Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 1er mars 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 30

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports, sur le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT) et les mesures prises dans les transports suite aux intempéries de décembre 2010

– Informations relatives à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports, sur le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT) et les mesures prises dans les transports suite aux intempéries de décembre 2010.

M. le président Serge Grouard. Soyez le bienvenu, Monsieur le ministre, pour cette audition consacrée à l’avant-projet « consolidé » de schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, ainsi qu’aux décisions prises à la suite des dysfonctionnements dans les transports lors des intempéries de décembre dernier.

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports. La réalisation d'un schéma national des infrastructures de transport figure aux articles 16 et 17 de la loi dite « Grenelle I ». Ce schéma révise les conclusions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de décembre 2003 et il a été élaboré en concertation avec les parties prenantes du Grenelle de l'environnement.

Le 12 juillet 2010, MM. Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau ont diffusé un premier avant-projet qui a fait l'objet d'une concertation au sein du comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement, le CNDDGE. Votre commission a auditionné M. Bussereau à ce propos le 2 novembre dernier. Le document ayant été publié en consultation libre sur le site Internet du ministère, de très nombreuses réactions d'élus, de chambres de commerces et d'industrie, d'acteurs économiques et de particuliers ont été reçues et prises en compte. Pour répondre aux questions et remarques formulées, Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons élaboré une nouvelle mouture de cet avant-projet, laquelle a été présentée au CNDDGE le 26 janvier dernier. C'est de cette version consolidée que je me propose de vous entretenir.

Si ce document conserve la stratégie d'ensemble proposée dans la version initiale, il s'attache à replacer la politique en matière d'infrastructures dans un contexte de soutien au développement d'offres de service performantes ainsi qu’à la recherche et aux nouvelles technologies. En outre, il décrit l’articulation de la stratégie proposée avec la dimension européenne pour répondre à la demande de mobilité sur les plans européen et transfrontalier.

La nouvelle version insiste davantage sur le caractère multimodal et intégré de la politique d'infrastructures et sur la nécessaire complémentarité des différents modes et actions prévus, afin de l’orienter et de la dynamiser au profit du développement des modes de transport alternatifs à la route et à l'aérien.

Si le document privilégie la modernisation et l'optimisation des infrastructures existantes sur le développement de nouvelles infrastructures, il n’en répond pas moins à la nécessité de rattrapage en matière de développement de lignes ferroviaires à grande vitesse, les LGV. Le nouveau schéma clarifie la politique de modernisation de l'État dans les domaines ferroviaire et routier et je vous donnerai quelques exemples des opérations projetées à ce titre.

S'agissant de la route, l’avant-projet consolidé traite notamment de la problématique des territoires enclavés, en particulier à la problématique des territoires enclavés, notamment ceux de montagne, pour lesquels il n'existe souvent pas d'alternative raisonnable à la route. Il affirme la volonté de l'État de mener les travaux d’amélioration nécessaires dans le respect des besoins de mobilité ainsi que des exigences environnementales et de préservation des terres agricoles.

En ce qui concerne le rail, les besoins de renforcement de la capacité du réseau existant, des nœuds ferroviaires et des gares sont pris en compte. Le document apporte un éclairage précis sur la manière dont l'État entend répondre aux besoins de desserte ferroviaire des territoires non desservis par des LGV.

La nouvelle version intègre également les projets routiers d’ores et déjà déclarés d'utilité publique dont la réalisation s'inscrit dans l'indispensable continuité de l'action publique. Au nombre de dix, représentant un peu plus de 200 kilomètres de voies nouvelles et une dépense de 4,6 milliards d’euros, ces chantiers n'étaient pas mentionnés dans la première version.

En évaluant non seulement les dépenses de développement mais aussi celles de modernisation et d'entretien, le document précise le chiffrage des dépenses que susciterait la mise en œuvre du schéma et indique, à quelques exceptions près, l'estimation actuelle de tous les projets retenus, même s’il ne s'agit évidemment à ce stade que d'ordres de grandeur. Quoi qu’il en soit, l’effort d’investissement sera très important et le réalisme nous incline à considérer que tous les projets et actions prévus dans les vingt à trente prochaines années ne pourront sans doute pas être intégralement réalisés.

J’en viens au calendrier prévu : la nouvelle version du document est mise en ligne sur le site Internet du ministère depuis le 27 janvier dernier. La consultation du public ayant été lancée, tous ceux qui le souhaitent peuvent contribuer à l'élaboration de ce qui deviendra la feuille de route de l'État en matière de politique des infrastructures dans les prochaines décennies. Cette consultation s'achèvera le 20 mars prochain et vos administrés peuvent donc nous faire part de toutes leurs remarques. Une fois cette phase achevée et les dernières mises au point effectuées, le Conseil économique, social et environnemental sera saisi et un débat sans vote sera organisé dans votre Assemblée ainsi qu'au Sénat, si possible avant l'été.

Monsieur le Président, vous avez également souhaité que je m’exprime sur les intempéries du mois de décembre dernier, dont l’intensité et la durée ont marqué les esprits. Il est vrai qu’elles ont entraîné d’importantes difficultés dans les transports, tant dans la gestion de la crise qu'en termes d'information et de prise en charge des voyageurs. Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons souhaité en tirer tous les enseignements.

Les conditions climatiques extrêmes du mois de décembre 2010, le plus froid des quarante dernières années, ont entraîné de fortes perturbations dans les transports routiers, ferroviaires et aériens ; de trop nombreuses personnes ont été bloquées et la circulation des poids lourds a été préventivement interdite. Les agents et les équipements des services publics ont été rapidement et pleinement mobilisés, mais il convient de rester humble face aux caprices de la nature : nous ne pourrons jamais nous prémunir totalement contre les événements de ce type, quels que soient les moyens déployés. Mon devoir n’en reste pas moins de prévoir le plus possible ces phénomènes, afin de réagir au plus vite et au mieux et d’en limiter les conséquences pour l'économie et les déplacements.

Comme l'ont rappelé les spécialistes de météorologie, il n'est pas possible de prévoir l'intensité – en centimètres par heure – ou la durée d'un épisode neigeux, ni même l'heure précise de sa survenance : l'occurrence aléatoire de certains épisodes climatiques interdit en effet toute prévision exacte. La plupart des services de météorologie, y compris au Royaume-Uni où ils sont pourtant réputés excellents, ont d’ailleurs rencontré les mêmes difficultés que les nôtres. En France, il en est résulté que, le 9 décembre 2010, des mesures de « déstockage » de poids lourds ont été annoncées puis repoussées au fur et à mesure des événements, alors qu’elles ont été prises avec plusieurs heures d’avance le 23 décembre, l'épisode neigeux ayant finalement été plus court que prévu.

Pour tirer les enseignements de cette situation, nous avons organisé, les 10 et 13 janvier 2011, deux tables rondes de « retour d'expérience » avec les professionnels et les représentants des usagers des transports terrestres et des transports aériens. Le Gouvernement a décidé d'agir sur trois plans.

Le premier concerne la gouvernance de crise, laquelle doit être plus efficace et mieux préparée. Afin d'améliorer la coordination entre les nombreux acteurs, le ministère chargé des transports et le ministère de l'intérieur ont engagé une réflexion conjointe sur l'anticipation de ces crises et de leurs conséquences. Les tables rondes ont permis d'identifier certaines pistes d'amélioration immédiates, avec la mise en œuvre d'itinéraires de déneigement prioritaires et d'interdictions de circulation. En vue d’approfondir la concertation, un groupe de travail associant les fédérations de transporteurs s’est penché sur l’application des mesures concernant les poids lourds ; celles-ci devront être ciblées en fonction du réseau, de l'équipement du véhicule et de la nature des marchandises transportées.

Les deux ministères sont également convenus des moyens de renforcer les échanges entre Météo France et les PC zonaux de circulation, afin de faciliter la prise de décision en fonction de l'évolution des conditions météorologiques ; ils envisagent, si la crise l’exige, la présence d'un agent de Météo France dans chaque PC zonal. En outre, la France finalise une proposition visant à ce qu’Eurocontrol concentre les informations concernant les capacités d'accueil des aéroports européens, afin que les aéroports nationaux puissent mieux gérer les déroutements d'avions. Enfin, les difficultés rencontrées par les voyageurs et les personnels pour rejoindre les aérogares en cas d’épisode neigeux ayant été mises en évidence, une réflexion doit être rapidement engagée avec le syndicat des transports d'Île-de-France et les différents acteurs pour faciliter la desserte de ces plateformes – en étendant, par exemple, la fréquence et la durée de service du RER B et d’Orlyval lorsque les conditions météorologiques l'imposent.

Le deuxième point vise, tout en évitant le suréquipement, à réaliser un effort important d'équipement des gestionnaires et opérateurs, l'intensité et la durée des conditions climatiques – bien qu'elles ne correspondent pas à la norme du climat en France – ayant révélé certaines faiblesses. La SNCF s'est ainsi engagée à poursuivre la politique de fiabilisation de ses matériels roulants, à renforcer, avec Réseau ferré de France, la capacité de son infrastructure à supporter des conditions extrêmes de froid et à réfléchir, avec les constructeurs, à la conception de trains plus résistants à la neige.

Les aéroports ont augmenté leur capacité de dégivrage des avions et des pistes en s'assurant d'une autonomie en produits dégivrants et déverglaçants d'au moins dix jours. Certains examinent aussi la possibilité de se doter de nouveaux véhicules et de nouvelles aires de dégivrage. Pour Aéroports de Paris, cela représente un plan d'investissement sans précédent de 60 millions d’euros à redevances constantes.

Les stocks de sel pour le réseau routier national non concédé seront redimensionnés en vue de faire face à huit jours consécutifs d’enneigement ; des consignes en ce sens ont été données aux services déconcentrés compétents. Selon la rigueur de l'hiver, l'État consomme entre 70 000 et 200 000 tonnes par an de fondant routier sur le réseau non concédé, ce qui représente environ 10 % de la consommation annuelle nationale.

Le troisième point vise à améliorer la prise en charge des passagers et la qualité des informations qui leur sont délivrées. Une partie des mesures préconisées sera d’ailleurs portée par la France à l'échelon européen dans le cadre de discussions avec la Commission européenne. La majorité d'entre elles sera opérationnelle dès l'hiver prochain. Parallèlement, l’ancien député Philippe Mathot a été nommé médiateur afin d’assister les voyageurs ayant rencontré des difficultés. La France a globalement mieux géré la crise que ses voisins européens, notamment dans le secteur aérien : contrairement aux aéroports britanniques, allemands et belges, Roissy n’a jamais fermé, assurant un vol sur deux au plus fort de la crise. Il n’en reste pas moins qu’un déficit d’information et une mauvaise prise en charge des voyageurs ont pu générer détresse et désarroi. De nombreuses mesures ont donc été prises afin de renforcer l'information des passagers : je songe, notamment, à la généralisation de l'envoi de SMS et d'e-mails pour prévenir de l'annulation d'un vol ainsi qu’à l’élaboration d'une charte relative à l’information des passagers commune aux compagnies aériennes, aux voyagistes et aux gestionnaires d'aéroport.

S'agissant de la prise en charge des passagers, la France proposera au niveau européen qu’obligation soit faite aux compagnies aériennes de disposer d’un chef d'escale décisionnaire dans les grands aéroports. Il convient également d'augmenter le nombre de kits de couchage dans les aérogares. La SNCF, quant à elle, renforcera l'information des passagers bloqués dans les trains et informera en amont ceux qui ne sont pas encore arrivés à leur gare de départ afin de limiter tout déplacement inutile.

Comme je m’y étais engagé, je réunirai au mois d’avril les experts présents à ces tables rondes pour évaluer l'avancement de l'exécution de ces mesures.

J’ai lu avec intérêt le rapport d'information de Mme Odile Saugues sur les intempéries et la navigation aérienne. Son analyse très précise des événements et les recommandations qu'elle en tire rejoignent les mesures que nous avons proposées dans les transports aériens – je me réjouis, en particulier, que nous soyons d’accord sur la nécessité de maintenir nos aéroports ouverts, sans céder à la facilité. À cette fin, ceux-ci doivent améliorer leurs capacités de réaction aux intempéries hivernales et, avec les compagnies aériennes, redoubler d'efforts en matière d'information et d'assistance aux passagers.

M. Yanick Paternotte. Le groupe UMP se félicite de l’existence du SNIT, document stratégique à la rédaction duquel la représentation nationale a activement participé par le biais du Grenelle de l’environnement. Cet avant-projet consolidé témoigne d’un paradoxe : la mobilité est de plus en plus nécessaire et les nuisances qu’elle génère n’en sont que plus importantes. Toute réflexion sur la mobilité durable doit donc conduire à équilibrer le quantitatif et le qualitatif.

Cependant, si les critères d’évaluation et de justification stratégique sont correctement posés pour ce qui concerne la route, dans une logique de désenclavement et de sécurisation des itinéraires, on ne peut en dire autant des autres modes, non plus que de leur articulation et de leur hiérarchisation dans une perspective d’aménagement du territoire. Nous devrons, ensemble, progresser sur ces points.

La question du financement est cruciale. Outre qu’il est difficile de hiérarchiser les priorités sur vingt ou trente ans pour un budget de quelque 167 milliards vraisemblablement appelé à évoluer encore, nous nous interrogeons sur le respect de l’engagement financier de l’État. De quelles garanties disposons-nous alors que les ressources de l’AFITF ne sont plus pérennisées par le produit des péages autoroutiers et que l’application de la taxe carbone, dite « taxe à l’essieu », a encore été différée ?

Quelle stratégie d’avenir est-elle envisagée pour nos voies navigables et pour nos ports ? La question se pose avec une acuité particulière au moment où un syndicat se livre à un invraisemblable chantage…

M. Daniel Paul. Provocateur !

M. Yanick Paternotte. Des feuilles de paie n’ont-elles pas été publiées ? La vérité, c’est que le système actuel tue les ports français.

S’il est bel et bon de prévoir de nouvelles infrastructures, il l’est tout autant, sinon davantage, de maintenir et de rénover les plus anciennes. Ainsi les lignes de fret sont-elles à peu près intégralement électrifiées en Allemagne quand moins de 60 % le sont chez nous. Doit-on se satisfaire d’un report du fret vers le rail qui ne fonctionnerait pas grâce à une énergie décarbonée ? Et que penser d’un projet visant à réaliser des LGV en site propre alors que la plupart de nos voisins mêlent voies classiques améliorées et trains pendulaires roulant, sur les infrastructures existantes, entre 200 et 250 kilomètres heure ?

Enfin, améliorer les infrastructures existantes doit être l’occasion de corriger les erreurs passées. Traversée par trois autoroutes, ma circonscription et la commune dont je suis le maire comptent parmi les quatre points noirs d’Île-de-France, sans bénéficier pour autant d’aucune protection contre la pollution atmosphérique ; il conviendrait pour le moins de réaliser certains aménagements tels que des couvertures d’extraction de polluants et de gaz d’émission d’automobiles. La technologie des véhicules évoluera certes mais je crains que l’accroissement de la circulation n’annule les effets bénéfiques des progrès de la motorisation.

En d’autres termes, la nouvelle version du SNIT est équilibrée mais encore perfectible.

M. Maxime Bono. Alors que la première version du SNIT se limitait aux investissements de développement, à hauteur de 170 milliards d’euros, cette deuxième version fait aussi état, ce qui est une bonne chose, des investissements de modernisation et de régénération, pour un coût total qui s’établit désormais à 260 milliards dont 55,7 % sont consacrés au rail, ce qui semble a priori satisfaisant. Mais si, dans le premier avant-projet, pour chaque euro d’investissement de développement consacré à la route on engageait 11,50 euros en faveur du ferroviaire, on tombe à présent à 8 euros pour 1 euro, et à seulement 3,80 euros si l’on tient compte des investissements de modernisation et de régénération. Le SNIT se veut vertueux, mais le principe de réalité s’impose. Le transfert modal de la route vers le rail ne peut se faire brutalement ; il est annoncé, mais pas réalisé.

Le groupe SRC juge par ailleurs regrettable que les collectivités territoriales soient les premiers financeurs du SNIT. On peine à parler de stratégie alors que l’État, qui devrait avoir en la matière un rôle moteur, délègue à ce point ses prérogatives : il ne financera le schéma qu’à hauteur de 32 % contre 37,30 % pour les collectivités territoriales, auxquelles jamais un effort aussi considérable n’avait été demandé.

Non sans honnêteté, il est précisé dans le document que tous les projets et mesures mentionnés ne seront vraisemblablement pas réalisés pendant la période considérée ; l’estimation est que de 70 % à 80 % pourraient l’être « si les financements correspondant sont disponibles ». À ce titre, nous ne pouvons que nous interroger : l’État et les collectivités territoriales disposeront-ils des moyens de financement nécessaires alors que les sociétés d’autoroutes, dont l’AFITF percevait les dividendes, ont malheureusement été vendues et que les ressources de l’Agence dépendent désormais des dotations budgétaires ? Hors la taxe sur les poids lourds, à partir de 2013, quels produits lui seront effectivement affectés ? Force est d’admettre par conséquent que le financement du SNIT dans la durée est extrêmement incertain.

La liste des projets de développement figurant au schéma doit, lit-on, « être regardée comme le vivier des grands projets d’infrastructures souhaitables ». Nous avions effectivement demandé une liste de ce type, mais l’avoir dressée ne suffit pas à définir une stratégie. Nous sommes loin d’un document visant à impulser et à dessiner des perspectives, car les analyses prospectives manquent. Faut-il ou non développer systématiquement les lignes à très grande vitesse ? N’est-il pas préférable d’envisager un maillage du réseau avec des trains pendulaires ou des lignes qui, sans être à très grande vitesse, établiraient des relations entre des villes desservies par le TGV et celles qui ne le sont pas ? Faut-il ou non desservir les capitales régionales ? Quels nouveaux sillons seront dégagés par les nouvelles LGV ? Seront-ils plutôt affectés au fret ou aux TER ? Rien de tout cela n’est dit et, faute de réponses, le SNIT souffre d’un défaut de hiérarchisation des priorités, comme en atteste, notamment, le flou sur la desserte et le maillage de nos ports.

Dans un domaine connexe, nous savons que l’on ne peut prévoir avec exactitude l’ampleur de toutes les intempéries – Il n’en reste pas moins que notre réseau ferroviaire ne résiste ni aux grandes chaleurs, ni aux grands froids. La vérité, c’est qu’il est dans un état déplorable, ce qui explique le plus souvent les retards qui sont injustement reprochés à la SNCF. Dans le domaine routier, la RGPP et les réductions drastiques de personnel n’ont pas été sans conséquences sur la situation à laquelle nous avons été confrontés.

M. Stéphane Demilly. Le groupe Nouveau Centre se félicite de l’initiative qui consiste à définir la politique de la France en matière d’infrastructures de transport pour les prochaines décennies avec une claire priorité donnée aux modes alternatifs à la route.

Le financement des actions prévues en matière d’entretien, de modernisation et de construction des réseaux de transports s’élève à environ 260 milliards sur trente ans, dont un peu moins de 170 milliards au titre de nouvelles infrastructures. Il est pour l’essentiel réparti entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs de transport. Même s’il s’agit, par définition, d’un exercice prévisionnel, la fiabilité du financement annoncé constitue un critère majeur de crédibilité du SNIT. Or, si Molière disait : « Mon plan est fait, ma pièce est faite », ce n’est pas parce que le plan du SNIT est réalisé que la pièce sera en l’occurrence intégralement jouée… Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaîtrons encore pendant plusieurs années, pouvez-vous garantir, Monsieur le ministre, que les engagements financiers de l’État seront tenus ?

Le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, caractérisé dans le SNIT comme un projet majeur, est parfaitement « Grenello-compatible ». Pourtant, alors que la déclaration d’utilité publique est acquise, de même que le financement à plus de 97 %, ce projet n’en dort pas moins dans les cartons de l’État depuis près d’un an parce que personne, à Bercy ou à Matignon, n’a envie d’appuyer sur le bouton qui lancerait la procédure de dialogue compétitif. Outre que l’attente est devenue insupportable pour les acteurs locaux d’Île-de-France, de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, elle conduit à s’interroger sur la volonté réelle de l’État. Le 3 février 2009, le Président de la République a pourtant confirmé solennellement l’engagement financier de l’État en déclarant : « Ce n’est pas une promesse, c’est une décision ! ». Le 20 septembre 2010, M. Jean-Louis Borloo, alors ministre d’État, déclarait quant à lui : « Nous allons lancer dans les prochains jours le canal Seine-Nord Europe ». Il apparaît que ce serait plutôt dans « un certain temps », pour reprendre les mots de Fernand Raynaud… Cette attente et ces tergiversations, si elles perdurent, nous feront perdre les 330 millions d’euros de fonds européens prévus pour cet ouvrage. Si nous ne sommes pas capables de lancer sans plus tarder un projet voulu par le Président de la République et voté par le Parlement parce que les grands argentiers de Bercy ou des conseillers de Matignon traînent les pieds, on peut nourrir de sérieux doutes sur la réalisation effective du SNIT. Ce n’est pas vous, Monsieur le ministre, que vise cet accès d’humeur, car vous prenez le train – ou, plutôt, la barge – en marche (sourires) ; au contraire, nous comptons sur vous pour nous aider à sortir ce dossier de l’ornière.

Dans un autre domaine, les élus des territoires ruraux, sans remettre en cause la nécessité de ne pas faire du « tout routier », considèrent que les besoins de désenclavement routier de certaines zones sont insuffisamment pris en compte. Ils craignent, dans ces conditions, qu’il revienne aux collectivités locales de supporter l’essentiel des coûts dans ce domaine. Pouvez-vous les rassurer ?

Enfin, s’agissant des leçons à tirer de ce que l’on a pris l’habitude d’appeler l’« épisode neigeux exceptionnel de décembre 2010 », je plaide fortement en faveur de l’amélioration de l’information des citoyens et des usagers. Il était certes impossible d’assurer des conditions de circulation normales partout, mais il faut reconnaître que la communication a été insuffisante. C’est une maladie bien française : que votre train soit à l’arrêt depuis une heure, que vous soyez planté dans un hall d’aéroport depuis des heures, incapable de savoir si votre vol est retardé ou annulé, ou que la neige vous empêche pendant plusieurs jours d’emprunter la route départementale qui mène de votre domicile à votre lieu de travail, on ne vous donne quasiment aucune information, ce qui ne manque pas de générer frustrations et colère. Comme vous l’avez donc dit vous-même, Monsieur le ministre, dans votre intervention qui ne manquait pas de sel (sourires), il est nécessaire de mieux informer nos compatriotes.

M. Daniel Paul. S’agissant du canal Seine-Nord Europe, je ne saurais mieux dire que M. Demilly.

À la suite du Grenelle de l’environnement, j’avais cru comprendre que l’heure était venue d’une rupture dans la manière de prendre en charge les besoins de mobilité. Or, l’évolution que traduit le SNIT n’est que marginale. Certes, les chiffres qui figurent dans la nouvelle version montrent un recul de 3 % des financements routiers et un accroissement de 9 % des investissements pour le rail, mais ces 9 % ne représentent en réalité que le rattrapage de ce que le rail a perdu entre 2007 et 2009…

M. Yanick Paternotte. À cause de la crise économique !

M. Daniel Paul. si tel est l’objectif, il ne vaut pas la peine d’engager tant pour faire si peu. Nous n’avons pas encore négocié le virage qui s’impose, tant s’en faut. L’inflexion existe, mais elle ne suffit pas à marquer la rupture attendue.

La question du financement est primordiale. Dans le SNIT, la part de l’État est fixée à 32 %, et à 37 % celle des collectivités locales. Mais quelle garantie avons-nous de la pérennité de la première sur un si long terme ? Quelle garantie avons-nous que les conséquences des réformes récemment imposées aux collectivités locales leur permettront d’assumer la leur ? Par ailleurs, la pérennité du financement de l’AFITF n’existe plus depuis que les sociétés d’autoroute ont été privatisées, et dans des conditions innommables ; au vu des résultats financiers des groupes qui les ont achetées, il est évident que l’État n’aurait jamais dû se séparer de cette poule aux œufs d’or.

Des pistes existent : une part de l’épargne populaire pourrait être affectée au financement des infrastructures de transport, comme une autre l’est au financement du logement social, cependant qu’une fiscalité spécifique pourrait utilement être appliquée à certains « super profits ». Mais, pour l’instant, le moins que l’on puisse dire est que le financement de ces infrastructures ne laisse pas d’inquiéter.

Il faut, Monsieur Paternotte, de la prudence dans l’évocation de la situation des ports français. Alors que chacun sait leur importance pour notre pays et pour l’ensemble du continent européen, la manière dont la plupart des gouvernements successifs les ont traités est sujette à caution. La performance économique d’un port est en réalité conditionnée par les liaisons terrestres qui permettent l’acheminement et le retrait des marchandises, car le coût du trafic maritime et du dépôt des marchandises représente seulement quelques pourcents du coût total. Prétendre que l’activité de nos ports est pénalisée par leur situation sociale, c’est chercher des boucs émissaires au lieu de se confronter aux véritables problèmes.

Le groupe GDR considère que le SNIT, dans sa version actuelle, n’est pas à la hauteur des enjeux : il ne traduit pas la rupture annoncée et ne garantit en rien les financements pérennes nécessaires pour maintenir les infrastructures existantes et créer celles qui font cruellement défaut.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Paternotte, vous avez justement rappelé que le SNIT est le fruit du Grenelle de l’environnement, lequel a entraîné des engagements législatifs importants. Certes, il ne fait pas état d’échéances précises ni ne hiérarchise les projets, mais il a pour mérite de dégager certaines priorités. Le dilemme est bien, comme vous l’avez indiqué, de trouver un équilibre satisfaisant entre quantité et qualité des infrastructures.

Lors de la dernière réunion des ministres des transports, qui s’est déroulée en Hongrie en présence du Commissaire européen chargé des transports, il a été décidé que les ports seraient désormais le point de départ du réseau transeuropéen de transport, le RTE-T. Cela me semble intéressant, à condition que la situation sociale évolue favorablement - je constate à ce propos avec satisfaction que l’activité de nos ports est à nouveau normale depuis deux semaines. Bien sûr, Monsieur Daniel Paul, le pré-acheminent et le post-acheminement sont importants, mais le déchargement des marchandises sur les quais ne l’est pas moins et c’est là que le bât blesse pour les ports français. Même si l’exemple n’est sans doute pas parfait, les dockers du port de Singapour ne se sont jamais mis en grève…

M. Daniel Paul. Non plus que les dockers libyens…

M. le secrétaire d’État. Je le répète, un tel exemple ne constitue pas pour moi un idéal, mais peut-être y a-t-il là un élément déterminant pour la meilleure prise en compte des ports français dans le RTE-T. Je me félicite donc qu’un accord soit en passe d’être signé grâce à la bonne volonté de tous les partenaires – syndicats de travailleurs portuaires comme armateurs – et que la réforme portuaire soit en voie d’achèvement.

Si le SNIT, qui est un document stratégique et non un document de programmation, ne hiérarchise pas les projets, la même méthode d’analyse a toutefois été appliquée à tous les modes de transport en tenant compte de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement

Vous vous êtes interrogé sur le financement des projets et sur le point de savoir si l’ensemble de ce qui figure dans le SNIT sera mené à terme. Si, comme les études montrent que cela se peut, le schéma est réalisé dans une fourchette comprise entre 70 % et 80 % du total, cela sera un succès. Quant à la participation des collectivités territoriales, elle sera effectivement un élément déterminant de l’avancement des projets.

M. Maxime Bono s’est inquiété de la répartition entre mode routier et mode ferroviaire. Le Grenelle de l’environnement a certes pour objectif principal de développer des modes de transport alternatifs à la route, notamment le ferroviaire et le fluvial, mais la route, qui représente 80 % du secteur des transports, ne peut être oubliée ; nous devons tenir compte de l’existant.

Abstraction faite des transports collectifs en site propre (TCSP), l’État demeure le premier financeur. De plus, jamais auparavant l’État n’avait participé de manière aussi déterminante au financement des TCSP, …

M. Maxime Bono. Mais si !

M. le secrétaire d’État. … avec une part de 2,5 milliards d’euros sur les 18 milliards d’investissements prévus à cette fin d’ici 2020, et nous avons accompli en deux ans plus de la moitié de la programmation totale prévue à ce sujet.

Évoqué par MM. Stéphane Demilly et Alain Gest, le dossier du canal Seine-Nord Europe tient à cœur au président de la République. Comme je l’ai indiqué ce matin dans l’hémicycle à l’occasion de la séance des questions orales sans débat, les discussions engagées par mon prédécesseur avec les collectivités partenaires pour le financement du futur canal et de ses plates-formes ont abouti récemment ; nous négocions encore avec les conseils généraux d'Île-de-France, dont nous espérons une contribution de l'ordre de 75 millions d'euros. La part de l’État sera de 900 millions pendant la phase de construction, et supérieure à un milliard au cours de l’exploitation, sous forme de contribution au paiement des loyers et de rétribution du partenaire privé, dans l’hypothèse d’une contractualisation de cinquante ans. C’est en fonction de ces éléments et des avantages du projet en matière de développement et de transport durable que les choix sur les modalités de poursuite de cette opération seront arrêtés. Ce matin, je vous ai dit que le dialogue compétitif serait lancé le plus vite possible ; je puis maintenant préciser qu’il s’engagera dans les tout prochains jours, une réunion interministérielle à ce sujet étant convoquée au début de la semaine prochaine.

M. Demilly a également fait part de son inquiétude pour les territoires ruraux. La nouvelle version du schéma national prend davantage en compte le désenclavement des territoires difficilement accessibles, en zone rurale ou à la montagne.

Je crains que la question de l’information en temps réel des voyageurs en cas d’intempéries ou d’incidents ne demeure irrésolue longtemps encore car il faut bien admettre qu’elle est difficile à régler. Ainsi, ce week-end, après que des câbles ont été sectionnés par malveillance, des clients de la SNCF dont les trains étaient pour cette raison retardés se sont jugés insuffisamment informés de l’évolution de la situation. Mais, faute de pouvoir déterminer de manière instantanée l’étendue des dégradations commises et, par conséquent, l’ampleur des réparations à effectuer, l’entreprise était de fait dans l’incapacité d’annoncer l’heure exacte de la reprise du trafic. Dans des cas de ce type comme lors de fortes intempéries, une marge d’incertitude demeurera toujours.

Lors des chutes de neige exceptionnelles de décembre 2010, les aéroports français ont fait plutôt mieux que leurs homologues européens. Je vous l’ai dit, Aéroports de Paris a annoncé un plan d'investissement de 60 millions d’euros destiné à améliorer la prise en charge des passagers et leur information. On compare souvent la gestion des aéroports parisiens lors des épisodes neigeux avec celle des aéroports scandinaves, en oubliant un peu vite que l’aéroport de Roissy, l’un des trois premiers d’Europe et où l’on enregistre chaque jour jusqu’à 1 700 mouvements aériens, fonctionne à flux tendus. Il en résulte que chaque heure consacrée au déneigement est irrattrapable ; il n’en va pas de même dans les aéroports du Nord de l’Europe, aussi fréquemment enneigés soient-ils, où l’on ne dénombre que 600 mouvements quotidiens. On peut certes améliorer les équipements mais le réalisme commande de dire que, lorsqu’il neigera en abondance, des pistes devront toujours être fermées et des vols annulés. Lors de l’épisode de décembre dernier, les compagnies aériennes classiques ont agi correctement avec leurs clients mais, pour ce qui est des compagnies à bas coût, le personnel au sol manquait. À cela s’est ajouté le fait que des avions ne pouvant se poser dans d’autres aéroports européens, fermés, ont été déroutés vers Roissy, où ont débarqué des passagers de compagnies aériennes non représentées à Paris. Le tout a provoqué une pagaille de grande envergure.

Je rappelle à M. Daniel Paul que l’AFITF reçoit des ressources pérennes en provenance de la route : le produit de la taxe d’aménagement du territoire, celui de la redevance domaniale des sociétés concessionnaires d’autoroutes et une partie du produit des amendes forfaitaires pour excès de vitesse. À compter de 2013, elle percevra en outre le produit de l’écotaxe sur les poids lourds, une ressource supplémentaire de près d’un milliard d’euros qui devrait permettre de financer une grande partie des infrastructures prévues dans le SNIT.

M. Yves Albarello. Je dois vous dire ma stupéfaction, à la lecture de ce document, pour ce qui concerne l’Île-de-France. Alors que l’accord s’est fait sur le projet « Grand Paris Express » pour un coût de 32 milliards, la version du SNIT que j’ai sous les yeux ne comprend que quelques lignes à ce sujet, sans cartographie ; cela me paraît inconcevable. Par ailleurs, les questions posées par mes collègues à propos du financement du SNIT n’ont pas reçu de réponses très précises. Enfin, la discussion du projet relatif au Grand Paris a permis de mesurer l’importance d’une négociation à tous les niveaux de collectivités. En d’autres termes, s’il n’y a pas d’accord des régions concernées, la réalisation d’une infrastructure de transport sera très compliquée.

Je souhaite que le schéma présenté soit amélioré car il présente des incohérences. Par exemple, alors que l’on souhaite développer l’aéroport de Roissy pour lui permettre d’affronter dans les meilleures conditions la concurrence de ses grands homologues, son contournement par l’autoroute francilienne n’est pas même prévu.

Pour ce qui concerne spécifiquement l’Île-de-France, on envisage l’extension du RER E à l’Ouest, mais la prévoit-on aussi vers l’Est ? Considérez-vous la LGV Roissy-Orly prévue dans le projet « Grand Paris Express » comme prioritaire, et la gare doit-elle être située à l’intérieur ou à l’extérieur de l’aéroport de Roissy ? Enfin, l’accord s’étant fait sur le Grand Paris Express, la liaison ferroviaire CDG-Express a-t-elle encore un avenir ?

M. le secrétaire d’État. Je suppose que vous vous êtes référé à une précédente version du SNIT ; dans la dernière, les projets « Grand Paris » et « Arc Express » figurent bien sur une carte, en page 37. Même si mes services suivent ce projet de près, notamment dans le cadre du débat public en cours, ce projet relève principalement de la compétence de mon collègue M. Maurice Leroy. Cela étant, les projets « Grand Paris » et « CDG-Express » répondant à des demandes différentes, l’État les poursuit tous les deux. Je rappelle que la ligne CDG-Express – une liaison directe entre l’aéroport de Roissy et la gare de l’Est à Paris – est prévue pour être réalisée en délégation de service public, sans crédits publics. Nous avons pour objectif de signer le contrat à l’été. Enfin, la ligne Roissy-Orly est effectivement considérée comme une priorité.

M. Philippe Boënnec. Je souhaite vivement que le SNIT puisse encore être modifié, car si je partage la philosophie générale exprimée, je m'inquiète pour l'Ouest de la France, grand oublié de la version actuelle. Or, en l'absence de propositions ambitieuses d'aménagement du territoire confortant sa vocation européenne, l'Ouest de notre pays serait voué à l’asphyxie économique. Le développement des infrastructures de la façade atlantique est indispensable pour renforcer son ancrage européen.

L'Ouest de la France présente des atouts pour le développement de notre pays : une forte croissance économique, une démographie vigoureuse et des infrastructures importantes avec le futur aéroport Notre-Dame-des-Landes, le grand port maritime – dont l’activité peut être développée – et la métropole Nantes-Saint-Nazaire qui représente un bassin d’un million d'habitants. Il est indispensable que ces infrastructures soient reliées à l’intérieur des terres. Qu’en est-il, alors, de l'intermodalité ? Les grandes liaisons routières et ferroviaires doivent se faire, bien sûr, sur un axe ouest-est mais surtout nord-sud. Un maillon reste donc à construire : le franchissement de la Loire à l'ouest de Nantes.

Dans la même optique, le grand port maritime doit faire l'objet d'un plan ambitieux de développement pour éviter que, comme aujourd'hui, de trop nombreux navires aillent, faute d’infrastructures suffisantes à Saint-Nazaire, décharger leur cargaison à Rotterdam ou ailleurs – les marchandises revenant souvent en France par la route, ce qui est un comble.

La prolongation de « l'autoroute des estuaires », le franchissement routier et ferroviaire de la Loire à l'ouest de Nantes et le développement d'un grand port maritime répondent aux critères du SNIT : désenclavement, sécurisation, renforcement de la compétitivité de l'économie. Tant la région des Pays de la Loire que le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que la directive territoriale d'aménagement de l'estuaire de la Loire – validée par le Conseil d'État – retiennent cette logique de développement ; pourtant, rien ne figure à ce sujet dans la version actuelle du SNIT, alors même que le Premier ministre a demandé au préfet de reprendre les études afin d'examiner les améliorations et les aménagements d'infrastructures nécessaires pour l'accès à la plateforme aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes et au grand port maritime. Il y a là un enjeu national et non, seulement, local.

M. Jean-Paul Chanteguet. Quelle politique d’aménagement du territoire et quelle réforme des collectivités territoriales voulons-nous mettre en œuvre ? Comment entendons-nous dessiner le Grand Paris ? Le SNIT n’en dit rien. Sur toutes ces questions, on a inversé la démarche logique, qui aurait voulu qu’une réflexion stratégique précédât des applications pratiques. L’avant-projet initial de ce schéma ayant été soumis au CNDDGE, il serait intéressant pour la représentation nationale de prendre connaissance du compte rendu de ce qui s’est dit lors de cette réunion.

M. le secrétaire d’État. Il peut être consulté en ligne.

M. Jean-Paul Chanteguet. Très bien. Cela mis à part, j’aimerais aussi savoir comment seront consultées les collectivités territoriales, si fortement appelées à contribuer au financement des infrastructures de transport.

L’avant-projet de SNIT prévoit, pour le rail, un investissement de 103 milliards d’euros, dont 28 milliards pour le fret ferroviaire et 75 milliards pour les LGV de voyageurs, et il est précisé que la part de l’État dans cette dépense de 75 milliards serait de 50 %. Pourtant, la loi Grenelle I prévoit en son article 12 une contribution de l'État de 16 milliards d'euros, soit 21 % de cet investissement. Apparemment, le compte n’est pas bon.

Pour la route, un décret du 17 janvier 2011 a subrepticement autorisé la généralisation de la circulation des camions de 44 tonnes de poids total en charge, sans que nous ait jamais été transmis le rapport sur l’impact de cette mesure prévu à l’article 11 de la loi Grenelle I. Je vous prie donc, Monsieur le Président, de demander au Gouvernement que ce rapport, s’il existe, nous soit communiqué.

M. Michel Havard. Pour que la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, structurante pour le centre de la France, soit effectivement lancée après 2020, les études doivent être engagées rapidement. Sont-elles considérées comme prioritaires ?

M. le secrétaire d’État. M. Boënnec a défendu avec conviction le développement de l’Ouest de la France. Comme le montrent les investissements destinés à la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, cette région n’est pas oubliée, mais le franchissement routier de la Loire, projet de dimension locale qui doit être porté par les collectivités territoriales, n’a pas vocation à figurer au schéma national. Je rappelle que, dans le cadre du projet de nouvel aéroport, l'État a engagé une étude avec tous les acteurs concernés pour envisager les améliorations et aménagements d'infrastructures qui permettront d'assurer une desserte routière optimisée de l'aéroport depuis et vers les territoires situés au sud de la Loire. Cette étude est complémentaire des études conduites par les collectivités locales pour un nouveau franchissement de la Loire et de l'étude de parti d'aménagement sur le périphérique de Nantes qui va être lancée dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI).

De manière générale, le fait que des projets particuliers ne figurent pas dans le SNIT ne signifie pas qu’ils soient oubliés ou qu’ils ne se feront pas : ils continueront d’être pris en compte dans les PDMI. Le SNIT n’est pas conçu pour répertorier l’ensemble des axes et des voies dont chaque collectivité juge la construction nécessaire.

Monsieur Chanteguet, les lignes voyageurs sont parfois financées par des crédits européens et toujours par RFF et par des contributions publiques, à parts égales, de l’État et des collectivités territoriales. La consultation du public est en cours depuis la présentation du nouveau document consolidé, le 26 janvier dernier. À ce jour, la consultation des collectivités locales se fait par le biais de l’Internet. Je m’engage à la formaliser en demandant aux préfets de saisir officiellement de cette question, avant la fin du mois de mars, les conseils généraux, les conseils régionaux et les villes qu’ils jugeront concernées.

Le rapport relatif à la circulation des poids lourds de 44 tonnes est en voie d’achèvement ; vous le recevrez sous peu. Je saisis cette occasion pour vous indiquer avoir adressé hier au Président de votre Assemblée un courrier par lequel je lui communiquais l’état d’avancement de la transposition des directives européennes entrant dans mon champ de compétence.

Monsieur Havard, les études préparatoires à la tenue d'un débat public sur la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon sont conduites à un rythme soutenu. La commission nationale du débat public, la CNDP, a été saisie le 17 janvier 2011, sur la base de quatre familles d'options de passage ; si la CNDP en décide ainsi, le débat public devrait être lancé en septembre ou octobre 2011 pour s'achever début janvier 2012. Ce projet apparaît bien, Monsieur le président Grouard, dans les cartes du document consolidé. Il figure dans la loi Grenelle II au nombre des projets à lancer après 2020 ; toutefois, la loi dispose que les projets faisant l’objet d’une implication marquée des collectivités territoriales pourront être lancés avant cette date.

M. le président Serge Grouard. Il me paraît d’abord, Monsieur le ministre, que les villes qui ont une gare devraient être associées à la consultation. Sur le fond, les rédacteurs du SNIT doivent résoudre une équation difficile, puisqu’il leur faut définir d’une part un programme de rénovation et de modernisation, d’autre part un programme de lignes et de voies nouvelles, pour 260 milliards d’euros, hors projet « Grand Paris ». C’est un montant très difficile à financer, et je considère qu’une réflexion de fond s’impose sur ce que doit couvrir cette dépense publique.

Depuis des décennies, le raisonnement pèche : on commence par définir un idéal, on cherche ensuite comment le financer, et l’on y parvient très rarement. Cette approche de recherche de l’optimum, héritée des Trente Glorieuses, n’est plus tenable ; il faut réfléchir autrement. Ainsi, la SNCF continue d’avoir pour objectif permanent le gain de temps ; mais a-t-on calculé le prix de la minute gagnée ? Selon moi, il est extravagant ! Des discussions visant à raccourcir un voyage de quelques minutes se traduisent par des milliards d’investissements. Ce n’est pas raisonnable. Il est temps de changer de cap, par exemple en utilisant les lignes existantes pour cesser de balafrer le territoire. D’autres choix sont nécessaires et un document tel que le SNIT devrait les traduire. Je regrette qu’il ne fasse pas davantage.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Je vous remercie, Monsieur le président, d’avoir par ces fermes propos soutenu la réalisation d’une infrastructure qui, au regard du temps qu’elle fera gagner à toute une région, ne coûtera pas cher ! Je parle du barreau TGV Poitiers-Limoges, complémentaire de la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon. Je suis heureuse que la réalisation de cette ligne soit en passe d’être mise en œuvre, avec un financement très important de toutes les collectivités concernées, y compris de la part de conseils généraux qui n’y ont pourtant pas vocation. Pour autant, jamais une LGV ne permettra de faire transiter des poids lourds ! Nous avons donc aussi besoin de routes nouvelles. Nous ne sommes pas des partisans du « tout routier », mais il n’est pas concevable que les territoires encore enclavés payent l’addition pour les collectivités bien, sinon trop bien, dotées en infrastructures routières. On se trouve dans la même situation que lorsque les pays confortablement industrialisés prêchent la décroissance aux moins avancés.

J’en viens à la RN 147 qui nous relie à la façade atlantique. Il y a là un cas d’école. Vous venez de nous dire, Monsieur le ministre, que les grandes infrastructures qui ne sont pas inscrites au SNIT pourront être financées dans le cadre des PDMI. Or, la mise à deux fois deux voies de cet axe a successivement été inscrite au contrat de plan, puis au contrat de projet Etat-Région, puis au PDMI, avant d’avoir, sans plus d’effet, pris la forme du projet POLIS… qui n’apparaît pas dans l’avant-projet de SNIT ! Je rappelle l’engagement pourtant pris à ce sujet, en séance publique, par M. Apparu s’exprimant au nom de M. Bussereau, le 8 juin 2010, en réponse à ma question : ce projet « fait partie des opérations inscrites à la revue des projets où sont identifiées les principales infrastructures de transports qui méritent de figurer au schéma national en raison de leur cohérence avec les orientations du Grenelle de l’environnement. »

Les critères de désenclavement et de sécurité sont remplis, de même que la nécessité économique pour les deux régions concernées ; tous les paramètres sont donc réunis pour une réalisation que les collectivités territoriales de tous bords appellent de leurs vœux, le consensus transpolitique étant total. Pouvons-nous, oui ou non, Monsieur le ministre, espérer l’inscription au SNIT de cet axe routier déterminant ? Nous avons été trop longtemps dupés !

Mme Annick Lepetit. Je ne poserai pas de question spécifique sur le Grand Paris, projet dont j’ai compris qu’il s’agit d’une réserve royale… (sourires) J’observe cependant que l’un des modes de financement de ce projet sera la taxe d’équipement, soit un prélèvement touchant les ménages franciliens. L’absence de financement des projets prévus au SNIT a été relevée maintes fois au cours de ce débat ; doit-on en déduire qu’un financement par ce biais concernera aussi d’autres métropoles ? Le Gouvernement compte-t-il étendre le recours à ce type de mesures, au risque d’empiéter sur les prérogatives des autorités organisatrices de transport (AOT) et des Exécutifs régionaux ? Comme l’a souligné M. Maxime Bono, les responsabilités respectives de l’État et des collectivités territoriales ne sont pas assez précisément définies. Pour le « Grand Paris », deux débats publics et de multiples interventions des élus franciliens auront été nécessaires pour que l’on prenne enfin en compte, sans les opposer, l’amélioration du réseau existant et la nécessité de nouvelles infrastructures. Je suis convaincue que la question se pose dans les mêmes termes dans d’autres régions.

Pourquoi l’Île-de-France est-elle exclue des appels à projets pour les transports collectifs en site propre ?

Sur un plan général, le SNIT présente un empilement de projets sans qu’aucune priorité ne soit établie. Or, étant donné le sujet traité, c’est l’aménagement du territoire national qui est en cause. Le Gouvernement se doit donc de définir des priorités, afin que chacun puisse participer, les idées plus claires, à l’élaboration de ces aménagements.

M. Alain Gest. Monsieur le ministre, je ne vous interrogerai pas sur le canal Seine-Nord Europe car je sais que vous êtes déterminé à faire respecter les engagements pris à ce sujet. Je vous dirai en revanche ma déception de constater l’absence dans le SNIT de l’autoroute A24, qui doublerait l’A1 surchargée. L’impératif de sécurité routière donne pourtant à la réalisation de cet ouvrage un caractère prioritaire. Il est profondément regrettable que le projet d’autoroute destiné à relier Amiens à Lille se soit perdu dans les sables. On semble continuer d’oublier qu’Amiens est une capitale régionale.

La LGV Paris-Londres par Amiens ne figure pas davantage dans le SNIT sinon en pointillés, puisque deux variantes sont envisagées – les projets 21A et 21B. Pourtant, à la SNCF, tout le monde s’accorde pour considérer que l’on gagnerait du temps en choisissant le tracé passant par Amiens. J’ai du mal à imaginer qu’après avoir été tenue à l’écart des premières lignes téléphoniques au XIXème siècle, puis du tracé de l’autoroute A1 et enfin de la ligne LGV originelle, Amiens voit construire à l’ouest une seconde LGV également distante d’elle de 40 kilomètres.

L’absence définitive de ces deux projets structurants dans le SNIT signalerait la suppression à terme de la région Picardie. Le document doit donc être revu car notre région a droit, comme les autres, à des infrastructures de transport de qualité.

M. Francis Saint-Léger. Je vous remercie, Monsieur le ministre, que le passage à deux fois deux voies de la RN 88 entre Lyon et Toulouse figure dans la nouvelle version du SNIT ; il en va en effet du désenclavement du sud du Massif central. Je me félicite que mes inquiétudes aient été entendues et que l’engagement prioritaire de l’État soit ainsi confirmé.

M. Philippe Martin. Je me dois de souligner que le Conseil général du Gers participera au financement de la LGV Bordeaux-Toulouse alors même qu’il n’y aura ni gare de cette ligne dans le département, ni même un mètre de rail…

Ma question porte sur le passage à deux fois deux voies de la RN21, une réalisation qui respecterait de manière patente le critère de désenclavement cité dans le document. Toutefois, on lit, à la page 117 de l’avant-projet consolidé, que la prise en compte de ce critère « pourra conduire éventuellement à une mise à 2x2 voies complète, à terme, de certains itinéraires routiers, en passant toutefois par des phases d’aménagement intermédiaire moins ambitieuses ». Mes compliments vont aux rédacteurs de ce petit chef-d'œuvre de prudence diplomatique, qui donne à penser que la paix au Proche-Orient sera acquise avant que la RN21 ne passe en deux fois deux voies ! (Sourires) Ne vise-t-on qu’à faire plaisir aux élus ou cela signifie-t-il que le Gouvernement considère qu’il s’agit de projets d’intérêt local ? Ou bien, comme je l’espère, y aura-t-il dans le projet final un objectif clair, un calendrier précis et un financement crédible ?

M. le secrétaire d’État. Madame Pérol-Dumont, l’État est bien entendu attentif à la qualité de la RN147 et entend poursuivre l’aménagement de cette voie, mais la mise à deux fois deux voies continue de cet axe entre Limoges et Poitiers par voie de concession ne se justifie pas aujourd’hui au regard des besoins de mobilité. De plus, l’équilibre économique d’un tel projet pose question, car un tel aménagement concurrencerait directement le projet de liaison à grande vitesse Poitiers-Limoges prévu par la loi Grenelle I. L’aménagement de la RN147 se poursuivra par le biais des PDMI, et je confirme que le financement dans ce cadre est bien prévu : malgré un contexte budgétaire fortement contraint, 21,7 millions d’euros exclusivement financés par l’État ont été inscrits au PDMI de la région Poitou-Charentes, au titre de la modernisation de la RN147 au sud de Poitiers, dont une première tranche de la déviation de Lhommaizé.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Sans doute, mais qu’est-il prévu dans le PDMI pour le Limousin ? Toute la question est là.

M. le secrétaire d’État. C’est que le Limousin n’avait rien demandé.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Et pour cause ! Comme je vous l’ai dit, nous avons été bernés !

M. le secrétaire d’État. Mais 21,7 millions sont déjà prévus dans le PDMI actuel. Le document est à nouveau en cours de révision ; il vous reste donc une dernière chance de faire valoir vos arguments.

À Mme Lepetit, qui m’a interrogé sur le financement des TCSP en Île-de-France, je rappelle que 12 milliards d’euros sont prévus au contrat de projet pour financer ces réalisations d’ici 2020, en dehors des projets du Grand Paris.

Comme dans sa version initiale, Monsieur Gest, l’avant-projet consolidé de SNIT ne retient pas la réalisation du projet d'autoroute A24 qui devait relier Amiens, Lille et la Belgique. À l’instar de l’ensemble des grands projets de développement d'infrastructure considérés dans le cadre du schéma national, la pertinence de ce programme a été évaluée au regard des orientations du Grenelle de l’environnement et il en ressort que celui-ci n’est pas pleinement cohérent avec ces orientations. Il a donc été jugé préférable d’y renoncer. Pour autant, l'État reste attentif à la desserte de la région d'Amiens et fera le nécessaire, notamment dans le cadre des PDMI, pour que la RN 25 puisse relier dans de bonnes conditions Amiens et le Nord-Pas-de-Calais via Arras.

Pour ce qui est de la liaison Paris-Amiens-Calais-Londres, le SNIT reprend à la fois la loi de programmation, qui mentionne la liaison Paris-Amiens-Calais, et les réflexions sur l’axe « vallée de la Seine » avec la liaison Le Havre-Paris-Calais. Les développements ultérieurs de ce projet permettront de déterminer le tracé à retenir et un débat public sera organisé à ce sujet.

Je remercie M. Saint-Léger d’avoir signalé que, grâce à ses interventions, le projet de SNIT avait évolué dans le sens qu’il souhaitait pour ce qui concerne la RN 88, ce qui montre que l’avant-projet peut être modifié. L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique de la rocade ouest de Mende devrait pouvoir être lancée d’ici la fin du premier semestre 2011. L’achèvement des études du contournement est de Mende est prévu pour fin 2011, ce qui autoriserait le lancement de l’enquête publique autour du quatrième trimestre 2012. La nouvelle phase d’étude de la déviation de Langogne-Pradelles devrait aboutir fin 2011, en vue de faire émerger une variante préférentielle. Dans une seconde phase, les études permettront de préparer le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. L’achèvement des études est prévu pour fin 2012, ce qui autoriserait le lancement de l’enquête publique mi-2013. Enfin, la section Albi-A75 de la RN88 figure désormais dans la liste des projets routiers déclarés d’utilité publique et a fait l’objet d’un plan de financement spécifique avec les collectivités territoriales pour la partie Albi-Rodez. Les travaux ont d’ailleurs déjà débuté, comme vous l’avez sans doute constaté.

Monsieur Philippe Martin, l'aménagement de la RN 21 entre Limoges et Tarbes relève essentiellement de problématiques locales qui ne permettent pas d'envisager une réalisation par voie de concession. Pour autant, la dernière version de l'avant-projet indique expressément que la RN 21 fait partie des routes prioritairement concernées par la politique de modernisation de l'État ; dans ce cadre, la mise à 2x2 voies de cet axe est tout à fait envisageable, dès lors qu’elle correspond à des besoins réels. La RN 21 sera aménagée progressivement dans le cadre des PDMI et l'engagement des collectivités locales aux côtés de l'État sera déterminant pour le bon avancement de ce dossier. Aujourd'hui, les priorités de l'État pour la RN 21 portent sur l'aménagement de la section Villeneuve-sur-Lot-Agen
– 35 millions d’euros étant prévus pour ce tronçon au PDMI Aquitaine – ainsi que sur l'achèvement de la déviation de Bergerac – 5 millions étant inscrits au PDMI Aquitaine à cette fin. Mais, je le répète, il convient de distinguer la stratégie, telle que définie dans le SNIT, de la programmation, qui se fera par le biais des PDMI successifs.

M. Joël Giraud. Nos compatriotes frontaliers seront heureux de savoir que leurs problèmes spécifiques ont été pris en compte. Cinq projets sont mentionnés pour la métropole : Mulhouse-Fribourg-en-Brisgau, Givet-Dinan, Annemasse-Genève, Pau-Canfranc, Briançon-Italie. Cela est d’autant plus important que le droit applicable est particulier et que des partenariats public-privé peuvent être mis en œuvre. Cependant, aucun de ces projets ne figure dans la cartographie du SNIT. Au nom de la mission opérationnelle transfrontalière, je vous demande donc, Monsieur le ministre, de bien vouloir favoriser une meilleure identification de ces liaisons au sein du volet ferroviaire.

En outre, la Commission européenne a lancé un appel relatif aux « réseaux denses », connexes et complémentaires au RTE-T. Il semble que la France n’y ait pas répondu à ce jour. Ne serait-il pas opportun qu’à titre conservatoire le Gouvernement saisisse la direction des transports de la Commission de manière à ce que les projets précédemment évoqués – à l’exception de celui qui concerne aussi la Suisse, non membre de l’Union européenne – soient explicitement notifiés ?

M. Didier Gonzales. Selon les prévisions de l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI, le taux moyen annuel du trafic aérien mondial régulier de passagers pourrait progresser de 4,6 % d’ici 2025. Comment faire face à une telle hausse, notamment en région parisienne, où sont concentrés 80 % du trafic aérien français ? Le SNIT n’en dit rien. Comment envisagez-vous cette perspective, qui ne manque pas d’inquiéter les riverains des aéroports ?

Dans un autre domaine, je me félicite d’avoir appris que des crédits d’études sont prévus pour l’aménagement de la RN 6, sujet brûlant.

M. Philippe Plisson. Les transports constituent un enjeu primordial de développement et d’aménagement du territoire.

Les territoires ruraux accueillent aujourd’hui une population dont les revenus sont faibles et qui ne peut plus se loger en ville compte tenu de la cherté des terrains et des loyers. Cette population captive subit de plein fouet l’augmentation du prix des carburants car elle ne dispose d’aucune alternative de transport. Dans le même temps, en Gironde, la réalisation de la LGV – dont je ne conteste pas l’intérêt – phagocyte l’ensemble des fonds publics, y compris ceux des collectivités locales, sans pour autant résoudre les problèmes de proximité puisque ce « cheval de fer » traverse les territoires sans y faire halte. Ce mode de transport me semble inadapté aux enjeux écologiques et aux moyens financiers dont nous disposons. Ne peut-on faire évoluer les futures LGV en privilégiant l’aménagement du territoire plutôt que le gain de temps ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Je m’associe aux propos de M. Giraud relatifs aux réseaux transfrontaliers, s’agissant en particulier de la ligne Pau-Canfrac.

Monsieur le ministre, vous avez invité les représentants des collectivités territoriales à signer, le 10 mars prochain, l’accord concernant la LGV Tours-Bordeaux. Or, trois de ces collectivités n’ont pas répondu favorablement à votre appel. Que comptez-vous faire d’ici cette date ?

M. le président Serge Grouard. Nous n’avons pas encore abordé la question majeure du fret. Qu’en est-il des projets de ligne de fret ferroviaire Orléans-Limoges et de plateforme multimodale près d’Artenay ?

M. le secrétaire d’État. Monsieur Giraud, la France a répondu à la Commission européenne sur sa proposition de RTE-T à partir des préconisations de l’avant-projet dont nous débattons, et des discussions techniques ont été engagées.

En ce qui concerne les projets transfrontaliers, les études relatives au tunnel ferroviaire du Montgenèvre montrent que ce dernier intéresse au premier chef les trafics locaux de voyageurs : le trafic de marchandises potentiellement concerné – deux millions de tonnes par an – est faible au regard de la capacité de la future liaison Lyon-Turin, qui sera de 40 millions de tonnes par an. Cependant, compte tenu de l’intérêt local manifesté pour ce projet, le Gouvernement a souhaité que la nouvelle version de l’avant-projet de SNIT mentionne la promotion de l’« amélioration des liaisons ferroviaires entre les Hautes-Alpes et le val de Suse, en Italie, via le Montgenèvre ». Les études inscrites au contrat de plan État-Région permettront d’évaluer la pertinence de ce projet. Une éventuelle proposition d’inscription de ce projet dans le RTE-T ne pourra être examinée que lorsque les études auront confirmé la pertinence du projet et que l’Italie aura dit son intérêt pour cette opération, ce qui ne semble pas être le cas pour le moment. Je vous en dirai plus lorsque j’aurai rencontré mon homologue italien à l’occasion du prochain Conseil européen.

Monsieur Gonzales, les prévisions générales de croissance du trafic aérien mondial faites par l’OACI ne peuvent être transposées telles quelles au plan national car nous investissons aussi dans les transports terrestres. Quoi qu’il en soit, les conséquences de l’augmentation du transport aérien en France seront pour partie compensées par les progrès techniques, d’autant que le ministère de l’écologie investit beaucoup dans la réduction du bruit des aéronefs. Par ailleurs, nous pensons pouvoir compenser l’augmentation par une répartition plus équitable du trafic aérien sur l’ensemble du territoire.

Je note que M. Plisson partage les préoccupations du président Grouard. Le SNIT retient le principe selon lequel les LGV doivent, conformément à la loi, relier les grands pôles structurants des régions. Parce que le réseau ferroviaire classique doit permettre de supporter la grande vitesse, le document rappelle aussi l’enjeu que constituent sa modernisation et sa rénovation.

Madame Lignières-Cassou, la procédure d’attribution du contrat de concession du tronçon central Tours-Bordeaux de la LGV Sud Europe Atlantique (SEA) est entrée dans sa phase finale. L’approbation de la convention de financement transmise au mois de novembre 2010 par l’ensemble des collectivités territoriales doit être obtenue dans les meilleurs délais pour que le projet aboutisse. Il importe donc qu’elles délibèrent sans tarder pour ne pas différer la réalisation de ce projet si important pour le Sud-Ouest. Certaines délibérations sont d’ores et déjà intervenues et d’autres sont attendues dans les prochains jours. Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons écrit par deux fois aux quatre présidents des collectivités qui ne se sont pas encore prononcées et j’ai demain un rendez-vous téléphonique avec eux. En cas de refus, chacun devra prendre ses responsabilités. Après avoir clairement sollicité les autorités concernées, l’Etat ne peut attendre indéfiniment une réponse.

Mme Martine Lignières-Cassou. Qu’en est-il de la ligne Pau-Canfranc ?

M. le secrétaire d’État. Elle est mentionnée dans le document, au même titre que le tunnel du Montgenèvre.

Mme Martine Lignières-Cassou. Mais elle devrait également figurer dans la cartographie !

M. le secrétaire d’État. Le projet de SNIT étant encore en discussion, usez de toute votre force de conviction pour qu’elle le soit…

Enfin, Monsieur le président Grouard, aucune plateforme de ferroutage ne figure dans le SNIT car aucune ne constitue en soi un grand projet susceptible de changer la donne au plan national. Les diverses pistes d’amélioration de l’efficacité des chaînes intermodales sont néanmoins mentionnées dans la fiche qui figure en page 124 du document et je vous communiquerai des informations plus précises à ce sujet dans les meilleurs délais.

M. le président Serge Grouard. Merci, Monsieur le ministre, pour la clarté et la précision de vos réponses.

◊ ◊

Informations relatives à la commission

La commission a procédé à la nomination de rapporteurs.

Elle a désigné :

– MM. François-Michel Gonnot et Philippe Martin, rapporteurs pour la mission d’information sur le gaz de schiste ;

– M. Germinal Peiro, rapporteur sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir (n° 3158).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 1er mars 2011 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Dosne, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Daniel Fidelin, M. Alain Gest, M. Joël Giraud, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Armand Jung, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Yanick Paternotte, M. Germinal Peiro, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Christophe Bouillon, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, M. François-Michel Gonnot, M. Bertrand Pancher

Assistaient également à la réunion. - M. Jean Grellier, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Paul, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy