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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Lundi 13 février 2012

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 61

Présidence de M. Jérôme Cahuzac,
Président

–  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 4332) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

–  Présences en réunion

La Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 4332) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général).

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner, au titre de l’article 88 du règlement, les amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2012. Comme nous en étions convenus mercredi dernier, nous prendrons le temps nécessaire à la discussion. Il nous reste 184 amendements différents à examiner, et environ 700 en comptant les identiques.

Avant l’article premier

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse les amendements nos 701 et 713 de M. Jean-Pierre Brard.

Elle examine ensuite l’amendement n° 659 de M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cet amendement vise à revaloriser le barème kilométrique fiscal afin de tenir compte de l’incidence de l’augmentation de la TVA sur le prix de l’essence.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même si ce dispositif relève du règlement, l’amendement évoque un problème réel : sur la seule assiette de la TIPP, une augmentation de 1,6 point de la TVA représente un enjeu de 200 à 300 millions d’euros.

M. Charles de Courson. La part de la masse salariale étant extrêmement réduite dans le chiffre d’affaires de l’industrie pétrolière, la hausse de la TVA n’y sera pas compensée par la baisse des charges, et sera répercutée à 100 % sur le prix des produits pétroliers.

M. Christian Eckert. La mesure proposée par M. Giscard d’Estaing sera loin d’atténuer les conséquences de la hausse de la TVA, puisqu’elle ne concerne pas les foyers les plus modestes qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu.

M. le président Jérôme Cahuzac. Elle concerne tous ceux qui se déplacent dans le cadre de leur travail et sont imposés aux frais réels.

La Commission accepte cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement n° 660 de M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cet amendement vise à rendre déductibles de la base imposable à l’IRPP les contributions perçues sur les revenus visés à l’article 39 du CGI, communément appelées « retraite chapeau », au titre du principe interdisant la double imposition.

M. le rapporteur général. Défavorable : nous avons corrigé le dispositif dans le cadre du dernier collectif, en allégeant le barème et en introduisant la possibilité de déductibilité jusqu’à 1 000 euros.

La Commission repousse cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement n° 769 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement vise à établir une contribution plus équitable des revenus du travail et du capital.

M. le rapporteur général. Défavorable : vous oubliez que compte tenu des prélèvements sociaux, la taxation des revenus du capital dépasse 50 %.

La Commission repousse cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement n° 771 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un amendement de repli.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse l’amendement n° 596 de M. Jean-Pierre Grand.

Elle examine ensuite l’amendement n° 708 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le présent amendement vise à décourager la distribution de stock-options en les soumettant à un taux d’imposition dissuasif.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse cet amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements n°s 705 et 704 de M. Jean-Pierre Brard, 594 de M. Jean-Pierre Grand et 662 de M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Pierre Brard. Les amendements n°705 et 704, que nous avons déjà présentés, visent à assurer une meilleure progressivité du barème de l’impôt sur le revenu.

M. le rapporteur général. Défavorable à tous ces amendements. À partir du 1er juillet prochain, les ménages les plus aisés, déjà soumis à un taux marginal d’IRPP de 41 %, seront redevables d’une contribution exceptionnelle de 4 %, à quoi s’ajouteront 15,5 % de prélèvements sociaux. On arrivera donc à un taux de prélèvement dépassant 60 %, ce qui dépasse vos espérances, monsieur Brard !

La Commission repousse ces amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse ensuite les amendements n °s 631 de M. Lionel Tardy et 11 de M. Hervé Mariton.

Puis elle examine l’amendement n° 703 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement vise à réduire le plafond de l’avantage procuré par les niches fiscales.

M. le rapporteur général. Défavorable.

La Commission repousse cet amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle repousse l’amendement n° 518 de M. Michel Bouvard.

La Commission est saisie de l’amendement n° 706 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le présent amendement vous donne l’occasion de revenir sur l’injustice que constitue le gel du barème de l’impôt sur le revenu en 2012 et en 2013.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission repousse l’amendement n° 460 de M. Michel Bouvard.

Elle examine ensuite l’amendement n° 474 de M. Michel Bouvard.

M. le rapporteur général. Favorable à cet amendement, qui tend à prolonger la durée de vie du dispositif Censi-Bouvard.

La Commission accepte cet amendement.

Article premier : Dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises

La Commission examine les amendements identiques de suppression de l’article, n°21 à 217, déposés par 197 membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, 634 de M. François de Rugy et 722 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Pierre-Alain Muet. Je ne comprends toujours pas pourquoi le Président de la République a inscrit à notre ordre du jour la TVA sociale, dont il reconnaissait lui-même, lorsqu’il était ministre des finances, qu’elle aurait un effet dépressif sur la croissance. Cette proposition d’augmenter la TVA est encore plus incompréhensible dans la conjoncture actuelle, marquée par une baisse du pouvoir d’achat.

Mme Sandrine Mazetier. On ne voit pas la justification de cette TVA que plus personne n’ose appeler « sociale », puisqu’elle amputera le pouvoir d’achat des consommateurs, singulièrement les plus modestes. Pourquoi sinistrer ainsi la demande intérieure, alors qu’elle est notre dernier moteur de croissance ? En Allemagne, l’augmentation de trois points taux de TVA s’est immédiatement traduite par une augmentation des prix de 3,6 %.

M. le rapporteur général. Le diagnostic de nos collègues socialistes est totalement erroné : cette majoration de 1,6 point n’aura aucune répercussion sur les prix des produits fabriqués en France, puisqu’elle sera compensée par la suppression des cotisations patronales, qui permettra à ces entreprises de bénéficier d’une baisse substantielle du coût de leur masse salariale. En revanche, le prix des produits importés augmentera, ce qui est conforme à l’objectif du dispositif : protéger et améliorer l’emploi en France en renforçant la compétitivité de nos entreprises. Dois-je vous rappeler que notre système social a été édifié en 1945, à un moment où les produits importés ne représentaient que 5 % de la consommation des Français ? Il était légitime alors que le financement de notre protection sociale soit assuré par la masse salariale. Aujourd’hui où la part des produits importés dans la consommation française est de près de 25 %, il est absurde qu’ils ne contribuent en rien au financement de la sécurité sociale. Dès les années soixante-dix, les pays scandinaves ont fait basculer sur la TVA une partie du financement de leur protection sociale.

Contrairement à ce que vous affirmez, l’augmentation en 2006 du taux de TVA n’a eu qu’un effet inflationniste très limité en Allemagne. Mon seul regret est que nous n’ayons pas mis en œuvre cette excellente mesure dès le début de la législature.

M. Pierre-Alain Muet. Premièrement, la Deutsche Bank a évalué à 2,6 % la hausse des prix due à la hausse de la TVA. Deuxièmement, la TVA est toujours payée par les consommateurs, jamais par les importateurs : ce sont donc les consommateurs, les salariés et les retraités qui vont payer la protection sociale.

J’observe enfin qu’en Europe, les États ont choisi entre l’une de ces deux stratégies : soit alléger les cotisations sociales sur les bas salaires, soit transférer le financement des charges sociales sur la TVA, mais qu’aucun n’a associé les deux. Votre réforme, totalement aberrante, conjugue illisibilité et inefficacité.

M. Marc Goua. Je remonterai non pas à 1945 mais aux plus récentes déclarations du Président-candidat Sarkozy, selon lesquelles la mesure dont nous parlons est inefficace. Notre pays ne cesse de courir après les autres sur le moins-disant social. Ainsi, le coût de la suppression de la taxe professionnelle – mesure qui, nous disait-on, devait améliorer la compétitivité – s’est élevé à 13 milliards dès la première année, et atteint 6,5 milliards d’euros en année courante.

L’étude comparée – insérée dans un rapport non publié – des compétitivités française et allemande n’a pas fait ressortir de différences notables, puisque le coût du travail est à peu près le même dans les deux pays. Le problème est surtout que la France n’est pas suffisamment présente dans des secteurs d’activités à forte valeur ajoutée.

On ne peut concurrencer un pays où le salaire mensuel minimum est de 250 euros, observait ce week-end M. Besson au sujet de la délocalisation d’usines Renault au Maroc. De fait, quelques allégements mineurs n’auront guère d’effets sur notre compétitivité.

Si l’effet sur l’industrie sera négligeable, l’effet sur la consommation et la croissance, lui, sera bien réel. À cet égard, le taux de 0,5 % que vous avez retenu pour ce collectif sera sans doute celui non pas de la croissance, mais de la récession.

M. Victorin Lurel. Je n’évoquerai pas l’Allemagne, monsieur le rapporteur général. La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe expérimentent la TVA dite « sociale » depuis 1994. Dans ces territoires, le taux de TVA est en effet passé de 7,5 % à 9,5 %, avant d’être ramené à 8,5 %. Une étude réalisée par l’INSEE au sujet de La Réunion montre qu’il s’agit d’un échec flagrant, puisque tous les prix ont explosé sans que les créations d’emploi n’augmentent. Dans mon département, ce sont ainsi 166 millions d’euros qui ont été prélevés sur la consommation, et ce sans aucun effet sur la production, l’embauche ou la compétitivité. Cette TVA n’a donc de « sociale » que le nom.

M. François Goulard. Au moins, on ne peut accuser le Président de la République de démagogie : si nous soutenons cette mesure impopulaire, c’est que nous sommes convaincus de son efficacité. Nul ne peut savoir, en réalité, quel sera l’effet sur la hausse des prix, qu’il ne faut pas confondre avec l’inflation : tout dépendra de la situation de la concurrence.

M. le rapporteur général. C’est toute la question, en effet : en outre-mer, l’augmentation de la TVA entraîne une augmentation des prix car il n’y a pas de concurrence.

M. François Goulard. Dans la conjoncture actuelle, l’impact sur la hausse des prix restera probablement limité.

Si l’on peut débattre des chiffres, depuis quelques années, l’évolution de notre coût du travail, s’agissant des charges, n’a pas été favorable par rapport à l’Allemagne : autrefois, les « prix chargés » y étaient plus élevés qu’en France, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il n’est donc pas illogique d’essayer de corriger cette anomalie, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement du marché européen.

Pour simplifier, la TVA sociale s’apparente à une légère dévaluation compétitive de « l’euro français ». Certes, la baisse de l’euro au cours des derniers mois a un impact bien plus sensible et la mesure dont nous débattons ne suffit pas à doper la croissance, mais elle va dans le bon sens.

Enfin, l’industrie n’est pas la seule concernée : le secteur des services, auxquels l’industrie recourt elle-même, est lui aussi exportateur. La question du coût du travail intéresse donc l’ensemble de l’économie française. Si la TVA a selon vous un effet aussi négatif sur la croissance et la consommation, je suppose, chers collègues socialistes, que vous la baisserez massivement si vous accédez au pouvoir…

Mme Chantal Brunel. Je m’abstiendrai sur ces amendements de suppression, mais je ne partage pas votre enthousiasme sur la TVA sociale, monsieur le rapporteur général. Certes, une augmentation de 1,6 % du taux de la TVA le plus élevé n’entraîne pas mécaniquement la même augmentation des prix, surtout dans le secteur concurrentiel. Je regrette néanmoins que les 13 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ne profitent à l’industrie que pour un tiers. L’argument de la compétitivité me semble donc assez faible.

Par ailleurs, je ne perçois guère la dimension sociale de la mesure, qui aurait dû porter aussi sur les charges salariales. Pour les Français qui ont les revenus les plus élevés, cette augmentation de la TVA n’aura guère d’incidence ; mais pour les autres, elle se traduira par une baisse de pouvoir d’achat.

M. Jean-Michel Fourgous. Il y a un problème de culture économique en France.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mais heureusement, vous êtes là.

M. Jean-Michel Fourgous. Notre grand ami Mitterrand avait promis, en 1981, que l’augmentation des dépenses publiques créerait 1 million d’emplois ; finalement, ce fut 1 million de chômeurs. Quelques années plus tard, les socialistes annonçaient la création de deux fois 350 000 emplois grâce aux 35 heures – « deux fois » pour la rime, m’avait confié un agent de communication. À ma connaissance, il n’en a rien été : vaste fumisterie, donc. Pour notre part, nous pensons que l’augmentation de TVA créera 100 000 emplois. On s’interroge sur la dimension sociale de la mesure ; mais créer 100 000 emplois, n’est-ce pas « social » ?

En Allemagne, les dépenses publiques atteignent un peu moins de 47 % du PIB et le taux de chômage est de 5,5 %, alors que ces taux sont respectivement de 57 % – soit quasiment un record du monde – et 9,8 % en France. On peut donc établir une corrélation entre l’augmentation du périmètre public et la destruction des emplois marchands – et inversement.

Pour résoudre leurs problèmes économiques, le Canada, le Danemark, l’Australie, la Suède et la Finlande ont augmenté la TVA et diminué le niveau des retraites. Je rappelle qu’au bout de trente ans, le coût de la retraite à soixante ans, votée par les socialistes, dépasse les 1 000 milliards d’euros – il est voisin de 25 milliards par an, plus le coût de l’emprunt. Si l’on ajoute la création d’1 million de postes de fonctionnaires, la facture totale s’élève à 2 000 milliards. Pendant ce temps, je le rappelle, l’Allemagne diminuait le nombre de ses fonctionnaires de 2 millions. Bref, la différence du taux de chômage s’explique plus aisément qu’on ne le pense. J’ajoute que la différence entre les dépenses publiques allemandes et françaises est de 150 milliards. Tout cela pèse évidemment sur la compétitivité. Toutes ces réalités doivent être prises en compte : certaines propositions témoignent de l’absence de culture économique d’une partie de la classe politique française.

Mme Marietta Karamanli. De 2006 à 2012, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 0,7 %, pendant que la part des dépenses publiques rapportées au PIB diminuait de 1,2 %. En termes de prélèvements, des baisses peu utiles à la croissance se sont conjuguées à des hausses injustes et tout aussi inefficaces.

La nouvelle ponction envisagée touchera d’abord les populations les plus modestes. Cette idée, redécouverte par le Président de la République 100 jours avant la fin de son quinquennat et défendue dans les années quatre-vingt par le CNPF, ancêtre du MEDEF, est une antienne ressassée depuis trente ans : elle consiste à compenser l’exonération de charges patronales par un effort supplémentaire demandé aux consommateurs. Cet article, que nous souhaitons supprimer, est injuste. De plus, il est illusoire de penser que l’on concurrencera les pays émergents, qui disposent d’immenses réserves de main-d’œuvre dont les salaires peuvent être trente fois moins élevés que notre SMIC, comme il serait illusoire, sans doute, de vouloir concurrencer des pays européens où le coût du travail est moins élevé.

M. Dominique Baert. Puisque nos collègues de la majorité paraissent si convaincus de l’efficacité de la mesure, pourquoi ne proposent-ils pas de l’appliquer avant le 1er octobre prochain ?

M. Muet a souligné, à juste titre, que l’effet sur la demande serait récessif à court terme. Si la mesure a des effets positifs sur l’offre, ils ne se feront sentir qu’à moyen terme. Cette augmentation de TVA risque de compromettre les chances de relance d’une croissance déjà atone : elle va précipiter dans la récession une économie française qui a grand besoin de la consommation des ménages, elle-même à l’origine de l’investissement des entreprises et de la croissance. Bref, elle est à contre-courant.

Mme Sandrine Mazetier. Au-delà de la répartition des bénéfices attendus de la mesure, il faut s’intéresser à la réalité de la consommation des catégories populaires et des classes moyennes, réalité que Chantal Brunel, élue d’une zone périurbaine, connaît bien. De fait, ces populations consomment beaucoup plus de produits importés que de produits fabriqués en France. Quand on sait que certains parents sont obligés d’acheter quatre paires de chaussures dans l’année à leurs enfants parce qu’ils grandissent, on mesure tout l’impact de la disposition envisagée. Quand on doit acheter des vêtements à bas prix, on n’a pas vraiment le choix : on est très dépendant des produits importés. Tant mieux si certains peuvent s’offrir des produits français de luxe, mais la hausse de la TVA aura de lourdes conséquences sur le pouvoir d’achat des autres.

M. Jean Mallot. M. le rapporteur général nous a expliqué qu’une augmentation de TVA n’entraînera pas de hausse des prix ; selon M. Goulard, la TVA sociale est une forme de dévaluation compétitive et, selon Mme Brunel, cette même TVA n’a rien de social. L’article 1er mérite donc bien que l’on s’y intéresse de plus près. Sa première curiosité est de proposer, à deux mois de l’élection présidentielle, une mesure annoncée depuis cinq ans – on peut supposer qu’elle a été mûrement réfléchie et calibrée –, et qui ne s’appliquerait qu’à partir du 1er octobre. Mes concitoyens de l’Allier n’ont pas besoin de longues explications pour comprendre qu’il y a une entourloupe quelque part…

Je limiterai mon propos au ciblage de la mesure. Comme le soulignent les deux rapporteurs UMP de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, notre déficit de compétitivité au regard de l’Allemagne date de 2002, la gauche, chers collègues de la majorité, vous ayant alors confié une économie en bon état. On pourrait concevoir une mesure ciblée sur les entreprises exposées à la concurrence internationale, mais celle-ci s’appliquera à toutes entreprises, dont la majorité ne sont pas exposées à une telle concurrence. Elle créera donc un immense effet d’aubaine, avec une hausse des prix sans augmentation des salaires – sans parler de son impact sur les chômeurs, les retraités et d’autres catégories non concernées par les effets compensatoires de la hausse des prix. Au bout du compte, cette mesure rémunérera non pas le travail, mais le capital, sans générer d’avantage compétitif pour les entreprises.

M. Jean Launay. Comme l’a dit Mme Mazetier, cette hausse de TVA touchera d’abord les ménages les plus pauvres. Souvent évoquée et toujours repoussée, cette mesure n’est rien d’autre que le troisième wagon du plan d’austérité. Plus généralement, elle s’inscrit dans le cadre du dogme néolibéral de la réduction des dépenses publiques, de l’allégement du coût du travail et du renforcement de la compétitivité. En réalité, elle affaiblira la demande salariale. Conjuguée à un investissement public déjà au plus bas, elle cassera le moteur de l’activité, entraînant la récession et la hausse du chômage.

M. Christian Eckert. Vous avez confié, monsieur le rapporteur général, que 20 à 25 % seulement des 13 milliards d’euros prévus profiteront au secteur industriel. Le reste ira vers le commerce et la banque, où les exonérations de charges devraient atteindre 700 millions d’euros : une paille ! Ce secteur, dites-vous, ne bénéficie pas du remboursement de TVA ; mais vous soutenez, par ailleurs, que les prix n’augmenteront pas. Où est la cohérence ?

La semaine dernière, j’ai reçu un courrier de Canal + m’annonçant une hausse de 1 euro de mon abonnement due à l’augmentation de la TVA de 5,5 à 7 %. De même, la SNCF et la RATP ont augmenté le prix de leurs billets – la première à hauteur de 1,5 %. En outre, comme vous l’avez indiqué, les taxes représentent la moitié du prix du fuel domestique. Comment pouvez-vous parler de compétitivité ? On verra bien quel sera le déséquilibre entre les économies de charges et les augmentations imposées à nos concitoyens – parlez-en à M. de Margerie ou à d’autres !

M. Michel Piron. L’augmentation de la TVA a pour objectif d’alléger les charges des entreprises. Or, s’il semble à première vue que seuls 25 % de ces allégements bénéficieront au secteur industriel, notamment à celui qui est soumis à la concurrence internationale, en réalité, les allégements s’étendront également aux services externalisés de l’industrie – je ne citerai que les transports qui jouent un rôle majeur –, ce qui permettra de rendre le prix final des produits industriels plus compétitif.

M. Olivier Carré. Ce débat oppose ceux qui sont favorables au soutien de la croissance par la demande à ceux qui sont favorables au soutien par l’offre. Pour un caddy de 100 euros, l’augmentation sera de 80 centimes, sachant que la TVA réduite s’applique à la moitié des produits, et 40 % des charges d’un ménage – le loyer, par exemple – ne sont pas soumis à la TVA. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui supportent le plus fortement le financement de la protection sociale. Or cette mesure organise, pour la première fois, un véritable transfert du financement de cette protection non pas sur la dette publique, mais sur la demande en vue de dégager des marges de manœuvre pour l’offre.

Je réfute totalement les modèles asseyant la croissance et l’emploi sur la demande car je n’y crois plus. La crise actuelle est l’illustration de ce changement de paradigme lequel, du reste, ne s’est pas toujours vérifié lors des cycles qui se sont succédé depuis la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui, ce sont les économies fondées sur la demande, notamment artificielle, qui sont en difficulté alors que celles qui ont privilégié une dynamique de l’offre connaissent une relative prospérité.

À titre personnel, j’aurais souhaité que le Gouvernement aille encore plus loin, mais il est vrai que, compte tenu des circonstances, il ne faut pas confondre le courage avec la témérité.

M. Michel Sapin. Une mesure de cette nature se juge non pas dans l’absolu, mais par rapport à la situation dans laquelle se trouve le pays. D’abord, la France doit faire face à un énorme déficit budgétaire. Or cette mesure ne le soulagera pas. Elle pèsera en revanche sur ceux des Français auxquels vous demandez déjà beaucoup pour lutter contre le déficit : des augmentations d’impôts d’une vingtaine de milliards sont projetées pour 2012 et 2013, visant essentiellement ceux qui paieront aussi ces 12 ou 13 milliards de TVA sociale.

Le deuxième enjeu est la croissance, qui est le meilleur moyen de lutter contre les déficits. Or avec un taux de 0,5 %, celle-ci sera trop faible pour permettre à la France de relever les grands défis auxquels elle est confrontée. La mesure proposée aura un effet négatif sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation qui chute déjà depuis plusieurs mois. L’augmentation de la TVA n’aura donc aucun effet positif sur la croissance.

Enfin, le troisième défi à relever est celui de la compétitivité. Autrefois, un déficit du commerce extérieur de 10 milliards d’euros était jugé insupportable. Il s’élève aujourd’hui à 70 milliards ! Pour être efficace, la mesure devrait concentrer les aides sur les secteurs qui en ont le plus besoin en termes de concurrence internationale, et non pas les diluer entre tous les secteurs de l’économie.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous sommes tous d’accord avec François Goulard pour reconnaître que cette augmentation de la TVA revient à une mini-dévaluation compétitive. Or, pour qu’une dévaluation aide l’économie à repartir, des conditions complémentaires doivent être remplies, notamment le gel des rémunérations – salaires, pensions, retraites –, sinon l’effet sur la compétitivité disparaîtra. Mes chers collègues de la majorité qui soutenez cette mini-dévaluation compétitive, vous apprêtez-vous donc également à proposer le gel des rémunérations ?

Vous affirmez, par ailleurs, que les prix n’augmenteront pas du fait de la concurrence. Mais si ce ne sont pas les consommateurs qui paient les 10 à 11 milliards de recettes supplémentaires attendues par le Gouvernement, ce sont les entreprises qui vont les supporter. Il ne me semblait pas que c’était l’intention des promoteurs de cette hausse de la TVA !

M. le rapporteur général. Je tiens à faire un bref rappel historique, qui doit inciter chacun à faire preuve d’humilité sur la question du ciblage des exonérations de charges sociales.

À la fin des années quatre-vingt, on a assisté à une destruction massive d’emplois peu qualifiés, ce qui a conduit, au début des années quatre-vingt-dix, à mettre en place des exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. L’objectif était non pas de favoriser la compétitivité, mais de défendre l’emploi. L’augmentation de la TVA a été, à l’époque, pour partie utilisée à financer la « ristourne Juppé ». Puis, au début de 1998, Martine Aubry a estimé qu’une politique de partage du travail serait plus efficace pour créer des emplois. Aussi a-t-elle envisagé de supprimer cette ristourne. Mais comme il fallait financer les 35 heures payées trente-neuf, elle a finalement conservé les allégements existants tout en allégeant les cotisations sociales patronales pour compenser l’augmentation de 11 % du coût du travail. Lorsque nous sommes revenus aux responsabilités en 2002, il existait donc six Smic horaires différents. Aussi a-t-il été décidé de fusionner les mesures issues de la baisse du coût du travail et celles issues de la loi sur les 35 heures.

Le phénomène est trop complexe pour que l’on puisse imputer à une seule cause la dégradation du coût du travail en France. Je tiens toutefois à rappeler que nous avons procédé à l’alignement des différents Smic horaires par le haut alors que l’Allemagne a pratiqué une politique de blocage salarial. Le coût du travail était auparavant plus élevé en Allemagne que chez nous : aujourd’hui, il tend à être plus élevé dans notre pays.

Le dispositif Fillon supprime au niveau du smic vingt-huit points de cotisations sociales pour les entreprises de moins de vingt salariés et vingt-six points pour celles de vingt salariés et plus, puis applique une dégressivité quasi-linéaire jusqu’à 1,6 smic. Compte tenu de ses origines, ce dispositif vise à la fois à protéger l’emploi et à améliorer la compétitivité des entreprises. Selon des études rétrospectives, il a permis de préserver, voire de créer, entre 400 000 et 800 000 emplois, ce qui est loin d’être négligeable. Ces études indiquent également que ce dispositif, compte tenu de la distribution des salaires, concerne d’abord des secteurs abrités de la concurrence ou hors concurrence : salariés des TPE, des secteurs de la propreté, de la sécurité, du bâtiment ou du petit commerce. Il est tentant, dans ces conditions, de vouloir développer une approche ciblée sur les entreprises exposées à la concurrence internationale. Or la réglementation européenne nous l’interdit. En 1994, nous avions mis en place un dispositif d’exonérations de charges sociales patronales dans le seul secteur du textile, mais nous avons dû le supprimer et payer des pénalités importantes. Sur les 13 milliards de suppression de charges sociales prévus, une part non négligeable - 5,750 milliards – sera consacrée à augmenter progressivement les exonérations Fillon, car le Gouvernement considère que la politique familiale ne doit pas être à la charge des entreprises.

Il est faux de prétendre de manière abrupte que la mesure ne profitera pas à l’industrie. En effet, depuis une vingtaine d’années, un grand nombre d’entreprises industrielles ont externalisé certaines activités, notamment la sécurité ou la propreté. Elles bénéficieront donc également par contrecoup des exonérations.

Jusqu’où faut-il aller ? Les représentants des industries chimique et pharmaceutique m’ont fait part de leur regret que le dispositif proposé par le Gouvernement ne leur profite pas en termes de compétitivité du fait que leurs salaires moyens sont plus élevés. En revanche, le dispositif bénéficiera pleinement à l’industrie agroalimentaire – je pense notamment aux salariés des abattoirs. J’ai donné des chiffres dans mon rapport, mais je me garderai bien d’en tirer des conclusions catégoriques. Ma conviction est que le mouvement structurel initié par le Gouvernement va dans le bon sens. Certes, sur le plan politique, la mesure peut ne pas sembler opportune, mais, sur le plan économique, elle est nécessaire : la France étant dans la zone euro, elle ne peut plus se permettre d’avoir un coût du travail aussi élevé.

Lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2012, nous avons dû résoudre le problème du financement des centres techniques industriels et les dizaines de chefs d’entreprises moyennes ou de taille intermédiaire que j’ai rencontrés à cette occasion m’ont dit que c’est par rapport à l’Allemagne qu’ils avaient perdu des parts de marché, pas par rapport à la Chine ou au Maroc. Il faut bien reconnaître que l’Allemagne a mené, depuis dix ans, une politique, sinon égoïste, du moins non coopérative au plan européen, notamment au sein de la zone euro.

S’agissant des banques, qui ne sont pas assujetties à la TVA, ne crions pas systématiquement haro sur un des rares secteurs qui embauche encore chaque année. Cela ne serait pas de bonne politique. N’oublions pas non plus que c’est le seul secteur à avoir subi une augmentation sensible de la taxe professionnelle, à hauteur de 150 millions d’euros ! Il ne s’agit pas de pleurer sur les banques, mais qu’une partie des 13 milliards aille au secteur financier, cela n’a rien de choquant.

M. Jérôme Chartier. Nous demandons une suspension de séance, monsieur le président.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.

Contre l’avis du rapporteur général la Commission accepte les amendements identiques nos 21 à 217, 634 et 722.

En conséquence, les amendements nos 13 et 14 du rapporteur général, 655, 656 et 657 de M. Charles de Courson, 478, 477, 480 et 481 du rapporteur général, 420 de M. Marc Goua, 640 de M. Charles de Courson, 458 et 459 de M. Christian Estrosi, 220 à 416 de M. Jean-Marc Ayrault, 446 de M. Gérard Bapt, 418 de M. Yves Censi, 775 de M. Pierre-Alain Muet, 639 de M. Charles de Courson, 15, 16 et 479 du rapporteur général sont repoussés.

Après l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement n° 733 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement tend à taxer plus fortement les compagnies pétrolières, dont les bénéfices explosent.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte cet amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques nos 740 de M. Pierre-Alain Muet et 767 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement n° 740 tend à établir une taxe additionnelle de 15 % à l’impôt sur les sociétés pour les établissements bancaires.

M. Jean-Pierre Brard. Mon amendement n° 767 est identique au précédent.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte ces amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement n° 742 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à cibler sur l’industrie une mesure en faveur de l’emploi.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte cet amendement.

M. le rapporteur général. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

La Commission examine alors l’amendement no 765 de M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la Commission repousse cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement no 743 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Christian Eckert. Cet amendement est défendu. Il fait partie d’un ensemble visant à ajuster l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille des entreprises.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte cet amendement.

Puis elle examine les amendements nos 687 et 688 de M. Jean-Pierre Brard, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Jean-Pierre Brard. Ces amendements tendent à assurer plus de justice fiscale et à empêcher la précarisation de l’emploi en pénalisant financièrement les entreprises qui recourent excessivement à l’emploi précaire.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Christian Eckert. Je suis également défavorable à ces amendements.

La Commission repousse successivement ces deux amendements.

Elle est alors saisie des amendements identiques nos 724 rectifié de M. Jean-Pierre Brard, 738 rectifié de Mme Aurélie Filippetti et 421 de M. Hervé Gaymard.

M. Jean-Pierre Brard. L’amendement n° 724 rectifié est défendu.

M. Patrick Bloche. L’amendement n° 738 rectifié vise à porter à 5,5 % le taux de TVA sur le livre.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte ces amendements.

La Commission examine ensuite l’amendement n° 739 de Mme Aurélie Filippetti.

M. Patrick Bloche. Cet amendement vise à baisser à 5,5 % le taux de la TVA pour les billetteries du spectacle vivant et du cinéma. En effet, les biens culturels ne sont pas des biens comme les autres.

Contre l’avis du rapporteur général, la Commission accepte cet amendement.

M. le rapporteur général. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures treize.

M. le président Jérôme Cahuzac. En accord avec le rapporteur général et les représentants des groupes, je vais lever notre séance pour nous rendre en séance publique, étant entendu que nous sommes tombés d’accord pour que notre Assemblée ne commence pas l’examen des articles ce soir. La Commission se réunira demain à 14 heures 30 pour examiner, en application de l’article 91 de notre Règlement, les amendements que nous n’avons pas examinés aujourd’hui.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du lundi 13 février 2012 à 16 heures

Présents. - M. Dominique Baert, M. Gérard Bapt, M. Patrick Bloche, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, M. Bernard Derosier, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Jean-Patrick Gille, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Victorin Lurel, M. Jean Mallot, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Camille de Rocca Serra, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, M. Pascal Terrasse, M. Daniel Vaillant, M. Gaël Yanno

Excusé. - M. Jean-Pierre Balligand

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Marc Ayrault, M. Tony Dreyfus, Mme Laurence Dumont, M. Michel Piron, M. Éric Straumann

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