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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 29 février 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 45

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de programmation relatif à l’exécution des peines en vue de sa lecture définitive (n° 4410) (M. Jean-Paul Garraud, rapporteur)

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Werner, directeur général du Fonds de garantie 

– Présentation du rapport d’information de M. Étienne Blanc, rapporteur de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures 

– Présentation, par M. Jean-Luc Warsmann, du bilan d’activité de la commission des Lois pour la XIIIe législature

La séance est ouverte à 10 heures

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission examine, en vue de sa lecture définitive, le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines (n° 4410) (M. Jean-Paul Garraud, rapporteur).

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Mes chers collègues, l’Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines.

Le Sénat a adopté le 1er février dernier le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture le 17 janvier 2012, mais après l’avoir considérablement modifié et, disons-le, entièrement dénaturé. La commission mixte paritaire réunie le 14 février dernier n’est pas parvenue à élaborer un texte commun. L’Assemblée nationale a donc rétabli en nouvelle lecture, le 20 février 2012, le texte issu de ses délibérations en première lecture, en lui apportant peu de modifications. Le Sénat l’a rejeté le 27 février dernier en adoptant une question préalable. Le désaccord total entre les deux assemblées ne pouvant être tranché que par l’Assemblée nationale, le Gouvernement lui a demandé de statuer définitivement.

À ce stade de la procédure, et après le rejet du texte par le Sénat en nouvelle lecture, le dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution est très précis : l’Assemblée nationale ne peut que reprendre le dernier texte voté par elle, à l’exclusion de tout amendement.

Je vous invite par conséquent, mes chers collègues, à adopter le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Dominique Raimbourg. Le groupe SRC a déjà dit tout le mal qu’il pensait de ce texte. Je développerai mon propos tout à l’heure, lors de l’examen en séance publique.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Si je ne me trompe, ce jugement négatif ne concerne pas le chapitre III, consacré à l’exécution des peines de confiscation.

M. Dominique Raimbourg. En effet.

La Commission adopte le projet de loi de programmation voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

*

* *

Puis la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. François Werner, directeur général du Fonds de garantie.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Nous avons le plaisir d’accueillir M. François Werner, le directeur général du Fonds de garantie, institution dont les missions ont été notablement étoffées au cours des dernières années, à l’initiative de notre Commission – c’est d’ailleurs un aspect du bilan d’activité que nous pourrons aborder tout à l’heure.

En effet, alors que la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) répondait évidemment déjà à l’une de nos grandes préoccupations, la commission des Lois a été à l’origine de la loi du 1er juillet 2008 qui a conduit à la création du service d’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infractions (SARVI) et a institué, sous certaines conditions, une indemnisation des propriétaires de véhicules incendiés volontairement.

M. François Werner, directeur général du Fonds de garantie. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre invitation. La loi du 1er juillet 2008 étant appliquée depuis trois ans, il est possible d’en faire un premier bilan, même s’il n’est pas nécessairement complet.

Ce texte a permis d’ajouter un troisième – et peut-être dernier – étage au dispositif prévu pour réparer les dommages subis par les victimes d’infraction. Le premier étage, qui est le plus connu, est celui qui date de la loi du 9 septembre 1986, au bénéfice des victimes d’actes de terrorisme. La loi du 6 juillet 1990 nous a ensuite confié le soin d’indemniser les victimes de préjudices graves, essentiellement de nature corporelle. Pour assurer une juste indemnisation de l’ensemble des victimes tout en appliquant un principe de « tolérance zéro » à l’égard des auteurs d’infractions, la loi du 1er juillet 2008 a complété ces deux dispositifs en instaurant le SARVI, dont la saisine est cependant soumise à des conditions différentes : il faut qu’une condamnation pénale définitive ait été prononcée et que le condamné, auteur de l’infraction, ne se soit pas acquitté de ses obligations dans un délai de deux mois. La victime reçoit alors une avance correspondant au total des sommes dues en dessous de 1 000 euros, et à 30 % au-delà, dans la limite de 3 000 euros. Le fonds de garantie se charge ensuite d’obtenir un remboursement de la part de l’auteur de l’infraction, remboursement assorti d’une majoration de 30 % qui est, du reste, le seul financement accordé au FGTI pour cette nouvelle mission.

Le dispositif a pour intérêt d’indemniser les victimes, mais aussi d’interposer entre elles et les auteurs responsables de leur dommage une structure en charge du recouvrement, dans un souci de « tolérance zéro » : en effet, sans cette aide, l’auteur de l’infraction aurait toute chance de se dérober à ses responsabilités en organisant son insolvabilité ou en « disparaissant ».

Notre activité a aujourd’hui atteint un palier. Le nombre des saisines ayant quasiment doublé chaque année, nous sommes arrivés à un total de 34 900 dossiers traités en 2011. La plupart sont maintenant recevables, ce qui n’était pas le cas au cours des premières années, principalement du fait que le jugement prononcé devait être postérieur au 1er octobre 2008. Les deux tiers des saisines concernent des créances inférieures ou égales à 1 000 euros, donc entièrement prises en charge par le fonds. Pour 63 % des demandes, il s’agit d’une atteinte corporelle, et les trois quarts des auteurs des infractions ont été condamnés par un tribunal correctionnel.

Le montant des avances a significativement augmenté : elles sont passées de 4,7 à 20,5 millions d’euros entre 2009 et 2011. Nous avons déployé des moyens humains importants pour traiter les dossiers, qui sont minces mais nombreux, et les courriers, eux aussi en grand nombre. Nous disposons aujourd’hui d’une trentaine de collaborateurs et nous avons créé une cellule téléphonique pour répondre aux nombreuses victimes qui nous sollicitent directement. Cela nous a permis de résorber le retard que nous avions pris par rapport au délai légal de deux mois qui nous est assigné pour les indemniser – et le fait que nous le respections désormais démontre sa pertinence. Cela dit, nous avons des difficultés pour recruter des collaborateurs qualifiés.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le directeur général, permettez-moi de vous interrompre un instant pour saluer une délégation de la chambre des députés d’Haïti, dont plusieurs présidents de commission, qui vient assister à nos travaux. En notre nom à tous, je leur souhaite la bienvenue (Applaudissements).

M. François Werner. Nous sommes généralement en relation directe avec les victimes alors que, pour le reste de notre activité, nous traitons souvent avec leurs avocats.

Le nombre élevé de dossiers et le fait qu’ils portent sur de petites sommes nous ont obligés à adapter nos procédures en conséquence. Nous avons ainsi recouvré 6,5 millions d’euros en 2011 et, même si nous avons versé dans le même temps 20,5 millions d’euros d’indemnisations, le progrès est net par rapport à nos premiers résultats. Ce mouvement va se poursuivre. En effet, même s’il faut parfois beaucoup de temps pour recouvrer les créances malgré leur faible montant, nous veillons à ne pas laisser les auteurs d’infractions disparaître dans la nature et le rapport entre recouvrements et indemnisations ne peut que s’améliorer au fil du temps.

Ce dispositif a représenté un progrès considérable pour les victimes, qui se sentaient souvent extrêmement démunies et avaient des difficultés à comprendre pourquoi elles étaient très bien traitées par la justice en cas de grave préjudice corporel, mais un peu livrées à elles-mêmes pour le recouvrement des dommages et intérêts.

Pour progresser encore, on pourrait envisager d’élargir les informations dont nous disposons : tous les éléments collectés par la chaîne pénale ne nous parviennent pas.

J’ajoute que cette nouvelle mission n’a pas donné lieu à une augmentation spécifique des ressources allouées au Fonds. Nous avons réussi à faire face grâce à notre gestion assez stricte et aux recours que nous exerçons, mais il n’est pas exclu que des difficultés surviennent à l’avenir si le montant des indemnisations continuait de croître.

M. Étienne Blanc. Il y a là un outil remarquable pour améliorer l’exécution des décisions de justice en matière d’indemnisation – une de nos préoccupations constantes au cours de cette législature.

Vous avez indiqué que le montant des recouvrements est majoré de 30 % en raison des frais exposés. À quel taux de couverture de vos dépenses parvenez-vous ainsi ? Conviendrait-il d’augmenter ce pourcentage ?

J’aimerais également connaître le montant des indemnisations versées pour incendie volontaire de véhicules. C’est un sujet dont nous avons beaucoup débattu, ces affaires semblant se prêter à de nombreuses escroqueries à l’assurance. La gestion de ces dossiers vous pose-t-elle un problème particulier ?

Pour ce qui est des recouvrements, bénéficiez-vous du concours des huissiers du Trésor public, lesquels disposent de voies de recouvrement spécifiques, ou bien devez-vous vous en remettre aux seuls officiers ministériels ?

Comme vous ne recouvrez actuellement qu’un tiers environ des sommes dont vous faites l’avance, avez-vous des suggestions à formuler pour améliorer ce rapport ? Y a-t-il, selon vous, des lacunes à combler dans la loi ?

M. François Werner. Au regard des effectifs mobilisés, les sommes perçues au titre de la majoration de 30 % sont très faibles, d’autant que ce paiement n’intervient qu’en dernier lieu, une fois recouvrées l’avance versée à la victime, puis les sommes restantes si le préjudice est supérieur à 1 000 euros.

Pour autant, ce dispositif n’est pas inutile : nous continuons à réclamer les sommes dues lorsqu’elles ne sont pas versées, ce qui devrait permettre d’améliorer nos résultats au fil du temps. L’existence d’une majoration incite en outre les personnes condamnées à respecter le délai de deux mois fixé par la loi. Pour résumer, elle apporte peu d’un point de vue financier, mais elle contribue beaucoup à l’équilibre général du dispositif.

L’indemnisation des véhicules incendiés a fait débat, mais les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales conduisent à relativiser les inquiétudes exprimées à ce propos : alors que 40 000 véhicules sont incendiés en moyenne chaque année, nous avons ouvert 789 dossiers en 2011, soit à peu près 50 % de moins qu’en 2009, et nous n’avons procédé qu’à 587 indemnisations. En effet, même si ces dossiers sont peu importants – ils pourraient sans doute être traités en série –, nous les examinons de manière très approfondie, ce qui limite les risques d’escroquerie.

Le législateur nous a d’ailleurs demandé de porter une attention particulière aux propriétaires dont les revenus sont modestes et qui se trouvent dans une situation difficile qui, même s’ils sont assurés, ne perçoivent pas toujours un montant suffisant pour racheter un véhicule. Une jurisprudence récente de la Cour de cassation nous permet de compléter l’indemnisation versée par l’assurance, mais les cas restent en nombre relativement réduit et le dispositif nous semble globalement adapté. Contrairement à ce que les assureurs craignaient, il n’y a pas eu d’« appel d’air ». Le traitement des dossiers prend du temps et le montant des remboursements est souvent très faible, mais nous réalisons là une mission d’intérêt général.

Je dois rappeler, en dernier lieu, que nous sommes un créancier privé ordinaire : nous n’avons quasiment aucune prérogative de puissance publique et nous ne pouvons donc pas faire valoir nos créances par les huissiers du Trésor public. En revanche, nous souhaiterions pouvoir accéder à d’autres bases de données que celles auxquelles nous avons aujourd’hui accès, à savoir, par exemple, le fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) et le fichier des détenus.

M. Étienne Blanc. La représentation nationale vous ayant imposé d’assurer une forme de solidarité, il me semble néanmoins que les moyens de l’État, notamment ceux du Trésor public, pourraient être mis à votre disposition.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La création du SARVI a permis un grand pas en avant : il fallait auparavant s’adresser aux huissiers de justice, qui sont rémunérés d’avance sans aucune garantie de bonne fin – à tel point que, dans bien des cas, ces huissiers dissuadaient même les victimes de les mandater ! Aujourd’hui, 34 900 victimes sont indemnisées par vos soins, ce qui permet enfin de donner une traduction concrète aux décisions de justice. Cependant, n’y aurait-il pas moyen de réduire le délai entre le jugement et votre intervention ?

Notre objectif était, en 2008, de faire en sorte que la personne condamnée paie tout ce qu’elle doit, fût-ce à raison, par exemple, ne serait-ce que de trente euros par mois. Du fait de ces délais, il ne serait pas juste de comparer le montant des recouvrements – 6,5 millions d’euros en 2011 – et celui des indemnités versées – 20,5 millions. Il n’empêche : peut-être pourrions-nous améliorer vos possibilités d’action. De nombreux collègues avaient souhaité que les auteurs d’infractions ne puissent s’abriter derrière des secrets prévus par la loi pour protéger les personnes de bonne foi. Jugez-vous les dispositions actuelles suffisantes, en la matière, ou pensez-vous qu’il faudrait les compléter pour faciliter et accélérer les recouvrements ?

M. François Werner. Les délais d’indemnisation peuvent en effet être améliorés.

Pour partie, leur longueur nous était imputable jusqu’à l’an dernier : la constitution d’une équipe et l’organisation du dispositif nous ont pris beaucoup de temps. Mais, grâce à la mise en place d’un accueil téléphonique et à l’automatisation de certaines tâches, relatives par exemple à l’ouverture et à la vérification des dossiers, la chaîne de traitement a été améliorée au cours de l’année passée de sorte que, comme je l’ai dit, nous avons pu indemniser 34 000 personnes durant cette année 2011 alors que nous n’avons enregistré que 28 000 saisines : la différence correspond au rattrapage de près de deux mois de retard. Nous tenons désormais, dans la plupart des cas, le délai légal qui est de quatre mois entre le jugement et l’indemnisation – l’auteur de l’infraction dispose en effet de deux mois pour payer volontairement les dommages et intérêts, et s’il ne le fait pas, nous avons nous-mêmes deux mois pour procéder au règlement.

Il reste cependant des causes de retard. Par exemple, quand un jugement nécessite une signification, cela entraîne des délais dont la victime n’a pas nécessairement connaissance. D’autre part, même si le nombre de dossiers incomplets tend à décroître, la réunion de toutes les pièces nécessaires au règlement – à commencer par la copie du jugement – peut parfois prendre du temps.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Serait-il possible de mettre au point un indicateur portant sur le temps moyen de traitement des dossiers, entre la date du jugement et celle du règlement ? Cela nous serait utile pour notre travail de contrôle.

M. François Werner. Je suppose que nous le pouvons, et les victimes aussi y trouveraient certainement un intérêt.

Pour répondre à votre deuxième question, il est vrai que le montant recouvré en 2011 – 6 millions d’euros – ne doit pas nécessairement être mis en regard des 20 millions d’indemnisations versés la même année, car le processus de recouvrement s’étale sur une longue période. Il serait plus juste de le comparer avec le montant des indemnisations effectuées en 2009 et 2010, soit respectivement 5,5 millions et 14 millions d’euros. En tout état de cause, nous disposons de ce que j’appelle une cellule « cold case », capable de réclamer de l’argent à l’auteur de l’infraction même lorsque celle-ci a été commise longtemps auparavant. En effet, une personne insolvable au moment où elle doit répondre de sa faute peut se trouver dans une situation financière notablement meilleure deux ou trois ans après. Nous sommes donc amenés à rouvrir certains dossiers afin de vérifier cette situation.

J’en viens aux mesures susceptibles d’améliorer le fonctionnement du service. Entre le premier procès-verbal d’audition et le jugement définitif, on observe une importante déperdition d’information. De nombreux éléments recueillis au début de la procédure
– numéro de téléphone, fixe ou mobile, de l’auteur de l’infraction, état de ses revenus et de son patrimoine, charges de famille, coordonnées de son employeur, etc. – tendent à disparaître par la suite, ce qui est d’ailleurs parfaitement compréhensible et conforme au fonctionnement normal de la justice. Mais ces informations sont essentielles pour nous et il serait très utile que nous puissions y avoir accès. Le numéro de téléphone ou l’état civil complet pourrait être joint à la décision, car de tels éléments, s’ils n’apportent rien au jugement lui-même, nous permettraient de gagner en efficacité lors de nos recours.

D’autre part, l’article 706-11 du code de procédure pénale nous donne accès au fichier national des détenus – plus de 12 000 d’entre eux nous versent de l’argent chaque mois, souvent de très petites sommes –, mais pas au fichier APPI (application des peines, probation et insertion) géré par les services de l’application des peines et par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, et qui permet de connaître la situation des personnes libérées. Il nous serait pourtant très utile d’y avoir recours.

M. Christian Vanneste. Le Fonds de garantie a été institué à l’origine pour indemniser les victimes d’attentats, puis son champ d’intervention a progressivement été étendu à la réparation d’autres préjudices, au risque de voir le quantitatif l’emporter sur le qualitatif. L’institution a-t-elle encore les moyens de répondre aux attentes des personnes victimes d’actes terroristes, dont les conséquences sont particulièrement douloureuses ?

Je pense à un cas très précis, celui de deux jeunes gens de ma circonscription, enlevés dans un pays africain et morts à la suite d’une intervention militaire. Leurs familles ne sont pas satisfaites du comportement des agents du Fonds de garantie à leur égard, ni, d’ailleurs, des propositions d’indemnisation, qui souffrent de la comparaison avec les sommes que l’on est parfois prêt à engager lors de négociations avec des preneurs d’otages. Il en résulte un lourd sentiment de frustration et d’injustice.

Par ailleurs, j’ai récemment rédigé une proposition de loi visant à instituer le travail obligatoire en prison, à l’instar de ce qui existe dans de très nombreux pays démocratiques. Ce travail serait naturellement rémunéré, ce qui augmenterait les possibilités, pour les coupables, d’indemniser leurs victimes.

M. François Werner. Votre question est bienvenue car la crainte est assez répandue de voir certaines procédures nuire à d’autres, voire les « cannibaliser ». Mais, en l’espèce, le montant des indemnités versées l’année dernière par le SARVI, 20 millions d’euros, peut être rapporté au montant total des règlements effectués par le Fonds de garantie la même année, soit 267 millions d’euros. Quant au montant des indemnisations octroyées aux victimes du terrorisme – 2,7 millions d’euros –, il est assez faible, en raison – heureusement – du petit nombre d’actes de cette nature survenus dans notre pays.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Pouvez-vous nous rappeler quelles sont les recettes du Fonds de garantie ?

M. François Werner. Elles proviennent d’une taxe de 3,30 euros sur tous les contrats d’assurance en responsabilité civile, de produits financiers – pour environ 40 millions d’euros – et des montants recouvrés auprès des auteurs d’infractions – environ 68 millions en 2011. Cette même année, le solde de trésorerie était excédentaire d’un peu plus de 20 millions d’euros. La situation du fonds n’est toutefois pas aussi florissante que ce chiffre pourrait le laisser croire, car nous devons aussi financer des engagements à relativement long terme – il nous faut par exemple constituer des provisions pour le paiement des rentes attribuées à certaines victimes.

La prise en charge des victimes du terrorisme n’est donc pas, pour le Fonds de garantie, un enjeu d’ordre financier. En revanche, il l’est d’un point de vue humain, car nous nous adressons dans ce cas à des personnes particulièrement traumatisées. Ce n’est donc pas un hasard si nous traitons différemment un acte de terrorisme et une infraction classique : face au premier, la victime est dans l’incapacité de comprendre pourquoi elle a été agressée personnellement.

Nos collaborateurs chargés d’accueillir les victimes d’actes terroristes sont peu nombreux, mais ils sont spécialement formés et se consacrent exclusivement à cette tâche. Je crois sincèrement qu’ils le font avec professionnalisme et sérieux.

Reste la question du barème d’indemnisation. Un principe général, toujours en vigueur, veut qu’à préjudice égal, l’indemnisation d’une victime du terrorisme soit toujours supérieure à celle d’une victime d’infraction. Nous avons cependant, au sein de notre conseil d’administration, un débat sur certains aspects de ce barème, que nous envisageons de réexaminer.

En tout état de cause, nous ne fixons pas le montant du préjudice, et celui de l’indemnisation peut toujours être contesté devant les tribunaux – même si, disant cela, mon intention n’est évidemment pas d’inciter les victimes à intenter systématiquement un recours : nous préférons trouver avec elles un accord qui les satisfasse, ce qui est toujours préférable à de nouveaux délais, retardant d’autant pour elles le moment de tourner la page.

La jurisprudence montre que l’indemnisation sera plus élevée dans le cas d’une personne rendue handicapée – en raison des charges très importantes qu’induit une telle situation –, ou si la victime d’un enlèvement est libérée après une longue détention, que dans le cas d’un décès. Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur cette différence de traitement, mais on peut comprendre que les proches d’une victime décédée soient choqués par la comparaison : ils ont le sentiment que la vie humaine est mise à peu de prix.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir appelé mon attention sur ce cas particulier. Je m’engage à faire le point sur la situation avec les familles des victimes.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour ces informations. Je ne manquerai pas d’examiner avec le ministère de la Justice les moyens juridiques que vous suggérez de mobiliser afin d’améliorer le fonctionnement du Fonds de garantie.

*

* *

la Commission examine ensuite le rapport d’information de M. Étienne Blanc, rapporteur de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Mes chers collègues, c’est dans l’optique des travaux de la mission d’information créée en 2007 que je vous présente aujourd’hui mon rapport, qui a pour thème le suivi des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Ce rapport poursuit deux objectifs : tout d’abord,  établir un état des lieux du droit applicable et de l’exécution concrète des peines de ces condamnés ; ensuite, formuler des recommandations susceptibles de remédier aux dysfonctionnements qui émaillent parfois le suivi d’individus dont les infractions réclament, par leur singularité, une réponse spécifique.

Il s’agit à l’évidence d’un sujet délicat en raison même de sa complexité et de la diversité des considérations pénales, criminologiques, médicales et psychologiques qui entrent en jeu.

Il ressort des constatations établies par le rapport une idée centrale : le traitement et la prise en charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel ne sauraient se limiter à des mesures d’emprisonnement ou de surveillance.

Il convient de prendre en considération la particularité même du profil de ces individus. Ceux-ci ne souffrent que rarement d’une pathologie proprement psychiatrique et conservent donc, pour la plupart d’entre eux, la conscience de leurs actes. Aussi les auteurs d’infractions à caractère sexuel sont-ils pénalement responsables. Mais leurs actes procèdent également de comportements déviants et, bien souvent, de troubles de la personnalité. C’est pourquoi la réponse pénale doit généralement comporter l’administration de soins.

En deuxième lieu, il importe de répondre à un certain nombre de questions que nous avions évoquées dès le lancement de nos travaux.

Premièrement, quels sont les vrais chiffres de la récidive sexuelle ? On observe une discordance profonde entre les chiffres fournis par le ministère de la Justice et ceux publiés par certaines associations de défense des victimes. Deuxièmement, nous nous sommes interrogés sur les failles éventuelles que notre droit pouvait comporter et sur la manière d’y remédier. Nous disposons aujourd’hui d’un dispositif juridique particulièrement complet, qui permet de répondre à l’ensemble des situations qui relèvent de la délinquance sexuelle. Troisièmement, nous nous sommes demandés quelles étaient les solutions les plus efficaces pour traiter ces individus et leur permettre de maîtriser leurs pulsions. Enfin, nous avons abordé l’épineux problème de la récidive et de l’évaluation de son risque.

C’est en s’efforçant de répondre à ces interrogations que le présent rapport a été conduit.

Dans sa première partie, il évalue le dispositif juridique peu à peu mis en place depuis la loi fondatrice du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Le rapport fait le constat d’un système très complet, qui associe, de manière pertinente, des mesures de surveillance et des obligations de soins. D’où cette conclusion que l’ensemble des membres de la mission partagent de manière unanime : il n’existe pas un instrument juridique qui pourrait être ajouté à ce droit positif déjà très complet.

Dans sa deuxième partie, le rapport aborde l’exécution des décisions de justice pénale sous l’angle de la mise en œuvre pratique du dispositif prévu par la loi. Il met en lumière, tout d’abord, un manque de coordination et de moyens des acteurs judiciaires et pénitentiaires qui nuisent à l’efficacité du suivi. Ensuite, nous avons relevé des difficultés inhérentes à l’expertise psychiatrique et à l’évaluation de la dangerosité des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Nous avons d’ailleurs pu constater l’existence de divergences entre les différentes écoles de psychiatrie, qui recouvrent d’ailleurs parfois des conflits générationnels. C’est notamment le cas des méthodes actuarielles.

Enfin, nous avons relevé l’insuffisance de l’offre de soins à destination de ce public particulier. La France soutient mal la comparaison avec les dispositions d’autres pays européens. Ailleurs au sein de l’Union européenne, les dispositifs de soins sont mieux organisés, spécialisés et plus efficaces.

Dans la troisième et dernière partie, le rapport présente quelques pistes d’améliorations susceptibles d’améliorer le suivi des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Nous avons souhaité articuler ces mesures suivant trois axes.

Le premier axe porte sur la nécessaire simplification du droit applicable. C’est d’ailleurs le message que nous ont adressé de nombreux magistrats. Notre droit est en effet d’une rare complexité – ainsi que le montrent les tableaux insérés dans le rapport. Cela rend son application par les juges extrêmement périlleuse, notamment en matière d’application des peines, et fragilise les décisions qu’ils prennent.

Le deuxième axe consiste à mieux coordonner l’action des différents acteurs du suivi que sont le juge de l’application des peines, le conseiller d’insertion et de probation, le médecin coordonnateur et les structures de santé. Nous avons mis l’accent non seulement sur l’organisation des rapports entre les différents intervenants mais également sur la nécessité, par-delà la spécificité des cultures professionnelles, de développer un langage commun et d’améliorer les échanges d’information, sans pour autant remettre en cause le secret professionnel. C’est là le principal enjeu de la pluridisciplinarité de la prise en charge pénitentiaire et sanitaire des auteurs d’infractions à caractère sexuel.

Le dernier axe tient à l’élaboration d’un dispositif de soins et de prévention adapté. Dans cette perspective, il convient de mieux utiliser le temps carcéral et d’entamer en détention, chaque fois que cela est possible, un véritable traitement. Il faut ensuite élaborer une véritable offre de soins post-carcérale, notamment grâce à un réseau de consultations spécialisées et au recrutement de médecins coordonnateurs en nombre suffisant. Une carte insérée dans notre rapport montre en effet qu’un certain nombre de départements en sont totalement dépourvus.

Il faut enfin donner à la puissance publique les moyens d’agir avant le passage à l’acte. C’est dans cet esprit que le rapport, en s’inspirant de pratiques en vigueur sur le territoire national et à l’étranger, propose la mise en place d’une ligne téléphonique d’écoute d’urgence et l’expérimentation de « cercles de soutien » avec le concours du milieu associatif.

Poser les conditions d’un suivi efficace des auteurs de violences sexuelles suppose par ailleurs de mieux les connaître. Aussi le rapport conclut-il à la nécessité de développer la recherche fondamentale et appliquée et de créer, en France, une véritable filière de criminologie, en coopération avec d’autres pays, notamment européens, qui délivrent déjà de telles formations universitaires.

Le rapport comporte ainsi 33 recommandations. Elles sont certes d’importance inégale. Certaines d’entre elles pourraient faire l’objet d’une application rapide. D’autres susciteront davantage de réserves et méritent peut-être des approfondissements. Cependant, ces propositions permettent d’aborder des sujets majeurs, notamment celui du secret médical indispensable à la protection des droits.

Je crois que nous disposons d’un panorama large et précis des problèmes et des enjeux de la prise en charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel. En cela, nous aurons atteint les objectifs que nous nous sommes fixés. C’est pourquoi, je vous propose d’adopter le rapport de la mission.

M. Dominique Raimbourg. Je souhaiterais, d’une part, dire tout le bien que je pense de ce rapport et, d’autre part, exprimer un regret.

Ce rapport a le mérite de se pencher sur la réalité des faits en mesurant notamment l’importance quantitative du nombre de récidivistes.

Sa conclusion est qu’il n’est pas besoin de lois nouvelles mais qu’il suffirait – cela n’est d’ailleurs pas si facile ! – de rendre effectifs les dispositifs existants et de se donner les moyens de développer les mesures de contrôle, de suivi et de prévention. Il met ainsi en avant le fait que l’enfermement n’est pas la seule solution.

Ce rapport, particulièrement réaliste, est l’exemple même d’un bon travail parlementaire. Néanmoins, je déplore son caractère tardif.

Ces cinq dernières années, le mille-feuille législatif n’a en effet cessé d’être enrichi de nouvelles couches, dans l’idée que l’aggravation des sanctions pénales pouvait constituer une réponse à la délinquance sexuelle. Nous avons fait du délinquant sexuel une figure d’épouvante, alors qu’il doit avant tout être considéré comme une personne qui a besoin d’être suivie et parfois soignée.

C’est donc avec satisfaction que je lis ce rapport, mais à regret que je constate qu’il aurait dû être rendu plus tôt, ce qui nous aurait épargné de débats stériles et inutiles.

M. Jean-Paul Garraud. Je salue le travail réalisé par Étienne Blanc, non seulement pour ce rapport, mais également pour la mission d’évaluation de l’exécution des peines qui se poursuit depuis cinq ans.

Permettez-moi de faire remarquer que le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines discuté aujourd’hui traite précisément de plusieurs questions évoquées dans le présent rapport, qu’il s’agisse de l’évaluation de la dangerosité, de la mise en place des médecins coordonnateurs ou des mesures en faveur des experts psychiatres.

Je m’insurge donc contre les propos tenus par mon collègue Dominique Raimbourg, qui insinue que nous avons voté une succession de textes sans lien entre eux. Loin d’être un mille-feuille, notre action, depuis ces cinq dernières années – et même depuis dix ans –, traduit la volonté de la majorité actuelle de traiter sous tous ses aspects le problème de l’effectivité de l’exécution des peines.

Évidemment, il reste beaucoup à faire. La proposition encourageant le développement d’une véritable filière de criminologie me paraît, par exemple, très importante. Sur ce sujet, j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à mettre en place une école de psychocriminologie. Je rappellerai aussi qu’un important effort budgétaire a accompagné l’ensemble des réformes qui ont été réalisées ces dernières années.

Il est regrettable que l’opposition tienne toujours un discours négatif. Pourtant, qui remettrait aujourd’hui en cause les dispositions qui ont permis de donner toute son efficacité au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ou au fichier des empreintes génétiques ? Ou encore, qui souhaiterait revenir sur l’ouverture des centres d’éducation fermés, hier si critiqués, et auxquels le candidat socialiste à l’élection présidentielle se dit maintenant favorable ?

En cette fin de législature, la situation d’ensemble apparaît donc beaucoup plus positive qu’il y a quelques années. Sur tous les sujets, des progrès ont été réalisés, et cela pour le bien de nos concitoyens.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je tiens à remercier notre collègue Étienne Blanc pour le travail très important qu’il a réalisé tout au long de cette législature.

La Commission autorise ensuite à l’unanimité le dépôt du rapport de la mission d’information relative à l’exécution des décisions de justice pénale en vue de sa publication.

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Puis M. le Président Jean-Luc Warsmann présente le bilan d’activité de la commission des Lois pour la XIIIe législature.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Alors que nous nous apprêtons à achever nos travaux sous cette législature, j’ai souhaité vous présenter un bilan de l’action de la commission des Lois, dont l’activité aura été extrêmement intense.

La commission des Lois ne s’est pas contentée d’examiner des projets de lois présentés par le Gouvernement, en en étant qu’un simple réceptacle en quelque sorte. Notre Commission a également été une force de propositions par le biais d’amendements nombreux et importants, de missions d’information et par la présentation de propositions de loi directement tirées, bien souvent, de ses travaux de contrôle. Avec la révision constitutionnelle de 2008 et la réforme du Règlement qui a suivi, nous disposons aujourd’hui d’instruments nouveaux qui ont permis d’engager des chantiers et d’améliorer nos procédures.

Je veux ici remercier chacun d’entre vous – membre de la majorité et de l’opposition – de la part qu’il a prise à l’ensemble de ces travaux. Je crois que personne n’aura compté son temps et son énergie au service de nos concitoyens lors de cette législature au sein de notre Commission. Je vous proposerai d’ailleurs que ce bilan puisse faire l’objet d’une publication afin que l’on mesure l’ampleur des travaux que nous avons conduits pendant ces cinq ans.

Sur un plan quantitatif, au lundi 27 février 2012, la commission des Lois avait examiné 101 projets ou propositions de loi sur un total de 252 lois adoptées par le Parlement (hors projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales), soit un taux de 40 %. À l’origine de ces 101 textes, on dénombre 2 projets de loi constitutionnelle, 21 projets et 3 propositions de loi organique, 43 projets de loi et 32 propositions de loi, ces dernières constituant un tiers du total. Ont en outre été examinés en commission 29 autres textes qui, souvent en instance au Sénat, n’ont pas été adoptés à titre définitif – voire n’ont pas été inscrits à l’ordre du jour de la séance publique. Je dois ajouter 21 autres propositions de loi qui, ayant été examinées dans le cadre des séances d’initiative réservée, n’ont pas été adoptées en séance.

La commission des Lois s’est, par ailleurs, saisie pour avis de 12 projets de loi, compte non tenu des projets de loi de finances. Sous cette législature, 45 avis budgétaires ont été présentés au nom de la commission des Lois, auxquels il convient d’ajouter 5 rapports d’information budgétaires.

Les textes examinés par la commission des Lois ont été l’objet de la réunion, à 37 reprises, d’une commission mixte paritaire. Ces réunions n’ont pas donné lieu, pour 6 textes – dont 4 depuis septembre 2011 – à l’élaboration d’un texte commun.

Les rapports sur des projets ou propositions de loi, ou propositions de résolution, présentés au nom de la commission des Lois ont été au nombre de 212. Ils représentent un total de 26 263 pages. La préparation de l’ensemble de ces rapports a donné lieu à l’audition de 2 308 personnes.

En matière de contrôle, 13 missions d’information internes à la commission des Lois ont été constituées, auxquelles il faut ajouter 2 missions d’information communes, l’une avec la commission des Affaires culturelles (sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, dont les rapporteurs étaient MM. Patrice Verchère et Patrick Bloche) et l’autre avec la commission des Affaires sociales (sur l’indemnisation des victimes des maladies nosocomiales et l’accès au dossier médical, dont M. Guénhaël Huet était le rapporteur).

Au total, 31 rapports d’information ont été présentés, à des titres différents  : rapports des missions d’information, mais aussi rapports d’information budgétaires ou autres rapports ponctuels.

Nous avons également souhaité remplir tout notre rôle de contrôle de l’application des lois. On dénombre ainsi 57 rapports d’application des lois. Ce nombre est plus de dix fois plus élevé que celui des rapports déposés sous la XIIe législature. Il représente, à ce jour, les deux tiers des rapports d’application publiés par l’ensemble des commissions pendant cette législature.

En ce qui concerne les propositions de résolution, 9 ont été examinées : 6 propositions de résolution déposées sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution, 2 propositions de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale (dont l’une n’a pas été adoptée) et une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

De nombreuses auditions, ouvertes à la presse, ont évidemment été organisées au sein de notre Commission. On en compte au total environ 130 au cours de la XIIIe législature : une cinquantaine de membres du Gouvernement et environ 80 d’autres personnalités. Ces auditions ont pu être sollicitées tant par la majorité que par l’opposition – je me suis toujours efforcé d’y faire droit – ainsi qu’en a récemment témoigné l’audition de M. Arno Klarsfeld, président du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, il y a quelques semaines.

Au cours de la XIIIe législature, la commission des Lois s’est réunie, au 27 février 2012, 411 fois, pour une durée totale d’environ 570 heures. Ainsi, le nombre de réunions a augmenté de plus de 50 % par rapport à la XIIe législature.

Un nombre total de 10 454 amendements ont été, à ce jour, déposés à la commission des Lois au cours de la législature. Sur ce total, 5 392 amendements, soit un peu plus de la moitié, ont été adoptés.

Enfin, les textes dont la commission des Lois a été saisie au fond ont donné lieu à discussion pour une durée d’ensemble de plus de 1 021 heures en séance publique, sur un total de 3 619 heures – durée totale des discussions législatives, hors débat budgétaire – ce qui représente presque le tiers de l’ensemble des discussions.

Au-delà de ce bilan quantitatif, la commission des Lois a mis en œuvre, sous cette législature, plusieurs nouveaux outils mis à sa disposition par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la réforme du Règlement de notre assemblée.

D’abord – et c’est essentiel –, la commission des Lois a cherché à mieux articuler fonction de contrôle et travail législatif, la première devant alimenter le second. Nous avons eu le souci constant d’engager des travaux de fond afin d’évaluer des politiques publiques pour aboutir ensuite à des traductions législatives, par voie d’amendements ou de propositions de loi. Cela a été le cas dans des domaines très divers : les collectivités territoriales, l’exécution des décisions de justice pénale, les armes à feu, l’accès au droit, etc.

Je voudrais également mentionner la possibilité, ouverte à l’article 39 de la Constitution, de consulter le Conseil d’État sur des propositions de loi. C’est la commission des Lois qui a pris l’initiative de proposer le texte qui a permis la mise en œuvre de cette nouvelle procédure. Celle-ci a été utilisée à 8 reprises – 7 fois par l’Assemblée et une fois par le Sénat –, dont 6 fois pour des textes relevant de notre Commission. Je crois que tous les parlementaires de la majorité comme de l’opposition qui ont eu à connaître cette procédure et à présenter leur texte devant le Conseil d’État ont été convaincus de sa très grande utilité, alors que nos initiatives législatives ont de plus en plus vocation à aboutir. M. Le Roux qui a participé aux travaux du Conseil d’État sur la proposition de loi sur les armes pourrait le confirmer. Je pense également à M. Lurel, qui avait exprimé en commission sa satisfaction à l’automne dernier, ou à M. Morel-A-l’Huissier qui a remarquablement travaillé sur les sapeurs-pompiers volontaires.

En matière d’études d’impact, je rappelle que c’est à l’initiative de la commission des Lois que ce nouvel outil, suggéré par le comité présidé par M. Édouard Balladur, a été introduit dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, avant qu’elles ne voient réellement le jour dans la loi organique du 15 avril 2009. C’est une nouveauté qui a amélioré la qualité des informations mises à disposition du Parlement. La commission des Lois a d’ailleurs mis en place un mécanisme qui permet, dans des délais très brefs, de saisir le ministre chargé du projet de loi afin de lui demander les compléments nécessaires, dont le rapporteur pourra faire état ensuite dans son rapport. J’ai, à plusieurs reprises, saisi les ministres en ce sens, par exemple pour obtenir le contenu des consultations engagées par le pouvoir exécutif, alors que nous ne disposions que de la liste de ces consultations. J’ajoute qu’à l’initiative de la commission des Lois, nous avons mis en place un système de recueil des observations des citoyens sur les études d’impact. C’est un mécanisme qui a fonctionné sur certains textes comme le projet de loi sur l’immigration à l’automne 2010, mais qui n’est pas encore assez connu et qui recèle donc d’importantes possibilités d’enrichissement.

La commission des Lois a également apporté sa marque au dispositif des lois du 23 juillet 2010 organisant le contrôle des nominations présidentielles, notamment en complétant la liste des organismes soumis à la nouvelle procédure de nomination. Nous avons ainsi auditionné 14 personnes dans le cadre des dispositions des articles 13, 56 ou 65 de la Constitution ou, auparavant, dans le cadre de dispositions législatives prévoyant de telles auditions.

Enfin, pour terminer, je voudrais vous rappeler quelques-unes des contributions de la commission des Lois aux débats et aux réformes engagés dans notre pays depuis juin 2007. Quel que soit le jugement de fond que chacun peut porter sur ces contributions, personne ne pourra dire que ces apports ne furent pas nombreux et importants.

Le premier point est la rénovation de notre vie politique et institutionnelle. La commission des Lois a été aux premières loges lors de la révision constitutionnelle, la réforme du Règlement et la mise en place des lois d’application de cette révision. On pourrait citer, par exemple, l’instauration du veto aux trois cinquièmes pour les nominations présidentielles, la mention de l’évaluation des politiques publiques à l’article 24 de la Constitution, la limitation du nombre de parlementaires et du nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental – limitation sans laquelle nous aurions sans doute aujourd’hui davantage de membres dans ces institutions – ou encore l’instauration d’une semaine consacrée par priorité aux activités de contrôle des assemblées.

La commission des Lois a également pris l’habitude d’ouvrir à l’ensemble de ses membres les auditions organisées par le rapporteur sur chaque projet ou proposition de loi, afin qu’aucune des objections présentées sur un texte ne soient cachées à l’opposition. Lors de la réforme du Règlement de l’Assemblée en 2009, notre Commission a par ailleurs introduit l’obligation de communiquer avant la réunion de commission l’état des travaux du rapporteur, ce qui est un facteur d’amélioration du travail parlementaire.

La commission des Lois a également pris des initiatives pour simplifier notre droit électoral, par exemple en sanctionnant les déclarations de patrimoine incomplètes ou mensongères : je me souviens, avec Charles de La Verpillière, de l’intensité des débats qui ont abouti aux lois du 14 avril 2011. Depuis celles-ci, la Commission pour la transparence financière de la vie politique peut désormais accéder aux déclarations fiscales des élus.

Évidemment, la commission des Lois a par ailleurs toujours porté un regard aigu – et c’est notre devoir – sur la question des libertés publiques. On peut évoquer les avancées contenues dans la loi sur la protection du secret des sources des journalistes ou l’avis que la Commission a rendu sur le texte relatif au secret défense qui a conduit à une passe d’armes avec la commission de la Défense et le Gouvernement ; le Conseil constitutionnel nous a récemment donné raison, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. Pour ma part, dans d’autres missions que j’ai eu à exercer en tant que président de la commission des Lois, je puis dire – sans justement trahir de secret – que je suis toujours demeuré fidèle à nos positions relatives au secret défense. J’ai eu l’occasion récemment et fortement de rappeler la nécessité de préserver l’équilibre en la matière alors que – après les changements intervenus dans une autre assemblée – certains avaient des velléités de retoucher les textes dans un sens qui n’est pas celui que la commission des Lois de l’Assemblée nationale a choisi.

Pour ce qui est des autorités indépendantes, la commission des Lois a sensiblement renforcé les pouvoirs du Défenseur des droits. Concernant le contrôleur général des lieux de privation de liberté, notre Commission a limité les possibilités pour une administration de s’opposer à la venue du contrôleur dans ses locaux pour procéder à une inspection.

Enfin, les travaux menés par Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti sur les fichiers de police méritent d’être soulignés. Avec deux rapports, et notre intervention sur la question du fichier Edvige, nous avons fait évoluer les choses.

Les questions de justice et de sécurité ont évidemment particulièrement occupé notre Commission pendant cette législature. Nous avons été saisis de plusieurs projets de loi, mais nous avons aussi pris des initiatives notamment autour de la question fondamentale de l’exécution des peines et de la protection des victimes, comme vient d’en témoigner l’audition de M. François Werner, directeur général du Fonds de garantie.

La commission des Lois a également beaucoup œuvré pour soutenir la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Dois-je rappeler que nous avons pesé lors de l’examen de ce texte au point que le Gouvernement qui voulait revenir sur des dispositions que nous avions votées en commission n’a pu imposer son point de vue en séance plénière, ses amendements étant repoussés par l’Assemblée et ce, unanimement ?

Il faudrait également citer les apports introduits dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont Jean-Paul Garraud était le rapporteur, ainsi que la question de la garde à vue, qui a été un sujet important au cours de cette législature. Là encore, la commission des Lois a eu une action déterminante, par exemple en supprimant la notion d’audition libre à l’initiative de son rapporteur Philippe Gosselin. Je soulignerai également un sujet qui me tient particulièrement à cœur : celui des saisies et confiscations, qui ont fait l’objet d’un vote unanime en 2010 et dont nous venons de renforcer le dispositif au travers d’amendements votés eux aussi à l’unanimité dans le projet de loi de programmation sur l’exécution des peines.

La commission des Lois a également eu à connaître plusieurs textes portant sur les professions juridiques, qu’il s’agisse des notaires ou des avocats. Autre thème majeur, dont nous avons encore débattu il y a peu de temps : la simplification du droit.

La situation de nos finances publiques face à la crise a également beaucoup préoccupé notre Commission, qui n’a pas à rougir de son action en la matière. Dès 2009, nous avons appelé l’attention sur la situation financière de notre pays dans un rapport intitulé Finances publiques : la France au pied du mur. Je dois également rappeler les prises de position très fortes, souvent à l’unanimité, de la commission des Lois lors de l’examen en 2010 du projet de loi organique sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Je me souviens aussi, même s’ils n’ont pas abouti à une solution consensuelle, des débats sur la « règle d’or ».

Nous avons, par ailleurs, travaillé à améliorer le bon fonctionnement de nos administrations. Je pense en particulier à la réforme des juridictions financières, qui n’a pas été un long fleuve tranquille, mais pour laquelle la mobilisation de notre Commission a permis de faire avancer les choses, là aussi grâce à un dépassement des clivages politiques. Je voudrais aussi signaler la question des sapeurs pompiers volontiers avec la proposition de loi de Pierre Morel-A-l’Huissier et les différents textes portant sur la fonction publique avec le dernier en date qui consacre l’égalité entre les femmes et les hommes – notamment grâce à des amendements de Marie-Jo Zimmermann – ou, sur un autre plan, le télétravail.

Nous avons également travaillé sur la réforme territoriale en métropole et outre-mer. En particulier, la commission des Lois avait fait des propositions percutantes dans le rapport d’information intitulé le Big bang territorial. Les textes auxquels la réforme a abouti ont néanmoins été davantage marqués par les clivages.

En matière d’immigration, la commission des Lois a engagé des travaux de fond, par exemple sur les centres de rétention administrative, dans le cadre d’une mission menée par Thierry Mariani. Elle est également à l’origine de la Cour nationale du droit d’asile dans la loi de 2007.

Enfin, dernier thème à mentionner : les travaux de la mission d’information sur les droits de l’individu dans la révolution numérique ont permis de porter un regard d’ensemble sur l’évolution de notre société. C’est à cette occasion que nous avons tenu, en janvier 2011, de manière inédite, une visioconférence avec la commission d’enquête du Bundestag et adopté une déclaration commune franco-allemande que nous avons adressée à la Commission européenne.

Beaucoup de sujets que nous avons abordés l’ont d’ailleurs été sous l’angle européen. À l’initiative de Guy Geoffroy, nous avons, par exemple, pris position sur l’utilisation des « données passagers » produites par les compagnies aériennes, dans le cadre de l’examen de résolutions européennes. Est, par ailleurs, actuellement en débat une proposition de résolution européenne sur la garde à vue.

J’ajoute que tout ceci s’est fait dans un souci de modestie des frais de fonctionnement de la commission des Lois, que ce soit en termes de locaux – nous n’avons fait faire aucun travaux somptuaires pour une nouvelle salle de commission – de frais de déplacement ou de frais de réception.

Je souhaite donc remercier chacun d’entre vous pour l’énergie que vous avez mise au service de notre Assemblée. Je remercie également l’ensemble des fonctionnaires du secrétariat de la Commission pour leur engagement. Je rends aussi hommage à ceux de nos collègues qui, pour certains, ont passé de longues années au sein de cette Commission et ont décidé de mettre un terme à leur mandat parlementaire. Pour ceux qui se présentent de nouveau au suffrage de nos concitoyens, je pense que, quelles que soient les opinions que nous avons personnellement défendues, nous n’avons pas à rougir des travaux que nous avons collectivement conduits au sein de la commission des Lois. Je vous remercie, enfin, pour la confiance que vous m’avez témoignée en me confiant la présidence de cette Commission durant cette législature.

(Applaudissements sur tous les bancs)

La Commission autorise la publication de son bilan d’activité pour la XIIIe législature.

La séance est levée à 11 h 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Élie Aboud, M. Abdoulatifou Aly, Mme Delphine Batho, M. Étienne Blanc, M. Émile Blessig, M. Claude Bodin, M. Patrick Braouezec, M. Dominique Bussereau, M. Alain Cacheux, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Bernard Derosier, M. Patrick Devedjian, M. Julien Dray, M. Olivier Dussopt, M. Jean-Paul Garraud, M. Guy Geoffroy, M. Claude Goasguen, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, M. Sébastien Huyghe, Mme Maryse Joissains-Masini, M. Charles de La Verpillière, M. Bruno Le Roux, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Hervé Morin, M. Yves Nicolin, Mme George Pau-Langevin, M. Dominique Perben, Mme Sylvia Pinel, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Jean-Pierre Schosteck, M. Éric Straumann, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. Christian Vanneste, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Jacques Alain Bénisti, M. Marcel Bonnot, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Philippe Vuilque