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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 23 octobre 2007

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition ouverte aux membres de la commission des affaires économiques et à la presse de M. Jean-Marie Dauger, directeur général délégué de GDF, directeur de la branche « Global Gaz et GNL »

Le président Christian Jacob a accueilli les représentants de Gaz de France en rappelant le travail de fond entrepris par la Délégation sur le Grenelle de l’environnement. Quelle est la position de GDF sur les exigences nées du débat public lancé dans le cadre de ce processus ? Quelles sont les perspectives ouvertes par l’innovation ? Dans le secteur automobile notamment, l’utilisation du carburant gaz naturel véhicule (GNV) a-t-il un avenir ? Quel serait l’avis de GDF sur la proposition d’une attribution du crédit d’impôt pour les véhicules propres en fonction du niveau d’émissions de CO2 qui viendrait se substituer à la logique actuelle d’une attribution par filière ?

M. Jean-Marie Dauger a remercié la Délégation pour son invitation. GDF s’est inscrit dans le processus du Grenelle de l’environnement à travers le groupe « énergie » du MEDEF. L’entreprise avait d’ailleurs anticipé les problématiques environnementales en prenant spontanément l’engagement de diminuer d’ici fin 2007 de 10 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, alors que son activité a quasiment doublé dans le même temps. Elle s’est aussi engagée en faveur de la recherche et de la diversification énergique, en investissant notamment dans l’éolien avec un objectif fixé à 10 % du parc de production électrique.

Les émissions de gaz à effet de serre de la France ont diminué de 2 % durant les quinze dernières années. Toutefois, elles ont augmenté sur la même période de 22 % dans le secteur des transports et de 15 % dans le secteur-clef du bâtiment malgré la baisse des consommations destinées au chauffage. L’énergie utilisée dans le logement à d’autres fins que le chauffage ou la production d’eau chaude, tels l’éclairage ou l’usage d’équipements électro-ménagers, a en effet sensiblement augmenté, ce qui explique une augmentation globale de 30 % de la consommation d’énergie des bâtiments. Il reste donc beaucoup à faire.

Que peut apporter le gaz naturel au débat du Grenelle de l’environnement ? Le développement de cette énergie est certain, même s’il en a été relativement peu question dans les groupes de travail du Grenelle de l’environnement. Il s’agit certes d’une énergie fossile, et donc productrice de CO2, mais le niveau d’émissions est beaucoup moins important que celui du pétrole. Énergie abondante, accessible, le gaz naturel est nécessaire au panachage du bouquet énergétique national sans lequel le pays n’assurerait pas sa sécurité stratégique, économique et technologique. La diversification énergétique est indispensable, le choix de s’en remettre à une seule source d’énergie pouvant s’avérer dramatique dans l’avenir. Et le gaz naturel est l’une des rares options disponibles à moyen terme et favorable sur le plan énergétique. Il a de nombreux atouts. C’est l’énergie fossile la plus vertueuse, avec des émissions de CO2 inférieures de 25 à 30 % à celles du fioul et de 50 % à celles du charbon. Le recours au gaz ne génère quasiment pas de déchets et il ne nécessite pas de prélèvements d’eau. Transporté et distribué quasi-exclusivement par des canalisations enterrées, il jouit d’une très grande acceptabilité sociale, notamment en comparaison avec les projets de lignes électriques à haute tension. Les réserves sont garanties pour les soixante-dix prochaines années à des conditions économiques acceptables. Les rendements sont élevés, allant de 54 % pour les cycles combinés à turbine à gaz à 75 % grâce à la cogénération. Le gaz naturel fournira une transition idéale vers une économie sans carbone.

Dans le bâtiment et en termes de rejet de CO2 dans l’atmosphère, le gaz apparaît comme une solution pertinente non seulement par rapport au fioul mais aussi en comparaison avec l’électricité. Le chauffage au gaz naturel produit 230 grammes de CO2 dans l’atmosphère par kilowattheure. Par comparaison, le chiffre de 180 grammes par kilowattheure souvent retenu pour le chauffage électrique est très contestable. En effet, ces données non actualisées datent d’une période relativement ancienne allant de 1998 à 2003 où existait une certaine surcapacité nucléaire par rapport à nos besoins ; les pics de consommation d’énergie électrique en hiver sont couverts aujourd’hui essentiellement par des centrales thermiques peu optimisées qui permettent de compléter la production d’énergie d’origine nucléaire. Une estimation de 280 grammes par kilowattheure, au mieux, apparaît un minimum pour un parc optimisé. Au vu de l’état actuel du parc nucléaire et dans l’attente de la mise en place de l’EPR, le contenu en CO2 du kilowattheure additionnel pour tout nouveau chauffage électrique est sans doute plus proche de 600 grammes. Le développement du chauffage électrique n’est donc pas la solution, sachant que l’énergie nucléaire reste surtout adaptée à des usages relativement stables, et non modulés, et que tout nouveau chauffage électrique sera alimenté par une énergie importée ou produite par une installation thermique mal optimisée.

Le gaz naturel offre également des solutions technologiques intéressantes. C’est même la solution la plus compatible avec le déploiement des énergies renouvelables. Parce que le chauffage au gaz naturel s’appuie sur l’eau comme vecteur et que ce système fonctionne sur la base d’une « boucle d’eau chaude », il peut être facilement complété par les apports de l’énergie solaire ou d’autres énergies renouvelables (bois, pompes à chaleur) ; en outre, contrairement aux systèmes de chauffage électrique, il présente l’avantage de reposer sur un circuit de distribution de chaleur tout à fait adaptable et évolutif. Le gaz naturel se prête aussi aux technologies performantes d’aujourd’hui et de demain. La technologie performante d’aujourd’hui est la chaudière à condensation, qui permet un gain de rendement de 15 à 30 % par rapport à une chaudière classique. La technologie performante de demain est la chaudière électrogène, qui fournit à la fois la totalité du besoin thermique et une partie du besoin électrique de l’habitation.

L’alliance du gaz naturel et des énergies renouvelables est donc l’un des moyens efficaces pour atteindre les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement. Mais par quels moyens peut-on promouvoir cette solution ? Il faut privilégier tout d’abord des mesures simples. Tout d’abord, l’instauration d’une fiscalité favorable aux produits innovants paraît tout à fait opportune et les systèmes de crédits d’impôts doivent être adaptés aux technologies futures. Il serait à cet égard judicieux de réorienter le crédit d’impôt existant pour l’installation d’une chaudière à basse température, qui correspond à un produit désormais banalisé et mature, vers les chaudières à condensation pour les logements neufs à hauteur de 40 % du montant de l’investissement. Un tel transfert n’aggraverait pas la situation de nos finances publiques. Il serait également opportun de prévoir un crédit d’impôt de 50 % pour les futures chaudières électrogènes pour préparer l’avenir.

La seconde recommandation de Gaz de France pour accompagner le développement de solutions innovantes est de revoir l’évaluation des impacts et la mesure des émissions de CO2 sur une base incontestable. Toute mesure fiscale ou réglementation étant assise sur une norme ou un critère, il faut s’assurer que ce critère est pertinent et qu’il est construit à partir de chiffres avérés. De même, il convient de s’assurer à tout moment que ce critère est pérenne, c’est-à-dire qu’il corresponde aux usages prévisibles pour les 15 à 20 ans à venir. GDF propose à ce titre la définition d’une méthodologie officielle et commune de calcul et la création d’un observatoire permanent des émissions de CO2 liées aux usages énergétiques dans les bâtiments.

Il est par ailleurs nécessaire pour évaluer l’efficacité CO2 des différentes filières de continuer à raisonner en énergie primaire et non secondaire, c’est-à-dire de prendre en compte l’ensemble de la chaîne énergétique, de la production à la consommation, et non pas seulement l’un de ses maillons. Aujourd’hui, c’est le raisonnement qui prévaut dans les conventions internationales et il importe de ne pas s’en écarter.

GDF approuve la fixation de nouveaux objectifs de consommation d’énergie dans le bâtiment par le Grenelle de l’environnement. Il est possible et réaliste d’imposer des contraintes plus strictes dans la réglementation thermique. GDF propose de retenir dans le neuf à l’horizon 2010 une consommation maximale des logements comprise entre 60 et 100 kilowattheure d’énergie primaire par mètre carré et par an, selon les zones géographiques dans lesquelles sont situés les bâtiments. Pour l’ancien, il serait opportun d’envisager une incitation fiscale dès 2008 pour toute rénovation énergétique, respectant selon les zones géographiques un plafond compris entre 80 et 130 kilowattheure par mètre carré et par an.

En ce qui concerne le secteur des transports, le carburant gaz naturel véhicule (GNV) est jusqu’ici utilisé par des flottes captives lourdes. Est-il possible d’aller plus loin ? Le GNV pourrait contribuer immédiatement à réduire les émissions du transport routier. Ce carburant ne rejette pas de particules ; il émet 25 % de moins de CO2 que l’essence et présente un niveau d’émission équivalent aux diesels propres. Mais les moteurs GNV devraient bientôt émettre 17 à 20 % de moins que leurs équivalents diesel compte tenu du fort potentiel d’amélioration. Ces moteurs, qui sont pour l’instant des moteurs à essence sur lesquels a été ajouté un réservoir additionnel à GNV, sont en effet aujourd’hui encore non optimisés pour l’utilisation du gaz naturel. Le GNV ouvre la porte aussi à des solutions évolutives vers les énergies renouvelables, avec le bio-GNV, produit à partir de la biomasse. Est également étudiée une solution associant GNV et moteurs électriques et cette solution pourrait constituer l’option de passage vers l’hydrogène demain.

Dans ces conditions, la question qui se pose est la suivante : pourquoi les Allemands et les Italiens ont-ils massivement développé le GNV et pourquoi la France ne l’a-t-elle pas fait ? 500 000 véhicules roulent au GNV dans ces deux pays. Le développement du GNV en France passe par deux types de mesures : tout d’abord, un appui des pouvoirs publics au développement d’un système de distribution et de stations services, et d’autre part, une visibilité en terme de fiscalité incitative, avec notamment le maintien durable d’un niveau de TIPP réduit.

Les efforts pour soutenir la R&D sont par ailleurs indispensables si l’on veut atteindre l’objectif ambitieux du facteur 4 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire une division par 4 de ces émissions dans les pays industrialisés, qui est nécessaire pour espérer diviser par 2 ces émissions à l’échelle mondiale et ne pas dépasser une hausse des températures de 2 degrés. 70 % de la recherche effectuée par GDF est orientée vers le développement durable. Cette recherche concerne les différents usages de l’énergie et vise notamment à explorer les voies permettant d’améliorer l’isolation et la performance énergétique des bâtiments. Une expérience est actuellement réalisée dans la Drôme avec une maison bioclimatique à faible impact environnemental. GDF travaille aussi de façon concrète sur le problème du captage et du stockage du CO2. Plusieurs projets opérationnels sont en cours. Une expérimentation d’injection de CO2 dans un ancien gisement de gaz naturel est conduite avec une filiale néerlandaise, Proned. Une convention a été signée avec un électricien européen en vue d’un projet intégré, consistant à capter le CO2 d’une centrale électrique à lignite et à le réinjecter dans un gisement de gaz. Les enjeux du facteur 4 sont tels que l’effort en matière de R&D est incontournable. Pour appuyer cet effort, un crédit d’impôt recherche « environnemental » bénéficiant d’un taux majoré pourrait utilement être créé.

Le président Christian Jacob a souhaité savoir si le bilan carbone, qui servira de base à une éventuelle taxe carbone ou à l’étiquetage des produits, devait intégrer les consommations d’énergie primaires ou secondaires. Ce bilan doit-il, par exemple dans le cas de l’étiquetage d’une boîte de camembert, se contenter d’intégrer les émissions de CO2 liées au transport des marchandises de la laiterie à l’épicerie ou au contraire prendre en compte également les émissions produites lors de la production du soja qui nourrira la vache laitière ?

M. Jean-Marie Dauger a répondu que pour être véritablement objectif et incontestable, le bilan carbone devait intégrer l’ensemble des étapes qui conduisent à l’élaboration du produit final. Si l’on se limite à la dernière étape, on risque de se tromper sur les filières à promouvoir et d’aller à l’encontre de l’objectif recherché dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Un étiquetage qui reposerait sur la seule consommation d’énergie secondaire serait faussé. De même, il serait inopportun de se baser en matière de logement sur la seule capacité de ce logement à retenir l’énergie pour évaluer son efficacité énergétique. C’est vrai en matière de CO; ça l’est tout autant pour l’efficacité globale.

Mme Fabienne Labrette-Ménager a confirmé que l’un des obstacles au développement du GNV était l’absence de stations services. Elle a indiqué, qu’au cours d’un déplacement en Allemagne l’an dernier, elle avait pris connaissance de projets intéressants autour du biométhane, intégrant à la fois les déchets et les effluents d’élevage. Des projets de mélange commencent à apparaître en France ; GDF est-il prêt à investir dans des projets publics-privés dans ce domaine ?

M. Jean-Marie Dauger a répondu que la production de bio-GNV était une piste intéressante, notamment en termes d’efficacité globale par rapport à d’autres biocarburants, mais qu’il était encore trop tôt pour envisager un développement industriel. Il a ajouté en complément à sa réponse au Président Christian Jacob que toute taxation du carbone devrait se faire sur la base de données sérieuses et actualisées.

Mme Fabienne Labrette-Ménager a demandé quel était l’avenir des motorisations hybrides. EDF a mis en place des partenariats avec les constructeurs automobiles pour des moteurs essence-électricité. De tels partenariats existent-ils entre GDF et des constructeurs automobiles ?

M. Jean-Marie Dauger a souligné l’existence en France de certaines réticences des motoristes, qui préfèrent concentrer leurs efforts sur le perfectionnement des moteurs diesel, compte tenu de la forte demande en France pour les véhicules diesel. Il est frappant de constater la présence de voitures GNV dans les catalogues de Mercedes et de Volkswagen et leur absence totale dans les véhicules de moyenne gamme proposés par les constructeurs français. GDF a mis au point un système de remplissage à domicile pour le GNV mais cela ne suffira pas. Les constructeurs automobiles ne seront prêts à développer des voitures particulières au GNV que s’il existe une forte impulsion des pouvoirs publics en la matière.

Le président Christian Jacob a rappelé que l’habitat représentait 40 % de la consommation énergétique en Europe. Il a demandé si les critères mis en avant par la démarche HQE pouvaient constituer un socle de départ pour avancer en matière de normes sur le neuf, notamment dans le cadre de la préparation de directives européennes sur les normes de construction.

M. Hervé Castermann, représentant la direction du développement durable de GDF, a indiqué que les critères HQE définis par les professionnels du bâtiment pouvaient constituer une base de départ intéressante mais qu’il ne s’agissait qu’un des premiers pas à franchir pour réduire véritablement le niveau des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. Sa normalisation et sa généralisation seraient de bonnes choses pour impliquer la filière du bâtiment. Néanmoins, il est souhaitable d’aller plus loin dans les grands programmes et la réglementation.

Le Président Christian Jacob a estimé qu’il fallait bien partir de quelque chose pour avancer. Il s’est déclaré réservé sur toute taxation contraignante, qui serait intégrée dans le coût de production et systématiquement répercutée dans le prix et conduirait in fine à de l’inflation. En revanche, la création d’un crédit d’impôt peut permettre la création d’emplois.

Mme Fabienne Labrette-Ménager a souligné qu’il faudrait également adapter le système de formation.

Le président Christian Jacob a rappelé le contenu de sa question introductive sur le secteur des transports. Actuellement, le crédit d’impôt en faveur des véhicules propres renvoie à certaines filières (voitures électriques, GPL par exemple). L’objectif poursuivi est cependant de promouvoir un faible niveau d’émissions de CO2, quel que soit le processus ou le type de motorisation, plutôt que de soutenir certaines filières. N’est-il pas préférable d’avoir un crédit d’impôt fondé sur un plafond d’émissions ?

M. Jean-Marie Dauger a estimé qu’il s’agissait d’une idée séduisante mais qu’il importait d’être sûr de ce que l’on mesure. Le risque est d’avoir une législation figée, reposant sur une norme dépassée, et de raisonner avec des chiffres non actualisés. Il est également important de différencier dans son raisonnement les données moyennes des données marginales. Enfin, s’agissant du secteur du logement, il convient d’ajouter que 60 à 70 % des constructions neuves sont actuellement équipées en chauffage électrique, le gaz naturel n’étant prévu que dans près de 30 % des cas.

——fpfp——