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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jeudi 27 octobre 2011

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Yves Censi, Vice-Président, et de M. Michel Diefenbacher, Secrétaire

–  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775) :

Examen et vote sur les crédits des missions :

– Outre-mer (M. Claude Bartolone, Rapporteur spécial)

– Médias, livre et industries culturelles ; sur les comptes spéciaux Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, Avances à l’audiovisuel public (M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial)

– Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante (M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial)

– Aide publique au développement ; sur les comptes spéciaux Prêts à des États étrangers, Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique (M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial)

– Travail et emploi

– Politiques du travail et de l’emploi, et sur l’article 62, rattaché (Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale)

– Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ; sur le compte spécial Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, et sur l’article 63, rattaché (M. Christian Eckert, Rapporteur spécial)

–  Présences en réunion

La Commission examine d’abord, sur le rapport de M. Claude Bartolone, les crédits de la mission Outre-mer.

Le président Yves Censi. Nous poursuivons aujourd’hui l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012. Nous entendrons successivement six de nos rapporteurs spéciaux : MM. Claude Bartolone, Patrice Martin-Lalande, Laurent Hénart, Henri Emmanuelli, Mme Chantal Brunel et M. Christian Eckert. L’ordre du jour étant chargé, j’appelle chacun à la concision.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial sur les crédits de l’outre-mer. Les crédits de la mission Outre-mer, que j’ai l’honneur de rapporter devant vous, représentent à peine plus de 15 % de l’effort budgétaire de l’État en faveur des collectivités ultramarines.

Le document de politique transversale, qui n’a pas encore été remis au Parlement, devrait en effet recenser environ 13 milliards d’euros de crédits budgétaires et de prélèvements sur recettes au profit des collectivités ultramarines.

Si l’on ajoute les dépenses fiscales, la part des crédits de la mission dans l’effort global de l’État chute à 12,5 %. Avec près de trois milliards d’euros prévus pour 2012, les dépenses fiscales sont près d’une fois et demie supérieures aux crédits budgétaires.

Le projet de loi de finances pour 2012 propose une nouvelle fois de modifier de manière substantielle certaines de ces dépenses fiscales :

– d’une part en supprimant l’abattement d’un tiers dont bénéficient, pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés, les résultats réalisés dans les départements d’outre-mer ;

– d’autre part en soumettant à un nouveau « coup de rabot » de 10 % les réductions d’impôt sur le revenu auxquelles ouvre droit la réalisation d’investissements locatifs ou productifs outre-mer, selon le régime dit « Girardin ».

Je suis loin d’être par principe favorable à la dépense fiscale, mais il faudrait veiller à ne pas réduire le soutien de l’État à l’outre-mer, dans un contexte de crise économique et de tension sociale, en particulier à Mayotte. Si vous le souhaitez, nous pourrons revenir sur la situation de Mayotte au cours de la discussion.

À dépense publique constante, ce soutien pourrait être accru en substituant à certaines dépenses fiscales des dépenses budgétaires. Je pense en particulier aux dispositifs Girardin, caractérisés par une évaporation fiscale constatée par la commission des Finances dans son rapport d’information sur les niches fiscales de 2008, et confirmée par le récent rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

En dépit des critiques qui lui sont faites, le Gouvernement manifeste une sorte de préférence pour la dépense fiscale. C’est ainsi que la loi pour le développement économique des outre-mer – la LODEOM – du 27 mai 2009 a créé, sur le modèle du Girardin, un dispositif de défiscalisation du logement social, jusqu’alors essentiellement financé par la ligne budgétaire unique. Dans son rapport rendu public à la fin du mois d’août, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a confirmé, je le cite, « qu’en matière de logement social […], le mécanisme de défiscalisation renchérit en général d’environ un tiers le coût d’une opération pour l’État par rapport à un financement sur crédits budgétaires ».

Par ailleurs, le rapport d’application de la LODEOM – que j’ai rédigé avec notre collègue Gaël Yanno – a montré que le Gouvernement semblait concevoir la défiscalisation comme une alternative à la ligne budgétaire unique (LBU), alors que le Parlement a clairement manifesté son intention lors de l’examen du texte : la défiscalisation doit servir de complément à la LBU, sans s’y substituer. Dans une circulaire du 1er juin 2010, la ministre de l’Outre-mer avait eu une lecture à notre sens contra legem des dispositions de la LODEOM.

À l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement pour 2010, la commission des Finances a donc auditionné la ministre chargée de l’Outre-mer, en particulier au sujet de la défiscalisation du logement social. Cette audition n’ayant pas permis de répondre à l’ensemble des questions soulevées, j’ai décidé de réaliser un contrôle sur pièces et sur place. Je me suis rendu, les 13 et 14 septembre derniers, au bureau des agréments et rescrits de la direction générale des Finances publiques d’une part, à la délégation générale à l’Outre-mer d’autre part. Je dois dire que ce contrôle n’a pas permis de lever tous les doutes.

Un nouveau courrier a été adressé aux préfets des départements d’outre-mer, afin de revenir sur l’interprétation de la loi par la circulaire du 1er juin 2010. Mais, ainsi que le détaille le projet de rapport qui vous a été distribué, certains passages de ce courrier restent ambigus, tandis que le projet annuel de performances indique que, je le cite, « dans la plupart des cas, l’apport de la défiscalisation est insuffisant et nécessite l’octroi d’une subvention complémentaire », comme si la ligne budgétaire unique était complémentaire de la défiscalisation.

Le contrôle sur place m’a également permis de constater qu’il n’existe pas réellement d’outil de suivi permettant de savoir combien de logements construits et exploités dans les conditions prévues par la loi ont bénéficié de la défiscalisation. Ce n’est que dans plusieurs années, et au prix de recoupements complexes, que pourra éventuellement être mesuré l’effet du dispositif sur la construction de logements sociaux.

Pour l’heure, l’optimisme du ministère de l’Outre-mer sur l’efficacité du dispositif repose sur un indicateur dont la fiabilité ne manquera pas de vous interpeller. Il s’agit du nombre de dossiers financés, un dossier étant considéré comme financé lorsque, après avoir obtenu l’accord de principe de l’administration au titre de la ligne budgétaire unique, l’opérateur de logement social dépose une demande d’aide au titre de la défiscalisation. La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais tout se passe comme si, après avoir déposé une demande de prêt bancaire pour acheter un appartement, un particulier présentait son projet d’acquisition comme financé…Je pense que nous aurons l’occasion de débattre en séance de cette définition.

Après ce détour par les dépenses fiscales, j’en viens aux crédits de la mission.

Ces crédits s’élèveraient en 2012 à 2,18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression de respectivement 1,1 et 2,7 % par rapport à 2011.

S’agissant du programme Emploi outre-mer, je souhaite insister sur deux points.

Il faut tout d’abord remarquer que la dette de l’État à l’égard des organismes sociaux, au titre de la compensation des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer, est en voie de résorption. Mais l’efficacité du dispositif reste encore à démontrer, l’évolution de l’emploi ayant été encore plus mauvaise dans les entreprises exonérées que dans celles qui ne le sont pas.

La loi pour le développement économique des outre-mer a créé une aide au fret, dont le versement est intervenu pour la première fois en 2011, le Gouvernement ayant mis plus de 18 mois à publier le décret d’application. Mais cette aide, dont la pertinence économique n’est pas certaine, peine à trouver son public. À tel point que sera désormais financée sur la même ligne – mais sans augmentation des crédits – l’aide à la rénovation hôtelière, également créée par la loi pour le développement économique des outre-mer. Les quelque 27 millions d’euros initialement destinés à l’aide au fret seraient en pratique minorés des 3 à 4 millions que pourrait coûter l’aide à la rénovation hôtelière.

Le programme Conditions de vie outre-mer, assez composite, rassemble en son sein de nombreux dispositifs. Je souhaite dire un mot de certaines de ses actions.

L’action Logement finance notamment, au moyen de la ligne budgétaire unique, la construction de logements sociaux. Ayant déjà évoqué ce sujet, je n’y reviens pas.

Cette action finance également la politique de résorption de l’habitat insalubre. Je tiens ici à saluer le travail de notre collègue Serge Letchimy, qui est notamment à l’initiative de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, qui offre de nouveaux outils en matière de résorption de l’habitat insalubre.

L’action Aménagement du territoire finance pour l’essentiel les dispositifs contractuels entre l’État et les collectivités ultramarines. Depuis 2011, elle finance également les travaux de trois commissaires au développement endogène. Je renouvelle mon scepticisme sur le rôle de ces commissaires, sachant que la loi pour le développement économique des outre-mer avait précisément pour objet de renforcer le développement endogène de l’outre-mer. Je vous signale au passage que selon les informations que j’ai pu recueillir, la rémunération de chacun des commissaires serait de 180 000 euros nets par an, soit 15 000 euros nets par mois.

L’action Continuité territoriale finance le nouveau fonds de continuité territoriale, mis en place par la LODEOM et dont les actes d’application ont enfin été pris.

L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, très disparate, pourrait être utilement ventilée dans d’autres missions du budget général.

Enfin, c’est depuis l’action Collectivités territoriales qu’est financé le nouveau dispositif d’aide à la reconversion de l’économie polynésienne, qui remplace depuis la loi de finances pour 2011 la dotation globale de développement économique, critiquée par les Rapporteurs spéciaux successifs pour son défaut de transparence.

Faute de recul suffisant, il n’est pour l’heure pas possible de dresser un bilan de cette réforme. Le moment venu, il conviendra de le faire.

Pour conclure, je m’abstiendrai sur le vote des crédits de la mission Outre-mer, m’en remettant à la sagesse de la Commission.

M. Bernard Lesterlin. Je voudrais solliciter votre avis sur certains programmes et sur certaines actions de la mission, faute d’avoir pu interroger hier la ministre à leur sujet, le président ayant levé la séance de la commission des Lois de manière précipitée. Le service militaire adapté se développe dans nos territoires, car il apporte des réponses efficaces à la situation de chômage des jeunes et à la pression démographique. À propos de l’action n° 2 Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle du programme Emploi outre-mer, n’est-il pas préoccupant de voir repousser à 2014 le doublement des effectifs qui y sont affectés ?

Votre analyse de l’action n° 3 Continuité territoriale ne mentionne pas les charges indues supportées par le conseil général de Mayotte. Ce département demeure pourtant créancier de l’État, à cause de la ligne de partage floue qui était tracée avant la départementalisation entre ses attributions et celles de l’État. La mise en œuvre de l’action n° 7 Insertion économique et coopération régionales ne met à mon sens pas assez l’accent sur les possibilités d’une action conjointe avec les Comores, en particulier entre Mayotte et Anjouan, pour tenter de maîtriser les flux migratoires. Je me demande enfin si le fonds exceptionnel d’investissement qui fait l’objet de l’action n° 8 est suffisamment abondé pour faire face à la crise de l’emploi à Mayotte grâce à une accélération de l’investissement public.

M. Jean-Louis Dumont. Tout le monde connaît la situation difficile du logement social outre-mer. Les mesures annoncées et prises ont conduit à un échec. Les crédits correspondants étaient naguère rattachés à la mission Logement. Leur imputation sur la mission Outre-mer n’a pas apporté d’amélioration visible. Par ailleurs, les crédits de l’Agence française de développement servent d’après mes informations au financement de dizaines de milliers de logements dans les territoires ultra-marins. Je compte interroger notre rapporteur spécial de l’Aide publique au développement, M. Henri Emmanuelli, sur ce sujet. Mais pouvez-vous déjà nous faire part de votre sentiment devant l’inertie actuelle ?

M. Alain Rodet. Notre collègue Bernard Lesterlin s’est inquiété des mouvements migratoires non maîtrisés entre Anjouan et Mayotte. Mais qu’en est-il des mouvements qui s’opèrent entre Mayotte et la métropole ? Comment se répartissent nos compatriotes mahorais en métropole ? Lorsque leur concentration en un point du territoire est excessive, cela peut nuire à leur intégration.

M. Hervé Novelli. Le dispositif de suivi de la performance fait défaut pour évaluer la défiscalisation en outre-mer. Comment son efficacité pourrait-elle être mesurée ? Je relève à cet égard que le projet de rapport laisse entendre que le financement budgétaire direct pourrait être plus efficace.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Monsieur Lesterlin, le Président de la République a annoncé pour 2012 le doublement des effectifs affectés au service militaire adapté, qui donne en effet de bons résultats. Le nombre d’équivalents-temps-plein-travaillé qui y sont déjà consacrés est tout de même important et permet de constater que l’outil est adapté à la situation des territoires ultra-marins. Le champ du rapport spécial ne recouvre pas la question des charges indues supportées par Mayotte, ni le sujet de la coopération régionale avec les Comores, mais ces points pourront faire l’objet d’un débat avec la ministre. Si le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer est un outil intéressant pour Mayotte, la première urgence semble être la question du coût de la vie, sur laquelle le médiateur désigné par le Gouvernement fera demain un premier rapport. Les images qui nous viennent de Mayotte ne peuvent en attendant que susciter l’inquiétude.

Monsieur Dumont, les besoins de financement du logement sont sans conteste importants outre-mer. Le financement actuel est complexe. Je peine à comprendre comment s’articulent la ligne budgétaire unique et la défiscalisation, même après mes contacts avec les services du ministère du Budget. Les difficultés de compréhension sont, sur ce sujet, assez largement partagées.

Monsieur Novelli, les indicateurs n’existent pas pour mesurer la performance des dépenses fiscales. Même pour les services, il serait pourtant utile de pouvoir démontrer la pertinence des outils mis en œuvre. Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches fiscales l’a tenté. Mais les effets des dispositifs sont extrêmement difficiles à mesurer. S’agissant de la défiscalisation du logement social, plusieurs années seront nécessaires pour avoir véritablement du recul.

Monsieur Rodet, il vaudra la peine de poser à la ministre les questions que vous soulevez à propos des liens entre Mayotte et les Comores. Mon expérience de la question des mineurs isolés en Seine-Saint-Denis m’a appris que Mayotte rencontrait de sérieuses difficultés pour leur accueil, ce qui n’est pas sans impact financier pour le département.

M. Michel Diefenbacher. Au cours de l’examen du projet de loi pour le développement économique des outre-mer, nous avions exprimé notre inquiétude à l’idée que le dispositif de défiscalisation, que certains d’entre nous jugeaient inadapté, n’entraîne une suppression de la ligne budgétaire unique. Toutes tendances politiques confondues, la représentation nationale a consacré dans un article de la loi le principe selon lequel la dépense budgétaire doit rester le premier mode de financement du logement social outre-mer.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Ce point, que nous avons déjà abordé, méritera d’être approfondi. Des circulaires reprennent le contenu de la loi quant à l’articulation des deux dispositifs. Mais des doutes subsistent sur le fait que le recours à la ligne budgétaire unique est prioritaire, dans toutes les opérations, par rapport à la défiscalisation, conçue pourtant comme un simple complément.

Le président Yves Censi. M. le rapporteur spécial, émettez-vous un avis favorable au vote des crédits de la mission Outre-mer ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. Comme je l’ai dit, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

L’avis du rapporteur spécial entendu, la commission adopte les crédits de la mission Outre-mer.

*

* *

La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Patrice Martin-Lalande, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, les comptes spéciaux Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et Avances à l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Je m’attacherai d’abord à détailler l’évolution des financements prévus pour 2012 au titre de la politique publique des médias, avant d’aborder deux questions plus thématiques mais non sans lien, vous l’aurez deviné, avec la gestion de nos finances publiques.

S’agissant des financements publics prévus pour 2012, le projet de loi de finances pour 2012 propose d’inscrire à la mission Médias, livre et industries culturelles 1 268  millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 288 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de plus de 12 % pour les premières, et de plus de 11 % pour les seconds par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2011.

Une telle évolution témoigne non seulement de la participation de la mission à l’effort de modération de la dépense publique, mais également de l’achèvement de plusieurs dossiers majeurs qui auront fortement mobilisé les crédits publics au cours des exercices précédents. Ainsi, 2012 verra notamment :

– la fin du soutien public au basculement vers la diffusion tout numérique ;

– la décroissance des crédits en faveur de la presse, suite à l’achèvement de l’aide triennale 2009-2011 exceptionnelle décidée à l’issue des États généraux de la presse écrite ;

– et une diminution des investissements nécessaires à la constitution de l’audiovisuel extérieur de la France, lequel va entrer dans son rythme de croisière.

En dehors de ces évolutions, prévues et anticipées, les crédits dédiés à la politique publique des médias, du livre et des industries culturelles sont donc relativement préservés. À cet égard, la diminution observée au niveau de la mission dans son ensemble reflète surtout les évolutions que je viens de rappeler et ne doit donc pas masquer la réalité d’une préservation responsable des financements pour 2012. Les crédits du programme 180 Presse atteindraient 385,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 390,3 millions d’euros en crédits de paiement (CP), en diminution de près de 8,5 % en AE et de 7 % en CP par rapport aux montants votés en loi de finances initiale pour 2011.

Si les crédits alloués à l’AFP au titre des abonnements que l’État souscrit et des charges de service public qui incombent à l’Agence sont préservés et en ligne avec les engagements des pouvoirs publics (117,5 millions d’euros, soit + 1,8 % par rapport à 2011), les aides à la presse connaîtraient une diminution substantielle mais logique et anticipée, puisque 2011 constituait la dernière année du soutien exceptionnel au secteur. J’y reviendrai plus loin. Diminuant de 12,3 % en AE et de 10,4 % en CP, les crédits afférents atteindraient ainsi 268,3 millions d’euros pour les premières et 272,8 millions d’euros pour les seconds.

La diminution des crédits de paiement du programme 334 Livre et industries culturelles – de 9,5 % en CP à près de 275 millions d’euros – s’expliquent aisément : d’une part le coût de la « Carte Musique jeune », inscrit à ce programme l’an dernier, a été entièrement financé en 2011 ; d’autre part les financements antérieurement alloués aux organismes relevant de la politique cinématographique patrimoniale sont désormais pris en charge par le Centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la mission Culture.

Le programme 313 Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique connaîtrait une réduction importante de ses crédits de 9,75 % en AE et de 9,5 % en CP. Cette décroissance est uniquement due à la fin de l’effort public consenti en préparation du basculement à la diffusion tout numérique, lequel doit s’opérer le 30 novembre prochain. À ce titre, il convient de saluer l’action résolue des pouvoirs publics et du GIP France Télé Numérique, qui ont permis un passage au tout numérique sans problème majeur et dans un temps record.

Autre action financée par ce programme, le soutien à l’expression radiophonique locale verrait ses crédits  sanctuarisés, à hauteur de 29 millions d’euros.

Enfin, les crédits de l’action France Télévisions bénéficieraient d’une revalorisation substantielle de 13,8 % par rapport 2011, et s’établiraient à 433,9 millions d’euros. Je reviendrai sur ce sujet par la suite.

Enfin, les moyens budgétaires dédiés à l’audiovisuel extérieur au titre du programme 115 seraient en diminution de 27,3 % et atteindraient 150,1 millions d’euros. Toutefois, il convient de tenir compte du financement global de l’AEF (crédits budgétaires et contribution à l’audiovisuel public) : au total la baisse atteint alors 3,5 %. En tout état de cause, une telle évolution est conforme au passage de l’AEF en rythme de croisière après les investissements importants consentis les années précédentes au titre de sa montée en charge.

Outre l’achèvement de la réforme avec la fusion juridique de toutes les composantes de l’AEF, il conviendra qu’un COM soit enfin signé entre la société et la tutelle. Toujours annoncé, il est sans cesse repoussé depuis trois ans. Les négociations sont en bonne voie – du moins veut-on le croire – et devraient aboutir pour 2012. Il est toutefois vrai que la mise en place de l’AEF s’est révélée particulièrement complexe au niveau organisationnel, financier et social, la direction et sa tutelle ayant dû mener à bien plusieurs réformes délicates qu’il convenait d’achever avant la conclusion du COM, sauf à faire de cet instrument essentiel une coquille vide sans portée réelle.

Comme vous le savez, l’audiovisuel public français est très majoritairement financé par le produit de la contribution à l’audiovisuel public – la CAP –, héritière de la redevance audiovisuelle.

Le montant total de la CAP atteindrait 3 290,4 millions d’euros en 2012, soit une augmentation de 2,1 %. Indexé sur le taux d’inflation – estimé à 1,75 % par le présent projet de loi de finances –, le montant unitaire de la CAP s’établit à 125 euros pour la métropole et 80 euros outre-mer.

Au titre de la CAP :

– ARTE-France bénéficierait de 270,2 millions d’euros, une dotation en hausse de 7,3 %, nécessaire pour mettre en œuvre ses orientations stratégiques, avec notamment la refonte globale de ses grilles de programmes en 2012 afin de reconquérir son audience ;

– le groupe Radio France serait doté de 629,7 millions d’euros, soit une croissance de 3,8 %, conforme aux prévisions du COM lui permettant de poursuivre ses investissements, en particulier le chantier de réhabilitation de la Maison de Radio France ;

– l’Institut national de l’audiovisuel enregistrerait une hausse de 2,1 % de la part de CAP qui lui est attribuée, soit 93,9 millions d’euros au total.

Comme vous le savez, deux sociétés bénéficient d’un financement public mixte : France Télévisions et la société de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF). De fait, en tenant compte de l’ensemble des ressources publiques qui leur sont allouées, leur financement public total s’élèverait :

– pour France Télévisions : à 2 570,2 millions d’euros, en progression de 1,3 % par rapport à 2011 (soit 2 126,3 millions d’euros de CAP et 443,9 millions d’euros de crédits budgétaires) ;

– pour l’AEF : à 320,3 millions d’euros, en diminution de près de 3,5 % par rapport à 2011 (soit 170,2 millions d’euros de CAP et 150,1 millions d’euros de dotation budgétaire).

Au-delà de ces développements strictement budgétaires, je souhaiterais maintenant aborder deux questions spécifiques : celle des aides à la presse ; et celle du financement de France Télévisions.

Pour ce qui concerne les aides à la presse, si 2011 constituait bien la dernière année du soutien triennal exceptionnel à la presse, force est de constater que l’effort public en direction du secteur demeure très important.

Si la décroissance des crédits pour 2012 est certaine, plus de 10 % sur le programme Presse, il n’en demeure pas moins que le montant global des aides publiques reste largement supérieur au niveau qui était le sien en 2008, avant la réunion des États généraux de la presse écrite et la mise en œuvre de leurs préconisations. Je rappelle qu’en LFI 2008, seuls 170 millions d’euros figuraient à ce programme. Avec 272 millions d’euros, la dotation pour 2012 reste donc de 60 % supérieure à cette base.

Conscient qu’il était impossible d’opérer un rebasage « sec » des aides à la presse à niveau équivalent au montant alloué avant le soutien exceptionnel triennal, je tiens toutefois à rappeler que l’effort public particulièrement soutenu accordé depuis 2009 n’est que transitoire, qu’il a clairement été présenté comme tel par les pouvoirs publics et accepté comme tel par les professionnels du secteur, et que les fortes revalorisations opérées ces trois dernières années sur les dispositifs d’aide ne sauraient se transformer en une dotation structurelle et pérenne à ce même niveau.

S’il est effectivement légitime d’opérer une décroissance progressive du soutien, il n’en demeure pas moins que la perspective reste, à terme, un retour à un niveau d’aide plus modeste, conformément aux décisions prises dans le cadre des EGPE et qui avaient souligné le caractère nécessairement temporaire de la hausse des dotations.

Par ailleurs, je tiens à rappeler des positions que j’ai eu l’occasion de réaffirmer à plusieurs reprises : il était indispensable de procéder à une remise à plat du système très hétérogène d’aides publiques afin de les réorienter de manière efficace vers les dispositifs les plus innovants, les plus porteurs, et les plus aptes à faire émerger la presse de demain.

En outre, le nécessaire effort public en faveur de la presse ne saurait être consenti sans contrepartie. Eu égard au soutien public massif dont il bénéficie, le secteur a une obligation de résultats et c’est avant tout aux professionnels qui le composent qu’il revient de prendre leurs responsabilités afin de faire émerger un modèle de long terme.

À cet égard, les conclusions successivement rendues par MM. Aldo Cardoso et Roch-Olivier Maistre sur la gouvernance et l’efficacité des aides à la presse sont particulièrement pertinentes : outre le deux volets précités, elles portent notamment sur la clarification des dispositifs, et sur la mise en œuvre d’un principe de contractualisation entre l’État et les bénéficiaires de soutiens, afin que chaque euro public alloué soit un euro utile.

La mise en œuvre concrète de ces préconisations relève du domaine réglementaire. Toutefois, le présent projet de loi de finances en prend d’ores et déjà acte, via notamment le resserrement et la clarification du système d’aides, avec l’inscription d’un fonds stratégique unique pour le développement de la presse en lieu et place de trois fonds préexistants.

Pour ce qui concerne le financement de France Télévisions, les documents budgétaires indiquent que, « compte tenu de la bonne tenue des recettes publicitaires sur l’année 2011, la trajectoire financière annexée au COM 2011-2015 prévoit un moindre versement de l’État à l’entreprise de 28 millions d’euros en 2011 ».

Ce moindre versement de 28 millions d’euros se veut donc neutre pour le groupe, dont les surplus de recettes commerciales doivent couvrir ce rebasage de la dotation.

Toutefois, cette réfaction s’avère en réalité bénéfique pour l’entreprise : neutralisée pour 2011, elle se transforme en report de même hauteur pour 2012, puisque le présent projet de loi de finances propose de majorer de 28 millions d’euros la dotation publique allouée à France Télévisions.

Considérant qu’un tel report n’est, pour l’heure, justifié par aucune nécessité tendant à la compensation de moindres recettes publicitaires pour 2012, je proposerai, avec le Rapporteur général, de supprimer cette disposition par amendement à l’article 39 du projet de loi de finances, lequel autorise des reports de crédits pour 10 programmes relevant de 7 missions différentes.

Je me permets de rappeler que, bien qu’effectivement prévus par le plan d’affaires de la société, ces 28 millions d’euros ne représentent que 1,1 % des ressources publiques totales du groupe.

De fait, dans le cadre de la constitution de l’entreprise unique et des synergies qu’elle permet, France Télévisions doit pouvoir être en mesure de dégager en interne les marges de manœuvre et les gains de productivité nécessaires pour absorber sans dommages une telle mesure. En outre, une telle suppression rendrait l’entreprise solidaire des efforts de réduction de la dépense publique auxquels l’ensemble de la sphère publique doit participer.

Enfin, si de telles sommes ont bien été intégrées par l’entreprise dans le cadre de sa trajectoire de financement, il convient de rappeler que c’est le Parlement qui accorde au Gouvernement l’autorisation – et non l’obligation – de dépenser. Il lui est par conséquent toujours loisible de réduire, le cas échéant, une dotation budgétaire, quand bien même un niveau supérieur de financement aurait été anticipé par le bénéficiaire de celle-ci, et quand bien même la tutelle aurait avalisé ce montant. Si tel n’était pas le cas, le Parlement serait otage d’anticipations et de négociations menées ex ante et se contenterait d’être une simple chambre d’enregistrement, ce qui serait contraire aux exigences démocratiques les plus élémentaires.

Il faut également rappeler que, sur le deux exercices précédents, France Télévisions aura enregistré des surplus de recettes publicitaires qui ne s’étaient pas traduits par une minoration à due concurrence des crédits budgétaires versés. Ainsi, en 2009, alors que le groupe anticipait 260 millions d’euros de recettes publicitaires, 404,9 millions d’euros auront été réalisés, soit près de 145 millions d’euros de surplus. Pour autant, l’entreprise avait conservé la quasi-totalité de sa dotation budgétaire. En effet, l’État n’avait opéré qu’une légère réfaction de 35 millions d’euros dans le cadre de la LFI 2010, laissant le surplus net à l’entreprise afin d’accélérer son retour à l’équilibre.

En 2010, le plan d’affaires prévoyait 229,4 millions d’euros de recettes publicitaires. Au final, France Télévisions aura enregistré 441,3 millions d’euros, soit une surperformance de 211,9 millions d’euros par rapport au plan d’affaires. Le Gouvernement avait alors opéré un nouveau partage du surplus en collectif budgétaire 2010 à hauteur de 34,6 millions d’euros. Pour 2011, anticipant de nouveaux surplus, le Gouvernement avait décidé de réduire la dotation budgétaire de 76 millions d’euros dès la LFI 2011. De fait, alors que 200,8 millions d’euros de recettes publicitaires ont été inscrites au plan d’affaires au titre de 2011, le groupe devrait enregistrer au moins 414 millions d’euros de recettes commerciales, soit 213,2 millions d’euros de surplus par rapport au plan d’affaires initial. Or, d’une part la dotation publique versée au groupe doit strictement correspondre à la couverture des charges de service public ayant fait l’objet d’un accord entre l’entreprise et sa tutelle dans le cadre du COM et, d’autre part, l’assainissement de la situation financière de l’État commande que toute opportunité de reconstitution des recettes publiques ou de réduction de la dépense publique soit pleinement saisie.

Pour les mêmes raisons, le Rapporteur général et moi-même vous proposerons un amendement, déjà voté l’an dernier par notre commission des Finances mais malheureusement rejeté en séance publique. Il tend à encadrer le partage des surplus de recettes publicitaires entre la société et l’État, en posant le principe d’un retour intégral des sommes correspondantes au budget général via une réduction à due concurrence de la dotation budgétaire, sauf à ce que soient clairement identifiés, le cas échéant par le biais d’un avenant au COM, des besoins et charges objectives nécessitant la mobilisation de ressources complémentaires.

En conclusion, au regard de ces considérations et en formant le vœu que les différents amendements que je présenterai seront adoptés, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits : de la mission Médias, livres et industries culturelles, du compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et du compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

M. Marcel Rogemont. Je tiens à féliciter le rapporteur spécial pour son excellent travail. La page 22 du projet de rapport rappelle que la disparition totale de la publicité commerciale sur les écrans des chaînes de France Télévisions, qui devait intervenir au 30 novembre 2011, a été repoussée au 1er janvier 2016 « eu égard aux contraintes pesant sur les finances publiques ». Ma première question prend acte du fait que l’échéance de 2016 pour un retour à meilleure fortune des finances publiques est à tout le moins hypothétique. Il conviendrait donc de fixer une date indéterminée pour la suppression totale de la publicité sur le service public.

Ma deuxième question propose de revenir sur la loi du 5 mai 2009 qui a supprimé les annonces publicitaires entre 20 heures et 6 heures sur les services nationaux de France Télévisions, afin de rétablir un financement publicitaire de l’ordre de 425 millions au bénéfice du service public.

Par ailleurs, l’idée d’ajuster la dotation budgétaire aux recettes supplémentaires du service public n’est pas en adéquation avec la loi de 2009 qui prévoyait le développement de recettes différentes de la publicité, comme celle du parrainage. Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015 prévoit que ce type de recettes doit être conservé par France Télévisions et les produits correspondants ne doivent pas être rognés.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. Vous proposez de repousser au-delà de 2016 la suppression totale de la publicité à France Télévisions. J’attire votre attention sur le fait que l’échéance du 1er janvier 2016 sécurise en fait les recettes publicitaires de France Télévisions jusqu’à cette date. Cette échéance a été fixée en cohérence avec le contrat d’objectifs et de moyens (COM), afin de prévoir un système de financement stable et clarifié.

Votre deuxième proposition est celle d’un retour à la publicité entre 20 heures et 6 heures. Cela constituerait une régression par rapport à la situation actuelle, aussi bien sur le terrain de la satisfaction des téléspectateurs que sur celui de la réaffirmation de la spécificité du service public. En effet, le service public assure une diffusion exempte de publicité à partir de 20 heures, au sein d’un océan de programmations audiovisuelles qui reposent sur la publicité. La publicité n’est pas une manne pour le service public alors qu’elle assure l’équilibre de financement des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT). Le seuil de 2016 ne doit donc pas être mis en cause.

M. Alain Rodet. Je constate que les crédits prévus pour l’Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) sont en diminution. J’espère que TV5 Monde ne sera pas concerné par la diminution des moyens. Je m’interroge également sur la question de savoir si cette diminution des moyens à quelque chance de calmer les soubresauts caractérisant la gouvernance de l’AEF.

Mme Martine Martinel. Le Rapporteur spécial parle de rythme de croisière à propos de l’AEF alors que les flots sont à tout le moins tumultueux et que sa direction n’est pas assurée. En matière d’Audiovisuel extérieur de la France, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la communication, a envisagé que l’échéance de 2016 soit repoussée. Le COM vient d’être adopté et l’on se demande pourquoi surgissent des amendements qui remettent en cause ces dispositions en matière des ressources de France Télévisions. Le service public participe déjà à l’effort budgétaire et a obtenu des résultats très significatifs grâce à sa régie publicitaire.

Mme Aurélie Filipetti. Depuis 2008, France Télévisions est la victime d’une grande instabilité juridique, une nouvelle fois illustrée par les deux amendements qui nous sont soumis. Après les menaces qui pèsent sur le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), c’est maintenant France Télévisions qui risque un affaiblissement de ses moyens. Alors que le COM 2011-2015 vient de recevoir un avis favorable, il est remis en question par les deux amendements.

La compensation budgétaire ne doit donc pas être diminuée puisque les anticipations de surplus de recettes annoncées sont fort aléatoires. La crise s’aggrave, et la politique d’allers et retours budgétaires est préjudiciable à France Télévisions, alors que le service public doit financer de nouvelles missions : la couverture intégrale du territoire et le soutien à la production audiovisuelle par exemple.

Les deux amendements II-CF 113 et II-CF 6 auraient pour conséquence de fragiliser France Télévisions.

M. Patrick Bloche. L’amendement II-CF 113 du Rapporteur s’inscrit dans le cadre de ce que l’on peut qualifier de feuilleton bien connu, il fait suite à des propositions déjà formulées lors des discussions budgétaires précédentes. L’autre amendement II-CF 6 du Rapporteur général, M. Gilles Carrez a une autre portée puisqu’il a pour objectif de raboter la subvention.

Notre point de vue n’est pas inspiré par la démagogie, mais les choix de la majorité ont des conséquences graves qu’il convient de prévenir. Nous avons connu la réforme sur la taxe des services de télévision (TST) qui a été plafonnée à 700 millions d’euros, ce qui a eu pour effet de fragiliser son régime au regard de la réglementation communautaire. Dans le cas du coup de rabot au budget de France Télévisions, le problème est « franco-français »: la prévision d’une croissance exponentielle des ressources publicitaires n’est pas seulement aléatoire mais illusoire, alors que le lancement de chaînes gratuites augmente la concurrence.

L’amendement II-CF 6 du Rapporteur spécial qui prévoit un ajustement contractuel de la subvention versée par l’État à France Télévisions dans l’hypothèse de surperformances publicitaires ne devrait donc pas avoir d’applications concrètes. Par contre, l’amendement II-CF 113 du Rapporteur général prend prétexte de recettes constatées (425 millions en 2011) au regard de prévisions alléguées (200 millions) alors que ces dernières sont inexactes. Alors que le Rapporteur spécial a salué la performance de la régie de France Télévisions depuis 2009, il convient de prévenir l’Assemblée nationale du caractère illusoire des ressources envisagées.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. Il n’est pas porté atteinte au contrat d’objectifs et de moyens puisque les amendements sont justifiés par des prévisions de dépassement de recettes propres. Par ailleurs, le COM ne peut prévaloir sur la loi, et si nous changeons le cadre législatif, c’est au COM d’être adapté par avenant. J’ai déjà plaidé en ce sens.

Les 28 millions d’euros sur lesquels porte mon amendement ne représentent que de l’ordre de 1 % des quelque 2,6 milliards d’euros de recettes publiques qui bénéficient à France Télévisions. Il serait tout de même assez inquiétant qu’un organisme public ne soit pas à même de dégager des économies à hauteur de 1 % de son budget : considérer que cela est impossible reviendrait à lui ôter toute crédibilité.

Il faut, mes chers collègues, savoir hiérarchiser les objectifs : il me semble en tout cas que le sauvetage des finances publiques doit prévaloir sur toute autre considération.

M. Alain Rodet m’a interrogé sur l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) : sa dotation est réduite de 3,5 % en 2012, ce qui est conforme aux prévisions qui avaient été faites. AEF a bénéficié d’un effort important lors de son lancement, il est normal que cet effort diminue à partir du moment où il entre en régime de croisière. Quant au financement de TV5 Monde, il est garanti, car le niveau de ses dotations est régi par un accord entre les différents États contributeurs, qui sont donc contraints de s’y conformer.

Pour répondre à Mme Filippetti, je tiens à souligner que nous ne remettons pas du tout en cause le financement de France Télévisions : en effet, il ne s’agit pas de revenir sur le principe de la compensation de la perte des recettes publicitaires, mais simplement de corriger une surcompensation que l’on a pu constater. La question est au fond celle de savoir à quel niveau il est justifié de surcompenser le manque à gagner de France Télévisions du fait de la suppression de la publicité, face à notre objectif global de maîtrise des dépenses. Il s’agit donc bien de réguler la surcompensation sans toucher à la compensation. En ce sens, mon amendement est parfaitement conforme à la loi de 2009 et constitue même un retour à son esprit. France Télévisions n’a jamais connu de meilleure garantie de ses ressources : la société était auparavant très dépendante de ses recettes de publicité ; celles-ci représentent désormais 425 millions d’euros sur près de 3 milliards d’euros de budget total.

M. Henri Emmanuelli. C’est de l’étatisme !

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. C’est de la défense du service public ! Avec 85 % de crédits publics, France Télévisions dispose désormais d’une grande visibilité et d’une garantie sur l’évolution de son budget.

Quant à M. Bloche, j’apprécie qu’il comprenne le principe à mon amendement, qui se contente de dire que quand un supplément existe, il faut l’utiliser pour réduire le déficit de l’État et non pour conforter France Télévisions : il me semble que c’est là le rôle de la représentation nationale. Les recettes de publicité sont tenues pour 2011, et elles devraient également être au rendez-vous en 2012.

M. Marcel Rogemont. Je rappelle que lorsque a été votée la loi du 5 mai 2009, la crise était déjà là ! La dotation de compensation a été fixée à 450 millions d’euros, et on va maintenant aller chercher 27 ou 28 millions d’euros : c’est incohérent ! Il faut le dire : ce n’était pas le moment d’adopter cette loi.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. La loi de 2009 a prévu un mécanisme de compensation à France Télévisions de la perte des recettes due à la suppression de la publicité. Or, une partie de cette compensation est de la surcompensation, et c’est pourquoi je propose de supprimer cette part.

Article 32 : Crédits du Budget général – État B

La Commission est saisie l’amendement II-CF 113 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. L’amendement que je propose est inspiré par un souci d’équité. Nous avons posé une règle générale selon laquelle les principaux acteurs de la sphère publique, en particulier les opérateurs de l’État, mais également les collectivités territoriales, bénéficiaient de la garantie des ressources qu’ils avaient perçues jusqu’alors. Si certains d’entre eux bénéficient de taxes affectées – en l’occurrence, la contribution à l’audiovisuel public pour France Télévisions – qui augmentent plus rapidement que l’inflation, ou par rapport à l’année précédente, le supplément de recettes est écrêté, pour réduire le déficit de l’État. C’est une règle sévère, je le concède, mais elle est simple et claire.

Or, France Télévisions apparaît, dans ce cadre général, comme un cas particulier, en raison du contrat d’objectifs et de moyens qu’il a signé, et qui comporte notamment une prévision de ressources sur 4 à 5 ans pour France Télévisions. Je m’interroge, mes chers collègues : un contrat d’objectifs et moyens a-t-il une portée supérieure à des décisions prises successivement dans les différentes lois de finances rectificatives, et en particulier à l’annonce du ministre de l’Économie de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB, qui sera d’ailleurs confirmée ce soir par le chef de l’État ?

Quand il a été décidé de supprimer la publicité dans l’audiovisuel public, je l’ai toujours affirmé : il faudrait la compenser. Je n’étais pas favorable à cette suppression, car j’étais convaincu que cela conduirait à faire davantage dépendre France Télévisions d’un État impécunieux, alors même que la situation des finances publiques commençait déjà à se dégrader. La loi de 2009 a prévu que la dotation budgétaire évoluerait en fonction des recettes prévisionnelles publicitaires de France Télévisions. Or, la régie publicitaire de la société est très efficace : nous avons ainsi constaté que pour une prévision de recettes de 260 millions d’euros en 2009, les recettes réalisées se sont élevées finalement à 405 millions d’euros ; de même, en 2010, les prévisions tablaient sur des recettes à hauteur de 229 millions d’euros, alors qu’elles s’établiront finalement à 441 millions d’euros. La réalisation est deux fois supérieure à la prévision ! Dans ces conditions, il me semble nécessaire de proposer des ajustements.

Il est proposé de garantir pour 2012 à France Télévisions la totalité de ses ressources constatées en exécution 2011, autrement dit, d’appliquer la règle du « zéro valeur ». Mon amendement propose donc de réduire de 62 millions d’euros la dotation budgétaire versée à France Télévisions pour 2012. On pourrait également envisager d’appliquer la règle du « zéro volume », c’est-à-dire d’ajuster la dotation de l’État au niveau de l’inflation : cela conduirait à une diminution de 13 millions d’euros des crédits. Je tiens à informer mes collègues que nous n’avons pas le soutien du ministre de la Culture et du Gouvernement sur cette initiative. Mais dans le contexte actuel, comment expliquer à des opérateurs comme l’Agence de financement des infrastructures de France (AFITF) ou le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), ou d’ailleurs aux collectivités locales, qu’une règle stricte et nécessaire leur est appliquée alors qu’on ne l’applique pas à France Télévisions ? Il me semble qu’il revient à l’État de fixer la règle et d’en tirer les conséquences en modifiant le contrat d’objectifs et moyens signé avec France Télévisions. Je ne remets pas en cause la présidence de France Télévisions : il est normal qu’au vu des prévisions de recettes supplémentaires, la société prévoie de financer des dépenses supplémentaires.

S’agissant du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), il me semble que le blocage des taxes n’est pas la bonne solution. Le CNC a en effet prévu une accélération de la numérisation de l’ensemble des salles de cinéma en province : est-ce bien nécessaire de procéder à une telle opération dans le contexte actuel ?

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. Les années passées, des décisions concernant l’affectation des recettes publiques ont été prises sans qu’elles aient donné lieu à la signature d’un avenant au contrat d’objectifs et de moyens. Je trouve dommage que ce travail n’ait pas été fait cette fois. Avec l’initiative de Gilles Carrez qui réduirait la dotation de l’État de 13 millions d’euros par application de la règle du « zéro volume » et la mienne qui propose une réduction de 28 millions d’euros, une modification du contrat d’objectifs et de moyens devra en effet être envisagée, par la signature d’un avenant, car il me semble important de flécher la diminution des ressources, de la même manière qu’il conviendrait de flécher une éventuelle augmentation des crédits. Ainsi, la démarche contractuelle sera pleinement respectée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Je corrige donc mon amendement II-CF 113, pour proposer de limiter la réduction des crédits à 13 millions d’euros, soit à une progression tenant compte de l’inflation.

L’amendement II-CF 113 est rejeté.

La Commission examine l’amendement II-CF 6 de MM. Gilles Carrez et Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d’ajuster contractuellement le montant de la subvention versée par l’État à France Télévisions, dans l’hypothèse d’un excès de recettes publicitaires de cette dernière. Car si la clause de garantie de ressources joue au bénéfice de FTV, aucun mécanisme n’est prévu dans l’hypothèse où les recettes publicitaires sont plus élevées, ainsi que cela s’est produit en 2009 et en 2010, années pour lesquelles les prévisions inscrites aux plans d’affaires ont été dépassées de 145 et 211 millions. Les principes de discipline contractuelle et de maîtrise des dépenses publiques imposent d’ajuster le montant de la subvention afin de respecter le montant de ressources globales inscrites dans le contrat d’objectifs et de moyens. Le système proposé par les auteurs de l’amendement pose le principe d’une restitution de l’excédent de recettes publicitaires via une diminution à due concurrence de la dotation budgétaire, et l’exception d’une conservation, sous condition, de tout ou partie de l’excédent, si le contrat venait à le prévoir lors de sa conclusion ou à la suite d’un avenant.

L’amendement II-CF 6 est rejeté.

M. Yves Censi, président. Je regrette les conditions de l’examen de cet amendement, alors que de nombreux commissaires sont retenus en séance publique pour l’examen du projet de financement de la sécurité sociale.

Puis la Commission adopte successivement les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, du compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et du compte spécial d’Avances à l’audiovisuel public.

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* *

La Commission procède ensuite, sur le rapport de M. Laurent Hénart, à l’examen des crédits relatifs à l’Enseignement supérieur et à la vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial. Cette année encore, l’enseignement supérieur et la recherche sont la priorité budgétaire du Gouvernement et échappent de ce fait à l’effort général de réduction des dépenses publiques et du déficit budgétaire.

Globalement, les crédits figurant sur le programme 150 relatif à l’enseignement supérieur s’élèveront à 12 764 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12 510,3 millions d’euros de crédits de paiement, en augmentation respective de 2,3 % et 1,9 %. Alors que des contraintes exceptionnelles pèsent sur les finances publiques, je salue la priorité constante donnée à l’enseignement supérieur. Le programme Vie étudiante est quant à lui doté de 2 168,5 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 4,14 %.

La règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux ne sera pas appliquée dans ce secteur, qu’il s’agisse des enseignants chercheurs ou des personnels administratifs et techniques.

L’évolution des crédits du programme 150 se justifie notamment par les mesures budgétaires suivantes :

– la hausse entre 2011 et 2012 de 138,8 millions d’euros des versements au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions sur l’ensemble des dépenses de personnel du programme 150 (titre 2, et titre 3 pour les universités autonomes passées sous le régime des responsabilités et compétences élargies). L’évolution du taux des cotisations employeurs au CAS Pensions était partiellement prévue dans le triennal, avec une provision de 95,5 millions d’euros correspondant à une évolution du taux de 65,72 % à 67,92 %. En réalité, l’équilibre global du compte a nécessité un relèvement du taux à 68,92 %, soit une majoration des crédits de titre 2 de 6,8 millions d’euros, et des crédits hors titre 2 de 36,22 millions d’euros. Ce dernier montant n’a pas donné lieu à abondement : il est financé par redéploiement au sein des crédits hors titre 2 du programme 150 ;

– un abondement de la masse salariale par rapport au triennal de 43,2 millions d’euros destiné aux universités ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies, pour tenir compte des données définitives d’exécution 2010. Le Gouvernement a annoncé une hausse supplémentaire de 14,5 millions d’euros pour les établissements en RCE afin de faire face à la progression du glissement vieillesse technicité (GVT) ;

– la progression des moyens généraux des établissements (27,56 millions d’euros), comprenant les mesures de financement du renouvellement des contrats avec les établissements, des moyens nouveaux pour les établissements hors modèle, et la poursuite du financement de mesures incitatives pour le passage à l’autonomie ;

– la progression des moyens alloués à l’enseignement privé (+ 3 millions d’euros), permettant la poursuite des contrats ;

– une progression des dépenses relatives à l’immobilier de 68,4 millions d’euro (incluant une dotation s’ajoutant aux flux prévus par le triennal de 70 millions d’euros en autorisations d’engagement pour le financement des projets immobiliers de l’EPAURIF) et de 22,6 millions d’euros en crédits de paiement.

Pour sa part, le programme Vie étudiante enregistre un abondement de 15,2 millions d’euros par rapport au triennal, financé par redéploiement, afin de tenir compte de l’évolution des effectifs de boursiers sur critères sociaux (les boursiers sont au nombre de 591 000 contre 471 300 en 2007).

Je voudrais maintenant vous présenter quatre « focus » sur des thèmes d’actualité.

Je souhaiterais qu’une étude soit faite sur la cohorte d’universités ayant accédé à l’autonomie renforcée en 2009, 2010 et 2011, en particulier sur l’utilisation par celles-ci de leur masse salariale, le nombre et la nature des recrutements effectués, l’évolution des salaires, la mise en place d’une politique propre de primes par leurs présidents. En effet, si cette année, elles ont été dotées de 14,5 millions d’euros supplémentaires, cela ne pourra pas être le cas chaque année.

Je voudrais saluer l’entrée en vigueur progressive du dixième mois de bourse pour s’aligner sur l’année universitaire, qui dure 10 mois et non 9 mois.

Par ailleurs, je voudrais soulever une contradiction qu’il conviendrait de résoudre. La circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle, qui fixe un objectif de restriction des flux, a un impact négatif sur l’accueil des étudiants étrangers du niveau master et va à l’encontre de notre volonté d’accueillir davantage d’étudiants étrangers, dans nos universités. De plus, cette circulaire entre en contradiction avec l’article 6 de la loi dite RESEDA du 11 mai 1998 (la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile), qui reconnaissait l’importance de l’accueil des étudiants étrangers notamment, pour la qualité de notre recherche et l’internationalisation de nos entreprises. Une clarification doit être apportée.

Enfin, le programme de construction et de réhabilitation des logements étudiants connaît un retard malgré les efforts, puisque 4 100 logements auront été construits en 2012 (et non 5 000 comme le prévoyait le « rapport Anciaux ») et 4 200 réhabilités en 2012. La loi de 2004 permet de transférer aux communes et aux intercommunalités la mission de procéder à ces constructions et réhabilitations, or ce dispositif n’est pas suffisamment utilisé, ce qui est dommage. Nous constatons enfin un problème de gouvernance et de pilotage entre l’État, les collectivités et le CROUS.

M. Alain Rodet. La charge pourrait être transférée aux intercommunalités, mais d’importants transferts de charges ont déjà été opérés. Les solutions de réhabilitation choisies par le CROUS, souvent très élaborées, ne sont pas durables ; dans quelques années, on constatera qu’il y a eu beaucoup de gaspillage.

M. Jean-Pierre Dumont. Il est regrettable que l’on constate chaque année les mêmes insuffisances : des crédits sont votés mais l’opérateur manque. Il est dommage que les propositions du Mouvement social HLM pour suivre une dynamique coordonnée aient été ignorées par les conseillers du ministre. Il y a là une mission particulière et il serait préférable de confier cette matière à des professionnels soumis à des objectifs de qualité. Le CROUS s’y est opposé, et on en voit le résultat, avec une situation du logement étudiant qui se dégrade toujours.

M. Henri Emmanuelli. Certaines universités passées à l’autonomie connaissent des difficultés budgétaires (il y a le cas de Pau par exemple) : quelle aide peut-on leur apporter ?

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial. Je ne connais pas ce cas particulier, mais je prendrai connaissance des cas qui me sont signalés. Certaines universités connaissent des difficultés liées à la prévision des coûts de personnel, faute de compétences en interne pour mener ce genre de prévision. Elles emploient deux catégories de personnel, agents de la fonction publique et contractuels. Or la prévision de l’évolution du GVT des agents fonctionnaires, important facteur d’instabilité, est difficile à évaluer, même au niveau de l’État comme nous le savons. Le ministère va examiner comment leur venir en aide. Les GVT sont différents suivant les catégories, la masse salariale afférente aux emplois contractuels est également difficile à évaluer. D’où ma proposition de demander une analyse plus ample, impliquant la Cour des comptes.

La loi de 2004 ne procède pas à un transfert définitif des compétences. C’est une délégation de crédits temporaire, en général quinquennale, qui peut être utilisée pour le logement étudiant. Cette délégation d’enveloppes s’appuie sur un programme local pour l’habitat, et semble une solution à la confrontation stérile qu’il peut y avoir entre les réseaux des deux ministères. Le ministère de l’Enseignement supérieur défend le CNOUS et les CROUS et le ministère chargé du logement défend la réactivité du réseau des bailleurs sociaux.

Le Rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits.

La Commission examine l’amendement II-CF-112 de M. Yves Censi.

M. Yves Censi, président. Le protocole signé le 19 juillet 2010 par le ministère de l’Enseignement supérieur et les établissements privés prévoit de « rapprocher les moyens par étudiant pour les établissements représentés par les fédérations signataires » de ceux des établissements publics. Ce rapprochement a été différé du fait de la priorité mise sur l’enseignement public. Je tiens à rappeler l’important effet de levier de tout euro investi dans l’enseignement supérieur associatif sur les performances des universités publiques. Or, les établissements publics entrés dans l’autonomie viennent récemment d’obtenir 14,5 millions d’euros afin de boucler leur budget. L’amendement vise à abonder l’action Enseignement privé de 2 millions d’euros afin que les établissements privés puissent pleinement jouer leur rôle.

M. Gilles Carrez. Quel est le montant de crédits de l’action correspondante au sein du programme ?

M. Yves Censi. L’action bénéficie de 87 millions d’euros, et l’amendement porte sur 2 millions d’euros. Un ajustement avait également été apporté l'année dernière.

M. Laurent Hénart. C’est un amendement de réglage : au moment où l’État prépare et signe les conventions, il peut rentrer davantage d’établissements que prévu dans le dispositif, aussi faut-il ensuite combler l’écart entre les crédits votés et les besoins en fonction des conventions qui ont été signées. Il faut ajuster les montants.

L’amendement II-CF-112 de M. Yves Censi est adopté.

La Commission adopte ensuite les crédits de la mission Recherche et Enseignement supérieur, conformément à l’avis favorable de M. Jean-Pierre Gorges et M. Laurent Hénart, M. Alain Claeys s’en étant remis à sa sagesse.

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La Commission examine les crédits de la mission Aide publique au développement ainsi que des comptes spéciaux Prêts à des États étrangers et Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial sur l’Aide publique au développement. Une fois de plus, et ceci malgré les engagements du Gouvernement pris par lettre du ministre d’État, ministre des Affaires étrangères du 18 juillet 2011, le Parlement n’est pas complètement tenu au courant des crédits concourant à l’aide publique au développement (APD).

La mission dont nous examinons aujourd’hui les crédits ne représente qu’un bon tiers, 37 % environ de l’action de l’État en matière d’aide publique au développement. Seul le document de politique transversale pour 2012, que nous n’avons toujours pas reçu – même sous forme de projet – malgré nos demandes réitérées, retrace avec précision les autres moyens affectés à cette politique, dont 63 % sont dispersés dans les documents budgétaires de 17 autres programmes : Action de la France en Europe et dans le monde, Conduite des politiques sanitaires et sociales, Enseignement technique agricole, Enseignement supérieur et recherche agricole, Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources, Vie étudiante, Formation supérieure et recherche universitaire, etc. Dans ces conditions, rapporter devant la commission des Finances sur les crédits de la mission Aide publique au développement (APD) relève plus de l’exercice de bonne volonté que du véritable contrôle démocratique.

Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, le projet de loi de finances pour 2012 préserve tout juste la stabilité des crédits de paiements de la mission. Ceux-ci s’élèvent à 3,333 milliards d’euros, alors qu’ils représentaient 3,334 milliards pour 2011. Les autorisations d’engagement demandées baissent de 40 %, de 4,5 à 2,7 milliards d’euros. Cette diminution s’explique par le recul de 75 % des crédits de paiement demandés pour l’aide multilatérale du programme 110, suite à la reconstitution antérieure des deux principaux fonds concessionnels de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.

La mission ainsi « sanctuarisée » ne regroupe d’ailleurs qu’une partie de l’effort français en matière d’APD. Elle ne retrace pas les autres catégories de crédits qui participent à l’APD, notamment les crédits budgétaires, hors budget général, nécessaires au décaissement des prêts accordés aux conditions de l’APD et le coût budgétaire des annulations de dettes. Seule l’indemnisation des annulations de dettes supportées par l’Agence est retracée dans la mission. Les crédits manquants à la mission contribuaient à l’APD, chacun pour des montants consistants à l’APD, de 100 à 625 millions d'euros selon les programmes, et pour l’ensemble à hauteur de 1 715 millions d’euros en 2010.

En revanche, la mission comprend des crédits qui ne participent pas à l’APD selon les critères définis par le comité d’aide au développement (CAD) des Nations unies : ce sont en particulier les crédits afférents à la francophonie (programme 209) dès lors qu’ils ne bénéficient pas à des pays en développement inscrits sur la liste établie par l’OCDE ou encore les dépenses d’accueil des réfugiés inscrits au programme 301 de la mission. En sens inverse, si le versement au Fonds européen de développement ou au Fonds mondial de lutte contre le sida est intégralement comptabilisé en APD, les contributions obligatoires à l’Onu ou bien à la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) ne le sont que partiellement.

Les crédits regroupés au sein des trois programmes de la mission transitent par plusieurs canaux : bilatéral (aide directe à un pays partenaire), européen (aide mise en œuvre par la Commission européenne) et multilatéral hors Union européenne (aide mise en œuvre par les organisations et programmes internationaux). D’ailleurs, je note que l’APD ne représente que 0,47 % du PNB. Nous sommes loin de l’objectif de 0,7 % qui a été maintes fois repoussé et qui ne sera vraisemblablement jamais atteint compte tenu du contexte budgétaire actuel.

Le programme 110 a pour objectif principal de réduire la pauvreté et de participer à l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Il concentre des crédits destinés à des institutions multilatérales de développement ainsi qu’au financement des annulations de dettes bilatérales et multilatérales qui ont participé à gonfler l’APD mais qui ne sont pas pérennes. Il est placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor. Pour ma part, j’estime qu’en raison de la dispersion de l’aide multilatérale entre la multiplicité des banques de développement (261) et les 14 fonds sectoriels, ce programme manque de lisibilité et d’indicateurs de résultats.

Les montants demandés en 2012 pour le programme 110 s’établissent à 627,70 millions d'euros en autorisations d’engagement, soit – 74 %, et 1 191,90 millions d'euros en crédits de paiement.

Le volume d’autorisations d’engagement demandé correspond principalement à la onzième reconstitution du fonds asiatique de développement, aux compensations des annulations de dette envers l’Association internationale de développement, qui est le guichet concessionnel de la Banque mondiale et le fonds africain de développement, dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Je rappelle que si les crédits de paiement sont assez stables depuis 2010, les autorisations de programme subissent de très fortes variations dues aux engagements de la France auprès de fonds concessionnels des banques de développement.

Ainsi, la France participe aux fonds d’aide aux pays sortant de crise, comme l’Afghanistan, le Pakistan ou la Palestine, à divers fonds de lutte conte le blanchiment des capitaux ainsi qu’aux guichets concessionnels du Fonds monétaire international, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement, qui prête au FMI pour le compte de l’État français. D’autre part, le programme 110 regroupe les contributions demandées pour 2012 à quatorze fonds sectoriels dans les domaines de la santé, comme IFFIM et GAVI qui ont fait l’objet de mon rapport d’information n° 3645 sur la taxe sur les billets d’avion, ou encore l’eau et l’assainissement, deux fonds d’aide à la sécurité nucléaire en Ukraine pour le sarcophage de Tchernobyl. Sont également prévus les fonds additionnels relatifs au compte d’affectation spéciale intitulé Engagements en faveur de la forêt dans la lutte contre le changement climatique, qui n’est toujours pas abondé faute de recettes et ne devrait pas être inclus dans les dépenses d’APD, et un fonds pour les technologies propres.

Je considère qu’un effort d’économies et de clarification pourrait éviter la dispersion de l’action de l’État. Je souhaiterais que la direction générale du Trésor puisse faire état des résultats obtenus au travers l’action de ces fonds, notamment en ce qui concerne les fonds détournés dans les pays émergents et l’appui à la mobilisation de ressources fiscales. D’autre part, vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, qu’en est-il de la coopération française au sarcophage ? L’Ukraine a-t-elle les moyens financiers d’assurer la sécurité nucléaire de son propre pays, avec l’expertise française en matière de sûreté nucléaire, qui pourrait être rémunérée ?

En ce qui concerne le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en voie de développement, celui –ci reflète un manque de pilotage par l’État des crédits d’aide au développement et la relative autonomie de choix de l’Agence française de développement entre ses différents instruments.

La dotation de 62 millions d’euros de crédits demandée pour le Fonds de solidarité prioritaire pour 2012 accuse une diminution de 20 %. Je m’interroge sur cette baisse, qui frappe des pays demandeurs comme l’Afghanistan, Haïti, le Cambodge, le Cameroun, le Laos, Madagascar, la République démocratique du Congo, le Sénégal et les territoires palestiniens. La répartition par zone géographique des projets révèle une croissance bienvenue et conséquente des interventions en Afrique subsaharienne et dans l’Océan Indien, qui passent de 26 % en 2009 à 78 % pour le premier semestre 2011.

Les subventions de l’AFD pour les autres secteurs (éducation, santé, eau, environnement, développement rural) ont atteint 211 millions d’euros en 2010. En juillet 2011 celles-ci atteignaient 55 millions d’euros. Le montant des dons – projets demandés pour 2012 n’est pas encore renseigné dans le projet de loi de finances. Je souligne le triplement de l’effet de levier des prêts de l’AFD qui redevient de plus en plus une banque. L’effet de levier, qui comptabilise le volume des prêts accordés par rapport au coût pour l’État, passe entre 2006 et 2011 de 3,7 à 18 au Maroc, de 2,6 à 5 au Kenya ou de 3,7 à 44 en République dominicaine. Il augmente d’autant plus que les ressources du pays sont faibles. Je remarque que l’APD nette générée par l’activité bancaire de l’AFD a bondi de 312 millions d’euros à 2,5 milliards d’euros de 2000 à 2010 en raison d’une politique de prêts trop audacieuse, qui conduit l’AFD, soumise à la réglementation bancaire et donc aux accords de Bâle III, à réclamer plus de fonds propres.

Sur le programme 301, je n’ai pas de remarques nouvelles, sinon que je m’interroge sur l’utilité d’un programme de formation de juges chinois au titre de l’aide au développement, compte tenu du rôle qu’ils seront appelés à jouer dans le Fonds européen de stabilité financière depuis hier.

En conclusion, le modèle économique du financement budgétaire de l’aide au développement par l’Europe est voué au changement. L’Union européenne, qui représente 30 % du revenu national brut mondial, fournit 60 % de l’APD mondiale. En 2050, Brésil, Russie, Inde et Chine, les « BRIC », atteindront 36 % du PIB mondial contre 15 % pour L’Union européenne, selon les estimations du ministère des Affaires étrangères. L’aide budgétaire devra donc évoluer, d’où l’urgence de développer des financements innovants comme la taxe sur les billets d’avion, dont je regrette qu’elle n’ait pas encore convaincu nos partenaires européens, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cela est dommage car il y a là un gisement important pour l’aide au développement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous faites état de l’objectif de 0,7 % du PNB consacré à l’APD. Cet objectif n’est certes pas atteint mais il y a quand même une forte augmentation sur dix ans.

Par ailleurs, a-t-on des informations sur la coopération décentralisée des collectivités territoriales et du tissu associatif privé ? Il est en effet important d’avoir une vision d’ensemble. Enfin, le Royaume-Uni a décidé d’exclure la Russie et la Chine de l’APD. Avons-nous quant à nous modifié la géographie de notre APD ?

Monsieur Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Je note que le taux d’APD comparé au revenu national brut du Royaume-Uni est supérieur au nôtre et que le gouvernement de M. David Cameron a écarté la Russie et la Chine des pays aidés. Sur la coopération décentralisée, les services des ministères ne nous ont pas donné de chiffres consolidés.

Monsieur Jean-Louis Dumont. L’Agence française de développement (AFD) prépare son plan d’orientation stratégique 2012-2016. Avez-vous un avis particulier sur ce plan ? Par ailleurs, comment pouvez-vous expliquer l’efficacité de l’effet de levier ? Enfin, dans votre rapport, vous soulignez le manque de rigueur dans l’information, y a-t-il des explications ?

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Il y a trois programmes dans la mission APD et quinze autres programmes à l’extérieur de cette mission. On peut regretter cette dispersion mais elle existe. Le transfert de certaines missions vers l’AFD était destinée à pallier ce défaut. L’effet de levier correspond pour le Trésor au rapport entre le montant total des engagements en prêts concessionnels de l’AFD et le coût budgétaire correspondant. Plus le pays est « pauvre », plus l’effet de levier est élevé, c’est-à-dire que le montant des prêts souverains et non souverains est important. L’AFD se comporte désormais comme une banque de développement, avec une expertise et un savoir-faire qui sont reconnus.

Compte tenu de l’absence du document de politique transversale, je ne suis pas en mesure de demander à la Commission d’approuver les crédits de cette mission.

La Commission adopte les crédits de cette mission sans modification.

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La Commission examine ensuite les crédits de la mission Travail et emploi.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Dans cette mission si importante pour notre pays et dont les crédits de paiement pour 2012 s’élèvent à 10 milliards d’euros, j’ai procédé à l’analyse du programme 102 Accès et retour à l’emploi, du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail et du programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail. Notre collègue Christian Eckert a rapporté, pour sa part, les crédits du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.

La mission Travail et Emploi s’adresse aux entreprises et à leurs salariés en favorisant la mise en place de bonnes conditions de travail et un dialogue social de qualité, en assurant la mise en place d’outils de reclassement permettant de répondre aux mutations ou crises économiques et en finançant des outils conjoncturels d’aide au maintien dans l’emploi.

Dans le présent projet de loi de finances, avec ses 9,98 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et ses 10 milliards d’euros de crédits de paiement, cette mission connaît en apparence une baisse conséquente de 12 % de ses crédits qui a été soulignée par mes collègues socialistes. Qu'en est-il exactement ?

Cette baisse est due à trois facteurs principaux. Premièrement, l’arrivée à extinction des mesures exceptionnelles du Plan de relance de l’économie se traduit par une diminution de 700 millions d'euros. Il s’agit donc d’une baisse mécanique : le budget revient en réalité à son périmètre d’avant la crise de 2008, avant que ne soient prises les mesures massives de soutien de l’emploi. Depuis la clôture de la mission spécifique Plan de relance de l’économie, la mission Travail et emploi portait en grande partie les crédits relatifs à ce Plan, avec la mission Économie, rapportée par notre collègue Jérôme Chartier. Deuxièmement, la rationalisation des exonérations sectorielles de cotisations sociales équivaut à une diminution de 300 millions d’euros. Troisièmement, l’extinction progressive des mesures d'âge, du type préretraites, compte quant à elle, pour 240 millions d’euros.

La fin du plan de relance explique donc la forte baisse des crédits de la mission. Toutefois, il ne s'agit pas non plus d’oublier que les actions en faveur de l’emploi ont dû se déployer dans un contexte de mesure et de très forte contrainte budgétaire. En un mot, il s’est agi de rationaliser et d’optimiser, plutôt que de dépenser.

L’effort de rationalisation des fonctions support (le programme 155) de la mission est d’ailleurs très important et en donne une illustration probante. En cela, je salue les efforts du ministère du Travail, particulièrement vertueux avec le non-remplacement de 168 ETPT en 2012 et une réduction non négligeable des moyens de fonctionnement.

Il faut constater la réduction mesurée des contrats aidés, pour un montant de 120 millions d’euros, même si le nombre de contrats aidés prévu est maintenu au niveau de la loi de finances pour 2011, soit 340 000 contrats non-marchands et 50 000 contrats marchands. La diminution des subventions aux maisons de l’emploi s’explique, quant à elle, par la volonté du Gouvernement de maîtriser les dépenses d’intervention de l’État.

Pour ce qui est de l’augmentation des crédits, il s'est agi de concentrer nos dépenses sur les outils les plus efficaces, ceux ayant fait leurs preuves, ainsi que sur les publics les plus fragiles ou les plus éloignés de l'emploi. Un effort est donc consenti pour les dispositifs d’aide à l’emploi des jeunes : ainsi, le CIVIS doit bénéficier en 2012 à 160 000 nouveaux jeunes. Pour favoriser l'emploi des handicapés, une augmentation du nombre d’aides au poste en entreprise adaptée à hauteur de 14 millions d’euros a été engagée, afin de respecter les engagements pris lors de la conférence nationale du handicap du 7 juin 2011. Je salue cette initiative. Je constate avec satisfaction un maintien des crédits pour les missions locales, les écoles de la deuxième chance et l’insertion par l’activité économique, autant de dispositifs d’accompagnement que nous avons choisi de renforcer parce qu'ils ont fait leurs preuves.

Après ce rapide examen des crédits, j’ai quelques observations à formuler. Je me félicite du bilan plutôt positif, au bout d’un an, du contrat unique d’insertion. Il a, en effet, permis de simplifier l’architecture du système, pour les employeurs comme pour les salariés. Je me félicite également de l’amélioration des contrats de professionnalisation que j’avais appelée de mes vœux l’an dernier.

Enfin, ce budget tient compte de la situation fragile de l’emploi dans la mesure où la subvention à Pôle Emploi n’est pas revue à la baisse. En outre, Pôle Emploi demeure le seul opérateur à ne pas être concerné par le non remplacement d’un agent sur deux. Les demandeurs d’emploi continueront donc de bénéficier du même taux d’encadrement.

Au chapitre des doléances, je regrette que le nombre de contrats d’autonomie augmente en 2012 alors que j’avais constaté, l’année dernière, que le coût élevé de ce dispositif – 9 000 euros par contrat – et les résultats peu encourageants en termes de retour à l’emploi rendaient, et continuent selon moi, de rendre ce dispositif inopérant. En outre, tout en comprenant l’utilité des contrats aidés en période de forte montée du chômage, je m’interroge sur l’absence de formation et de suivi proposé aux bénéficiaires de ces contrats et leur faible taux de retour à l’emploi dans le secteur non marchand. Je partage en cela l’avis de la Cour des comptes dans son rapport demandé par la commission des Finances sur l’évaluation des contrats aidés. Je signale que cette étude de la Cour sera annexée à mon rapport spécial, afin d’éclairer la représentation nationale.

Pour apporter ma pierre à l’édifice de la politique de l’emploi, je présente un amendement visant à instaurer une aide à l’embauche dans les TPE pour deux types de publics : les moins de 26 ans et les plus de 55 ans ainsi qu’un amendement visant à renforcer les contrats de professionnalisation, plus efficaces selon moi, que les contrats d’autonomie. Enfin, j’ai l’intention de présenter un amendement lors de l’examen des articles rattachés sur la définition des services à domicile donnant droit à la réduction d’impôt sur l’impôt sur le revenu. Il est évident selon moi que des activités de loisirs ou de confort ne doivent plus faire partie du champ des activités ouvrant droit à la réduction.

Pour conclure, je dirais donc que le budget de la mission Travail et emploi se place une fois de plus cette année sous l'angle d'une très forte contrainte budgétaire. Si je comprends que mes collègues socialistes s'interrogent sur la légitimité de diminuer des crédits destinés à l'emploi alors même que la crise fait exploser le chômage, je souhaiterais juste faire remarquer que la contrainte du contexte international a incité le Gouvernement à rationaliser les dispositifs et à concentrer les dépenses sur les mesures les plus efficaces pour l'emploi. Outre la diminution des crédits du plan de relance, les diminutions de crédits portent sur des mesures qui n'ont pas donné suffisamment preuve de leur efficacité. Par le passé, le Gouvernement a su ajuster les crédits de la mission en fonction de la conjoncture du marché du travail. Je ne doute pas qu’il le fera cette année si la conjoncture venait à se dégrader brutalement.

M. Christian Eckert. La mission Travail et Emploi est une mission que je rapporte depuis plusieurs années et dont j’apprécie l’étude car elle est au cœur des préoccupations des Français comme le montrent toutes les enquêtes d’opinion. L’emploi est toujours placé en tête des attentes des Français.

Pour ma part j’ai procédé à l’analyse plus détaillée du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi. Je me félicite de l’excellente coopération avec ma collègue Chantal Brunel, sur des programmes très proches.

Le présent projet fait apparaître pour 2012 une baisse de 12 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement des crédits du programme 103 par rapport aux crédits initiaux pour 2011, soit une réduction de 600 millions d’euros. La mission Travail et Emploi connaît la plus forte baisse du budget de l’État, suivie par la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Le fait que ces deux missions soient ainsi frappées d’austérité semble montrer le désintérêt du Gouvernement pour nos concitoyens les plus touchés par la crise. Les explications embarrassées du Gouvernement sur cet effondrement des crédits ne tiennent pas. La sortie de cette crise mise en avant ne se constate aucunement sur le terrain, et la fin du plan de relance, logé antérieurement dans le programme 155 en extinction renforce encore la baisse des moyens.

Pour ce programme comme d’ailleurs pour l’ensemble de la mission, le Gouvernement dans ce budget 2012 semble en réalité avoir improvisé des coupes budgétaires refusant de prendre la mesure de la crise économique et l’évolution préoccupante du marché du travail. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi s’est sensiblement redressé au 2ème trimestre 2011. Les derniers chiffres pour le mois de septembre sont alarmants.

C’est pourquoi j’appelle de manière solennelle à relancer d’urgence l’effort budgétaire de l’emploi au cours de l’année 2012 afin de contenir l'accélération du chômage qui va être très forte. N’oublions pas que la récession se profile, obligeant le Gouvernement à revoir sa prévision de croissance pendant la navette parlementaire.

Les moyens consacrés à l’anticipation des mutations économiques, c'est-à-dire l’action 01 du programme, sont, année après année, rognés : le niveau atteint cette année est dérisoire avec une baisse de 19 % des crédits. Je rappelle sans ironie excessive que ces instruments sont intitulés instruments d’anticipation des effets économiques de la conjoncture.

S’agissant du chômage partiel que, par un curieux renversement de sémantique on appelle « activité partielle », les crédits sont en forte baisse de 40 à 30 millions d’euros. L’exemple allemand si souvent mis en avant n’a pas été suivi.

Le budget poursuit le mouvement d’extinction des mesures d’âge, en dépit de la conjoncture qui plaide pour une réhabilitation au moins temporaire de ces dispositifs. Ainsi, les crédits finançant les préretraites progressives diminuent de moitié. La réforme des retraites et l’explosion du chômage des seniors auraient nécessité une approche différente.

L’action du programme intitulée Développement de l’emploi connaît la baisse la plus importante du programme : 49,6 % de baisse.

Cette baisse drastique des crédits de la mission et en particulier du programme 103 résulte de la suppression dans la loi de finances initiale pour 2011 de plusieurs niches sociales et de l’arrivée à échéance de l’aide à l’embauche pour les très petites entreprises, une des premières mesures du plan de relance. A rebours de ces évolutions, le financement de l’exonération de cotisations patronales liée aux organismes d’intérêt général situées dans les zones de revitalisation rurale passe de 60,7 millions d’euros à 151 millions d’euros sans explication à cette hausse subite . De plus, ce dispositif d’exonération a été pointé par l’Inspection générale des finances (IGF) comme le moins efficient de la mission et comme une des niches sociales comportant le plus d’effet d’aubaine.

Ma dernière remarque ira au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. L’article 63 du présent projet propose un nouveau prélèvement du Gouvernement sur ce fonds de 300 millions d’euros en 2012, qui serait affecté à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), pour le financement de la mise en œuvre des titres professionnels du ministère de l’Emploi à hauteur de 54 millions d’euros, et pour le financement de ses activités de service public à hauteur de 21 millions d’euros ; à l’Agence de services et de paiements (ASP), pour le financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, à hauteur de 200 millions d’euros. Les crédits inscrits au titre de ce dispositif sont nuls en 2012. Le Gouvernement se repose sur le Fonds pour financer ce dispositif qui est loin d’être négligeable tant en termes d’outil d’emploi que de montant financier. Une dernière partie du prélèvement sera affectée à Pôle emploi, pour le financement de l’allocation de formation des demandeurs d’emploi, à hauteur de 25 millions d’euros.

Je m’oppose à ce mode de financement et particulièrement aux contributions successives demandées au Fonds qui tend à devenir une enveloppe alimentée par des « cotisations obligatoires » qui s’apparentent à l’impôt indirect dans laquelle pioche le Gouvernement. De surcroît, le Parlement n’a aucun moyen de contrôle sur l’utilisation réellement faite par le Gouvernement du prélèvement opéré sur le fonds. La lisibilité voire la constitutionnalité de ce types de pratiques ne responsabilise pas le législateur dans la levée et l’utilisation de l’impôt.

De tels financements extrabudgétaires en complément des crédits inscrits sur le programme n°103 du budget de l’État doivent cesser.

En ce qui concerne Pôle Emploi, si la subvention d’équilibre est inchangée, elle n’empêchera pas cet opérateur d’être déficitaire, en 2012 comme en 2011. J’ai étudié le recours par Pôle Emploi, aux opérateurs privés de placement (OPP), qui représente une part croissante (supérieure à 10 %) des dépenses d’intervention de Pole Emploi, notamment pour les actions de soutien renforcé à certains publics. Les premiers éléments recueillis, issus de différentes études, internes ou externes à l’opérateur, indiquent des résultats inférieurs à ceux des agents de Pôle Emploi, pour des coûts largement supérieurs. Je fais dans mon rapport spécial des recommandations fortes sur le recours à ces OPP qui profitent de systèmes incohérents de rémunération sans aucun résultat sur les taux d’insertion dans l’activité. 50 % de rémunération dès la prise en charge n’incitent pas aux résultats et l’effet d’aubaine du secteur privé sur des fonds publics est évident.

Par ailleurs, les tailles des portefeuilles de chômeurs par agent restent anormalement élevés et sont plus du double de ceux annoncés par Mme Lagarde lors de la fusion, avec des écarts encore plus grands dans certaines agences. Les résultats s’en ressentent, comme la situation sociale au sein de l’entreprise, malgré des progrès sur les questions statutaires issus de la fusion. La crise seule, dont le pic n’est pas derrière nous contrairement aux propos tenus ici ou là , n’explique pas à elle seule que les agents de Pôle Emploi se retrouvent parfois en charge de plus de 200 personnes , et n’arrivent plus à remplir leur mission.

Sur les contrats aidés, et ma collègue en a parlé, je souligne aussi les effets négatifs de la politique de « stop and  go », aussi sur le plan de la lisibilité budgétaire de l’État, que sur l’absence de perspectives dans la durée pour les publics comme pour les employeurs. Ajustement des chiffres du chômage ou véritable politique de développement de l’insertion et de nouveaux métiers, il est temps de trancher.

Je présente quelques amendements de crédit pour corriger au mieux les errements du programme.

Je propose de majorer les crédits de l’allocation équivalent retraite (AER), en voie d’extinction, faute d’avoir trouvé le moindre euro pour financer l’allocation transitoire de solidarité (ATS) pourtant annoncée avec tambour et trompettes par le ministre. L’ATS ne répond que partiellement à la fin sans cesse repoussée de l’AER, aujourd’hui actée. Ceci crée des situations insoutenables pour ceux qui ont les annuités mais n’ont pas l’age de la retraite à taux plein, phénomène amplifié par la réforme des retraites de M. Woerth et le recours à la trop maigre allocation de solidarité.

Enfin, à mon sens, la question des emplois mérite un nettoyage sur la nature des services à la personne pris en compte. Je déposerai un amendement dans le cadre des articles non rattachés pour exclure du champ les abus dénoncés sur toutes les travées.

Je juge donc très sévèrement ce projet de budget pour la mission Travail et emploi qui n’est manifestement pas à la hauteur des besoins de nos concitoyens.

M. Jean-Louis Dumont. L’examen des crédits de la mission Travail et emploi prend un relief particulier alors que viennent d’être publiés de très mauvais chiffres sur l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi. Si la recherche d’emploi est toujours une situation très difficile pour les personnes concernées, le cas des jeunes mérite une attention spécifique. La société peut-elle accepter de laisser des jeunes sans emploi, sans formation et, en définitive, sans réelle occupation sociale ? C’est une question que nous ne devrions pas traiter à partir de prismes idéologiques puisque des politiques spécifiques n’ont pas cessé d’être conduites en ce domaine depuis celles initiées par M. Raymond Barre.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je partage pleinement votre préoccupation et c’est pourquoi je vous présente deux amendements qui visent à amplifier l’effort en faveur des jeunes.

Le premier consiste à réduire les crédits affectés au financement des contrats d’autonomie, dont le coût est élevé – environ 9 000 euros par contrat – et l’efficacité, limitée, pour redéployer ces moyens sur le financement de contrats de professionnalisation supplémentaires. Mon second amendement tend à instaurer l’exonération totale de charges dans les entreprises de moins de dix salariés. Ce dispositif « zéro charges » a été appliqué pendant un an pour un coût estimé à 600 millions d’euros, sans ciblage des publics concernés. Il s’est révélé très efficace selon l’analyse du Conseil d’orientation pour l’emploi. Je vous propose de le reconduire, mais seulement pour les jeunes et les seniors de plus de 55 ans. J’attire, par ailleurs, l’attention de la Commission sur le fait que les moyens consacrés aux missions locales d’insertion, dont l’action est particulièrement efficace, sont globalement préservés par ce projet de budget.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’intitulé du paragraphe du projet de rapport écrit de notre Rapporteur spécial consacré aux maisons de l’emploi, « un outil contesté », me surprend. Ayant été présidente d’une maison de l’emploi, je suis convaincue que ces structures peuvent être très efficaces pour décliner localement la politique nationale de l’emploi. En revanche, je m’interroge sur l’opportunité d’ouvrir des crédits pour leur permettre de financer des investissements, que je suppose principalement immobiliers. Les maisons de l’emploi doivent rester des structures légères et réactives qui n’ont pas besoin d’être propriétaires de locaux et pourraient être accueillies dans les locaux de collectivités locales. Les crédits correspondants, soit 5 millions d’euros, me sembleraient mieux employés pour financer les dépenses de fonctionnement de ces structures.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Il est proposé d’ouvrir 38 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisation de paiement pour les dépenses de fonctionnement des maisons de l’emploi et 5 millions d’euros pour leurs dépenses d’investissement. Je partage votre analyse et il devrait effectivement envisager, à l’avenir, une modification de cette répartition des crédits.

Sur le fond, si l’intitulé évoqué peut effectivement apparaître un peu abrupt, il me semble que l’efficacité des maisons de l’emploi est très variable. Ayant cosigné, avec MM. Christian Eckert et Laurent Hénart, un amendement tendant à accroître leurs crédits de 15 millions d’euros, je suis évidemment soucieuse de ne pas contraindre de manière excessive l’action des maisons de l’emploi efficaces ; mais il me semble qu’une évaluation d’ensemble serait bienvenue.

Article 32 : Crédits du budget général – État B

La Commission examine un amendement n° II-CF 117 présenté par Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Cet amendement a été évoqué dans mon rapport et lors de mon intervention. Il vise à instaurer une aide à l’embauche pour les entreprises de moins de dix salariés qui recrutent des jeunes de moins de 26 ans ou des seniors de plus de 55 ans. Il s’inspire de l’aide à l’embauche pour les très petites entreprises proposée dans le cadre du plan de relance qui avait très bien fonctionné tout en ciblant davantage le public visé afin d’éviter tout effet d’aubaine.

Cet amendement comportant un coût de l’ordre de 100 millions d’euros, je propose de le gager en supprimant un montant équivalent sur l’exonération de cotisations patronales liées aux organismes d’intérêt général situés dans les zones de revitalisation rurale. En effet le rapport de l’IGF a souligné le très faible impact de ce dispositif dont le coût de 151 millions d’euros prévu en 2012 est en hausse de 120 % par rapport à l’année dernière.

M. Yves Censi, Président. Je souhaiterais livrer à la Commission une réflexion personnelle. Si je reconnais l’intérêt du dispositif proposé par Mme Brunel, j’avoue ne pas comprendre que soit proposé à titre de compensation une annulation sur les crédits affectés aux zones de revitalisation rurale – les ZRR –. Je rappelle qu’il y a quelques années, nous avons accepté de renoncer à un certain nombre d’aides apportées aux territoires contre le maintien des ZRR. De nombreuses discussions ont eu lieu également l’année dernière et il a été soutenu à juste titre que les ZRR permettent une approche spécifique des besoins de certains territoires en matière de couverture médicale notamment. Il faut donc saluer le travail accompli sur ces territoires et que l’État ne peut lui-même assurer. Dans la période actuelle, diminuer l’exonération des ZRR constituerait donc une véritable saignée, très dommageable pour les territoires concernés.

M. Michel Bouvard. Je ne conteste pas l’idée d’accompagner l’embauche dans les entreprises de moins de dix salariés, notamment au profit des jeunes et des seniors. Le dispositif proposé par Mme Brunel me semble judicieux et opportun dans la situation actuelle du chômage.

Mais le gage proposé témoigne d’une imparfaite connaissance des besoins d’une partie du territoire national. Je rappelle qu’il y a trois ans une tentative de suppression du dispositif ZRR avait été repoussée à la suite de nombreuses réunions avec Michel Mercier. J’ai bien lu le rapport de l’IGF qui pointe notamment les effets d’aubaine du dispositif et l’absence d’incitation à la création d’emplois. Le problème est que, néanmoins, une suppression des ZRR entraînerait la chute des investissements hospitaliers, la baisse du nombre des structures médico-sociales ou d’autres institutions comme les foyers d’accueil pour les populations fragiles dans les zones rurales ou de montagne. Entamer le dispositif des ZRR pourrait mener à une régression de la situation de ces territoires alors même que nous constatons les conséquences de la désertification médicale et des problèmes de renouvellement générationnels des praticiens.

M. Yves Censi, Président. Quelle est la position de M. Christian Eckert, Rapporteur spécial compétent pour les crédits du programme dont l’amendement propose la réduction ?

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Je partage l’avis de la majorité de mes collègues et je voterai également contre cet amendement. Je souhaiterais néanmoins recevoir une explication de la part du Gouvernement sur les raisons de l’augmentation des crédits accordés à cette mesure d’exonération des cotisations patronales.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’estime qu’il convient d’avoir une très bonne connaissance des territoires pour évaluer le dispositif en faveur des ZRR. L’objectif de soutien des embauches des jeunes et des seniors est légitime car il existe une réelle préoccupation sur ce sujet. En revanche, le gage de cette mesure sur la mise à contribution des territoires ruraux doit être écarté. Certes le dispositif ZRR ne crée que peu d’emplois mais il permet d’en sauvegarder, ce qui est très important, car c’est sa vocation première.

M. Jean-Louis Dumont. En pratique, il arrive souvent que les services de l’État n’appliquent pas correctement la loi en matière d’exonérations dans les ZRR. Ce dernier dispositif est une bonne initiative et a créé une dynamique dans les territoires ruraux. Il crée en outre des ressources avec les cotisations versées par les personnes ainsi employées. Il existe peu de mesures en faveur des territoires ruraux, il faut sauvegarder celles qui existent.

M. Henri Nayrou. M. Woerth avait essayé de remettre en cause l’exonération en faveur des ZRR pour les services à la personne. Il avançait le fait que le dispositif coûtait 186 millions d’euros et que seulement 6 000 emplois avaient été créés. Il faut toutefois considérer les emplois, beaucoup plus nombreux, qui ont été sauvés.

M. Michel Diefenbacher. On constate une inversion de la tendance à la désertification des campagnes enclenchée depuis la révolution industrielle. De nouveau, les territoires ruraux gagnent des habitants. Pour assurer le développement des activités, tout accroissement des charges est à proscrire. Ceci dit, il demeure le problème du financement de la protection sociale, mais le débat ne peut être tranché à l’occasion de l’examen de cet amendement. 

M. Yves Censi, Président. Il existe deux grands types d’organismes d’intérêt général bénéficiaires : les associations d’aides à la personne, pour lesquelles il n’existe pas d’effet d’aubaine, et divers établissement publics, en particulier les centres hospitaliers, dont la facture est payée par l’assurance maladie.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. L’objectif est de mettre en place un dispositif d’exonération totale de charges au profit des jeunes et des seniors. Je présenterai l’amendement en séance avec un nouveau gage, pour ne pas remettre en cause la politique en faveur de la ruralité. J’observe néanmoins que le coût du dispositif ZRR passe de 60 millions d’euros à 151 millions d’euros sans qu’aucune explication soit donnée dans le PAP 2012 et qu’il a été pointé par le rapport de l’inspection des finances comme la niche sociale la moins efficiente en raison d’effets d’aubaine considérables.

M. Henri Emmanuelli. La mise en œuvre du dispositif de contrats aidés par les préfets pose problème. Par exemple, ils incitent à l’embauche de personnels dans les maisons de retraite. Or, ces emplois ont vocation à être pérennisés et la conséquence sera une hausse des tarifs.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. La Cour des comptes remarque que les contrats aidés dans le secteur non marchand débouchent rarement sur des embauches car leur durée est trop courte et ils ne sont généralement pas accompagnés de formations. Dans le secteur marchand en revanche, environ 70 % de ces contrats débouchent sur des embauches. Le dispositif « zéro charges » que je propose est donc plus efficace que de nombreux contrats aidés.

M. Henri Nayrou. Il faut prendre en compte les besoins d’aides dans certaines zones. Par exemple, il est préférable d’aider le maintien des personnes âgées à domicile plutôt que le recours aux maisons de retraite.

M. Yves Censi, Président. Tous les contrats aidés ne peuvent pas être jugés de la même manière. Ceux s’inscrivant dans une démarche d’insertion économique sont à privilégier.

La Commission rejette l’amendement n° II-CF 117.

La Commission examine l’amendement n° II-CF 115 présenté par M. Christian Eckert, Rapporteur spécial.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Cet amendement est destiné à rétablir l'allocation équivalent retraite – AER – qui vise à garantir aux personnes qui remplissent le nombre d’annuités donnant droit à une retraite à taux plein, sans avoir atteint la limite de l’âge légal, un minimum de revenu mensuel. Le Gouvernement a déjà reconduit à deux reprises ce dispositif. Toutefois, sa suppression a été annoncée récemment et devrait être mis en place un dispositif de substitution intitulé allocation transitoire de solidarité – ATS – qui présente l’inconvénient majeur de ne pas concerner l’ensemble des personnes qui bénéficiaient de l’AER. Par ailleurs, je constate qu’il n’y a pas de ligne budgétaire consacrée au financement de l’ATS. Par conséquent je propose de majorer de 50 millions d’euros les crédits de la sous-action Indemnisation des demandeurs d’emploi, dont une partie revient au financement de l’AER. Cette majoration de crédits est gagée par la suppression d’une somme d’un montant équivalent sur les exonérations liées au régime social des autoentrepreneurs.

L’amendement n° II-CF 115 est rejeté.

La commission examine l’amendement n° II-CF 116 présenté par M. Christian Eckert, rapporteur spécial.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Année après année, nous dénonçons le caractère extrêmement coûteux des contrats d’autonomie au regard des faibles résultats obtenus en termes de retour à l’emploi. 9 000 à 14 000 euros par an sont ainsi dépensés chaque année par contrat. Nous avions voté l’année dernière la suppression de ce dispositif qui fut rétabli par le Gouvernement. Or cette année les crédits destinés à ces contrats sont majorés. Nous demandons donc à nouveau qu’ils soient supprimés.

M. Yves Censi, Président. Quelle est la position de la Rapporteure spéciale, Mme Chantal Brunel ?

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je donnerai un avis défavorable à cet amendement de suppression totale tout en reconnaissant que ces contrats coûtent très cher et que l’évaluation promise n’est pas concluante. Je propose donc à M. Eckert d’envisager, d’ici le débat en séance publique, un amendement de repli se bornant à abaisser le nombre de contrats prévus pour 2012 de 9 000 à 8 000, soit le nombre prévu pour l’année 2011.

L’amendement n° II-CF 116 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement n° II-CF 34 de M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. L’amendement a pour objet d’augmenter les crédits dévolus aux maisons de l’emploi. Le débat avait déjà eu lieu en loi de finances pour 2011. Créées par le plan de cohésion sociale, les maisons de l’emploi ont vu leurs missions recentrées par la seconde génération des contrats passés avec l’État, en vue notamment de prendre en compte la création de Pôle Emploi. Leurs missions concernent par exemple la gestion prévisionnelle des emplois ou l’orientation scolaire. Elles sont en voie de fusion avec les missions locales et d’autres structures et deviennent l’opérateur unique, commun à l’État et aux collectivités territoriales, en matière d’emploi. Avec la hausse du chômage et singulièrement du nombre de chômeurs de longue durée, Pôle Emploi se tourne vers les maisons de l’emploi pour assurer certaines missions, comme l’accompagnement des chômeurs de longue durée ou des parents isolés.

Mon amendement a pour objet de garantir l’engagement financier de l’État. Or, je constate que l’amendement de M. Eckert, comme un amendement adopté par la commission des Affaires sociales, prévoit une hausse de 15 millions d’euros des crédits. Je me rallie donc à l’amendement de M. Eckert et retire mon amendement.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Le montant de 15 millions d’euros est le fruit d’un consensus trouvé en commission des Affaires sociales. L’unité du Parlement sur le sujet permettrait de peser face au Gouvernement.

L’amendement II-CF 34 de M. Laurent Hénart est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement II-CF 114 de M. Eckert.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je suis favorable à cet amendement, et j’ajoute qu’une unanimité sur le sujet serait souhaitable.

L’amendement II-CF 114 de M. Eckert est adopté.

La Commission examine ensuite l’amendement II-CF 118 de Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. L’amendement a pour objet de transférer 9 millions d’euros des contrats d’autonomie vers les contrats d’apprentissage, qui sont très efficaces pour les jeunes. Une telle proposition a déjà été faite l’an dernier.

L’amendement n° II-CF 118 de Mme Chantal Brunel est adopté.

La Commission adopte ensuite les crédits de la mission Travail et emploi ainsi modifiés.

Article 62 : Adaptation des dispositions relatives au financement du contrat unique d’insertion (CUI) pour les ateliers et chantiers d’insertion

Conformément à l’avis favorable de Mme Brunel, Rapporteur spécial, la Commission adopte l’article 62 sans modification.

Article 63 : Prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)

La Commission examine un amendement II-CF 120 de M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. La pratique instituée par cet article ainsi que son contenu sont critiquables. Le fonds pour la sécurisation des parcours professionnels est alimenté par des cotisations obligatoires, que j’assimile à un impôt indirect. Le Gouvernement souhaite effectuer un prélèvement de 300 millions d’euros sur le fonds pour financer les politiques de l’État. Une telle pratique a déjà concerné les agences de l’eau et divers établissements publics. La conséquence est que le fonds devra revoir ses missions à la baisse ou augmenter ses cotisations. Sur le principe, un tel article met en cause la lisibilité budgétaire et la responsabilité du Parlement qui autorise la levée de l’impôt. Il est contraire à l’esprit de la LOLF.

La Commission rejette l’amendement n° II-CF 120 de M. Christian Eckert, puis elle adopte l’article 63 sans modification.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 (1)

Amendement n° CF-6 présenté par MM. Patrice Martin-Lalande, Gilles Carrez, Jean-François Mancel, Charles de Courson, Michel Bouvard

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 52, insérer la division, l'intitulé et l'article suivants:

Mission « Médias, livre et industries culturelles »

« Le dernier alinéa du VI de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi complété :

« Le cas échéant, le montant de cette compensation est réduit à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d’objectifs et de moyens ou ses éventuels avenants conclus entre l’État et la société mentionnée au I de l’article 44. » »

Amendement n° CF-34 présenté par M. Laurent Hénart

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

    Accès et retour à l'emploi

22.000.000

 

22.000.000

 

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

 

22.000.000

 

22.000.000

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

 

0

 

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

 

0

 

0

    TOTAUX

22.000.000

22.000.000

22.000.000

22.000.000

    SOLDE

0

0

0

0

Amendement n° CF-112 présenté par MM. Laurent Henart, Yves Censi, Hervé Novelli, Charles de Courson

ARTICLE 32

État B

Mission "Recherche et enseignement supérieur"

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

Dont titre 2

2 000 000

0

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (192)

Dont titre 2

0

0

2 000 000

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

Dont titre 2

0

0

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Dont titre 2

0

0

0

0

TOTAUX

2000000

2000000

SOLDE

0

Amendement n° CF-113 présenté M. Gilles Carrez

ARTICLE 32

État B

Mission « Média, livre et industries culturelles »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

(majorer l’ouverture de)

(minorer l’ouverture de)

Presse

   

Livres et industries culturelles

   

Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique

 

62 000 000

Action audiovisuelle extérieure

   

TOTAUX

   

SOLDE

– 62 000 000

Amendement n° CF-114 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

15 000 000

0

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

0

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

15 000 000

    TOTAUX

+ 15 000 000

- 15 000 000

    SOLDE

0

Amendement n° CF-115 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

50 000 000

0

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

- 50 000 000

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

    TOTAUX

+ 50 000 000

- 50 000 000

    SOLDE

0

Amendement n° CF-116 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

0

49 000 000

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

49 000 000

0

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

    TOTAUX

+ 49 000 000

- 49 000 000

    SOLDE

0

Amendement n° CF-117 présenté par Mme Chantal Brunel

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

0

0

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

- 100 000 000

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

    TOTAUX

0

- 100 000 000

    SOLDE

- 100 000 000

Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

0

46 000 000

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

46 000 000

0

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

    TOTAUX

+ 46 000 000

- 46 000 000

    SOLDE

0

Amendement n° CF-118 présenté par Mme Chantal Brunel

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

    Accès et retour à l'emploi

0

9 000 000

    Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

9 000 000

0

    Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

    Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

    TOTAUX

+ 9 000 000

- 9 000 000

    SOLDE

0

Amendement n° CF-120 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 63

Supprimer le 2° du I de cet article

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 27 octobre 2011 à 9 heures

Présents. - M. Gérard Bapt, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Michel Bouvard, Mme Chantal Brunel, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Pierre Moscovici, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Alain Rodet

Excusés. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Pierre Brard, M. Richard Dell'Agnola, M. Jean-Claude Flory

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Bloche, M. Christian Kert, M. Bernard Lesterlin, Mme Martine Martinel, M. Marcel Rogemont

——fpfp——

1 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.