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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 27 septembre 2011

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 105

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, sur le rapport public thématique de la Cour des comptes concernant l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique

–  Présences en réunion

La Commission entend M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, sur le rapport public thématique de la Cour des comptes concernant l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique.

M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission. Chers collègues, nous entendons maintenant M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, sur l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique, sur le rapport public thématique que la Cour des comptes a consacré à cette question. L’audition précédente nous a permis d’apprendre que ce travail avait été souhaité par le président Philippe Séguin afin de permettre à la Cour d’évaluer la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure (LOPSI).

L’audition du président Jean-Pierre Bayle a été l’occasion de revenir sur les principales conclusions de la Cour des comptes et sur la méthode suivie. Avec vous, monsieur le ministre, nous souhaiterions débattre des enseignements tirés par le Gouvernement du diagnostic sans complaisance posé par la Cour et des orientations que vous entendez donner à votre politique pour y répondre.

M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je me réjouis, monsieur le président, de voir la représentation nationale manifester un tel intérêt pour la noble mission qu’est l’amélioration de la sécurité des Français, et vous remercie d’avoir accepté de reporter d’une semaine cette audition.

Je regrette cependant que la Cour ait limité son analyse à la période 2002-2009, au risque de faire une lecture politique des efforts accomplis en matière de réorganisation, risque auquel elle a malheureusement succombé, comme chacun a pu le constater. Il me semble que cette étude aurait gagné à porter sur un temps un peu plus long, d’autant que le rapport ne consacre en réalité qu’une place très modeste au bilan de la LOPSI.

Analyser l’état des lieux en 2002 aurait pourtant permis de révéler l’importante rupture qui s’est opérée à cette date : la délinquance, qui avait augmenté de 17 % entre 1997 et 2002, a baissé de 17 % entre 2002 et 2010, alors que la population française s’accroissait de plus de 3 millions.

Le chapitre consacré au pilotage des forces de sécurité de l’État appelle quelques remarques de ma part. Certes, les imperfections de l’état 4001 ne sont pas contestables : c’est d’ailleurs ce qui a motivé la mise en place de nouveaux outils d’analyse, conformément aux préconisations du rapport parlementaire Caresche-Pandraud, issu des travaux conjoints de la majorité et de l’opposition. L’évolution de la délinquance est désormais analysée au travers de quatre agrégats plus homogènes, puisque l’agrégat de délinquance générale, qui totalise les 107 rubriques de l’état 4001, couvre sans doute un champ trop large. En outre, c’est désormais un observatoire indépendant qui établit les statistiques en matière de sécurité.

Si tout peut toujours être amélioré, je rappelle que l’outil statistique de mesure de l’activité des services et la méthode d’enregistrement sont identiques depuis 1972. Cet indicateur, qui suscite peu de critiques, constitue un outil de mesure fiable auquel les enquêtes de victimation ne sauraient se substituer. En tout état de cause, l’Observatoire national de la délinquance va bientôt livrer les résultats de sa dernière enquête de victimation.

Il faut rappeler par ailleurs que le taux d’élucidation des affaires criminelles et délictuelles est passé de 26 % en 2002 à plus de 37 % en 2009, soit une augmentation de 40 % en dix ans. Autre élément permettant de qualifier le pilotage des services et de mesurer la motivation de la police nationale : le nombre des infractions révélées par l’activité des services a augmenté de près de 50 %.

En d’autres termes, vouloir limiter la baisse globale de la délinquance à « l’amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols et les effractions » est un raccourci d’autant plus excessif qu’il n’est assorti d’aucun élément de démonstration. En tout état de cause, une politique de sécurité est une politique globale : au sein du ministère, je me suis toujours efforcé de favoriser l’amélioration des dispositifs antivol des véhicules et l’équipement des logements en systèmes anti-effraction parce que ces dispositifs concourent à la sécurité générale.

Dans un chapitre intitulé « Le défi de la baisse des moyens », la Cour critique l’évolution des effectifs des forces de sécurité. Ma réponse sera très claire : le 31 décembre 2001, les effectifs étaient de 239 898 agents ; à la fin de l’année 2010, on comptait 241 647 policiers et gendarmes, soit une augmentation de 1 749 agents. En 2011, compte tenu des recrutements de gendarmes adjoints volontaires et d’adjoints de sécurité autorisés par le Premier ministre, l’augmentation restera d’environ 1 700 agents. Parallèlement, le recours aux réservistes de la police et de la gendarmerie a également crû pour atteindre un potentiel opérationnel supplémentaire de 2 200 emplois. La participation des forces de sécurité au rétablissement des finances publiques n’a donc pas effacé les efforts antérieurs. C’est d’autant moins le cas que le Gouvernement a eu le souci d’optimiser l’utilisation de ces effectifs.

Ainsi, la réforme des forces mobiles découle de l’analyse que, la France étant désormais une démocratie pacifiée, on pouvait affecter moins d’effectifs au maintien de l’ordre et davantage à la sécurité quotidienne. En conséquence, les effectifs des compagnies républicaines de sécurité ont été réduits et une quinzaine d’escadrons de gendarmerie mobile seront fermés à terme, ce qui permettra de réaffecter environ 1 500 gendarmes à la gendarmerie départementale.

Le Gouvernement a eu, en outre, la volonté de recentrer les forces de sécurité sur leur cœur de métier. Cette action de longue haleine se poursuit. La prise en charge progressive, région par région, par le ministère de la Justice et par l’administration pénitentiaire, des transfèrements judiciaires des détenus, laquelle se traduit d’ailleurs par des suppressions d’emplois au ministère de l’Intérieur, en est un exemple.

La réforme de la police d’agglomération, entamée à Paris depuis plusieurs années, et qui est en train de se mettre en place dans les agglomérations de Lille, Lyon, Marseille et Bordeaux, participe de cette même logique d’optimisation des moyens disponibles. Depuis cette réforme, par exemple, ce sont les moyens de la préfecture de police qui sont mobilisés pour assurer la sécurité des manifestations, sportives ou autres, qui ont lieu au Stade de France, alors qu’auparavant le département de la Seine-Saint-Denis devait se « saigner » de 300 fonctionnaires de police pour assurer cette tâche, au détriment de missions pourtant prioritaires de sécurité quotidienne. Nous ne sommes pas voués à avoir des effectifs immuables.

J’en viens aux difficultés de la gestion des ressources humaines relevées par la Cour.

Il est pour le moins excessif de parler, sans autre considération, d’« une toujours faible présence sur la voie publique », pour reprendre l’intitulé d’un chapitre du rapport, d’autant que la Cour elle-même relève que cette celle-ci s’est accrue de 10 % en quatre ans. Cette progression s’est poursuivie au cours du premier semestre de 2011.

Par ailleurs, on ne peut pas, comme le fait la Cour, indiquer un taux d’occupation de la voie publique à un instant déterminé, sans le rapporter aux modalités du métier de police. Comme vous le savez, l’exercice de ce métier est permanent : la police travaille de jour comme de nuit, tout au long de l’année, jours fériés compris. En outre, il faut 7 policiers pour tenir un poste. En tenant compte de ces éléments, on peut dire que de 35 à 40 % des policiers se consacrent à la voie publique, sachant qu’ils assurent bien d’autres missions, notamment judiciaires.

La priorité accordée depuis plusieurs années par le ministère à la présence sur la voie publique a largement contribué à faire baisser les chiffres de la délinquance. Si je continue dans cette voie, c’est parce que je suis convaincu qu’en matière de sécurité publique, après l’impératif de faire reculer la délinquance – depuis 2002, chaque année voit celle-ci refluer, et nous travaillons à ce qu’il en soit encore ainsi en 2011 – ; il y a celui de rassurer nos concitoyens par une présence policière.

C’est tout le sens de la création, au mois de juillet, des « patrouilleurs de la police nationale ». Je veux d’emblée prévenir toute confusion avec la police de proximité, en dépit de leur présence commune sur la voie publique. Les missions sont tout à fait différentes. Agissant au sein d’un groupe de deux, voire de trois fonctionnaires, le patrouilleur de la police nationale est avant tout un policier en uniforme qui, s’il assume une fonction préventive et dissuasive, garde une fonction répressive, d’autant que la présence sur la voie publique multiplie les occasions de constatations de flagrance. Je présenterai en octobre un premier bilan du dispositif, mais les premiers résultats dont je dispose sont d’ores et déjà encourageants. Les éléments recueillis pour le mois de juillet font apparaître une augmentation de 5 % du nombre global de patrouilles et de 50 % du nombre de patrouilles pédestres. Ils montrent par ailleurs l’incidence de ce dispositif sur certains types de délinquance, notamment la délinquance la plus quotidienne, et notamment les incivilités : réduction du nombre des algarades, des graffitis, etc.

Le rapport préconise ensuite de réformer l’organisation des services, oubliant les initiatives majeures de ces dernières années en la matière, qui auraient pu être davantage mises en lumière. Ainsi, tirant la conséquence de la prépondérance des missions de sécurité générale de la gendarmerie au regard de ses missions militaires – soit 5 % de ses activités globales –, le Gouvernement a, dès 2002, décidé son rattachement fonctionnel au ministère de l’Intérieur. Le rattachement organique, consacré par la loi du 3 août 2009, a ouvert la deuxième phase de ce mouvement. Cette réforme a donné de très bons résultats, en raison de complémentarités évidentes, et c’est avec plaisir que j’ai pris connaissance des conclusions très positives du rapport parlementaire de Mme Escoffier et de M. Moyne-Bressand.

Je pourrais également citer la création des communautés de brigades pour la gendarmerie nationale, dispositif bien connu des élus que vous êtes.

Cet après-midi encore, en réponse à une question d’actualité, je soulignais l’importance du rôle joué par les polices municipales. Je tiens cependant à rappeler que leur création et leur organisation relèvent de la compétence des maires. Je conteste l’interprétation des rapporteurs, selon laquelle la création de ces polices traduirait un recul des missions assurées par la police d’État en matière de surveillance générale de l’espace public : les initiatives locales viennent compléter l’action de la police et de la gendarmerie nationales, elles ne s’y substituent pas. Un décret actuellement en cours d’élaboration, qui devra être soumis à l’examen du Conseil d’État, après avis de la Commission nationale consultative sur la police municipale, doit d’ailleurs réorganiser les conventions de coopération liant les maires au représentant de l’État afin d’harmoniser les interventions des uns et des autres.

Je comprends mal, par ailleurs, que les rapporteurs de la Cour mettent en doute l’efficacité des dispositifs de vidéosurveillance. Il suffit de visiter un centre de vidéoprotection pour mesurer l’apport de ce dispositif à la sécurité générale, que ce soit à titre préventif ou au stade de l’enquête judiciaire. Tous les policiers sont convaincus de la grande utilité de tels équipements. Je me souviens qu’il y a quelques semaines, les auteurs d’une agression qui avait eu lieu dans une gare un samedi étaient tous arrêtés le lundi suivant grâce à un tel dispositif. C’est pourquoi je suis décidé à poursuivre la politique du ministère d’aide à l’équipement partout sur le territoire, en mobilisant à cette fin le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), conformément au souhait des élus.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je me permettrai d’apporter ma modeste contribution de maire d’une commune de 25 000 habitants, qui a équipé une partie de son centre-ville d’un dispositif de vidéoprotection. Je ne l’ai fait qu’après avoir obtenu de Mme Alliot-Marie que la police nationale coopère à la gestion du système, ce que tous ses prédécesseurs m’avaient refusé, je ne sais pourquoi. Ce système s’est révélé d’une grande efficacité les premières années, sur le plan de la prévention, et en permettant aux interventions des forces de sécurité publique de gagner en précocité, et au taux d’élucidation d’augmenter.

Mais l’effet s’épuise depuis que les moyens dont disposait le commissariat ont été réduits. Ainsi, passé vingt heures, celui-ci ne dispose que de quatre fonctionnaires, pour un bassin de vie de 30 000 habitants. Je crains que faute de moyens, la vidéoprotection ne produise plus les résultats qu’on aurait pu en attendre.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial pour la mission Sécurité. Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre, lors de l’audition du président Bayle, que la Cour des comptes ne contestait pas le fait que l’état 4001 avait enregistré une baisse de la délinquance depuis 2002 : ce qu’elle conteste, c’est la fiabilité de cet indicateur, auquel elle reproche à la fois d’être partiel et de réunir des éléments trop hétérogènes. Faut-il renoncer à disposer d’un indicateur global, seul à même de permettre une appréciation politique de l’efficacité des politiques de sécurité ?

Deuxièmement, comment analysez-vous l’amélioration tout fait remarquable du taux d’élucidation depuis une dizaine d’années, phénomène auquel la Cour consacre à peine une vingtaine de lignes sur près de 250 pages ? Comment peut-on encore améliorer ce résultat ?

Troisièmement, la Cour se livre à une stigmatisation injuste de la « culture du résultat », qui lui semble affecter l’activité des services, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, présenté comme une « variable d’ajustement » des objectifs chiffrés de la politique de sécurité. Pourriez-vous nous préciser quelles sont les instructions qui sont données aux services de la sécurité publique et de la police judiciaire en matière de lutte contre la délinquance ?

D’importants gains de productivité étaient nécessaires du fait de l’instauration des 35 heures, non compensée à l’origine, et de la réduction des effectifs. C’est ce qui a motivé l’ensemble des mesures de modernisation des méthodes, de restructuration des services et de redéploiement des personnels que vous nous avez exposées. Quel a été l’impact de cette politique sur la présence des forces de sécurité sur la voie publique : celles-ci y sont-elles plus ou moins présentes qu’il y a une dizaine d’années ? Les suppressions d’emplois intervenues depuis 2007 ont-elles été compensées par une amélioration de la productivité des services ?

M. le ministre. J’ai noté que la Cour ne contestait pas les chiffres du ministère dans leur globalité, mais qu’elle évoquait des résultats « contrastés ». Je m’élève contre la présentation qu’elle en donne, en prétendant que le recul des atteintes aux biens est compensé par l’augmentation « d’amplitude presque équivalente » des atteintes aux personnes. En effet, ces dernières ne représentent que 13 % de l’ensemble de la délinquance. Il convient en outre de distinguer parmi celles-ci entre les atteintes de caractère crapuleux et celles qui ont été commises dans le cercle familial ou amical. Chacun sait combien il est difficile d’intervenir dans la sphère familiale. Le ministère travaille d’ailleurs à une meilleure prise en compte de cette délinquance, notamment en facilitant le dépôt de plainte, afin que nous puissions la traiter. En revanche, les atteintes aux personnes à caractère crapuleux ont diminué de 10 % depuis 2002.

Je reconnais avec vous, monsieur le rapporteur spécial, la nécessité de conserver un indicateur unique de la délinquance pour évaluer les résultats de la politique de sécurité.

Il est vrai que le taux d’élucidation a connu une amélioration remarquable, due au développement de la police scientifique et technique, et à une meilleure diffusion dans les services de la culture de la preuve, aux dépens de la culture de l’aveu, traditionnelle en France en matière d’investigation judiciaire. Cette politique doit être poursuivie, notamment du fait de la rénovation du régime de la garde à vue. On ne peut nier en effet que cette réforme ait entraîné une baisse du nombre des mises en cause et du taux d’élucidation.

Vous m’interrogez sur la culture du résultat. Le nombre des infractions révélées par l’activité de la police, qui est passé de moins de 200 000 en 2002 à plus de 290 000 en 2009, prouve que l’initiative policière progresse de façon très significative. En mars, quelques jours après ma prise de fonctions, j’ai donné instruction à l’ensemble des directeurs départementaux de la sécurité publique et des commandants de groupements de gendarmerie d’intensifier cette action, quelle que soit son incidence sur le nombre répertorié de faits de délinquance. Reste qu’il y a parfois des arbitrages difficiles. En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, par exemple, les chefs doivent parfois choisir entre l’objectif de démantèlement des réseaux et celui de la diminution de la consommation.

Les effectifs des forces de sécurité ne sont pas en baisse par rapport à l’année 2002. Le vote de la LOPSI a permis d’augmenter ces effectifs, et en dépit de la baisse qui a suivi, dans un objectif de maîtrise de la dépense publique, il y a toujours 1 700 gendarmes et policiers de plus.

Quant à la présence des forces de sécurité sur la voie publique, elle continue de progresser, la Cour le reconnaît elle-même. Cette progression a été rendue possible par une meilleure productivité des services et par un redéploiement des effectifs au bénéfice de missions considérées comme plus prioritaires, comme la présence sur la voie publique.

M. Bernard Carayon. Comment la Cour des comptes peut-elle parler de résultats « contrastés », alors que nous observons depuis plusieurs années une baisse globale de la délinquance et de l’insécurité, une présence accrue des forces de sécurité sur la voie publique et une augmentation du taux d’élucidation des crimes et des délits ? Je m’interroge sur les raisons qui ont poussé une formation de la Cour à émettre un jugement aussi contraire à tout ce que nous avons pu constater, d’autant que l’outil statistique n’a pas varié depuis 1972.

En outre, le pilotage de l’Observatoire national de la délinquance a été confié à Alain Bauer, personnalité parfaitement indépendante, dont personne ne remet en cause l’autorité scientifique.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui fait sourire même le ministre !

M. le ministre. Vous ne savez pas pourquoi je souriais !

M. Bernard Carayon. La question du temps de travail des forces de sécurité est un problème ancien. De quels outils disposez-vous pour améliorer la disponibilité opérationnelle des forces de sécurité, et pour rapprocher la disponibilité de la police nationale de celle de la gendarmerie ?

On s’étonne aussi de la défiance exprimée dans le rapport à l’égard de la vidéosurveillance, alors que celle-ci a progressé partout dans le monde, preuve de son efficacité : les étrangers ne sont pas plus irrationnels que nous ! Ne pourrions-nous pas disposer du rapport coordonné par l’inspection générale de l’administration, consacré à l’impact de la vidéosurveillance sur la délinquance ? D’une manière générale ne faudrait-il pas – je pose la question à notre président – mettre systématiquement à notre disposition les rapports de l’IGA sur le fonctionnement des organisations ?

En prônant de nouvelles modalités de contrôle de la police municipale, la Cour semble oublier que celle-ci relève de la compétence du maire. La remettre en cause reviendrait à fouler aux pieds le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Quelle appréciation portez-vous sur cette proposition d’une formation de la Cour des comptes, qui ne semble pas avoir tiré toutes les conséquences des lois de décentralisation ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Ce rapport n’est pas le travail d’une formation de la Cour, mais de la Cour elle-même.

Mme Delphine Batho. J’ai vraiment l’impression, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vous menez un combat d’arrière-garde en contestant les conclusions du rapport, alors que l’échec de la politique de sécurité menée depuis 2002 est patent. Il s’agit maintenant de savoir si vous comptez tenir compte des recommandations de la Cour des comptes, ce rapport pouvant aussi être lu comme la « feuille de route » d’une autre politique de sécurité.

Quelle est aujourd’hui la priorité de votre politique de lutte contre l’insécurité, car on peine à en dégager une parmi les 48 objectifs prioritaires et les innombrables circulaires dont vous bombardez les policiers ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour réduire les inégalités qui affectent la répartition des effectifs sur le territoire ? Comptez-vous en finir avec ce fameux « taux d’élucidation », comme l’Observatoire national de la délinquance le préconise ? Quel bilan tirez-vous de l’expérimentation du transfert de la mission de transfèrement au ministère de la Justice, qui devait permettre de dégager des marges de manœuvre au sein du ministère de l’Intérieur – il semble que l’opération ne soit pas concluante ?

Vous prétendez que les suppressions des postes créés par la LOPSI n’ont pas eu d’impact sur les capacités opérationnelles des forces de police et de gendarmerie, alors qu’en juin le directeur général de la Police nationale et celui de la Gendarmerie nationale nous disaient ici-même exactement l’inverse. Selon M. Frédéric Péchenard, la poursuite de la RGPP compromettrait sévèrement les capacités opérationnelles des services. Que pensez-vous de cette déclaration faite par le DGPN devant notre commission des Finances ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je reviendrai d’un mot sur votre réponse à M. Estrosi, lors de la séance des questions au Gouvernement, car je veux souligner la qualité exceptionnelle des rapports que la police de proximité avait su nouer avec les citoyens, imposant une autre image de la police, et le travail de renseignement qu’elle avait accompli, en coopération avec les autorités locales.

Je vous livre à présent une question à laquelle les magistrats financiers n’ont pas su répondre : comment justifier qu’on compte un policier pour 325 habitants au Raincy, où l’on constate annuellement moins de 80 faits délictueux pour 1 000 habitants, contre un policier pour 319 habitants à Saint-Denis, pour un nombre de faits deux fois plus important, et un policier pour 460 habitants à Montreuil ?

M. le ministre. Monsieur Carayon, vous savez que les gendarmes ont un statut militaire et vivent en caserne, même si leur vie, comme celle de leurs familles, y est plus agréable que par le passé. Le fait, qui n’est pas sans conséquences sur leur disponibilité, doit être pris en compte dans l’organisation des services. Dès 2002, pour encaisser le choc des 35 heures, qui ont supprimé 8 000 emplois, nous avons obligé certains services à racheter les RTT, et nous en avons encouragé d’autres à le faire. Pour que près de 5 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie se trouvent sur le territoire pendant ce trimestre, je propose aux fonctionnaires de police et de gendarmerie d’effectuer des heures supplémentaires. Le dispositif intéresse davantage les premiers que les seconds, peut-être en raison de l’organisation différente de leur travail. Par ailleurs, nous poursuivons de façon structurelle la lutte contre les tâches indues, comme la rédaction de multiples rapports administratifs. Les policiers se concentrent ainsi sur leur cœur de métier, ce qui leur permet d’effectuer des tâches prioritaires.

Vous demandez quels sont les éléments qui ont poussé la Cour des comptes à juger notre bilan « contrasté ». À mon sens, les résultats sont extrêmement positifs. Comment parler d’échec, comme Mme Batho, puisque la délinquance recule et que le taux d’élucidation augmente ? Je ne vois aucune objection à mettre à la disposition de la Commission les rapports d’inspection générale, dès lors qu’ils ne sont pas à caractère disciplinaire et qu’ils portent sur l’organisation des services. Ils sont d’autant plus intéressants qu’ils sont indépendants, comme en témoigne l’analyse sans appel du bilan de la police de proximité, rédigée sous un gouvernement socialiste.

Madame Batho, vous avez présenté la Cour des comptes comme une juridiction, mais ce n’est pas à ce titre qu’elle intervient dans ce débat. C’est pourquoi je me permets de formuler certaines observations. En outre, si respectable qu’elle soit, et bien qu’elle prévoie des procédures contradictoires et des délibérés, elle n’en est pas moins faillible, comme le montrent certaines erreurs de fait ou d’analyse qui figurent dans le rapport. D’ailleurs, même quand elle est dans son rôle juridictionnel, ses décisions peuvent faire l’objet d’un appel devant le Conseil d’État.

En matière de lutte contre l’insécurité, nos priorités, qui peuvent se modifier avec le temps, portent avant tout sur la réduction des faits les plus graves, comme les homicides, qui ont pratiquement diminué de moitié en quelques années. Elles dépendent également de l’actualité. En ce moment, je suis préoccupé par l’augmentation des cambriolages des lieux d’habitation, signalée il y a quelques jours dans Le Monde. Nous allons dédier des moyens spécifiques pour enrayer cette forme de délinquance. Peut-être m’accusera-t-on encore de stigmatiser une population, mais, pour traiter un sujet, il faut savoir de quoi on parle : cette délinquance est en grande partie imputable à des ressortissants de l’Europe de l’Est. Récemment, ont été interpellés en Alsace vingt-trois cambrioleurs appartenant à un vaste réseau agissant en France comme en Allemagne. Ils venaient de différents pays d’Europe de l’Est, qui se trouvent pour la plupart dans la Communauté européenne, ce qui permet à leurs citoyens de circuler librement. Au sein du Conseil « Justice et affaires intérieures », je proposerai une coopération étroite entre les États pour éviter que de telles pratiques ne se développent.

Mme Batho comme M. Brard ont plaidé pour le principe d’égalité entre villes. On peut toujours se livrer à des calculs pour dénoncer les écarts par rapport à la moyenne, mais chaque ville a sa particularité comme son histoire. En outre, si le rapport de la Cour des comptes signale que certaines petites communes bénéficient d’un taux d’encadrement policier supérieur à celui de villes importantes, il ne propose pas de le réduire. Un commissariat obéit à une logique de fonctionnement, qui suppose des services de structure et un personnel dédié à l’accueil ou à la radio. De plus, les charges varient selon les villes. Certaines ont un tribunal. Le statut de capitale impose à Paris des contraintes importantes. Le calcul de la dotation des villes doit prendre en compte, outre les effectifs de circonscription, les services généraux, les services spécialisés et les unités départementales qui peuvent intervenir ponctuellement. Le problème est donc plus complexe qu’on ne le dit généralement.

La nouvelle mission de la justice sur les transfèrements n’en est encore qu’au stade de l’expérimentation, puisqu’elle n’est à l’œuvre que depuis quelques semaines. Compte tenu des transferts d’effectifs, police et gendarmerie ont dû immédiatement prêter main forte à la justice, qui peinait à s’acquitter de sa mission, en partie pour des raisons structurelles. En effet, elle a créé des services spécialisés, alors que ceux de la police et de la gendarmerie, à vocation généraliste, peuvent s’acquitter de plusieurs tâches.

En m’interrogeant sur l’impact des effectifs sur l’efficacité des forces, peut-être cherche-t-on à me mettre en contradiction avec les déclarations des deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie. Je considère, ce dont la presse s’est fait l’écho, qu’après 2012 il sera difficile de réduire encore les effectifs, à moins d’entreprendre des réformes de structure considérables. Pour l’heure, l’efficacité n’a pas été entamée, la délinquance continue de diminuer et le taux d’élucidation progresse. Au dire même de la Cour des comptes, la présence des forces sur la voie publique est en augmentation.

M. Brard a eu raison de souligner la qualité des rapports que la police de proximité avait noués avec les citoyens mais, dans mon esprit, le premier objectif d’une politique de sécurité est de faire reculer la criminalité.

Mme Chantal Brunel. La féminisation des effectifs de police, qui facilite sans doute le traitement des violences faites aux femmes ou intrafamiliales, entraîne-t-elle des modifications dans la gestion des personnels ? Occasionne-t-elle un coût supplémentaire ?

Afin d’alléger la tâche du personnel dans les commissariats, pourquoi ne pas mettre à la disposition des plaignants des fiches qu’ils pourraient remplir eux-mêmes ?

Pourquoi la Cour des comptes pose-t-elle le problème de la formation et de l’habilitation des personnels en matière de vidéoprotection, alors que celle-ci s’exerce sous le contrôle du préfet et de la police nationale ?

Les policiers nommés dès leur sortie de l’École dans la seconde couronne de la région parisienne demandent souvent leur mutation au bout de deux ou trois ans. Comment fidéliser, sur ces territoires sensibles, le personnel qui possède l’expérience du terrain ?

Enfin, la lutte contre le trafic de stupéfiants, que la Cour des comptes présente, à mon grand étonnement, comme une priorité récente de la police nationale, est-elle compatible avec la dépénalisation du cannabis, en faveur de laquelle plaident certains de nos collègues ?

M. Jérôme Chartier. Comme l’a relevé M. le ministre, les conclusions de la Cour des comptes, quelle que soit la rigueur de ses magistrats, peuvent être débattues, surtout si elles tiennent à un certain manque d’information.

L’analyse que fait la Cour des comptes de la vidéosurveillance, étayée par très peu d’éléments chiffrés, reflète un point de vue tout aussi subjectif que celui du président de la Commission. Elle se fonde essentiellement sur l’étude What Criminologists and Others Studying Cameras Have Found, de l’American Civil Liberties Union (ACLU), lobby de défense des libertés individuelles, hostile à la vidéosurveillance. Pourquoi la Cour n’a-t-elle pas cherché d’autres études défendant la thèse inverse ? Cela lui aurait permis de montrer davantage de prudence avant de remettre en cause le travail de l’Inspection générale de la police nationale, ainsi que la mise en place conjointe par l’État et les collectivités territoriales des caméras et des centres de surveillance urbaine.

M. Jean-Michel Fourgous. En ce début de période électorale, certains candidats promettent de recruter des fonctionnaires. Notre pays, qui occupe à cet égard le premier rang de l’Union européenne, décrochera-t-il bientôt le record mondial, alors que la dépense publique représente déjà 57 % du PIB ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Le chiffre exact est 54,9 %, soit un point de moins que l’an dernier, mais quatre points de plus qu’en 2001, ce qui est en effet considérable.

M. Jean-Michel Fourgous. Alors que Mme Aubry promet de doubler le budget de la culture, M. Hollande s’engage à offrir 70 000 postes dans l’éducation nationale. Il estime en outre que la suppression de 66 000 postes ne rapportera à l’État que 250 millions d’euros, ce qui prouve qu’il se trompe d’un à dix sur le montant de la rémunération d’un enseignant !

M. le président Jérôme Cahuzac. M. Guéant n’est pas ministre de l’éducation nationale !

M. Jean-Michel Fourgous. M. Hollande finira-t-il par découvrir que son conseil général est le plus endetté – donc le plus mal géré – de France ? Il faudrait qu’il suive une formation à la gestion s’il veut prendre en main le budget de l’État.

Mme Chantal Brunel. On est loin du rapport de la Cour des comptes !

M. Jean-Michel Fourgous. J’en viens à ma question : quel coût réel représente le recrutement de 10 000 policiers supplémentaires ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis attachée à la présence, sur le territoire national, de la police et de la gendarmerie. Quel est votre sentiment sur la coexistence de ces deux forces de sécurité ? Quel bilan tirez-vous des redéploiements territoriaux qu’elles ont effectués depuis 2002 ? À l’heure où Mme Batho fustige le prétendu échec de notre politique de sécurité, quelles perspectives offrirait la fermeture, envisagée par le parti socialiste, de 138 commissariats, notamment dans les départements ruraux ? Enfin, quelles améliorations a permis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur ?

M. Claude Bartolone. Quelle est l’effectivité de la politique de sécurité, notamment en matière de pilotage ? C’est de plus en plus au niveau de chaque direction départementale de la sécurité publique (DDSP) que sont définies les orientations des directions centrales de la sécurité publique (DCSP). En outre, la liste des 48 actions prioritaires est si complète qu’il serait plus simple d’indiquer celles qui ne le sont pas !

La baisse globale enregistrée par les statistiques entre 2002 et 2009 résulte essentiellement du recul de deux catégories d’infraction – les vols liés à l’automobile, et la destruction ou dégradation des biens privés –, lequel tient en partie à l’amélioration par les constructeurs d’automobiles de dispositifs techniques de protection contre le vol et les effractions. Quelle part en revient respectivement à la police et à la gendarmerie ?

Certains personnels ont été transférés en Seine-Saint-Denis, notamment au Stade de France. Une cinquantaine de postes ont glissé de Paris à la Seine-Saint-Denis, notamment pour la surveillance des réseaux ferrés. D’autres ont été pourvus grâce à la rotation des CRS. On a du mal à s’y retrouver. Il semble que seuls 50 postes nouveaux aient été apportés, contre 300 annoncés. J’ai régulièrement interrogé le Gouvernement sur la réalité de l’effort consenti pour le département. Le point mérite d’être éclairci, d’autant que toute action ciblée entraîne un report de la criminalité sur un autre secteur. Ainsi, la lutte contre le trafic de drogue se traduit immédiatement par une augmentation des vols à la portière, des cambriolages ou des actes commis à la sortie des établissements scolaires.

Par ailleurs, le département de Seine-Saint-Denis possède les commissaires les plus jeunes et le taux d’encadrement le plus réduit de France. Comment rendre leur action plus efficace ? J’ai signalé au préfet de police que les commissaires de plusieurs municipalités, dont Noisy-le-Grand et Aulnay, avaient demandé qu’on achète des véhicules. On sait que la durée moyenne d’utilisation des véhicules est de treize ans. Croyez-vous que la charte de bonne conduite, qui vient d’être adressée à tous les fonctionnaires de police, suffira à prolonger la vie de véhicules à bout de souffle ?

M. Patrice Verchère. Je regrette que le rapport de la Cour des comptes mentionne à peine certains dispositifs spécifiques qui ont amélioré l’efficacité des forces de l’ordre. C’est le cas du plan de développement d’une police technique et scientifique de masse, à laquelle l’opposition a toujours été hostile, mais qui s’avère très efficace pour arrêter délinquants et criminels. Quel bilan tirez-vous de la mise en place de la police d’agglomération et de la création des comités de brigade pour la gendarmerie ?

M. Christian Estrosi. S’il est normal que la Cour des comptes contrôle les politiques publiques, je trouve pour le moins baroque qu’elle se prononce sur leur efficacité avec autant de partialité, surtout quand on sait que les chiffres de la délinquance diminuent et que le taux d’élucidation augmente.

Comment l’auteur du rapport ose-t-il écrire que la coordination entre la police nationale et la police municipale est « une forme de recul de l’État » ? Puisque l’indépendance de M. Bauer a été mise en cause, je me permets de m’interroger sur celle du rapporteur de la Cour des comptes, ancien maire socialiste, qui était encore récemment en charge des questions de service public au Parti socialiste.

Si la responsabilité régalienne de la police appartient à l’État, notre pays admet le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Près de 3 500 maires choisissent de se doter d’une police municipale qualifiée, dont les agents sont soumis à des examens réguliers, dont l’armement doit être agréé par le préfet du département et dont l’entraînement s’effectue sous le contrôle de la police nationale et des magistrats. En quoi la coordination de l’action de la police nationale, de la gendarmerie et de la police municipale marquerait-elle un « recul de l’État » ? La Cour a-t-elle seulement observé que le taux d’élucidation de la police municipale est de 100 %, puisqu’elle n’intervient qu’en cas de flagrant délit ?

Dans ma commune, j’ai déjà installé, avec l’aide du ministère de l’Intérieur, 380 caméras de vidéosurveillance. Elles seront bientôt 450, soit une pour 300 habitants. Le centre de supervision a été élaboré par un pôle de compétitivité, et la place de chaque caméra décidée par une commission organisée autour du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), sous le contrôle de la police nationale, afin de prioriser les lieux les plus criminogènes. Le dispositif a été validé dans le cadre de conventions élaborées entre la collectivité et les services de l’État. Qu’arriverait-il si l’on supprimait les 21 000 policiers municipaux, qui représentent 11 % des effectifs de sécurité intérieure et font de la police municipale la troisième force de sécurité du pays, aux côtés de la police et de la gendarmerie ?

Enfin, la Cour des comptes, qui se fonde sur les chiffres des chambres régionales des comptes, ne fait pas état du satisfecit total que celle de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a décerné au contrôle opéré par la police municipale de ma ville et à son système de vidéosurveillance. N’est-ce pas la preuve qu’elle a cherché à orienter le rapport ? Un tel manque d’objectivité me choque de la part d’une institution de contrôle qui devrait être neutre.

M. Philippe Goujon. Certaines lacunes ou erreurs du rapport ont étonné ceux qui s’intéressent aux questions de sécurité. Il se concentre sur la question des effectifs, sans mentionner que la loi des 35 heures a supprimé en équivalents temps plein 8 000 postes de policiers. Il ignore également les mesures qui, depuis dix ans, ont permis d’optimiser la disponibilité opérationnelle des effectifs sur le terrain. Le Gouvernement a mis en place des mesures sur lesquelles ses prédécesseurs avaient buté : rapprochement de la police et de la gendarmerie, implantation des commissariats ou des gendarmeries sur le territoire, mutualisation, réduction des charges indues.

Sur le réseau RATP-SNCF, la vidéoprotection, avec près de 10 000 caméras, et l’action de la police régionale des transports ont permis une diminution spectaculaire de la délinquance dans les réseaux ferrés souterrains et les autobus. La vidéoprotection sera bientôt en œuvre sur la voie publique à Paris. Je regrette que la Cour ne préconise pas la mutualisation, puisqu’on pourrait l’installer dans les ensembles immobiliers sensibles si les bailleurs sociaux intervenaient dans le dispositif « 2 000 caméras », que l’État finance entièrement.

L’action de la police d’agglomération, qui produit d’excellents résultats, invite à dépasser la question du ratio de policiers par ville, puisque ses forces se déplacent dans Paris et trois départements de la petite couronne. Elles effectuent par exemple le suivi des bandes qui n’était possible auparavant qu’au prix d’une coordination difficile entre les préfets. Le dispositif est particulièrement efficace à Paris, où près de 60 % de la délinquance sont le fait de non-résidents. Il serait plus sage de l’étendre à Lyon, Marseille et Bordeaux, plutôt que d’envisager, comme le font certains candidats, de supprimer purement et simplement la préfecture de police !

M. le président Jérôme Cahuzac. Depuis la réforme de 2008, que la majorité a votée à l’unanimité, l’article 47-2 de la Constitution assigne à la Cour des comptes le soin d’assister le Parlement « dans l’évaluation des politiques publiques », et de contribuer par ses rapports publics à l’information des citoyens. Dès lors, monsieur Estrosi, on ne saurait trouver « baroque » qu’elle joue ce rôle.

M. le ministre. Mme Batho m’a invité à détailler, à partir des propositions de la Cour des comptes, la feuille de route du Gouvernement en matière de sécurité. Un logiciel unique à la police et à la gendarmerie pour le dépôt des plaintes, envisagé depuis longtemps, sera opérationnel en 2012. Le rapport de la Cour des comptes contient certes des propositions intéressantes, mais il n’a pas la valeur stratégique que certains lui prêtent. Ainsi, il préconise de « joindre à l’arrêté préfectoral d’autorisation des systèmes de surveillance de la voie publique la liste nominative, ou au moins fonctionnelle, des personnes habilitées à visionner les images, régulièrement tenue à jour en fonction des mouvements de personnels au sein des services concernés », ce qui est manifestement une mesure de détail.

Madame Brunel, 25 % des effectifs de police et 15 % de ceux de la gendarmerie sont composées de femmes. Il y a quelques jours, j’ai rencontré une femme commandant une compagnie républicaine de sécurité et une autre commandant un escadron de gendarmerie. De même, le responsable du service de sécurité de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine est une femme, particulièrement respectée.

Pour faciliter le dépôt des plaintes, nous mettons en œuvre une procédure en ligne, qui sera opérationnelle l’an prochain mais, d’ores et déjà, le système de la pré-plainte permet d’envoyer en ligne certaines informations aux services de police, qui se chargeront de l’enregistrer officiellement.

La fidélisation des forces de police dans la région parisienne est un problème lancinant. Dans les corps d’application comme dans l’encadrement, les effectifs sont trop jeunes et ne restent pas longtemps sur place. Certains efforts, encore insuffisants, ont été consentis. Une prime est versée aux agents qui s’engagent à rester cinq ans dans la région. Un concours national à vocation régionale est régulièrement organisé au profit de la région parisienne, où les candidats doivent s’engager à travailler huit ans. Enfin, des mesures ont été prises afin d’améliorer les logements.

Monsieur Chartier, vous regrettez l’absence, dans le rapport, de données scientifiques sur la vidéo-protection. L’Inspection générale de l’administration de la police et de la gendarmerie nationales pourrait réaliser sur le sujet une étude quantifiée, qu’elle mettrait à la disposition du Parlement. Je ne doute pas que ses conclusions seraient très positives.

Monsieur Fourgous, le coût de 10 000 recrutements dans la police représente 400 millions d’euros par an, soit 25 milliards pour l’ensemble de la carrière des intéressés.

Madame Dalloz, 64 modifications de compétence territoriale sont intervenues dans un premier temps pour redéployer les forces de la police et de la gendarmerie. D’autres ont suivi. Chaque fois, en dépit de l’inquiétude des élus et, dans une moindre mesure, de la population, le service a été satisfaisant. Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur a eu des conséquences très positives, notamment sur la mutualisation des moyens. Des ateliers de réparation automobiles sont devenus communs à la police et à la gendarmerie, ce qui facilite des économies d’échelle et des économies opérationnelles en fonction des sites d’implantation des ateliers. Les communautés de brigades permettent d’optimiser les moyens disponibles, tout en garantissant la qualité et la rapidité des interventions.

Vous venez du Jura. Quand j’avais le bonheur d’exercer en Franche-Comté, à l’époque où Jean-Pierre Chevènement nous incitait à réorganiser les forces de gendarmerie, je butais toujours sur le fait que la brigade de Pierrefontaine-les-Varans, dans le Doubs, devait assurer une permanence, quand bien même elle ne recevait en moyenne qu’un usager par semaine. Les forces effectuent désormais des patrouilles, ce qui a permis de les regrouper.

Monsieur Bartolone, si vous souhaitez connaître les effectifs de manière non seulement globale mais aussi détaillée dans la Seine-Saint-Denis, je vous invite à formuler votre demande par écrit.

M’étant rendu sur le terrain, dès ma prise de fonctions, pour voir ce qu’il en était de la sécurité dans les transports, j’ai décidé de renforcer de 300 fonctionnaires le service régional de la police des transports, et invité la SNCF et la RATP à faire de même. La moitié du contrat de la SNCF sera réalisée à la fin de l’année, quand la RATP est encore à la traîne. Le tiers des 300 fonctionnaires en renfort de la police nationale a été fourni par une compagnie républicaine de sécurité, tant il est difficile de modifier les affectations en cours d’année.

Vous posez également la question du pilotage. Le principe d’une animation centrale des services est essentiel. De même, on ne comprendrait pas que l’administration générale des impôts ne fixe pas d’objectifs à ses services départementaux en leur recommandant de se concentrer sur tel ou tel type de fraude. Cela dit, les responsabilités sont largement déconcentrées, puisque les directeurs départementaux ajustent leurs priorités à la réalité des situations.

L’âge moyen des véhicules de la police est de 4,06 ans. En 2012, nous consentirons un effort particulier en faveur des équipements automobiles de la police et de la gendarmerie, en augmentant de 70 % le nombre de véhicules achetés, ce qui représente un total de 100 millions d’euros. Priorité sera donnée aux véhicules sérigraphiés, afin d’augmenter la visibilité des forces sur le terrain.

Monsieur Verchère, l’extension de la police d’agglomération est effective à Lyon depuis le 1er août. Nous continuerons par ailleurs à développer la police technique et scientifique.

Monsieur Estrosi, le rôle des polices municipales est essentiel dans la production générale de sécurité, qui est l’œuvre de tous, et à laquelle contribue la prévention comme la solidarité entre les communautés de voisinage. Désormais, le Gouvernement pourra se référer à la décision du Conseil constitutionnel du 10 mars dernier sur la « LOPPSI 2 », afin d’optimiser les moyens des polices municipales.

Monsieur Goujon, la police d’agglomération traite non seulement le problème particulier des bandes, mais aussi le trafic de stupéfiants. Dans la région parisienne comme dans les villes de Lyon, Marseille ou Bordeaux, qui connaissent un brassage quotidien de population, on ne peut traiter la délinquance qu’au niveau de l’agglomération. C’est également le cas dans les transports. On déplorait encore récemment que la compétence des policiers du métro s’arrête à la frontière départementale – par exemple, au pont de Neuilly.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu aussi précisément à nos questions. Nous y avons été très sensibles.

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 27 septembre 2011 à 18 h 30

Présents. - M. Dominique Baert, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Bernard Carayon, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Jean-Yves Cousin, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Georges Ginesta, M. Jean-François Lamour, M. Marc Le Fur, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Jean-Claude Mathis, Mme Isabelle Vasseur

Excusés. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Alain Claeys, M. Patrice Martin-Lalande, M. Henri Nayrou, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - M. Jean Auclair, Mme Delphine Batho, M. Éric Ciotti, M. Philippe Goujon, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Patrice Verchère

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