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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 9 novembre 2011

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Jérôme Cahuzac

–  Audition de M. François Baroin, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, et de Mme Valérie PÉcresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur les mesures du plan de rigueur

– Présences en réunion

La commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire entend M. François Baroin, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et Mme Valérie Pécresse, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur les mesures du plan de rigueur.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le Premier ministre a fait état, lundi 7 novembre, d’un nouveau plan de rigueur dont les mesures seront, pour l’essentiel, incluses dans le collectif de fin d’année, lequel devrait être adopté en conseil des ministres et présenté à notre Commission mercredi prochain, 16 novembre. Je précise que, dans cette hypothèse, la Commission se réunira une semaine plus tard, le mercredi 23 novembre, pour examiner ce collectif de fin d’année qui ne sera pas le collectif classique et anodin auquel nous sommes habitués. Fort heureusement, au cas où notre Commission éprouverait des difficultés à examiner de manière approfondie, dans un temps aussi court, toutes les mesures proposées, je ne doute pas que le Sénat prendra le relais et qu’il saura être convaincant... En effet, en Conférence des présidents, le rapporteur général a souligné, avec mon total soutien, que les conditions dans lesquelles nous devons procéder à l’examen de ce collectif ne sont pas satisfaisantes, et aucun parlementaire membre de notre Commission ne pourra dire le contraire. Ce collectif, je le répète, n’est pas anodin : certains de ses articles sont compliqués et je remercie d’avance M. le rapporteur général pour le mal qu’il va se donner afin que nous puissions voter dans les meilleures conditions d’information.

Par ailleurs, nous sommes réunis ce matin pour entendre ce que les représentants du Gouvernement souhaitent nous dire de la situation nationale et internationale, et le cas échéant du plan de rigueur. Le climat politique s’est récemment tendu dans l’hémicycle, mais je tiens à souligner que c’est dans ce même hémicycle qu’il se dénouera – je forme le vœu que chacun puisse trouver les mots pour que cela soit le cas –, et en aucun cas ici, en commission, où nous n’avons pas connu d’incidents et où je veillerai à ce qu’il en soit toujours ainsi.

M. François Baroin, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie. Valérie Pécresse vous présentera l’ensemble du dispositif. Je m’attacherai quant à moi à vous communiquer les éléments qui ont marqué la préparation du G20 sous présidence française et nos récentes rencontres avec nos partenaires européens.

De façon coordonnée, nous avons souhaité élaborer une réponse globale, ambitieuse et crédible à la crise. Les questions essentielles abordées lors des échanges sont celles relatives à l’avenir de la zone euro, à la nécessité de politiques économiques au service de la croissance ou à l’impératif d’un contrôle démocratique.

Le sommet du 26 octobre a permis de formuler une réponse coordonnée avec cinq éléments essentiels.

Il s’agit d’abord d’un engagement sans équivoque à garantir la discipline budgétaire, à accélérer les réformes structurelles en faveur de la croissance et de l’emploi : la France prend toute sa part dans cet effort d’assainissement des comptes publics.

Il s’agit ensuite d’une solution durable à la crise grecque avec un nouveau plan d’aide de 100 milliards et la participation du secteur privé à hauteur de 100 milliards. Il est fondamental que l’ensemble de la classe politique grecque œuvre au rétablissement de la confiance. Il n’existe en effet aucune alternative à la conduite de réformes structurelles profondes et à la restauration de l’équilibre de ses comptes publics. Il ne s’agit pas de reprocher au Premier ministre grec d’avoir voulu organiser un référendum, car se tourner vers le peuple est toujours légitime dans une démocratie, comme l’a dit le Président de la République la semaine dernière. Simplement, les engagements de réforme pris en contrepartie du soutien financier international doivent être tenus, et je me félicite dans ces conditions de l’intention de la Grèce de former un gouvernement d’union nationale capable de réaffirmer son engagement clair, sans équivoque d’œuvrer à l’application de l’accord du 27 octobre.

Nous avons également travaillé au renforcement des moyens du Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Les mécanismes étudiés jusqu’à présent permettent de démultiplier les ressources du Fonds sans contribution additionnelle des États membres de la zone euro, c’est-à-dire par le biais d’un effet de levier qui devrait porter les ressources du Fonds de 440 milliards d’euros à 1 000 milliards d’euros. Deux mécanismes seront présentés par le Fonds aux investisseurs souverains comme privés : d’une part, une forme d’assurance partielle sur la dette de certains États membres ; d’autre part, la création d’une structure financière qui permettra de recueillir les contributions d’investisseurs privés ou publics pour mener les opérations de stabilisation de la zone euro. La mise en œuvre opérationnelle de ces mécanismes pour maximiser les capacités du Fonds est essentielle. Au cours des débats du dernier Eurogroupe, avant-hier, avec Wolfgang Schäuble, j’ai rappelé notre détermination à arrêter le dispositif dans les meilleurs délais.

Nous avons au surplus décidé un renforcement de 106 milliards d’euros des fonds propres des banques européennes, dont plus de 8 milliards pour les banques françaises, car nous souhaitons montrer que les banques européennes sont suffisamment capitalisées pour faire face à des chocs importants. L’objectif est clair : désamorcer les craintes et briser la spirale négative entre risque souverain et risque bancaire.

Enfin, nous avons franchi un pas décisif en matière de gouvernance de la zone euro. D’une part, les États membres de la zone ont pris des engagements supplémentaires en matière de coordination de leurs politiques économiques et budgétaires ; d’autre part, un arsenal institutionnel est prévu pour que les décisions concernant spécifiquement la zone euro puissent être prises rapidement et de façon efficace.

Lors du G20, des percées diplomatiques importantes sont intervenues sur des sujets qui faisaient partie des points mis à l’ordre du jour de la présidence. Les pays du G20 ont décidé d’utiliser toutes les marges de manœuvre disponibles pour soutenir la croissance. Certains pays en excédent se sont mobilisés pour une politique de relance, et même la Chine s’est montrée conciliante sur ce terrain. Le sommet de Cannes a également enregistré d’importantes avancées sur les priorités de la présidence française, notamment en matière de régulation financière. Le G20 a décidé d’accroître la régulation des banques de taille systémique, qui seront soumises à de nouvelles obligations pour renforcer leurs fonds propres et prémunir les finances publiques contre les effets d’une éventuelle faillite. Pour la partie française, sont concernées les quatre grandes banques : la BNP, la BPCE, le Crédit agricole et la Société générale. Des avancées sont également intervenues sur la publication des paradis fiscaux, avec le forum mondial pour la transparence. À ce titre, la liste des onze juridictions qui ne remplissent pas les standards en matière de lutte contre l’évasion fiscale a été diffusée. Je précise que, dans le périmètre européen, la Suisse et le Liechtenstein ont été signalés comme des pays devant encore produire des efforts pour changer de rubrique.

En matière de réforme du système monétaire international, là aussi des étapes emblématiques ont été franchies avec notamment le développement d’un cadre global pour la gestion des flux de capitaux et la mise en place, par le FMI, d’un nouvel instrument de protection contre les chocs de liquidités. Il a également été décidé que la composition du panier des droits de tirage spéciaux serait revue en 2015, ce qui pourrait conduire à une inclusion du yuan s’il est pleinement convertible à cette date – les autorités chinoises ont réalisé des avancées en la matière.

Enfin, pour la première fois, le G20 a inscrit les enjeux agricoles à son agenda. Il a notamment amélioré la transparence des marchés agricoles et limité les abus sur les marchés de dérivés de matières premières.

M. le président Jérôme Cahuzac. Avant que nous n’entendions Mme Pécresse, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur le cadrage macro-économique.

Les banques américaines ayant dit qu’elles s’exonéreraient de Bâle 3 au motif que cette réglementation était anti-américaine, les banques européennes seront-elles les seules à appliquer celle-ci ?

Par ailleurs, les banques françaises se financent aujourd’hui à 250 points de base à cinq ans, contre dix points de base il y a quelques années, ce qui nuit à leur activité. Or, si les banques rencontrent des difficultés, les entreprises en auront aussi. Pourriez-vous nous donner des informations sur le cadrage micro-économique et sur la position de la France au regard de la réglementation Bâle 3 ? Que comptez-vous faire pour que nos banques puissent se refinancer à de meilleures conditions en euros, étant entendu qu’en dollars c’est devenu quasiment impossible ?

M. le ministre. S’agissant du cadrage macro-économique, nous avons adapté nos prévisions de croissance en fonction du ralentissement observé dans le monde entier. Aux États-Unis, la croissance peine à repartir et ce phénomène a été amplifié par les difficultés qui ont marqué cet été les rapports entre l’administration Obama et le Congrès. La dégradation de la note américaine a évidemment fait naître des doutes sur la stabilité et la solidité de l’économie américaine. Quant à l’instabilité de la zone euro, elle a suscité un réflexe de protection de la part des investisseurs et, il y a un mois et demi, des mouvements de retraits de capitaux dans de grands pays émergents – je pense à la Russie et à un début de ralentissement au Brésil. Même la Chine, qui est pourtant soutenue par une forte croissance, s’interroge sur la nécessité d’accompagner ses besoins de créations d’emplois. Les Chinois créent 10 millions d’emplois par an alors qu’ils ont besoin de 30 millions, et une bonne partie de leur activité à l’export dépend de la capacité d’achat et de croissance, notamment dans la zone euro, d’un bassin de population de 500 millions. Nous avons pris acte de ce ralentissement.

Les éléments mis en place pour stabiliser la zone euro sont conditionnés pour partie par le retour de la stabilité en Grèce et en Italie. Cette dernière a un besoin de crédibilité renforcée et sa décision de faire appel au Conseil et au soutien du FMI pour la mise en œuvre opérationnelle des réformes qu’elle a annoncées participe de la stratégie qui devrait permettre à la fois de stopper la décélération de l’activité économique et de favoriser un rebond en début d’année. Notre évolution est alignée sur celle de l’Allemagne. Il y a trois semaines, les Allemands ont ramené leur perspective de croissance de 1,7 % à 1 %, et nous faisons la même chose.

S’agissant de la régulation et de la réglementation imposées aux banques, l’Autorité bancaire européenne a indiqué, et cela a été validé par le Conseil européen du 27 octobre, qu’elle souhaitait voir l’ensemble des banques européennes afficher des ratios de fonds propres durs sur le total de leurs engagements de 9 % dès le 30 juin, tout en comptabilisant à la valeur des marchés leurs portefeuilles de dettes souveraines. Le calendrier est donc largement anticipé par rapport à celui de Bâle 3 qui fixait l’échéance à 2017. C’est pourquoi l’on parle de Bâle 2.5. Quant aux Américains, ils n’en sont ni à Bâle 3, ni à Bâle 2.5, ni même à Bâle 2, mais les banques américaines se sont appuyées sur la crise de 2008-2009 pour augmenter significativement leurs fonds propres dont le niveau est supérieur à celui des banques européennes. Cela dit, les banques américaines ont d’autres problèmes. Elles ont notamment, dans leurs comptes, de 20 à 25 % de prêts immobiliers qui suscitent de nombreuses interrogations. Nous insistons, lors des négociations, pour que les réglementations internationales soient appliquées aussi aux États-Unis, et le président américain a pris des engagements dans ce sens.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Comme vient de le dire François Baroin, les mesures annoncées par le Premier ministre lundi offrent une triple garantie.

Elles garantissent le respect de nos engagements de réduction des déficits avec, à l’horizon, la certitude du retour à l’équilibre en 2016, car c’est un plan qui a beaucoup de profondeur temporelle. Deux chiffres le démontrent : ces mesures représentent 7 milliards d’euros en 2012 et 65 milliards d’euros de dette évitée d’ici à 2016. 

Ces mesures garantissent aussi la préservation de la croissance dans un contexte de réduction des déficits : une fois encore, nous dosons nos efforts en ne remettant en cause aucun des dispositifs qui soutiennent la croissance. Je pense, non seulement à la priorité donnée par le Gouvernement depuis quatre ans à l’innovation, à la recherche, à l’enseignement supérieur et à la formation, mais aussi à la valorisation du travail et au renforcement de notre compétitivité, avec la défiscalisation des heures supplémentaires ou bien encore la suppression de la taxe professionnelle.

Ces mesures garantissent enfin que notre modèle social sera à l’abri de la crise, car un État qui protège, c’est un État dont l’assise financière est solide. L’exemple de l’Espagne nous montre que, sans assises solides, on ne peut pas mener de politique sociale à la hauteur des ambitions de certains gouvernements. Nous poursuivrons donc notre effort de réduction des dépenses de l’État et de maîtrise des dépenses sociales. Mais, contrairement à nos voisins européens, nous ne remettrons en cause aucun de nos filets de sécurité.

Depuis trois ans, c’est la politique menée par ce gouvernement qui protège les Français. Les décisions que nous prenons doivent conforter la crédibilité de notre pays.

Cette crédibilité se fonde sur trois principes qui sont au cœur du plan de retour à l’équilibre : le réalisme, la constance et la réactivité.

Le réalisme, c’est la révision de notre prévision de croissance à 1 % pour 2012, comme l’avait annoncé le Président de la République. Ce 1 % est le taux auquel notre grand voisin, l’Allemagne, a aussi révisé sa prévision de croissance. À la différence de bien des gouvernements précédents, nous prenons en compte les évolutions de la situation économique en temps réel et nous ne remettons pas à plus tard les décisions, même et surtout lorsqu’elles exigent du courage.

La constance, quant à elle, est la clé de notre politique budgétaire : quelles que soient les circonstances, la France tiendra ses engagements. Nous serons, quoi qu’il arrive, à 4,5 % de déficit en 2012. Notre détermination est totale et nous venons de le démontrer par deux fois, le 24 août et le 7 novembre.

Notre crédibilité intacte, nous la devons également à notre réactivité. Aujourd’hui, comme en août dernier, nous avons pris immédiatement les mesures qui s’imposaient. Nous vous les présentons dans leur globalité, mais elles vous seront naturellement soumises en détail dans les jours et les semaines qui viennent sous trois formes :

D’abord, les économies supplémentaires sur le budget de l’État feront l’objet d’amendements à la seconde partie du projet de loi de finances que vous examinez ;

Ensuite les recettes complémentaires bénéficiant à l’État figureront dans le projet de loi de finances rectificative que nous vous présenterons dans une semaine très exactement ;

Enfin, il y a toutes les dispositions concernant la sécurité sociale et qui feront l’objet d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui sera déposé en conseil des ministres dans les deux semaines qui viennent et examiné d’ici à la fin de l’année. À titre transitoire, le Gouvernement a déposé devant le Sénat une série d’amendements reflétant les effets mécaniques de la révision de la prévision de croissance sur les soldes. Mais les mesures annoncées par le Premier ministre permettront de revenir aux objectifs initiaux adoptés par l’Assemblée nationale.

Nous aurons donc l’occasion de revenir en détail sur les différentes mesures du plan annoncé par le Premier ministre. Aujourd’hui, je voudrais évoquer notre stratégie. Celle-ci est constante : la priorité des priorités, c’est de poursuivre notre effort d’économies sur les dépenses en accélérant les réformes et, en complément, de prendre des mesures supplémentaires de recettes en veillant à répartir équitablement l’effort entre les Français et entre les entreprises, les grandes entreprises devant être plus concernées que les PME ou les TPE. Et cette constance fait que les différents textes que nous avons présentés et que nous vous présenterons forment un seul et même bloc, fondé sur une seule et même stratégie.

Premier pilier de cette stratégie : la poursuite des réformes structurelles que nous avons engagées. Le plan du Premier ministre représente 17,4 milliards d’euros d’ici à 2016, qui, pour plus de la moitié, seront issus d’économies sur les dépenses. Ces économies seront générées par l’accélération des réformes profondes engagées avec courage par le Gouvernement.

Nous allons réduire d’un an la période transitoire prévue par la réforme des retraites : très concrètement, cela veut dire que l’âge légal aura atteint soixante-deux ans dès 2017 et non en 2018. Il s’agit là d’une accélération mesurée, qui respecte le principe de mise en œuvre progressive de la réforme, et qui permettra de réduire l’endettement de 4,4 milliards d’euros d’ici à 2016.

Nous allons également renforcer notre effort d’économies sur l’État et sur l’assurance maladie en 2012, pour un total de 1,2 milliard d’euros qui se répartissent de la façon suivante :

Nous ferons 500 millions d’économies supplémentaires sur le budget de l’État de 2012. Comme pour le rabot d’un milliard, vous serez naturellement associés à cette nouvelle diminution des dépenses, qui portera la baisse totale du budget de l’État à 1,5 milliard d’euros, hors dette et pensions. C’est la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’État, hors dette et pensions, baissent d’une année sur l’autre, ce qui marque un tournant symbolique.

Nous allons également poursuivre notre effort de maîtrise des dépenses de santé en revoyant à la baisse la progression de l’ONDAM de 2,8 à 2,5 %, ce qui représente 500 millions d’euros d’économies supplémentaires en 2012. Nous resterons fidèles à la ligne directrice qui est la nôtre : faire porter les efforts, non sur les patients – il n’est pas question d’augmenter le ticket modérateur –, mais sur les industriels, sur les professions de santé et sur l’organisation de notre système de santé.

Plus de 200 millions d’euros supplémentaires seront enfin dégagés grâce à un effort sur les dépenses de gestion des caisses de sécurité sociale ainsi que sur les fonds de la protection sociale.

Nous allons enfin poursuivre notre effort de réduction des niches fiscales, à hauteur de 2,6 milliards d’euros d’ici à 2016.

En tout premier lieu, le rabot transversal sur les niches sera augmenté – c’était une demande de nombre d’entre vous.

De plus, nous allons poursuivre notre effort de suppression ou de révision en profondeur des niches dont le rapport coût-efficacité est discutable. Ainsi, le dispositif de soutien à l’investissement immobilier dit « Scellier » sera supprimé en 2013. Quant au prêt à taux zéro plus, il sera recentré sur le neuf et son coût par génération sera ramené à 800 millions d’euros. Enfin, nous allons poursuivre le travail que nous avons engagé ensemble pour améliorer l’efficience du crédit d’impôt développement durable.

Pour sécuriser notre calendrier de réduction des déficits, nous allons prendre des mesures supplémentaires en veillant à répartir équitablement les efforts.

Depuis le premier jour, le maître mot de notre politique budgétaire et fiscale, c’est l’équité. La réduction des déficits est une nécessité d’intérêt national et chaque Français, comme chaque entreprise, en prendra sa part. Mais ces efforts seront et demeureront répartis équitablement entre les Français et les entreprises. Les mesures annoncées hier le montrent.

Ainsi, nous majorerons de 5 % l’impôt sur les sociétés acquitté par les grandes entreprises, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, jusqu’à ce que le déficit public soit revenu à 3 %. Cette mesure s’appliquera en 2012 et en 2013, avec un rendement annuel de 1,1 milliard d’euros.

Nous allons définitivement aligner la fiscalité sur les revenus du patrimoine et celle sur les revenus du travail, en portant de 19 % à 24 % le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts. Cela représentera une recette supplémentaire de 600 millions d’euros. Ce gouvernement aura donc mis fin à la fiscalité privilégiée des revenus du capital, qui bénéficiait davantage aux foyers les plus aisés.

Le barème de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et des droits de succession sera gelé en 2012 et en 2013, autrement dit, là encore, jusqu’au retour à 3 % de déficit public. Le rendement total de cette mesure s’élèvera à 1,7 milliard d’euros en 2012, puis à 3,4 milliards en 2013. Et là encore, cette mesure sera essentiellement supportée par les foyers les plus aisés, qui ont plus de revenus et plus de patrimoine.

Dans le cadre de la convergence fiscale franco-allemande, le taux de TVA réduit sera porté de 5,5 à 7 %, ce qui générera une recette supplémentaire de 1,8 milliard d’euros. Et, pour éviter que ce relèvement n’ait un impact sur le pouvoir d’achat des foyers les plus modestes ou les plus fragiles, il ne concernera ni l’alimentation, ni l’énergie, ni les produits et services destinés aux handicapés.

Enfin, en 2012, les prestations sociales seront revalorisées de 1 % de manière forfaitaire. Elles continueront donc de progresser, mais au même rythme que la richesse que nous créons. Et là encore, pour protéger les Français les plus fragiles, cette mesure ne concernera ni les minima sociaux – allocation aux adultes handicapés – AAH –, allocation de solidarité spécifique – ASS –, minimum vieillesse – ni les revenus de remplacement – pensions d’invalidité, rentes d’accidents du travail. Les pensions de retraite sont également exclues de son champ d’application, grâce à l’accélération de la réforme des retraites qui nous permet de sécuriser les retraites versées. Je précise que nous irons en conséquence jusqu’au bout de la revalorisation du minimum vieillesse et de l’AAH, qui auront progressé de 25 % en cinq ans, comme s’y était engagé le Président de la République. Vous le voyez, les efforts demandés aux Français seront une fois encore répartis à due proportion des capacités de chacun.

J’ajoute que les pouvoirs publics continueront de donner l’exemple : c’est notre responsabilité au moment même où nous demandons un effort collectif aux Français. Et nous serons une fois encore exemplaires. Comme l’a annoncé le Premier ministre, les rémunérations du Président de la République et des membres du Gouvernement seront intégralement gelées jusqu’en 2016, date du retour à l’équilibre. Vous le savez, ces rémunérations sont calculées à partir d’une moyenne des rémunérations des plus hauts fonctionnaires de l’État, ce qui signifie qu’elles auraient pu, à l’avenir, augmenter même si le point d’indice est gelé. Avec la décision du Premier ministre, les choses sont très claires : aucune augmentation pendant cinq ans, alors même que le salaire d’un fonctionnaire augmente en moyenne de 3 % par an. Le Gouvernement demande de plus à l’ensemble des responsables et dirigeants, publics et privés, de s’appliquer le même principe, en gelant leur rémunération.

L’ensemble des partis politiques participera à notre effort de maîtrise des dépenses, via la baisse de 5 % du plafond des dépenses prises en charge au titre des campagnes et la diminution des aides aux partis politiques.

Enfin, toujours dans un souci d’exemplarité, les collectivités territoriales devront répondre à une obligation nouvelle de transparence. Dans la pratique, vous le savez, les situations sont très différentes d’une collectivité à l’autre. C’est pourquoi les régions, les départements et les collectivités de plus de 50 000 habitants devront rendre publique, sous une forme accessible, l’évolution de leurs dépenses, qu’il s’agisse de leurs emprunts, de leurs dépenses de personnel ou de leur train de vie. Il s’agit d’une obligation d’information qui respecte naturellement le principe d’autonomie financière.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes des mesures que vous aurez l’occasion d’examiner plus en détail tout au long des semaines qui viennent.

Permettez-moi de le souligner en guise de conclusion : ce plan vient parachever trois années d’efforts structurels de réduction des déficits, des efforts qui reposent d’abord et avant tout sur les dépenses. En 2011 et 2012, nous aurons déjà réalisé un effort de 52 milliards d’euros, dont la moitié grâce à des économies en dépenses.

C’est cela, notre chemin vers le retour à l’équilibre. En continuant notre politique budgétaire actuelle, fondée sur la baisse des dépenses de l’État et la maîtrise des dépenses sociales, en appliquant strictement les mesures annoncées le 24 août et le 7 novembre, nous réaliserons un effort total de 115 milliards d’euros d’ici à 2016, dont les deux tiers par des économies sur les dépenses.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce plan est bien équilibré et offre une réelle visibilité. Il ne devrait pas faire peser de risque sur le pouvoir d’achat, la consommation des ménages et l’investissement des entreprises, en particulier des PME.

Il a également l’avantage d’être présenté sous forme pluriannuelle, à l’instar de ce que font les Britanniques ou les Allemands lors des discussions internationales. On met ainsi en évidence les 65 milliards d’euros de dette évités d’ici à 2016.

En recettes, le plan évite la dispersion en de multiples micro-mesures. Il se compose en effet de trois grandes mesures : la majoration de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises ; le relèvement à 7 % de la TVA sur certains services et produits qui n’avaient aucune raison de bénéficier du taux de 5,5 % – qu’il s’agisse des travaux dans les logements ou de la restauration –, sans que l’on s’expose pour autant au risque d’effets pervers – retour au travail au noir, hausse des prix, baisse de la consommation – ; enfin, une mesure de rendement et de justice fiscale consistant à ne pas indexer les barèmes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Ce volet est complété de façon équilibrée par un volet d’économies de 500 millions d’euros. La révision de l’ONDAM devrait également permettre 500 millions d’économies. Enfin, une mesure plus structurelle, de portée pluriannuelle, consiste à avancer l’échéance de la réforme des retraites.

J’en viens à mes questions.

Comment le Gouvernement, qui a déjà pratiqué l’exercice avec le milliard d’euros du plan du mois d’août, compte-t-il s’y prendre s’agissant des 500 millions d’économies sur le budget de l’État ? Par définition, le collectif budgétaire qui sera présenté au Conseil des ministres la semaine prochaine concerne l’année 2011 et ne peut comporter de mesures de dépenses portant sur 2012. Or la discussion du projet de loi de finances pour 2012 est en train de s’achever, le vote solennel de l’Assemblée nationale devant intervenir le mercredi 16 novembre.

Même question concernant les 500 millions d’euros tirés de la révision de l’ONDAM. Par quelles mesures structurelles garantira-t-on cette économie, sachant qu’en l’espèce tout l’art est dans l’exécution ?

Par ailleurs, comment sécuriser les recettes de 2011 ? Eurostat fournira les données de l’exécution du budget de 2011 en février ou mars. Or le produit de l’impôt sur les sociétés, qui repose pour 20 à 25 % sur les sociétés financières, risque d’occasionner des déconvenues. L’abandon de créances pour des montants importants dans le cadre du plan de sauvetage de la Grèce provoquera sans nul doute une baisse substantielle.

Enfin, la majoration d’IS de 5 % porte sur l’exercice 2011. Comment la rattacherez-vous comptablement à l’exercice 2011 pour que le produit ne porte pas sur le solde, versé en mars 2012, auquel cas il serait constaté en 2012 ? Rien ne serait pire que de constater, à la fin de février ou au début de mars 2012, que l’on n’a pas respecté l’objectif de 5,7 % de déficit pour 2011.

J’en viens à la question du calendrier. Le Gouvernement affirme que nous aurons plusieurs semaines pour examiner ces mesures, mais ce ne sera pas le cas. Le collectif sera présenté en conseil des ministres le 16 novembre. J’ai appris hier, en Conférence des présidents, qu’il était question d’en anticiper l’examen à l’Assemblée nationale : celui-ci débuterait, non plus le 5 décembre, mais le 28 novembre, ce qui laisserait moins de huit jours à la Commission des finances pour étudier un texte qui, en l’état, est déjà riche de trente articles compliqués et qui comportera bientôt de nouvelles dispositions concernant aussi bien la TVA que l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.

Madame la ministre, vous avez en charge à la fois les comptes de l’État et les comptes sociaux. Sachant que l’Assemblée a adopté il y a plus de dix jours, en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que la discussion au Sénat devrait s’achever cette semaine, pourquoi faire passer le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative après le collectif ? Mieux vaudrait examiner d’abord ce texte, au lieu de raccourcir de la sorte le calendrier d’examen du projet de loi de finances rectificative et de rendre du même coup notre travail très acrobatique.

Concernant la Grèce, monsieur le ministre, confirmez-vous que l’engagement des créanciers publics, plafonné à 109 milliards le 21 juillet dernier, reste le même ? Par quels moyens concrets obtiendra-t-on de la Grèce qu’elle respecte ses engagements budgétaires et fiscaux, alors même que les rentrées fiscales de ce pays en 2011 sont très inférieures à celle de 2010 ? Je crois savoir que les Allemands ont des idées à ce sujet. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Combien reste-t-il au Fonds européen de stabilité financière ? Comment le mécanisme de garantie partielle des dettes souveraines pourrait-il être mis en œuvre ? Peut-on espérer à court terme un abondement du Fonds par des financements venant de différents pays, voire du FMI ?

En attendant que le FESF soit opérationnel, la BCE s’est trouvée contrainte d’acheter beaucoup de dettes souveraines. Elle en détient aujourd'hui pour un montant de 170 milliards d’euros. Va-t-elle continuer dans cette voie ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Je suggère que le ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie réponde aux dernières questions que le rapporteur général lui a adressées lors de l’audition conjointe avec la Commission des affaires européennes, qui se tiendra juste après la présente réunion, et que nous nous en tenions pour l’instant aux mesures du plan de rigueur.

Comment parvenez-vous à soutenir, madame la ministre, que l’effort se fait essentiellement par l’économie et non par la recette alors que les 7 milliards d’euros du plan se répartissent entre 5,2 milliards de recettes et 1,8 milliard d’économies ?

De même, vous indiquez que les ménages seront moins sollicités que les entreprises. Ces dernières l’étant à hauteur de 1,1 milliard, le reste des 5,2 milliards semble pourtant rester à la charge des ménages.

S’agissant de la surtaxe au titre de l’impôt sur les sociétés, vous souhaitez éviter de taxer les PME ou les entreprises de taille intermédiaire – ETI – dont notre pays a grand besoin. L’assiette de cette surtaxe, avez-vous indiqué, est le montant de l’IS acquitté. Sachant que les entreprises du CAC 40 ont acquitté 3,5 milliards d’euros d’IS, elles ne seront affectées que pour moins de 200 millions d’euros. Environ 1 milliard sera donc versé par d’autres entreprises, dont probablement les ETI. Disposez-vous d’une ventilation de l’effort demandé ? Comment éviter aux ETI d’être exagérément sollicitées ?

Enfin, Total ne paie pas d’impôt sur les sociétés. Confirmez-vous que cette entreprise, qui a fait 10 milliards d’euros de profit l’année dernière et a distribué 5 milliards de dividendes, ne paiera rien au titre de la nouvelle surtaxe puisque l’assiette, en l’espèce, est nulle ?

Mme la ministre. Je commencerai par votre question sur le calendrier, monsieur le rapporteur général.

Pour des raisons de procédure parlementaire, le PLFSSR ne peut être déposé en conseil des ministres avant l’adoption définitive du PLFSS par le Parlement. Nous sommes obligés d’attendre la réunion de la commission mixte paritaire, prévue le 22 ou le 23 novembre.

M. le rapporteur général. Il faut absolument avancer la CMP !

Mme la ministre. J’ai passé une partie de la nuit en séance au Sénat, monsieur le rapporteur général, et j’ignore quand s’achèvera la première lecture. Les sénateurs auront sans doute un 12 novembre chargé, mais la nouvelle majorité semble avoir une grande envie de s’exprimer. Elle a déjà voté, par voie d’amendements, une dizaine de taxes, ce qui m’a amenée à préciser qu’au-delà de 100 % de fiscalité, on pouvait juger que l’impôt était confiscatoire.

Bref, je crains qu’on ne puisse réduire la durée de discussion au Sénat. Nous risquons donc d’aborder le collectif dans des délais, j’en conviens, très serrés. Nous nous efforcerons de réduire le projet au strict minimum afin de ne pas alourdir le travail de la Commission.

La sécurisation de l’objectif des 5,7 % de déficit en 2011 nous importe beaucoup. Les chiffres que nous recueillons sont maintenant proches de l’échéance et nous permettent d’écarter les doutes à ce sujet. Nous avons un certain nombre de bonnes nouvelles concernant d’« autres recettes fiscales » et les comptes spéciaux de 2011, que je vous présenterai dans le cadre du PLFR. La moindre recette d’IS pour provisionnements liés à l’annulation partielle de la dette grecque, que nous estimons à 400 millions d’euros pour 2011 et à 800 millions pour 2012, reste absorbable dans la mesure où nous avons institué dans la LFR de septembre l’IS minimum en limitant le report de déficits en avant et en arrière. Comme les banques ont réalisé des bénéfices, elles paieront un IS minimum cette année.

Pour ce qui est des 500 millions d’économies réalisées par l’État, nous prendrons votre attache dans les prochaines heures, monsieur le rapporteur général, pour en étudier et en ajuster la répartition. Nous présenterons un amendement lundi 14 novembre, à l’occasion de la seconde délibération, afin de mettre ces économies en œuvre. Nous pensons pouvoir dégager 170 millions d’euros en mesures transversales, notamment par des économies sur la communication et par l’accélération des ventes immobilières, et 330 millions d’euros par des économies ciblées sur les budgets des ministères, portant sur les dépenses d’intervention et de fonctionnement. Nous avons évidemment exclu du périmètre la masse salariale et les dépenses de guichet. Chaque économie vous sera précisée ministère par ministère.

Quant aux 500 millions d’économies réalisées par la révision de l’ONDAM, il n’y a pas encore d’arbitrage définitif. Comme aux parlementaires de la Commission des affaires sociales, que Xavier Bertrand et moi-même avons rencontrés hier, je vous confirme que les économies pèseront sur le système de soins, sur les industriels et sur les professionnels de santé, mais à aucun moment sur les patients. Il n’y aura d’augmentation ni du ticket modérateur ni des déremboursements de médicaments.

Vous avez affirmé, monsieur le président Cahuzac, que 80 % de l’effort se feraient en recettes.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je me suis contenté d’indiquer les valeurs absolues.

Mme la ministre. Quoi qu’il en soit, c’est pour cette raison que nous avons choisi une présentation pluriannuelle. Lorsque l’on présente les budgets en statique, plus personne ne mesure l’impact de long terme des décisions très courageuses du Gouvernement, dont, par exemple, la suppression de 150 000 postes de fonctionnaire et la révision générale des politiques publiques. Chaque économie de cet ordre se répercute sur les années suivantes en endettement évité. La présentation pluriannuelle est à la fois un outil pédagogique et une façon de montrer les mécanismes internes des dépenses de l’État.

M. Henri Emmanuelli. C’est plutôt une présentation cosmétique !

Mme la ministre. Il n’empêche que cela fait apparaître que les deux tiers de l’économie sont en dépenses. De même que l’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, monsieur Emmanuelli, vous ne pouvez ajouter les « engueulades » au blâme ! Vous nous accusez déjà de réduire l’État et la fonction publique à la portion congrue, vous ne pouvez pas soutenir en plus que nous ne faisons pas d’économies en dépenses ! À l’échéance de 2016, les efforts représenteront 115 milliards d’euros sur six ans, dont les deux tiers en dépenses. Si nous prenons du recul, c’est pour montrer que notre trajectoire est crédible.

Vous m’interrogez également, monsieur le président Cahuzac, sur la ventilation de l’effort en matière d’impôt sur les sociétés. La surtaxe rapportera 550 millions d’euros pour les groupes dont le chiffre d’affaires dépasse 2,5 milliards d’euros et 450 millions pour les groupes dont le chiffre d’affaires est compris en 500 millions et 2,5 milliards. Les très grandes entreprises supporteront donc 90 % de l’effort, les entreprises entre 250 et 500 millions d’euros de chiffres d’affaires acquittant les 10 % restants, soit 100 millions d’euros. Il s’agit, bien entendu, d’ordres de grandeur.

Pour ce qui est de Total, vous voulez seulement me faire répéter quelque chose que vous savez déjà. La mesure relative à l’IS ne touche que les entreprises qui réalisent des bénéfices en France. Le rapport d’activité de Total, validé par des commissaires aux comptes, fait apparaître que l’entreprise est soumise à un taux mondial d’imposition de plus de 50 %. Les bénéfices de Total sont réalisés à l’étranger. Je doute que vous souhaitiez revenir sur l’application du régime mère-fille ou sur les directives européennes qui permettent aux entreprises de consolider leurs comptes !

M. Michel Bouvard. Le groupe UMP soutient l’action engagée par le Gouvernement pour limiter la dérive de la dette, infléchir la courbe du déficit et revenir progressivement à l’équilibre. Je rappelle que cette action vise, non pas à satisfaire les agences de notations, mais à éviter qu’une envolée des taux ne renchérisse les annuités que nous devons acquitter.

Ma première question porte sur le calcul de l’élasticité de la recette : comment a-t-on apprécié le besoin par rapport à l’évolution de la croissance ? Cet élément est essentiel si l’on veut être assuré de respecter l’objectif fixé pour 2012.

L’approche pluriannuelle est en effet indispensable. La démarche du Gouvernement s’inscrit dans la durée et il faut pouvoir mesurer l’effet cumulatif des économies réalisées.

Certaines dispositions – comme l’accélération de la mise en œuvre de la réforme des retraites – approfondissent des mesures déjà adoptées. Le relèvement de la TVA à taux réduit, qui est en revanche une nouveauté, s’inscrit dans la démarche d’harmonisation franco-allemande : c’est un des rares secteurs où notre fiscalité est moins importante que chez nos voisins ; c’est en outre une mesure socialement acceptable dès lors que les produits d’alimentation courants, par exemple, en sont exclus.

S’agissant de la mesure relative à l’impôt sur les sociétés, nous savons tous que le taux facial de l’IS ne correspond pas à ce que les entreprises paient réellement. En choisissant un seuil de chiffre d’affaires à 250 millions d’euros, on fera porter l’effort sur des entreprises qui, dans leur quasi-totalité, étaient en deçà du taux d’IS de 33 %. Ne serait-il pas temps, cependant, de prendre des mesures de vérité sur les taux d’IS ? Le taux affiché pénalise la France en matière d’implantation d’entreprises étrangères alors qu’il ne correspond pas à la réalité. Il est grand temps de rationaliser cet impôt !

Parmi les mesures d’économies, certaines sont ponctuelles et déjà identifiées, d’autres se traduiront par un relèvement de la mise en réserve, laquelle, je le rappelle, correspond à un souhait profond exprimé par la représentation nationale lors de l’adoption de la LOLF pour éviter les à-coups dans la gestion des budgets opérationnels de programmes. L’idée était que les responsables de cette gestion aient l’assurance de pouvoir utiliser les montants mis en réserve au début de l’année après validation du Parlement, et d’éviter ainsi les annulations de crédits sauvages sur lesquels la représentation nationale n’a aucun regard, sauf, a posteriori, dans la loi de règlement. Les mises en réserve prévues dans le plan du Gouvernement ne risquent-elles pas de s’accompagner d’un retard dans la délégation de crédits dont les responsables de programmes doivent disposer dès le début de l’exercice ? Les difficultés du système CHORUS ont déjà perturbé la gestion des programmes ainsi que le paiement des clients de l’État. L’importance de la mise en réserve à laquelle on va procéder implique une plus grande efficacité dans la délégation des crédits votés par ailleurs.

Il est enfin prévu de supprimer certaines niches fiscales. Se pose toutefois un problème de terminologie. Par exemple, il arrive que l’on assimile divers dispositifs au dispositif Scellier stricto sensu. Or, dans plusieurs domaines, la dépense fiscale est justifiée car elle oriente les capitaux privés pour soutenir l’économie. S’agissant de la production de logements, nous disposons des crédits ordinaires de l’État pour le logement social, des montants mobilisés par l’épargne, mais la dépense fiscale est le seul élément de soutien à certains secteurs de la construction. Un dialogue avec le Parlement me semble nécessaire à ce sujet. On ne doit pas, au motif que l’on supprime une niche, en supprimer d’autres sans le dire.

M. Christian Eckert. C’est sympathique, cette discussion du café du commerce sur l’après-G20 et sur le collectif budgétaire...

M. Yves Censi. Vous vous moquez de la représentation nationale ! C’est une honte ! Nous allons quitter la salle !

M. Christian Eckert. Nous travaillons sans aucun document et sans aucun chiffre. Comme le président de la Commission et le rapporteur général l’ont relevé, le calendrier annoncé traduit un mépris pour le Parlement, pour son information et pour sa capacité de réaction. Le Gouvernement s’apprête à déposer des amendements en seconde délibération sur la seconde partie du projet de loi de finances. Cela signifie que nous découvrirons en séance des amendements portant sur plusieurs centaines de millions d’euros !

M. Michel Bouvard. La gauche l’a déjà fait dans le projet de loi de finances pour 2002 !

M. Christian Eckert. Peut-être trouvez-vous ces conditions de travail satisfaisantes, mon cher collègue, mais ce n’est pas le cas du groupe socialiste ! Nous ne sommes pas opposés à travailler jour et nuit, mais nous devons pouvoir déposer des amendements dans des délais raisonnables et non en vingt-quatre heures, comme j’ai cru le comprendre.

Sur le fond, il est difficile de savoir si votre plan d’austérité est lié au G20 ou à la baisse de la croissance. Le PLF initial était fondé sur une estimation de croissance de 1,75 %. Or cela fait plusieurs semaines que l’on sait que la croissance atteindra difficilement 1 %. Ne devons-nous pas nous attendre à un troisième plan d’ici peu ?

S’agissant du « coup de rabot » de 500 millions d’euros sur les dépenses de l’État, vous nous invitez à participer à la définition des mesures. Je me rappelle pourtant qu’à l’occasion du précédent coup de rabot de 1 milliard d’euros, j’avais découvert en séance un amendement déposé en dernière minute par le Gouvernement et qui amputait de 74 millions d’euros le modeste budget que je rapporte, le programme 103 de la mission « Travail et emploi », sans que l’on sache pourquoi ni comment. Je pense qu’il en a été de même pour les autres missions. Où est, dans ces conditions, la coproduction législative ?

Par ailleurs, le gel du barème de l’impôt sur le revenu correspond mécaniquement à une hausse généralisée de l’IR. Certains contribuables vont même se trouver soumis à l’IR alors qu’ils ne l’étaient pas. Ce que vous avez annoncé, madame la ministre, c’est en réalité une hausse générale de l’impôt pour une recette de 1,4 milliard d’euros.

S’agissant du passage de la TVA de 5,5 à 7 %, devrons-nous attendre que vous nous indiquiez, cinq minutes avant le vote, quels sont les produits et services concernés ? Les aides à domicile, par exemple, seront-elles touchées ? Quels seront les produits alimentaires concernés ? À tout le moins, nous attendions que l’on nous remette ce matin un document détaillant les mesures annoncées.

Le président Cahuzac a déjà évoqué le rétrécissement de l’assiette de l’IS à cause des niches. Êtes-vous disposée à envisager un impôt sur les sociétés minimal qui reviendrait à plafonner les niches, comme nous le proposons depuis longtemps par amendement ?

Enfin, quelle part du grand emprunt a-t-elle été effectivement décaissée ? Les organismes qui pensaient pouvoir en bénéficier nous indiquent que les sommes tardent à arriver.

M. Daniel Garrigue. Je regrette que l’on ait mis si longtemps à comprendre que la lutte contre les déficits et l’endettement exige à la fois des économies et des prélèvements. Dès lors que l’on commence à intervenir par les prélèvements, je pense que l’on aurait dû élaborer un mix plus large, comprenant notamment une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu et une imposition du patrimoine.

J’avais proposé la création d’un deuxième taux réduit de TVA lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Je regrette seulement que le Gouvernement ait choisi un taux si proche du premier taux réduit et qu’il n’ait pas opéré une meilleure répartition entre les deux. Si le taux de 5,5 % est à l’évidence trop faible pour le secteur de la restauration, il me semble en revanche dangereux de l’abandonner en ce qui concerne le secteur de la construction et de la rénovation.

Enfin, j’estime moi aussi que le problème prioritaire de l’impôt sur les sociétés n’est pas celui du taux, mais celui de l’appréhension de l’assiette.

M. Hervé Mariton. Ce plan représente un progrès par rapport au précédent, alors même que, en termes d’économies sur les dépenses, l’effort pourrait être plus important.

En matière d’impôt sur le revenu, la mesure de gel du barème aura certes un impact et un rapport. Il faut néanmoins éviter que cette décision ne devienne une position de principe et ne s’incruste dans la durée. Il peut en effet être tentant de maintenir une disposition fiscale de ce type au fil des années : c’est ainsi que certains impôts sont restés mal actualisés pendant de longues périodes, avant que la représentation nationale et le Gouvernement n’aient le courage d’en actualiser les barèmes.

Bref, si la décision est recevable pour l’année 2012, nous devons garder en tête qu’il existe un risque de la voir s’installer comme un mauvais réflexe de politique fiscale et, à certains égards, une facilité.

M. François Goulard. À ceux qui émettent des critiques – parfois non sans pertinence –, je rappelle que tous les gouvernements sont contraints de présenter des mesures d’économies budgétaires ou d’accroissement des recettes dans l’urgence, et que le tempo de l’annonce de ces mesures n’est pas celui du Parlement. Dans la crise que traverse le monde, certaines réponses doivent être quasi instantanées. Nous pouvons en éprouver une certaine frustration, mais cette rapidité est impérative. Ce n’est qu’après l’annonce que l’on peut mesurer que l’effet recherché a été obtenu. De ce point de vue, le dernier plan a été plutôt bien reçu.

Au rebours de l’opposition, je pense que les mesures prises par le Gouvernement sous une certaine contrainte vont dans le bon sens, y compris sur le plan économique. L’idée selon laquelle la réduction de la dépense publique serait nuisible à la croissance est fondamentalement fausse et funeste sur le moyen et le long terme, même si elle peut avoir une certaine validité conjoncturelle à très court terme. J’en veux pour preuve la faiblesse de la croissance des pays européens dont les dépenses publiques sont très élevées. Ce que nous faisons sert, pour l’essentiel, les intérêts à moyen et à long terme de l’économie française.

Comme le rapporteur général, je crois qu’il manque à ce plan des mesures de desserrement des multiples étaux réglementaires qui brident l’activité en France. On ne peut à la fois mener une politique plus rigoureuse en matière de finances publiques et conserver les mauvaises habitudes qui font qu’agir, entreprendre et investir dans notre pays est difficile, non seulement parce que les impôts sont élevés, mais aussi parce que les règles sont souvent absurdes, lourdes et inefficaces.

Enfin, les collectivités locales doivent apporter leur écot. Au risque de me rendre impopulaire auprès de mes collègues, je maintiens que les communes de plus de 40 000 ou 50 000 habitants sont aujourd'hui plutôt surdotées, que les régions sont très à l’aise financièrement et que la crise des départements est beaucoup moins grave qu’on ne le dit. C’est un président de conseil général qui l’affirme : dans mon département, nous avons des économies considérables à faire et nous allons les faire. Il est trop facile, dans la période que nous traversons, de laisser les sacrifices aux autres : les collectivités locales, à l’exception des plus petites d’entre elles, ont des efforts à faire !

Mme la ministre. Je vous prie de m’excuser par avance de la brièveté de mes réponses : je suis en effet attendue au Sénat.

La question de l’élasticité de la recette est très importante, monsieur Bouvard. Un point de croissance en moins représente un peu moins de 10 milliards d’euros de perte de recettes. Pour 0,7 point, ce sera 7 milliards.

J’ajoute, à l’intention des membres de l’opposition qui évoquent un éventuel accident de croissance ultérieur, que nous disposons de 6 milliards d’euros de réserve, et, à l’intention de M. Bouvard, que le plan de rigueur ne fait pas augmenter cette réserve. Ces 6 milliards sont mobilisables en cours d’exécution. Ce qui importe, c’est de boucler un PLF sincère et réactif, en convergence avec les prévisions de croissance de l’Allemagne.

En matière d’impôt sur les sociétés, nous sommes également dans une logique de convergence franco-allemande.

Je conviens, monsieur Eckert, que nous demandons un effort considérable à l’Assemblée nationale. Je le regrette : j’aurais souhaité moi aussi que l’on prenne plus de temps. Mais la réactivité est aujourd'hui la clé de la crédibilité pour un pays. Le temps économique s’est terriblement accéléré, et il est malheureusement de notre devoir de le faire coïncider avec le temps de la démocratie.

M. Christian Eckert. Ce n’est tout de même pas hier que vous avez appris que la croissance serait plus faible !

Mme la ministre. M. Baroin a évoqué le contexte macro-économique. Par ailleurs, je rappelle que seuls 15 millions de foyers fiscaux sur 36 millions acquittent l’impôt sur le revenu et que, au-dessous de 60 euros d’impôt dû, l’administration ne procède pas au recouvrement. Nous évitons ainsi les effets de seuil intempestifs pour les personnes qui se situeraient juste sous la limite.

M. Christian Eckert. Et qu’en sera-t-il des personnes que le gel du barème fera passer de 50 à 70 euros ?

Mme la ministre. D’autre part, il existe déjà un impôt minimum sur les sociétés, l'imposition forfaitaire annuelle – IFA –, que nous avons maintenue pour les grands groupes et que nous supprimons pour les PME.

M. le rapporteur général. Grâce à un amendement parlementaire !

Mme la ministre. De plus, en supprimant la possibilité de reporter les déficits de nouveau en deçà de 40 % des bénéfices, nous instaurons un vrai IS minimal.

S’agissant du grand emprunt, les lauréats retenus doivent contractualiser avec l’État, ce qui n’est pas sans poser des problèmes étant donné le nombre considérable de partenaires bénéficiaires : PME, grands groupes, collectivités, laboratoires publics, universités, etc. Le Gouvernement s’emploie à accélérer les décaissements. Lorsque j’étais ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, j’avais suggéré un système de forfait permettant de payer par anticipation le budget de la première année avant même la signature du contrat.

M. Christian Eckert. À combien les décaissements s’élèvent-ils aujourd'hui ?

Mme la ministre. Nous nous heurtons à un problème de base légale et juridique pour procéder aux versements. Une instruction permettra un versement anticipé.

Je rappelle toutefois que l’ensemble des dotations en capital ont été versées et produisent des intérêts. Les décaissements budgétaires stricto sensu représentent 1,4 milliard d’euros en 2011. Nous allons maintenant accélérer tous les versements en procédant, comme je l’ai dit, par anticipation.

M. le président Jérôme Cahuzac. Sauf erreur de ma part, l’élasticité des recettes à la croissance que vous retenez est de 1 pour 1.

Mme la ministre. Un peu moins.

M. le président Jérôme Cahuzac. Pourtant, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques se fonde sur une élasticité de 1 pour 2, que certains avaient alors trouvée très optimiste. Comptez-vous revoir cette trajectoire ?

Mme la ministre. Le plan du 24 août se fonde déjà sur une élasticité de 1 pour 1. L’élasticité à la baisse est différente de l’élasticité à la hausse. Il est logique qu’elle soit plus faible, puisque l’impôt sur le revenu, par exemple, est perçu sur les revenus de l’année précédente. La baisse met plus de temps à se répercuter sur ce type de recettes. Elle n’a d’effet direct que sur des impôts très liés à la conjoncture.

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la ministre, monsieur le ministre, nous vous remercions.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 9 novembre 2011 à 10 h 30

Présents. - M. Dominique Baert, M. Gérard Bapt, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, Mme Pascale Gruny, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Lamour, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Gaël Yanno

Excusés. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Charles de Courson, M. Jean-Claude Flory, M. Jean-Michel Fourgous, Mme Annick Girardin, M. François Hollande, M. Alain Joyandet, M. Victorin Lurel, M. François de Rugy, Mme Isabelle Vasseur

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Louise Fort, Mme Marietta Karamanli, M. Lionnel Luca, M. Michel Piron, M. Pascal Terrasse

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