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Mardi 17 mai 2011

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française.

M. le président Serge Grouard. Notre commission auditionne pour la première fois M. Jacques Attali dont la perception de l’évolution mondiale peut contribuer à notre réflexion sur le développement durable comme sur d’autres sujets. Quel jugement porte-t-il sur l’application des mesures préconisées dans les deux rapports de la Commission qu’il préside ? Quels liens établit-il entre le développement durable et son financement, ainsi qu’entre le développement durable, l’économie sociale et l’environnement ? Selon lui, comment se dessine, après l’accident dramatique de Fukushima, la problématique de l’énergie dans le monde ?

M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française. C’est un plaisir et un honneur pour moi d’être parmi vous, en compagnie de deux membres de la Commission pour la libération de la croissance française. En créant un bureau d’études et d’ingénierie qui travaille sur l’énergie, M. Jihade Belamri a prouvé qu’on pouvait venir d’une petite ville de province et fonder une entreprise multinationale. M. Alain Quinet, rapporteur général de la Commission, est directeur général délégué de Réseau Ferré de France (RFF).

Les facteurs de la croissance mondiale peuvent sembler extrêmement forts, alors même que celle-ci est fondée sur du sable. Son taux annuel, de 4,5 % en moyenne, varie de 1 % à 11 % d’un État à l’autre, pour une moyenne de 3 % dans les pays de l’OCDE, entre lesquels il existe des écarts considérables. La croissance mondiale, qui n’a réellement subi de choc qu’en 2009, se maintient toutefois au prix d’une grande incertitude sur son financement. Dans la plupart des pays, notamment ceux de l’OCDE, elle est soutenue par l’endettement, la gestion de la crise n’ayant été qu’un transfert de la dette privée vers la dette publique.

Aujourd’hui même, les États-Unis atteignent le plafond de la dette publique autorisée, ce qui leur impose de trouver en cinq à six semaines le moyen soit d’élever ce plafond soit de réduire la dépense et/ou d’augmenter les impôts. Des difficultés semblables apparaissent au Japon. Au même moment, le mistigri de la dette grecque va contraindre l’Europe à solliciter plus clairement soit, une fois encore, les contribuables ou le Fonds monétaire international, soit, pour une fois, les banques, soit enfin la Banque centrale européenne. Une telle situation me laisse penser que le grand théoricien de l’économie mondiale actuelle est non pas Keynes, mais Madoff, qui a montré que le meilleur moyen de rembourser une dette est au fond d’en contracter une autre.

Plusieurs facteurs de croissance cités dans les ouvrages d’économie sont à l’œuvre dans la situation mondiale : croissance démographique, croissance de la migration rurale vers les villes, augmentation du progrès technique et importantes ressources financières. Le PIB mondial est de 70 000 milliards de dollars, pour un patrimoine financier mondial d’environ 400 000 milliards de dollars. Son augmentation due à l’épargne est de 10 000 milliards par an. Les destructions liées aux violences et à la guerre sont très faibles. La richesse du monde est par conséquent considérable. Le transfert de richesse entre l’Occident et les pays d’Asie, qui se monte depuis cinq ans à 10 000 milliards, ne correspond au fond qu’à une année d’épargne mondiale. Cela dit, il ne permet à l’Occident ni de rembourser ses dettes ni de résoudre ses difficultés. En d’autres termes, le potentiel de croissance est très fort, mais l’emploi et la croissance sont financés par la dette de l’Occident. Par ailleurs, aucune prise de conscience des exigences de l’environnement n’est intervenue à l’échelle planétaire, en dépit, depuis deux ou trois ans, d’une hausse des prix des ressources rares, notamment des matières premières et de l’énergie, et d’une augmentation massive des besoins agroalimentaires, qui va de pair avec la croissance.

D’où un double paradoxe. Plus celle-ci augmente, plus l’environnement se dégrade, puisque la réduction de la pauvreté est, dans notre modèle de développement, facteur de dégradation du climat. Il est donc urgent de changer le modèle de développement si l’on veut que justice sociale et environnement cessent d’être contradictoires. D’autre part, au niveau mondial comme à l’échelon national, les produits issus de la haute technologie – téléphone, ordinateur, écran portable –, qui sont consommés par les plus riches, sont de moins en moins chers, tandis que les biens nécessaires à la vie, comme l’énergie et tout ce qui permet de se transporter, de se nourrir, de boire, de se loger, le sont de plus en plus. On désigne par le néologisme anglais biflation le double mouvement de baisse des prix pour les riches et de hausse pour les pauvres. Ce paradoxe, aux termes duquel il est beaucoup plus coûteux d’être pauvre que riche, est accentué par la concentration des richesses au niveau de la planète. Depuis cinq ans, 80 % de la richesse créée aux États-Unis sont allés à 1 % de la population, et 80 % de celle créée en Europe à 15 % de la population. Cette situation, de moins en moins facilement tenable, ne joue pas en faveur d’une amélioration de l’environnement, qui est de plus en plus coûteuse.

La hausse continue du prix des matières premières, liée à la reprise de l’économie mondiale et à la croissance, s’explique aussi par des processus spéculatifs. Malgré les déclarations du G20, et le souci de la présidence française de maîtriser le prix des matières premières, rien n’est fait pour l’énergie ou dans le domaine agricole, puisqu’on ne peut pas interdire les spéculations à nu, c’est-à-dire non liées à des échanges physiques. La hausse du prix des matières premières est par conséquent une tendance lourde.

Sur le plan médiatique, nous avons tourné la page de la crise financière – on évoque désormais l’après-crise –, de même qu’on parle des leçons à tirer de Fukushima, comme si la catastrophe était achevée. Mais la crise, loin d’être terminée, va rebondir puisque nous avons accumulé les dettes. De même, à Fukushima, quatre réacteurs sur six continuent de fuir ; des matières fissiles posent encore problème ; le risque d’une nouvelle secousse n’est pas écarté. Sur place, l’environnement s’est considérablement dégradé. Les productions agricoles, piscicoles et maritimes resteront difficilement consommables dans les années à venir, ce qui se traduira par une augmentation des prix à l’échelle mondiale.

Indépendamment du jugement qu’on peut porter sur le nucléaire, le Japon a péché par une incroyable absence de contrôle, née d’une collusion entre des acteurs trop nombreux – ils le sont beaucoup moins en France – et le Gouvernement. Le Japon faisait état chaque année de très peu d’incidents nucléaires, alors que la France et les États-Unis en déclarent respectivement 500 et 1 000. Son contrôle du système nucléaire s’est révélé catastrophique. Enfin, la gestion du tsunami n’a pas été satisfaisante. Si l’épicentre du séisme s’était situé 250 kilomètres plus bas, la ville de Tokyo, construite sur la mer, aurait été totalement détruite.

La première leçon à tirer de cette situation, qui relève moins du nucléaire lui-même que de la faiblesse spécifique du contrôle japonais, concerne le contrôle international. Ce serait un progrès considérable si les normes techniques imposées par l’Agence internationale de l’énergie, laquelle ne dispose pas actuellement de moyens de vérification et de contrôle suffisants, pouvaient être transcrites d’office dans chaque droit national, comme les directives de l’Union européenne.

La deuxième leçon porte sur le rapport que nous entretenons avec la sécurité nucléaire. La méthode qui consiste à faire écrire les scénarios catastrophe par ceux qui ont construit les centrales n’est sans doute pas la bonne, notamment parce qu’ils considèrent généralement que ce qu’ils ont conçu est excellent. Aux États-Unis, pour définir les risques, certaines compagnies d’assurance font appel à des scénaristes d’Hollywood, plus imaginatifs que les ingénieurs. Peut-être doit-on recourir à des procédés semblables au niveau français quand on organise des stress-tests dans les centrales. Si les risques ne sont pas les mêmes qu’au Japon, il faut envisager l’éventualité d’inondations ou de crues, et réfléchir par ailleurs au renouvellement du parc.

Dans ses deux rapports, la Commission que je préside envisage l’environnement non comme une contrainte mais comme un facteur de croissance. De même que le secteur de la santé, il est au cœur de l’avenir dans toutes ses dimensions : matières premières, énergies de substitution, économies d’énergie, formes multimodales de transport et organisation différentes de l’habitat. Le premier rapport propose entre autres la création de dix écoquartiers ou écopolis, qui doivent représenter l’avant-garde en matière d’écologie. Les choix opérés dans ce domaine sont décevants. Les quartiers, trop petits, n’utilisent pas au mieux les technologies les plus avancées. Ils n’intègrent pas la double dimension d’un développement écologiquement et socialement durable. On doit pourtant éviter les risques d’expulsion liés à des facteurs économiques. À Rotterdam, qui a choisi d’être écologiquement durable, le coût de la vie a explosé, ce qui a chassé une grande partie de la population mixte. À l’opposé, Amsterdam, qui a choisi d’être socialement durable, laisse à désirer en matière d’écologie. Rares sont les villes qui, comme Stockholm, articulent les facteurs écologiques et sociaux. Les dix projets d’écoquartiers ne sont pas suffisamment ambitieux au regard de ce qui se pratique non seulement dans cette ville, mais aux États-Unis ou en Corée.

Les rapports insistent également sur la nécessité de mettre en œuvre des réformes reprises dans le Grenelle de l’environnement. Selon une évaluation indépendante, 18 % des mesures du Grenelle seraient réalisées et 59 % seraient engagées à des degrés divers, ce qui peut paraître encourageant ou faible, selon le point de vue où on veut se placer. Les premières mesures retenues sont évidemment celles qui ne coûtent rien. Elles concernent le Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’efficacité énergétique, la réglementation thermique, la modification des normes d’émissions de CO2 pour les voitures ou le Plan national de santé, et figuraient dans nos rapports, au même titre que le transport multimodal ou le lancement de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV). Le Grenelle semble difficile à financer, bien que le Grand emprunt – que je préfère présenter comme un vaste investissement d’avenir – prévoie, comme nous l’avions demandé, une enveloppe de 10 milliards pour l’environnement. En matière de partenariats public privé PPP, certains financements restent en suspens, leur inscription dans la dette publique devant être repensée. La recherche privée est essentiellement portée par le Fonds stratégique d’investissement (FSI) et le crédit impôt recherche.

Les rapports insistent sur d’autres aspects laissés en jachère.

La France doit définir une stratégie dans le domaine des matières premières. Ancien ingénieur des mines, je suis frappé que nul ne soit plus chargé de ce secteur dans l’administration française, laquelle n’a même pas choisi un champion national, qui pourrait être Areva. Or la maîtrise des matières premières ne peut pas être laissée au marché. Le pétrole, l’uranium, les métaux rares, les matières premières exceptionnelles et celles qui sont liées aux technologies nouvelles, notamment le coltan, sont des denrées stratégiques trop importantes pour qu’on n’agisse pas dans ce domaine. Le considère-t-on seulement comme une priorité ?

Les rapports soulignent en second lieu l’importance de définir une politique portuaire pour créer les conditions d’une modification de la répartition des modes de transport. La France, qui possède le deuxième domaine maritime du monde, n’a pas su utiliser la mer comme facteur de développement. Le Havre et Marseille n’ont pas encore créé de transports multimodaux. Le canal Seine-Nord, qui peut être un atout, serait la pire des choses s’il contribuait à dérouter notre commerce portuaire vers Rotterdam et Anvers, et condamnait à terme le développement national.

La politique agricole est un autre facteur de la politique de l’environnement sur lequel nous n’avons pas eu l’impression d’être entendus. De façon unanime, la Commission s’est prononcée pour une relecture du principe de précaution. Comme l’ont souligné deux parlementaires ici présents, rapporteurs au nom du comité d’évaluation et de contrôle, celui-ci ne doit pas être étendu, ce qui freinerait la recherche en amont et nous ferait perdre un grand nombre de débouchés dans les secteurs liés à l’agro-industrie, à l’énergie et aux nanotechnologies, créatrices de nouveaux matériaux et d’économies d’énergie.

Les rapports plaident enfin pour l’instauration d’une taxe carbone, au moins au niveau européen. Si la vérité des prix est un gage fondamental d’efficacité, une taxe en compenserait les effets socialement injustes et orienterait le développement. Ce dossier, qui reste pour nous d’une extrême actualité, représente un enjeu important. Il s’inscrit dans une réflexion globale sur la fiscalité et l’action européenne. De la crise financière, l’Europe ne peut sortir que par le bas, en se défaisant et en renonçant à l’Union monétaire, ou par le haut, en mettant en place un fédéralisme budgétaire qui permettra de financer les grands projets. Les investissements d’avenir que nous lançons en France devraient être imités à l’échelon européen sous la forme d’emprunts sur projet (project bonds). La taxe carbone pourrait servir de collatéral au remboursement de l’emprunt, en attendant des avancées en matière de fédéralisme budgétaire et d’émission de bons de Trésor européen, seules manières de stabiliser durablement l’euro.

M. le président Serge Grouard. Nous avons organisé récemment deux tables rondes sur les questions maritimes, l’une sur la biodiversité, l’autre sur les enjeux économiques. Elles nous ont permis de dégager la dimension stratégique de ce dossier, et nous souhaitons que leurs conclusions soient reprises. Par ailleurs, une mission d’information de la commission sur les matières premières est en cours, et les premiers travaux confirment l’absence de stratégie française en la matière.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le contexte mondial, marqué par l’augmentation des prix de l’énergie, la catastrophe de Fukushima et l’exploitation des huiles et gaz de schiste, impose de définir une nouvelle stratégie en matière d’énergie. Elle exigera un arbitrage entre l’indépendance énergétique, le coût de l’énergie pour le consommateur, les risques environnementaux et sanitaires, et le réchauffement climatique. Celui-ci me semble le premier critère à prendre en compte, avant la prévention des risques sanitaires et environnementaux.

Sobriété et efficacité énergétiques, notions qui figurent dans le Grenelle de l’environnement, pèseront sans doute sur la croissance. La mise aux normes de 30 millions de logements coûtera 400 à 500 milliards. Les investissements à effectuer dans le transport collectif sont considérables. Mais peut-être le développement des énergies renouvelables conduira-t-il à créer de nouvelles filières, même si nous avançons à pas comptés. Londres vient de lancer un appel d’offres pour la réalisation du plus grand parc éolien off shore existant, qui produira 32 000 mégawatts à comparer aux 3 000 mégawatts produits en France. À notre tour, nous devons évaluer les conséquences de notre stratégie énergétique sur la croissance et la création d’emplois.

Le prix est un outil qui permet d’orienter les choix du consommateur. Pour l’instant, la fiscalité écologique française est une des plus faible d’Europe. La taxe carbone pour laquelle vous plaidez doit-elle s’appliquer aussi à l’électricité ? Pensez-vous qu’il faille s’orienter vers une économie de fonctionnalité, qui privilégie la location à l’achat, ou vers une économie circulaire, qui produise peu de déchets ? La recherche du risque zéro doit-elle aboutir à la croissance zéro ? Enfin, puisqu’il est avéré que la fracturation hydraulique n’est pas une technologie propre, doit-on s’engager dans l’exploitation des huiles et gaz de schiste ?

M. Stéphane Demilly. Je salue l’audace parfois dérangeante du deuxième rapport, intitulé Une ambition pour dix ans, que vous avez remis le 15 octobre 2010 au Président de la République. Dans un chapitre consacré à l’environnement et aux ressources rares, que vous considérez comme un gisement de croissance, vous préconisez des mesures phares en matière d’Europe de l’énergie ou de taxe carbone. Or celles-ci, qui ne pourront être mises en place qu’au niveau européen, sont loin de faire l’unanimité parmi les États membres. Européen passionné, ancien sherpa de François Mitterrand pour les sommets européens et ancien président de la Banque européenne de reconstruction et de développement, comment pensez-vous concilier ambition française et réalité européenne ?

Je souscris pleinement à votre proposition 26 visant à « remettre l’agriculture et les industries agroalimentaires au cœur de la stratégie française de croissance ». En tant que député picard, je suis particulièrement sensible à votre analyse des nouvelles demandes – en matière de santé, de chimie du végétal ou d’énergie – que l’agriculture devra satisfaire, même si sa première mission reste alimentaire. Depuis des années, la Commission européenne considère ce secteur comme une variable d’ajustement, au profit des services et de l’industrie, dans les négociations de l’OMC. C’est une erreur stratégique de tenir l’agriculture pour une activité de second rang, qui pèserait trop lourd dans le budget de l’Union. Malheureusement, l’ambition agricole de la France dépend étroitement de la volonté de ses partenaires européens ; or les négociations sur la réforme de la PAC montrent qu’ils ne partagent pas tous son analyse. Quelle est votre position à cet égard ?

Enfin, vous souhaitez que le principe de précaution soit clarifié, pour qu’il ne devienne pas un facteur d’immobilisme qui bloquerait toute innovation. Quel jugement portez-vous sur l’exploitation du gaz de schiste ?

M. Bertrand Pancher. Vous avez été installé à la tête de la commission pour la libération de la croissance française avant la crise économique, celle des matières premières et les crises sanitaires de Deepwater Horizon ou de Fukushima, qui ont dissipé le mirage d’une croissance sans bornes. À quel modèle nous raccrocher désormais ? Comment conjuguer une régulation et une échelle différentes, plus européennes, avec le plein-emploi et la satisfaction générale ? Comment financer les grands enjeux de santé ou d’environnement, qui nécessitent des investissements coûteux ?

Vous regrettez qu’on ait choisi des écoquartiers trop petits, mais l’expérience prouve que la rapidité est source d’erreurs. Mieux vaut commencer à une échelle modeste, comme l’ont montré d’autres chantiers du Grenelle de l’environnement. On ira à l’échec si on ne laisse pas à l’opinion publique le temps de s’approprier certains sujets.

Vous déplorez l’insuffisance d’ingénieurs à même de définir une stratégie française sur les matières premières. Les entrepreneurs font également défaut. Comment expliquer la frilosité de nos concitoyens face à ces professions ?

Je ne partage pas votre désir de remettre en cause le principe de précaution. L’opinion est très réticente aux OGM ou aux nanotechnologies. Avant d’offrir plus de liberté dans ce domaine, ne faut-il pas approfondir les questions d’acceptabilité et pratiquer des tests ? La question de la gouvernance est centrale en la matière.

Enfin, je déplore comme vous le manque d’Europe. Pourquoi la France, qui a longtemps tiré les projets européens, est-elle aussi frileuse à l’égard de l’Europe fédérale que vous appelez de vos vœux, et à laquelle les parlementaires de la majorité ou de l’opposition sont largement favorables ?

M. le président Serge Grouard. Au niveau national, avons-nous la capacité financière d’effectuer les adaptations nécessaires, compte tenu du contexte financier que l’on connaît et de la nécessité d’aller vite ? Existe-t-il un modèle permettant de réaliser le schéma national des infrastructures de transport, dont le coût est évalué à 300 milliards d’euros ? Au fond, n’est-ce pas toute la réforme de l’État qui est en question, sinon le fonctionnement des pouvoirs publics, voire de notre société ?

Le monde bénéficie d’une forte croissance et dispose de richesses importantes, mais ses ressources sont limitées. N’est-ce pas ce qu’annonçait déjà en 1972 le club de Rome, qui dénonçait le hiatus entre une croissance infinie et des ressources finies ? À moins que, de manière plus classique, on assiste à une régulation par les prix de l’offre et de la demande, qui s’effectuerait au niveau mondial, en intégrant le paramètre déterminant de l’énergie ? Ou vaut-il mieux parler d’une logique de crise, voire, comme j’en ai eu le sentiment aux sommets de Copenhague ou de Cancun, d’une logique de conflit, même si les lignes de fracture n’opposent plus l’Est et l’Ouest, ou le Nord et le Sud ? De fait, celles-ci ne sont plus culturelles, idéologiques ou historiques, mais tiennent désormais au partage environnemental.

M. Philippe Tourtelier. Dès octobre 2010, j’ai regretté le décalage entre la libération de la croissance, dont vous parlez, et la manière dont se posent les problèmes actuels. Vous raisonnez à partir de la notion de PIB et dans des termes purement financiers, qui sont très éloignés des réalités. Vous assurez ainsi que plus la pauvreté se réduit, plus l’environnement souffre. Est-ce à dire que nous devions cesser de la combattre ? Vous savez comme nous qu’en Afrique, la pauvreté entraîne la déforestation, dont pâtit l’environnement.

Pourquoi ne pas renoncer à des critères qui conduisent à des formules caricaturales, pour penser en termes de développement durable, ce qui vous permettrait de passer du quantitatif au qualitatif ? Il est dommage d’ignorer les nouveaux indicateurs proposés par Stiglitz, et la pensée de la complexité illustrée par Edgar Morin, selon lequel, tandis que le cartésianisme conduit au quantitatif, le qualitatif épouse la réalité des problèmes. Si vous analysez fort bien la pauvreté, c’est justement que vous le faites en termes qualitatifs. Les objectifs du millénaire pour le développement proposent des indicateurs comme le taux de scolarisation et la santé des femmes, qui ne doivent rien au PIB. De même, la notion purement qualitative de droit exclut tout raisonnement fondé sur la croissance.

Compte tenu du régime politique de la Chine, des problèmes sociaux qu’elle rencontre, des difficultés environnementales que connaissent ses villes et, à terme, du vieillissement de sa population, pensez-vous que sa croissance soit durable ?

N’est-il pas inquiétant, quand on connaît l’état des finances des collectivités locales, que le Grenelle 1 ne prévoie de financer que quatre LGV sur vingt avant 2020 ? Avez-vous des propositions pour mettre fin à la catastrophe du fret ferroviaire ? Enfin, le rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle, dont je suis le coauteur avec Alain Gest, constate l’extension du principe de précaution à la santé et se prononce non sur le champ mais sur la procédure.

M. Jean-Marie Sermier. L’année 2011 est l’année mondiale de la forêt, synonyme de vie, lieu de stockage du carbone, source de matières premières renouvelables et pièce maîtresse de la biodiversité comme de l’aménagement du territoire. Quelles sont vos propositions pour qu’elle participe plus largement à notre économie ?

M. Jean Lassalle. Je trouve intéressant que vous considériez la concentration des habitants de la planète comme une chance de développement. Par ailleurs, comme M. Tourtelier, j’ai été surpris de la relation que vous avez établie entre pauvreté et faible niveau de pollution.

Mme Geneviève Gaillard. Pour montrer que l’environnement est facteur de croissance, vous avez cité les écoquartiers, les LGV ou les nanotechnologies. Que pensez-vous de la confection ou de l’utilisation des dirigeables, qui me tiennent particulièrement à cœur ? Ce domaine, sur lequel la recherche reste confidentielle, permettrait sans doute de créer des emplois, de protéger l’environnement et d’insuffler une dynamique au développement.

M. Patrick Lebreton. Cet automne, vous avez indiqué sur France Ô que vos propositions pour libérer la croissance valent aussi pour l’outre-mer, qu’il ne faut pas dissocier des autres territoires français. En tant que député de la Réunion, j’adhère à votre proposition, mais notre situation n’est en rien comparable à celle de l’Hexagone. À la Réunion, qui concentre 8 % des bénéficiaires du RSA socle, le taux de chômage s’est durablement établi à 30 %, la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et 15 % des habitants sont frappés par l’illettrisme. L’indice du développement humain (IDH) placerait la Réunion d’aujourd’hui au niveau de la France des années soixante. Or cette île, qui compte 800 000 habitants, en abritera un million avant 2030. Sa situation sera tragique si un véritable saut économique n’intervient pas. Quelles sont vos propositions pour que les départements d’outre-mer s’engagent enfin sur le chemin du développement ?

M. Martial Saddier. Dans notre monde ouvert, pensez-vous que le coût environnemental des transports de biens ou de personnes soit suffisamment pris en compte ? À quelle échéance peut-il l’être davantage et quelle en sera l’incidence sur les grands équilibres du monde ?

Étant l’un des deux rapporteurs de la Charte de l’environnement, je pense qu’il y a mieux à faire que de remettre en cause le principe de précaution. Un effort de pédagogie permettrait de rappeler la différence entre prévention et précaution, que bien peu ont retenue. La Charte de l’environnement contient d’ailleurs un article visant à préserver la recherche dans tous les domaines, même ceux que concerne le principe de précaution.

M. Jacques Attali. Je vous répondrai en commençant par des thèmes qui ont été évoqués à plusieurs reprises : la nature du modèle de développement, l’articulation entre environnement et justice sociale, le modèle énergétique et l’Europe.

Loin d’adopter le PIB comme unique indicateur, l’introduction du premier rapport en cite plusieurs, repris dans un tableau, à la page 59 du second rapport. Pour présenter la France que nous souhaitons en 2020, nous en retenons une vingtaine dont le PIB, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie, l’espérance de vie, le taux de décrochage scolaire, l’investissement dans la R & D, le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Au reste, en matière d’indicateurs de développement, Stiglitz n’a rien inventé. L’IDH est bien antérieur à ses travaux. Voilà trente ans qu’un pays aussi petit que le Bhoutan a défini la notion de bonheur national brut, qu’il a introduite dans ses statistiques. J’ai moi-même écrit un livre à ce sujet. Il va désormais de soi que la croissance ne se limite pas au PIB. C’est une préoccupation que nous avons eue constamment à l’esprit en rédigeant ces rapports.

Si croissance et justice sociale ne devraient pas être contradictoires, ce qu’on observe en Inde, en Chine et en Afrique montre à quel point la croissance peut être ravageuse en terme d’environnement. Les forêts sont détruites non par la pauvreté mais par une certaine organisation de la production : c’est elle qui est mauvaise, et non pas la croissance. D’ailleurs, les adeptes d’une croissance zéro devraient être favorables à une production zéro, ce qui serait absurde. L’essentiel est de changer la nature de la production et de la rendre plus économe en énergie, plus créatrice d’emplois, plus libératrice en terme de pénibilité du travail et plus juste socialement. On y tend implicitement quand, par unité produite, on trouve le moyen d’utiliser moins d’énergie et une meilleure qualité de travail.

Dans cinquante ans, le modèle énergétique sera profondément différent. Je ne crois pas que l’énergie fera forcément défaut. Si l’on perçoit des risques de conflits liés à la rareté de certaines formes d’énergie, elle semble provisoire ou imputable à une mauvaise gestion. La planète possède beaucoup d’énergie chère, par le biais du pétrole, du gaz de schiste, du charbon, sans parler de l’énergie solaire ou de la biomasse. Le développement des technologies de charbon propre, qui élimineraient les émissions de CO2, est à portée de main, ce qui règlerait une grande partie des problèmes énergétiques de la planète. L’apport du charbon, qui semblait passé de mode, est considérable en Asie, notamment en Chine ou en Inde.

À mon sens, il serait tragique de renoncer aux gaz de schiste, puisqu’ils ne posent problème qu’en raison des solvants qu’utilise la fracturation hydraulique. Ces gaz sont prometteurs. Il suffit de modifier leur technique d’extraction et les produits qu’elle requiert. Un rapport récent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre que, dans quarante ans, on pourra produire 80 % de l’énergie de la planète sous une forme renouvelable. Le mix énergétique étant fondamental, il ne faut renoncer ni au nucléaire ni au solaire ni à la biomasse ni aux différents gaz, même si les pays qui ne possèdent pas d’énergie fossile doivent, pour des raisons stratégiques, se porter au plus vite vers les énergies renouvelables.

L’efficacité énergétique est également fondamentale. Songeons aux mesures qui s’appliqueront dès 2012 aux bâtiments nouveaux. Le droit est plus efficace que l’incitation financière, surtout quand les budgets sont contraints. Imposer la rénovation semble un facteur de progrès important.

Je conviens que le principe de précaution a été fort mal interprété. On doit s’en tenir à la Charte de l’environnement, que certains ont sans doute mal lue. Mais réfléchissons aussi par analogie : aurait-on pris la décision de développer l’électricité et l’automobile, si l’on avait su que des accidents causeraient des millions de morts ? Il est essentiel d’envisager le risque dans son rapport au progrès.

Si nous sommes parfois frustrés parce que nous avons besoin de plus d’Europe, c’est le signe que nous devons continuer dans cette voie. Il faut définir une stratégie européenne de l’énergie, donc du gaz, du nucléaire, des pipelines et des ports, et la France doit peser dans la négociation. Par ailleurs, elle doit se doter d’une stratégie nationale, en évitant d’imputer à l’absence d’Europe ses propres insuffisances.

Le financement européen est la meilleure manière de parer aux priorités. L’Europe dispose d’une marge de manœuvre considérable au sens où elle n’a pas de dette, ce qui est loin d’être le cas des États-Unis, et peut largement emprunter, notamment par le biais des project bonds. À défaut, la France possède, pour réaliser des investissements d’avenir, des instruments remarquables comme le FSI ou les investissements des collectivités. Elle peut aussi réaliser beaucoup d’économies. Deux tiers des mesures préconisées dans notre premier rapport sont mises en œuvre ou en voie de l’être, ce qui est considérable, à l’exception de celles qui permettraient à l’État de réduire ses coûts : refonte des collectivités territoriales, virtualisation des services publics et transformation de la fonction publique en agence du service public. L’État agit comme un « coach obèse » qui, sans faire aucun régime, donnerait des conseils à ceux qui cherchent à maigrir… Il doit exploiter des gisements de réformes considérables. La RGPP, excellente idée à l’origine, s’est peu à peu effilochée. Le modèle fondé sur l’efficacité énergétique et le recours massif aux énergies nouvelles peut être financé par les économies de l’État et par une focalisation des investissements publics.

M. Alain Quinet, rapporteur général de la commission pour la libération de la croissance française. Il n’y a pas lieu d’avoir une image trop négative du fret ferroviaire, qui est florissant chez beaucoup de nos voisins. L’activité est attractive, puisqu’une quinzaine d’entreprises de fret opèrent sur le réseau ferré, les entreprises autres que la SNCF détenant 20 % de parts de marché. Pour stabiliser puis relancer le fret, cinq leviers peuvent être actionnés.

Des travaux d’infrastructures doivent intervenir sur le réseau. Celui-ci a été conçu pour faire circuler des trains de 750 mètres au plus. Or, les transports massifiés étant les plus rentables, les transporteurs demandent d’y faire circuler des trains de 850 à 1 000 mètres, ce qui suppose d’adapter le réseau. Ces travaux pourront être réalisés dans des délais raisonnables.

C’est par les grands ports d’Europe du nord que le fret alimente l’Allemagne ou l’Europe centrale. Or, en France, la part du fret qui sort des ports par le transport ferré est faible, l’essentiel étant assuré par le transport routier. Il faut donc réviser notre organisation et prévoir des infrastructures.

Le troisième levier d’action tient à la qualité des sillons. Si l’on fait circuler les voyageurs de jour en TER ou TGV, la nuit est réservée aux travaux et au fret. On peut organiser mieux les premiers pour laisser toute sa place au second.

Le quatrième levier est l’innovation. Il y en a eu trop peu au cours des dernières décennies. On peut sans doute utiliser le Grand emprunt pour améliorer l’attelage des wagons ou recourir à d’autres procédés insuffisamment exploités.

On peut enfin jouer sur les coûts comparés de la route et du fret. Le projet d’écotaxe poids lourds devrait permettre de tarifer le coût des transports.

Le financement des investissements ne pourra aboutir si l’on adopte une logique du tout-public ou tout-privé, car l’argent public est rare et le marché ne délivre pas spontanément les infrastructures nécessaires. Seul le recours aux PPP a permis de lancer en même temps toutes les lignes prévues par le Grenelle. Le redéploiement de la finance publique est un des leviers mentionnés dans le rapport, qui souligne la nécessité de développer des financements à long terme. Il existe en France et en Europe une épargne considérable, qui n’est pas suffisamment affectée à ces investissements. Le rapport insiste sur la nécessité de mettre en place des normes comptables et prudentielles qui ne pénalisent pas les financements longs. Il souligne aussi l’intérêt des euro-bonds ou des projects bonds.

M. Jihade Belamri, membre de la commission pour la libération de la croissance française. Le premier rapport suggérait d’alléger les procédures administratives qui permettent de créer une entreprise. Le statut d’autoentrepreneur qui a été mis en place découle d’une de nos propositions. Depuis 2009, 700 000 entreprises ont été créées, preuve qu’il existe en France un dynamisme réel, pourvu qu’on lève les freins administratifs. Ces chiffres peuvent encore monter en puissance.

Notre pays souffre cependant d’un manque flagrant d’ingénieurs. À elles deux, l’Inde et la Chine en forment plus d’un million par an, et la France un peu moins de 30 000. Cependant, pour tous les métiers, la France possède des leaders dans le monde de l’ingénierie. Espérons que les programmes de campus feront revenir des étudiants dans ces filières essentielles pour l’évolution de nos technologies et de nos investissements.

M. Jacques Attali. Le premier rapport insiste sur l’importance des moyens attribués aux universités. Tout s’effondrera si, dans dix ans, nous ne sommes pas capables d’orienter les jeunes vers le métier d’ingénieur, dont dépendent les entreprises, plutôt que vers la finance ou le football.

Parce que la forêt est fondamentale pour la respiration de la planète, sa protection est stratégique. La forêt française est bien, sinon parfaitement gérée, ce qui permet d’imaginer ce qu’on peut faire sur le plan planétaire. Des expériences organisées dans le Sahel montrent que, grâce aux progrès du génie génétique, une reforestation n’est pas impossible.

Je suis très favorable aux dirigeables, d’autant que la mémorable catastrophe de 1937 ne serait plus possible aujourd’hui, où l’on n’utilise plus les mêmes gaz. Il faudrait certainement exploiter davantage cet outil de développement. Beaucoup d’entreprises y recourent dans le domaine militaire, en attendant peut-être de se tourner vers le secteur commercial, où les dirigeables peuvent servir au fret.

Les DOM sont pour nous une obsession. La Réunion se situe entre une île qui va mal, Madagascar, et une autre qui se porte beaucoup mieux, Maurice. Peut-être y manque-t-il l’esprit d’entreprise, l’État de droit, la volonté et la circulation des élites. Elle a cependant choisi de développer les énergies renouvelables, de manière d’abord modeste, mais en se dotant d’une vision de long terme. Elle doit également utiliser sa position géographique. Trop souvent, les DOM se sont tournés vers la métropole, au détriment de leur région. Par sa situation, la Réunion est à l’interface de l’Afrique, dont la population va doubler, et de l’Inde, dont la croissance est rapide. Comme Maurice, elle doit être un point de passage entre elles. De même, nos départements des Caraïbes doivent profiter de la proximité de Saint-Domingue, qui, malgré ses faiblesses et ses défauts, est un pays indépendant et démocratique, dont le fort taux de croissance est à des années-lumière de celui de nos DOM, parce qu’il s’est pensé en relation avec le développement local.

L’articulation entre urbanisation et croissance tient à la productivité agricole. Celle-ci augmente dès que la population rurale émigre vers les villes, ce qui est facteur de croissance. La demande d’investissement dans les infrastructures urbaines étant porteuse de croissance comme de problèmes environnementaux, l’urbanisation est à la fois le moteur et la faiblesse de la croissance de demain. Tous les maires le savent. Les législateurs que vous êtes ont donc beaucoup à faire pour accélérer l’importance du développement durable dans l’environnement urbain.

M. le président Serge Grouard. Je vous remercie pour la qualité et la hauteur des débats.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 17 mai 2011 à 16 h 45

Présents. - M. Yves Albarello, M. Maxime Bono, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Daniel Fidelin, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Jacques Kossowski, M. Jean Lassalle, M. Jacques Le Nay, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Max Roustan, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier

Excusés. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Jean-Yves Besselat, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, M. André Flajolet, M. François-Michel Gonnot, M. Michel Havard, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Yanick Paternotte, M. André Vézinhet

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Lebreton, M. Francis Saint-Léger