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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 15 juin 2011

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 84

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président,
puis
de M. Michel Diefenbacher,
Secrétaire

–  Audition, ouverte à la presse, de Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : le financement du soutien à l’outre-mer, dépenses fiscales ou dépenses budgétaires ?

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : le financement du soutien à l’outre-mer, dépenses fiscales ou dépenses budgétaires ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Dans le cadre de nos auditions sur le projet de loi de règlement pour 2010, j’ai le plaisir d'accueillir Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Madame la ministre, voici déjà plusieurs semaines que le principe de cette audition avait été arrêté avec notre rapporteur spécial Claude Bartolone. D'un commun accord, vous avez choisi d'évoquer plus particulièrement une question très pertinente : « le financement du soutien à l'outre-mer : dépenses fiscales ou dépenses budgétaires ? ». La mission budgétaire Outre-mer est en effet un cas d'école : en exécution, les dépenses fiscales sont une fois et demie supérieures aux crédits de paiement. L'un des avantages de la LOLF est de nous donner de meilleurs outils pour arbitrer entre les différents instruments de l'action de l'État.

Notre Commission manifeste depuis plusieurs années un intérêt marqué pour ces questions, comme en témoignent le déplacement aux Antilles de la mission d'information sur les niches fiscales en 2008, l'examen au fond, sur le rapport de Gaël Yanno, de la loi d'orientation dite LODEOM en 2009, et le rapport sur l'application de cette loi, rédigé l’année suivante par Gaël Yanno et Claude Bartolone. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, nous avons par ailleurs adopté un amendement relatif à l'articulation entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales.

Sans doute souhaitez-vous nous faire part des principales leçons que vous tirez de l'exécution budgétaire 2010, en particulier sur le thème qui nous réunit. Nous vous poserons ensuite quelques questions.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Le système de soutien à l’investissement outre-mer fait en effet l’objet de débats récurrents et cette audition nous offre l’occasion d’échanger sur cette aide, qui représente une dépense fiscale importante. Je dois cependant dire que pour ma part, je l’estime à environ 1,4 milliard d’euros, et non, comme on l’entend plus souvent, à plus de 3 milliards.

Je ne soutiens pas par principe la défiscalisation en tant que telle, mais il est indéniable que, comme outil de soutien à l’investissement, elle a eu des effets positifs sur nos économies ultramarines. Les critiques dont elle fait depuis longtemps l’objet doivent donc être nuancées, car des efforts importants ont été accomplis depuis 2007 pour moraliser et améliorer le système. Je pense par exemple à l’exclusion de la base éligible de l’ensemble des frais de montage ou au plafonnement des avantages fiscaux.

Il est légitime de s’interroger, comme nous le faisons aujourd’hui, sur le modèle d’aide à privilégier. Qu’il me soit cependant permis d’observer à l’intention des tenants du « tout subvention » que les contraintes budgétaires qui sont aujourd’hui les nôtres ne nous permettraient pas de compenser la suppression du dispositif de défiscalisation si celle-ci venait à être décidée. Cette suppression ne signifierait d’ailleurs pas nécessairement celle de la dépense fiscale correspondante : on risque tout simplement d’assister à un report sur d’autres niches – à moins que toutes ne soient supprimées.

Veillons en tout cas à ne pas assécher les flux d’épargne à destination de l’outre-mer, car les autres dispositifs permettant de soutenir les entreprises, en particulier ceux qui font intervenir les banques, ne donnent guère satisfaction. Mieux vaut donc, je crois, maintenir le dispositif de défiscalisation – en nous attachant à améliorer son encadrement et son contrôle – en complément du dispositif de subvention.

M. le président Jérôme Cahuzac. Avant de donner la parole à notre rapporteur spécial, j'aimerais vous poser deux questions.

La loi de finances pour 2011 a appliqué à un certain nombre de dépenses fiscales un « coup de rabot » de 10%, qui a épargné la défiscalisation en faveur du logement social, instituée par la loi pour le développement économique des outre-mer, mais qui a été appliqué au plafonnement global des niches fiscales, dont le niveau a été abaissé de 40 000 à 36 000 euros. Or, la semaine dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative relatif à la fiscalité du patrimoine, le Gouvernement a fait adopter un amendement portant ce plafond à 40 000 euros pour les investissements réalisés dans le logement social outre-mer.

On peine à comprendre les raisons de cette mesure. Le montant de la dépense fiscale évaluée pour 2010 a en effet été ramené de 110 à 20 millions d'euros, tandis que pour 2011, l’évaluation initiale s’établit à seulement 60 millions d'euros. Quelle logique peut-il y avoir, dans ce contexte de faibles dépenses fiscales, à relever le plafond de défiscalisation autorisé ? S’agit-il de protéger certains contribuables tenant à bénéficier de la défiscalisation dans ce secteur ? Si oui, lesquels ? Si non, pourquoi cette décision apparemment contradictoire avec la réalité ?

Ma deuxième question porte sur un autre amendement au collectif, que l'Assemblée a adopté contre l'avis du Gouvernement : il s’agissait de créer un fonds d’investissement de proximité. Ce « FIP-DOM » ayant été annoncé par le Président de la République, je m’explique mal que le Gouvernement s’y soit opposé…

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial sur l’outre-mer. Je commencerai par deux remarques sur la présentation et le contenu du rapport annuel de performances (RAP).

C'est sur la base des RAP que le Parlement s'assure, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, que l'autorisation budgétaire délivrée en loi de finances initiale a bien été respectée par le Gouvernement. La première information que l'on doit trouver dans le RAP est donc un exposé synthétique mais clair sur la source, l'emploi et les motifs des principaux mouvements de crédits intervenus en cours d'exécution. Or, en dépit des remarques formulées par mes soins, par le président de la Commission lorsqu'il était lui-même rapporteur spécial et par la Cour des comptes, il demeure particulièrement difficile, voire parfois impossible, de retracer avec précision ces mouvements.

Prenons l’exemple des crédits transférés en 2010, au titre du plan de relance de l'économie, en faveur du logement. Le RAP indique d’abord que ces transferts se sont élevés à 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et 29,7 millions en crédits de paiement ; mais quelques pages plus loin, il donne des chiffres différents – 19 millions d'euros en autorisations d’engagement et 11 millions en crédits de paiement. Comment s'y retrouver ?

Ma seconde remarque porte sur le dispositif de mesure de la performance du programme Conditions de vie outre-mer. Composé pour l'essentiel d'indicateurs de moyens et non de résultats, qui pour certains ne correspondent à aucune des actions du programme, il doit être revu. Il devrait notamment, comme le réclame depuis des années la Cour des comptes, comporter un volet consacré à la satisfaction de la demande de logement social, particulièrement importante outre-mer.

En espérant que ces remarques conduiront à des modifications pour l'exercice 2011, j'en viens à l’exécution 2010. J'évoquerai dans ma contribution écrite au rapport sur le projet de loi de règlement de nombreux sujets épineux, comme le montant de la dette de l'État auprès des organismes de sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations spécifiques à l'outre-mer. Aujourd’hui, je m'en tiendrai à des sujets dont l’incidence budgétaire est moindre, mais qui ont intéressé la Commission lorsqu'elle a examiné le rapport sur l’application de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), que j'ai présenté avec mon collègue Gaël Yanno.

Pour la deuxième année consécutive, l'aide au fret prévue par la LODEOM n'a pas été versée, faute de décret d'application. Destinée à abaisser le coût des « intrants » et des « extrants » afin de favoriser la transformation sur place des produits manufacturés, elle est pourtant très attendue par les acteurs économiques locaux. Pourquoi donc le décret d'application n'est-il toujours pas publié plus de deux ans après le vote de la loi ?

De même, pouvez-vous faire le point sur la mise en œuvre de la réforme de la continuité territoriale ? La publication tardive des premiers actes d'application, en novembre dernier, n'a pas permis de verser en 2010 les aides du fonds de continuité territoriale créé par la LODEOM. Qu'en sera-t-il en 2011 ?

Si nous souhaitons vous entendre également sur l’articulation entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales, c’est que, comme l’a rappelé le président, les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer sont supérieures de moitié aux crédits de paiement, soit près de 3,2 milliards d'euros. Or elles ne font l'objet d'aucune évaluation, ce que déplore une nouvelle fois la Cour des comptes dans sa note sur l'exécution du budget 2010, tout en relevant que votre administration centrale est désormais dotée d'un service chargé d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. Ma question est donc simple : comptez-vous procéder à une évaluation de l'efficacité des dépenses fiscales ? À quelle échéance et avec quels moyens ?

Cette question se pose d'autant plus que l'efficacité de certaines de ces dépenses est manifestement limitée. Le président vous a interrogée sur la défiscalisation du logement social. J’aimerais pour ma part que vous nous expliquiez comment s'articulent cette aide fiscale et la ligne budgétaire unique (LBU), support habituel du financement du logement social outre-mer.

Craignant que la défiscalisation ne se substitue à la LBU, le législateur a clairement posé qu’elle devait rester un simple complément de financement, ayant vocation à abonder la LBU, non à la remplacer. Or, dans une circulaire du 1er juin 2010, vous avez indiqué aux préfets que le recours à la défiscalisation doit conduire à une modération de la subvention, voire à une absence totale de subvention. Le rapport d'application de la LODEOM a été clair : ce n’est pas l'esprit de la loi. Nous attendons donc vos explications.

La création d'un dispositif de défiscalisation du logement social est emblématique de ce que j'appellerai la préférence pour la dépense fiscale : l'outil fiscal est très souvent mobilisé pour financer la politique de l’État outre-mer, sans qu’il soit toujours aisé de comprendre pourquoi.

Notre Commission a eu l'occasion de s'intéresser à la défiscalisation des investissements outre-mer il y a trois ans, dans le cadre de sa mission d'information sur les niches fiscales. Cette dernière a montré que la défiscalisation provoquait une certaine « évaporation fiscale ». Pour apporter un soutien de 100 à l'outre-mer, il en coûte 100 lorsque le soutien de l’État passe par une subvention, et environ 130 lorsqu'il passe par la défiscalisation. Cette « évaporation fiscale » correspond à la rémunération du contribuable sous forme de réduction d'impôt, sachant que celui-ci rémunère à son tour le cabinet de défiscalisation à l'origine du montage.

Facteur de surcoût, la défiscalisation l’est aussi de complexité, surtout lorsqu'il s'agit de financer des opérations de logement social, pour lesquelles les bailleurs avaient l'habitude de percevoir une simple subvention auprès de la direction départementale de l'équipement. Il faut en effet collecter auprès des particuliers des « capacités fiscales » et les réunir dans une société de portage, qui doit conserver l'investissement pendant cinq ans et le louer à des bailleurs sociaux auxquels elle rétrocède une partie de l'avantage fiscal acquis par les contribuables, au moyen d'une bonification des loyers. Encore n’est-ce là qu’une description très simplifiée du dispositif ! Pourquoi une telle « usine à gaz », surtout s’agissant du logement social ?

J'avais déposé, avec le président de la Commission et le rapporteur général, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 pour demander que le Gouvernement nous remette un rapport étudiant la possibilité de transformer en dotations budgétaires les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer. Adopté à l'unanimité par notre Commission, il a été rejeté en séance publique à votre demande. Comment justifiez-vous cette opposition radicale ? Quelles sont les dépenses fiscales qui pourraient selon vous être transformées en dépenses budgétaires ? Elles peuvent certes paraître moins exposées à être supprimées qu’une ligne budgétaire, mais il faut bien voir qu’elles finissent aussi par avoir un coût.

Je vous remercie d'avance pour vos réponses précises.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lors de la mission d’information que nous avons conduite il y a deux ans, nous avions mis en garde nos collègues d’outre-mer contre la transposition de montages de défiscalisation au logement social, dénonçant un miroir aux alouettes. La motivation première était en effet de réduire le montant des crédits afin de respecter la contrainte dite du « zéro volume » pour l’évolution des dépenses. Nous redoutions en outre que ce dispositif ne complique le montage des opérations de logement social – ce qui n’a pas manqué de se produire. Bref, les résultats sont décevants. La demande d’en revenir à la LBU est donc pleinement justifiée.

J’aimerais par ailleurs avoir votre point de vue, s’agissant du « dispositif Girardin », sur l’investissement sous agrément et sur agrément. L’agrément étant il est vrai une procédure assez lourde, il me semble qu’on assiste à une dérive vers le « sous agrément », qui ne débouche pas sur des investissements aussi utiles qu’on pourrait l’espérer. Pourquoi donc ne pas envisager, quitte à adopter une procédure allégée, de baisser les seuils d’agrément ?

Mme la ministre. Pour répondre à vos interrogations sur le financement du logement social, je rappellerai les termes du débat que nous avons eu au moment de la LODEOM : il s’agissait à la fois de continuer à soutenir le développement de nos économies ultramarines et de moraliser un système dont on connaissait les effets pervers – je pense notamment à l’utilisation qui a pu être faite du « dispositif Girardin ». Nous avons donc pris le parti d’orienter la défiscalisation vers le logement social tout en organisant une sortie « en sifflet » du « dispositif Girardin ». Ce choix était-il pertinent ? Je puis vous rassurer à cet égard : même si les effets ne s’en feront pas sentir immédiatement sur le nombre de logements livrés, nous avons doublé notre capacité de financement. Nous sommes en effet passés de 3 500 logements financés en 2007 à 6 500 aujourd’hui, dont plus de la moitié financés de manière mixte, c’est-à-dire à la fois par la LBU et par la défiscalisation. La défiscalisation a donc eu un effet de levier. Il faut rappeler qu’avec la LBU, nous disposions d’une enveloppe d’environ 300 millions d’euros, même si nous avons bénéficié de rallonges budgétaires. Sans la défiscalisation, nous n’aurions jamais pu financer autant de logements sociaux.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le logement social outre-mer a donc bénéficié d’une enveloppe de 300 millions d’euros au titre de la LBU ?

Mme la ministre. 274 millions d’euros exactement en 2010.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vingt millions de défiscalisation assurent donc un effet de levier sur cette enveloppe ?

Mme la ministre. Les 20 millions correspondent à des opérations de 2009. Les décrets n’étant sortis qu’en octobre, les effets se feront sentir sur le prochain budget.

Pour répondre au rapporteur spécial, il y a sans doute eu une incompréhension sur la circulaire de juin 2010. En vérité, le Gouvernement n’a jamais entendu privilégier la défiscalisation au détriment de la LBU. Nous avons rédigé une circulaire complémentaire pour lever toute ambiguïté : le financement du logement social outre-mer est assuré en premier lieu par la LBU, et en complément par le dispositif de défiscalisation – parfois par les deux ensemble. Cela nous a permis de débloquer le financement de plus de 1 000 logements fin 2010, puisque nous avons pu revoir un certain nombre de critères.

L’évaluation des dépenses fiscales faisait partie des orientations définies pour le ministère de l’outre-mer dans le cadre de la RGPP. Je rappelle que notre administration a changé, puisqu’elle est devenue délégation générale à l’outre-mer. Mais dès 2010, nous avons procédé à des contrôles a posteriori. Sur les 30 qui ont été menés auprès des entreprises, 27 ont conclu au respect des engagements pris. Nous envisageons en outre un certain nombre d’études thématiques sur la défiscalisation, concernant le logement ou encore les bateaux de plaisance. La Commission nationale d’évaluation des politiques de l’outre-mer mise en place dans le cadre de la LODEOM pourra se saisir de ces rapports pour aller plus loin dans l’encadrement de cette politique.

S’agissant de l’aide au fret, nous avons effectivement pris du retard dans la publication du décret. Il a d’abord fallu obtenir l’approbation des instances communautaires, mais la rédaction de ce texte s’est en outre révélée délicate, la situation des départements étant différente de celle des collectivités d’outre-mer. Le décret a donc été publié seulement à la fin de 2010. Néanmoins, nous avons pu en constater de premiers effets, notamment à Mayotte.

J’en viens à la continuité territoriale. Plus de 40 000 bons ont été distribués. Comme le dispositif n’était pas encadré, le Gouvernement a défini des critères sociaux afin que cette enveloppe de 45 millions d’euros bénéficie en priorité aux personnes ayant le plus besoin d’un soutien de l’État. Nous avons également tenu à nouer des partenariats avec les collectivités territoriales, sous forme de groupements d’intérêt public, dont la création est en cours. Les conventions que nous avons déjà passées permettent aux collectivités locales de compléter l’aide apportée par l’État – qui va de 170 à 240 euros par billet d’avion. C’est ce qui se fait à La Réunion et en Martinique, et se fera bientôt, je l’espère, en Guyane et en Guadeloupe.

Quant au montant de la dette de l’État auprès des organismes de sécurité sociale, question dont nous avons déjà débattu lors de la présentation du budget, je puis vous dire que nous nous attachons à le réduire. Il est vrai qu’il y a un décalage entre les besoins exprimés par les organismes et les crédits budgétaires, évalués à un moment où nous ne disposons pas encore de toutes les données, mais les chiffres du ministère sont en général justes. En tout cas, nous avons considérablement réduit cette dette en trois ans.

La décision de créer le FIP-DOM avait été prise lors du conseil interministériel de l’outre-mer. L’amendement présenté aussitôt au Sénat par le Gouvernement a été adopté, mais l’Assemblée n’a pas suivi. C’est aussi qu’entre-temps, le débat sur la réduction des dépenses fiscales avait été lancé et le Gouvernement a considéré qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à la mesure. Je me félicite néanmoins de constater une avancée sur ce point, puisque l’amendement en question a été adopté, même s’il n’est pas tout à fait identique à celui que le Gouvernement avait présenté au départ, puisqu’il est limité aux seuls résidents ultramarins.

J’en viens à la question des « sous agrément ». Lorsque le débat sur la réduction des dépenses fiscales a été lancé, j’étais très partagée entre une conception consistant à passer le rabot sur toutes et une approche niche par niche. Dans ce cadre, j’étais ouverte à l’idée d’alléger la procédure et d’abaisser le seuil de l’agrément. J’avais même été plus loin, en suggérant qu’on pourrait envisager, niche par niche, un meilleur encadrement de la dépense fiscale. J’étais en revanche très réservée sur l’idée de revenir sur la défiscalisation du logement social, considérant que c’était revenir sur les principe mêmes de la LODEOM. C’est pourquoi le Gouvernement a présenté un amendement excluant la défiscalisation du logement social du « coup de rabot ».

M. le rapporteur spécial. Selon vous, le montant des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission outre-mer ne s’établirait pas à 3,2, mais à seulement 1,4 milliard d’euros. Tous les documents officiels en notre possession, y compris les documents budgétaires, font cependant état de 3,2 milliards. Quelle explication pouvez-vous nous donner ?

Par ailleurs, votre ministère doit nous donner des explications sur cette question du logement social. Nous ne pouvons en rester à une politique menée « au doigt mouillé ». Lorsque nous avons rédigé le rapport sur l’application de la LODEOM, plusieurs DDE nous ont dit qu’il pourrait y avoir un « effet de bosse », car certains programmes de logement social qui devaient être financés en « loi Scellier » seraient finalement vendus en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) du fait de la suppression de cet avantage fiscal. Compte tenu de l’importance du logement social pour l’outre-mer, nous devons savoir si cet effet se fait sentir et quels sont les permis de construire à l’étude.

Je me suis livré à un petit calcul à partir des chiffres que vous nous avez donnés. Avec 3 500 logements construits grâce à 20 millions d’euros de défiscalisation, on arrive à 5 700 euros par logement. Je ne suis pas sûr que l’effet de levier soit aussi important… Bref, nous avons tout intérêt à savoir plus précisément ce que l’on peut attendre de ces dépenses.

Vous souhaitez vous aussi, nous avez-vous dit, savoir exactement à quoi correspond la défiscalisation et vous avez commencé votre intervention en déclarant que vous n’y étiez pas favorable « par principe ». Pourquoi donc vous êtes-vous opposée à l’amendement voté à l’unanimité par notre Commission, qui aurait permis d’y voir un peu plus clair ?

M. Alain Rodet. Il conviendrait également d’y voir clair sur les dispositifs de défiscalisation concernant les produits pétroliers. A-t-on une idée de ce qu’ils représentent au titre de la TVA ou des exonérations de TIPP ?

M. Charles de Courson. Je pensais que nous allions parler plus en détail des 3,2 milliards d’euros de dépenses fiscales – 3 172 millions exactement. La plus importante d’entre elles, qui représente près du tiers de cette somme, est le régime dérogatoire en vigueur en matière de TVA. Aucune étude n’a démontré que c’était le consommateur qui bénéficiait de ce milliard. C’est pourtant le but ! Au contraire, on entend souvent dire, notamment aux Antilles ou à La Réunion, que ces mesures servent d’abord à conforter les marges des « oligopoleurs » que sont les sociétés de distribution.

L’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC) représente quant à elle 99 millions d’euros. Là encore, est-ce vraiment le consommateur qui en bénéficie, ou cela ne va-t-il pas gonfler les marges de cet incroyable monopole que nous connaissons tous ?

Je suis par ailleurs perplexe quand je lis l’analyse des résultats des exonérations de charges sociales, qui restent il est vrai bien plus modestes que les exonérations fiscales, puisqu’elles ne représentent que 350 millions d’euros. Notre système fiscal encourage t-il au travail et à l’investissement, ou à la consommation et à l’absence de travail ? L’écart entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises d’outre-mer exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance global de l’emploi salarié outre-mer s’établit à moins 2 % en 2010. L’emploi croît donc moins vite dans les entreprises exonérées de cotisations sociales que dans celles qui ne le sont pas… En revanche, si l’on rapporte ce même taux à celui des entreprises analogues de métropole, l’écart serait cette fois positif…

Mme la ministre. Dans les 3,2 milliards de dépenses fiscales dont vous parlez, monsieur le rapporteur spécial, 1,8 milliard correspondent au différentiel de TVA et à l’exonération de la TIPP. Mais on oublie de dire qu’à la TVA s’ajoute l’octroi de mer. La dépense fiscale correspondant au différentiel de TVA s’analyse donc comme un transfert au bénéfice des collectivités d’outre-mer ; elle ne peut être considérée comme un soutien à l’investissement ou à l’économie.

De même, il n’y a pas d’exonération de TIPP, puisque la TIPP n’existe pas en outre-mer. Il existe en revanche une taxe sur les carburants, qui constitue une part non négligeable des recettes des collectivités.

M. Charles de Courson. Pardonnez-moi, mais l’exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants figure en toutes lettres à la page 70 du RAP pour 99 millions.

Mme la ministre. Comprenez-moi bien : l’entrepreneur paye l’octroi de mer et la taxe sur les carburants. Que le produit des taxes revienne à l’État ou à la collectivité, la charge est la même pour lui. Il faut donc retenir ce qui correspond au soutien à l’investissement, soit 1,4 milliard. Les entreprises ne bénéficient pas de marges considérables du fait des taux de TVA plus bas qu’en métropole.

Je le rappelle, le ministère de l’outre-mer n’est pleinement en charge de l’évaluation des politiques publiques que depuis 2010. Je compte cependant bien revoir les critères de performance. Je ne suis en effet pas sûre que ceux qui ont été retenus soient les bons indicateurs pour mesurer l’efficience des politiques. Ainsi, les exonérations de charges permettent dans bien des cas de maintenir l’emploi, donc d’éviter une hausse du taux de chômage qui se répercuterait immanquablement sur d’autres dispositifs – RSA, aides aux familles…

Permettez-moi, pour finir, de préciser ma pensée. Je ne suis pas pour la défiscalisation à tout prix. Simplement, je considère que c’est un bon outil pour l’outre-mer : dès lors que son utilisation est encadrée et contrôlée, elle permet de soutenir des économies qui souffrent de handicaps structurels considérables. J’ai bien sûr conscience que la réflexion menée aujourd’hui par le Gouvernement et par votre Commission sur la maîtrise de la dépense fiscale doit s’y appliquer – c’est d’ailleurs la seule façon de préserver cet outil. La dépense budgétaire ne pourrait cependant pas prendre le relais : pour gérer 12 685 dossiers d’agrément, il faudrait des services et des fonctionnaires en plus – bref, on ne ferait guère d’économies ! C’est donc par pragmatisme que je soutiens la défiscalisation. Elle a permis de relancer la croissance et de créer des emplois. Sans elle, ce n’est pas un taux de chômage de 27 % que nous aurions outre-mer, mais de plus de 40 %, avec toutes les tensions sociales que cela induit.

M. Michel Diefenbacher, président. Madame la ministre, nous vous remercions.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 15 juin 2011 à 11 h 30

Présents. - M. Claude Bartolone, M. Jérôme Cahuzac, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Nicolas Forissier, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Mancel, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Nicolas Perruchot, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Michel Bouvard, M. Alain Claeys, M. Richard Dell'Agnola, M. François Goulard, M. Jean-François Lamour, M. Victorin Lurel, Mme Françoise de Salvador

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