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Mercredi 20 octobre 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Christian Jacob Président et de M. Pierre Lequiller Président de la commission des affaires européennes

– Audition, commune avec la commission des affaires européennes, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, lors d’une audition commune avec la commission des affaires européennes, M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.

Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le Ministre, mes chers Collègues. Nous sommes très heureux de vous accueillir, Monsieur le Ministre, conjointement avec le Président Christian Jacob, avec qui nous avions décidé de cette audition conjointe, qui est d’ailleurs une première entre nos deux commissions, qui ont beaucoup de sujets d’intérêt commun.

Je suis d’autant plus heureux de vous accueillir aujourd’hui que vous allez quitter vos fonctions sur un succès européen très important. Le dernier Conseil des ministres des transports a en effet su dégager un compromis sur un texte majeur, sur lequel vous vous étiez particulièrement investi : la proposition de directive sur l’Eurovignette, c'est-à-dire la possibilité de facturer les coûts externes, en particulier de pollution, engendrés par le trafic des poids lourds, sujet sur lequel travaille en particulier notre rapporteur Gérard Voisin, qui s’excuse de n’avoir pu être des nôtres aujourd’hui. Nous serons heureux de vous entendre sur les perspectives ouvertes par cet accord.

Autre sujet européen, dont notre Commission a encore débattu la semaine dernière, la poursuite de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Nous sommes très attentifs sur la refonte annoncée des directives du « paquet ferroviaire européen », dont l’objectif affiché est de garantir un accès non discriminatoire des entreprises ferroviaires des pays de l’Union à l’ensemble des réseaux. Je crois que cette mutation est nécessaire mais elle doit être accompagnée, expliquée et maîtrisée. Pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous préciser le calendrier d’ouverture à la concurrence des réseaux ferrés qui ne le sont pas encore ?

Dans le domaine de l’aérien, une directive réformant les enquêtes accidents a été adoptée. Elle implique une profonde réforme de notre BEA, Bureau d’enquêtes analyses. Notre collègue Odile Saugues, qui s’excuse également de son absence, n’ayant pas pu prendre son avion tout à l’heure à Clermont Ferrand car l’accès à l’aéroport était bloqué, a déposé une proposition de loi élaborée en concertation avec vos services. Pouvez vous nous préciser votre position à ce propos ?

Enfin, pourriez-vous nous dire, Monsieur le Ministre, à l’aube de l’ouverture du débat européen sur les perspectives financières, comment l’Union européenne peut favoriser le développement des réseaux de transports européens, et en particulier le transfert modal vers le rail et le maritime ?

Comme d’habitude, après votre exposé, vous pourrez répondre aux questions des parlementaires, qui se joignent à moi pour vous féliciter pour l’octroi de la plus haute décoration allemande qui vous sera remise tout à l’heure.

Le Président Christian Jacob. Merci. Nous nous sommes volontiers associés à cette initiative de la Commission des affaires européennes, l’important étant d’entendre le ministre. Nous sommes inquiets des résultats de l’ouverture du fret à la concurrence et mes collègues et moi-même serions sensibles à ce que vous fassiez le point sur ce question.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports. Merci Messieurs les Présidents. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai bientôt « mes chers collègues », je suis heureux d’être parmi vous, même si nous traversons en ce moment une période difficile, qui mobilise toutes nos forces pour que les réseaux de transports puissent continuer de fonctionner. Je voudrais remercier le Président de la Commission des affaires européennes, M. Pierre Lequiller, pour son initiative et le Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Christian Jacob, d’avoir accepté cette audition conjointe. Je me félicite que la représentation nationale se penche sur les défis de la politique des transports qui vont se poser à l’Europe dans les années à venir.

Afin de contribuer à l’émergence d’une économie à la fois compétitive et plus respectueuse de l’environnement, l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne sont déterminés à mettre en œuvre une politique des transports ambitieuse. Elle doit promouvoir l’essor du report modal, le développement de modes de transports durables et le progrès technique et technologique de nos réseaux de communication. Le tournant est clairement engagé en faveur d’un système de transport intermodal, à la fois plus performant et plus propre, qui réponde aux besoins de mobilité de tous les européens, tout en prenant en compte les contingences climatiques.

Cette année 2010 a montré que le secteur des transports présentait des enjeux nouveaux et cruciaux, auxquels l’Europe est tenue d’apporter une réponse commune. Dans le domaine aérien, le nuage de cendres du volcan islandais, vis-à-vis duquel la réponse européenne a un peu tardé, et le débat sur la mise en place de scanners corporels de sécurité dans les aéroports, ont mis en avant la nécessité d’une coopération renforcée des Etats européens, rendant incontournable la prochaine mise en place du « ciel unique » européen.

La mise en oeuvre du traité de Lisbonne suscite également des arbitrages importants pour harmoniser les normes des Etats membres et ainsi permettre la libre circulation des personnes et des biens au sein de l’Union européenne. Ceci est particulièrement important sur les routes, en faisant progresser le dossier des poursuites transfrontalières lors des infractions commises par des personnes dont les véhicules sont immatriculées dans d’autres pays d’Europe.

Les présidences espagnole, au premier semestre 2010, puis belge, au second semestre, ont pris les problèmes à bras le corps et ont ainsi permis l’ouverture de chantiers législatifs décisifs. Il s’agit notamment de la révision de textes à forts enjeux, comme celle du « premier paquet ferroviaire ».

Dans le domaine maritime, le lancement du « Schengen de la navigation », amorcé à l’occasion du Conseil transport informel qui s’est tenu à la mi-septembre 2010 à Anvers, constitue une avancée intéressante. Cette démarche vise à donner au transport maritime intra-européen de marchandises la même liberté de circulation qu’au transport terrestre.

Par ailleurs, la préparation du Livre blanc sur l’avenir de la politique des transports, qui intègre la problématique « transports-climat » et la reprise, effectuée sous la présidence belge, de la révision de la directive Eurovignette, contribueront à engager l’Union européenne dans une nouvelle politique de transports durables.

A ce stade, il est donc opportun de faire avec vous un point sur l’avancée au niveau européen de la directive Eurovignette, sur le premier paquet ferroviaire, sur le ciel unique européen et sur les poursuites transfrontalières pour les infractions routières.

Comme vous le savez, la directive Eurovignette est un texte qui encadre les péages. Son projet de révision vise à améliorer l’impact environnemental du transport routier de marchandises, en autorisant les Etats membres à taxer les pollutions générées par le trafic de poids lourds. L’objectif est de favoriser le report modal et d’inciter les opérateurs à modifier leurs comportements. Il s’agit d’un projet ambitieux, grâce auquel les produits des péages serviront toujours à financer les infrastructures de transport, mais pourront aussi permettre de prendre en charge les coûts environnementaux, selon le principe « pollueur-payeur ».

Après deux années de négociations, la présidence belge est parvenue à un accord lors du Conseil des ministres européens des transports de vendredi dernier. Les péages pourront donc être augmentés par les pays qui le souhaitent, à hauteur de trois à quatre centimes par kilomètre, pour prendre en compte des critères environnementaux, le bruit et la pollution. Je rappelle que les péages actuels coûtent entre quinze et vingt-cinq centimes par kilomètre en moyenne. De plus, les gouvernements qui le souhaitent, auront aussi la possibilité d’augmenter les tarifs aux heures de pointe sur des plages de cinq heures dans la journée, dans le but de réduire les bouchons. L’augmentation pourra s’élever jusqu’à 175  % des tarifs en heures creuses.

Cette avancée importante, soutenue par la France, constitue un engagement fort de l’Europe en faveur du report modal du transport de marchandises de la route vers le rail, le maritime et le fluvial. C’est également un encouragement, pour les transporteurs, à acheter des véhicules moins polluants, puisqu’ils seront moins taxés aux péages.

La refonte du premier paquet ferroviaire, qui est composé de trois directives de 2001, est un projet primordial : il a pour but de clarifier les modalités de mise en œuvre de la libéralisation du secteur ferroviaire en Europe. Adopté le 17 septembre dernier par la Commission européenne, ce texte précise les principes de la législation en vigueur.

Le Parlement européen est fortement mobilisé en faveur de ce projet de révision. Il a d’ores et déjà indiqué à la Commission l’insuffisance des pouvoirs attribués aux organismes de régulation. Le Parlement a, par ailleurs, proposé le principe d’une tarification de l’accès à l’infrastructure, afin de stimuler les investissements publics et privés dans le secteur ferroviaire.

En France, la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, que votre collègue Yanick Paternotte a rapportée au nom de la Commission du développement durable, transpose certaines dispositions du premier paquet ferroviaire. Ce texte crée notamment une autorité de régulation indépendante, l’ARAF (Autorité de régulation de l’activité ferroviaire), afin de s’assurer en particulier du libre accès du territoire français au trafic international de voyageurs qui, comme vous le savez, est ouvert depuis le début de cette année 2010.

Nous sommes donc en parfaite conformité avec le premier paquet ferroviaire, mais nous sommes favorables à sa révision, qui apparaît nécessaire au vu des difficultés pratiques que les Etats membres ont pu rencontrer dans la mise en œuvre de certaines dispositions. Par ailleurs, si je partage la majorité des objectifs proposés par le projet de texte de la Commission européenne, je souhaite que ce texte devienne plus ambitieux et plus équilibré.

Plus ambitieux, dans le sens où il est nécessaire de supprimer toute barrière administrative et technique au développement du trafic international de marchandises comme de voyageurs. La France proposera dans les prochaines semaines à la Commission européenne et au Conseil la création d’une agence de régulation ferroviaire européenne, et le renforcement de l’agence ferroviaire européenne, dont le siège est à Valenciennes, en matière de supervision des procédures nationales d’homologation du matériel roulant.

Plus équilibré, ensuite, car ce texte ne devrait pas concerner uniquement la séparation « juridique, organisationnelle et décisionnelle » des opérations de facilité des entreprises ferroviaires, « Gares & Connexions » au sein de la SNCF, sans demander explicitement la séparation comptable entre gestionnaire d’infrastructures et entreprise ferroviaire historique. La séparation, qui existe en France entre RFF et la SNCF, n’est pas effective dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette situation crée des distorsions de concurrence importantes en défaveur des nouveaux entrants. Il convient, pour les supprimer, d’inclure dans le projet de directive une séparation claire entre les organismes percevant les péages et ceux amenés à les payer.

La coopération européenne en matière de navigation aérienne est une dynamique ancienne : « Eurocontrol », l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, a été créée dès 1960. Nous voulons améliorer encore cette démarche, en mettant fin au morcellement du ciel européen. En 2004, puis en 2009, deux paquets de règlements européens ont été adoptés pour bâtir un « ciel unique » européen.

Le texte de 2009 prévoit que les Etats membres prendront l’initiative de créer, d’ici 2012, des « blocs d’espaces aériens fonctionnels », au sein desquels une gestion plus intégrée de la circulation aérienne sera mise en place. L’objectif est de s’affranchir des frontières nationales, pour proposer des routes aériennes plus directes, et ainsi réduire les temps de vols et les consommations de carburant. Ce progrès bénéficiera aux compagnies aériennes et à leurs passagers, tout en contribuant à la préservation de l’environnement. La France s’est associée avec l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse pour gérer le principal bloc d’espace aérien européen. A ce titre, un accord devrait être signé d’ici la fin de l’année.

Afin de permettre une prise de décision rapide et coordonnée en cas de crise, mais aussi une meilleure performance au quotidien, la France a proposé à ses partenaires de passer à une organisation plus intégrée dans le cadre de ce FABEC. Nous préconisons ainsi un rapprochement entre les formations des personnels aériens, et un partage des services entre les différents centres de contrôles. Ces propositions font notamment suite au rapport que m’a remis le 6 septembre M. Gilles Savary, membre de la Commission Transport du Parlement européen. Je lui avait confié, avec M. Jean-Louis Borloo, une mission consistant à expertiser la situation du ciel européen. Notre contribution est étudiée sérieusement par tous les pays partenaires. Je souhaite que nous puissions, à terme, mettre en place un prestataire de service unique au niveau européen.

Enfin, la France et l’Allemagne coopèrent également avec le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et plusieurs autres pays dans le projet SESAR, qui est le volet technologique du « ciel unique » européen. Il s’agit de construire un nouveau système d’assistance automatisée du contrôle aérien, complètement harmonisé au niveau européen, et intégrant l’ensemble des données de navigation au sol et à bord pour un contrôle optimisé de toutes les trajectoires d’avions.

Depuis 2002, le Gouvernement mène un combat important en faveur de la sécurité routière. Le nombre de vies perdues sur les routes de France, qui était supérieur à 8 000, a été divisé par deux en sept ans. Ces résultats sont dus, pour une large part, à notre politique de contrôles et de sanctions automatisés et renforcés. Conformément au souhait du Président de la République, nous poursuivons nos efforts afin qu’il y ait moins de 3 000 morts en 2012.

A cette fin, nous voulons notamment résoudre le problème causé par le comportement de certains conducteurs dont le véhicule est immatriculé à l’étranger. Dès lors qu’ils dépassent la vitesse maximale autorisée en France et qu’ils sont interceptés par les forces de l’ordre, ces conducteurs sont dûment sanctionnés. En revanche, lorsque l’excès de vitesse est constaté par l’intermédiaire d’un radar fixe, ils ne peuvent pas être poursuivis, puisque leur plaque d’immatriculation ne permet pas leur identification.

Ces conducteurs représentent 25  % des contrevenants en moyenne, voire 50  % l’été. Ce pourcentage s’élève même à 75  %, l’été, dans certains départements français frontaliers de la Belgique, du Luxembourg et de l’Allemagne. Se doter des moyens adéquats pour traiter les infractions au code de la route commises en France par des conducteurs de véhicules immatriculés à l’étranger est donc un enjeu majeur de sécurité routière.

L’Europe a pris ce dossier en main. Depuis le 1er juillet dernier, la présidence belge de l’Union européenne a relancé des travaux initiés en 2008 par la présidence française sur les poursuites transfrontalières des infractions routières. Nous espérons qu’un projet d’accord pourra être mis à l’ordre du jour du Conseil dès le mois de décembre prochain.

En attendant qu’une solution commune soit adoptée pour l’ensemble de l’Europe, la France conclut des accords bilatéraux avec ses pays voisins. Des accords ont été signés avec l’Allemagne le 14 mars 2006, et avec la Belgique le 13 octobre 2008. Nous disposons également d’accords de coopération policière et douanière avec le Luxembourg, la Suisse et l’Italie, limités essentiellement aux infractions commises dans nos départements limitrophes. Enfin, nous menons des négociations bilatérales avec l’Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni pour avancer sur ce sujet.

Par ailleurs, des dépliants en langues étrangères, reprenant les principales règles du code de la route à respecter sur le territoire français, ont été largement diffusés au cours des étés 2009 et 2010, en relation avec les sociétés d’autoroutes et les forces de l’ordre.

Ainsi, le Gouvernement est déterminé à mettre fin à l’impunité des conducteurs roulant avec des plaques d’immatriculation étrangères, en soutenant des initiatives européennes efficaces, en concluant des accords bilatéraux et en assurant la bonne information des conducteurs étrangers. En parallèle, lors de l’examen en première lecture de la LOPPSI devant votre assemblée, j’avais pris l’engagement auprès de votre collègue Gérard Voisin de mettre en place un groupe de réflexion sur la sujet. La prochaine réunion de ce groupe est d’ailleurs prévue mardi prochain.

Je vous remercie vivement, une nouvelle fois, de m’avoir permis de faire le point sur les dossiers européens de transports. Votre audition commune m’offre l’occasion de vous montrer que ces grands dossiers avancent à un bon rythme. Vous le voyez, notre action au niveau européen a pour but de bâtir un système de transports intermodal, plus performant, plus propre et plus sûr, pour l’ensemble de l’Europe.

Enfin, sachez que l’année 2011 sera riche en perspectives. Je pense notamment à l’intégration du Réseau transeuropéen des transports qui franchira une nouvelle étape, avec la définition et la mise en œuvre d’un cadre d’orientation pour le développement de ces réseaux à l’horizon 2020. Nous ferons en sorte que les corridors prioritaires qui traversent la France soient soutenus financièrement par l’Union européenne, à l’occasion de l’élaboration des perspectives financières européennes pour la période 2014-2020. Je pense notamment aux LGV Lyon-Turin, GPSO et Perpignan-Figueras. Ainsi, la France sera au cœur du système de transports européens que nous construisons pour demain. Je vous remercie.

Mme Anne Grommerch. Merci pour votre exposé, Monsieur le Ministre. Je souhaiterais poser quelques questions au nom de mon collègue Gérard Voisin qui n’a pas pu être présent. La Commission européenne va publier un Livre blanc sur les transports, pourriez-vous nous indiquer les axes que le gouvernement français souhaite voir privilégier ? L’acquisition des rames Siemens par Eurotunnel vous a choqué. Pourriez-vous nous préciser votre sentiment sur cette question ? L’Etat français peut-il accepter qu’une filiale de la SNCF acquière des matériels non conformes aux normes de sécurité ? Dans le domaine du fret ferroviaire et du ferroutage, nous avons le sentiment, bien que les incitations européennes ne manquent pas, que les orientations annoncées tardent à se traduire dans les faits. A quel horizon pensez-vous que les infrastructures seront en place pour que le rail puisse drainer une part importante du trafic routier ? Quatrième question, qu’attendez-vous du plan d’action 2011-2020 pour la sécurité routière ? Les résultats restent insuffisants à l’échelle européenne. Par ailleurs, la directive relative aux systèmes intelligents de transport va voir le jour. Quelles sont les priorités françaises pour promouvoir ces systèmes ? Enfin, à combien estimez-vous les recettes que nous pourrions percevoir à travers la mise en œuvre de l’Eurovignette ?

M. Yanick Paternotte. S’agissant de la directive européenne sur les incitations en faveur des « corridors fret », où en est-on quant à la volonté de dégager des priorités sur les corridors de frets transnationaux, en particulier entre la France et l’Allemagne ? Le FABEC, FAB-Europe centrale, suppose une organisation des contrôleurs aériens. Lors de la dernière grève, certains syndicats estimaient que les contrôleurs iraient vers un statut d’appartenance à la fonction publique européenne, d’autres redoutaient un regroupement franco-français. Qu’en est-il ?

M. Maxime Bono. Je souhaite saluer l’avancée significative de l’Eurovignette. Pour la refonte du premier paquet ferroviaire, la Commission propose pour 2011 une évaluation globale des avantages. Je souhaiterais que la même évaluation soit faite au niveau national. Quel est par ailleurs votre sentiment sur le futur Livre blanc dont certains éléments sont sortis dans la presse et auxquels mon groupe n’est pas favorable ? Si cette libéralisation totale du trafic ferroviaire doit intervenir, quelles mesures prendrez-vous pour que la SNCF puisse l’aborder dans les meilleures conditions pour jouer à fond la carte de l’intermodalité ? Pour Eurostar, le choix de Siemens apparaissait non définitif. Le sommet de Deauville a-t-il dénoué ce dossier ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Notre collègue Odile Saugues, qui n’a pu être présente, souhaitait poser les questions suivantes. Quelle est votre position sur le chantage à la délocalisation de Ryanair, qui menace de fermer sa base à Marseille ? Quelles démarches le Gouvernement entend-il engager pour faire cesser les interprétations abusives des compagnies aériennes, qui prétendent employer du personnel détaché de droit étranger, sur des postes permanents ? S’agissant des propositions de directive réformant les redevances de sûreté aérienne, pensez-vous que le désaccord entre le Parlement européen et le Conseil sur le financement par les Etats des mesures de sûreté additionnelles puisse être surmonté ? Enfin, quel sera le calendrier à venir de la mise en place du « ciel unique » européen ? Ne pensez vous pas qu’il faille favoriser une mobilité des personnels entre les agences européennes, Eurocontrol, et la DGAC pour améliorer le rapport coût/efficacité de l’ensemble, car la superposition de structures européennes et nationales sans réduction à due concurrence de ces dernières pose problème.

M. Jacques Desallangre. Devant la soumission de l'Europe au dogme de la concurrence libre et non faussée, et avant toute prise de position, il conviendrait de disposer d’un bilan détaillé des effets de la libéralisation du fret, sans oublier les 262 gares fermées, les milliers de camions jetés sur les routes et les milliers d’emplois sacrifiés. Certaines infrastructures se trouvent dans un état inquiétant ; 30 à 60 % de nos infrastructures risquent d’être inutilisables dans quelques années. La concurrence à tout prix n’est pas la panacée. L’opérateur historique assure une mission de service public qu’il ne faut pas oublier. Une logique de rentabilité pure serait irresponsable et il ne faut pas se soumettre au dogme de la libéralisation. Le surendettement de Réseau Ferré de France (RFF) doit être résolu, car il plombe les coûts de la SNCF par des péages trop élevés et interdit les investissements nécessaires. A propos du régulateur, sera-t-il préoccupé, comme ses prédécesseurs, de pousser uniquement les feux de la libéralisation du secteur ? Ce serait irresponsable. Il faudra que le Gouvernement ne se soumette pas aux dogmes aveugles de la Commission européenne.

M. Jean Gaubert. De quels moyens RFF dispose-t-il pour entretenir, et mettre aux normes, des lignes qui sont parfois qualifiées de secondaires ? Certes, le TGV se développe mais les voies sont souvent en très mauvais état et quand on interroge RFF, la réponse est immanquablement : l’argent manque pour entreprendre des travaux. Par ailleurs, nombre d’utilisateurs du TGV ayant payé leurs billets au plein tarif se retrouvent en surréservation assis sur le sol. Les compagnies aériennes contrôlent les effets du surbooking. Cela ne semble pas être le cas de la SNCF. Quelles solutions peut-on apporter à ce problème ?

M. Antoine Herth. Au sein de l’Association des régions de France, certains responsables se posent la question de l’ouverture à la concurrence, plus particulièrement des TER. Le nouveau règlement européen en préparation va-t-il changer la donne ? Un autre problème majeur réside dans la restructuration du fret. Pouvez-vous intervenir sur les choix qui président aux transferts de personnel entre le service voyageurs et le service fret ? Les entreprises sont en concurrence en matière d’homologation du matériel. L’homologation s’appliquera-t-elle à la Suisse ? Et aura-t-on dans le futur de grands groupes européens capables de concourir avec les futurs géants mondiaux, chinois par exemple ?

M. Christophe Caresche. Nous avons le sentiment que la France et l’Allemagne se trouvent davantage dans une position de concurrence que de coopération, comme le montre le choix par Eurostar de rames Siemens. L’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence fait naître des craintes vis-à-vis de la puissance de la Deutsche Bahn. Ne faudrait-il pas être plus coopératif ? Les règles de sécurité sont invoquées mais nous avons du mal à comprendre que le marché puisse être attribué à une entreprise qui ne respecte pas les règles de sécurité. La création des agences au niveau européen pose aussi la question du maintien des agences françaises. Qu’en est-il de l’ARAF européenne que vous souhaitez et de l’ARAF française qui vient d’être créée ? Ne faut-il pas prévoir une coopération ? Enfin, quelle est votre position sur la proposition de loi réformant le BEA, présentée par notre collègue Odile Saugues, que le groupe socialiste serait tout à fait décidé à soutenir ? Ce sujet mériterait une adaptation législative.

Mme Monique Boulestin. Le Livre blanc de la Commission européenne propose des transformations radicales en ouvrant à la concurrence le transport national de passagers afin de revitaliser le secteur du rail. Ce sujet est très sensible. Les nouvelles lignes à grande vitesse prévues par le Grenelle II seront-elles concernées par cette ouverture à la concurrence, et notamment la ligne Limoges-Poitiers ?

M. Frédéric Cuvillier. La libéralisation a eu des conséquences sur le fret, notamment les wagons isolés, mais elle porte sur les segments profitables et peu sur les segments déficitaires. Alors, comment trouver un équilibre pour un partage des charges ? Se pose également la question des opérateur de proximité sur les réseaux secondaires. Il s’agit là d’enjeux de structuration du territoire importants. Je souhaite également signaler la disparité de traitement entre les lignes françaises et anglaises de la part d’Eurostar. Le tunnel a amené à la suppression de beaucoup de lignes classiques et d’arrêts de TGV. Eurostar n’assure plus que cinq arrêts en gare de Calais, bien que les trains ralentissent à l’approche du tunnel, alors que, dans le même temps, plus de vingt-cinq arrêts sont prévus dans plusieurs gares côté anglais. Comment lutter contre ces disparités ?

M. Philippe Duron. L’ouverture à la concurrence portera-t-elle sur les nouvelles lignes à grande vitesse ? Concernera-t-elle les transports TER ? Il est actuellement question d’un besoin de financement de 270 millions d’euros de la SNCF pour le financement des TER sur le fonds de péréquation pour les trains et l’aménagement du territoire. Il y a eu, par le passé, un contentieux entre la SNCF et les régions sur les calculs de coût et le Gouvernement de M. Raffarin avait engagé un audit qui conduisait à des calculs différents de ceux proposés par la SNCF. Peut-on avoir des précisions sur la manière dont ont été calculés ces 270 millions d’euros ? Enfin, j’ai quelques inquiétudes sur le succès du plan fret du Gouvernement car nous risquons de descendre en dessous du seuil critique de 15 millions de tonnes et nous voyons déjà que des territoires sont oubliés.

M. Didier Gonzales. Quelle sera l’importance de l’impact de la concurrence dans le fret ferroviaire sur l’activité des gares de triage de Villeneuve-Saint-Georges et de Valenton ?

Mme Marie-Line Reynaud. En matière de fret ferroviaire, quelles seront les mesures qui seront prises en matière de sécurité et quelles seront les garanties exigées des nouveaux opérateurs privés dans ce domaine ? Compte tenu de la saturation de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, comment de nouveaux créneaux pourront-ils être ouverts à la concurrence ? Qui s’occupera des lignes déficitaires ? Si la SNCF est l’opérateur par défaut, allez-vous créer une taxe sur les autres opérateurs pour que la SNCF assume ses missions de service public ?

M. Dominique Bussereau. Je souhaite que le Livre blanc soit fondé sur les transports de demain et donne la priorité à l’intermodalité et à la réduction des gaz à effet de serre. Il doit également insister sur les avancées technologiques sur lesquelles l'Europe s’est mobilisée, comme Galileo, l’European Rail Traffic Management System (ERTMS) ou le Single European Sky ATM Research (SESAR) et les transports de demain.

Le tunnel sous la Manche a été construit dans les années 1990 et les problèmes de sécurité sur lesquels je m’étais à l’époque penché, comme auditeur de l’Institut des hautes études de sécurité intérieure, concernaient notamment les risques d’explosion dus à l’IRA et le passage de renards vers le Royaume-Uni. On ne pensait pas encore aux émigrants clandestins ni aux incendies, premières préoccupations de sécurité aujourd'hui. On s’est donc tourné vers de très grandes rames sécables de 400 mètres de long, motorisées aux extrémités et combinées avec des refuges tous les 375 mètres afin de favoriser les éventuelles évacuations. La volonté d’Eurostar d’acquérir de nouvelles rames est tout à fait compréhensible mais il faut tenir compte des enseignements des trois accidents survenus dans ce tunnel en matière d’évacuation des personnes car la catastrophe du tunnel du Mont Blanc a montré que le risque d’asphyxie était la question essentielle. Les rames de 200 mètres de long à motorisation répartie le long du convoi posent donc des problèmes de sécurité ; on ne peut pas faire marcher les gens sur 200 m dans un tunnel. L’autre problème concerne la motorisation répartie qui ne permet pas de redémarrer avec la motrice de tête ou de queue en cas d’incident sur une motrice.

Eurostar a fait une erreur d’annoncer la commande de telles rames sans tenir compte du fait que de nouvelles normes de sécurité n’étaient pas encore établies, sur lesquelles il faut maintenant travailler. Cette affaire a été abordée à Deauville entre le Président de la République et Mme Angela Merkel. Il n’y a pas de protectionnisme déguisé : Alstom a, lui aussi, proposé des rames de 200 mètres à motorisation répartie et j’ai des contacts avec les Britanniques à ce sujet. L’Agence ferroviaire européenne (ERA) devrait participer à ce débat pour éviter que la France et la Grande-Bretagne ne soient accusées de partialité.

La directive consacrée aux systèmes intelligents de transport est la bienvenue. Il conviendra d’être attentif aux problèmes d’harmonisation européenne et d’interopérabilité.

Il faudra voir comment la mise en place de l’Eurovignette va se faire, notamment par rapport à la mise en œuvre de l’écotaxe en France. Celle-ci sera mise en place d’abord en Alsace et son produit sera d’environ 1,2 milliard d’euros, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIFT) bénéficiant d’environ 0 ,8 à 1 milliard d’euros, frais de gestion déduits. Nous devons évaluer la manière dont l’Eurovignette modifiera notre propre dispositif, ce que nous n’avons pas encore fait.

Le Gouvernement se bat pour l’établissement de corridors de fret, qui n’est pas la priorité européenne, mais il existe des coordinations entre réseaux nationaux, la France participant, d’ici 2013, à la création de trois de ces corridors. Les coordinateurs dans chaque pays pourront jouer un rôle très utile.

Il y aurait deux modèles pour le Bloc d’espace aérien fonctionnel Europe Centrale (FABEC) : soit le modèle régalien classique français, soit le statut de fonctionnaire européen, qui est exclu. Le FABEC ne sera pas une institution communautaire. Il peut néanmoins y avoir un statut de salarié d’une organisation internationale. M. Gilles Savary propose que l’on se base sur le statut actuel d’Eurocontrol.

Les règles françaises s’imposent à Ryanair, notre décret étant conforme au droit européen. La procédure judiciaire actuelle doit se poursuivre et le Gouvernement ne cédera pas au chantage : Ryanair doit respecter le droit social et du travail français. Des poursuites seront engagées dans tous les cas semblables. Il ne s’agit pas d’interdire les personnels détachés mais il faut que Ryanair respecte les règles, comme easyJet l’a fait en son temps. Je comprends l’émotion qui a cours à Marseille mais d’autres compagnies sont en train de s’y établir, comme la filiale d’Air France, Transavia. Je souhaite que Ryanair se développe à Marseille dans le respect du droit français.

S’agissant des redevances de sécurité, il existe un fort désaccord entre le Parlement européen et le Conseil. Le Parlement estime que les redevances doivent être affectées exclusivement aux coûts de sécurité et le Conseil considère que c’est une position inacceptable. Chacun campe sur ses positions, au risque de faire échouer le projet, et le gouvernement français ne peut que le déplorer.

Le calendrier de mise en place du « ciel unique » européen, sur lequel le rapport de M. Gilles Savary a donné des pistes de réflexion, dépendra de l’avancée du dialogue social. La mobilité du personnel est d’ores et déjà une réalité. Il est important que les tâches ne soient pas dupliquées.

Nous examinons avec intérêt la proposition de Mme Odile Saugues de réformer le bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). Mme Saugues a une grande connaissance du sujet et sa proposition a été signée au-delà de son groupe politique. Il faut cependant rappeler que le BEA, d’excellente réputation, est souvent cité en exemple par les grandes nations aériennes comme les Etats-Unis. Il a toujours fait les bonnes préconisations, que ce soit lors de l’accident de l’Airbus qui procédait au large de Perpignan à des essais préalables à sa remise en service, lors de la catastrophe du vol AF 447, comme dans d’autres dossiers où le nombre des victimes était moins important. Aussi, avant de réformer le BEA, et si en tant que libéral je suis a priori favorable aux autorités indépendantes, il faudra un examen approfondi de cette question afin que soient pleinement garantis le principe de l’indépendance de l’enquête et la conformité aux exigences internationales et européennes. Nous ne sommes pas fermés à la proposition de Mme Odile Saugues, qui mérite un examen de fond qui n’est pas encore achevé.

Je répondrai à M. Maxime Bono que la France n’est pas opposée à la refonte du paquet ferroviaire mais que nous souhaitons que des éléments nouveaux soient mis en œuvre, comme une autorité de régulation indépendante.

Je voudrais dire à M. Jacques Dessallangre que je respecte les principes auxquels il est attaché, même si je ne partage pas ses opinions.

M. Jean Gaubert a abordé les questions de la rénovation des infrastructures et de la politique tarifaire de la SNCF. Sur le premier point, il est incontestable que dans le cadre du contrat passé entre l’Etat et RFF, un effort énorme a été accompli : environ 1 000 kilomètres par an sont rénovés. Les régions – Midi–Pyrénées, Centre, Limousin, Auvergne et d’autres – font de gros efforts et ont beaucoup participé à ce chantier. De même, alors qu’ils n’en ont pas la responsabilité, les départements, ainsi, par exemple, les deux départements charentais, se sont impliqués sur ce dossier dans le cadre de contrats de projets avec les régions.

S’agissant de la politique tarifaire, je rappellerai que les députés ne voyagent pas gratuitement et que l’Assemblée nationale paie le prix des cartes de transport. Les TGV sont soumis à une obligation de réservation. La SNCF a une politique selon laquelle plus vous réservez tôt , moins vous payez cher et inversement ; par ailleurs, les réservations de dernière minute peuvent être avantageuses s’il reste de la place, selon les mêmes principes que les compagnies aériennes. La SNCF, dont l’intérêt est de remplir ses trains, pratique en conséquence la surréservation. J’ai pu constater que la surréservation, c'est-à-dire la réservation sans l’assurance d’avoir une place assise, est parfois exagérée, notamment en périodes de grands départs. Cependant, on doit admettre que ce sont souvent les voyageurs eux-mêmes qui insistent pour avoir une place en surréservation. Il convient donc d’être attentif à l’évolution de cette politique de « surbooking » ; il pourrait notamment être envisagé que la SNCF puisse accorder, comme le font les compagnies aériennes, des dédommagements ou des compensations.

L’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire se met en place progressivement. Mais je rappellerai que, si actuellement des trains de voyageurs circulent, la situation est dramatique pour le fret qui est à l’arrêt du fait du mouvement social actuel. En France, 14 % du trafic est le fait d’opérateurs autres que la SNCF, français ou européens, la Deutsche Bahn en assurant la part la plus importante. Le mouvement d’ouverture devrait s’accentuer : les Allemands sont prêts à intervenir et Veolia a des projets en Italie s’agissant du transport de voyageurs, ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier. S’agissant des TER, le rapport de M. Francis Grignon s’inspire du rapport du sénateur Haenel. Il préconise la régionalisation et l’expérimentation comme cela s’est fait en Alsace. M. Francis Grignon continue les consultations et le dialogue avec les régions dont un certain nombre de dirigeants ont changé. Les choses avanceront par ces expérimentations. Sans aller au niveau régional, on peut se limiter également à des étoiles ferroviaires, comme à Caen ou Strasbourg, mais il n’y aura pas de « grands soir ».

Il ne faut pas, en tout état de cause, que le transfert des personnels de fret vers d’autres services aient un impact sur les finances locales, en particulier via les retraites.

L’homologation des matériels ferroviaire ne pourra pas se faire sans la Suisse qui est au cœur du dispositif ferroviaire européen, d’autant que ce pays a une belle tradition ferroviaire et qu’elle construit les tunnels les plus importants. Aussi la Suisse est-elle invitée à beaucoup de Conseils européens sur le sujet. Il n’y aura pas d’Europe ferroviaire sans la Suisse.

Il faut indéniablement œuvrer pour la constitution de géants pour le matériel ferroviaire européen pour faire face à la concurrence, notamment celle de la Chine. Les chinois sont prêts à prendre part aux grands projets, ceux du Président Obama pour relier les villes de Californie, de Floride et de Chicago, ceux du Président Lula de TGV Rio-Sao Paulo ou ceux de la Présidente Cristina Kirchner de liaison entre Buenos Aires et Cordoba. Les Chinois sont aujourd’hui présents sur quasiment toute la gamme ferroviaire, tant dans le matériel roulant qu’au niveau des infrastructures. Si les Européens –  Siemens, Alsthom – vont en ordre dispersé sur ces marchés, ils n’y auront pas de place.

Comme le sénateur Louis Nègre, je suis favorable à la construction d’un Airbus ferroviaire et à la constitution d’alliances, sans évidemment constituer un cartel. Ce sera bien sûr difficile dans la mesure où les entreprises européennes sont habituées se faire concurrence.

Pour ce qui concerne la concurrence entre la France et l’Allemagne, ce qui a été dit pour le matériel ferroviaire trouve plus encore à s’appliquer pour les relations entre la SNCF et la Deutsche Bahn (DB). Il faudrait au contraire avoir des relations du type de celles de la Lufthansa et d’Air France, entre lesquelles il y a certes de la concurrence, mais les choses se passent normalement. Un groupe de travail à haut niveau associant les deux ministères, les fédérations industrielles concernées, les deux réseaux ferrés et les deux entreprises ferroviaires a donc été mis en place. C’est nécessaire et il faudra même aller au-delà. Lorsque l’on se place dans une perspective de long terme, la carte ferroviaire européenne va changer et il y aura l’apparition de grandes compagnies ferroviaires européennes.

Sur l’articulation des structures nationales européennes en matière aérienne, l’Agence européenne de la sécurité aérienne est naturellement articulée avec la DGAC. Celle-ci doit naturellement conserver les moyens nécessaires à l’application des règles, mais aussi l’expertise permettant de participer à la définition des textes européens. Depuis la création de l’Agence, la DGAC a diminué ses effectifs de réglementation. Beaucoup d’agents sont partis à l’agence européenne.

Pour en revenir au ferroviaire, les nouvelles lignes à grande vitesse, évoquées par Mme Boulestin, sont ouvertes uniquement si elles sont internationales, par exemple lorsque l’on aura fini la liaison de Paris à l’Espagne, les chemins de fer espagnols pourront y venir. Y aura-t-il une proposition de la Commission européenne dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire ? Vraisemblablement, mais pour l’instant, on en reste à la situation actuelle. Quant à leur influence sur nos projets actuels, il faut rappeler que ceux-ci visent soit à achever des lignes qui ne le sont pas, soit à finir de mieux nous relier à l’Europe, soit à doubler les itinéraires qui sont saturés.

Ainsi, sont actuellement en projet Bordeaux-Limoges, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, pour laquelle il est clair que l’on se relie au réseau espagnol, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes environnementaux pour la traversée du Pays basque français au Sud de Bayonne. Il faut également noter la nouvelle ligne dite « des Carpates » mise en service le 12 décembre, qui permet de gagner du temps dans la liaison avec Genève, et l’ouverture du nouveau pont de Kehl pour se relier notamment à la dorsale allemande à grande vitesse. Par ailleurs, on est à grande vitesse complète vers Amsterdam et la ligne Paris-Lille va être un jour saturée, car elle est également utilisée, outre ce trajet, par l’Eurostar ainsi que par les Thalys vers, d’une part, les Pays-Bas et d’autre part, Cologne, via Bruxelles. Notre idée est que la nouvelle ligne annoncée par le Président de la République, qui va vers la Normandie, Rouen et Caen, puisse être prolongée vers le tunnel transmanche et offrir par conséquent un deuxième itinéraire. De même, la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon a pour objectif non seulement de desservir la région Centre et l’Auvergne, et d’être utile au Limousin et au Nord de la région Midi-Pyrénées, mais également d’offrir un deuxième itinéraire pour Paris-Lyon. La région de Limoges bénéficiera donc de la proximité de deux dessertes à grande vitesse, d’une part, celle par Poitiers, d’autre part, celle par le Berry, avec la possibilité d’avoir accès au réseau Est-européen par Lyon.

S’agissant de Calais-Fretin, il y a effectivement un problème. Les arrêts sont de moins en moins fréquents. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec le maire de cette commune. La question n’est pas simple car les trains ralentissent certes avant de franchir le tunnel, mais il est vrai que si l’on fait encore davantage ralentir un train pour le mettre sur une voie de débord, la ligne est tellement saturée que l’on bloque beaucoup de sillon en amont et en aval. En arrière-plan, il faut aussi rappeler que, de l’autre coté de la Manche, les Anglais utilisent du matériel japonais à grande vitesse, et non à très grande vitesse, qu’ils voudraient d’ailleurs faire aller jusqu’à Lille. Sur le fond, le nombre d’arrêts à Fretin a beaucoup trop baissé. Il faut que l’on regarde le problème. A terme, la nouvelle ligne normande prolongée devrait d’ailleurs diminuer la pression sur l’actuelle ligne de desserte du tunnel, mais comme ce n’est pas pour tout de suite, il faut trouver une solution avant pour la desserte de Calais et Fretin.

Sur la libéralisation du fret et les wagons isolés, il est vrai que la SNCF propose une offre multilot de qualité différente du wagon isolé. Je pense que la bonne réponse pour le wagon isolé, ce sont les opérateurs de proximité. Il n’y en a pas encore beaucoup, mais quelques uns sont opérationnels : un dans l’Aude qui est un ancien opérateur touristique, un autre à La Rochelle, entré très récemment en service, et les suivants seront en Auvergne et ensuite dans la région Centre. Le cas de la Rochelle est intéressant. Le grand port maritime avait un accord avec la SNCF, mais celle-ci ayant une vision assez réductrice de la proximité de l’opérateur ferroviaire, le port s’est en définitive tourné vers une filiale de la Deutsche Bahn, l’idée étant d’avoir en particulier des wagons, en particulier de carburant, en remplacement des actuels camions, et de faire un transfert modal réel. Il s’agit donc non seulement de faire des frets que la SNCF ne fait plus, mais encore de reprendre une partie du trafic routier.

Les trains d’aménagement du territoire sont grosso modo ce qui reste de Téoz, de Corail et d’Intercités. Deux lignes sont rentables, Paris-Clermont et Paris-Le Havre, et pour ce qui reste de transversales, dont Bordeaux-Clermont-Lyon, on est dans des liaisons d’autant moins attractives qu’elles font du cabotage avec des arrêts très fréquents qui sont inéluctables pour être le moins déficitaires possibles, mais qui au regard des possibilités offertes par les liaisons autoroutières et aériennes deviennent inintéressantes, car trop lentes, pour des trajet de bout en bout. Il y a là un vrai problème d’aménagement du territoire. L’idée du Gouvernement est connue. Comme l’a annoncé il y a quelques mois le Président de la République, une convention va être signée avec la SNCF. L’Etat va être autorité organisatrice et deux ressources sont prévues pour palier le déficit, l’une provenant du compte d’affectation spécial qui va être créé pour la recette autoroutière provenant des péages, l’autre d’un prélèvement sur les billets TGV, principalement sur la 1ère classe, à la demande de la SNCF puisque la clientèle d’affaires est moins affectée par le prix, et en même temps un engagement de la SNCF de développer le nombre de billets « prem’s » en compensation.

A terme, ces lignes intéresseront-elles d’autres opérateurs que la SNCF ? J’observe que Veolia en Allemagne a su créer des offres de cette nature totalement nouvelles, en offrant des trains sur des liaisons que la Deutsche Bahn ne faisait pas comme Leipzig-Kiel. J’ai toujours dit à la SNCF qu’au lieu de faire le même plan de transport, dans le cadre de la « carte du tendre ferroviaire » des années 50, elle devrait regarder si ses liaisons ne peuvent pas être rendues plus attractives. Un des moyens de développer les liaisons concernées serait peut être d’avoir de nouvelles offres.

Pour ce qui concerne le plan fret, la partie fret express à grande vitesse avance assez doucement. Les opérateurs tels que Fedex ou DHL prévoient à peu près à quel horizon cette offre peut être lancée. Sur les autoroutes ferroviaires, la situation est bonne. On a augmenté la fréquence pour utiliser au maximum le tunnel du Mont-Cenis avant de se lancer dans Lyon-Turin, A la demande du Gouvernement, la SNCF a augmenté la liaison Bettembourg –Port-de-Bouc et il y aura fin 2011 le début de l’autoroute atlantique, liaison Nord de la France ou Région parisienne – frontière espagnole coté Pays Basque, utilisant à partir de 2016 la liaison classique Tours-Bordeaux, une fois les tunnels mis au gabarit et passant par Niort et Saintes dans l’intervalle.

Un regret sur le fret. Je crains que les trains actuellement bloqués signifient demain que de nouveaux trafics quitteront la SNCF, avec un risque de transfert sur la route, et non sur le fluvial ou un autre opérateur ferroviaire, ce qui n’est pas dans l’esprit du Grenelle de l’environnement.

Sur la sécurité ferroviaire, évoquée par Mme Reynaud, je rappellerai que l’Etablissement public de sécurité ferroviaire (ESFP) supervise aussi bien la SNCF que les nouveaux entrants. Nous souhaiterions que cet établissement prenne une dimension européenne. Actuellement, pour circuler sur le réseau français, il faut être opérateur ferroviaire, avec une licence ferroviaire, et il faut aussi une licence de sécurité. Les opérateurs ferroviaires entrant, contrairement à ce qui est dit, n’ont pas créé davantage d’insécurité, pour une excellente raison d’ailleurs. Souvent, les conducteurs de ces trains sont des retraités de la SNCF, partis à 50 ans, et qui vont mettre leurs compétences au profit de ces entreprises. Ce sont donc des personnels déjà formés à la sécurité ferroviaire.

Sur la révision du paquet ferroviaire sur les gares et sur le fret, cela n’aura pas de conséquence, M. Gonzales, car on a vraiment besoin de garder Valenton, qui joue un rôle très important sur la liaison entre la grande ceinture et les différents réseaux, et Villeneuve-Saint-Georges, qui a été historiquement le plus grand triage de la SNCF. Ces infrastructures ont un rôle important à jouer dans le plan fret de la SNCF, d’autant plus que si l’on fait enfin la ligne d’interconnexion LGV entre Massy, Orly et Villeneuve-Saint-Georges, la grande ceinture ne sera plus touchée par les circulations de TGV et on pourra y développer un trafic de fret supplémentaire.

Le Président Pierre Lequiller. Christian Jacob et moi-même vous remercions, Monsieur le Ministre, de votre intervention et de la grande qualité des réponses que vous avez apportées à toutes les questions.

Le Président Christian Jacob. Je m’associe aux remerciements que vient de formuler Pierre Lequiller et vous rappelle, Monsieur le Ministre, que la Commission du développement durable aura le plaisir de vous auditionner à nouveau le 2 novembre prochain.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 octobre 2010 à 16 h 15

Présents. - M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, M. Philippe Duron, M. Didier Gonzales, M. Christian Jacob, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Line Reynaud, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Yannick Favennec, M. Michel Havard, M. Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, M. Jean Lassalle, M. Jean-Marc Lefranc, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Martin, M. Arnaud Montebourg, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. Jean-Marie Sermier, M. André Vézinhet

Assistaient également à la réunion. - Mme Monique Boulestin, M. Jacques Desallangre, M. Michel Diefenbacher, M. Marc Dolez, M. Jean Gaubert, Mme Anne Grommerch, M. Michel Herbillon, M. Antoine Herth, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Thierry Mariani, M. Jean-Claude Mignon