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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 3 février 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 38

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la proposition de loi de MM. François Baroin et Jack Lang visant à modifier la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs (n° 1816) (M. François Baroin, rapporteur)

– Examen de cette proposition de loi (n° 1816) (M. François Baroin, rapporteur)

– Amendements examinés par la Commission

– Examen de la proposition de loi de M. Jean Leonetti relative à l'organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société (n° 2211) (M. Jean Leonetti, rapporteur)

– Amendements examinés par la Commission

– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour le développement des sociétés publiques locales (n° 1721) (M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur)

– Amendements examinés par la Commission

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission entend, dans le cadre d’une table ronde, ouverte à la presse, sur la proposition de loi, de MM. François Baroin et Jack Lang, visant à modifier la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs (n° 1816) (M. François Baroin, rapporteur) :

– Me Dominique Attias, avocate au barreau de Paris, membre du Conseil national des Barreaux ;

– M. Henri-Claude Le Gall, président de l’Association nationale des praticiens de la cour d’assises ;

– Me Stéphane Maître, avocat au barreau de Paris, conseiller de l’Institut pour la justice ;

– Mme Catherine Sultan, présidente de l’Association nationale des magistrats de la jeunesse et de la famille ;

– Me Francis Szpiner, avocat au barreau de Paris.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui, au cours d’une table ronde plusieurs interlocuteurs, parmi les plus éminents qu’a déjà rencontrés M. François Baroin, l’auteur et rapporteur de la proposition de loi visant à modifier la procédure de huis clos devant la cour d’assises des mineurs.

M. le professeur Varinard, président de la commission de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui devait être parmi nous ce matin, a dû y renoncer car il prête aujourd’hui serment comme assesseur au tribunal pour enfants et nous prie de bien vouloir l’en excuser.

Avant de passer la parole au rapporteur, je vous précise que cette proposition de loi sera inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée à l’initiative du groupe UMP le mardi 16 février.

M. François Baroin, rapporteur. La proposition de loi faisant l’objet de la table ronde a été déposée en réaction au déroulement du procès devant la cour d’assises des mineurs de Paris de Youssouf Fofana, chef du « gang des barbares », reconnu coupable d’assassinat et de tortures à l’encontre d’Ilan Halimi. Compte tenu de sa genèse, il pourrait être tentant de qualifier cette proposition de loi de proposition de circonstance. Pourtant, il n’est ni rare ni illégitime qu’une affaire particulière mette en évidence une défaillance de la législation et amène le législateur à en tirer des conséquences générales. Tel est le cas de la présente proposition de loi.

Au-delà de l’horreur des faits commis et de la réprobation qu’ils ont suscitée, les conditions de publicité restreinte dans lesquelles s’est déroulé ce procès ont suscité un assez large émoi, en mettant en évidence la règle actuelle selon laquelle la décision de rendre public un procès appartient au seul accusé lorsqu’il était mineur au moment des faits, même s’il est devenu majeur au moment de l’audience. Dans l’affaire Fofana en particulier, l’application de cette règle s’est révélée problématique, en raison du fait que parmi les 21 personnes renvoyées devant la cour d’assises des mineurs de Paris, seuls deux étaient mineurs au moment des faits. Pour les autres accusés, majeurs au moment des faits, le procès aurait donc dû être public et n’a été soumis à la règle de la publicité restreinte que parce deux de leurs coaccusés étaient mineurs au moment des faits et que l’un d’entre eux a refusé la publicité…

C’est afin de remédier à ce qui nous est apparu comme une anomalie que mon collègue Jack Lang et moi-même avons jugé nécessaire de déposer une proposition de loi tendant à faire dépendre la décision de soumettre le procès à la règle de la publicité, non plus du mineur accusé devenu majeur au moment des faits, mais de la cour d’assises.

En conclusion des travaux que j’ai menés sur cette proposition de loi, avec près d’une vingtaine d’auditions, il m’a paru intéressant, afin d’éclairer pleinement les membres de la commission des Lois sur les enjeux de cette proposition de loi, de confronter les différents points de vue qui se sont exprimés sur ce texte. Je vous propose de nous attarder successivement sur trois thèmes, sur lesquels les différents participants se sont exprimés lors de leur audition : les finalités de la règle de la publicité restreinte, la portée de cette règle, et enfin la protection des mineurs vis-à-vis de la presse.

La première question soulevée par la proposition de loi me semble être celle des finalités de la règle de la publicité restreinte. Quels sont les objectifs de cette règle ? Toutes les personnes entendues ont souligné que cette règle avait pour vocation première de protéger les mineurs des conséquences négatives que pourrait avoir pour leur réputation la présence du public et de la presse, afin de ne pas nuire à leur réinsertion future. Un rappel par les participants des motifs justifiant cette règle de publicité restreinte et de ses fondements juridiques pourrait être intéressant.

S’agissant de la portée de la règle de la publicité restreinte, cette règle a aujourd’hui une portée quasiment absolue : en dehors du cas où l’accusé mineur devenu majeur demande lui-même ou accepte la publicité, tout procès impliquant un mineur devenu majeur sera soumis à la règle de la publicité restreinte, quand bien même il se déroulerait de nombreuses années après la majorité de l’accusé, comme dans l’affaire Dils, et même si la plupart des accusés étaient majeurs au moment des faits, comme dans l’affaire Fofana.

Ces situations amènent à s’interroger sur la portée que doit avoir cette règle. Dans les cas évoqués, la règle de la publicité restreinte ne devrait-elle pas pouvoir être conciliée avec un autre principe important de la procédure pénale, celui de la publicité de la justice ? L’intérêt général – celui de la publicité de la justice – ne doit-il pas dans certains cas pouvoir primer un intérêt particulier – celui du mineur accusé devenu majeur ? En d’autres termes, la cour d’assises doit-elle pouvoir, comme le propose la proposition de loi, décider d’écarter la règle de la publicité restreinte ?

Cette question amènera sans doute les participants à évoquer la portée de l’article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme relatif au droit au procès équitable, qui prévoit le principe de la publicité des audiences et définit les cas dans lesquels il peut recevoir exception. Ainsi, si cet alinéa dispose tout d’abord que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial », le même alinéa prévoit également que « l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ». En d’autres termes, l’article 6 impose-t-il que les procès de mineurs devenus majeurs soient soumis à une règle de publicité restreinte, ou permet-il simplement d’écarter la règle de la publicité « lorsque les intérêts des mineurs l’exigent » et sous réserve que d’autres intérêts ne justifient le maintien de la publicité ?

Enfin, la dernière question soulevée est celle de la protection des mineurs face aux informations qui pourraient être révélées par la presse. En effet, les auditions ont mis en évidence le fait que l’interdiction de divulguer l’identité d’un mineur accusé était très fréquemment violée par les médias ou par la voie d’Internet. Même dans l’hypothèse où le législateur permettrait que les procès de mineurs devenus majeurs soient publics, il n’est pas souhaitable que puissent être publiées librement les identités des mineurs, le détail des faits qu’ils ont commis ou encore les éléments de personnalité révélés à l’audience.

Comment faire pour que cette interdiction soit mieux respectée ? Faut-il augmenter les sanctions encourues, actuellement fixées à 6 000 euros et, en cas de récidive, à un emprisonnement de deux ans en cas de publication d’un compte rendu de débats du tribunal pour enfants ou de la cour d’assises des mineurs, et à 3 750 euros d’amende en cas de publication d’une décision de l’une de ces juridictions sans l’anonymiser ?

M. le président. Je vous remercie. Je vais maintenant donner la parole à nos invités.

M. Henri-Claude Le Gall, président de l’Association nationale des praticiens de la cour d’assises. L’association nationale des praticiens de la cour d’assises, que je représente, a pris position lors d’une récente assemblée générale, pour le statu quo en matière de publicité des débats devant la cour d’assises des mineurs. Nous estimons qu’il s’agit d’un choix politique même si, à première vue, cette question paraît assez technique. Nous souhaitons apporter quelques observations de praticiens du droit avant de décider de l’opportunité de cette réforme. Le texte prévoit que, lorsque le mineur devient majeur, il pourra demander le huis clos et non la publicité restreinte, ce qui revient à supprimer de facto la procédure de publicité restreinte car la majorité des mineurs qui commettent des infractions entre seize et dix-huit ans sont jugés au-delà de leur majorité. Il faut bien distinguer la procédure de huis clos de celle de publicité restreinte. Actuellement, il est possible de demander le huis clos et la procédure de publicité restreinte peut être utilisée de manière concomitante et dans la même affaire, avec le huis clos. Si cette modification est introduite, le mineur sera assimilé aux autres parties au procès qui, aujourd’hui, peuvent demander le huis clos.

Il convient de garder à l’esprit que l’article 306, alinéa 3, du code de procédure pénale prévoit qu’en cas de procès pour viol ou pour barbarie avec sévices sexuels, la victime peut s’opposer à la demande de huis clos présentée par le mis en cause. C’est bien un cas où le mineur peut se voir refuser la demande de huis clos.

La réforme envisagée ne résoudrait pas le problème posé par l’article 20, alinéa 8 de l’ordonnance du 2 février 1945, qui précise que la presse et les autres médias ne peuvent faire référence aux débats se déroulant devant la cour d’assises des mineurs. Dans le courrier que j’ai adressé à la commission des Lois, j’ai suggéré, pour résoudre cette difficulté, de remplacer la demande de huis clos par une demande de publicité restreinte.

La règle actuelle concernant l’organisation des débats devant la cour d’assises des mineurs vise à assurer une protection particulière aux mineurs mis en cause en leur assurant une certaine discrétion. Il s’agit d’éviter que certaines « erreurs de jeunesse » ne soient étalées sur la place publique alors que certains procès se déroulent très longtemps après la majorité du mis en cause comme ce fut le cas, par exemple, pour une affaire concernant une infraction d’attouchements sexuels commise lorsque le mineur avait seize ans et qui fut jugée lorsque l’intéressé avait quarante-et-un ans.

M. le rapporteur. Pour répondre à votre préoccupation, un amendement sera présenté pour bien distinguer la procédure de huis clos et celle de publicité restreinte.

Mme Catherine Sultan, présidente de l’Association nationale des magistrats de la jeunesse et de la famille. J’interviens ici en tant que présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et comme praticienne, puisque je préside le tribunal pour enfants du TGI de Créteil. Je tiens à rappeler que notre association est opposée à la réforme et qu’il convient de souligner les raisons qui ont conduit à mettre en place un droit pénal des mineurs spécifique. Même si, ces dernières années, on a constaté une tendance à l’alignement du droit pénal des mineurs sur celui des majeurs, il n’en demeure pas moins que les mineurs doivent être protégés par un droit spécifique. En effet, le sens de l’infraction et la réponse à y apporter sont très différents, selon qu’il s’agit de mineurs ou de majeurs. La spécificité du droit pénal des mineurs est une obligation qui a été rappelée dans de nombreux textes juridiques comme, par exemple, la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En outre, dans une décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a affirmé que la spécificité du droit pénal des mineurs constituait un principe fondamental de notre droit et a visé explicitement la règle de publicité restreinte.

Il faut à nouveau rappeler que la justice des mineurs doit, certes, répondre aux actes délictueux, mais en garantissant aux mineurs les meilleures chances de réinsertion et en évitant toute stigmatisation.

Je voudrais apporter un témoignage qui illustre les inconvénients de la publicité des débats. J’ai suivi l’affaire des incendiaires de l’Haÿ-les-Roses, qui a eu un fort retentissement médiatique malgré les efforts entrepris par les magistrats pour garantir la discrétion de la procédure. Les jeunes filles mises en cause ont dû être protégées par les éducateurs du service éducatif auprès du tribunal (SEAT) pour leur permettre d’assister aux audiences dans les meilleures conditions possibles. Si ce procès avait été public, leur présence aurait été impossible, d’autant plus que l’une d’entre elles présentait des troubles suicidaires. Ce témoignage plaide largement pour le maintien de la procédure actuelle qui permet des débats sereins et complets. La publicité conduirait fatalement à un appauvrissement de la procédure.

Me Stéphane Maître, avocat au Barreau de Paris, conseiller de l’Institut pour la justice. J’interviens ici pour l’Institut pour la justice, association qui s’est prononcée publiquement en faveur de cette proposition de loi. Nous sommes favorables au principe de publicité judiciaire, qui ne doit pas reculer sous différents prétextes. L’obligation de transparence est d’autant plus importante que la délinquance des mineurs connaît une évolution inquiétante tant en termes quantitatifs que pour la gravité des infractions commises.

La publicité des débats pourrait être mise en place car cette procédure serait organisée sous le contrôle du juge, qui apprécierait l’intérêt des différentes parties en cause. Le texte proposé est particulièrement équilibré et laisse toute latitude au magistrat.

Il convient, en outre, de rappeler que la Convention européenne des droits de l’homme pose le principe de la publicité des audiences, certaines restrictions étant possibles lorsque l’intérêt du mineur l’exige. Le texte prévoit donc explicitement que c’est au juge d’apprécier si la publicité peut être favorable au mineur en question.

M. le rapporteur. Vous avez raison de rappeler que dans la proposition de loi, il est précisé que la cour apprécie souverainement s’il y a lieu de décider d’accorder la publicité des débats.

Me Dominique Attias, avocate au Barreau de Paris, membre du Conseil national des Barreaux. Je prends la parole dans cette table ronde comme membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris et comme spécialiste du droit pénal des mineurs puisque, dans ma pratique professionnelle, je défends essentiellement des jeunes, tantôt comme auteurs d’infractions, tantôt comme victimes. Je précise par ailleurs que ce sujet me tient particulièrement à cœur car je suis l’avocate de la mineure qui, dans l’affaire Fofana, a refusé la publicité des débats.

Cette décision a fait l’objet d’une longue réflexion ; elle est apparue conforme à l’intérêt de la jeune fille, mais aussi favorable au bon déroulement des débats. Il est trop facile d’opposer l’intérêt du jeune et celui de la société, alors qu’ils sont complémentaires. En réalité, il faut garantir la sérénité de la procédure et favoriser l’échange de propos authentiques. Lors du procès Fofana, grâce à la publicité restreinte, il a été possible aux familles des mis en cause, aux témoins et aux professionnels de l’enfance d’assister aux débats. Une véritable pédagogie a pu être menée en faveur de ces jeunes qui mettaient en cause la justice.

La publicité des débats aurait surtout servi le goût de la provocation du jeune Fofana, qui rêvait d’avoir ainsi une tribune pour ridiculiser la justice. Au cours de ce procès, les débats ont été très approfondis, ce qui aurait été impossible s’ils avaient été publics. Les jeunes mis en cause étaient, certes, majeurs au plan de l’état civil, mais ils se sont révélés très immatures.

La société doit s’attacher à ce que la justice s’accomplisse dans le respect de la vie privée des mineurs et avec le souci d’assurer leur réinsertion.

Pourquoi vouloir modifier cette règle fondamentale du droit pénal des mineurs alors que le Parlement doit être saisi dans quelques mois d’un projet de nouveau code pénal des mineurs ? Pourquoi cette proposition de loi de circonstance, alors que la garde des Sceaux, dans une récente intervention lors de la rentrée de l’École nationale de la magistrature, a réaffirmé son attachement à des réformes globales portant une philosophie du droit clairement énoncée ?

Je rappelle par ailleurs que la commission Varinard a réaffirmé son attachement au principe de publicité restreinte.

Je n’ose imaginer le procès en appel, en octobre prochain, de l’affaire Fofana avec une procédure de publicité. Ce procès sera très douloureux et rien ne pourra réparer la peine des victimes, quelle que soit la qualité des débats. Je m’adresse ici à des parlementaires, qui sont aussi des citoyens qui doivent garantir à la justice toute sa sérénité. J’espère vous avoir convaincus de la nécessité de ne pas modifier les règles actuelles, car elles contribuent à la révélation de la vérité et à la bonne qualité de la justice.

M. le rapporteur. Je précise que nous avons reçu, dans le cadre de nos travaux, M. André Varinard, qui nous a explicitement indiqué que la commission qu’il présidait n’avait pas traité la question particulière du jeune, ayant commis un crime alors qu’il était mineur et devenu majeur lors de la tenue du procès. En outre, la présente proposition de loi n’a pas pour objet de remettre en cause la protection des mineurs devant les cours d’assises.

Me Francis Szpiner, avocat au barreau de Paris. Je n’avais pas l’intention d’évoquer le procès de Youssouf Fofana, mais, puisqu’il vient d’en être question, je vais le faire.

Dans cette affaire, nous parlons de criminels et non de délinquants, de majeurs qui étaient mineurs au moment des faits, et non de mineurs. Il faut également revenir sur la nature de ce crime : Ilan Halimi est mort du silence. Il est effrayant de constater dans cette affaire que des dizaines de personnes connaissaient les circonstances de la séquestration d’Ilan Halimi, sans qu’aucune information ne soit portée à la connaissance des services de police. C’est le silence qui a tué Ilan et la justice a prolongé cette conspiration du silence avec la tenue du procès à huis clos : la société française ne sait pas pourquoi et comment un tel crime a pu être commis.

Moi, comme la famille d’Ilan, nous n’avons pas peur de la publicité des débats devant la cour d’assises des mineurs. Ce n’est pas la justice qui offre une tribune à Youssouf Fofana, mais c’est la société qui se regarde telle qu’elle est et telle qu’elle est composée.

Il va de soi que la publicité restreinte des débats devant les cours d’assises pour mineurs n’a qu’un seul fondement : permettre à celui, qui a commis un crime alors qu’il était mineur au moment des faits, de bénéficier d’un droit à l’oubli et de faciliter sa reconstruction.

Or, la publicité restreinte des débats s’accompagne d’une forme d’hypocrisie dans le cas du « procès Fofana » : l’identité des mineurs ainsi que leurs photos ont été publiées dans la presse, sans que, ni les avocats des parties, ni le ministère public, n’aient procédé aux moindres poursuites.

La question que je me pose est donc la suivante : l’accusé majeur, ancien mineur au moment des faits, est-il le seul juge de la manière dont doit être rendue la justice ? Dans ce procès, des accusés, majeurs au moment des faits, n’ont pas eu droit à un procès public. Seuls les accusés mineurs au moment des faits ont eu le choix du régime de publicité des débats. C’est pourquoi il ne me semble pas scandaleux que ce privilège, aujourd’hui réservé aux seuls accusés mineurs au moment des faits, soit transféré aux magistrats. Avec la présente proposition de loi, le magistrat, sur demande de l’accusé demandant à bénéficier d’une publicité restreinte, pourra apprécier les circonstances, afin de faire droit ou non à cette demande. Il ne s’agit pas là d’une atteinte intolérable aux droits d’une des parties au procès, puisqu’elle se fait sous le contrôle des juges. J’ai confiance dans les juges et, notamment, dans leur capacité à discerner l’intérêt général et les intérêts particuliers.

Mais il convient dans le même temps de renforcer la protection des mineurs et, en particulier, la répression contre la publication de l’identité et des photos de jeunes mineurs ayant commis un crime. Sur cet aspect, la loi doit être plus claire et plus répressive.

Mme George Pau-Langevin. Je crois que nous avons tous été particulièrement impressionnés et émus, en tant que citoyens et individus, par l’horreur de cette affaire « Fofana ». Nous avons d’ailleurs été nombreux à être présents aux manifestations qui ont suivi la mort d’Ilan Halimi.

Si nous comprenons que l’émotion pousse à réagir, il faut se garder d’établir, à partir de crimes affreux, des règles particulières et contingentes. Malheureusement, dans notre société, il y a eu et il y aura des crimes affreux. C’est pourquoi, afin de mieux protéger les victimes, les auteurs des faits et la société dans son ensemble, il faut établir et conserver des règles claires et valables en tout temps.

Toutes les institutions présentes au cours de cette table ronde ont rappelé que l’intérêt et l’avenir de la société nécessitaient une justice spécifique et adaptée pour les mineurs. Ces derniers sont trop souvent perçus comme une menace pour la société, alors qu’ils en constituent l’avenir. Aussi convient-il de ne pas toujours avoir une position exclusive de défiance et de critique à leur encontre.

En outre, cette proposition de loi, qui sera débattue en séance dans quinze jours, n’a pas de justification, dans la mesure où nous sommes actuellement en train de mener une réflexion de fond sur la réforme de la justice pénale des mineurs. Alors que la procédure applicable aux mineurs, aujourd’hui définie par l’ordonnance de 1945, va être modifiée sous peu, pourquoi ressort-on une affaire comme celle de Youssouf Fofana pour changer la procédure pénale applicable aux mineurs ? Cette proposition de loi est une proposition de loi de circonstance, qui n’a d’autre justification que celle de répondre à l’émotion suscitée par des faits particuliers.

Il ne nous appartient pas de donner une tribune à des personnes tenant des discours inacceptables, en modifiant les règles relatives à la publicité restreinte. Cette proposition de loi n’a donc pas de justification véritable : il convient, à ce titre, de ne pas lui donner de suite. Il faut, à l’inverse, continuer à faire un travail de fond sur la réforme de la justice pénale des mineurs et ne pas céder à l’émotion.

M. Dominique Raimbourg. Je voudrais faire cinq remarques.

En premier lieu, on comprend l’émotion à l’origine de la proposition de loi, mais il n’est pas possible de suivre le raisonnement qui l’anime. Il s’agit en réalité d’un contentieux très faible. L’annuaire statistique de la justice indique qu’il y a eu, en 2006, 256 affaires renvoyées devant les cours d’assises des mineurs. Il s’agit certes d’affaires graves, mais elles restent peu nombreuses.

En deuxième lieu, l’annuaire statistique de la justice indique que la durée moyenne de l’instruction de ces affaires est de vingt-cinq mois et sept jours, soit un peu plus de deux ans. C’est pourquoi la plupart des mineurs au moment des faits comparaissent alors qu’ils sont devenus majeurs. L’affaire « Fofana » n’est donc pas une exception.

En troisième lieu, ce n’est pas l’intérêt particulier du mineur qui s’oppose à la publicité des débats, mais bien l’intérêt général. On protège, en effet, l’intérêt de la jeunesse en général et pas des mineurs en cause.

En quatrième lieu, la publicité des débats s’oppose souvent aux intérêts des victimes. Ces dernières, qui sont le plus souvent mineures, ne veulent pas voir étaler leur chagrin sur la place publique et encore moins que la presse s’en empare. À ce jour, nous n’arrivons pas à nous opposer à ce que tout soit divulgué dans la presse. L’intérêt des victimes milite donc en faveur du huis clos.

En cinquième et dernier lieu, l’intérêt de la paix sociale plaide également pour le maintien du huis clos. En effet, il n’y a rien à gagner à diffuser auprès de la jeunesse le modèle de jeunes délinquants. La jeunesse aura davantage tendance à s’identifier à ces derniers plutôt que dans le discours du Procureur de la République.

En définitive, en dépit des bonnes intentions qui animent ce texte, il n’est pas souhaitable de l’adopter.

M. André Vallini. Je partage ce que viennent de dire mes collègues. Je remercie et félicite le Président et le rapporteur d’avoir organisé cette table ronde. Il s’agit là d’une initiative intéressante qui permet d’associer les parlementaires qui n’assistent pas aux auditions. Je suis en revanche choqué par la démarche de M. le rapporteur et j’entends les arguments, qui m’ont convaincu, de Me Dominique Attias et de Mme Catherine Sultan. En effet, il n’est pas raisonnable d’inciter la commission des Lois et l’Assemblée nationale à légiférer en fonction d’une circonstance particulière et à l’issue d’un procès particulier. Il s’agit d’une loi ad hominem, une loi de circonstance. Ce n’est pas acceptable.

Je sais que Me Szpiner s’est fait fort, dès le prononcé du verdict et au cours d’un colloque que j’ai organisé à l’Assemblée nationale, de faire changer la loi avant le procès en appel de Youssouf Fofana. C’est très choquant. Ce n’est pas Me Szpiner qui fait la loi. Ce sont les députés et les sénateurs. Or, M. le rapporteur, je considère que Me Szpiner a eu recours à vous car vous vous connaissez bien, vous avez été son collaborateur dans son cabinet d’avocat. Ce sont là des procédés qui sont choquants.

Alors que nous travaillons actuellement sur la refonte totale de la justice pénale des mineurs et sur la réforme de la procédure pénale, qui devraient toutes deux aboutir dans quelques mois, il convient d’arrêter de multiplier les lois pénales dictées par l’urgence et l’émotion.

M. Guy Geoffroy. Je remercie le rapporteur du texte et le Président d’avoir pris l’initiative d’organiser cette table ronde.

En premier lieu, je pense qu’il faut garder le plus de sérénité possible dans ce débat. Deux parlementaires dans cette salle – M. Dominique Raimbourg et moi-même – sont les mieux placés pour parler des travaux de la commission présidée par M. André Varinard, puisque nous en étions membres. C’est pourquoi, je me méfie toujours de ceux qui parlent de conclusions de travaux auxquels ils n’ont pas eux-mêmes participé directement.

En second lieu, à mon initiative, la commission Varinard a adopté, et sans que cela donne lieu à un long débat, une proposition consistant à établir un code de la justice pénale des mineurs, avec pour ambition de parvenir à une prise en compte globale et cohérente, en droit pénal et dans la procédure pénale, de toutes les spécificités de la justice pénale des mineurs.

Cependant, il convient de souligner que ce code spécifique sera amené à reprendre des dispositions pénales déjà existantes. Il ne constituera pas un bouleversement complet de la justice pénale des mineurs. Ainsi, si certaines adaptations ou modifications y seront intégrées, les fondements de la justice pénale des mineurs depuis l’ordonnance de 1945 seront dans le même temps réaffirmés.

Dès lors, la présente proposition de loi ne mérite pas les manifestations d’indignation que je constate aujourd’hui. Il faut raison garder par rapport à ce texte. Il s’agit de faire de la publicité restreinte une simple faculté, placée sous le contrôle du juge, alors qu’aujourd’hui c’est automatique. Dans certaines affaires, même si l’auteur était mineur au moment des faits, son comportement était si grave qu’il interpelle la société tout entière.

Il ne faut donc pas se montrer trop caricatural sur une telle question et, à l’inverse, faire preuve d’ouverture. C’est pourquoi, alors que je défends la spécificité de la justice des mineurs, j’apporte mon soutien à cette proposition de loi.

M. Michel Hunault. Permettez-moi tout d’abord de féliciter le rapporteur, à l’initiative de la proposition de loi que nous allons examiner. Sur la méthode, je souhaite également indiquer à notre président de commission tout l’intérêt que je porte à ces séances de travail ouvertes à des personnalités qualifiées, qui donnent toute sa richesse à l’élaboration de la langue juridique, surtout lorsqu’elles s’inscrivent dans une initiative parlementaire. Je me réjouis que sur un tel sujet, le Parlement soit en pointe et j’aimerais appeler notre commission à se saisir plus souvent de textes d’initiative parlementaire touchant à la procédure pénale, comme la récente proposition de loi du groupe Nouveau Centre visant à réformer la garde à vue.

Sur la forme, je regrette que la personnalité du rapporteur ait été mise en cause par notre collègue André Vallini.

Pour ma part, je voudrais que l’on ramène le fond de la proposition de loi à une plus juste mesure, en ne lui attribuant pas une signification qu’elle ne revêt pas. En l’occurrence, je ferai observer à Me Attias qu’il ne s’agit aucunement de remettre en cause ce qui existe pour la protection des mineurs. La proposition de loi vise une situation spécifique, liée au passage du mineur concerné au statut de majeur. De ce point de vue, le texte s’inscrit parfaitement dans le souci de préserver la protection des parties, à laquelle nous sommes tous ici particulièrement attachés.

J’ajoute que la publicité n’a pas pour vocation de porter à la connaissance du public des faits horribles. Elle doit s’envisager comme le moyen de mieux appréhender la situation actuelle, dans laquelle des milliers d’enfants sont victimes de crimes et délits sexuels.

Enfin, la proposition de loi précise que ses dispositions « sont applicables devant la cour d’assises des mineurs sauf si l’un des accusés est toujours mineur au moment de l’ouverture des débats. L’accusé mineur au moment des faits et devenu majeur au moment de l’ouverture des débats a la possibilité de demander que les débats se déroulent à huis clos. La cour statue alors sur sa demande toutes les parties entendues. ». Peut-être nous faudra-t-il envisager, lors de la discussion de l’article unique, d’encadrer davantage ces dispositions ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je tiens à mon tour à souligner combien la table ronde de ce matin m’apparaît constituer une heureuse initiative. Je m’interroge cependant sur l’opportunité de son ouverture à la presse, qui a motivé certains propos tenus dans notre enceinte et auxquels leur auteur ne nous avait pas habitués dans le cadre de nos travaux en commission.

Sur le fond, je me demande tout d’abord si la proposition de loi dont nous allons débattre est conforme aux conventions internationales signées par la France, à défaut de quoi nous n’aurions pas lieu de légiférer.

M. Alain Vidalies. Bonne question…

M. Jean-Christophe Lagarde. Ensuite, il me semble que le problème soulevé est moins celui de la publicité des débats, au sens de l’accès à la salle d’audience, que celui du compte rendu public qui en est fait par la presse.

Me Attias nous a affirmé que, s’il avait été publié, le procès Fofana aurait constitué une formidable tribune pour l’accusé. Cependant, la publicité des propos qu’il tenait était assurée par la presse et ses commentaires, non par l’ouverture de la salle d’audience au public.

Me Szpiner a souligné quant à lui les difficultés découlant de la publicité donnée aux noms et aux photos des mineurs concernés, ce qui empêche bien souvent la reconstruction des victimes. Pour ma part, je considère qu’il importe effectivement de nous pencher sur la protection de l’identité visuelle et patronymique des intéressés. Tous, aussi bien les victimes que les accusés, doivent être protégés de ce point de vue, ce qui confinerait à un équilibre satisfaisant avec une plus grande publicité donnée aux débats.

Mme Sandrine Mazetier. Les questions soulevées par le texte qui nous est soumis aujourd’hui sont essentielles, mais les réponses qui leur sont apportées apparaissent hors sujet. L’important est que la justice passe et que l’intérêt général de la société soit sans cesse protégé.

À cet égard, n’eût-il pas été plus pertinent d’adapter aux victimes la spécificité de la procédure que de modifier les règles entourant la publicité des débats ?

À cet égard, je citerai l’article 90-1 du code de procédure pénale, aux termes duquel : « En matière criminelle, (…) le juge d’instruction avise tous les six mois la partie civile de l’état d’avancement de l’information. »

L’information des victimes n’est, en l’occurrence, qu’une possibilité et non une obligation. Il s’agit à mon sens d’une forme de violence de la procédure à l’égard des familles de victimes. Celles-ci peuvent passer des mois sans avoir accès à la moindre information.

Plutôt qu’assurer la publicité de débats pénibles pour les parties au procès, pourquoi ne pas prévoir une information systématique des victimes sur l’avancement des investigations préalables au procès ? Pour ma part, je défendrai un amendement en ce sens, afin de permettre aux victimes d’être reçues au moins une fois par le juge d’instruction. Il me semble qu’une telle proposition est plus conforme à l’intérêt général.

Rendez-vous compte, mes chers collègues, que les parents d’une victime mineure peuvent recevoir le détail de l’autopsie de leur enfant par simple courrier recommandé avec accusé de réception, sans autre explication de l’autorité judiciaire !

M. Claude Goasguen. Permettez-moi de renouveler à notre rapporteur toute l’amitié que je lui porte. Connaissant également un peu M. Vallini, je ne peux qu’imaginer qu’il ait exagéré ses propos quand il a imputé des motivations personnelles à François Baroin dans une initiative qui renvoie à un enjeu d’intérêt général.

Cette proposition de loi porte peu sur le fond du droit mais plutôt sur la médiatisation et la publicité du procès. À ce titre, elle me pose des questions.

Tout d’abord, je ne suis pas certain qu’elle soit conforme à la convention internationale des droits de l’enfant, source de droit supérieure que le législateur se doit de respecter en toute hypothèse.

Ensuite, je me demande s’il appartient au juge, en dehors de problèmes d’ordre public et de décisions de huis clos liées à des considérations de fait, de décider si le procès doit être ouvert à une médiatisation publique. Cela ne me semble pas sûr, même si je comprends bien l’intérêt que les avocats pourraient y trouver.

Moi aussi, j’ai suivi le déroulement du procès Halimi. J’ai bien évidemment été scandalisé par les propos tenus lors des audiences mais, avec le recul, je m’interroge sur la pertinence d’un déballage d’informations pas forcément maîtrisées.

Il n’est pas sûr non plus que les accusés mineurs soient en situation de décider eux-mêmes de la publicité à donner ou non aux débats. Dans ce cas, la prérogative reviendrait de fait à leurs avocats, qui ne seront pas forcément en mesure de savoir ce qui sera démonstratif ou pas.

Enfin, tout cela déroge quand même à une certaine conception de la justice des mineurs et de la procédure pénale appliquée aux mineurs. Ayant lu le rapport Varinard, je souhaite que la question de la délinquance des mineurs soit abordée dans toute sa spécificité. Pour aller plus loin, je ne suis pas sûr que le code de procédure pénale soit le support le plus adapté pour le traitement de cette délinquance particulière. Au-delà de l’atrocité de certains actes commis par les mineurs, nous ne devons pas perdre de vue que ce sont aussi des enfants au moment des faits. À cet égard, j’estime qu’on pourrait rattacher les questions de justice des mineurs à un texte traitant plus généralement de problématiques liées à l’enfance.

Au total, même si je fais confiance à François Baroin, j’émets à ce stade quelques réserves sur le texte.

M. Étienne Blanc. À titre liminaire, j’observerai que, dans les prétoires, on se garde d’attaques ad hominem et que cette règle me semble devoir s’imposer aussi au sein de notre commission.

Sur le fond, cette proposition de loi m’interpelle. Je formulerai à son sujet quatre observations.

En premier lieu, nous stigmatisons souvent, au Parlement, l’absence de principes forts dans le code pénal. Il fut un temps où ce code, d’un volume alors plus réduit, s’articulait autour de principes simples et clairs, connus et appliqués rigoureusement par le juge. Or, la justice des mineurs participe encore de cette force qui fait désormais défaut au code pénal et il me semble que cette proposition de loi enfonce un coin, certes relatif mais bien réel, dans les principes clairs sur lesquels elle repose. Je crains ainsi que la lisibilité de ces principes ne s’en trouve affaiblie.

En deuxième lieu, avec l’adoption de ce texte, l’opinion publique rentrera dans les prétoires. De ce fait, l’application de la justice des mineurs s’en trouvera modifiée. À mon sens, il n’y a en effet de justice sereine qu’en dehors d’interférences quelconques de l’opinion publique.

En troisième lieu, je sais que la publicité des débats afférents à la justice des mineurs correspond à une demande ancienne de la presse. J’estime néanmoins que faire entrer le quatrième pouvoir dans le déroulement des procès de mineurs va immanquablement ajouter à la passion de l’opinion publique.

Enfin, en dernier lieu, la décision d’ouverture des débats devra être prise par un arrêt d’assises préalable. Cet arrêt devrait certainement être plus discuté que celui rendu au fond, pour des raisons liées à l’opportunité et à la gravité des faits. On peut même imaginer qu’il fera l’objet d’un appel, rallongeant alors la procédure.

Je conclurai mon intervention par une suggestion que m’a inspirée, lors de la visite de la « souricière » du tribunal de grande instance de Paris en compagnie du Procureur de la République, le comportement injurieux de M. Fofana à l’égard de son escorte et des autres accusés. En l’occurrence, je me demande dans quelle mesure il ne serait pas judicieux, pour concilier tous les points de vue, de cantonner l’application du principe prévu par cette proposition de loi aux accusés mineurs âgés de plus de 20 ans au moment de leur procès.

M. Philippe Houillon. Il faut ramener le débat à ses justes proportions : la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise propose la réécriture du dernier alinéa de l’article 306 du code de procédure pénale. La question de la publicité des débats devant la cour d’assises des mineurs relevant de cet alinéa, il n’est pas illégitime que nous modifiions ici le code de procédure pénale.

Sur le fond, je souligne que la présente proposition de loi ne fait que remplacer une publicité automatique à la demande du mineur devenu majeur au moment du procès, par une décision du juge, solution qui a ma préférence. En tout état de cause, le débat qui nous réunit aujourd’hui ne vise assurément pas à une réforme d’ensemble du droit pénal des mineurs…

M. Michel Vaxès. J’ai le sentiment que cette affaire n’est pas mineure… Le contexte actuel est lourd d’interrogations sur l’avenir de la spécificité de la justice des mineurs – je pense à la possible suppression du Défenseur des Enfants au bénéfice de la création du Défenseur des Droits, mais aussi aux réformes d’ampleur qui sont annoncées – et je crois que la proposition de loi qui nous est soumise va bien plus loin qu’on ne nous le dit.

Je salue certes les évolutions annoncées par le rapporteur dans son document faisant état de ses travaux par rapport au texte initial, mais je m’interroge sur les finalités de cette évolution : est-ce la marque de la sagesse qui aurait pris sa place dans la réflexion ou s’agit-il au contraire d’un signe d’intelligence rusée consistant à éliminer les obstacles tout en conservant la modification la plus importante ?

En tout état de cause, je ne comprends pas la précipitation de l’examen de cette question précise, à partir d’un événement donné, alors même qu’une réforme d’ampleur est annoncée. Ce n’est pas la première fois, certes, que l’actualité immédiate influe sur le droit, mais je crois prudent de reporter ce débat dont on voit bien qu’il n’est pas aisé à trancher, les débats internes à votre majorité le démontrent aisément. Lorsque M. Vallini fait état de ses interrogations, il ne faut rien y voir de personnel…

M. le rapporteur. Un peu quand même…

M. Michel Vaxès. Renvoyer à la cour d’assises la prise d’une telle décision va être source de difficultés : sur quels critères va-t-elle se déterminer ? La proposition de loi ne le dit pas. Il y aura donc un second débat qui immanquablement s’ouvrira devant la cour. J’espère que vous retirerez votre texte afin qu’il ne soit pas examiné avant la réforme d’ensemble de la justice pénale des mineurs.

M. Jacques Alain Bénisti. Je ne crois pas que la question fondamentale ait trait à la publicité restreinte, mais à la manière dont les débats seront utilisés - je devrais dire tronqués. Je partage le jugement de Me Szpiner qui a jugé que la question relevait d’une « vaste hypocrisie » : dans l’affaire du crime odieux dont a été victime Ilan Halimi, malgré le huis clos des débats, les photos de tous les protagonistes ont été abondamment publiées et commentées. Ce qu’il faut absolument protéger, c’est la vérité des débats ! Or, il n’existe pas d’obligation de contradictoire dans la presse, dans laquelle on retrouve les déclarations des parties au procès dévoyées ou sorties de leur contexte. Nous avons en mémoire, mes chers collègues, les auditions menées par la Commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau – dont le Président et le rapporteur sont présents – au cours desquelles un magistrat a pu nous avouer que sa décision d’incarcérer dix-sept personnes, qui se sont révélées innocentes, était largement due à la pression de l’opinion publique. On connaît les conséquences dramatiques qui s’en sont suivies pour ces malheureux…

M. Alain Vidalies. Je crois que ce débat est honorable, mais qu’il est tout autant honorable pour notre Commission de réfléchir à la question de savoir si on doit légiférer ad hominem ou de manière générale. L’opposition n’a pas inventé le contexte particulier dans lequel s’inscrit ce texte et les déclarations qui ont précédé son dépôt et nos débats. André Vallini a raison : nous ne pouvons passer ces circonstances sous silence.

Sur le fond, la question a été très bien posée par notre collègue Claude Goasguen. La question fondamentale est celle du remplacement d’un droit, accordé par le législateur, par une décision juridictionnelle, sans que ne soient précisés les critères qui vont guider cette décision. Ces critères seront-ils amenés à changer ? Seront-ils les mêmes en première instance et en appel ? Contrairement à M. Houillon, je ne crois pas que cette question relève du simple détail, mais apporte au contraire un changement de fond, malgré sa portée, certes, limitée.

M. Philippe Houillon. Je n’ai pas dit que j’estimais que cette question n’était qu’un détail…

M. Alain Vidalies. Soit, je vous en donne acte. Il n’en demeure pas moins que le juge sera bien embarrassé pour justifier sa décision devant les parties au procès.

M. le président. Je donne la parole à André Vallini qui a souhaité répondre.

M. André Vallini. Notre Commission n’est pas un prétoire, et si quelques-uns d’entre nous exercent la profession d’avocat, nous sommes ici des députés entre lesquels les règles de confraternité ne jouent pas. Je n’ai nullement mis en cause le rapporteur, mais Me Szpiner, qui a publiquement annoncé au lendemain du procès qu’il prenait l’engagement de faire changer la loi et rappelé que M. François Baroin avait été son collaborateur. Je ne vise nullement M. Baroin pour lequel j’ai de l’estime politique et de l’amitié.

Mme Maryse Joissains-Masini. Nos collègues avocats doivent en revenir à de plus justes proportions. Je connais personnellement tant Me Attias que Me Szpiner et je pense que tous deux posent des interrogations qui sont complémentaires, l’un défendant le point de vue de l’accusé, l’autre celui de la victime. Je partage le jugement de Claude Goasguen : avec ce texte, on va mettre à la charge du juge le soin de se prononcer sur des considérations qui sont extérieures au procès, qui ont trait à la société. Je crois qu’il pourra ainsi être mis en difficulté. Aujourd’hui, il faut bien l’avouer, l’automaticité arrange tout le monde. Notre souci est la protection de la victime, or la publicité peut être utilisée comme une tribune par l’accusé, comme un moyen lui conférant un statut particulier, voire une position de modèle pour d’autres mineurs. Je crois que ce problème doit être traité dans un cadre plus général, celui du procès d’assises. Or cette question difficile ne doit pas être traitée par des non-spécialistes.

Mme Aurélie Filippetti. En tant que rare députée n’exerçant pas la profession d’avocat, je ne reviendrai pas sur les questions qui viennent d’être évoquées. On critique une proposition loi de circonstance, écrite sous le coup de l’émotion. Je dois vous dire que cela ne me choque pas. Que l’affaire Halimi ait suscité une indignation toute particulière dans l’opinion – par les faits atroces qui ont été commis, par l’antisémitisme qu’elle a révélé –, au point que le législateur s’interroge sur une éventuelle évolution de la loi ne me choque pas. En revanche, dans le cas d’espèce, je me demande si la publicité des débats aurait été forcément meilleure, tant pour la société que pour les victimes. Le procès a suscité de nombreux débats et d’articles dans la presse, laissant émerger la réalité terrible de l’antisémitisme conduisant à cet horrible assassinat. La publicité des débats n’aurait-elle pas donné une tribune à l’accusé, lui fournissant un public auquel il aspire ? Vis-à-vis des victimes, je ne crois pas non plus que la publicité aurait pu être une bonne solution.

Par pragmatisme donc, je pense que cette proposition de loi n’est pas opportune.

M. Jean-Paul Garraud. Ce débat est très intéressant, très riche et en même temps très délicat. Au plan des principes, il ne me semble pas choquant que la publicité des débats soit le principe et le huis clos l’exception. Que l’on laisse le juge apprécier la situation, en tenant compte de toutes les considérations qui peuvent l’aider à prendre sa décision ne me choque pas non plus. Au contraire, c’est le fait qu’un huis clos puisse s’imposer à tous, y compris au juge, qui pose problème. Faisons confiance au juge pour prendre la décision, même quand il s’agit d’un procès médiatique : les magistrats sont dorénavant habitués à ce genre de situation, il existe même une formation spécifique à l’École nationale de la magistrature sur la prise en compte de la médiatisation.

En revanche, ce qui me gêne un peu est qu’il y a actuellement d’importants chantiers dans le domaine de la procédure pénale, concernant la réécriture du code de procédure pénale et la création d’un code de la justice des mineurs. Les réformes que l’on peut être amenés à proposer ne trouveraient-elles pas mieux leur place dans un texte global, permettant d’en apprécier l’ensemble des tenants et aboutissants ? Par exemple, je souhaiterais personnellement une réforme de la cour d’assises avec la création d’un tribunal d’assises départemental, mais je préfère attendre les textes du Gouvernement avant de formaliser ma proposition, afin d’éviter des contradictions et des problèmes d’articulation.

Mme George Pau-Langevin. Certes, il peut être utile que les débats soient publics. Mais il ne faut pas oublier qu’il est possible de disjoindre le cas des accusés mineurs.

Par ailleurs, je vois un danger : on nous dit que la proposition de loi concerne la cour d’assises, or je vois dans le pré-rapport que la procédure envisagée pourrait être étendue aux tribunaux pour enfants.

Enfin, si l’on estime qu’une audience peut avoir un intérêt spécifique par la suite, pourquoi ne pas réfléchir à une possibilité de procéder à son enregistrement audiovisuel ?

M. Manuel Valls. Je comprends les raisons qui ont poussé nos collègues François Baroin et Jack Lang à déposer cette proposition de loi. Cependant, trois éléments me gênent.

Tout d’abord, cette proposition sur la publicité des débats résulte largement de la contestation formulée par la famille d’Ilan Halimi et par ses conseils, contestation qui ne portait pas seulement sur la procédure mais sur la décision de justice elle-même.

Ensuite, dans cette affaire, il y donc eu appel et je ne vois pas, quelle que soit l’horreur du crime, comment nous pourrions légiférer dans le contexte d’une procédure en cours.

Enfin, comme d’autres l’ont dit, il me semblerait préférable d’intégrer cette question dans le débat annoncé sur la procédure pénale en général. Je ne suis pas fermé sur ce sujet, car il faut tenir compte des réalités de la communication, mais il faut se laisser le temps de mener une réflexion globale.

M. le rapporteur. Je tiens à préciser que ma démarche s’inscrit pleinement dans les suites de la révision constitutionnelle de 2008 qui a valorisé l’initiative parlementaire. Je suis député depuis 1993, mais cette démarche est vraiment nouvelle, elle permet de susciter un débat sur une question, en entendant les différents points de vue. Je pense que le plus simple est de laisser nos invités répondre aux intervenants, me réservant pour ma part de répondre dans le cadre de l’examen de la proposition de loi par la Commission, et non de cette audition ouverte à la presse, aux « faits personnels » dont j’ai fait l’objet.

Me Francis Szpiner Certes, François Baroin a fait partie de mes collaborateurs, mais ça n’est pas le cas de Jack Lang, coauteur de la proposition de loi ! Il me semble que les parlementaires sont capables de prendre des initiatives sans recevoir d’instructions…

Par ailleurs, je ne suis pas le premier avocat, ni le dernier, à demander aux parlementaires de changer une loi qui nous paraît mauvaise : je m’inscris dans la tradition de Gisèle Halimi dans son combat pour l’IVG ou de Me Henri-Georges Garraud pour la légitime défense. Je rappellerai aussi l’action de Me Florent, relayé par le député Jean-Pierre Michel et le groupe socialiste, qui a permis une modification des règles entre le premier procès Dils en révision et le procès en appel. Au nom de la famille Halimi, je revendique souhaiter que le procès en appel soit public.

Je voudrais également rappeler que le juge est là pour juger, je renvoie à ce que dit le code de procédure pénale : le juge a la faculté de rejeter tout ce qui peut compromettre les débats, le juge est juge de l’intérêt de la justice. Le texte proposé est conforme aux règles de la Convention européenne des droits de l’homme, puisqu’il n’écarte pas la spécificité de la justice des mineurs.

La dernière consolation de la famille Halimi est de se battre pour que ce procès soit public, pour que l’on sache ce qu’est l’état de notre société et comment le racisme, l’antisémitisme et les conditions sociales peuvent conduire à un tel crime, afin que d’autres jeunes ne se lancent pas dans une telle aventure et que Ilan ne soit pas mort pour rien. Ce n’est pas une loi de circonstance, un crime peut interpeller le législateur et le conduire à changer la loi car le crime est révélateur de notre société.

Me Dominique Attias. J’aurais aimé que des membres de la société civile, et notamment des jeunes, aient pu assister à nos échanges et constater que vous vous intéressez en profondeur, quel que soit le bord politique, aux problèmes de société, tout particulièrement celui-ci qui concerne notre jeunesse. Je vous remercie de m’avoir permis de vivre ce moment.

Mme Catherine Sultan. Je vous remercie de nous avoir permis de participer à ce débat. J’ai compris que l’objectif de la proposition de loi était préventif et pédagogique. Mais je crains que l’effet de la publicité ne soit contraire à l’objectif recherché. Les acteurs de la prévention et les éducateurs doivent travailler avec jeunes sur les notions d’altérité, de respect de l’autre, sur le racisme et l’antisémitisme… Mais je ne pense pas qu’un débat médiatique puisse favoriser ce travail ; je crains, au contraire, que sur des esprits fragiles et vulnérables, il n’attise les haines.

Me Stéphane Maître. J’ai entendu beaucoup d’arguments sur la sérénité des débats qui serait compromise par la publicité. Mais cet argument ne vaut pas que pour la justice des mineurs, on pourrait l’étendre à tous les procès ! Cette réticence face à l’opinion publique me semble curieuse alors que la justice est rendue au nom du peuple français. Je crois que c’est le secret qui provoque la méfiance et que la transparence est gage de sérénité.

M. le président. Je remercie l’ensemble de nos invités pour leur contribution à ce débat.

*

* *

La Commission examine, ensuite, sur le rapport de M. François Baroin, la proposition de loi de visant à modifier la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs (n° 1816).

M. François Baroin, rapporteur. Sur la question de l’opportunité de légiférer à partir d’une affaire particulière, c’est une question qui est très souvent posée. Le législateur intervient régulièrement sur ce qui a choqué la société. On peut le constater ou le regretter, mais ce n’est pas un argument pertinent, car cela fait partie du travail du législateur de s’appuyer sur l’évolution de la société pour faire évoluer la législation.

Je regrette les propos tenus par M. André Vallini, auxquels je pourrais trouver un caractère insultant, car ils sous-entendent que je serais incapable de prendre une décision politique sans être influencé par des amitiés personnelles. Ces accusations, proches de celles tenues par les défenseurs de Youssouf Fofana lors du procès, me choquent d’autant plus que nos travaux au cours des auditions et de la table ronde d’aujourd’hui ont été d’une grande qualité.

S’agissant des propositions de modification contenues dans la proposition de loi que j’ai déposée avec M. Jack Lang, elles sont issues des échanges que nous avons eus avec la famille d’Ilan Halimi, la victime de Youssouf Fofana. Nous avons souhaité savoir comment cette famille avait vécu cette épreuve, l’épreuve de l’enlèvement, de la barbarie, des demandes de rançon, la découverte de la mort de ce jeune homme dans des conditions épouvantables au bord d’une voie ferrée après avoir vécu une terrible agonie. Ces échanges ont suscité émotion et interrogations. La seule demande de la famille était de permettre que la société retienne la leçon de ce qui s’est passé, de cette immense violence et de cette loi du silence qui règnent dans certains de nos quartiers. C’est cette demande, destinée à permettre à la société de comprendre les faits qui ont été commis, qui nous a poussés à déposer cette proposition de loi.

Les modifications proposées visent à trouver un juste point d’équilibre et ne consistent pas à bouleverser intégralement le droit existant. Elles n’auront pas pour effet de priver les mineurs jugés en étant toujours mineurs de leur droit à la publicité restreinte. L’objectif poursuivi est simplement d’offrir à la cour la possibilité de décider que le procès sera public, en prenant en compte les intérêts de la société, des victimes et de l’accusé dans une logique de procès équitable. Cette proposition constitue un équilibre, issu de travaux au cours desquels toutes les parties intéressées à cette question ont été entendues.

Enfin, lors des auditions que j’ai menées, j’ai découvert avec stupéfaction que le ministère public n’engageait pas systématiquement de poursuites à l’encontre des personnes qui divulguent l’identité des mineurs poursuivis devant des juridictions pour mineurs. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai de muscler les peines encourues en cas de divulgation de l’identité d’un mineur accusé ou prévenu.

M André Vallini. Si j’ai blessé François Baroin, qu’il veuille bien m’en excuser. Je ne pensais pas que mes propos allaient être aussi mal interprétés. Je maintiens que c’est Me Szpiner qui était en cause et pas François Baroin car je suis exaspéré par ses fanfaronnades dans cette affaire comme dans beaucoup d’affaires dans lesquelles intervient Me Szpiner. Je ne savais même pas que les accusés avaient utilisé cette thématique. Je ne savais pas non plus que la presse était présente ce matin et, d’ailleurs, j’ai refusé plusieurs demandes d’interview depuis tout à l’heure.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais rappeler tout d’abord qu’aujourd’hui est la date anniversaire de la mort d’Ilan Halimi, retrouvé le 3 février 2006 sur les bords d’une voie ferrée. Je suis particulièrement sensible à ce sujet parce que la mère d’Ilan Halimi habitait dans ma circonscription au moment des faits. L’émotion suscitée par cette affaire a atteint toute la société, y compris le groupe socialiste, et non le seul Jack Lang. En second lieu, je n’ai pas le sentiment que la justice ait participé à  la « conspiration du silence », selon l’affirmation de Me Szpiner. J’ai même le souvenir qu’en pleine affaire, le service public audiovisuel a accueilli sur ses plateaux une émission – que je qualifierais de « lunaire » parce que l’on se trouvait en plein procès – dans laquelle les parties débattaient alors que la procédure était celle de la publicité restreinte. À la suite de cette affaire atroce, il nous appartient d’en tirer les leçons, mais je ne pense pas que la solution soit celle que vous nous proposez. La procédure mise en œuvre a permis, me semble-t-il, une information sur les motivations des auteurs du crime et n’a pas occulté la nécessité d’une vigoureuse action contre le racisme et l’antisémitisme.

M. Dominique Raimbourg. Je ne veux pas refaire le débat mais je rappellerai qu’on ne peut pas juger de l’évolution d’une société à partir d’une affaire, aussi dramatique et horrible soit-elle. Par ailleurs, les chiffres confirment que, dans leur immense majorité, ceux qui comparaissent devant les cours d’assises des mineurs sont devenus majeurs. Enfin, la lutte contre l’antisémitisme passe certainement davantage par la publication d’ouvrages ou l’organisation de débats publics plutôt que par la publicité d’un procès offrant une tribune à des propos antisémites.

M. Michel Vaxès : Si, aux yeux de certains avocats, la publicité revêt une telle importance, pour quelles raisons n’ont-ils pas demandé la disjonction de l’instance pour les mineurs si cela était possible ?

M. le rapporteur. J’accepte les excuses présentées par M. Vallini. En réponse à Mme Mazetier j’indiquerai que l’émission diffusée sur France 2 pendant le procès Fofana a été une forme de palliatif de l’absence de publicité du procès.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

Article 1er (article unique de la proposition de loi initiale) (art. 306 du code de procédure pénale) : Modification des règles de publicité applicables aux audiences des cours d’assises des mineurs lorsque l’accusé mineur au moment des faits est devenu majeur :

La Commission adopte l’amendement CL 1 du rapporteur et l’article 1er ainsi rédigé, M. Jean-Christophe Lagarde ayant estimé que l’amende proposée lui paraissait insuffisante, car insuffisamment dissuasive.

Article additionnel après l’article 1er (art. 400 du code de procédure pénale) : Modification des règles de publicité applicables aux audiences des tribunaux pour enfants lorsque le prévenu mineur au moment des faits est devenu majeur :

La Commission adopte l’amendement CL 2 du rapporteur.

Article additionnel après l’article 1er (art. 14 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Adaptation des sanctions applicables en cas de divulgation de l’identité d’un mineur poursuivi devant une juridiction pour mineurs ou de publication d’éléments relatifs à des procès mettant en cause des personnes mineures au moment des faits :

La Commission adopte l’amendement CL 3 du rapporteur.

Article additionnel après l’article 1er : Application de la loi sur l’ensemble du territoire de la République :

La Commission adopte l’amendement CL 4 du rapporteur.

Titre de la proposition de loi :

La Commission adopte l’amendement CL 5 du rapporteur.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée, MM. Manuel Valls et Pascal Terrasse ayant déclaré s’abstenir.

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. François Baroin, rapporteur :

Article unique

Rédiger ainsi cet article :

« Le dernier alinéa de l’article 306 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article est applicable devant la cour d’assises des mineurs si la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure au jour de l’ouverture des débats et si le ministère public, la personne poursuivie, un autre accusé ou la partie civile en fait la demande, sauf s’il existe un autre accusé toujours mineur. En cas d’opposition de l’une des parties à la publicité des débats, la cour statue en prenant en considération les intérêts de la société, de l’accusé et de la partie civile, après un débat au cours duquel sont entendus le ministère public et les avocats des parties, par décision spéciale et motivée qui n’est pas susceptible de recours. Si la personnalité de l’accusé qui était mineur au moment des faits rend indispensable que, dans son intérêt, les débats ne soient pas publics, la cour ordonne que l’audience fera l’objet d’une publicité restreinte conformément à l’article 14 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

«  Lorsque les débats devant la cour d’assises des mineurs sont publics en application de l’alinéa précédent, les comptes rendus de ces débats faisant l’objet d’une diffusion écrite ou audiovisuelle ne doivent pas mentionner l’identité de l’accusé mineur au moment des faits, sous peine d’une amende de 15 000 €, sauf si le mineur donne son accord à cette publication. »

Amendement CL2 présenté par M. François Baroin, rapporteur :

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

Le dernier alinéa de l’article 400 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article est applicable devant le tribunal pour enfants si la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure au jour de l’ouverture des débats et si le ministère public, la personne poursuivie, un autre prévenu ou la partie civile en fait la demande, sauf s’il existe un autre prévenu toujours mineur. En cas d’opposition de l’une des parties à la publicité des débats, le tribunal statue en prenant en considération les intérêts de la société, du prévenu et de la partie civile, après un débat au cours duquel sont entendus le ministère public et les avocats des parties, par décision spéciale et motivée qui n’est pas susceptible de recours. Si la personnalité du prévenu qui était mineur au moment des faits rend indispensable que, dans son intérêt, les débats ne soient pas publics, le tribunal ordonne que l’audience fera l’objet d’une publicité restreinte conformément à l’article 14 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

« Lorsque les débats devant le tribunal pour enfants sont publics en application de l’alinéa qui précède, les comptes rendus de ces débats faisant l’objet d’une diffusion écrite ou audiovisuelle ne doivent pas mentionner l’identité du prévenu mineur au moment des faits, sous peine d’une amende de 15 000 €, sauf si le mineur donne son accord à cette publication. »

Amendement CL3 présenté par M. François Baroin, rapporteur :

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

« L’article 14 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :

« 1° La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée :

« Les infractions à ces dispositions sont punies d’une amende de 15 000 €. » ;

« 2° À la fin du dernier alinéa, les mots : « à peine d’une amende de 3 750 € » sont remplacés par les mots : « sous peine d’une amende de 15 000 € ». »

Amendement CL4 présenté par M. François Baroin, rapporteur :

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

« La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. »

Amendement CL5 présenté par M. François Baroin, rapporteur :

Titre

Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs ».

Puis, la Commission examine, sur le rapport de M. Jean Leonetti, la proposition de loi de M. Jean Leonetti relative à l'organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société (n° 2211).

M. Jean Leonetti, rapporteur. Les problèmes éthiques et de société ont souvent été confisqués par les experts et par les politiques, dans un débat qui manquait de transparence et d’ouverture. Or ces questions sont abordées par la presse et par le biais de sondages d’opinion.

Les États généraux de la bioéthique ont fait appel à des contributions sur un site internet et à des réunions publiques. Toutefois, la principale nouveauté était la constitution de conférences de citoyens sur le modèle danois ou allemand, qui avait été proposée par M. Noël Mamère. Ces conférences de citoyens se voient délivrer l’information nécessaire puis sont réunies à huis clos pour rendre un avis. Bien entendu, cet avis ne lie pas le législateur pour les décisions futures. Toutefois, cette procédure a permis un débat apaisé et enrichi par des connaissances approfondies. La population ne peut plus être exclue de ces problèmes qui sont de toute façon abordés par les media.

La proposition de loi prévoit qu’on ne pourra plus débattre de problèmes éthiques ou de société liés aux avancées de la science et des techniques médicales sans expliquer, débattre et rechercher une proposition consensuelle.

Ce débat public doit prendre en compte la représentativité des participants, à la différence des débats sur internet ou des réunions publiques qui laissent une place éventuelle aux lobbies ou à l’expression de positions particulières. C’est pourquoi il devra notamment se faire sous la forme de conférences de citoyens qui émettent des avis éclairés et indépendants. Ces citoyens seront tirés au sort et leur représentativité devra être garantie. Cela permettra de s’écarter de la pratique des sondages, qui engendre une pression sur le législateur alors même qu’il s’agit de questions complexes auxquelles la réponse ne peut être simplement oui ou non.

Si nous avions voulu que le débat public soit obligatoire sur tous les problèmes éthiques et de société, il aurait fallu en définir précisément le champ dans la loi. Nous avons préféré donner au Comité national consultatif d’éthique l’initiative d’organiser ce débat. Ce Comité est le mieux à même de décider si un débat public est nécessaire ou non.

L’organisation du débat public pourra comprendre un recours à diverses méthodes de communication, notamment internet, la presse ou la télévision. Le débat public devra surtout comprendre des conférences de citoyens, tirés au sort et préalablement formés de manière neutre et indépendante. Ce sera une source d’apaisement et de modernité sur des sujets qui ne sont pas soumis aux clivages politiques habituels. Le débat sur ces sujets doit être ouvert car l’éthique est un questionnement qui ne peut se passer du peuple.

Mme Aurélie Filippetti. Je trouve que la démarche consistant à organiser des conférences de citoyens sur des problèmes scientifiques est excellente. Elle a d’ailleurs été mise en place dans certains pays scandinaves depuis une vingtaine d’années. Elle permet d’éviter que les seuls scientifiques déterminent la part de risque à prendre dans notre société.

Pour assurer le succès de ces conférences, il est nécessaire que les citoyens y participant aient pu recevoir une formation, et qu’ils puissent procéder à des auditions selon leur choix.

Je me pose toutefois deux questions.

Vous avez évoqué un choix des citoyens par tirage au sort, alors même que, dans l’article 2 de la proposition de loi, l’expression utilisée est « citoyens choisis pour leur représentativité ».

Par ailleurs, je ne comprends pas quelle sera l’articulation des états généraux avec les conférences de citoyens, et ce défaut de clarté motive ma réserve à l’égard du texte.

M. Pascal Terrasse. Avec cette proposition, on entre enfin dans ce qui a été appelé, lors de la dernière campagne présidentielle, la « démocratie participative », et c’est une bonne chose.

Déjà, au niveau des acteurs publics locaux, les citoyens sont souvent associés à la prise de décision. Au niveau de l’État, la Commission nationale du débat public permet de faire de même. Mais ce sont encore trop souvent les corps intermédiaires et les experts qui sont les principaux acteurs du débat public.

Renvoyer à une méthode de sélection des citoyens participant aux conférences semblable à celle appliquée pour les jurys d’assise ne serait pas satisfaisant. Pour les jurys d’assises, le hasard fait bien les choses, car ce sont d’abord les mairies qui établissent des listes, puis une commission départementale présidée par un magistrat et comprenant des élus sélectionne les éventuels jurés parmi ces listes, lesquels jurés peuvent d’ailleurs faire l’objet d’une récusation lors du procès. Le panel des citoyens participant aux états généraux doit être représentatif de la société. Si par exemple 50 % des personnes retenues avaient plus de 60 ans et étaient de religion catholique, cela ne serait pas représentatif.

M. Olivier Dussopt. Après avoir discuté avec notre collègue Alain Claeys, qui a présidé la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques, mon sentiment est celui d’une proposition de loi déposée dans la précipitation. Les problèmes de représentativité ne sont pas réglés par le texte. S’il est nécessaire que les citoyens choisis aient accès à une formation, quel sera son contenu, et comment sera-t-il possible de délivrer en peu de temps une formation permettant d’affronter l’avis des experts, des médecins ?

Le texte prévoit que les états généraux seront organisés « à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique ». Mais une telle disposition ne risque-t-elle pas de priver la représentation nationale de la faculté de légiférer si le Comité n’a pas pris l’initiative de réunir les états généraux ?

Se pose également la question de la composition de ce Comité consultatif national d’éthique.

Enfin, en écho aux propos de certaines associations ainsi que de plusieurs de nos collègues, j’espère que cette proposition de loi ne sera pas un frein à des réformes ultérieures.

M. Michel Vaxès. Je soutiens le contenu de cette proposition de loi qui ne fige rien, puisque le Comité consultatif national d’éthique aura le soin d’organiser les débats, ce qui représente une garantie.

Je forme l’espoir que ce Comité aille le plus loin possible dans la consultation, en association avec les comités régionaux d’éthique, et qu’il demeure fidèle à l’esprit dans lequel il avait été créé en 1983, lorsque le professeur Jean Bernard expliquait que sa vocation n’est pas de se pérenniser mais de créer les conditions pour que les citoyens puissent dire ce qui est éthiquement acceptable.

Mme Maryse Joissains-Masini. Cette proposition de loi est un texte moderne et bienvenu. Il est normal d’associer les citoyens aux décisions à prendre sur des sujets de société.

Je m’interroge cependant sur le panel. Pour éviter que certaines catégories de la population soient sur-représentées, ne faudrait-il pas que le tirage au sort soit effectué catégorie de citoyens par catégorie de citoyens ?

M. Charles de la Verpillière. Je suis d’accord sur le fond avec la proposition de loi. Je souhaite néanmoins formuler trois observations.

Au premier article, il me semble contradictoire de dire que des états généraux devront être réunis sur tout projet de réforme et de prévoir que l’organisation de ces états généraux est « à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique », ce qui sous-entend l’existence d’une marge d’appréciation de ce comité.

En second lieu, quelle est la différence entre les états généraux eux-mêmes et les conférences de citoyens qu’ils doivent réunir, en vertu de l’article 2 ? Ne faudrait-il pas tout simplement prévoir que les états généraux « réunissent des citoyens » ?

Enfin, l’expression « citoyens choisis pour leur représentativité » donne l’impression qu’il sera procédé par voie d’élection, plutôt que de tirage au sort.

M. le rapporteur. Un tirage au sort brut n’assure pas la représentativité des citoyens. Il faudra constituer un panel représentatif de la société, notamment dans l’équilibre entre les femmes et les hommes, les actifs et les inactifs, les personnes ayant des convictions religieuses et les autres, avec le concours d’un institut de sondages. Pour éviter toute ambiguïté, je propose un amendement CL 2 qui précise que les citoyens sont choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. La sélection des citoyens doit être effectuée scrupuleusement en tempérant le tirage au sort par le respect de quotas.

Les états généraux ne se limitent pas aux conférences de citoyens. Ils feront également appel à d’autres méthodes de débat public, par exemple sur un site internet ou avec des réunions publiques organisées par les espaces régionaux d’éthique. C’est pourquoi je propose de préciser que les états généraux comprennent « en particulier » des conférences de citoyens, mais pas exclusivement.

La proposition de loi fait suite à une recommandation unanime de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique. L’idée était de ne plus tenir les citoyens à l’écart des débats de société qui engagent notre avenir commun et qui ne se résument pas à l’avis de certaines catégories de personnes. Certains n’ont pas été satisfaits des conclusions des États généraux de la bioéthique. Or le but de ces États généraux n’était pas de satisfaire tout le monde mais de faire remonter un avis populaire. Demander l’avis du peuple est peut-être une contrainte pour le législateur, qui ne pourra pas ne pas en tenir compte, mais ne constitue pas un verrou aux réformes.

Je proposerai deux amendements, le premier pour préciser l’intitulé complet du Comité national consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le second pour éviter toute ambiguïté sur le rôle et la composition des conférences de citoyens.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

Article 1er (art. L. 1412-1-1 [nouveau] du code de la santé publique): Obligation d’organiser un débat public sur les questions éthiques et sociétales en matière médicale, sanitaire ou biologique :

La Commission adopte l’amendement CL 1 du rapporteur et l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 1412-3-1 [nouveau] du code de la santé publique) : Déroulement des états généraux :

La Commission adopte l’amendement CL 2 du rapporteur et l’article 2 modifié.

Article 3 : Compensation des charges éventuelles :

La Commission adopte l’article 3 sans modification et l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur :

Article 1er

Compléter la dernière phrase de l’alinéa 2 par les mots : « pour les sciences de la vie et de la santé ».

Amendement CL2 présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi la première phrase de l’alinéa 2 :

« Les états généraux mentionnés à l’article L. 1412-1-1 comprennent en particulier des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. »

Enfin, la Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour le développement des sociétés publiques locales (n° 1721).

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je crois que la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, adoptée par le Sénat le 4 juin dernier, présente un caractère assez technique et peut faire l’objet d’un consensus général au sein de notre Commission. En effet, les principaux groupes parlementaires ont déposé des propositions semblables à celle que le Sénat a examinée et j’étais, d’ailleurs, premier signataire de l’une d’entre elles. Il s’agit en effet de tirer le meilleur profit, dans la législation nationale, de l’évolution du droit communautaire applicable à la commande publique des collectivités locales. Depuis le fameux arrêt Teckal rendu le 18 novembre 1999, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a confirmé et précisé la possibilité, pour les collectivités locales, de confier des opérations d’intérêt général à des sociétés publiques qu’elles détiennent et contrôlent étroitement, sans les mettre en concurrence. Cette dérogation aux règles concurrentielles, normalement applicables en matière de marchés publics ou de délégations de service public, n’est possible en droit communautaire que si deux conditions sont réunies :

- la collectivité doit d’abord « exerce[r] sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services » ;

- il faut en outre que cette personne « réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».

Compte tenu de cette jurisprudence, nous avons déjà créé en 2006, à titre expérimental, les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA), qui n’ont toutefois compétence qu’en matière d’aménagement. Les collectivités territoriales souhaitaient disposer d’un tel outil et en sont donc satisfaites.

Les associations d’élus locaux m’ont confirmé qu’elles étaient favorables aux innovations de la proposition de loi : la consolidation des SPLA et la création de sociétés publiques locales (SPL). J’ai notamment consulté l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des communautés de France (ADCF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des régions de France (ARF).

Je vous propose donc d’adopter cette proposition de loi, assortie d’amendements qui, en dépit de l’apparence de certains d’entre eux, présentent un caractère essentiellement technique, en améliorant la cohérence juridique et rédactionnelle du texte adopté par le Sénat. Les modifications proposées contribueront à la clarification de notre droit dans ce domaine.

Mme Maryse Joissains-Masini. Le législateur va enfin faciliter le travail des collectivités territoriales. En effet, les actuelles SPLA sont cantonnées à l’aménagement du territoire. L’extension des compétences de telles sociétés, grâce à la création des SPL est bienvenue et permettra de faire gagner de 8 à 10 mois aux collectivités territoriales pour la réalisation de travaux, avec le maintien de toutes les garanties juridiques en matière de commandes publiques. Cette mesure répond aux attentes de tous les maires.

M. Pascal Terrasse. L’intérêt de la création de SPL, c’est d’accélérer la réalisation d’équipements. L’objet de la proposition de loi est renforcé par l’amendement CL 3 du rapporteur qui étend le champ de la proposition de loi aux délégations de service public. Mais je souhaiterais obtenir quelques précisions. Quelles collectivités locales peuvent détenir des parts de SPL ? Ces sociétés peuvent-elles être détenues à la fois par des communes, des départements et des régions ?

M. Olivier Dussopt. Nous soutenons cette proposition de loi car elle répond au besoin des collectivités locales de disposer d’outils efficaces pour aménager leurs territoires. Le champ des SPL sera-t-il limité au seul aménagement ? Ces sociétés pourront-elles assurer des prestations de service ? Il convient que leur champ d’action soit clairement établi afin de limiter le risque, pour les collectivités territoriales, d’être condamnées pour défaut de mise en concurrence. Par exemple, un centre communal d’action sociale qui délivre des repas à domicile devra-t-il être mis en concurrence ?

Le droit communautaire encourage la libéralisation de l’économie et engendre la mise en concurrence systématique des acteurs. L’examen de cette proposition de loi illustre la nécessité qu’un texte européen définisse les activités qui relèvent exclusivement du service public et celles qui relèvent du seul secteur concurrentiel. Ce texte européen devrait ainsi avoir pour effet d’écarter clairement certaines activités du champ concurrentiel.

M. le rapporteur : La proposition de loi étend, en créant les SPL, le régime des SPLA à toutes les activités d’intérêt général. Dans les deux cas, les collectivités territoriales actionnaires doivent contrôler la société aussi étroitement que s’il s’agissait de leurs propres services, mais celle-ci doit, en outre, limiter ses interventions à leur seul territoire. Le capital de la société doit être partagé entre deux collectivités locales au moins, mais celles-ci peuvent relever de catégories différentes : une commune peut, par exemple, s’associer à un département ou à une région.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

Article 1er (art. L. 1531 -1 du code général des collectivités territoriales) : Création des sociétés publiques locales (SPL) :

La Commission adopte les amendements de précision CL 1 et CL 2 présentés par le rapporteur, puis l’article 1er modifié.

Article additionnel après l’article 1er (art. L. 1411-12 et L. 1411-19 [nouveau] du code général des collectivités territoriales, articles 41 et 48 [nouveau] de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques) : Délégations de service public confiées à des SPL :

La Commission est saisie d’un amendement CL 3 du rapporteur

M. le rapporteur. Il s’agit essentiellement d’un amendement visant à garantir la cohérence du régime des SPL.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er bis (nouveau) (art. L. 327-1 du code de l’urbanisme) : Pérennisation des sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) :

La Commission adopte l’amendement de précision CL 4 du rapporteur, puis l’article 1er bis modifié.

Article 2 (art. L. 327-1 du code de l’urbanisme) : Modernisation du régime des SPLA :

La Commission adopte l’amendement de coordination CL 5 présenté par le rapporteur, puis l’article 2 modifié.

Article 3 : Compensation financière :

La Commission maintient la suppression de cet article.

Puis, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 12 heures 45.

——fpfp——

Amendements examinés par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 6, substituer au mot : « ou », le mot : « et ».

Amendement CL2 présenté par M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 7, après les mots : « régie par le », insérer les mots : « chapitre V du titre II du ».

Amendement CL3 présenté par M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur :

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« I. – Après les mots : « établissement public », la fin du b de l’article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « ou à une société publique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l’essentiel de leurs activités pour elle, à condition que l’activité déléguée figure expressément dans les statuts de l’établissement ou de la société ; ».

« II. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du même code est complété par un article L. 1411-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-19. – Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements se prononcent sur le principe de toute délégation de service public à une société publique locale, le cas échéant après avoir recueilli l’avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l’article L. 1413-1. Elles statuent au vu d’un rapport qui présente le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer la société publique locale délégataire. »

« III. – Après les mots : « établissement public », la fin du b de l’article 41 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi rédigée : « ou à une société publique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l’essentiel de leurs activités pour elle, à condition que l’activité déléguée figure expressément dans les statuts de l’établissement ou de la société ; ».

« IV. – Après l’article 47 de la même loi, il est rétabli un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Contrôle exercé par les assemblées locales sur les délégations de service public confiées à des sociétés publiques locales

« Art. 48. – Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements se prononcent sur le principe de toute délégation de service public à une société publique locale. Elles statuent au vu d’un rapport qui présente le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer la société publique locale délégataire. »

Amendement CL4 présenté par M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur :

Article 1er bis

Rédiger ainsi cet article :

« Après le mot : « peuvent », la fin du premier alinéa de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales d’aménagement dont ils détiennent la totalité du capital. »

Amendement CL5 présenté par M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

« Les trois derniers alinéas de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser toute opération d’aménagement au sens du présent code. Elles sont également compétentes pour réaliser des études préalables, procéder à toute acquisition et cession d’immeubles en application des articles L. 221-1 et L. 221-2, procéder à toute opération de construction ou de réhabilitation immobilière en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l’article L. 300-1, ou procéder à toute acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce ou de fonds artisanaux dans les conditions prévues au chapitre IV du titre Ier du livre II du présent code. Elles peuvent exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le présent code et agir par voie d’expropriation dans les conditions fixées par des conventions conclues avec l’un de leurs membres.

« Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.

« Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le chapitre V du titre II du livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires.

« Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. »

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Dominique Perben, rapporteur sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale et le projet de loi organique relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (sous réserve de leur adoption par le Sénat) ;

– M. Philippe Houillon, rapporteur sur le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature (n° 2266).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Manuel Aeschlimann, M. François Baroin, Mme Delphine Batho, M. François Bayrou, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Émile Blessig, M. Serge Blisko, M. Claude Bodin, M. Marcel Bonnot, M. Patrick Braouezec, M. Alain Cacheux, M. François Calvet, M. Jean-Michel Clément, M. François Deluga, M. Éric Diard, M. René Dosière, M. Olivier Dussopt, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Paul Garraud, M. Guy Geoffroy, M. Charles-Ange Ginesy, M. Claude Goasguen, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, Mme Maryse Joissains-Masini, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Charles de La Verpillière, M. Jean Leonetti, M. Bruno Le Roux, M. Thierry Mariani, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme George Pau-Langevin, Mme Sylvia Pinel, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Jean-Pierre Schosteck, M. Georges Siffredi, M. Éric Straumann, M. Pascal Terrasse, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. André Vallini, M. Manuel Valls, M. Christian Vanneste, M. François Vannson, M. Michel Vaxès, M. Patrice Verchère, M. Alain Vidalies, M. Philippe Vuilque, M. Jean-Luc Warsmann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Abdoulatifou Aly, M. Bernard Derosier

Assistait également à la réunion. - M. François Pupponi