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Mercredi 2 mars 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Jacq, Président-directeur général de Météo France

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. François Jacq, Président-directeur général de Météo France.

M. le président Serge Grouard. Nous sommes heureux d’accueillir M. François Jacq afin de l’entendre d’abord sur les missions et les moyens de Météo-France et d’aborder ensuite avec lui différents sujets qui nous préoccupent, qu’il s’agisse de l’épisode neigeux de la fin de l’année dernière – et, plus généralement, de la question de la prévision –, de la restructuration de l’établissement public et de sa répartition territoriale ou encore de la recherche dans le domaine météorologique et des moyens d’action, y compris spatiaux, bref sur l’environnement dans lequel s’inscrivent les crédits du programme n° 170 « Météo-France ».

M. François Jacq, président-directeur général de Météo-France. Lointain descendant de la Direction de la météorologie nationale, Météo-France est un établissement public administratif, dont l’activité est triple : appuyer la puissance publique dans la gestion et la maîtrise des risques ; mettre la météorologie au service de l’aéronautique – ce qui représente près de 25 % de l’activité de l’établissement ; gérer une activité – minoritaire – de nature commerciale.

Concernant, en premier lieu, la sécurité des personnes et des biens, l’appui à la puissance publique, cœur de notre activité, porte aussi bien sur la gestion de crises météorologiques bien connues, comme les tempêtes ou les épisodes neigeux, que sur l’aide au ministère de la défense en matière météorologique ou à celui de la santé lors de la survenance de crises de type canicule.

Le dispositif phare en la matière est la vigilance météorologique, née au début des années 2000 après les tempêtes de 1999. Faute de se l’être approprié, le système de prévision existant n’était en effet pas assez connu du public et des autorités. Le dispositif de vigilance s’est alors développé et enrichi progressivement.

La carte de vigilance qui vous est projetée, reprend le processus mis au point pour avertir la puissance publique de certains risques. Une fois cet avertissement donné, ce sera à la sécurité civile, au sein de la chaîne d’alerte, de prendre le relais.

J’en viens, toujours au sein de ce volet régalien, au soutien aux forces armées. Il s’agit à la fois de la formation des météorologues militaires et de la fourniture de moyens météorologiques projetables – en Afghanistan, par exemple, il peut être intéressant pour les armées de disposer d’un modèle météorologique spécifique au cadre afghan afin d’appuyer les opérations.

S’agissant, ensuite, de la météorologie au service de l’aviation, l’action de Météo-France s’inscrit dans un cadre un peu particulier, celui du « Ciel unique européen », l’établissement ayant été désigné comme l’opérateur chargé de fournir des prestations de météorologie à l’aéronautique, ce qui recouvre aussi bien le vol en altitude que l’approche, périodes pendant lesquelles des prestations sont fournies aux autorités de navigation aérienne, aux compagnies et aux différents usagers.

Enfin, troisième volet, les activités commerciales représentent entre 10 et 15 % de l’activité de Météo-France. Au-delà des éléments de base fournis au titre du service public en matière de prévision et d’avertissement, certains acteurs économiques – du BTP, des médias ou encore de l’énergie – peuvent avoir des besoins spécifiques qui supposent de notre part, à partir des données météorologiques disponibles, un travail complémentaire, une expertise ou un appui, sur la base de contrats de nature commerciale. À cet effet, l’établissement public s’appuie sur ses métiers de base, qui vont de la recherche – pour améliorer les outils de prévision – à l’observation. Une bonne prévision météorologique exige en effet d’observer si l’on veut pouvoir entrer des données dans les modèles – modèles opérationnels et données à traiter qui supposent des supercalculateurs.

S’agissant de la recherche, celle-ci porte sur deux grands domaines : la prévision numérique du temps et le temps.

Au cours des trente ou quarante dernières années, la révolution principale de la météorologie a tenu à l’introduction de moyens de calcul nouveaux, car c’est par des modèles numériques que l’on peut progresser de manière régulière dans notre capacité de prévision. Quant au climat, Météo-France participe, par exemple, avec quelques autres centres dans le monde, aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur le changement climatique. Nous réalisons ainsi des simulations afin de préparer, en faisant tourner un certain nombre de modèles, les rapports du GIEC.

Un tableau vous illustre le fonctionnement du schéma météorologique. Pour prévoir le temps, il faut déjà connaître celui qu’il fait à un instant donné. Ces données d’observation sont introduites dans des modèles – dont la progression est l’objet de nos recherches – qui résolvent les équations gouvernant la physique de l’atmosphère, ce qui permet, à partir de résultats bruts numériques, d’obtenir des modèles qui donnent des températures, des pressions, etc. Les modèles n’étant cependant jamais parfaits, ils demandent à être interprétés et analysés avant, enfin, d’aider à la décision. C’est ainsi que Météo-France a un rôle d’appui, d’expertise et de conseil auprès des différents utilisateurs ou usagers que je mentionnais.

Météo-France est implanté de par le monde, aussi bien sur le territoire métropolitain que dans les départements d’outre-mer ou, ce qui est moins connu, en Terre Adélie, par exemple. Cela s’explique à la fois par notre histoire et par l’intérêt que peut présenter la prise de mesures dans certaines parties du globe.

L’établissement a son siège administratif à Paris, quai Branly, et bientôt à Saint-Mandé ; son centre technique est à Toulouse, avec un peu plus de 1 000 personnes. Il est structuré autour des sept directions interrégionales, et des centres départementaux. Météo-France emploie à peu près 3 400 personnes : 200 ingénieurs des Ponts et Chaussées, 800 ingénieurs des Travaux de la Météorologie, 1 800 techniciens de la météorologie, et des personnels administratifs ou ouvriers d’État dans des corps gérés en commun avec la Direction générale de l’aviation civile.

Le budget global annuel est de 350 millions d’euros environ, dont une quarantaine de millions d’euros de recettes commerciales. L’établissement a par ailleurs deux certifications : la certification ISO 9001, et la certification « Ciel unique », notre vade-mecum pour exercer notre mission aéronautique.

Pour les années à venir, les enjeux de Météo-France sont multiples. Le premier est de disposer des infrastructures fondamentales permettant d’acquérir ou de travailler les données. Cela suppose de disposer à la fois d’un réseau d’observation moderne et performant – stations au sol, radars, etc. – et d’un supercalculateur. On ne peut exploiter les modèles et faire progresser la recherche sans les moyens de calcul correspondants.

Le deuxième est de poursuivre nos progrès en matière de prévision numérique. On considère que l’on gagne en qualité à peu près une journée de prévision tous les dix ans, c’est-à-dire que ce qui était juste à « J plus 3 » devient juste à « J plus 4 » dix ans après. Il nous faut maintenir cette dynamique.

Le troisième enjeu est de démontrer sur le plan européen, ayant été désigné comme prestataire dans le domaine aéronautique, que notre modèle de fonctionnement, notre modèle économique et notre modèle de qualité technique sont pertinents – ce n’est pas en effet ce que pensent toujours tous les acteurs européens.

Le quatrième est d’accroître nos compétences en matière climatique, et de continuer à fédérer les forces de recherche françaises pour porter nos compétences sur le plan international.

Le cinquième enjeu est non seulement de maintenir notre volet commercial, mais aussi de prendre en compte les changements de l’univers commercial. À l’heure d’Internet ou d’autres modes de consultation de la météo, nous pourrons de moins en moins compter sur les recettes apportées par les appels aux kiosques téléphoniques, et nous devrons donc chercher des recettes de substitution.

Le dernier enjeu a, quant à lui, trait au réseau territorial. Celui-ci est extrêmement dense puisqu’il compte outre un centre national, sept centres interégionaux et une centaine d’implantations à travers le pays. À l’instar de nos homologues étrangers, nous nous sommes donc lancés dans un grand projet de réduction de ce réseau en tirant parti des progrès techniques, tout en faisant en sorte de disposer d’implantations atteignant la taille critique. À l’horizon de 2017 – le projet a été annoncé et acté en 2008-2009 et son lancement concret est prévu en 2012 –, nous devrions ainsi passer de 108 implantations à un peu plus d’une cinquantaine.

Je terminerai par quelques points d’actualité dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens.

Un an après la tempête Xynthia, Météo-France – ainsi que Mme Nathalie Kosciuzco-Morizet l’a indiqué dans une récente conférence de presse – devra avoir intégré, d’ici à la fin de l’année 2011, le phénomène de submersion marine dans le dispositif de vigilance.

Par ailleurs, nous devrons, suite aux dramatiques inondations qui se sont produites en 2010 autour de Draguignan, être capables de produire, en complément de la vigilance, des avertissements spécifiques à une échelle infradépartementale en matière de pluies si un phénomène singulier se produit.

À cet égard, l’épisode neigeux inédit et fort du mois de décembre dernier me semble avoir été géré par l’établissement de manière satisfaisante en produisant des avertissements au mieux de l’état de l’art. Prévoir la neige n’est pas un exercice simple. Il nécessite encore une progression des moyens techniques dans le domaine de la prévision numérique. Reste que si l’on se compare à l’état de l’art international, notre action lui a été conforme et, en tout cas, nous avons essayé de tirer parti de ces crises pour bien mettre en évidence les directions dans lesquelles nous devons progresser.

M. Jean-Paul Chanteguet.  Le climat se réchauffe, y compris en France. Disposez-vous de statistiques concernant le dernier siècle ? Quels sont, plus précisément, les signes du réchauffement climatique ?

Météo-France participe aux travaux du GIEC, mais l’établissement public réalise aussi ses propres recherches, qu’il s’agisse de la variabilité du climat, des scénarios de changement climatique aux échelles globale et régionale ou encore des impacts du changement climatique sur l’enneigement et l’hydrologie. Quels sont, au-delà, les futurs programmes de recherche de vos équipes ?

Des travaux, parus notamment dans la revue américaine Nature, démontrent qu’il y a un lien entre le réchauffement climatique et l’intensité des phénomènes climatiques – inondations, sécheresses. Ce matin, à la télévision, un journaliste indiquait d’ailleurs que le phénomène neigeux que nous avons connu au mois de décembre dernier pourrait très bien se reproduire, en raison précisément du réchauffement climatique. Qu’en pensez-vous ?

Mme la ministre chargée de l’environnement a évoqué la mise en place d’un plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qu’elle devrait annoncer avant le mois de juin. Pourriez-vous nous donner des éléments sur l’impact du réchauffement climatique au niveau français ? Si vous aviez des propositions à formuler, quelles seraient-elles ? Enfin, quels sont les nouveaux scénarios climatiques pour notre pays ?

M. Stéphane Demilly. Les prévisions météorologiques ne sont pas seulement un des sujets de conversation préférés des Français, elles fournissent aussi des informations indispensables dans bien des domaines comme l’aéronautique, la défense ou la santé.

Hier, à l’occasion de l’audition de M. Thierry Mariani, secrétaire d’État chargé des transports, notre commission a évoqué les leçons à tirer de la gestion de l’épisode neigeux de décembre dernier. En raison de la « pagaille » provoquée par la neige, notamment dans les transports, la fiabilité des prévisions de Météo-France a parfois été mise en cause, et ce au plus haut niveau. Vous-même, en qualité de P-DG de Météo-France, avez participé aux réunions de crise pilotées par Matignon. Quelles décisions et quelles mesures avez-vous prises pour améliorer vos performances en matière de prévision et, surtout, en matière de communication en direction du grand public ?

Ensuite, Météo-France est un acteur important du travail de prévision et de modélisation du changement climatique. Aussi, au lendemain du sommet organisé par l’ONU à Cancun, quel regard portez-vous sur ce problème ? Quels arguments avancez-vous, en réponse à l’offensive de ceux qui mettent en doute la réalité de ce réchauffement et la responsabilité anthropique dans l’évolution du climat ?

Enfin, Météo-France est en pleine réorganisation. Son réseau de stations météorologiques devrait être revu et il est prévu de fermer certains sites. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ? Sachez que dans mon département de la Somme, nous tenons tout particulièrement à la station de météo d’Abbeville.

M. Jean-Pierre Marcon. Je me félicite au nom du groupe UMP des efforts accomplis par Météo-France. Voilà une vingtaine d’années, on considérait que ses informations n’étaient pas fiables. Aujourd’hui, je ne connais pas un corps de métiers travaillant à l’extérieur qui ne se fie aux données fournies par Météo-France, que ce soit dans le BTP, l’agriculture, ou le tourisme. Les administrations elles-mêmes y ont recours ; je pense notamment aux services qui s’occupent du déneigement dans les départements. Pourtant, fournir des indications fiables, par exemple, dans le centre de la France où la température évolue très rapidement, en l’espace de quelques minutes, n’est pas du tout évident.

J’en viens à un problème plus particulier. Après m’avoir confirmé que la station de Météo-France de ma circonscription serait rattachée à un département voisin, le préfet m’a demandé, la semaine passée, de lui donner mon avis sur la question, me fournissant même un argumentaire de quatre pages peu compréhensible, au point que je ne vois pas comment je pourrai répondre aux questions que me poseront les habitants de mon département sur cette restructuration. Pourriez-vous me donner quelques précisions, car j’avoue douter que la diminution des stations météorologiques départementales se traduira par une plus grande efficacité sur le terrain ?

M. Christophe Priou. J’interviens en qualité de rapporteur pour avis du programme budgétaire n° 170. À l'instar du climat, votre métier change. Le plan stratégique pour la période 2009-2017 en tire les conséquences, en prévoyant notamment des réorganisations territoriales, qui ne sont jamais faciles à gérer. Pour autant, deux opérations immobilières importantes, portant sur plus de 8 millions d’euros, ont été programmées pour 2011. Les délais seront-ils tenus ?

Par ailleurs, vous auriez tout intérêt à développer les partenariats, dont je tiens à vous donner cet exemple : le 11 mars, nous signerons, au sein de la communauté d’agglomération Cap Atlantique, qui regroupe notamment Guérande et La Baule, une convention avec votre établissement. Il se trouve en effet que depuis une trentaine d’années, une station météo est implantée au cœur des marais salants. Cela nous a permis de constater qu’en un laps de temps finalement très réduit, avaient eu lieu des évolutions intéressant les uns et les autres, en particulier les agriculteurs, les pêcheurs et les paludiers. Nous avons été tout spécialement surpris par la précision des données fournies par vos collaborateurs, qui font preuve d’un grand professionnalisme. Je regrette cependant qu’ils soient eux aussi touchés par un mal très français : l’excès de formalisme, qui fait traîner les procédures en longueur. C’est ainsi qu’il nous aura fallu deux ans et de nombreux allers et retours entre Nantes et Paris pour finaliser cette convention.

M. François Jacq. Comme l’ont montré de récents débats, le sujet du changement climatique est source de polémiques. Nous avons affaire, en effet, à deux échelles de temps.

Celle à l’aune de laquelle raisonne le GIEC et fonctionnent les modèles climatiques est d’une centaine d’années. À cette échelle, la modélisation donne des signes très clairs d’un réchauffement climatique. La physique de l’atmosphère est en effet toujours un peu la même. Ainsi, quand on fait tourner un modèle sur des événements passés, en fonction des observations faites à ce moment-là, le modèle reproduit plutôt bien ce qui s’est passé. C’est déjà une première assurance que l’on a un outil qui capte bien la réalité. À l’horizon de la centaine d’années, nous sommes donc confiants.

C’est à une échelle moindre, entre notre époque et la centaine d’années, que les difficultés scientifiques commencent. Il est incontestable que les dix ou quinze dernières années ont été, en moyenne, plus chaudes que la normale, y compris sur le territoire national. Mais qu’en sera-t-il dans dix, vingt ou trente ans ? Ce que nous appelons la « prévision décennale » est en effet délicate, car autant la tendance générale est claire, autant des cycles existent. C’est ainsi qu’à la tendance de longue durée se combinent des variations interannuelles, liées à des cycles – par exemple, l’oscillation nord Atlantique. En matière de recherche, comprendre la saisonnalité à l’échelle décennale est donc un enjeu majeur. Pour autant, ce n’est pas parce qu’il y a des oscillations régulières que cela invalide les modélisations et le diagnostic que l’on formule sur le long terme.

Dans ces conditions, il est difficile de tirer, des événements climatiques actuels, en particulier de l’épisode neigeux du mois de décembre dernier, des conclusions en lien avec le changement climatique.

Prenez l’exemple de Xynthia, qui a conduit de nombreuses personnes à se demander si de telles tempêtes n’allaient pas se reproduire plus souvent. Les modélisations tendent à montrer qu’il n’y aura pas nécessairement davantage de tempêtes liées au changement climatique sur l’Atlantique, mais qu’en revanche le rail, c’est-à-dire la ligne sur laquelle elles se déplacent, remontera sans doute vers le nord. Or, paradoxalement la tempête Xynthia a démarré plus au sud que ce que l’on a l’habitude de voir. On ne peut donc, en aucune manière, l’attribuer au processus climatique en tant que tel.

Nous avons encore besoin d’affiner nos connaissances pour apprécier le lien éventuel entre le réchauffement climatique et l’intensité de certains phénomènes dans les dix à quinze ans à venir. Mais nous parlons ici de phénomènes extrêmes. Si nous parlons de la sécheresse ou de la baisse des réserves en eau, le lien avec le réchauffement climatique est clair et la tendance que je rappelais est bien présente.

Que peut donc apporter Météo-France au plan national d’adaptation au changement climatique ? Ne pouvant intervenir que pour ce qui concerne l’amont, l’établissement ne peut qu’indiquer aux acteurs, dans les limites actuelles de nos connaissances, ses scénarios d’évolution du climat, avec des projections à vingt ou trente ans et des déclinaisons à maille plus fine au niveau territorial. Notre apport dans le cadre du PNACC est donc, d’une part, de participer aux groupes de travail et de faire la pédagogie du climat et du changement climatique, et, d’autre part, de mettre à la disposition de tous les acteurs nos scénarios climatiques, aussi régionalisés, que possible pour qu’ils puissent les prendre en compte dans leurs plans d’action en matière de tourisme, par exemple.

J’en viens à la réorganisation territoriale. Comme je l’indiquais, Météo-France compte sept directions interrégionales – Rennes, Bordeaux, Aix-Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille et Paris –, ainsi que des centres départementaux. Ces derniers sont parfois assez récents : le mouvement tendant à leur création date des années 1980, et certains d’entre eux n’ont été installés que dans les années 1990. Ces implantations de Météo-France, qui sont de petite taille, car elles ne comptent en moyenne que six personnes, n’accueillent pas du public au sens où la Poste et les services des impôts peuvent le faire.

Il convient, par ailleurs, de ne pas confondre les centres départementaux et les moyens d’observation en tant que tels. Nous avons plusieurs centaines de stations d’observation et des radars. Ces moyens ne seront pas affectés, car leur densité permet d’alimenter nos modèles de prévision et de garantir leur qualité.

La prévision se fait aujourd’hui à trois niveaux : une première prévision est réalisée au niveau national, à Toulouse, pour l’ensemble du pays ; elle est ensuite complétée et réexaminée au plan interrégional, avant d’être encore reprise une troisième fois. Ne nous voilons pas la face : ce système est lourd et complexe, et parfois source d’incohérence. Dès les années 1990, il avait été envisagé de ne conserver que deux niveaux de prévision et de simplifier le mode d’organisation territoriale, la petite taille et le morcellement des entités ne permettant pas nécessairement d’atteindre la taille critique à chaque niveau.

Mise temporairement de côté, cette réflexion a repris au début des années 2000 : les constats techniques n’ont pas changé – on peut envisager des modes de fonctionnement plus efficaces –, et surtout des considérations budgétaires et financières se sont mêlées à la question : afin de pouvoir continuer à investir, à innover et à s’améliorer, Météo-France a intérêt à redéployer ses moyens pour assurer des prestations de même qualité à coûts constants, voire à coûts réduits.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls concernés : les deux autres services météorologiques européens de grande taille et de référence, ceux de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, se sont engagés dans des évolutions comparables. Les moyens britanniques sont aujourd’hui rassemblés dans un seul centre unique, implanté à Exeter, avec une antenne en Écosse. Les Allemands disposent d’un centre à Offenbach et de six ou sept centres régionaux dans les Länder.

Nous essayons, pour notre part, de prendre en compte la spécificité française en réduisant, certes, notre réseau grâce à une meilleure articulation de nos moyens – nous allons ainsi passer de 108 à 55 centres –, mais en conservant une densité sans équivalent en Europe. Cette organisation renforcera notre efficacité : elle permettra de traquer certaines incohérences, d’adopter un mode de fonctionnement plus léger et plus adapté, mais aussi de redéployer des ressources vers des enjeux essentiels tels que la recherche, le climat et l’observation. Ces évolutions nous permettront, en outre, d’améliorer notre réactivité en situation de crise. Je rappelle, par exemple, que les centres départementaux étaient jusque-là fermés la nuit. Nous pourrons désormais être plus réactifs.

À la suite de la crise sociale assez lourde qui a eu lieu au sein de notre institution, le choix a été fait, en 2008, de prendre du temps pour réaliser ces évolutions. Les annonces sont faites au moins trois ans à l’avance, et nous suivons la procédure prévue par l’article 29 de la loi de 1995 sur l’aménagement du territoire : le préfet doit être informé des perspectives d’évolution et il doit, à son tour, informer les élus concernés. Il peut, en outre, organiser une concertation à l’échelle départementale. Même s’il pourrait résulter quelques difficultés de la fréquence des réunions des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services, c’est dans ce cadre, monsieur Marcon, que vous avez été sollicité. Nous essayons d’expliquer clairement nos projets et la façon dont nous comptons procéder. J’ignore quels sont exactement les documents qui vous ont été soumis, mais nous veillerons à remédier aux difficultés portées à notre attention.

J’en viens aux opérations immobilières, qui sont au nombre de trois. La première d’entre elles n’affecte pas notre budget, mais son importance m’oblige à la mentionner : il s’agit du déménagement de notre siège du quai Branly à Saint-Mandé. La matière d’ouvrage relève du ministère lui-même : c’est lui qui construit le nouveau bâtiment, commun à l’Institut géographique national et à Météo-France. Le siège du quai Branly ayant été vendu à la Fédération de Russie, nous sommes aujourd’hui ses locataires. Notre objectif est d’avoir déménagé en octobre 2011. Le bâtiment devrait être livré au cours de l’été.

À cela s’ajoutent deux autres opérations relevant directement de Météo-France. La première consiste à construire deux bâtiments sur le site de Toulouse pour accueillir des équipes aujourd’hui installées à Trappes et relevant à la direction des systèmes d’observation. Le transfert des équipes de Trappes vers Toulouse sera ainsi parachevé. La construction des bâtiments est en cours, et les bâtiments devraient être livrés en 2012, pour un coût global de 12 millions d’euros. Une seconde opération consiste à construire le futur calculateur de Météo-France. Compte tenu du vieillissement des installations de la Météopole et de la taille du nouveau calculateur, nous avons établi un partenariat local avec le pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) de l’université de Toulouse. La mutualisation du calculateur est malheureusement impossible du fait de nos exigences opérationnelles, mais l’infrastructure d’accueil sera commune : deux calculateurs seront localisés au même endroit afin de réaliser des économies. L’opération, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le PRES en liaison avec le conseil du Grand Toulouse, devrait être achevée en 2013. Le dossier d’avant-projet détaillé est aujourd’hui presque terminé. Le respect de l’échéance est crucial, car le calculateur doit être remplacé en 2013 : il faudra que l’infrastructure soit disponible à ce moment-là.

Pour le reste, je reconnais bien volontiers que nous pouvons encore progresser en matière de procédures administratives et de délais. C’est une vraie préoccupation. On peut parfois trouver de bonnes explications, telles que l’application stricte des règles de procédure, mais nous devons être non seulement rigoureux, mais aussi rapides, dans la mesure du possible.

M. Jean-Marie Sermier. Si les prévisions météorologiques sont une science complexe, les alertes de crue le sont plus encore. Elles dépendent non seulement des alertes météorologiques, mais aussi d’autres éléments, tels que la taille des bassins, l’inclinaison ou les types de sol. Nous avons l’impression que ces alertes sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre. Avez-vous noué des relations avec les autres services de l’État et ceux des collectivités, notamment les établissements publics territoriaux de bassin (EPTP), afin d’avancer dans ce domaine ? Dans le Jura, réseau karstique, il n’est pas rare que des alertes ne s’accompagnent pas de crues, et que des crues ne soient pas précédées d’alertes.

Jean-Paul Chanteguet indiquait qu’il croyait au réchauffement climatique. Or, il ne s’agit pas de croire ou de ne pas croire, mais de procéder à des constats. Les prévisions sont les conséquences de l’introduction de données dans les modèles mathématiques. Tout le monde est d’accord sur les observations, même s’il reste à s’entendre sur les données datant d’un siècle ; j’aimerais en savoir plus sur les modèles mathématiques. En existe-t-il plusieurs types ? Pouvez-vous nous dire si tous les pays utilisent le même modèle ?

M. Philippe Plisson. Je voudrais revenir sur le lien entre le changement climatique et les catastrophes naturelles. Il semblerait que des travaux réalisés par Francis Zwiers, de l’université canadienne de Victoria, et Pardeep Pall, de l’université d’Oxford, aient établi l’existence d’un lien entre les catastrophes naturelles, en particulier les inondations, et le réchauffement climatique. Sandrine Bony, chercheuse au CNRS, a par ailleurs conclu que les précipitations extrêmes pourraient s’accentuer plus vite que prévu. Confirmez-vous ces analyses ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Nous avons bien entendu vos propos concernant le redécoupage territorial, mais ils ne lèvent pas toutes les hypothèques. La décision de fermer près de la moitié des sites actuels est paradoxale : la météorologie est devenue un outil de la plus haute importance pour nos concitoyens, ainsi que pour la vie économique et politique – chacun se souvient des incidences d’un récent épisode neigeux dans notre pays.

De même, j’entends bien vos propos sur les nouveaux outils informatiques, mais le facteur humain et l’appréhension des territoires au plus près de leur réalité revêtent aussi une grande importance. Certains craignent, en particulier au sein de votre institution, que les prévisions perdent une partie de leur acuité.

Bien que les centres n’accueillent pas physiquement le public, comme vous l’avez rappelé à juste titre, ils lui rendent des services extrêmement importants. Les secteurs ruraux, déjà durement frappés par la restructuration ou même par la disparition des services publics, voient ces évolutions comme un mauvais coup porté contre eux, une fois encore. Ils se sentent sacrifiés, non sur l’autel de l’efficacité, mais sur celui des économies budgétaires – et ils n’ont pas tort. Des partenariats fructueux ont pourtant vu le jour avec certaines collectivités locales, certaines d’entre elles allant jusqu’à mettre des agents à disposition de Météo-France. C’est ainsi que nous avons pu gérer intelligemment, dans notre région, le dernier épisode neigeux, notamment en matière de transport scolaire.

Vous avez indiqué que l’impératif était de disposer d’un bon équipement de base. Ne considérez-vous pas que les moyens humains et la proximité en font partie ?

M. Philippe Boënnec. Le réchauffement climatique ne sera pas nécessairement uniforme. Les courants océaniques peuvent, en effet, exercer une influence : il se pourrait que le climat devienne plus froid dans notre pays si le Gulf Stream se déplaçait ou bien s’il disparaissait. Les zones de dépression sont également susceptibles d’évoluer.

En ce qui concerne Xynthia, la fiabilité des prévisions était bonne à court terme. La question est de savoir comment gérer l’alerte, aussi bien au plan de Météo-France que des autres structures.

Pourriez-vous nous indiquer s’il existe beaucoup d’autres supercalculateurs au monde, et si l’on procède à une mutualisation sur le plan européen ?

Vos prévisions ne sont pas gratuites au-delà de trois ou quatre jours, mais on peut consulter les sites américains – c’est ce que je fais à titre personnel. Qu’en pensez-vous ?

Dans le domaine maritime, allez-vous poursuivre l’expérimentation consistant à diffuser les bulletins toutes les heures via les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) ? C’est une mesure qui me semble très positive et qu’il conviendrait de généraliser. Il faut toujours rester en veille sur le littoral, une dépression assassine n’étant jamais exclue, même en été.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je voudrais commencer par rendre hommage à votre établissement, qui a su s’adapter avec le plus grand professionnalisme à l’accroissement de ses missions. Du fait du changement climatique, votre rôle devrait continuer à se renforcer. Or, on « touche à l’os » à force de réduire les moyens. Vous avez évoqué la diversification de vos sources de financement, mais j’ai surtout l’impression qu’on court un danger en passant de 108 centres à une cinquantaine. Il me semble que le fait de devoir abandonner un aéroport de catégorie 3 pose un problème de sécurité.

Comme Marie-Françoise Pérol-Dumont l’a rappelé, certaines collectivités vous accompagnent sur le terrain, car elles sont bien conscientes de vos missions. Je voudrais que la commission prenne, elle aussi, conscience de la nécessité de mettre un terme à la réduction des moyens subie par Météo-France.

M. Martial Saddier. Au nom du Conseil national de la montagne et de Joël Giraud, président du comité de massif des Alpes, qui est à mes côtés, j’aimerais vous demander quels critères objectifs guident les décisions de suppression de vos antennes.

Vous avez dressé une comparaison avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais ces pays ne sont pas la première destination touristique, contrairement à la France. La question se pose aussi en termes d’aménagement du territoire.

J’en viens aux observateurs bénévoles, qui font la richesse de Météo-France : on constate qu’ils disparaissent peu à peu. Où en êtes-vous de la modernisation des stations automatiques, le réseau Radôme ?

Alors qu’il est question d’une élévation des températures comprise entre 0,6 et 0,7 degré dans le monde, deux des plus anciennes stations météorologiques, liées à l’histoire de l’alpinisme, Genève et Chamonix, constatent une augmentation de 1,2 degré des températures, à précipitations croissantes. J’aimerais savoir s’il existe un programme de recherche spécifiquement consacré aux zones de montagne en vue de comprendre pourquoi l’élévation des températures y est deux fois supérieure à la moyenne mondiale.

Nous avons une grande expérience des simulations de crues rapides dans le bassin du Mont Blanc et de la vallée de Chamonix, avec la rivière de l’Arve. La tempête Xynthia a été évoquée tout à l’heure, mais il y a aussi la problématique des crues et des laves torrentielles liées au recul des glaciers dans les zones de montagne. L’expérience de Chamonix n’étant pas très concluante dans ce domaine, Météo-France compte-t-elle poursuivre son investissement ?

Comme vous l’a déjà demandé Philippe Boënnec, existe-t-il une stratégie de mutualisation entre les grands instituts de météorologie européens, et une stratégie d’harmonisation pour les outils de prévention ?

M. Francis Saint-Léger. Permettez-moi d’évoquer, à mon tour, la réorganisation territoriale de votre établissement, laquelle suscite de nombreuses inquiétudes, car elle consiste, en réalité, à renforcer les grands centres et à supprimer l’échelon territorial. Comme la Cour des comptes l’a indiqué, cette réforme fait reposer sur la totalité des gains espérés sur le réseau territorial, alors qu’elle devrait être étendue à l’ensemble de l’établissement, y compris le siège.

Des centres tels que ceux de Millau, de Mende, d’Aubenas, du Puy, de Brives, de Saint-Étienne ou de Vichy vont être rayés de la carte : c’est tout le Massif central qui sera abandonné par vos services. Les centres de Nîmes et de Montpellier, très proches et comparables sur le plan météorologique, seront préservés, mais il n’existera plus de centre entre Lyon et Montpellier, alors que cette zone compte 400 kilomètres d’autoroutes, dont la moitié est située à plus de 1 000 mètres d’altitude et subit des intempéries extrêmement fréquentes, notamment des épisodes neigeux. La situation est identique entre Lyon et Toulouse. Comment expliquer l’absence de personnel sur ces axes, alors que la limite entre la pluie et la neige est hasardeuse et peut avoir des conséquences très lourdes en matière économique et de sécurité ? Aucun moyen technique ne pourra remplacer la présence d’observateurs professionnels et expérimentés sur ce type de territoires. Je comprends mal qu’une présence humaine ne soit pas considérée comme nécessaire sur des espaces aussi immenses et montagneux que le Massif central, quand Météo-France détache, chaque année, cinq observateurs pour un tournoi de tennis, sachant que le centre le plus proche n’est qu’à quelques centaines de mètres de là. La réorganisation que vous proposez est parfaitement injuste. L’abandon des territoires constitue une grave erreur.

M. André Vézinhet. Je voudrais revenir sur l’évolution du climat dans le Sud de la France. La délimitation climatique vient, en effet, d’être modifiée : le climat semi-aride s’étend désormais jusqu’à Montélimar et même jusqu’à Millau, dans le Sud de l’Aveyron. Nous devons prendre des dispositions pour combattre le stress hydrique, qui affecte des pratiques culturales ancestrales que l’on considérait établies pour toujours : il faut aller chercher de l’eau là où on peut la trouver afin de maintenir les activités agricoles. Je pense, par exemple, aux possibilités offertes par le Rhône, qui a le même débit que le Nil, mais dont seuls 5 ou 6 % des possibilités sont exploitées en matière de distribution d’eau brute. Face à ces difficultés, Météo-France est un interlocuteur majeur pour les collectivités dans le cadre de leur réflexion sur les grands investissements.

M. Jérôme Bignon. J’aimerais savoir où vous en êtes dans les coopérations avec les grands établissements publics français, notamment en matière de recherche. Je pense, en particulier, à Mercator, projet encore peu connu. Sans être un spécialiste de ces questions, j’ai eu l’impression, à l’occasion de l’affaire Xynthia, que Météo-France était plutôt tournée vers les sciences de l’atmosphère, alors d’autres organismes maîtrisent plutôt la courantologie et les sciences de la mer, à l’image du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Il a été question de coopération au plan européen, mais je rappelle que la France a aussi l’immense privilège d’être présente dans tous les océans. Quelle est votre coopération avec la NOAA (National oceanic and atmospheric organization), qui a été créée au XIXe siècle par le président Jefferson, et qui est en quelque sorte l’ancêtre de tous les organismes de météorologie ? Quel est, par ailleurs, l’apport de Météo-France à la connaissance du climat mondial ? Je pense, en particulier, aux phénomènes El Niňo et La Niňa.

M. Lucien Degauchy. Je dois dire que je suis déçu par les prévisions de Météo-France. Pendant toute ma vie professionnelle d’horticulteur, j’ai eu à souffrir de vos erreurs. Malgré les moyens humains et matériels dont vous disposez, en particulier un matériel informatique très onéreux, vos prévisions ne sont pas à la hauteur. Elles ne se sont guère améliorées depuis Albert Simon et sa grenouille, qui ne coûtait pas cher à nourrir (murmures).

Je pourrais citer de nombreux cas où les conséquences ont été importantes au plan matériel, mais aussi en vies humaines. Il vous reste encore de grands efforts à réaliser pour satisfaire le public et les professionnels.

M. François Jacq. Je reconnais que je n’ai pas les mêmes talents qu’Albert Simon… Que la météorologie soit un exercice difficile et qu’il y ait de fausses alarmes, c’est vrai. Un de mes homologues en charge du service météorologique de la NOAA a dit un jour, devant une commission du Congrès, sous forme de boutade, qu’il était étonné de conserver son poste alors qu’il se trompait quatre fois sur dix...

Nous avons des indicateurs objectifs, partagés au plan international, sur les performances des modèles, sur les taux de fausses alarmes et sur le taux de fiabilité des prévisions : les résultats s’améliorent d’année en année de façon spectaculaire. Je tiens ces données à votre disposition.

En matière de vigilance, il existe un comité de suivi réunissant la direction de la sécurité civile et les directions des autres ministères. Nous n’éradiquerons jamais les fausses alarmes, mais leur taux s’est considérablement réduit et nous sommes parvenus à une fiabilité dont nous n’avons pas à rougir. Je tiens à le dire au nom de l’établissement et de son personnel.

La question des crues est complexe : il faut tenir compte du contexte hydrologique et il existe, par ailleurs, différents types de crues, les unes lentes, les autres rapides. Nous sommes parvenus à des résultats assez satisfaisants pour les premières : nous parvenons assez bien à prévoir les précipitations et le temps de réponse des bassins est assez constant. Le travail réalisé en commun avec le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) et les services de prévision des crues (SPC) a porté ses fruits. Nous allons encore progresser, mais il existe déjà une articulation étroite entre les services.

Les crues rapides posent un problème plus délicat : il s’agit, en effet, de précipitations brutales, telles que les orages cévenols, qui peuvent affecter des petits bassins dont les temps de réaction sont extrêmement rapides. À Draguignan, par exemple, la situation a basculé en un quart d’heure. Quels progrès peut-on envisager dans ce domaine ? Outre les avertissements infra-départementaux que j’évoquais tout à l’heure, nous comptons sur les progrès de la prévision : nous allons rendre les mailles de plus en plus fines grâce à des modèles probabilistes couplés à une meilleure compréhension du terrain – des travaux sont programmés avec le SCHAPI et les SPC pour réaliser des progrès dans ce domaine.

J’en viens aux questions portant sur notre réorganisation territoriale. Le facteur humain est important, mais la question est de savoir s’il faut être installé localement pour réaliser une prévision locale. Nous répondons par la négative. Il faut certes avoir acquis une connaissance des territoires, mais cela ne suppose pas nécessairement d’être présent sur le terrain. Quand mes services me disent qu’ils sont capables d’affiner les prévisions grâce à leur connaissance précise du territoire, je leur demande s’ils peuvent formaliser et transmettre ce savoir, et si ce n’est pas le cas, s’il faudra attendre vingt ou trente ans pour reconstituer ce savoir local en cas de départ à la retraite.

Nous souhaitons évidemment préserver le réseau des bénévoles, que nous essayons de moderniser en lui donnant des outils nouveaux et en mobilisant des gens plus jeunes – il faut reconnaître que la population concernée est un peu vieillissante.

Cela étant, il faut distinguer l’observation et le traitement de l’information. Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2010, par exemple, nous avions bien prévu une bande neigeuse qui devait se déplacer d’ouest en est et toucher partiellement la région parisienne. Nous étions à la limite entre la pluie et la neige – il pleuvait sur Paris, mais il y avait dans le même temps huit centimètres de neige à Vélizy. La prévision était bonne : il s’agissait bien d’une bande neigeuse, pas très large, qui se déplaçait et qui était relativement abondante, mais il était difficile de faire une prévision à dix kilomètres près – l’état de l’art météorologique ne le permet pas aujourd’hui. Imaginez-vous la densité d’observateurs nécessaire pour y parvenir ? Il y a un équilibre à trouver.

Quant aux critères retenus, je n’ai, bien sûr, rien à vous cacher. Nous prenons en compte des critères physiques ou géographiques, lesquels justifient, par exemple, le maintien de stations en haute montagne, où la situation est très complexe. Quand il existe deux centres de nature à peu près équivalente, nous examinons les moyens de communication possibles ainsi que la situation du personnel, car nous sommes conscients des difficultés de la réforme. Nous prenons en considération la mobilité plus ou moins grande des personnes. Nous ne les traitons pas comme des pions : nous essayons de trouver des solutions pour chacun.

La question des aéroports dépasse singulièrement le cadre de la réorganisation territoriale de Météo-France : nous devons nous conformer, en la matière, aux prescriptions des autorités de navigation aéronautique européennes, qui déterminent la nature du service qui doit être rendu dans les aéroports et la nécessité, ou non, d’une présence physique sur place.

En ce qui concerne Xynthia, vous avez raison : la surcote était connue et l’avertissement a été donné. On peut, en revanche, s’interroger sur la chaîne d’alerte et sur les conséquences tirées des prévisions. C’est le sens du travail que nous essayons de réaliser dans le cadre de la « vigilance submersion ».

Nous sommes engagés, par ailleurs, dans un travail de modélisation océanographique, et nous avons noué des partenariats étroits avec d’autres organismes tels que le Service hydrographique et océanographique de la marine (SCHOM) et l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Loin d’être dispersés, les moyens sont aujourd’hui fédérés.

Il faudra procéder en deux temps pour aller plus loin : nous devrons répondre aux phénomènes tels que Xynthia en assurant une couverture à l’échelle départementale, puis nous devrons aller vers une modélisation plus fine au niveau côtier, que l’on peut espérer réaliser dans les quatre ou cinq années à venir, en croisant tous les services d’information géographique.

J’en viens à Mercator Océan : le groupement d’intérêt public (GIP) a été transformé en société civile réunissant cinq partenaires – le CNES (Centre national des études spatiales) en est sorti. Cet outil nous permettra de proposer un service dans le domaine maritime au niveau européen. Pour cela, il faudra faire preuve de vigilance sur le développement du programme GMES (Global monitoring for environment and security) : nous devons permettre à Mercator de se développer. C’est une très belle initiative, que nous avons beaucoup soutenue et qui a déjà porté de nombreux fruits.

J’en viens aux différentes formes de mutualisations. La première d’entre elles concerne les satellites météorologiques, qui sont tous gérés par un seul organisme européen, EUMETSAT – je signale que mon adjoint, Alain Ratier, a été élu à l’unanimité directeur général de cet organisme et qu’il prendra ses fonctions au mois d’août. Cela démontre que la compétence française est reconnue et que Météo-France s’efforce de rayonner au plan international. D’autres moyens d’observation sont également mis en commun : un programme européen permet ainsi d’équiper tous les avions de ligne en capteurs qui nous transmettent des données, et un centre européen de prévision est chargé de travailler sur les prévisions de long terme et de faire de la recherche. Nous y envoyons du personnel, il y a des échanges réguliers, et nous avons développé des partages en matière de développement des codes et de modèles. Notre code source est commun, ce qui permet une meilleure mutualisation.

S’agissant des CROSS, nous poursuivons l’expérimentation que vous avez évoquée.

En matière de gratuité, le modèle américain est très particulier : le service météorologique produit des données mises à la disposition de tous, avec une interdiction de les commercialiser. En Europe, le spectre est plus riche : certains organismes exercent des activités de service public et des activités commerciales, notamment en France, au Royaume et en Finlande, tandis que d’autres ont cessé leurs activités commerciales ou se sont engagés sur cette voie. Dans le cas de Météo-France, certains éléments sont mis en ligne sur le site Internet auquel chacun peut accéder, mais les entreprises peuvent obtenir des prestations spécialisées en souscrivant un contrat. De façon générale, la tendance est à l’élargissement du spectre des informations gratuites.

Quelle est la différence entre les informations fournies par Météo-France et celles des sites américains ? Ces derniers utilisent un modèle global, alors que nous employons un modèle, nommé Arome, dont les mailles sont de 2,5 kilomètres sur 2,5 kilomètres. Nous nous efforçons, en outre, de corriger les biais éventuels grâce à des adaptations statistiques et à notre expertise. On peut raisonnablement penser que les prévisions obtenues par l’application d’un modèle global sont de moins bonne qualité et moins adaptées.

M. Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo-France. La coopération concerne, avant tout, le système des satellites météorologiques en orbite polaire : il y a un partage entre l’Europe et les États-Unis dans ce domaine, et les données sont intégrées – c’est d’ailleurs l’une des rares coopérations avec les États-Unis dans le domaine de l’observation de la Terre. Météo-France s’est, en outre, engagée dans un accord avec la NOAA pour un nouveau satellite de démonstration, appelé NPP. Nous allons évaluer l’apport de ces données pour nos besoins propres, notamment les prévisions à courte échéance.

Une coopération existe, par ailleurs, avec le centre de la NOAA installé à Miami pour la prévision des cyclones dans les Antilles et en Guyane. D’autres coopérations concernent plus spécifiquement la recherche, notamment en matière de climat et d’équipements de mesure dans l’Atlantique. Je pense, en particulier, au programme PIRATA, qui regroupe plusieurs organismes, dont certains sont américains – ces derniers ont déjà une expérience acquise dans le Pacifique.

Il est difficile de savoir si un événement donné peut être attribué au changement climatique. Selon nous, on ne peut raisonnablement établir de lien que pour les événements hors norme, tels que la canicule de 2003 ou les catastrophes survenues en Australie. Il faut être d’une grande prudence en ce qui concerne la robustesse des méthodes. Je songe, en particulier, à deux articles parus sur la vague de froid en Angleterre et les inondations en Australie. Je le répète : on ne peut établir de lien que pour des phénomènes de grande échelle, et non pour les précipitations dans le Var.

Les évolutions seront-elles plus rapides que prévu ? Compte tenu des oscillations décennales et multidécennales qui modulent le signal climatique, en particulier dans les zones intertropicales, il serait hasardeux de l’affirmer. Là aussi, il convient de rester prudent.

S’agissant de la comparaison des modèles de changement climatique et des observations, il faut bien comprendre que les modèles de simulation n’« ingèrent » pas d’observation. Le problème ne se pose pas en termes de valeur initiale, mais de réponse moyenne du système « Terre » aux concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les observations servent à valider les modèles en s’appuyant sur le climat passé. Ces modèles ne donnant pas tous les mêmes résultats, il existe des marges d’incertitude et nous devons essayer de comprendre pourquoi ils diffèrent, afin de progresser.

M. Jean-Paul Chanteguet. Pouvez-vous revenir sur le lien entre intensité et réchauffement climatique ?

M. Alain Ratier. Tout dépend de ce qu’on appelle l’intensité, mais on peut établir un lien avec le changement climatique pour les phénomènes de grande échelle, notamment ceux qui affectent une zone très vaste. J’ajoute que si l’on peut faire des prévisions en matière de température – on s’attend à un renforcement des extrêmes –, il existe davantage d’incertitude sur les précipitations.

M. le président Serge Grouard. Merci pour cette audition très intéressante, qui a beaucoup contribué à éclairer notre commission. Nous aurons grand plaisir à vous réentendre par la suite.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 2 mars 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Lucien Degauchy, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Dosne, M. David Douillet, M. Raymond Durand, Mme Odette Duriez, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Antoine Herth, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Gérard Lorgeoux, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, Mme Claude Darciaux, M. Philippe Duron, M. François-Michel Gonnot, M. Jean Lassalle

Assistaient également à la réunion. - Mme Martine Lignières-Cassou, M. Francis Saint-Léger