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Compte rendu

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Jeudi 26 juillet 2007

Séance de 8 heures 45

Compte rendu n° 05

Présidence de M. Hervé Mariton, Président

–  Audition de M Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports 2

La commission spéciale a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, lors de sa réunion du jeudi 26 juillet.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Dominique Bussereau d’avoir répondu à l’invitation de la commission spéciale, malgré la brièveté du délai.

Le projet de loi doit être envisagé dans la perspective de l’amélioration de la qualité du service offert aux clients des transports terrestres de voyageurs. La continuité du service public est certes liée à l’amélioration du dialogue social, mais elle n’en dépend pas uniquement : la qualité des infrastructures, le renouvellement du matériel, l’organisation des entreprises constituent également des enjeux importants. Il était donc naturel d’accéder à la demande du groupe socialiste et d’entendre le secrétaire d’État chargé des transports, tant sur le texte déposé par M. Xavier Bertrand que sur l’objectif plus large d’amélioration de la qualité du service. Au demeurant, M. Bussereau participera sans doute à une partie des débats en séance publique.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, a confirmé qu’il avait entendu favorablement la demande de M. François Brottes lors d’une audition tenue la veille à la commission des affaires économiques, mais qu’il ne souhaitait rien ajouter aux propos de M. Xavier Bertrand, qui est en charge du texte.

Lors de la XIe législature, il avait pris l’initiative d’une proposition de loi sur ce sujet, cosignée notamment par Nicolas Sarkozy et Anne-Marie Idrac. Durant la discussion, M. Jean Le Garrec avait confié qu’il était impossible à la majorité d’alors de voter le texte mais qu’« il faudrait bien d’ailleurs y passer un jour ».

Il existe un consensus pour développer les transports publics, notamment afin de remplacer l’usage de la voiture individuelle dans les villes et dans les déplacements domicile-travail. Or un des obstacles au recours aux transports en commun est l’irrégularité liée aux mouvements de grève : chacun connaît des familles qui doivent conserver deux véhicules en raison de cette irrégularité.

M. Daniel Paul, M. François Brottes et plusieurs commissaires de l’opposition se sont étonnés de cet argument.

Le ministre a ajouté que, si l’on veut développer les transports publics, ceux-ci doivent à la fois offrir à l’usager de bonnes conditions de confort, équivalentes à celles de la voiture individuelle, et fonctionner 365 jours par an, ce qui suppose la mise en place d’un service garanti. Le droit de grève est certes légitime mais son exercice engendre dans ce secteur une grande injustice sociale, car il pénalise d’abord ceux qui ont le moins de moyens.

Le rapporteur a constaté que la question du dialogue social devrait pouvoir être résolue, mais que les auditions ont mis en évidence un important problème de financement et d’investissement. Quel est le financement envisagé par l’État pour les transports terrestres dans les prochaines années ?

Le projet de loi pose également la question du droit à l’information des usagers. Quelle est l’opinion du ministre sur le sujet ?

En matière de ramassage scolaire, le texte risque de provoquer des difficultés : en cas de grève, quelles priorités les collectivités pourront-elles définir en la matière ?

Enfin, l’échéance du 1er janvier 2008 paraît assez difficile à respecter pour certaines entreprises, qui risquent de ne pas arriver à se mettre en conformité à cette date.

Le président Hervé Mariton a ajouté que les représentants des très petites entreprises de transports ont fait état des difficultés que celles-ci risquent de rencontrer pour répondre à l’ensemble des prescriptions du projet de loi.

Le ministre a expliqué tout d’abord que la répartition des rôles entre l’État et les autorités organisatrices est claire en matière de financement. Il résultera sans aucun doute du « Grenelle de l’environnement » un plan gouvernemental portant sur les dix ou vingt prochaines années et dégageant des moyens supplémentaires en faveur des transports publics. Ce plan sera bien entendu discuté au Parlement. L’accent sera mis également sur le transport ferroviaire de fret. Au-delà des moyens classiques de financement des infrastructures et des entreprises publics, il est souhaitable que le « Grenelle de l’environnement » mette en place de nouveaux moyens.

Le droit à l’information des clients est essentiel dans tous les modes de transport. Chacun connaît les incidents intervenus en juin sur la ligne B du RER, à la gare du Grand Stade, et le 16 juillet sur la ligne de TGV Le Mans-Laval : à ce sujet, une réunion a été tenue avec Mme Anne-Marie Idrac pour faire le bilan de ce qui avait fonctionné et de ce qui n’avait pas fonctionné, notamment en matière d’information des passagers. Lorsqu’un TGV est en détresse en rase campagne, ses batteries s’arrêtent au bout d’un certain temps, et avec elles la climatisation, l’éclairage et la sonorisation.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, le sujet du ramassage scolaire est difficile et les autorités organisatrices devront faire des choix en fonction des cursus, de la préparation des examens, etc. Mais les conseils généraux, quelle que soit leur majorité, sont suffisamment avisés pour prendre les bonnes décisions.

Concernant l’échéance du 1er janvier 2008, M. Xavier Bertrand a été très clair. Cependant, si des discussions sont encore en cours dans certaines entreprises, il conviendra de les faire aboutir. Dans le cas des très petites entreprises, évoqué par le président Mariton, le dialogue social est quotidien. On peut donc tabler sur des accords à l’amiable de bon sens pour gérer les dispositions de la loi. Les difficultés sont plutôt à prévoir dans les grandes entreprises.

M. François Brottes a remercié le ministre d’avoir répondu à l’invitation du président Mariton. Il aurait été inconvenant que la commission spéciale n’entende pas le secrétaire d’État chargé des transports.

Il a répété, comme tout au long des auditions que la grève ne constitue que 2 % des causes de discontinuité dans le service public et que les autorités organisatrices ne sont pas demandeuses de ce texte, non plus que les petites entreprises – les grandes se montrant pour leur part assez réservées.

Le ministre a rétorqué que les Français, eux, sont demandeurs.

M. François Brottes a insisté sur les différences de périmètre et de compétence selon la taille des autorités organisatrices en demandant s’il ne serait pas nécessaire de mieux les distinguer.

Il conviendrait également d’être moins imprécis au sujet des transports scolaires. Sans critères pour définir des priorités, les autorités organisatrices risquent d’être rapidement exposées à des contentieux.

Les petites entreprises, quant à elles, demandent unanimement de sortir du texte. Pourquoi s’acharner à les maintenir dans le périmètre du dispositif prévu ?

En outre, les entreprises souhaitent que leurs réponses à des appels d’offres ne soient pas évaluées en fonction de leur éventuelle capacité à réagir en cas de crise. Si cette capacité devient un critère pour juger de l’offre, on risque d’assister à une sorte de « dumping antisocial » préjudiciable à la qualité réelle des offres.

Enfin, quel est le contenu du décret prévu à l’article 2 ? La demande est quasi générale de repousser l’échéance du 1er janvier 2008. Si tel n’est pas le cas, c’est le décret qui se substituera aux accords susceptibles d’être passés dans le cadre du dialogue social. La moindre des choses serait que le législateur ait connaissance des dispositions que ce décret comportera.

M. Louis Guédon s’est étonné de l’argument, soutenu au cours des auditions, selon lequel 2 % seulement des nuisances subies par les voyageurs sont liées aux phénomènes de grèves. En effet, dans les 98 % restants sont comptabilisés des retards mineurs qui ne mettent pas en péril l’activité économique. Au contraire, un arrêt total du trafic pour une journée entraîne des perturbations considérables. Pour éviter l’usage abusif de ces chiffres, ne serait-il pas opportun de disposer d’un rapport recensant les incidents au niveau des antennes régionales de maintenance du matériel ? Autrefois, ces unités faisaient honneur à la SNCF. A-t-on conservé cette qualité d’entretien ?

Répondant tout d’abord à M. Guédon, le ministre a rappelé que le problème principal de la SNCF était la vétusté de son parc de locomotives diesel. Récemment, le président Gallois a passé une commande de quatre cents locomotives diesel nouvelles, qui sera suivie d’une autre tranche de trois cents. On peut donc espérer que beaucoup de difficultés se trouveront résolues. Par ailleurs, les régions ont passé des commandes très importantes de matériels et de trains express régionaux (TER), tout en exigeant de la SNCF qu’elle maintienne des centres de maintenance sur place. Des problèmes subsistent en région parisienne, notamment sur la ligne D du RER, avec ses fameux « p’tits gris », des automotrices Z 5300 qui ont plus de trente ans.

Estimant que les questions de M. Brottes s’apparentent plutôt à des prises de position, le ministre a rappelé que le Groupement des autorités responsables de transports publics (GART) dont il était l’un des vice-présidents et dont M. Michel Destot, député de l’Isère, est le président, a pris position en faveur du texte.

MM. François Brottes, Alain Vidalies et Daniel Paul ont récusé cette affirmation en faisant valoir que M. Michel Destot, membre de la commission spéciale, n’a pas manqué de critiquer le projet de loi.

Le ministre a suggéré que sa position pouvait peut-être varier selon qu’il s’exprime en tant que député socialiste ou en tant que président d’une association pluraliste.

M. Alain Vidalies ayant renvoyé le ministre à la position officielle du GART, le ministre a indiqué qu’il avait évoqué une position adoptée par le conseil d’administration du GART.

S’agissant du décret, il a précisé que le II de l’article 2 en précise déjà le contenu.

M. le président Hervé Mariton a souhaité toutefois que communication soit donnée à la commission spéciale, le cas échéant, du texte d’un projet de décret.

Le ministre, indiquant qu’il ne pouvait pas s’engager au nom de M. Xavier Bertrand, a rappelé toutefois que, lorsqu’il avait présenté au Parlement, sous la précédente législature, la loi d’orientation agricole, il avait communiqué en même temps les textes réglementaires d’application, lesquels ont été pris à 98 % dans un délai d’un an.

M. François Brottes a constaté qu’en l’occurrence le délai est très inférieur à un an.

M. Alain Vidalies a contesté l’affirmation du ministre au sujet de l’avis du GART. Selon les termes de sa dernière délibération, cette instance porte un avis réservé sur le texte et propose des amendements.

Le ministre a objecté qu’un avis réservé ne vaut pas opposition.

M. Alain Vidalies a précisé que certains des amendements du GART résultent d’interrogations sur la constitutionnalité du texte.

Le projet est censé avoir trait au dialogue social. Or les organisations syndicales rejettent unanimement ce qu’elles considèrent comme un coup fourré. Les petites entreprises, quant à elles, souhaitent être épargnées par un dispositif qui ne les concerne pas, et les grandes s’inquiètent des effets pervers qu’il produira. Malgré cela, on persiste à présenter ce texte en invoquant les sondages !

Du reste, le 4 juillet 2006, un ministre des transports de la même majorité s’exprimait devant l’Assemblée sur la même question avec la même conviction que le ministre, mais en soutenant exactement le contraire. C’était le ministre Dominique Perben et son argument était le suivant : il faut éviter de légiférer là où il faut de la négociation, et la situation s’améliore à un point tel qu’il serait « irresponsable », selon ses propres termes, de prendre une initiative politicienne qui viendrait mettre à néant tant d’efforts dont la majorité doit être fière compte tenu des résultats obtenus. D’où l’adoption de la stratégie de la charte.

Mis à part l’élection de Nicolas Sarkozy, quel changement peut-il justifier que le gouvernement et la majorité prennent le risque de remettre en cause une évolution dont ils pourraient au contraire se féliciter ?

Le ministre a rappelé que l’affaire est ancienne. De très nombreuses propositions de loi ont été soutenues pour répondre à l’aspiration des Français – les sondages font état d’une proportion de 70 à 80 % – à un service minimum. La RATP est la seule entreprise à avoir accompli de réelles avancées ces dernières années. Hommage doit en être rendu à Mme Josette Théophile, directrice des ressources humaines, au président Jean-Paul Bailly, puis à Mme Anne-Marie Idrac. Le système d’alarme sociale qu’ils ont mis en place a donné de bons résultats.

Cependant, force est de constater que les réseaux des régions et des grandes agglomérations de province n’ont connu aucune avancée. À Tours, par exemple, une grève a paralysé totalement le réseau des autobus pendant quinze jours. Ce sont d’abord les plus pauvres et les plus âgés qui ont été mis en difficulté. À la SNCF, en dépit des efforts de M. Louis Gallois et de Mme Anne-Marie Idrac, la situation n’est pas parfaite. Au surplus, beaucoup de régions, dont la région Poitou-Charentes, ont refusé pour des raisons politiciennes toute réflexion sur ce sujet dans les conventions passées avec la SNCF pour ne pas mécontenter certains alliés politiques. Seule la région Rhône-Alpes a fait preuve de courage.

Par ailleurs, M. Sarkozy s’est engagé clairement lors de la campagne présidentielle et une majorité de Français a approuvé son projet. De surcroît, par comparaison avec certaines propositions de loi, le projet soumis au Parlement est un texte cadre qui ouvre la porte au dialogue, et nullement un texte de « père Fouettard ». Les Français l’approuvent et il a été voté à une large majorité au Sénat. Il ne fait pas de doute que l’Assemblée puisse faire de même.

M. Alain Vidalies ayant demandé une nouvelle fois pourquoi la position de la majorité a changé à ce point en un an. Le ministre a répété que les Français ont répondu.

Prenant l’exemple de la grève de Tours, M. Alain Vidalies a fait valoir que le texte ne changerait rien s’il y a 100 % de grévistes.

Le ministre a répondu que l’entreprise, qui était en l’espèce une filiale de la SNCF, peut très bien organiser un service avec des conducteurs et des autocars venus d’autres réseaux. En tout état de cause, les nuisances subies par les personnes âgées en pareil cas ne sont pas acceptables.

M. Alain Vidalies en a déduit que, selon le ministre, les entreprises pourraient donc faire effectuer le travail d’autres entreprises en cas de grève.

Le ministre a signalé que les grands groupes ont déjà l’habitude de demander des renforts à d’autres réseaux, par exemple durant l’été dans les zones touristiques.

M. Alain Vidalies a maintenu que la solution évoquée en cas de grève est pour le moins originale au regard du droit.

Le ministre a réaffirmé que ce qui est choquant, ce sont les inconvénients que subissent les plus faibles, ceux qui n’ont pas d’automobile et qui n’ont pas de relations pour les aider.

Le président Hervé Mariton a remercié M. Bussereau pour sa contribution à la discussion.

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