinées. Ayant présidé un groupe de travail qui a mis en évidence la dérive de ces dépenses depuis vingt ans, je me félicite de cette inflexion. Pourriez-vous préciser la façon dont elle se répartit entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement ?

Les recettes des collectivités se sont en outre redressées et, dans certains départements, les droits de mutation se sont même envolés. Pensez-vous que ce phénomène soit pérenne ? L’augmentation du « besoin de financement » des collectivités – termes plus appropriés que celui de « déficit » utilisé dans le programme – se maintiendra-t-elle entre 0,1 et 0,2  % de PIB ?

En 2011, si les comptes locaux et les comptes sociaux connaissent une amélioration, on constate en revanche une légère dégradation des comptes de l’État et des organismes divers d’administration centrale – ODAC – par rapport à la loi de programmation. S’agissant des ODAC, le phénomène s’explique sans doute par le séquençage de la dépense liée au grand emprunt. S’agissant de l’État, plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires sont affectées à l’emploi et les opérations extérieures – OPEX – engendreront d’importants surcroîts de dépenses, si bien que l’exécution des comptes sera délicate. Alors qu’un collectif budgétaire est prévu au mois de juin, il se dit que la réforme de l’ISF pourrait connaître une application anticipée en 2011. Si la première tranche est supprimée, pouvez-vous nous assurer que les 300 millions d’euros de manque à gagner seront compensés dès 2011 ?

Pour 2012, le programme de stabilité prévoit un effort plus important en matière de réduction des niches fiscales et sociales. Alors que vous annonciez il y a quelques mois un montant de 3 milliards d’euros, on atteindrait, selon mes calculs, un peu plus de 5 milliards d’euros. Pouvez-vous nous le confirmer ?

La sortie de crise fait de nouveau jouer les phénomènes d’élasticité, lesquels expliquent probablement l’augmentation des prélèvements obligatoires par rapport à la loi de programmation. Ces phénomènes étroitement liés à la phase du cycle que nous traversons ne sauraient être confondus avec une évolution structurelle.

Le budget est soumis à une double règle : l’augmentation en volume de l’ensemble de la dépense ne doit pas être supérieure à l’inflation et les dépenses hors pensions et hors charge de la dette sont soumises à la règle du « zéro volume ». Or certaines de ces dépenses – les allocations logement, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros, ou encore les minima sociaux – sont indexées sur l’inflation. Comment concilier le maintien de la règle du « zéro volume » avec une inflation en augmentation ?

Comment entendez-vous mener l’effort de réduction de 10 % des dépenses d’intervention dans la période 2011-2013 ? Pourriez-vous apporter des précisions sur les travaux de la mission de l’inspection des finances que vous avez créée à ce sujet ?

Soumettre ce programme de stabilité au Parlement avant de le transmettre à Bruxelles est une excellente chose et en renforce la crédibilité. Cela dit, il est également indispensable que nous nous donnions des règles constitutionnelles de bonne gouvernance. Au-delà de nos bons résultats, si nous voulons que la confiance de nos créanciers dans la signature de la France reste totale, l’intérêt général commande que nous allions jusqu’au bout de ces réformes. L’année dernière, nous avons consacré aux questions de stabilité un premier débat très fructueux suivi d’un vote au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Il en sera de même le 2 mai. Je souhaite que le projet de réforme constitutionnelle, que nous avons examiné en commission la semaine dernière, soit adopté aussi rapidement que possible.

Enfin, je souhaite interroger Mme la ministre sur le soutien que nous apportons à certains pays en difficulté de la zone euro. La France a participé à hauteur de 17 milliards d’euros au programme de 110 milliards de prêts directs à l’État grec. En 2010, 4,4 milliards d’euros ont été décaissés à ce titre. Nous avons également apporté un soutien à l’État irlandais par le biais du Fonds européen de stabilité financière, en garantissant des prêts à hauteur de 4 milliards d’euros sur trois ans. Aujourd'hui, il se dit que la France pourrait également apporter une garantie de 6 milliards d’euros à l’État portugais. Le Conseil européen a décidé en mars dernier de pérenniser le Fonds de stabilité moyennant des dotations en capital qui s’élèveraient pour la France, dès le début de 2013, à 8 milliards d’euros. Même si ce montant n’a pas d’impact en comptabilité « maastrichtienne », il faudra bien l’imputer au budget !

De plus, on parle de restructurer la dette de ces États. Quelles seraient, le cas échéant, la position et les priorités de la France ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Comme le rapporteur général, je me réjouis de ce que le programme de stabilité nous ait été communiqué. Au moins restera-t-il cela du groupe de travail auquel nous avons participé sous l’autorité du gouverneur Camdessus.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir confirmé que la politique de suppression d’un poste de fonctionnaire partant en retraite sur deux sera maintenue. Des déclarations émanant du Gouvernement entretenaient un doute à ce sujet.

La réforme fiscale annoncée, avons-nous compris, supprimera le bouclier fiscal, mais celui-ci continuera à produire ses effets pendant deux ans, puisqu’il concernera des revenus des années n–2 et n–1. En revanche, la modification de l’ISF sera d’application immédiate. Comment, dès lors, assurer la neutralité budgétaire de la réforme ?

Enfin, si je me suis permis de soulever la question de l’élasticité, c’est que les prévisions du programme en la matière me paraissent prudentes. Je ne vous en fais pas reproche. Mais si cette élasticité devenait plus importante, le taux de prélèvements obligatoires serait encore accru alors qu’il augmentera déjà de façon continue entre 2011 et 2014.

Mme la ministre. Dans la période de reprise, nous observons une élasticité de l’ordre de 1,4 point, donc plus forte que la moyenne. Le rattrapage spontané en matière de recettes étant plus rapide que ce que nous avions anticipé, nous avons choisi de retenir pour 2011-2014 une prévision certes prudente, mais conforme aux taux d’élasticité constatés sur une période longue.

M. le rapporteur général m’interroge sur les engagements que la France a pris au titre des différents plans de soutien soumis à la Commission européenne et au Conseil, examinés par la BCE et négociés en accord avec le Fonds monétaire international – FMI –.

Les prêts consentis à la Grèce sont des prêts intergouvernementaux, puisque, à l’époque, le Fonds européen de stabilité financière n’avait pas été constitué. Sur le montant total de 110 milliards d’euros de prêts, la France s’est engagée à hauteur de 17 milliards, dont 9 ont été décaissés à ce jour. Pour la Grèce comme pour l’Irlande, les gouvernements emprunteurs ou bénéficiaires de garanties ont souscrit des conditionnalités dont la « troïka » – la Commission européenne, la Banque centrale européenne, la BCE, et le FMI – examine le respect sur place et sur pièces avant de déclencher ou non le décaissement de la tranche suivante.

En ce qui concerne l’Irlande, le plan mis en place au mois de novembre atteint un total de 85 milliards d’euros, dont une partie est couverte par l’Irlande elle-même puisque ce pays a, en quelque sorte, mis en gage l’équivalent de notre fonds de réserve des retraites, à concurrence de 17 milliards d’euros. La garantie de la France est engagée pour 5,4 milliards d’euros via le Fonds européen de stabilité financière. Je rappelle que le plan est consacré, pour une partie, à la recapitalisation des banques qui ont été largement nationalisées par l’État irlandais.

Je ne puis indiquer de montant précis concernant le Portugal. À l’heure où nous parlons, les services du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européennes ont engagé des discussions à Lisbonne avec les autorités gouvernementales et les forces d’opposition portugaises, ainsi qu’avec le Trésor et les organismes de statistiques de ce pays, pour vérifier la situation précise, les besoins de financement, la soutenabilité de la dette, et pour examiner quel sera le montant du soutien envisagé. Nous espérons, comme pour l’Irlande, un dispositif faisant intervenir l’Europe à 75 % et le FMI à 25 %.

Dans tous ces plans, la France est le deuxième contributeur, après l’Allemagne et avant l’Italie, sa part s’élevant à 20 % environ.

Les restructurations de dettes que vous évoquez ne sont ni envisagées, ni envisageables, ni donc à l’ordre du jour. Ce qui est à l’étude, en particulier avec le gouvernement grec, est un meilleur ciblage de certains programmes, notamment le programme de privatisations dont le Premier ministre, M. Papandréou, a annoncé qu’il discuterait les détails devant le Parlement dès la semaine prochaine.

Si j’ai choisi de vous répondre en priorité sur ce point, c’est qu’il me paraît fondamental pour les chiffres, les engagements et les réformes envisagés dans le programme de stabilisation. Nous sommes dans une situation où les dettes souveraines sont examinées de manière individuelle sans aucune forme de préjugé ou de discrimination. On l’a encore vu hier lorsque Standard & Poors a révisé la perspective envisagée à l’égard des États-Unis : toutes les dettes, toutes les politiques budgétaires, toutes les politiques monétaires et toutes les politiques de réformes structurelles sont examinées avec la plus grande attention. La dette de chacun de nos pays doit être refinancée et nous devons pouvoir faire appel aux marchés dans les meilleures conditions. La France, de même que six autres pays de l’Union européenne, bénéficie de la note « triple A » avec perspectives stables. Il faut impérativement défendre cet état de fait et écarter toute question, tout doute sur la réalité de notre engagement collectif. Même si cela peut paraître naïf, je pense qu’il faut savoir oublier les lignes partisanes le temps de cet exercice de salubrité.

M. le rapporteur général. D’où l’intérêt de ces bons résultats et des règles que nous nous donnerons.

M. Henri Emmanuelli. C’est déjà une règle partisane que de raisonner ainsi !

M. le ministre. Le passage de la prévision de déficit de 7,7 % à la réalisation à 7 % tient pour partie, comme le relève le rapporteur général, à l’amélioration du solde pour la partie collectivités locales ainsi qu’à des résultats bien orientés en matière de sécurité sociale. Nous avons en effet intégré en structure la tendance observée en matière de droits de mutation, qui devrait se poursuivre même si elle ne sera pas aussi spectaculaire qu’en 2010. Par ailleurs, nous sommes à mi-mandat municipal, si bien qu’un rebond des investissements est probable. Cela étant, le remboursement anticipé du FCTVA a déjà « boosté » une partie de ces investissements en multipliant par deux, en moyenne, les budgets de travaux publics, voirie et autres. On peut donc penser qu’en 2014 – à la fois date butoir du programme de stabilité et année de fin de mandat municipal – nous respecterons l’équilibre général.

Le gel des dotations de l’État, qui est une mesure courageuse et nécessaire, est aussi une occasion pour chacun de réfléchir à une nouvelle approche de la fiscalité locale et de la problématique de l’investissement – et surtout de la maîtrise dans la durée de la charge qu’il induit. Nous considérons que nous avons des raisons solides pour inscrire deux ou trois de ces paramètres dans la loi de programmation des finances publiques.

Le rapporteur général nous a interrogés sur le recyclage des excédents et les mesures complémentaires à prendre pour tenir nos objectifs. Il faut noter que ces bonnes nouvelles auraient pu nous orienter vers une forme de facilité – mais totalement hors du temps, comme on le voit avec le Portugal, voire avec la notation de la dette américaine. Bref, nous aurions pu nous dire que nous étions déjà au rendez-vous. Mais il faut au contraire conserver la plus grande détermination à inscrire dans la durée ces mesures de maîtrise de la dépense. La grande nouveauté du budget que vous avez voté, et le Gouvernement vous en est chaque jour plus reconnaissant, c’est la conjonction de mesures sur la gestion et la maîtrise des dépenses.

Cela ne souffre aucun relâchement. Certes, nous sommes en avance sur le plan de marche, mais le niveau du déficit reste considérable et il n’y a pas une journée à perdre pour revenir aux critères des traités que la France a signés. Le rendez-vous est en 2013. C’est pour cela qu’il ne peut pas y avoir de débat sur les éléments de base qui doivent permettre d’atteindre ces objectifs, allant du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite aux niches fiscales. C’est pour cela que nous ne nous éloignerons pas de la loi de programmation des finances publiques, dont nous pensons qu’elle constitue un juste équilibre entre la réduction du déficit et le soutien à notre activité économique et à notre compétitivité.

Cela me conduit aux recettes pour 2012 : la marche à franchir sera un peu moins haute que prévu, grâce à l’amélioration de 0,7 % de PIB du déficit. En réalité, nous passerons en gros à un effort de 22 milliards d’euros à produire, largement nourri par l’augmentation des recettes liée à l’activité économique.

Concernant les niches fiscales, nous en restons donc à 3 milliards d’euros : nous n’avons pas d’autre mesure à ce stade, mais je suis à votre disposition pour en parler. Nous ne toucherons pas non plus à la norme de progression des dépenses en valeur de l’État hors dettes et pensions, et cela malgré l’inflation. C’est essentiel.

Quant aux diverses annonces qui tournent autour de l’emploi, l’ensemble des dépenses nécessaires, soit 500 millions d’euros, sont gagées par des annulations de crédits ou des économies sur les autres ministères. Le même raisonnement est valable pour les opérations extérieures.

Pour ce qui est des –5 % en 2011 et –2,5 % en 2012 et 2013, il n’y a pas lieu de revoir le calendrier. Il est exigeant, un tel effort n’a jamais été fait, mais nous devons le faire. Il en va tout simplement de la crédibilité de la parole française et de la solidité de notre reprise économique. Il s’agit aussi d’inscrire un nouveau regard, une nouvelle approche dans la durée. Cette réforme de notre loi fondamentale sur l’équilibre des finances publiques est un élément constitutif de la solidité de la parole française vis-à-vis de ses partenaires.

Enfin, je confirme au rapporteur général que la suppression du bouclier fiscal, qui aura pour effet collatéral la modification en profondeur et l’allégement de l’ISF, sera neutre pour les finances publiques. C’était l’une des contraintes de la réforme. Vous en connaîtrez toutes les modalités techniques dès que nous la présenterons au Conseil des ministres, le 11 mai, et vous verrez qu’elle est financée par ceux-là mêmes qui sont actuellement assujettis à l’ISF. Il n’y a de cadeau pour personne.

M. Pierre-Alain Muet. L’autosatisfaction règne dans la majorité. Le problème, c’est que tous les programmes de stabilité que vous avez présentés depuis 2002 prévoyaient une baisse régulière du déficit, et que cela ne s’est jamais produit.

M. le rapporteur général. Elle s’accélère !

M. Pierre-Alain Muet. Dès votre première année, le déficit de la loi de finances initiale était déjà supérieur à ce qui était prévu, et le déficit exécuté plus encore. Le rapport du sénateur Marini montre parfaitement ces écarts. Un seul exemple : en 2007, le programme de stabilité d’avant les élections présidentielles prévoyait de ramener le déficit à zéro en quatre ans. En décembre, après la présentation du premier budget du nouveau gouvernement, le nouveau programme de stabilité, un peu plus modeste, prévoyait de faire passer le déficit de 2,5 % en 2007 à 2,3 % en 2008. Et cette année-là – bien avant la crise, mais après la loi TEPA – il a grimpé à 3,3 % ! On pourrait faire la même démonstration presque chaque année depuis 2002.

Les programmes de stabilité n’ont jamais correspondu à une quelconque réalité. Mais commentons tout de même celui qui nous est soumis.

D’abord, vous prévoyez que la dette va atteindre 86 % du PIB en 2012, soit environ 1 800 milliards d’euros. Cela représente un doublement en dix ans. Par ailleurs, vous nous dites que le déficit de 2010 est dû à la crise. Mais, dans vos chiffres, on trouve un solde structurel à 5,1 % pour 2010. Certains organismes l’estiment un peu plus élevé, mais qu’importe : gardons ce chiffre. Il veut dire que, si la croissance de la France avait été égale à sa croissance potentielle, le déficit des finances publiques aurait été de 5,1 %. En faisant abstraction de la crise et du fait que notre croissance n’a jamais été égale à notre croissance potentielle, le déficit serait quand même de plus de 5 % ! Cela veut dire que les gouvernements qui se sont succédé ont une responsabilité décisive dans la situation qu’ils vont laisser derrière eux. La Cour des comptes estimait qu’un tiers du déficit de 2010 était dû à la crise, et deux tiers au déficit structurel mais, selon vos propres chiffres, c’est encore beaucoup plus !

J’en viens aux prélèvements obligatoires, que vous estimez à 43,4 % pour 2012, contre 43,5 en moyenne en 2007.

M. le rapporteur général. Ils étaient à 44,9 % en 2000 !

M. Pierre-Alain Muet. Et à 43,9 % les années suivantes !

Bref, vous aurez atteint le paradoxe de faire plusieurs dizaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus fortunés de nos concitoyens tout en augmentant le taux des prélèvements obligatoires durant vos cinq années de gouvernement.

Quant au déficit extérieur, notre balance courante sera, selon vos prévisions, déficitaire de 3,7 % à partir de 2012. Elle a été excédentaire de 1995 à 2004. Depuis, elle a été déficitaire tous les ans. Vous prévoyez tout simplement à moyen terme un déficit que la France n’a jamais connu dans son histoire !

J’en viens à la croissance. Le Gouvernement attend tout de la croissance, mais il ne sait pas la créer. Vous prenez une hypothèse de croissance de 2,5 % à moyen terme – un peu moins en 2012. Mais quand avez-vous fait 2,5 % de croissance ? Depuis vingt ans, jamais ! Il est arrivé que la France fasse plus, et même plus de 3 %, mais ce n’est pas vous qui étiez au pouvoir. Alors, comment faire 2,5 % de croissance quand le consensus des instituts tourne autour de 1,9 % à moyen terme ? Par une politique économique ajustée à la situation conjoncturelle, qui apporte à la France plus de croissance que ses partenaires. Notre situation est extrêmement particulière : une demande qui s’est effondrée en 2009 à cause de la crise, qui reste près de 8 points inférieure au taux normal d’utilisation des capacités de production, et en même temps une compétitivité fortement dégradée depuis 2004 – ce qui ne s’améliorera pas tant que vous serez aux affaires, si l’on en croit vos prévisions. Comment résoudre ce problème tout en réduisant le déficit des finances publiques ? En redonnant du pouvoir d’achat, et donc en soutenant la demande à court terme, tout en musclant notre économie à long terme. Il faut accroître la croissance potentielle par une politique industrielle, et redonner du pouvoir d’achat. Mais pas ponctuellement : la meilleure façon d’agir sur le pouvoir d’achat, c’est de créer des emplois ! Les 300 000 emplois jeunes que nous proposons permettent de répondre non seulement au problème de chômage des jeunes, mais aussi à la situation conjoncturelle. Car l’histoire montre que c’est lorsqu’elle crée massivement des emplois que la France obtient une croissance supérieure à celle de ses partenaires.

Vous pouvez exprimer toute la satisfaction que vous voulez mais, si vous ne mettez pas en place une politique économique adaptée à la situation conjoncturelle, la France ne fera jamais 2,5 % de croissance et vous n’arriverez pas à réduire le déficit !

L’année la plus inquiétante est 2012, car toutes les mesures que vous avez prises pour réduire le déficit en 2010 et 2011 sont ponctuelles – ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes. Et quand on réduit le déficit avec des mesures ponctuelles, on reporte le problème sur les années suivantes.

Le gouvernement en place en 2012 trouvera, quel qu’il soit, une situation bien difficile !

M. Charles de Courson. Certaines des hypothèses économiques que vous retenez me paraissent franchement fragiles. Vous prévoyez une croissance de 2 % en 2011, puis de 2,25 % et 2,5 %. Des chiffres aussi élevés ne sont pas prudents. L’OCDE prévoit 1,6 % en 2011 et 2 % en 2012. Il serait bien préférable de retenir une croissance de 1,5 ou 1,6 %, tout le surplus éventuel étant consacré à la réduction des déficits publics. Hors effet de reconstitution des stocks, soit 0,4 point, la prévision de croissance ne doit pas excéder 1,6 %.

Si l’on analyse la composante finale, on voit que le commerce extérieur nous a coûté en moyenne 0,4 point de croissance depuis dix ans. Contrairement à ce que dit M. Muet, la détérioration de notre compétitivité – nous avons perdu presque 30 % de parts de marché en dix ans – a commencé vers 1999 ou 2000. Mais vous prévoyez une baisse de nos pertes de parts de marché : on passerait à – 0,1 au lieu de – 0,4 depuis douze ans. Je ne vois pas sur quoi vous vous basez, d’autant que les premiers mois de l’année ne sont pas bons.

Autre composante : la formation brute de capital fixe, ou investissement privé, que vous voyez en très forte hausse. Il est vrai qu’après deux ans de chute, le niveau antérieur va se reconstituer, mais il n’est pas raisonnable de prévoir une croissance forte et continue des investissements des entreprises en période de remontée des taux d’intérêt. Car c’est une certitude et la seule interrogation porte sur la vitesse à laquelle elle se fera.

En revanche, une grande incertitude entoure deux autres éléments.

Le premier est l’évolution de l’euro. Vous faites une hypothèse stable sur trois ans. Pour ma part, je crains une hausse car les finances publiques américaines sont tellement mal gérées qu’il va y avoir une fuite du dollar et que beaucoup d’investisseurs vont se réfugier sur l’euro, globalement moins mal géré.

Le second élément est le prix du baril de pétrole. Vous choisissez là encore une hypothèse de stabilité, parce que bien malin qui pourrait prédire une évolution.

Bref, il y a une vraie fragilité dans vos hypothèses.

Votre prévision de dépenses des administrations publiques, à 0 %, est raisonnable. Reste la consommation, pour laquelle vous faites des hypothèses d’assez forte augmentation en volume. Ce sera fonction de notre capacité à refaire croître l’emploi. Si la productivité reste stable, comme vous le prévoyez, ce qui me paraît raisonnable, c’est donc la quantité d’emplois qui doit augmenter. Mais votre hypothèse d’une baisse du taux d’épargne est très fragile : dans les circonstances que nous connaissons, une partie des ménages commencent par consommer un peu de leur épargne, mais ils prennent peur et la reconstituent par la suite.

Vous feriez bien mieux de prendre une hypothèse de croissance de 1,5 ou 1,6 %. Tout le reste serait du bonus.

Pour ce qui est des hypothèses sur le taux moyen de la dette, vous prévoyez 3,3 % en 2010, soit le taux le plus bas depuis vingt ou vingt-cinq ans, un maintien en 2011 et une très légère hausse en 2012 et 2013. Par parenthèse, cela coûte 5 milliards d’euros de plus par an, compte tenu de l’effet volume. Mais il faut considérer la remontée des taux d’intérêt comme une certitude. Même compte tenu du fait qu’elle ne jouera que sur la partie à taux variable de la dette, je trouve cette hypothèse imprudente.

Enfin, les centristes ont toujours dit qu’on ne pouvait pas redresser les finances publiques sans faire un effort à la fois sur les recettes et sur les dépenses. Même si le principal doit porter sur les dépenses, il faut faire un effort significatif sur les prélèvements obligatoires. Certes, c’est ce que vous faites, mais en essayant de le cacher ! Comment faites-vous pour réduire le déficit de 4 points entre 2010 et 2014 ? Vous augmentez les prélèvements obligatoires de 1,7 point et baissez les dépenses de 2,4, soit un effort d’un gros tiers sur les recettes. Mais alors, dites-le ! La réduction des niches ne représente qu’une partie de cette augmentation des recettes.

Pour notre part, nous avions préconisé une économie de 10 milliards d’euros par an sur les 73 milliards de niches fiscales et les 42 milliards de niches sociales, soit un effort de 8 à 10 %, maintenu sur trois ans. Ç’aurait été dur, mais c’aurait été possible.

Le Gouvernement aurait tout intérêt à dire la vérité : il faut un effort des deux côtés, un effort équilibré.

M. Hervé Mariton. Une question de forme d’abord, pour bien comprendre le sens de notre travail : le programme que vous nous soumettez, et qui est publié sur le site du ministère, est-il définitif, ou comptez-vous tirer parti de la discussion parlementaire avant de le transmettre à Bruxelles ?

Pour ce qui est du cadrage macro-économique, vous prévoyez une croissance de 2,5 % en 2013 et 2014, grâce en particulier aux effets d’un ensemble de réformes, comme celle des retraites. Pouvez-vous décomposer le surcroît de croissance apporté par chacune de ces réformes, ou votre chiffre ne résulte-t-il que d’une évaluation intuitive ?

Charles de Courson vient de parler du coût de la dette. Le Gouvernement a-t-il évalué le surcoût qu’engendrerait en 2011 ou 2012 une augmentation des taux d’intérêt due aux divers programmes électoraux de nos partis politiques ? Y a-t-il eu une aggravation du prix de la dette en France à l’énoncé du programme socialiste, et est-ce possible pour 2012 ?

Enfin, s’agissant des impôts, il est beaucoup question des niches fiscales, mais le ministre avait aussi évoqué lors d’une précédente réunion le sujet des modalités de calcul de l’impôt. Lors du débat budgétaire pour 2011, il avait mêlé les deux, à propos de la situation fiscale des mariés de l’année. Faut-il comprendre donc, lorsqu’il est question d’un effort sur les niches fiscales, que le Gouvernement entend parallèlement mettre en cause les modalités de calcul de l’impôt ?

À propos de l’ISF, le ministre a déclaré que ce sont les personnes qui y sont assujetties qui financeraient la réforme. Or il est question de supprimer l’abattement de 50 % qui bénéficie aux donations effectuées par des personnes de moins de soixante-dix ans, lesquelles ne sont pas forcément redevables de l’ISF. Pour une donation de 400 000 euros, le droit passerait ainsi de 24 000 à 48 000 euros : ce serait un effet quelque peu massif de la réforme de l’ISF, en défaveur de personnes qui n’y sont pas soumises !

M. le rapporteur général. Elles y seraient soumises si elles ne faisaient pas de donations !

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, nous avons du mal à nous y retrouver dans les chiffres relatifs au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

En effet, le document évoque une économie de 2,7 milliards d’euros entre 2009 et 2011 : le chiffre porte-t-il sur une, deux ou trois années ? Alors que la Cour des comptes a évoqué une économie nette de 100 millions d’euros par an, vos services avancent le chiffre de 860 millions. Vous vous étiez engagé à rendre la moitié du gain réalisé aux fonctionnaires : or cette mesure est inégalement appliquée selon les administrations et les mesures catégorielles se confondent et se multiplient.

Par ailleurs, si l’inflation est importante – ce qui semble être le cas –, le gel des salaires, que vous reconduisez en 2012, vous amènera à payer les fonctionnaires des premiers échelons au-dessous du SMIC, situation que nous avons déjà connue, qui avait disparu et qui, donc, se profile de nouveau à l’horizon.

À combien, monsieur le ministre, évaluez-vous l’économie réalisée par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qu’il s’agisse de l’économie brute ou de l’économie nette, après reversement aux fonctionnaires de la moitié du gain réalisé ?

M. Marc Goua. Le document précise pudiquement que le « ralentissement des dépenses courantes des collectivités sera accompagné par l’État via le gel des concours financiers aux collectivités ». Mais ce sera plutôt le contraire ! La mesure aura surtout pour effet de ralentir les investissements puisque, chacun le sait, les collectivités en assurent entre 73 % et 75 %.

Vous affirmez en outre que l’augmentation des recettes de l’État sera « tirée » par l’impôt sur les sociétés. Mais ne minimisez-vous pas ainsi un effet très important de carry -back ?

S’agissant du grand emprunt, vous écrivez que « l’impact sur les déficits publics des investissements d’avenir restera modéré pour les finances publiques », c'est-à-dire conforme aux critères de Maastricht. Il faudra bien, toutefois, à un moment ou à un autre, faire apparaître le remboursement du grand emprunt dans les déficits !

Enfin, quid de la valeur de l’euro, au lendemain de la mise sous surveillance des États-Unis ? N’avez-vous pas également sous-estimé le prix du pétrole ?

Quant au taux moyen de la dette, il me paraît d’un optimisme frisant l’inconscience !

M. Olivier Carré. Chacun peut observer que les différents plans de relance des pays qui sortent progressivement de la crise n’ont pas pour effet d’accroître l’inflation, ce que les banquiers centraux craignaient il y a deux ans. L’inflation que nous connaissons aujourd’hui est importée : elle est principalement due au renchérissement des matières premières. La politique monétaire qui pourrait être conduite en vue de la juguler serait donc inopérante, elle pourrait même pénaliser la reprise en termes d’investissements.

Un programme de réforme du coût des institutions européennes est-il prévu ? Quelles sont, en la matière, les perspectives budgétaires d’ici à 2013 ? Chacun se rappelle  que les partenaires de l’Union européenne ont âprement discuté, il y a quelques mois, du budget pour 2011.

M. Nicolas Perruchot. Alors que le document opère des arbitrages en vue de respecter les objectifs fixés par les différents gouvernements de la zone euro, la poursuite de la hausse des matières premières n’est-elle pas susceptible de provoquer un dérapage ? Je pense notamment au prix du pétrole, qui pèse déjà sur la consommation des ménages et sur les marges des entreprises.

Certes, depuis quelques jours, les analystes sont d’accord pour minimiser ce risque. Toutefois, alors que le programme table sur un baril à 100 dollars d’ici à la fin de 2012, l’horizon est loin d’être dégagé.

La situation au Nigeria est préoccupante, après les émeutes meurtrières qui ont accueilli dans le nord du pays les résultats de l’élection présidentielle, la situation libyenne s’enlise, et c’est l’incertitude qui règne dans le golfe Persique. Même en cas de stabilisation prochaine, un écart de 20 % à 25 % entre le prix retenu et le prix constaté présenterait un risque réel de dérapage. Qu’en pensez-vous ?

L’évolution de la situation américaine est, elle aussi, préoccupante. La baisse de la note des États-Unis ne surprendra personne compte tenu de la réalité du budget américain. Certes, le dollar reste la monnaie de référence, ce qui permet aux États-Unis de donner le sentiment qu’ils peuvent juguler leur dette, mais l’absence de consensus politique ne laisse pas d’interroger. L’impossibilité pour le Président Obama de s’appuyer sur une majorité claire ajoute aux difficultés économiques. N’oublions pas que les Américains pèsent pour un quart dans le PIB mondial. Dans ces conditions, toute dégradation de leur note ou toute hausse des taux d’intérêts pourraient avoir des conséquences négatives.

Par ailleurs, l’impact budgétaire des opérations militaires en Libye a-t-il déjà été calculé, notamment en cas de poursuite du conflit ?

S’agissant des énergies renouvelables, l’État ouvre un chantier très important en matière d’éolien off shore de plusieurs milliards d’euros. Nous ne pourrons pas non plus échapper à un débat sur l’énergie nucléaire. Quel impact budgétaire pourrait avoir l’accélération de programmes existants ?

Les dépenses sociales ont pesé dans le budget de 2010 pour 496 milliards d’euros. Ces dépenses sont-elles toutes judicieusement ciblées ? Je ne le pense pas. La crise et nos engagements européens devraient nous conduire à nous interroger sur leur efficacité, d’autant que nous assistons à la paupérisation des classes moyennes. La France ne peut pas faire l’économie d’une réflexion de fond sur le coût des prestations sociales, alors même que l’action du FMI, dans les différents pays où il est intervenu récemment, les a prises pour première cible.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vrai, le programme national de réforme que vous nous présentez oublie l’équation énergétique. Alors que l’estimation du prix du pétrole y paraît fort optimiste, il ne prévoit aucun moyen pour accompagner la transition énergétique. Il serait problématique de chercher à la faire payer par les Français. Comment gérerez-vous la question énergétique dans les prochaines années ?

En ce qui concerne le budget social, le document prévoit une baisse très sensible des déficits des administrations de la sécurité sociale. Dois-je rappeler que, depuis dix ans, elles connaissent un déficit structurel de 10 milliards d’euros – leur déficit ayant atteint, en raison de la crise, plus de 20 milliards après 2008 ? Comme l’a rappelé la Cour des comptes, ces 10 milliards d’euros de non-financement sont supportés de manière quasi clandestine par la trésorerie des administrations de la sécurité sociale.

Les finances sociales, chacun le sait, sont très sensibles à l’évolution de la croissance et de l’emploi. Aussi est-il inutile que je revienne, après plusieurs membres de la Commission des finances, sur la fragilité de vos prévisions de recettes des administrations de la sécurité sociale.

S’agissant des dépenses, alors que la négociation d’une convention médicale doit s’ouvrir prochainement, le document prévoit un ONDAM inférieur de 0,1 point en 2012 par rapport à 2011. Dans ces conditions, quelle marge de manœuvre le Gouvernement donnera-t-il au négociateur de la convention, qui est le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ? Vous devez le dire clairement !

Le Gouvernement souhaite également engager la réforme de la dépendance. Compte tenu de l’évolution à la baisse de l’ONDAM, escomptez-vous que l’instauration de cette cinquième branche sera sans impact sur les prélèvements obligatoires ? Quelles recettes prévoyez-vous ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Je m’associe à la question de M. Charles de Courson sur le commerce extérieur, dont le déficit a battu un double record en janvier et en février.

Mme la ministre. Monsieur Muet, nous avons exporté plusieurs mesures pour répondre à la crise. Qu’il s’agisse de la médiation du crédit, de la Société de prises de participation de l’État, de la Société du financement de l’économie française, du Fonds stratégique d’investissement ou de la prime à la casse, tous ces éléments ont été repris par plusieurs de nos partenaires. Je l’ai encore entendu dire à Washington il y a quarante-huit heures : parce qu’elle a su réagir, la France a pu bien résister à une crise financière et économique historique.

Vous avez également évoqué l’écart existant entre l’objectif de déficit de la loi TEPA et le début de la crise. Vous ne pouvez oublier que la loi TEPA a été votée le 4 août 2007 et que la crise a également débuté, avec la fermeture, par la BNP, des premiers fonds, dès le mois d’août 2007, et non le 15 septembre 2008, lorsque Lehman Brothers s’est écroulé.

En ce qui concerne le solde structurel, je rappellerai que le chiffre de 5,1 % intègre l’impact du plan de relance, lequel était nécessaire pour permettre à la croissance française de redémarrer. Nous assumons notre politique en la matière : nous avons souhaité soutenir l’activité en pratiquant une politique de l’offre à travers le crédit d’impôt recherche, la réforme de la taxe professionnelle et des mesures de relance à long terme, qui sont déterminantes pour améliorer la compétitivité, alors que les mesures à court terme ont une efficacité réduite.

S’agissant des prélèvements obligatoires, ni François Baroin ni moi-même ne nous cachons derrière les chiffres. Le pourcentage de ces prélèvements augmente légèrement entre 2007 et 2012, et nous n’en rougissons pas. Les paramètres macroéconomiques ont changé, affectant un programme qui aurait été sans aucun doute différent si la crise n’avait pas eu lieu. Je le répète : la politique économique que nous avons conduite de 2008 à 2010 n’aurait pas été la même si nous n’avions pas dû affronter cette crise.

Vous avez déclaré que notre prévision de croissance de 2,5 % est irréaliste, alors que nous trouvons le même chiffre dans les documents du parti socialiste ! Sans doute invoquerez-vous un programme économique différent du nôtre, fondé sur l’amélioration de la demande par le biais des 300 000 emplois jeunes. Notre approche n’est certes pas la vôtre. Comme vous, nous pensons qu’il est nécessaire de prendre des mesures visant à favoriser l’emploi, afin de lutter contre le chômage, de préserver la cohésion sociale et de soutenir la consommation. En revanche, nous refusons le biais des emplois aidés dans le secteur non marchand. Nous souhaitons favoriser des politiques d’emploi durable et de formation professionnelle permettant de ramener les Français vers le secteur marchand.

Nous comparerons nos méthodes et les Français jugeront.

Monsieur de Courson, il ne nous paraît pas déraisonnable de prévoir 0,4 point au titre de la reconstitution des stocks par les entreprises françaises, du fait que cette reconstitution a été, jusqu’à présent, très faible.

Nous avons effectivement prévu que le commerce extérieur continuerait de peser sur la croissance, en y contribuant négativement pour 0,1 point, au lieu de 0,4 observé précédemment, parce que, vous le savez comme nous, l’amélioration du commerce extérieur dépend des gains de compétitivité réalisés par les entreprises à l’interne. Or les réformes engagées depuis presque quatre ans vont commencer de produire leurs effets.

Si les deux premiers mois de l’année ont été mauvais, c’est notamment en raison du renchérissement du coût de la matière première, notamment pétrolière. De plus, il y a eu peu d’exportations d’aéronefs, en l’occurrence de livraisons d’Airbus à partir du territoire français.

Le solde agro-alimentaire et vinicole est quant à lui en voie d’amélioration, alors qu’il s’était sensiblement détérioré les derniers trimestres. Ce secteur est tiré par le commerce international, l’essentiel de la demande venant de la zone Asie-Pacifique. Il en est de même du solde automobile, qui reste toutefois négatif.

Pour ce qui touche à la formation brute de capital fixe, durant trois ans, la chute a été constante. C’est pourquoi il nous a semblé légitime de fixer un chiffre nettement plus élevé, assis à la fois sur cette baisse brutale subie par les entreprises françaises les trois dernières années et sur le fait que l’ensemble des indices manufacturiers et des services sont positifs, ce qui nous conduit à penser que les entreprises veulent investir.

À productivité stable, nous avons également prévu une augmentation de la quantité des emplois et une propension à la consommation plutôt qu’à l’épargne, légèrement supérieure au chiffre enregistré jusqu’à présent – un des plus élevés de l’Union européenne.

Le taux des émissions à taux fixe tourne autour de 2,85 %. Prévoir 3,3 % pour 2011 et 3,5 %, puis 3,6 % pour les années suivantes, c'est-à-dire une légère augmentation, inférieure à la moyenne observée depuis la création de la Banque centrale européenne et de la zone euro, ne nous paraît par déraisonnable. Ce taux est calculé à la fois sur le coût actuel des emprunts à taux fixe, du taux moyen observé sur les dix dernières années et des indications de politique monétaire subtilement fournies par la BCE, selon lesquelles l’augmentation récente du taux d’intérêt n’était pas vouée à se répéter. Mais je reconnais que prévoir un taux d’intérêt pour l’année 2013 relève de l’art de la prévision plutôt que du souci de précision.

S’agissant de la réduction des déficits, prévoir deux tiers de réduction des dépenses et un tiers d’augmentation des recettes me paraît procéder d’un bon équilibre.

Monsieur Mariton, je proposerai à François Baroin de joindre au document que nous soumettrons à nos partenaires européens et à la Commission de Bruxelles un procès-verbal récapitulatif des observations consignées en séance publique à l’occasion du débat consacré au semestre européen.

M. le ministre. Il me paraît également très positif d’intégrer les éléments du débat qui permettront d’éclairer la Commission européenne et nos partenaires sur les positions réelles de chaque formation politique française, étant entendu que la majorité ne manquera pas d’accompagner le Gouvernement dans sa démarche de réduction des déficits.

Monsieur Mariton, il est trop tôt pour documenter les niches fiscales. Je ne suis pas un doctrinaire, vous le savez. Serons-nous prêts pour le projet de loi de finances pour 2012 ou faudra-t-il attendre le début de la nouvelle législature ? Il me paraît plus pertinent, dans le cadre de la convergence avec l’Allemagne et d’une réforme fiscale de plus grande envergure, d’attendre le début de la prochaine législature pour débattre de ce qui relève d’une niche fiscale, c'est-à-dire d’une mesure fiscale dérogatoire au droit commun, et de ce qui relève des modalités de calcul de l’impôt sur le revenu, qui additionnent également des mesures dérogatoires au droit commun, mais sous une autre classification, échappant au débat budgétaire.

S’agissant des modalités de calcul de la réforme de l’ISF, je vous donne rendez-vous au conseil des ministres du 11 mai. Vous avez donné un exemple : je tiens à rappeler que, si l’équilibre financier de la réforme repose sur les successions, ne seront concernés que les 3 % d’entre elles qui ne sont pas couvertes par la loi TEPA.

Monsieur Eckert, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite permet de réaliser une économie brute de quelque 900 millions d’euros par an.

Quant au gel du point d’indice des fonctionnaires, que j’ai annoncé ce matin aux organisations syndicales, en compagnie de Georges Tron, je rappelle qu’un point équivaut à peu près à 900 millions d’euros pour la fonction publique d’État, et à un peu plus de 1 milliard d’euros pour les collectivités locales. La réunion de ce matin, qui a duré une heure et demie, a été de grande qualité, et elle s’est tenue dans le plus grand respect des uns et des autres. Nous avons d’ailleurs conclu, il y a trois semaines, un accord sur la lutte contre la précarité dans la fonction publique, qui a été signé par six syndicats, dont la CGT. Chacun sait pourtant que son habitude n’est pas de soutenir l’action ou les propositions du Gouvernement. Vous voyez ainsi que le dialogue social ne s’arrête pas à la problématique de la progression du point d’indice !

Par ailleurs, cette progression représente moins de 25 % de l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui a augmenté de 3,5 % l’an dernier, et devrait progresser de 3,2 % en 2011. Cette évolution sera donc supérieure à celle du coût de la vie grâce aux mesures relatives au glissement vieillesse-technicité – GVT – et à la garantie indemnitaire du pouvoir d’achat. C’est un domaine dans lequel nous avons beaucoup progressé.

En ce qui concerne les perspectives budgétaires européennes, je rappellerai, sous le contrôle de Christine Lagarde, dont je salue l’implication personnelle et la force de conviction, que la France a obtenu gain de cause. La hausse du budget européen devrait se limiter à 2,9 %, alors que le point de départ des discussions, fixé par la Commission, était une augmentation de 6 %. Tant que nous resterons dans une logique de réduction des déficits en France, comme ailleurs, nous souhaitons que le même esprit de responsabilité anime toutes les institutions, qu’elles soient nationales ou européennes.

L’ONDAM sera effectivement réduit de 0,1 point, monsieur Le Guen, mais il reste une marge de discussion, tant pour la définition de l’objectif lui-même que pour les modalités du comité d’alerte.

Mme la ministre. Nous sommes en présence d’un risque d’inflation par les coûts importés. Il est perceptible partout, et la Banque centrale européenne y est très attentive. Pour autant, l’inflation sous-jacente n’est pas du tout alarmante : elle est parfaitement maîtrisée. En théorie, il n’y a pas d’effet de second tour si l’on reste très attentif à cette inflation sous-jacente.

M. Olivier Carré. La politique monétaire doit donc être modérée !

Mme la ministre. Assurément ! Nous surveillons très attentivement les évolutions. Si l’inflation importée devait persister longtemps, il y aurait des risques sérieux d’inflation de second tour. Nous devons éviter ces risques afin d’atteindre notre objectif de stabilité des prix, propice à un climat de croissance.

En réponse à Nicolas Perruchot, qui nous a interrogés sur la poursuite de la hausse du coût des matières premières, je peux indiquer qu’une augmentation de 20 dollars du prix du baril de pétrole aurait un impact d’environ 0,1 point, selon nos modélisations. Nous devons donc rester extrêmement attentifs.

Le montant que nous avons retenu – 101 dollars – peut paraître très conservateur, mais je tiens à rappeler que c’est une estimation moyenne : nous avons déjà vu le prix du pétrole augmenter massivement et diminuer tout aussi brutalement. On observe aujourd’hui des réajustements quasi-automatiques, qui résultent de la rencontre de l’offre et de la demande, mais aussi des anticipations d’augmentation du prix, lesquelles conduisent en fait à une diminution de la demande. Des producteurs saoudiens ont ainsi constaté que leurs réserves, d’environ 3,5 millions de barils, n’ont pas été utilisées : du fait des inquiétudes liées à l’augmentation du prix, la demande s’est ajustée.

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame, monsieur les ministres, nous vous remercions de vos éclaircissements.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 19 avril 2011 à 16 h 15

Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Jean-Marie Binetruy, M. Michel Bouvard, M. Jérôme Cahuzac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Hervé Novelli, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Pierre Bourguignon, M. Thierry Carcenac, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. David Habib, M. Henri Nayrou

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Marie Le Guen

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