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Mercredi 10 novembre 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Examen de la proposition de loi présentée par Mme Odile Saugues et les membres du groupe S.R.C. et apparentés visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 2186) (Mme Odile Saugues, rapporteur)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Odile Saugues, la proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 2186).

Mme Odile Saugues, rapporteure. L’examen par notre Assemblée de cette proposition de loi, qui porte sur un domaine ignoré des clivages politiques, constitue pour moi une grande satisfaction.

La mission d’information sur la sécurité aérienne, créée en 2004 après l'accident de Charm-el-Cheikh – 148 morts, dont 135 Français –, que j’ai présidée et dont le rapporteur était François-Michel Gonnot, avait approuvé à l'unanimité quarante préconisations formulées après six mois de travail. Ce rapport a d’abord eu un succès d’estime, avant de voir sa recommandation n° 26 mise en œuvre en 2005 : la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a accepté de constituer une liste noire, répondant à la pression de la société civile et à la vive émotion causée par la série de catastrophes des 6, 14 et 16 août 2005, cette dernière ayant causé la mort de 152 de nos compatriotes dans un avion de la West Caribbean Airways.

Aussi bien l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), créée par le général de Gaulle en 1959 et regroupant seize pays, que l’association dite Autorités africaines et malgache de l'aviation civile (AAMAC), reçoivent une aide financière de l'Union européenne et leurs pilotes bénéficient de stages de formation à nos pratiques de sécurité. Mais en dépit des audits et de leurs obligations, le taux de non-conformité aux normes et pratiques recommandées atteint encore 46 % dans ces pays.

Les compagnies dites de « bout de ligne » figurent bien
évidemment sur la liste noire de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA). Selon l’un des six voyagistes auditionnés par la mission parlementaire, la vente du « package dynamique » – ou séjour sur mesure – sur Internet doit être tout particulièrement encadrée.

Cette proposition de loi a donc pour objet de contraindre les vendeurs à s'assurer que la dernière partie du voyage sera prise en charge par une compagnie répondant aux normes et à donner à l’acheteur une information complète sur les risques encourus. Le texte initial crée un délit spécifique pour toute personne qui aurait facilité la vente de titre de transport sur un aéronef d'une compagnie répertoriée sur la liste noire de l’AESA.

Depuis 2004, je reçois, à leur demande, les familles des victimes de catastrophes aériennes. C'est à chaque fois un moment difficile d’autant que l’argument, pourtant recevable, selon lequel l’avion est l’un des moyens de transport les plus sûrs n'est pas de mise face à la douleur des familles. Le message que les associations me font passer lors de colloques ou d'événements est toujours le même : le législateur doit renforcer les textes et mieux contrôler leur application. Elles souhaitent aussi voir leurs rapports s’améliorer avec la DGAC, le bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) et l’AESA lors des enquêtes sur les accidents. Une directive européenne portant sur cette question est en préparation.

Le ciel unique européen a renforcé les pouvoirs de l'AESA, plaçant l’Agence en première ligne de la sécurité aérienne. Les parlementaires français peuvent se saisir en amont de ces questions et apporter leur avis sur les textes en cours. Je l'ai fait en votre nom dans un rapport de la Commission des affaires européennes sur la sécurité aérienne.

Mais il nous incombe aussi, en les sanctionnant, de limiter les risques encourus par nos concitoyens sur le territoire français. Je pense tout particulièrement à l'accident de Cap-Skirring, survenu en 1992, dans lequel un célèbre tour-opérateur français avait été mis en cause.

Le risque zéro n'existe pas. Mais l'importante progression du transport aérien dans le monde et la capacité de plus en plus grande des aéronefs – l'A380 pourrait transporter jusqu’à 1 000 passagers – font de cette vigilance une obligation.

Mme Marie-Line Reynaud. J’interviens au nom de notre collègue Jean-Claude Fruteau, qui ne pouvait être présent aujourd’hui.

La proposition de loi d’Odile Saugues s’attaque à une pratique qui consiste à proposer un vol depuis l’Union européenne avec une compagnie autorisée puis un second vol « de bout de ligne » avec une compagnie figurant sur la liste noire. Contournant la législation européenne, cette pratique profite d’un vide juridique.

S’il n’est pas interdit à un citoyen de l’Union de voyager sur l’une de ces compagnies, la commercialisation de billets depuis notre territoire doit être sanctionnée. Dans bien des cas, les clients font pleinement confiance aux agences commerciales et effectuent un ou plusieurs vols sur des compagnies dont ils ignorent la dangerosité. L’interdiction, à la source, est plus qu’une nécessité.

Afin de ne pas se trouver en butte à la souveraineté des États, notre collègue propose de sanctionner les personnes physiques ou morales qui commercialisent ces billets. Cette initiative constitue un complément indispensable à la liste noire européenne, dont nous connaissons les limites pour ce qui est des vols effectués hors de l'espace communautaire. Nous devons donc compléter l'arsenal juridique en sécurisant au maximum les ventes de voyages au départ et à destination de l'Union.

Toute mesure permettant de lutter contre les compagnies aériennes qui mettent délibérément en danger leurs passagers afin de réduire les charges et d'accroître leurs profits doit être prise. Notre rapporteure va au bout de cette démarche.

Convaincus qu’il est essentiel d'assurer une protection maximale du consommateur en responsabilisant les professionnels du secteur, les membres du groupe SRC se prononceront en faveur de cette excellente proposition. J’invite nos collègues de la majorité à faire de même.

M. Yanick Paternotte. Personne ne peut se dire opposé à un texte visant à renforcer la transparence et la clarté dans la vente des titres de transport et à sanctionner toute pratique contraire à ces deux principes. Il faut dire que les billets virtuels, qui se multiplient avec le développement de l’e-commerce, fournissent encore moins d’informations sur les transporteurs.

Deux options se présentaient à nous : modifier le code pénal, comme le propose le texte initial, ou inscrire dans le code des transports l’obligation, pour le vendeur du titre, d’informer le voyageur. C’est cette seconde option que nous avons retenue dans l’amendement CD 1. Cette disposition est complétée par l’amendement CD 2 d’Odile Saugues, qui prévoit également des peines d’amendes et le possible engagement de poursuites au titre de l’article 121-3 du code pénal.

Sous réserve du vote de ces deux amendements, le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi.

M. André Chassaigne. Je tiens à saluer l’action d’Odile Saugues. Notre collègue a acquis une connaissance profonde de ces questions, grâce à son travail et à sa présidence de la mission d’information. Ses efforts se concrétisent dans cette proposition de loi et dans ces amendements, auxquels le groupe GDR apportera tout son soutien.

M. Stéphane Demilly. Le groupe Nouveau Centre votera également en faveur de cette excellente proposition de loi.

——fpfp——

La Commission en arrive à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique : Information des passagers en cas de commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne

M. le président Christian Jacob. Je vous propose de mettre les deux amendements CD 1 et CD 2 en discussion commune.

Mme la rapporteure. Le code des transports ayant été publié au Journal officiel le 3 novembre, à travers une nouvelle rédaction de l’article unique de la proposition de loi, l’amendement CD 2 vise à insérer, dans un article du code des transports, l’obligation d’informer le passager et prévoit une amende de 7 500 euros par billet en cas de non-respect de cette obligation, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées pour mise en danger de la vie d’autrui.

Toutefois, il est des lieux où le voyageur n’a d’autre solution que de voler sur une compagnie type « Inch Allah Air », parce qu’elle est la seule et parce que les autres moyens de transport sont tout aussi dangereux. Si le passager confirme l’achat du billet, il doit être informé par écrit, de manière claire et non ambiguë, des risques que le manque d’entretien des aéronefs, la non-conformité des pièces et l’absence de savoir-faire dans les ateliers non certifiés lui font encourir. C’est l’objet de l’amendement CD 1 de Yanick Paternotte.

Aussi l’amendement CD 3 constitue-t-il une synthèse des amendements CD 1 et CD 2.

Malheureusement, nous n’avons pas de prise sur les compagnies comme la Yemenia qui ne figurent pas sur la liste noire, mais qui utilisent des avions interdits de vol par nos autorités. Je ne désespère pas de trouver un moyen de prévenir les passagers, même s’il arrive que les compagnies changent leurs plans à la dernière minute. Une fois encore, le risque zéro n’existe pas.

M. Yanick Paternotte. La loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dont j’étais le rapporteur, permet à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) d’immobiliser les avions non-conformes dans les dix aéroports sur lesquels elle a compétence. Une telle disposition aurait peut-être permis de bloquer l’avion de la Yemenia.

Mme la rapporteure. Malheureusement, l’avion à destination des Comores n’a pas décollé d’un aéroport français, mais de Sanaa. L’utilisation illégale de cet aéronef dangereux était délibérée.

La Commission en vient alors à l’amendement CD 3 de Mme Odile Saugues.

M. le président Christian Jacob. Je suggère que les amendements CD 1 et CD 2 soient retirés par leurs auteurs et que l’amendement CD 3, qui est donc une synthèse des deux précédents, soit cosigné par les membres des groupes UMP et SRC, ainsi que par MM. Stéphane Demilly et André Chassaigne.

Les amendements CD 1 de M. Yanick Paternotte et CD 2 de Mme Odile Saugues sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CD 3 à l’unanimité.

L’article unique est ainsi rédigé.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Mme la rapporteure. Je salue la sagesse qui a présidé à l’examen du texte.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 10 novembre 2010 à 9 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, M. Lucien Degauchy, M. Stéphane Demilly, Mme Odette Duriez, M. Albert Facon, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Jacques Houssin, M. Christian Jacob, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Max Roustan, Mme Odile Saugues, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, Mme Claude Darciaux, M. Philippe Duron, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Marc Lefranc, M. Bernard Lesterlin, M. Christian Patria, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Sophie Primas, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. André Vézinhet