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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 6 janvier 2009

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement sur le projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 1314) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi de MM. Thierry Mariani et Jean-Jacques Urvoas visant à favoriser l’exercice par les Français établis hors de France du droit de vote pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 1346) (M. Thierry Mariani, rapporteur)

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi, adopté par le Sénat, ratifiant l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation (n° 607) (M. Gilles Bourdouleix, rapporteur)

La séance est ouverte à 16 h 15.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président

La Commission procède à l’audition de M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement sur le projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 1314) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur).

M. le président Jean-Luc Warsmannn, rapporteur. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution au cours d’une audition ouverte à la presse, selon la règle que nous suivons depuis le début de la législature. Nous nous réjouissons que le texte qu’il vient nous présenter marque une nouvelle étape de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux. Je souhaite que vos travaux se déroulent sereinement en 2009, année de l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle et de son volet parlementaire.

Ce projet de loi organique est le deuxième projet de loi qui vous est présenté pour l’application de la révision constitutionnelle, après le texte instituant une commission électorale indépendante et permettant aux ministres de retrouver leur siège de parlementaire. Il porte sur trois sujets nécessitant une loi organique : les résolutions, les conditions de présentation des projets de loi et le droit d’amendement.

Il a été longuement débattu de l’article 34-1. Fruit d’un compromis, celui-ci prévoit notamment que « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard ».

Les propositions de résolution, présentées par un ou plusieurs parlementaires, seront renvoyées à une commission permanente et le Premier ministre en sera destinataire. Afin d’éviter la multiplication de résolutions inspirées d’événements dramatiques, un délai minimal de huit jours entre le passage en commission et celui en séance publique, ainsi qu’un délai de douze mois entre l’examen de deux propositions de même nature sont prévus.

Les propositions de résolution ne sont pas amendables afin d’éviter que les textes présentés par l’opposition ne soient complètement réécrits par la majorité : il s’agit là de défendre les droits de l’opposition. Par ailleurs, le droit d’amendement contraindrait le Gouvernement à vérifier chacun des amendements afin de s’assurer qu’il ne modifie pas la proposition de résolution de telle sorte que celle-ci devienne contraire à la Constitution. Les auteurs pourront toutefois apporter à leur proposition des rectifications après l’examen en commission.

Ces dispositions respectent scrupuleusement les intentions du Constituant. Il appartiendra aux Règlements des assemblées d’entrer dans les détails de cette procédure, nouveau pouvoir d’expression parlementaire au sein d’un système institutionnel équilibré.

L’article 39 de la Constitution prévoit que la présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond à des règles fixées par une loi organique, dont le non-respect peut entraîner le refus par la Conférence des présidents d’inscrire le texte à l’ordre du jour et, en cas de désaccord avec le Gouvernement, la saisine du Conseil constitutionnel.

Ce projet de loi organique fixe donc les conditions de présentation du texte de loi, qui doit s’accompagner d’une appréciation de la législation existante, d’une énumération des objectifs poursuivis, d’une estimation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, et d’un calendrier. Ces éléments sont de nature à mieux informer les parlementaires et imposent au Gouvernement et aux administrations une réflexion sur l’intérêt du texte législatif.

Cette réforme ne manquera pas d’entraîner une mini-révolution dans nos structures administratives ; c’est pourquoi nous proposons une entrée en vigueur de cette disposition au 1er octobre prochain. Les révisions constitutionnelles, en raison de leur spécificité, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, déjà accompagnés de documents, et les projets de loi d’habilitation et de ratification d’ordonnances ne seront pas soumis à ces règles.

Le chapitre III du projet de loi organique, relatif au droit d’amendement, procède d’un choix politique, assumé par le Président de la République : nous souhaitons revaloriser le Parlement, d’une part pour rééquilibrer nos institutions, d’autre part parce que la démocratie représentative parlementaire est de plus en plus concurrencée par des modes d’expression directe.

La première idée est de permettre la fixation de délais pour le dépôt des amendements. La deuxième est de préserver la capacité du Gouvernement à faire entendre sa voix en commission. La troisième est d’autoriser la mise en œuvre de procédures simplifiées pour des textes consensuels.

Visée à l’article 12, la procédure d’examen simplifié suscite bien des débats ; or il n’est pas inutile de rappeler qu’il s’agit d’une proposition du comité pluraliste présidé par M. Balladur et que, par le passé, les présidents Chaban-Delmas, Fabius ou Debré ont tenté d’instituer une telle procédure. Il ne faut donc pas y déceler une mauvaise intention du Gouvernement : il convient de réfléchir à une solution acceptable par tous.

La quatrième idée – permettre aux Règlements des assemblées d’instituer une durée programmée pour certains débats – fait naître bien des polémiques. Il convient toutefois d’examiner cette proposition à la lumière de la révision constitutionnelle, laquelle prévoit également le partage de l’ordre du jour entre le Gouvernement et l’Assemblée et l’examen en séance publique du texte issu de la commission. Il s’agit là de changements très importants dont bien des membres du Gouvernement n’ont pas encore saisi toute l’ampleur !

D’aucuns comparent cette organisation à celle qui prévalait sous Charles X. Je rappellerai pour ma part que Léon Blum a émis une telle proposition dans ses Lettres sur la réforme gouvernementale et que c’est à son instigation que Fernand Bouisson et Vincent Auriol ont mis en œuvre, en 1935, le temps « imparti », procédure qui durera, avec des modifications en 1945 et en 1952, jusqu’en 1969. Le nombre d’amendements par mandature – entre 5 000 et 10 000 – est resté stable pendant quelques décennies mais il a été depuis multiplié par 40 : 248 118 amendements ont été déposés entre 2002 et 2007 !

Il ne revient pas au Gouvernement de décider des dispositions appelées à figurer dans le Règlement des assemblées ; sa seule volonté est de rééquilibrer les pouvoirs et d’instituer une autre manière de travailler entre le Gouvernement et le Parlement. L’examen en séance publique du texte issu de la commission et le délai de six semaines qui s’imposera, quelles que soient les difficultés, introduiront de grands changements. Tous les amendements qui n’auraient pas été retenus en commission pourront être à nouveau déposés. L’idée n’est pas de contraindre ou de restreindre l’expression parlementaire, mais d’éviter que le travail réalisé en commission ne soit pas repris dans son intégralité en séance publique. Certes, les amendements déposés par la droite lorsqu’elle était dans l’opposition n’étaient pas toujours des modèles du genre, mais je ne pense pas que les amendements déclinant à l’infini la même idée, qui ont émaillé le débat sur l’audiovisuel, par exemple, aient été utiles.

C’est pourquoi je vous invite à trouver, dans le cadre du débat que vous aurez sur votre Règlement, des solutions pour améliorer la lisibilité de votre travail parlementaire. À sa modeste échelle, le conseil régional d’Île-de-France a mis en place, notamment pour le budget, un temps de débat fixe qui satisfait l’ensemble des groupes.

Cela peut se faire dans le consensus et la sérénité, sans que d’aucuns brandissent la menace d’une « Mère de toutes les batailles », expression polémologique d’ordinaire utilisée pour caractériser Stalingrad, Koursk ou encore la seconde guerre du Golfe !

M. le président Jean-Luc Warsmannn, rapporteur. Ayant été désigné comme rapporteur de ce texte, je me permets de réagir à vos propos, monsieur le secrétaire d’État.

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai accueilli ce projet de loi organique. Chaque point doit en être examiné, mesuré et enrichi en fonction de l’ambition qui préside à ce texte : la revalorisation du rôle du Parlement.

Le débat que nous avons eu sur les résolutions lors de la révision constitutionnelle est désormais clos. J’estime que les articles du projet de loi organique qui s’y rapportent peuvent être simplifiés, notamment en ce qui concerne les délais.

Nous souhaitons qu’à l’avenir les lois soient moins nombreuses, mieux écrites et mieux préparées. C’est la raison pour laquelle les études d’impact sont un élément incontournable de ce texte. Loin de constituer une dissertation philosophique, ces études doivent rassembler les réponses à une série de questions factuelles, que je me propose de décliner.

L’étude d’impact doit rappeler l’état du droit, la législation existante et les textes d’application mis en œuvre, afin d’expliquer en quoi une nouvelle loi est nécessaire. Elle doit également – ce sera l’objet d’un amendement que je proposerai demain – démontrer l’utilité d’une loi au regard des autres moyens pouvant être actionnés afin d’atteindre les objectifs fixés. Enfin, l’étude doit chiffrer exactement le coût ou les économies que la loi représente pour l’État et l’ensemble des administrations publiques, tout en rappelant le mode de calcul utilisé. Il serait aussi souhaitable que les études d’impact indiquent les conséquences prévisibles pour les acteurs économiques, notamment les PME. Je suis bien conscient que remplir un tel formulaire représente un travail supplémentaire pour le Gouvernement, mais cela me semble indispensable.

L’ensemble des documents devra être joint dès la présentation du projet de loi et non a posteriori. Je présenterai demain un amendement allant dans ce sens. J’estime également souhaitable que le Gouvernement présente les grandes lignes des dispositions réglementaires qu’il entend prendre ainsi qu’un calendrier prévisionnel, afin de donner un aperçu de l’équilibre général de la réforme proposée. Enfin, le Gouvernement devra indiquer l’ensemble des dispositions prévues pour l’outre-mer, l’attention portée à l’application des textes en outre-mer ayant été à mon sens trop faible ces dernières années.

Ainsi, ces études d’impact constitueront un remède au poison instillé depuis les débuts de la Ve République : elles nous permettront de disposer, en amont des débats, de tous les éléments d’évaluation et de connaître les conséquences prévisibles qu’emportera le texte. Il semble nécessaire que les amendements du Gouvernement puissent également faire l’objet d’études d’impact, tout comme les amendements parlementaires importants, qui pourraient déclencher une étude « flash ».

Permettez-moi une incidente : nous ne réussirons ce débat que si nous sortons tous de notre rôle – ministres, députés de la majorité ayant vocation à entrer dans l’opposition, députés de l’opposition appelés un jour à diriger les affaires du pays. Nous avons un intérêt commun, celui de concevoir un système qui permette de voter des textes de qualité, après avoir eu connaissance de tous les éléments de décision, qu’ils soient de nature économique, environnementale ou sociale.

Nous sommes tous bien conscients que la situation actuelle ne peut perdurer. Les cinq dernières années, 248 118 amendements ont été déposés ; les délais d’examen ne permettent aucun recul, et il est difficile, parfois même au rapporteur, de pouvoir émettre un avis sur chacun des amendements.

Le projet de loi organique, en permettant d’instituer des délais entre le dépôt et l’examen des amendements, fournira à chacun le temps de construire sa réflexion et son argumentation. Pour autant, dans un souci de strict équilibre, il paraît nécessaire de pouvoir prolonger le délai accordé aux parlementaires lorsque le Gouvernement ou la commission franchissent les délais minimaux.

Le Gouvernement propose à l’article 12 une procédure d’examen simplifié. J’en approuve entièrement le principe, adopté par toutes les Républiques. Mais, pour faire taire les doutes que la lecture de l’article ne manquerait pas de soulever, il me semble utile de préciser que cette procédure ne peut être enclenchée qu’avec l’accord de l’ensemble des présidents de groupe, ce qui permettra d’ailleurs de l’étendre à d’autres textes que ceux portant sur les accords internationaux.

L’article 13 du projet de loi organique procède du contrat moral que nous avons conclu en votant la révision constitutionnelle. En contrepartie de la limitation du recours à l’article 49, troisième alinéa, de la Constitution, nous avons accepté de modifier l’organisation de nos débats. Je ne pense pas que le fait de déposer cent amendements similaires ou de décliner le même amendement sous cent formes différentes contribue à valoriser notre image. Ces pratiques, encouragées par la multiplication des assistants parlementaires et par l’évolution des technologies informatiques, constituent un poison législatif. Autant je suis ouvert à la revalorisation du rôle de l’opposition – quitte à revenir au partage égal des temps de parole lors des questions au Gouvernement, que la gauche avait rendu proportionnel en 1981 – autant j’estime qu’il convient de mettre fin à ces pratiques.

Tous les parlements, toutes les démocraties ont mis en place des systèmes permettant d’organiser les débats et d’éviter les répétitions systématiques. Avec cet article 13, nous sommes bien loin de l’article 48 qui permettait, sous la IIIe République, à tout député, de réclamer la clôture de la discussion, ou de l’article 39 qui, sous la IVe, permettait de décider de l’heure limite de vote d’un texte !

La logique de la révision constitutionnelle était de revaloriser le rôle de la commission en évitant les redites entre la commission et l’hémicycle, et en limitant les gesticulations et les pertes de temps dans l’hémicycle. Il est logique que nous mettions en place de nouvelles règles, à partir du moment où chaque parlementaire continue de disposer de son droit d’amendement.

Le délai prévisible a un autre avantage, celui de permettre aux auteurs d’amendements d’être présents pour les défendre – combien d’amendements ne sont-ils pas défendus, leur auteur étant incapable de prévoir l’heure de leur passage ? Il nous faut parfois deux semaines pour discuter d’amendements additionnels avant l’article 1er et, soudain, dans la nuit du jeudi au vendredi, parce que l’opposition est fatiguée, nous votons plus de cent amendements à l’heure !

L’occasion nous est donnée de modifier notre organisation de travail. Je suis fier d’avoir voté la révision constitutionnelle et j’appelle la majorité à prendre ses responsabilités, afin que ce projet de loi organique rassemble le plus de suffrages possible. C’est ainsi que nous respecterons l’engagement pris à l’égard de nos concitoyens – voter moins de textes,…

M. Marcel Rogemont. L’opposition n’est pas responsable du nombre de textes soumis au Parlement !

M. le président Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …voter des textes mieux écrits et mieux équilibrés – et que nous remplirons notre devoir vis-à-vis de la Constitution.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vais respecter le temps parlementaire : nous procédons à l’audition d’un ministre, je réserverai donc mes remarques éventuelles sur les analyses du président Warsmann à la réunion de la Commission des lois de demain. Nous y parlerons de tout : du temps global, qui correspond globalement à une réduction du temps parlementaire, surtout pour l’opposition ; de l’Histoire, de Léon Blum, de Joseph-Barthélemy, député du Gers, qui a fait introduire le temps global en 1926 dans le Règlement de la Chambre des députés, et de Fernand Bouisson, qui exerça le plus longtemps les fonctions de président de la Chambre des députés, toutes républiques confondues. Nous parlerons des situations où il y a eu ralentissement parlementaire, et aussi du nombre de textes que nous avons votés trop vite.

Cependant, à ce premier stade de l’examen du projet de loi organique, c’est d’abord le contexte qui nous intéresse. Nous sommes surpris de la manière dont le Parlement est saisi depuis que la Constitution a été révisée. La loi constitutionnelle votée l’été dernier devait renforcer les droits du Parlement, et singulièrement ceux de l’opposition, nous avez-vous expliqué. Or, depuis le début du débat sur cette loi constitutionnelle, tout converge, au contraire, pour accroître nos inquiétudes, notamment sur le renforcement de l’exécutif.

Ce projet de loi organique n’est pas un texte comme les autres : il touche à la raison d’être du Parlement. C’est cela qui explique et justifie la présence dans cette salle de nombreux députés non membres de la commission des lois. Un groupe de travail sur la réforme du Règlement avait été mis en place depuis plus de deux mois autour du président Accoyer. Son calendrier était connu. Alors que les travaux de ce groupe de travail n’étaient pas terminés et qu’il n’avait pas encore abordé les points les plus sensibles, le Conseil des ministres a adopté le 10 décembre un texte qui empiète sur l’autonomie de l’Assemblée, dans la mesure où la totalité des mesures qu’il contient relèvent exclusivement de son Règlement.

Notre surprise concerne aussi le sujet du projet de loi. Il y avait bien des textes à déposer après la révision constitutionnelle, bien des éléments pour nous démontrer que nos craintes n’étaient pas fondées. Vous auriez pu présenter un texte sur les nouveaux droits du citoyen, un projet de loi organique sur le référendum d’initiative populaire, – une telle loi organique est prévue à l’article 11 de la Constitution –, un autre sur l’exception d’inconstitutionnalité – la loi organique est prévue à l’article 61-1 –, un autre encore sur le rôle du défenseur des droits fondamentaux – la loi organique est prévue à l’article 71-1 –, ou un texte sur l’organisation des nouvelles prérogatives du statut de l’opposition, dont vous nous parlez régulièrement. La France est l’un des trois pays en Europe à avoir constitutionnalisé un statut de l’opposition ; il fait l’objet de l’article 51-1, qui relève du même chapitre que les dispositions qui font l’objet du présent projet de loi organique. Allez jusqu’au bout de ce titre V de la Constitution ! Ce statut reste aujourd’hui une coquille vide ; vous n’avez retenu aucune des propositions du comité Balladur, qui lui donnaient sens. Alors que, pendant les débats du printemps, le rôle de l’opposition a été exalté, les moyens nouveaux mis à sa disposition n’existent pas. Vous avez même pris le chemin inverse : vous nous avez saisis de deux textes, organisant, l’un, le retour au Parlement des ministres sortants, l’autre le redécoupage, par ordonnances, des circonscriptions électorales. Vous nous avez expliqué que c’était là une manière de renforcer le rôle du Parlement ; souffrez que nous ne partagions pas ce point de vue.

Aujourd’hui, vous nous proposez de discuter d’un texte qui limite le droit d’amendement et qui restreint le temps de parole ; ce n’est pas le fait du hasard, ce texte a une signification symbolique.

La manière dont vous présentez ce projet de loi organique est elle aussi surprenante. Nous l’avons découvert à l’occasion de son adoption par le Conseil des ministres, le 10 décembre. Il a suscité en nous des interrogations et des inquiétudes. Pour les lever, le président Jean-Marc Ayrault a posé une question d’actualité le 17 décembre. Procédure extrêmement inhabituelle, pour éviter au Premier ministre d’être surpris, et pour lui permettre de préparer ses réponses à nos interrogations, le contenu de cette question vous a été transmis à l’avance.

La réponse du Premier ministre a été sans ambiguïté : vous ne nous avez pas dit que nos craintes n’étaient pas fondées ou que notre lecture était erronée, mais vous nous avez fait part, de façon extrêmement carrée, de la volonté du Gouvernement de faire passer ce projet en force, tel quel, sans que la porte soit ouverte à la discussion.

Monsieur le secrétaire d’État, je note votre changement de ton aujourd’hui et je m’en félicite. Nous ne faisons pas de notre désaccord un affrontement entre la droite et la gauche, mais un débat sur les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Chacun ici se félicite que le Parlement ait voté dans les conditions les plus consensuelles possibles la loi organique relative aux lois de finances. Ce texte très important a résulté d’un long travail parlementaire. Il est aujourd’hui la fierté de notre assemblée. Nous aurions aimé que le projet que vous nous proposez soit une loi organique pour l’élaboration des lois ordinaires, rassemblant le Parlement, et lui permettant d’élaborer des lois moins nombreuses, moins complexes, et votées moins rapidement.

Nous voulons aussi écarter les faux débats. Nous le savons pertinemment, la loi organique n’impose rien. En revanche, elle pose un cadre. C’est le règlement de l’Assemblée nationale qui sera le troisième et dernier étage de la fusée dont la construction a commencé avec la révision constitutionnelle et se poursuit avec la loi organique.

Cependant, en droit parlementaire, l’élaboration et l’interprétation des normes sont intimement liées : ce sont ceux qui créent la règle qui l’appliquent ensuite, et qui l’interprètent en pleine autonomie.

Le projet de loi organique illustre la volonté du Gouvernement, et confirme nos intuitions. L’article 18 du projet de loi constitutionnelle modifiait l’article 44 de la Constitution. Nous avons consacré à sa discussion quatre heures de débat dans l’hémicycle. Dans l’exposé des motifs de cet article, vous avez écrit qu’il s’agissait « d’apporter une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire ». Lors du débat du 28 mai, vous avez proposé d’écrire dans l’article 44, après : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement », les mots : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission ». Nous inquiétant de cette formulation, nous vous avons proposé de remplacer ce ou par un et, attirant votre attention sur le fait que déposer un amendement n’est pas le défendre.

À chaque fois, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez répondu, le rapporteur a confirmé, Mme Dati, garde des Sceaux, a pris l’engagement, au nom du Gouvernement, que cet amendement ne changeait rien, et que la loi organique le démontrerait. Aujourd’hui, elle apporte la démonstration inverse, que notre intuition était fondée, et que vous portez potentiellement atteinte au droit d’amendement. Vous revendiquez d’ailleurs cette atteinte. L’exposé des motifs du chapitre III du projet de loi organique précise que « la rationalisation des conditions d’exercice du droit d’amendement est une attente forte et ancienne » et que « le principe posé à l’article 42 modifié de la Constitution veut désormais que sauf exceptions la discussion en séance porte sur le texte adopté en commission, impose de rénover les règles en vigueur ».

Vous savez que, sous la Ve République, le terme « rationalisation » a un sens bien particulier : il est toujours synonyme de restriction, d’abaissement, de diminution des pouvoirs. Nous voulons engager le débat sur ce thème, et ne nous dites pas qu’il relève de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale ! La loi organique a pour objet de créer un cadre. Ce cadre sera rempli, et il le sera par des majorités. C’est donc au stade de la loi organique que nous souhaitons engager les échanges.

J’en viens maintenant au texte. Je regrette que le rapporteur n’ait pas organisé d’auditions pour connaître le point de vue de tous ceux que nous avons entendu sur la révision constitutionnelle, notamment ceux qui ont fait profession d’observer le droit parlementaire, ceux qui représentent la « doctrine ». Nous aurions sans doute entendu beaucoup de réserves : pour un projet de loi organique, ce texte présente beaucoup trop de lacunes, et des lacunes trop importantes ; il ne répond pas aux critères traditionnels des textes de sa catégorie, comme l’instauration de nouvelles contraintes pour le Gouvernement ou la neutralisation d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous considérons ce projet de loi organique comme absurde, superfétatoire et maladroit : absurde car il va à rebours de votre volonté de revaloriser le rôle du Parlement, et porte au contraire atteinte aux droits fondamentaux des parlementaires ; superfétatoire car il ne fait que figer dans la loi organique des dispositions qui relèvent du Règlement des assemblées ; maladroit car nombre de ses dispositions, sans doute mal rédigées, se révèlent inutilement provocatrices.

Vous devriez donc retirer ce texte et laisser les assemblées délibérer souverainement de leurs règles internes, dont je rappelle qu’elles sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe Nouveau Centre s’est lui aussi interrogé sur les raisons du dépôt d’un projet de loi organique alors qu’un groupe de travail, qui donnait satisfaction à tous, travaillait à la modification du Règlement. Pour nous, il ne peut y avoir qu’une seule cause : s’il y a projet de loi organique, ce doit être pour donner des garanties supplémentaires aux parlementaires dans la revalorisation de leurs droits, par rapport à un Règlement qui peut être modifié par la simple majorité d’une assemblée.

Trois points intéressent particulièrement notre groupe.

Je n’ajouterai rien à ce qu’a dit le président Jean-Luc Warsmann sur l’évaluation. La capacité donnée au Parlement de connaître les conséquences de ce qu’il va voter est une avancée indispensable ; la seule difficulté concerne l’évaluation des conséquences d’un amendement parlementaire, qui comporte un risque de ralentissement des débats. Cette nouvelle prérogative évitera la multiplication de lois médiatiques, conséquences immédiates de faits divers comme la morsure d’un enfant par un chien dans un escalier, et qui sont votées sans qu’on se soucie même de leur éventuelle application.

Nous avons aussi insisté lors de la révision constitutionnelle pour que le Parlement retrouve son droit de voter des résolutions, à l’instar des autres parlements européens. Le texte prévoit que des propositions de résolution pourront être déposées, selon la même procédure que celle prévue pour les propositions de loi, et qu’elles seront renvoyées aux commissions compétentes. Cependant, comme les propositions de loi, la plupart d’entre elles ne viendront jamais en discussion, sauf volonté de la majorité en place. Nous voulons donc que les groupes politiques aient la possibilité de faire inscrire des résolutions à l’ordre du jour ; à cette fin, un droit de tirage, de deux propositions de résolution par groupe et par session ordinaire, devrait être instauré. Sur la base de dix résolutions à examiner chaque année, l’emploi du temps du Parlement ne devrait pas en être saturé ; en revanche, permettre aux groupes minoritaires de faire discuter des résolutions est indispensable pour que cette nouvelle disposition ne reste pas vaine. Une telle mesure correspond aussi à la mise en œuvre de l’attribution, par une nouvelle disposition de la Constitution, de droits spécifiques aux groupes minoritaires. Son inscription dans la loi organique permet d’assurer sa pérennité.

L’article 13 ne nous satisfait pas. Nous partageons la volonté de faire évoluer nos débats. Chacun dira certes qu’il n’y a pas d’exercice abusif du droit d’amendement. Cependant, si la multiplication des amendements correspondait toujours à des questions de fond, les mêmes débats qui ont lieu à l’Assemblée nationale sous le feu des médias devraient se répéter au Sénat. Or, en l’absence de la même médiatisation, tel n’est pas le cas.

À l’occasion de la révision constitutionnelle, nous avons obtenu que la Constitution réserve désormais la moitié de l’ordre du jour au Parlement, le Gouvernement ne conservant que l’autre moitié. Or, si elle fait l’objet d’une guérilla parlementaire – et le Règlement actuel, par le moyen des dépôts d’amendements multiples, des rappels au Règlement, permet non seulement aux groupes, mais à un parlementaire isolé de conduire une telle guérilla –, le Parlement ne sera même plus capable de légiférer à l’initiative du Gouvernement. Les centristes ne veulent pas que des réformes prises pour permettre au Parlement d’exister aboutissent à nier la possibilité pour le Gouvernement de faire adopter des projets pour lesquels il dispose d’une majorité.

En revanche, s’il est souhaitable, monsieur le secrétaire d’État, qu’on puisse fixer à l’avance un délai pour le débat d’un texte – à condition qu’il soit raisonnable et large –, vous ne choisissez pas la bonne méthode. Il existe d’autres voies. Certes, elles relèvent non pas du pouvoir d’action du Gouvernement, mais du Règlement de l’Assemblée nationale. Il est ridicule que des discussions générales permettent à dix ou vingt orateurs de présenter, sur le même texte, les mêmes arguments. L’exemple du Congrès américain le montre, il n’est nul besoin, pour que chacun puisse faire mentionner sa position au Journal officiel, que les mêmes arguments soient ressassés sans fin. L’inscription sur les articles permet à ceux qui n’ont pu intervenir dans la discussion générale de se rattraper, et sans limitation puisque chacun peut s’inscrire sur chaque article d’un texte. La possibilité de consacrer un minimum de quinze minutes par amendement – cinq minutes pour l’orateur qui le présente, cinq minutes pour un orateur contre, l’avis de la Commission, celui du Gouvernement – est excessive. Dans les autres parlements, les délais sont bien plus courts ; au Parlement européen, les interventions en discussion générale sont limitées à deux minutes. La règle du quorum aussi est une hypocrisie : alors que, à l’exception des séances de questions d’actualité, le quorum n’est jamais atteint, on voit subitement, de nuit, un président de groupe en réclamer l’application. Vous disposiez donc de bien d’autres éléments de rationalisation.

L’article 13 n’est donc pas acceptable en l’état. Il doit garantir un temps minimal à chaque groupe pour défendre ses amendements. Il doit aussi permettre à tout député non inscrit de défendre ses propres amendements. On peut atteindre ces deux objectifs et nous ferons des propositions à cette fin. Il n’est pas nécessaire de consacrer autant de temps à la discussion des amendements. De plus, l’interprétation du règlement peut être souple. J’ai assisté à des débats – j’en ai même présidé – où l’on consacrait une, voire deux ou trois heures, à un seul amendement, et où cela était justifié, et à d’autres où, de rappel au règlement en suspension de séance, on consacrait vingt-cinq, trente, quarante minutes à des amendements totalement inutiles. On doit pouvoir trouver un équilibre, ce sera la contribution du groupe Nouveau Centre.

M. Manuel Valls. On est en train de confondre le déroulement des débats dans l’hémicycle avec des questions de principe relatives à notre démocratie parlementaire. Notre collègue Jean-Jacques Urvoas a eu raison de rappeler les débats du 28 mai dernier. Nous avions demandé au président Accoyer de venir répondre à plusieurs de nos questions. Le droit d’amendement est pour nous sacré. C’est pour cela que je demande à nos collègues des groupes UMP et Nouveau Centre de ne pas se perdre dans des analyses sur le nombre et la nature des amendements, mais de revenir à l’essentiel des dispositions de ce texte, autrement dit la mise en cause du droit d’amendement. Même si, demain, nous avons aussi à débattre de questions comme le droit de résolution, la procédure d’examen simplifiée, l’évaluation, c’est cette mise en cause qui explique notre mobilisation.

Notre collègue Jean-Christophe Lagarde nous dit que le Gouvernement est désormais contraint de partager la fixation de l’ordre du jour de l’Assemblée. Mais c’est avec sa majorité qu’il le fait ! Les dispositions du projet de loi organique vont vous permettre de maîtriser aussi l’autre moitié de l’ordre du jour, de réduire le Parlement à la portion congrue, et d’empêcher l’opposition, quelle qu’elle soit, de faire son travail. Jean-Jacques Urvoas a raison de dire que le débat n’est pas un débat entre la droite et la gauche, mais entre deux conceptions des rôles respectifs du Parlement et de l’exécutif. Le 28 mai, M. Jean-Christophe Lagarde avait été bien plus pugnace pour défendre le droit d’amendement. Aujourd’hui, le droit d’amendement des parlementaires s’exerce en commission et en séance ; c’est une question de principe, il faut préserver cette règle. Demain, le droit d’amendement individuel des parlementaires ne sera plus toléré que dans les commissions dont ils sont membres, tandis que le Gouvernement pourra, lui, amender jusqu’au début de la séance publique.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut clarifier : il faut soit plus de temps pour débattre, soit retirer ce projet de loi, qui est mal écrit, soit revenir à la sagesse, et renvoyer la discussion, comme cela aurait dû être le cas, à la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale.

Nous voyons bien le danger : l’exécutif pourra déposer des amendements de dernière minute qui feront tomber les modifications adoptées par la commission et, avec elles, l’élément essentiel de la réforme, que vous avez défendu tout à l’heure, à savoir le fait que le texte soumis à l’Assemblée soit le texte élaboré par la commission. Pis : si, en séance, l’exécutif, battu en commission, revient sur un amendement adopté à l’initiative d’un parlementaire, celui-ci n’aura aucun moyen de le défendre alors même que la commission l’aura adopté. Nous serons donc intransigeants sur l’article 12, qui porte une véritable atteinte au droit d’amendement.

La formulation de l’article 13 reste alambiquée. Des comparaisons avec les autres régimes parlementaires européens ne sont pas pertinentes. Les parlements espagnol ou allemand ne sont pas dans la même relation que le parlement français avec l’exécutif. Jean-Jacques Urvoas a raison de souligner le contexte particulier du débat. À l’occasion du débat constitutionnel, la question des nominations a été évoquée. Le débat d’aujourd’hui se déroule en écho à celui du projet de loi sur la communication audiovisuelle. Le Gouvernement a fait le choix de la nomination du président de France Télévisions par le Chef de l’État en Conseil des ministres. La discussion du projet de loi organique a donc lieu dans un contexte de reprise en main par l’exécutif d’un certain nombre de nominations et de régression des droits du Parlement. Il y a là un mécanisme très dangereux : accepter la procédure de l’article 13, c’est renoncer au débat sur divers sujets. Ainsi, qui savait le 19 septembre 2007 que le débat sur l’immigration et l’intégration allait se focaliser sur l’amendement relatif aux tests ADN déposé par notre collègue Thierry Mariani ? Qui pouvait penser que, le 10 avril, l’Assemblée allait adopter, au cours de l’examen du projet de loi sur le Grenelle de l’environnement, l’amendement n° 252 d’André Chassaigne ? Si les députés socialistes et de l’opposition se mobilisent, c’est que, pour nous, ce projet de loi organique aborde les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif d’une manière dangereuse.

Si vous êtes de bonne foi, vous devez renoncer à ce texte.

Pour le défendre, vous utilisez les arguments de l’obstruction, des amendements absurdes, de la pagaille. Mais ces dernières semaines montrent que la manière dont l’opposition se saisit de ses droits est la seule façon d’alerter l’opinion. Sans cette capacité, cela n’est pas possible. La question n’est pas seulement celle de la télévision. Vous disposez de tous les leviers de pouvoir que vous donne la Constitution. Il n’est pas absurde de considérer que, si l’Assemblée nationale est le lieu où l’on vote, elle doit aussi rester le forum, l’agora, où l’on parle ; si l’exécutif et sa majorité possèdent la maîtrise de la décision finale, il est logique que l’opposition garde cette capacité de faire durer le débat pour éclairer l’opinion.

Je le dis avec force au nom du groupe socialiste, le débat n’est pas de nature technique mais politique.

Monsieur le secrétaire d’État, nous allons nous mobiliser pour vous empêcher de faire adopter ce texte : il met en cause le droit sacré d’expression et d’amendement des parlementaires, de la représentation du peuple français.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le secrétaire d’État, aujourd’hui, vous nous dites que, en application de la réforme constitutionnelle, ce sont les chefs de la majorité qui fixeront les temps de parole de l’opposition, et vous appelez cela renforcement des droits du Parlement.

Lors du Congrès, M. François Bayrou, M. Jean-Christophe Lagarde, des membres de la majorité, avaient exposé au contraire que le renforcement des droits du Parlement, c’était le renforcement des composantes du Parlement, la garantie pour l’opposition parlementaire, pour les membres de la minorité de la majorité, et pour chacun des membres de la majorité elle-même d’exercer leur droit imprescriptible et sacré d’amender un texte. C’était le sens de vos engagements.

Toutes les oppositions et la quantité même des désaccords additionnés existants dans tous les groupes doivent avoir le droit de s’exprimer dans un hémicycle. C’est pour cela que ce débat n’est pas un débat entre la droite et la gauche, mais un débat sur la démocratie et la nature fondamentale de notre République.

Vous avez élaboré une « stratégie de l’entonnoir » : à chaque fois que vous nous proposiez des avancées et des progrès, pour nous faire mordre à l’hameçon, il ne s’agissait que de promesses.

Réveillé pendant la nuit, le président Accoyer est venu nuitamment déclarer dans l’hémicycle – le procès-verbal en fait foi – que le droit d’amendement était un droit imprescriptible et sacré. Mme Dati a aussi trouvé le temps de le dire, M. Karoutchi l’a répété : on ne touchera pas à la prunelle de vos yeux, nous a-t-on affirmé. M. Jean-François Copé a ajouté qu’il voulait connaître le projet de loi organique jusqu’à la moindre virgule. Il avait raison. Si le texte du projet de loi organique avait été connu, la réforme constitutionnelle n’aurait pas pu être votée. Vous n’auriez pas pu arracher des votes comme vous l’avez fait : le vote n’a été acquis que d’une seule voix.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez conseillé de voter votre texte en prévision d’un retour au pouvoir où nous aurions besoin que l’opposition soit plus docile. Vous étiez dans l’opposition lorsque vous combattiez contre les nationalisations, le PACS, les 35 heures, pour l’école privée ; beaucoup d’entre vous, y compris le Premier ministre, ont été de ces combats. Vous vous êtes exprimés dans des conditions qui contredisent les propos aujourd’hui tenus par les membres de la majorité. C’est la preuve que ces outils sont universels, qu’ils appartiennent au Parlement national d’une grande nation comme la France.

La question n’est pas l’obstruction. Chaque fois qu’un débat est prolongé à la demande de l’opposition, c’est au sein de la majorité qu’ont surgi les difficultés. Parce que le débat sur la proposition de loi relative au travail du dimanche a été prolongé et que les difficultés qu’elle présentait n’ont pas été réglées prestement, la majorité a commencé à entendre le peuple, s’est aperçue que le texte était impopulaire, et a refusé d’aller plus loin. L’opposition a permis au débat de s’installer dans le pays. Ce n’est pas de l’obstruction ! Lors des débats sur le PACS, la situation était inversée. Vous avez fait durer les débats, les désaccords sont apparus, la population s’en est emparée, et le débat a surgi. Vous évoquez le chiffre de 240 000 amendements. Mais on n’en a pas discuté le millième ! Ce sont des outils, qui permettent à la représentation populaire d’alerter l’opinion et de commencer à construire le lien de vitalité, que vous prétendez défendre, entre un hémicycle composé de représentants du peuple qui délibèrent et rendent des comptes sur leur vote, et le peuple. C’est un contre-pouvoir, qui appartient autant à la majorité qu’à l’opposition, et vous savez qu’il y a des membres de la majorité pour s’inquiéter de ce projet de loi organique.

Le contexte est aussi tout à fait préoccupant. Les atteintes aux contre-pouvoirs s’additionnent : mesure du temps de parole du Président de la République dans les médias, prise de contrôle par l’exécutif de la télévision publique, atteintes à l’indépendance de la justice, suppression des juges d’instruction, perquisitions dans les journaux et pressions sur les journalistes, fusion entre la police et la gendarmerie, qui aboutit à créer un corps unique d’enquêteurs, et donc moins de contre-pouvoirs dans les systèmes d’enquête judiciaire. Ne croyez-vous pas que c’est la nature de la République qui est ainsi atteinte ?

Le président Ayrault l’a dit dans l’hémicycle à l’adresse du Premier ministre : en plus des difficultés économiques et sociales du pays, ce texte est un motif de crise politique majeure. Nous vous demandons, au nom des socialistes et de tous les républicains sincères, de le retirer et de nous laisser discuter, comme nous avions commencé à le faire, de la réforme de notre Règlement. Cette affaire est très grave. Vous voulez passer en force, mais vous allez le regretter.

M. Claude Goasguen. Je voudrais moi aussi revenir sur l’historique de la réforme.

En son temps, le gouvernement socialiste a proposé d’instituer non seulement le quinquennat, mais un nouvel ordre de déroulement des élections : les élections législatives se déroulent désormais après l’élection présidentielle.  Personne ne nie plus aujourd’hui que cette réforme ait ainsi renforcé l’exécutif. Aujourd’hui, nous complétons la réforme constitutionnelle en essayant de donner un contrepoids législatif à l’exaspération du pouvoir exécutif que les socialistes ont voulue. Nous avons, nous, la droite, pris tous les risques, dans une réforme constitutionnelle difficile, pour permettre au pouvoir législatif de tracer une voie différente face à l’exaspération du pouvoir exécutif ainsi mise en place.

Aujourd’hui, l’opposition nous dit que la loi que nous proposons va diminuer les droits du Parlement. C’est une plaisanterie. Nous avons vécu pendant cinq ans dans un système bancal. Nous étudions maintenant la possibilité de donner au Parlement, dans les institutions de la Ve République, une responsabilité qu’il n’a jamais pu exercer jusqu’à présent. Et c’est ce débat-là que vous considérez comme absurde, superfétatoire et maladroit ?

J’entends dire que nous n’avons pas besoin d’une loi organique ; mais la loi organique est indispensable pour décliner la Constitution ; c’est un pouvoir quasi-constituant, sans rapport avec une modification du règlement des assemblées.

L’examen des principes que nous posons doit se faire en s’extrayant de la conjoncture politique actuelle ; ces principes vont se développer avec le temps, à des périodes où l’opposition sera peut-être différente.

J’en appelle à un minimum de sérénité. J’ai entendu des ouvertures formulées par le Gouvernement, des propositions de la part du président de la commission des lois, mais je n’entends de la part de l’opposition que des critiques. Vous affirmez que ce projet de loi instaure la mainmise du pouvoir exécutif sur le Parlement. Mais jamais le Parlement n’aura eu autant de pouvoirs ! Je crois dans la Ve République parlementaire. Je me bats depuis des années pour cela. J’ai toujours protesté contre l’omnipotence qu’y exerce l’exécutif.

Il faut donner à la Ve République une dimension parlementaire. Cela repose sur un certain nombre de principes.

D’abord, la loi va devoir être différente. Nous avons bafoué la hiérarchie des normes ; à force de voter des lois trop précises, nous en avons perturbé l’application et mis les tribunaux dans des difficultés d’interprétation insurmontables.

Ensuite, les études d’impact doivent être développées. Elles doivent être aussi elles-mêmes contradictoires ; il est facile à une administration de choisir le sens qu’elle veut donner à une telle étude. Le Parlement devra veiller à la dimension critique des études d’impact ; le risque existe que, par l’intermédiaire de son administration, le Gouvernement fasse passer dans l’étude d’impact une voix officielle, qui, quelque contestable qu’elle soit, sera très difficile à combattre lors de l’examen du projet de loi.

Dans la nouvelle structure, c’est d’abord l’opposition qui doit exister au sein du Parlement. Toute la stratégie du rééquilibrage tourne autour de l’idée que le Parlement est l’endroit où l’opposition doit pouvoir s’exprimer dans les meilleures conditions. Ce n’est pas lorsqu’elle multiplie les amendements qu’elle est la plus crédible. Vous vous trompez sur la vision qu’a l’opinion publique de la multiplication des amendements : l’opposition et l’institution parlementaire sortent très affaiblies de ces pratiques. Mais il faut donner à l’opposition la place qui est la sienne. Pour moi, comme pour le président de la Commission, c’est la moitié du temps. Quels que soit son score et l’ampleur de la victoire de la majorité, l’opposition doit profiter d’un « bonus d’existence » au sein du Parlement. Le rééquilibrage doit aussi permettre de faire exister les individualités. Le dépôt et la défense d’amendements en sont l’un des moyens, mais ce n’est pas le seul et, si je puis dire, l’abus d’amendements tue l’amendement. Je suis donc tout à fait prêt à discuter d’une structure permettant de manifester individuellement son opposition à la majorité de son propre groupe. De telles structures existent au Parlement européen ou dans des systèmes politiques plus parlementaires que le nôtre.

Mes chers collègues, si vous persistez dans une attitude qui est, à mon sens, plus conjoncturelle que juridique, vous rendrez difficile un débat qui devrait être bénéfique pour toute l’institution parlementaire. J’y entrerai pour ma part sans a priori. Il n’a pas été diffusé de consignes de vote au sein du groupe UMP. Nous sommes plusieurs au sein de la commission des lois à faire privilégier nos idées sur la discipline. Je souhaite que demain, nous soyons dans une attitude de dialogue, et non dans l’attitude de fermeture absurde, superfétatoire et maladroite qui prévaut aujourd’hui.

M. Noël Mamère. On ne devient bon législateur que si l’on se donne le temps de la confrontation et du débat.

Nous assistons actuellement à une situation inédite dans l’histoire de la République : le président de France Télévisions a dû décider, sous la contrainte, de la mise en application d’un des éléments les plus importants d’un projet de loi que le Sénat n’a pas encore examiné. Cela peut s’observer dans les républiques bananières ou dans les régimes autoritaires, mais pas dans les grandes démocraties. Dans cette affaire, vous avez considéré l’Assemblée nationale et le Sénat comme de la valetaille, de la quantité négligeable.

J’entends les cris d’orfraie lancés par la majorité, qui nous accuse d’obstruction. Mais, si nous n’avions pas utilisé ce droit imprescriptible qu’est le droit d’amendement, jamais nous n’aurions pu faire prendre conscience à l’opinion publique de l’involution démocratique que représente le projet de loi sur l’audiovisuel. On pourrait aussi citer d’autres textes clientélistes remis à d’autres lendemains, comme la loi sur le travail le dimanche

Vous avez rappelé le nombre d’amendements déposés entre 2002 et 2007, mais vous auriez pu tout aussi bien retrouver dans vos archives le nombre de lois votées, en grande partie dans l’urgence, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République : ce ne sont pas des lois mineures et nombre d’entre elles consacrent des régressions importantes, qu’il s’agisse des libertés fondamentales ou du droit du travail.

Nous sommes en droit de protester avec force contre cette opération de diversion qui consiste à faire croire au peuple français que, dans votre grande mansuétude, vous accordez aux parlementaires le droit de s’exprimer.

Comme l’a très bien souligné M. Urvoas, il ne s’agit pas là d’un débat technique. C’est dans cette maison que bat le cœur de la démocratie et, lorsque celle-ci est mal en point, c’est ici qu’elle doit retrouver son équilibre.

En restreignant le droit d’amendement, vous limitez les droits du Parlement, ceux de l’opposition, et par voie de conséquence, le débat public. C’est la logique qui est à l’œuvre depuis que Nicolas Sarkozy a été ministre de l’intérieur, et qui se poursuit avec un cynisme absolu depuis son arrivée à l’Élysée : le renforcement de l’exécutif. La mise au pas de la justice, la criminalisation du mouvement social – des femmes et des enfants ont été frappés pour avoir demandé l’application de la loi DALO – répondent à cette logique.

Le Parlement doit demeurer un sanctuaire démocratique. Il est essentiel que nous défendions ce pour quoi nous avons été élus. Or ce projet de loi organique remet en cause précisément le fait que nous sommes porteurs d’une part de la souveraineté nationale.

Au nom de mon groupe, je vous demande de retirer ce projet. Une fois de plus, nous devons l’examiner dans la précipitation, ce que rien ne justifie. En escamotant le Parlement, vous montrez votre vrai visage.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le secrétaire d’État, la méthode dont vous usez face au Parlement est bien peu respectueuse. Je ne parle pas ici des textes déposés dans l’urgence et sans concertation, mais des textes qui vont organiser notre vie commune, comme le projet de loi sur le redécoupage électoral et d’application du nouvel article 25 de la Constitution, dont l’existence n’a été découverte que le jour ou il a été présenté en conseil des ministres.

Depuis le 17 septembre, le groupe de travail parlementaire sur la réforme du Règlement se réunissait régulièrement et avait réussi à dégager un consensus sur vingt et un des trente-deux points en débat. Nous progressions car il n’était question que de revaloriser le travail parlementaire, et non de changer les repères entre l’exécutif et le législatif. Pourtant, et je vois là une illustration de votre manque de respect à l’égard du Parlement, aucun des membres de ce groupe n’a eu connaissance de l’existence de ce projet de loi organique avant son dépôt au Conseil d’État.

Pour justifier le contenu de ce texte, vous recourez à un argument récurrent, celui de l’obstruction parlementaire. Mais je ne connais pas d’exemples où l’obstruction n’ait pas fait évoluer la nature même du débat – les dernières heures des grands débats le montrent ! Lorsque nous faisons durer un débat, c’est afin de le placer sous le regard de l’opinion publique. Il nous arrive même de convaincre certains de nos collègues de la majorité et de faire revenir le Gouvernement sur ses intentions premières.

Depuis 1993, on ne compte que trente textes totalisant plus de cinquante heures de débats : vingt et un sous une législature de droite, neuf sous une législature de gauche. L’équilibre est respecté puisque la droite a gouverné pendant dix ans, la gauche pendant cinq ans. Depuis 1981, les textes les plus longuement débattus se répartissent équitablement entre les législatures de droite et celles de gauche. Tous, nous utilisons les moyens à notre disposition pour faire évoluer le débat et expliquer à nos concitoyens ce que ces textes recouvrent.

En outre, je veux battre en brèche l’argument qui consiste à lier le nombre d’amendements déposés et le temps passé en séance publique. Nous savons bien que les textes qui connaissent un nombre record d’amendements déposés ne sont pas ceux dont l’examen prend le plus de temps.

Votre texte est une mauvaise manière faite à votre majorité, puisque nous étions en train d’avancer et de trouver les règles du jeu d’un nouveau travail parlementaire. Vous avez décidé de proposer un texte qui porte atteinte à notre capacité de débattre. Nous vous demandons de poursuivre notre travail et vous invitons à vous concentrer sur d’autres textes, plus utiles.

Ce texte d’opportunité aurait-il été rédigé sous le coup de quelque énervement consécutif aux nuits que vous avez eues à passer à l’Assemblée nationale ? Convenez que, depuis votre nomination à ce poste, elles n’ont pas été aussi nombreuses que cela. Dans le cas contraire, interrogez-vous sur la nature du travail que vous êtes amenés à faire. L’obstruction à laquelle vous avez eu à faire face n’est pas différente de celle qui a été menée sous d’autres majorités.

M. Jean-Marc Ayrault. Les arguments forts développés par mes collègues du groupe socialiste posent la question de fond : ce débat n’est ni un débat technique ni un débat entre parlementaires, mais un débat sur le fonctionnement de notre démocratie.

Vous préparez un procès sur les excès du nombre d’amendements, sur l’obstruction, dont nous serions les spécialistes et qui empêcherait la bonne action du Gouvernement au service des Français. Vous préparez une manipulation, à partir d’un extrait des débats sur le projet de loi sur l’audiovisuel, destinée à nous tourner en ridicule. Mais vous prenez ainsi le risque de développer l’antiparlementarisme. C’est très grave.

Notre désaccord est un désaccord de conception sur le fonctionnement de la démocratie dans notre pays. Il n’y a pas de démocratie sans contre-pouvoirs. Un déséquilibre préoccupant se crée en ce moment au profit de l’exécutif. Un exemple ? Qui va composer la commission de contrôle du découpage électoral ? L’exécutif tout seul, avec les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette réforme de la Constitution est-elle un progrès ? Non. Il y a un danger. De même, nous apprenons, avant même qu’elle ne soit officiellement annoncée, la suppression des juges d’instruction, sans que nous sachions par quoi on va les remplacer.

Le Président de la République a une conception, peut-être nouvelle, en tout cas très particulière, du fonctionnement de la démocratie. Il est stupéfiant de lire, dans un article publié aujourd’hui par Le Figaro, le secrétaire général de l’Élysée se préoccuper personnellement du Règlement de l’Assemblée nationale, exposer qu’il va devoir être modifié profondément et indiquer que le président de l’Assemblée nationale a été chargé par l’Élysée de réduire le temps imparti au dépôt des amendements. Dans cet article, le secrétaire général de l’Élysée se montre aussi choqué de la guerre d’usure des socialistes, qui déposent – scandale ! – jusqu’à mille amendements par texte.

M. le président Warsmann, trouvez-vous choquant que l’Assemblée ait consacré 70 heures, c’est-à-dire deux fois 35 heures, à débattre de la réforme de l’audiovisuel public ? Est-ce trop consacrer à une réforme de société ? Si ce que vous voulez faire avait été mis en application, nous n’aurions pas pu conduire ce débat. Nous n’y avons passé que 70 heures, et vous parlez de scandale et d’obstruction ? Or nous n’avons fait que notre travail : nous avons besoin de temps pour parler, pour débattre avec la majorité et les Français. Pendant ces 70 heures, les Français ont pris conscience qu’étaient en cause non seulement la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique, mais aussi le financement en profondeur de l’audiovisuel public, qui n’est pas garanti dans la durée, et l’octroi de plages de publicité supplémentaires au secteur audiovisuel privé, TF1 et M6 ; des citoyens, qui ne s’en seraient pas rendu compte si le débat n’avait pas duré, ont découvert avec indignation que les présidents de la télévision et de la radio publiques seraient désormais nommés par le Président de la République.

Le droit d’amendement, c’est du temps pour relayer le débat auprès de l’opinion publique, qui n’en aurait pas forcément pris conscience autrement.

On peut également citer l’exemple du CPE, le contrat première embauche. Nous avons décidé d’aller à la bataille. Après que le Gouvernement a eu recours à l’article 49, troisième alinéa, de la Constitution, la mise en œuvre du projet a fini par être abandonnée, parce que le pays n’en voulait pas. Avec les nouvelles dispositions que vous voulez instaurer, jamais la prise de conscience que le CPE était une mauvaise réforme, puis la mobilisation pour son abandon, n’auraient pu avoir lieu.

Aujourd’hui, notre désaccord est profond. Le temps du Président de la République n’est pas le même que le nôtre : c’est le temps des effets d’annonce, du marketing, des spin doctors, mais pas forcément celui de l’action.

Vous déclarez l’urgence sur tous les projets de loi. Le Sénat étant du même bord que vous, vous lui demandez des votes conformes. Les lois sont adoptées après une lecture dans chaque assemblée, tout au plus après l’élaboration d’un texte de CMP. Voilà des conditions de débat bien limitées ! Et vous voulez de plus mettre fin au droit de l’opposition, de tous les députés, à débattre des questions pendant le temps nécessaire pour que l’opinion puisse s’en saisir, ainsi qu’à montrer qu’il n’y a pas forcément qu’une seule réponse ? C’est très grave.

Le Sénat a élaboré un rapport sur les lois promulguées depuis le début de la législature. Ce rapport indique que le taux moyen de mise en œuvre des lois depuis le début de la législature n’est pas de 100 %, de 80 % ou de 50 %, mais de 24,6 % ! La cause de ce résultat mitigé, ce n’est quand même pas l’allongement des délais, ici où là, pour l’élaboration de la loi, ni même l’obstruction !

Le temps parlementaire doit rester celui de la confrontation, de la contre-expertise, de la délibération, du débat. Au nom de la démocratie, vous devez retirer non pas l’ensemble du projet de loi organique – il contient des propositions intéressantes –, mais au moins ses articles 12 et 13. La cause que nous défendons n’est pas seulement la nôtre, mais celle de tous les parlementaires, celle du droit imprescriptible de chaque député à amender. Si demain est instauré le temps global, le débat sera organisé en Conférence des présidents ; il sera impossible à un député d’exprimer, par la défense d’un amendement, son indépendance, sa liberté sur une question de conscience. Voilà la conséquence de ce que vous voulez mettre en place !

Votre projet est dangereux et antidémocratique. Vous avez tort d’en faire un sujet technique : il concerne les citoyens. Les Français prennent conscience aujourd’hui que le temps de la télévision est réservé au Président de la République. Nous voulons que le temps du Parlement soit l’occasion de défendre les causes auxquelles nous tenons et qui concernent les Français.

M. Marcel Rogemont. L’argument des 240 000 amendements déposés pendant la législature précédente, manié par M. le ministre Karoutchi, est fallacieux : il aurait fallu sept ans, et non cinq, pour les examiner ; c’est donc qu’ils ne l’ont pas été.

Par ailleurs, y a-t-il eu des projets de loi que le Gouvernement n’aurait pas pu faire adopter ? Non. Le Parlement n’a donc jamais empêché le Gouvernement de gouverner. Jamais autant de textes n’ont été adoptés qu’aujourd’hui.

La difficulté de fonctionnement auquel nous faisons face est inverse : tous les textes sont examinés en urgence. L’Assemblée nationale ne dispose pas de temps. L’important, pour le Président de la République, c’est le temps médiatique. Quant au Gouvernement, imaginez ce qui reste de son autorité dès lors que le secrétaire général de l’Élysée donne des instructions au président de l’Assemblée nationale. Le Président de la République va jusqu’au bout de son pouvoir. Le Parlement étant considéré comme gênant pour l’action qu’il mène, le meilleur moyen d’y remédier est donc de le supprimer, en cadenassant le temps parlementaire. La conséquence est que l’opposition n’existe plus ; mais alors, la majorité non plus !

On parle du renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement sur le Gouvernement. Mais établissons une comparaison avec les collectivités locales. La décision, c’est le vote du budget ; le contrôle, c’est l’examen du compte administratif. Cet examen est sans doute très important. Mais comparons le temps passé à débattre du budget et à examiner le compte administratif ! En évoquant un rôle de contrôle, on place le Parlement dans une dynamique d’examen des comptes administratifs, tandis que la dynamique médiatique de la proposition et de la politique est réservée au seul Président de la République.

Nous pouvons aussi mesurer, notamment par les courriers électroniques que nous avons reçus, à quel point notre combat sur l’audiovisuel a eu un impact auprès de la population. La minorité de ce pays a le droit au temps de parole. Interdire à l’opposition de pouvoir peser sur le temps parlementaire, c’est faire reculer la démocratie.

M. Gérard Charasse. J’interviens au nom des députés radicaux de gauche.

La majorité d’entre nous a voté la réforme constitutionnelle. Alors même que nous aurions souhaité qu’elle puisse aller plus loin, nous y avons trouvé une amélioration, que nous attendions depuis longtemps, des conditions de travail du Parlement et des droits des parlementaires, de l’opposition comme de la majorité.

En revanche, les propositions du projet de loi organique, et notamment celles de ses articles 12 et 13, nous déçoivent.

Au nom de mes collègues, j’ai écrit au Président de la République que le compte n’y était pas, et que nous souhaitions notamment que les dispositions relatives au droit d’amendement soient revues. Je vous ai adressé, monsieur le secrétaire d’État, une copie de cette lettre.

Le droit d’amendement est un droit fondateur de la démocratie parlementaire. C’est un droit imprescriptible et sacré. Nous partageons ce jugement du président du Sénat. Nous sommes les représentants de la souveraineté populaire. À ce titre, nous avons le droit d’être écoutés. Le droit d’amender vaut pour les groupes comme pour les individualités. Il comprend le droit de déposer des amendements, et celui de les défendre. Au nom des principes républicains qui nous animent, nous ne pouvons pas transiger sur ce droit.

M. le secrétaire d’État. Monsieur le président, le Gouvernement sera attentif aux amendements relatifs aux études d’impact que vous déposerez demain et devrait vous suivre sur un certain nombre de vos propositions.

Monsieur Lagarde, le droit de résolution serait en effet illusoire si les résolutions ne devaient jamais être inscrites à l’ordre du jour. Par conséquent, votre idée d’un « droit de tirage » me semble aller dans le bon sens.

Monsieur Urvoas, je vous remercie pour votre critique ferme mais constructive et pour le caractère équilibré de vos propos. Il ne s’agit pas de restreindre le droit d’amendement. Lors du débat sur la révision constitutionnelle, M. Accoyer a répondu clairement à votre question : le droit de déposer à nouveau un amendement qui n’aurait pas été retenu en commission est garanti. Je vous le redis aujourd’hui : il sera possible de redéposer un amendement pour qu’il soit examiné en séance publique.

M. Bernard Roman. Mais votre texte fait référence à une mise aux voix sans discussion !

M. le secrétaire d’État. Nous sommes ouverts à tous les amendements procédant d’une démarche constructive.

Selon vous, Monsieur Valls, notre conception du Parlement serait celle de chambres sans liberté d’expression et sans pouvoir de contrôle. J’ai pourtant le sentiment que nous avons fait bien des gestes lors de la révision constitutionnelle, notamment sur le droit de résolution, sur les pouvoirs de contrôle ou sur les nominations, conformément à notre volonté de rééquilibrer les pouvoirs.

Comme l’a indiqué M. Goasguen, ce sont l’inversion du calendrier électoral et l’instauration du quinquennat qui ont changé la nature des relations entre la majorité et le Parlement. Il nous appartient désormais de construire un nouvel équilibre.

Ne nous y trompons pas, Monsieur Le Roux : les quatre cinquièmes des membres du Gouvernement sont d’anciens députés et savent bien qu’ils reviendront un jour à leur vie de parlementaires. Nous sommes par ailleurs tous conscients que l’opposition sera appelée à gouverner et la majorité à s’opposer. Ne nous intentez donc pas de faux procès !

Il y a une place à trouver pour le Parlement et de nouveaux modes de relations entre la majorité et l’opposition, entre le Gouvernement et le Parlement. L’ordre du jour partagé, les pouvoirs d’évaluation et de contrôle, l’examen du texte de la commission en séance publique, le délai de six semaines, la médiatisation du travail des commissions et la présence des membres du Gouvernement lors de leurs réunions sont autant d’éléments qui y participeront.

J’ajouterai à cela, monsieur Lagarde, les dispositions concernant les propositions de résolution. C’est d’ailleurs à votre initiative, et à celle du groupe de l’Union centriste au Sénat, que nous avons évolué sur cette question, comme avec une partie de l’opposition. Comme vous l’avez dit, monsieur Charasse, la responsabilité des groupes minoritaires – qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition – est évidente.

Vous nous accusez d’escamoter le débat sur le Règlement en présentant un projet de loi organique. Mais c’est la Constitution elle-même qui exige le recours à une loi organique et ce sont les présidents des deux assemblées qui nous ont demandé de la présenter, sans laquelle il serait impossible d’inscrire dans le Règlement les dispositions relatives au droit de résolution, aux études d’impact et, dans une certaine mesure, les conditions d’exercice du droit d’amendement.

Le débat avec MM. Accoyer et Larcher va donc se poursuivre, ainsi qu’avec l’ensemble des groupes et des présidents de commission, dont le rôle ira grandissant au sein des assemblées. Car, s’il est un élément aujourd’hui occulté, c’est bien le renforcement des pouvoirs des présidents de commission, dont on verra s’il ne transcende pas les lignes gauche-droite.

Le Gouvernement n’est pas fermé au débat, messieurs Lagarde, Urvoas, Charasse. Il souhaite que le Parlement exerce pleinement son rôle législatif, son rôle de contrôle et d’évaluation. Et tel était bien l’objectif de la révision constitutionnelle, dont je regrette que tous les groupes ne l’aient pas votée. C’est ce que nous devrons garder à l’esprit lors des prochains débats.

M. Bruno Le Roux. Serait-il possible que nous auditionnions, dans un délai bref, le secrétaire général de l’Élysée ?

M. le président Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans l’immédiat, je remercie M. Karoutchi pour cette longue audition et vais suspendre la séance pour quelques instants.

La séance, suspendue à 18 h 50, est reprise à 19 h 00.

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La Commission examine, sur le rapport de M. Thierry Mariani, la proposition de loi de MM. Thierry Mariani et Jean-Jacques Urvoas visant à favoriser l’exercice par les Français établis hors de France du droit de vote pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 1346).

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout d’abord, je souhaite indiquer que j’ai travaillé en parfaite intelligence et en parfaite harmonie avec Jean-Jacques Urvoas sur ce sujet et que nous aurions bien volontiers rapporté conjointement cette proposition de loi que nous avons cosignée, si cette solution avait été envisageable.

Le 19 novembre 2008, lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, notre collègue René Dosière nous a rappelé que, à la suite de la modification du mode de scrutin pour les élections européennes opérée en 2003, beaucoup de nos compatriotes installés à l’étranger ne peuvent plus exercer leur droit de vote pour ces élections.

Soucieuse d’assurer à tous les Français le respect de ce qui constitue un droit civique fondamental et en cohérence avec la création, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de sièges de députés représentant les Français établis hors de France, la commission nous a confié, à Jean-Jacques Urvoas et à moi-même, le 25 novembre 2008, la mission d’analyser cette situation et de rechercher, le cas échéant, une solution consensuelle susceptible d’être mise en œuvre avant les échéances électorales de juin 2009.

En conséquence de la division du territoire national en huit grandes circonscriptions, l’article 28 de la loi du 11 avril 2003 a en effet supprimé la possibilité pour les Français établis hors de France de voter dans les centres de vote consulaires pour les élections au Parlement européen, faute d’avoir prévu leur rattachement à une circonscription. Pour pouvoir participer à cette élection, ils doivent désormais soit voter dans leur État de résidence s’ils vivent dans un autre État de l’Union européenne, soit être inscrits sur les listes électorales en France et voter en personne ou trouver quelqu’un à qui confier une procuration. En juillet 2008, 332 492 Français établis hors de France ne se trouvaient dans aucune de ces deux situations et ne pourront donc pas, en l’état actuel du droit, voter pour les élections européennes de 2009.

Après avoir auditionné notamment les deux principales associations représentant les Français établis hors de France, avec Jean-Jacques Urvoas, nous avons élaboré conjointement un texte à l’ambition nécessairement limitée, compte tenu de la nécessité d’une entrée en vigueur très rapide, destiné à proposer une solution ponctuelle pour les prochaines élections européennes, sans préjudice d’une réforme ultérieure appréhendant d’une manière plus globale la situation des Français établis hors de France.

La proposition de loi, déposée le 18 décembre dernier, a pour objet :

- de rétablir la possibilité, pour les seuls Français résidant hors de l’Union européenne, de participer à l’élection des représentants français au Parlement européen dans les bureaux de vote consulaires (article 2) ;

- de prévoir le rattachement à la circonscription Île-de-France des Français participant à ce scrutin dans les bureaux de vote consulaires (article 3) ;

- de prévoir que, pour la distribution des sièges de représentants français au Parlement européen entre circonscriptions, il est tenu compte non seulement de la population des circonscriptions mais également, pour la circonscription Île-de-France, du rattachement des Français votant dans les bureaux de vote consulaires à cette circonscription (article 1er).

La volonté de permettre à tous les citoyens français de pouvoir participer à la désignation des représentants au Parlement européen, qu’ils habitent dans l’Union européenne ou dans le reste du monde, est non seulement légitime mais s’inscrit en pleine cohérence avec le Traité sur l’Union européenne tel qu’il résultera du Traité de Lisbonne. Le point 2 de l’article 14 de ce futur Traité prévoit en effet que « le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union ». Or, l’article 9 du même Traité précise qu’« est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre ». Il est donc légitime de permettre à tout Français de voter aux élections européennes pour désigner des représentants.

Comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi, « l’objectif est d’aboutir à une disposition législative simple, qui puisse être applicable dès le prochain scrutin, le 7 juin 2009, sans préjudice de l’adoption, dans un second temps, de dispositions législatives plus ambitieuses destinées à mieux associer les Français de l’étranger à la désignation des représentants au Parlement européen ».

Le fait de n’avoir proposé une possibilité de vote dans les circonscriptions consulaires que pour les Français résidant hors de l’Union européenne se justifie de ce point de vue par la volonté de proposer une solution qui permette d’éviter l’instauration d’un contrôle de l’absence de double vote. L’objection selon laquelle on créerait deux catégories au sein des Français de l’étranger n’est pas pertinente, dans la mesure où aujourd’hui les Français vivant dans l’Union européenne sont déjà traités différemment, puisqu’ils peuvent voter aux élections européennes soit dans leur commune de rattachement s’ils en ont une soit dans leur pays de résidence.

Cette solution n’est toutefois pas suffisante pour permettre une application la plus simple possible dès juin 2009. En effet, la rédaction de la proposition de loi laisse aux Français résidant hors Union européenne le choix entre un vote dans les centres de vote consulaires et un vote dans leur commune française de rattachement. Or, il reste trop peu de temps pour permettre à chacun de faire ce choix et pour permettre une nouvelle distinction au sein des listes consulaires. Par conséquent je vous proposerai un amendement afin de limiter en 2009 la possibilité de vote dans les bureaux consulaires aux seuls Français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales en France.

L’objectif, qui est que chaque Français ait au moins un lieu où pouvoir effectivement voter pour les élections européennes, aura ainsi pleinement été atteint.

Afin que cette solution restrictive ne demeure pas après les élections de 2009, je vous propose, par un autre amendement, de prévoir qu’à compter des élections de 2014 tous les Français établis hors de l’Union européenne et qui participent aux élections présidentielles dans les bureaux de vote consulaires participent aux élections européennes dans ces bureaux de vote.

Sous réserve de ces modifications, je vous inviterai à adopter cette proposition de loi qui pourrait, si elle fait l’objet d’une navette rapide et efficace, entrer en vigueur dès les élections de juin 2009.

Je vous signale enfin que, d’un point de vue pratique, le surcroît de travail qui en résulterait pour les consulats ne sera pas aussi considérable que ce que l’on pourrait penser : en effet, tous les bureaux de vote consulaire d’Afrique et d’Amérique devront de toute façon être ouverts le jour des élections européennes, pour assurer l’organisation de l’élection des représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’examen de cette proposition de loi fournit bien la preuve qu’il est essentiel d’accorder au législateur un temps suffisant pour examiner les textes qui lui sont soumis : nous n’aurions pas à corriger aujourd’hui les erreurs de la loi du 11 avril 2003 si le législateur avait à l’époque légiféré moins rapidement.

Pour autant, la rapidité du président de la Commission et l’efficacité de son rapporteur pour procéder aux corrections nécessaires doivent être saluées.

Sur le fond, la meilleure solution consisterait sans doute à accorder, au sein du Parlement européen, une représentation spécifique aux européens établis en dehors de l’Union européenne. Une autre possibilité consisterait à créer, pour les Français établis à l’étranger, une circonscription supplémentaire – à l’instar de ce qui a été fait, avec des mécanismes complexes, pour l’outre-mer. Toutefois, la réduction prévue de 78 à 72 sièges pour la représentation des Français au Parlement européen à compter des prochaines élections ne permet pas d’envisager la création d’une telle circonscription.

Ainsi, le choix de rattacher les quelque 300 000 Français de l’étranger, pour le vote aux élections européennes, à la circonscription de l’Île-de-France, se justifie par le fait que le contentieux du vote pour les Français de l’étranger a un ressort parisien, que le ministère des affaires étrangères, qui est pour ainsi dire la préfecture des Français de l’étranger, est situé à Paris, et enfin que cette circonscription, avec 14 sièges, est la mieux dotée des huit circonscriptions.

M. René Dosière. Je me réjouis que l’on mette fin, au profit des Français de l’étranger, à l’anomalie résultant de la loi du 11 avril 2003. J’avais à l’époque signalé cette erreur, qui n’aurait pas été commise si l’on avait pu en débattre normalement. La cause de ce dysfonctionnement provient non pas du dépôt, par l’opposition de l’époque, d’environ 14 000 amendements, mais de l’utilisation par la mise en jeu par le Gouvernement de sa responsabilité selon la procédure prévue à l’article 49-3 de la Constitution.

Cette modification du mode de scrutin pour les élections européennes, consistant à créer 8 grandes circonscriptions pour la France, était officiellement motivée par la volonté de rapprocher les élus de leurs électeurs. En réalité, on s’est moqué des Français, car le véritable objectif politique était, en supprimant la circonscription nationale unique, de dispenser les principaux responsables politiques nationaux d’avoir à conduire les listes et, ainsi, à affronter le jugement des électeurs. Ce n’est pas avec de tels calculs politiques que l’on intéressera davantage nos concitoyens à ces élections et que l’on fera progresser la cause européenne.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je suis entièrement d’accord avec la position de Jean-Jacques Urvoas et je suis également favorable à la création d’une neuvième circonscription, à terme, pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Je voulais vous rappeler que les Français de l’étranger sont 860 000 inscrits sur les listes électorales, plus de 1,4 million de personnes recensées et près de 2 millions de personnes estimées. Il s’agit d’une population dont le vote diffère désormais peu de celui de la métropole, comme en témoignent les dernières élections présidentielles.

Je voulais enfin rectifier l’affirmation de mon collègue Dosière sur un point : la loi de 2003 n’a pas exactement privé de droit de vote les Français établis hors de France, elle a simplement supprimé la possibilité pour ces Français de voter dans les consulats.

Article 1er (Article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Prise en compte des données démographiques pour la distribution des sièges de députés français au Parlement européen entre les circonscriptions interrégionales :

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Après l’article 1er (Article 23 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Droit de vote dans les bureaux de vote consulaires des Français établis hors de l’Union européenne :

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur précisant que seuls les électeurs inscrits sur les listes consulaires sans être inscrits sur la liste d’une commune de France pourront, pour les élections européennes, voter dans les bureaux de vote consulaires.

M. le rapporteur. Trop peu de temps nous sépare des prochaines élections européennes pour qu’il soit possible de modifier préalablement le régime applicable aux Français de l’étranger inscrits à la fois sur les listes consulaires pour l’élection présidentielle et sur la liste d’une commune en France. À l’heure actuelle, l’inscription sur la liste d’une commune française leur permet de voter dans celle-ci.

L’amendement propose donc, pour les élections européennes organisées en 2009, de réserver la possibilité de voter dans les bureaux de vote consulaires aux seuls électeurs qui ne sont pas inscrits par ailleurs sur une liste électorale en France.

La Commission adopte cet amendement.

Article 2 (Article 23 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Droit de vote dans les bureaux de vote consulaires des Français établis hors de l’Union européenne pour les élections ultérieures à celles de juin 2009 :

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur proposant de ne pas rendre applicable l’article 2 aux prochaines élections européennes.

M. le rapporteur. L’article 2 vise tous les Français inscrits sur les listes électorales consulaires et qui y votent pour l’élection présidentielle, indépendamment de leur éventuelle inscription sur la liste d’une commune française.

Cet amendement tend à éviter que cet article ne s’applique dès les prochaines élections européennes. En effet, le délai paraît trop bref pour modifier le régime applicable aux Français de l’étranger inscrits à la fois sur les listes consulaires pour l’élection du Président de la République, et sur la liste d’une commune française – cette seconde inscription leur permettant actuellement de voter dans cette commune pour les autres élections.

La Commission adopte cet amendement.

Puis, elle est saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant que les Français établis en dehors de l’Union européenne et inscrits sur les listes électorales consulaires doivent exercer leur droit de vote aux élections européennes dans les mêmes conditions que pour l’élection du Président de la République.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que le droit de vote aux élections européennes des Français établis en dehors de l’Union européenne s’exerce sur le même lieu que celui qu’ils ont choisi pour l’élection du Président de la République. Cela permettra d’éviter la création d’une nouvelle catégorie d’électeurs sur les listes électorales consulaires.

En effet, le maintien d’une option serait à l’évidence impraticable : il faudrait interroger chaque électeur inscrit à la fois sur les listes consulaires pour l’élection présidentielle et sur les listes électorales d’une commune en France, afin de savoir s’il choisit, pour les élections européennes, d’exercer son droit de vote en France ou dans les bureaux de vote consulaires.

L’amendement propose donc de rétablir le texte qui était applicable avant la loi du 11 avril 2003.

La Commission adopte cet amendement.

Puis, elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 (Tableau annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Rattachement des Français établis hors de l’Union européenne à la circonscription Île-de-France :

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Puis, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

La séance, suspendue à 19 h 15 est reprise à 19 h 25.

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La Commission examine, sur le rapport de M.  Gilles Bourdouleix, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, ratifiant l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation (n° 607).

Après l’article 2

La Commission repousse les amendements nos 12, 8, 9, 10 et 11 de M. Alain Vidalies puis elle repousse l’amendement n° 2 de Mme Bérengère Poletti.

La séance est levée à 19 h 30.

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