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Mardi 28 juin 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 57

Présidence de M. Jérôme Bignon vice-Président

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport d’information sur la lutte contre les nuisances sonores (MM. Philippe Meunier et Christophe Bouillon, rapporteurs)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information sur la lutte contre les nuisances sonores (MM. Philippe Meunier et Christophe Bouillon, rapporteurs).

M. Jérôme Bignon, vice-président. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire avait décidé la création d’une mission d’information sur la « cartographie du bruit et les mesures d’amélioration de la qualité de la vie », le 13 octobre 2009, et deux co-rapporteurs avaient été désignés : nos collègues Philippe Meunier et Christophe Bouillon. Les travaux de la mission n’ont pu vraiment commencer qu’à l’automne 2010 car la commission a été occupée par l’examen de la loi « Grenelle II ». C’est la raison pour laquelle elle ne présente son rapport qu’aujourd’hui, après avoir auditionné plus de trente personnalités et organismes. Par ailleurs le sujet de la mission a été modifié au profit de la « lutte contre les nuisances sonores ».

M. Philippe Meunier, rapporteur. Dans un premier temps, je souhaite rappeler les propos que nous a tenus le docteur Philippe Ritter, directeur de l’écologie urbaine à la ville de Lyon : « L’homme est une espèce diurne dont le cerveau est en permanence informé par le bruit. Il s’agit là d’un élément de sécurité, ainsi notre lointaine ancêtre Lucy avait besoin de ces informations sonores pour entendre la présence de dangers tels les grands prédateurs. L’humain ne saurait vivre sans environnement sonore, aussi, un fond de bruit artificiel a-t-il été créé dans les sous-marins afin de garantir l’équilibre psychique des hommes de bord ».

La mission a constaté que le bruit constitue une nuisance sanitaire et sociale dont le coût n’est pas encore évalué à ce jour. Un récent rapport de l’organisation mondiale de la santé estime que, chaque année, ce sont 1 818 000 années de vies qui sont perdues en Europe de l’Ouest du fait des atteintes physiologiques et psychiques portées par des expositions excessives, en intensité comme en durée, au bruit.

Or, de façon paradoxale, le bruit ne vient qu’en neuvième place sur l’échelle des préoccupations environnementale des Français alors qu’il occupe la première dans celle des gênes vécues.

Le bruit au travail est assez largement pris en compte par le Code du travail ainsi que par les normes d’isolation phonique des bâtiments et engins utilisés. La question des « points noirs bruit » demeure préoccupante, elle rejoint celle de la multiexposition à de forts volumes de bruit répétés, émis par les infrastructures de transport (routiers, ferroviaires, aériens).

L’autre aspect de la souffrance causée par le bruit relève du contexte urbain, celui-ci allant jusqu’au domicile. Les bruits du centre-ville, ceux de certains véhicules se dérobant à la réglementation en vigueur, enfin le bruit entendu chez soi, appellent des réponses tout à la fois d’autorité, pour certaines d’entre elles, et de médiation, pour d’autres. Ainsi, dans le cadre du respect de la loi, la mission souhaite voir développés l’art de vivre ensemble et, dès le plus jeune âge, l’éducation du public.

M. Christophe Bouillon, rapporteur. En propos liminaire, je citerai l’adage qui veut qu’« il faut faire beaucoup de bruit pour obtenir le silence ».

La réglementation française relative au bruit est assez récente, elle remonte au début des années 1990. Elle est conséquente en volume mais c’est son application qui fait difficulté. En ce qui concerne les infrastructures routières, il faut distinguer les voies nouvelles, qu’il faut chercher à isoler phoniquement au maximum afin de protéger les riverains, et les infrastructures existantes qui appellent une isolation systématique de l’habitat exposé au bruit. Il faut évoquer le cas particulier des deux-roues à moteur qui posent des problèmes de contrôle relatif au bruit qu’ils émettent. Le réseau ferré présente structurellement des similitudes avec le réseau routier dans les solutions qui peuvent être apportées. Bien entendu, des actions particulières sont menées pour neutraliser le bruit, particulièrement dans les zones les plus exposées. 30 000 kilomètres de voies ferrées sont concernés dont 11 000 classés particulièrement bruyants. Il faut encore évoquer le cas particulier des lignes à grande vitesse existantes et à venir. Les solutions proposées sont de plusieurs sortes, il est envisageable de réduire la circulation diurne du fret ; de dévier le trafic des centres-villes ; de réduire le bruit émis par les infrastructures et le matériel roulant.

Dans le domaine du transport aérien, on compte, par exemple, 300 000 personnes concernées par des nuisances sonores en Île-de-France. Il s’agit d’une question dûment identifiée et les outils existants sont conséquents, la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires permettant leur financement. Les Plan d’exposition au bruit servent à établir les plans d’urbanisme et les plans d’exposition au bruit prévoient l’insonorisation des bâtiments concernés. Un travail demeure à mener sur la classification des avions en fonction du bruit qu’ils émettent. Par ailleurs, la question d’un « couvre-feu » au cours du cœur de nuit est régulièrement évoquée, mais elle se heurte à des impératifs liés aux activités économiques. Enfin, le projet DEBATS, pour Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé, permettra de disposer de données à moyen terme sur les effets du bruit des aéronefs sur la santé.

En ce qui concerne les « points noirs bruit », la réglementation est parfois incomplète au regard de la prévision, lors de l’implantation d’infrastructures nouvelles, de la protection des riverains. Ainsi, certaines situations relèvent de l’urgence.

Les caractéristiques acoustiques des bâtiments font l’objet de règles précises : dans le domaine du neuf, il n’y a lieu que de veiller à leur bonne application ; en ce qui concerne l’existant, l’isolation phonique peut être utilement pratiquée au moment de la rénovation.

Dans le domaine du bruit sur les lieux de travail, la protection des salariés est assurée par le Code du travail par le recours à la limitation du bruit émis par les machines et la protection directe des personnes en utilisant des protections individuelles. L’insonorisation des bâtiments constitue le troisième levier et concerne aussi l’ensemble du secteur tertiaire, public et privé.

De son côté, les bruits de voisinage, qui relèvent en grande partie des pouvoirs de police spéciale et générale des maires, concernent la vie quotidienne et les activités des personnes. Enfin, les bruits de chantiers font l’objet d’une réglementation qui porte à la fois sur la neutralisation phonique des engins utilisés et sur les plages horaire.

En revanche, la musique amplifiée pose des problèmes nouveaux qu’il y a lieu de prendre en compte. L’apparition des baladeurs a modifié la donne puisque les utilisateurs peuvent écouter quotidiennement une musique avec un volume élevé pendant des périodes longues. Par ailleurs, les discothèques, concerts et festivals délivrent des niveaux sonores souvent excessifs. Le phénomène se trouve aggravé par le recours récent à la musique compressée dont les seuils d’émergence se situent au-delà de la norme. Enfin, l’application de la réglementation est malaisée et une enquête menée en Île-de-France a montré que beaucoup de discothèques ne remplissaient pas les conditions d’exploitation requises.

La directive européenne du 25 juin 2002, transposée dans le droit français en 2005, impose un vaste programme de cartographie du bruit pour les agglomérations au sens de l’INSEE ainsi que pour les grandes infrastructures.

M. Philippe Meunier. Les travaux de la mission d’information aboutissent à la formulation de 19 propositions rangées sous quatre rubriques : le bruit lié aux infrastructures, le bruit lié à l’urbanisation, le contrôle et la répression, la prévention et l’information.

En ce qui concerne le bruit lié aux infrastructures, la proposition numéro 1 vise à  engager un traitement de la multiexposition en prenant en compte la totalité des bruits auxquels est soumise la population concernée.

Par la proposition 2, nous souhaitons que soient abondés les budgets nécessaires à la résorption des points noirs et au financement de la lutte contre le bruit.

La proposition 3 concerne le développement et une meilleure adaptation des infrastructures de transport de notre pays en organisant des procédures d’intéressement et de dédommagement des collectivités territoriales concernées. Aujourd’hui, les riverains des grandes infrastructures disposent de moyens d’action susceptibles de bloquer le développement de celles-ci. La donne a changé, l’extension des réseaux doit être concertée et les dommages éventuels, indemnisés.

Proposition 4 : instituer, à l’échelon européen, un « couvre-feu » de cœur de nuit pour le trafic aérien.

Proposition 5 : renforcer les mesures de protection des riverains des aérodromes en corrigeant l’effet de seuil par l’extension des aides aux aéroports « non acnusés », c’est-à-dire à ceux qui se situent en deçà du seuil de 20 000 mouvements par an.

Enfin, la proposition numéro 6 vise à inclure les coûts d’isolation phonique dans le cahier des charges des projets d’infrastructures nouvelles.

M. Christophe Bouillon. J’évoquerai les bruits liés à l’urbanisation. Nous souhaitons, par la proposition 7, inciter les maires des communes de 10 000 habitants ou plus à établir un plan de prévention du bruit de proximité, et par la proposition 8, donner au maire autorité pour créer des zones, dites touristiques ou de convivialité, au sein desquelles les terrasses des bars et restaurants seraient autorisées à fonctionner jusqu’à une heure de fermeture déterminée. Qui autoriserait ? Ce serait le préfet dans les départements où il existe une police d’État, le maire dans les autres cas. Cette mesure aurait pour corollaire d’établir une interdiction à partir d’une certaine heure pour les autres zones, dévolues au calme.

La proposition 9 concerne la réduction du bruit dans les établissements scolaires. Les enfants et adolescents, comme les équipes pédagogiques, sont parfois soumis, dans les cours de récréation, les réfectoires et les gymnases, à des niveaux sonores atteignant 90 DB (A).

La proposition 10 vise à protéger l’audition du public des discothèques en abaissant à 90-95dB (A) le niveau de crête actuellement élevé à 120dB (A). En effet, depuis la fixation de ce seuil, les systèmes de diffusion du son ont recours à la compression dynamique. 95dB (A) de musique ainsi compressée équivalent à 125dB (A) « classiques ».

Proposition 11 : obtenir des exploitants de discothèques, bars, restaurants qu’ils installent un sas entre la salle et la rue. Si cela n’est pas réalisable, il conviendrait d’installer un dispositif de portes à ouverture et fermeture automatique garantissant l’étanchéité phonique. La situation s’est compliquée depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics, les consommateurs sortant pour fumer et faisant du bruit.

La proposition 12 tend à concevoir les actions de lutte contre les nuisances sonores de façon globale afin d’éviter les répétitions ou les incompatibilités, par exemple en coordonnant les travaux de protection thermique et acoustique des bâtiments.

Enfin, proposition 13 : renforcer dans la réglementation l’obligation de recours aux isolants phoniques pour les matériaux de construction.

M. Philippe Meunier. Avant de présenter les propositions relatives au contrôle et à la répression, je souhaite rappeler que, si l’arsenal législatif et réglementaire existe, la question demeure de sa bonne application.

Par la proposition 14, nous demandons que soient appliquées les dispositions de la circulaire du 16 octobre 2003, prise par le garde des sceaux, relative au volet pénal du programme national de lutte contre les bruits de voisinage. Il s’agit de faire respecter la réglementation en prenant toutes les sanctions nécessaires et de procéder à un enregistrement statistique des procédures.

La proposition 15 vise à mieux appliquer la législation en vigueur en donnant aux collectivités territoriales les moyens nécessaires.

Enfin, la proposition 16 fait référence à la police d’agglomération. Il serait souhaitable qu’un certain nombre d’équipages puissent être désignés « référents bruit », dans chaque commissariat et chaque gendarmerie, afin que les plaintes et demandes d’intervention ne demeurent pas lettre morte. À l’instar des interventions de la police d’agglomération, cette mesure permettrait une meilleure application de la réglementation et favoriserait les actions de médiation. Par ailleurs, la recollection statistique des plaintes et interventions se verrait améliorée. De fait, l’expérience prouve que les forces de l’ordre ne sont pas disponibles pour se déplacer à l’occasion de plaintes liées au bruit.

M. Christophe Bouillon. Je terminerai par les propositions liées à la prévention et l’information.

La proposition 17 concerne le développement de l’éducation au son et au bruit de la jeunesse dans le cadre scolaire. Le milieu scolaire demeure privilégié pour transmettre une réelle « culture du son ». Les jeunes doivent connaître le phénomène sonore dans toutes ses dimensions, y compris physiologiques et psychologiques.

Par la proposition numéro 18, nous estimons nécessaire d’engager une information sur le niveau sonore des espaces publics, à l’instar de l’information réalisée sur la qualité de l’air. Par la proposition numéro 19, nous souhaitons que soit lancée une grande campagne nationale d’information sur les dangers du bruit, à l’image du tabac : « trop de bruit tue vos oreilles ».

M. Jérôme Bignon, vice-président. Je remercie les deux rapporteurs de la mission d’information pour ce tableau exhaustif et précis, à la fois du phénomène des nuisances sonores et de la réglementation visant à les circonscrire et à en limiter les effets pour nos concitoyens. Il me semble que votre réflexion pourrait déboucher sur des aménagements de notre droit positif en la matière, qu’il s’agisse de modifications législatives ou règlementaires.

J’ai été frappé à la lecture de votre rapport par les conséquences sanitaires désastreuses de l’exposition à ces nuisances : l’étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de mars 2011, que vous citez, fait état de 1,61 million d’années de vie « en pleine santé » perdues, chaque année, en Europe de l’Ouest ! En regard, notre législation paraît à la fois éparse et peu appliquée. Pensez-vous à cet égard que les pouvoirs publics ont réellement pris la mesure du phénomène ? N’y a-t-il pas nécessité d’un récolement des dispositions figurant dans notre arsenal juridique ? Que suggérez-vous pour mieux coordonner l’action sur le terrain des services de police et de gendarmerie ?

M. Philippe Meunier, rapporteur. Les auditions que nous avons menées ont montré que le problème ne venait pas de la réglementation, qui s’avère relativement complète, mais plutôt de son application sur le terrain. Les interventions liées aux nuisances sonores n’apparaissent clairement pas prioritaires pour les équipes de police et de gendarmerie, qui, faute de moyens, se concentrent sur les autres troubles à l’ordre public. Or il me semble que les conflits liés à ce type de nuisances deviennent de plus en plus durs, en raison de l’urbanisation croissante, de la densification de l’habitat et de la coexistence de pratiques divergentes, notamment entre les jeunes, qui - et c’est de leur âge - font la fête, et les autres citoyens, notamment les jeunes parents, pour qui le sommeil et la tranquillité nocturnes demeurent des éléments essentiels de la qualité de vie.

De plus, la formation doit s’améliorer pour mieux faire connaître la réglementation en vigueur, je pense en particulier aux architectes pour tout ce qui a trait à l’isolation acoustique.

M. Yanick Paternotte. Votre présentation m’a particulièrement intéressé, notamment lorsque vous avez abordé les sources des nuisances sonores, et en particulier les transports ferroviaires. La commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire française et la production de matériels roulants, présidée par Alain Bocquet et dont j’ai été le rapporteur, a mis en lumière le rôle néfaste joué par le cycle d’amortissement des matériels roulants, dont la durée approche quarante années. Cette situation freine incontestablement le renouvellement du parc.

La résorption des points noirs appelle un traitement vigoureux. La ville dont je suis maire cumule les handicaps : elle se situe sur le tracé de deux autoroutes et d’une voie rapide, et se trouve coupée en deux par une voie ferrée ! Or la mesure de ce type de handicaps pose problème : elle peut difficilement se faire de façon cumulée et donner ainsi une image fidèle de la situation quotidienne. Un indicateur global de mesure du bruit urbain serait pourtant extrêmement utile, notamment pour les riverains des aéroports. Quelles solutions avez-vous pu envisager dans le cadre de votre rapport ?

Lors de l’examen des deux projets de loi du Grenelle de l’environnement, nous avions identifié le principe « pollueur-payeur » comme extrêmement efficace pour financer la lutte contre les nuisances environnementales. Pourrions-nous nous en inspirer pour financer la lutte contre les nuisances sonores par exemple par les gestionnaires d’infrastructures, notamment ferroviaires ?

Les collectivités locales, qui mettent à disposition les espaces nécessaires pour faire passer les lignes à grande vitesse, qui sont d’intérêt général, n’en tirent aucun bénéfice. Des compensations pourraient-elles être imaginées ? Ne serait-il pas judicieux, là aussi, de raisonner au plan européen ?

Enfin, nous avons voté, dans la loi Grenelle I, l’obligation pour l’État de présenter un document d'orientation des investissements de transport à horizon de trente ans, qui a pris la forme du Schéma national d’infrastructures de transports (SNIT). Or le SNIT, qui prévoit un investissement global de 260 milliards d'euros sur cette période, ne contient quasiment aucune mesure visant à atténuer les nuisances sonores induites par les infrastructures préexistantes, et notamment aucun projet de couverture d’autoroutes.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le bruit est un sujet difficile. Un des problèmes tient au nombre des émetteurs de bruit potentiels : la mise en place de réponses et de politiques appropriées en est donc rendue plus délicate.

Des recherches visant à réduire les émissions de bruit à la source sont-elles aujourd’hui engagées par les industriels ? La question concerne naturellement les véhicules, mais aussi les appareils électroménagers.

S’agissant de la prévention, vos propositions me paraissent intéressantes. Par exemple, l’idée d’intégrer dans le coût des infrastructures routières ou ferroviaires celui de l’isolation phonique : elle permettrait ainsi de répondre en partie aux interrogations soulevées par Yanick Paternotte. Il me semble néanmoins nécessaire d’aller au-delà de la seule prise en charge des travaux d’isolation, y compris – si nécessaire – jusqu’au rachat d’habitations : certaines familles ne souhaitent plus aujourd’hui demeurer à proximité d’aéroports, qui sont sources de nuisances majeures.

Sur l’ensemble de ces sujets, le rôle des maires me paraît fondamental. Disposent-ils actuellement d’un arsenal juridique suffisant pour leur permettre de faire face aux problèmes causés par le bruit ? Certaines propositions sont faites, l’une concernant les communes de plus de dix mille habitants et l’autre la mise en place de « zones de convivialité » : ces propositions seraient-elles de nature à réduire significativement les nuisances sonores en zone urbaine ?

M. Didier Gonzales. Le rapport évoque longuement la question des nuisances aériennes et je rappelle que l’article 12 de la loi « Grenelle I » mentionne la relocalisation de certaines plateformes aéroportuaires pour des raisons environnementales. A l’échelon du territoire national et pour certaines grandes agglomérations comme Paris, n’aurions-nous pas intérêt à réfléchir à ce sujet de manière systématique ? Après la translation de Nantes Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes, à qui le tour ? Demain, Orly ?

Par ailleurs, s’agissant des aides à l’insonorisation dans les périmètres légaux (PGS), ne serait-il pas envisageable de coupler celles-ci avec les aides à l’isolation thermique, dans une optique totalement « grenello-compatible » ?

Mme Catherine Quéré. Je voudrais appeler votre attention sur une question très concrète. J’habite une petite commune de campagne, au milieu de laquelle se trouve la salle des fêtes. Les mariages, concerts et autres manifestations sont sources de nuisances réelles pour les riverains ; la mairie a donc fait équiper cette salle d’un appareil qui, lorsque le niveau sonore dépasse un seuil préfixé, coupe l’électricité. Cette solution présente l’avantage de limiter la gêne : connaissez-vous cet appareil, est-il fiable et, dans l’affirmative, ne pourrait-on envisager de soutenir son développement ?

Je souhaiterais par ailleurs souligner la situation difficile des travailleurs de nuit. Beaucoup vivent dans des HLM et se plaignent de l’intensité du bruit diurne. La situation crée des conflits de voisinage et certains risquent de basculer dans la dépression. Existe-t-il un seuil maximal de bruit diurne acceptable et peut-on le quantifier ?

M. Jean-Claude Flory. La question du bruit se pose également en milieu rural, où il existe des zones de concentration des nuisances sonores. Il me semble qu’un accompagnement par les autorités administratives serait pleinement légitime, y compris dans les agglomérations de moins de dix mille habitants.

Ma première question porte sur les concerts. La période estivale s’ouvre devant nous et les concerts en extérieur sont appelés à se multiplier. Des familles s’y rendent, qui comptent parfois en leur sein de très jeunes enfants. Pourtant, aucune mise en garde n’est opérée ! Votre proposition n°10, portant sur les discothèques, pourrait à mon sens être étendue aux concerts extérieurs, en période estivale et en zone touristique.

L’autre question est relative à la vente de matériels pouvant générer des nuisances sonores fortes, comme les pots d’échappement pour les deux-roues, les klaxons des voitures ou des camions, etc. Le risque en termes de santé, notamment pour les enfants, est réel : ne faudrait-il pas réfléchir alors à une interdiction pure et simple de vente de ces matériels et non plus seulement d’utilisation ?

M. Martial Saddier. Je me bornerai à deux remarques spécifiques.

La première porte sur les conséquences de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Dans les zones touristiques de montagne, notamment les stations de ski, les établissements de nuit sont concentrés dans les centres-villes. Lorsque les installations pour les fumeurs sont inexistantes ou non conformes, que se passe-t-il ? Les portes de l’établissement sont grand ouvertes ; la conjonction de la musique de fond et des discussions des fumeurs rend la vie des riverains insupportable. J’ai beaucoup d’exemples de ce problème dans ma circonscription, notamment à Chamonix.

La seconde remarque tient à la configuration particulière des vallées de montagne. Leur encaissement pose problème non pas du fait simplement de l’écho – pour lequel nous ne pouvons rien faire (sourires)… -, mais du fait de la concentration des bruits – notamment en période nocturne. Une intéressante expérimentation est en cours en Suisse où, dans certaines vallées encaissées, la circulation des poids lourds est prohibée la nuit  - alors que cette même circulation, dans le cours de la journée, ne suscite ni attention ni embarras particuliers.

Mme Françoise Branget. Je m’interroge sur l’impact des différents modes de transport en termes d’émissions sonores. Disposez-vous d’études statistiques sur les bilans respectifs de la route, du rail et du fluvial – un « bilan décibel » en quelque sorte, en complément du bilan carbone ?

M. Philippe Meunier, rapporteur. Yanick Paternotte insiste avec raison sur la pollution sonore qui découle du vieillissement des équipements ferroviaires. Ces matériels ne sont pas fréquemment remplacés. En outre, la politique actuelle consiste à protéger les riverains plutôt qu’à diminuer les bruits émis par les activités humaines. Je redoute que la volonté de développer le fret ferroviaire engendre un supplément de nuisances.

En ce qui concerne la résorption des points noirs, une cartographie est en cours qui permettra de mieux identifier les difficultés. Beaucoup reste à faire pour disposer d’une vision d’ensemble, mais la France peut se targuer d’être en avance par rapport à ses partenaires européens.

Je considère que l’amélioration des infrastructures conditionne le maintien de notre compétitivité économique. Mais les travaux sont de plus en plus difficiles à conduire alors que l’hostilité du voisinage prend la forme de recours juridictionnels incessants. On peut d’ailleurs le comprendre : pour les résidents, aucun avantage ne vient équilibrer les nuisances subies. La mission d’information a ainsi entendu des élus locaux pour qui la présence des réseaux équivaut à des problèmes supplémentaires sans aucun bénéfice en contrepartie. Une forme de solidarité nationale est nécessaire, mais je m’interroge sur les moyens de sa mise en œuvre. Sans doute une gratification financière à destination des collectivités territoriales serait-elle souhaitable.

M. Yanick Paternotte. Il existe bien une péréquation fiscale consécutive à la présence d’une installation aéroportuaire. Mais son mécanisme n’aboutit qu’à un « saupoudrage » organisé par le département.

M. Philippe Meunier. C’est exact ! Et rien n’est prévu pour les autres réseaux. Comme pour les autres nuisances, je plaide en matière de bruit pour l’application du principe « pollueur-payeur ».

M. Christophe Bouillon. Des recherches sont actuellement en cours pour diminuer à la source les nuisances sonores des trains et des aéronefs. Nous avons aussi pris connaissance de travaux sur les rails – que Réseau ferré de France utilise parfois déjà – et sur le revêtement routier.

Les pouvoirs de police générale du maire sont réels. Il ne faut pas les minorer. En revanche, la procédure judiciaire qui permet une sanction présente un caractère particulièrement strict : la nuisance sonore doit être établie soit par un agent assermenté, soit par un appareil de mesure dans des conditions si draconiennes qu’elles entraînent souvent des nullités. Les élus locaux et les associations auditionnés ont souligné que la médiation se substitue souvent utilement à la répression. Il existe ainsi des médiateurs à Lyon ; la mairie de Toulouse a embauché des « chuteurs » pour inciter les fêtards à prêter attention au voisinage.

J’attire l’attention de la commission sur l’opportunité de lier, dans les normes de construction, les isolations thermique et phonique. Nous avons tendance à nous focaliser sur la première dans la politique globale de maîtrise de la consommation énergétique, mais il ne faut pas négliger la seconde.

Enfin, je m’interroge sur les effets de seuil induits par les plans de gêne sonore car il suffit de traverser une rue pour sortir du périmètre. C’est incompréhensible pour les citoyens, qui constatent tous les jours que les limites administratives n’ont aucun effet sur la propagation des sons...

M. Philippe Meunier. Personne ne nous a mentionné les systèmes de coupures de son ou d’électricité. Par contre, nous avons découvert des expériences intéressantes dans certaines discothèques où les clients sont équipés de casques individuels qui diffusent la musique : la source collective puissante est remplacée par des dispositifs individuels respectueux des tiers.

En ce qui concerne les sujétions particulières, le seuil de 10 000 habitants est défini pour ne pas imposer de trop lourdes contraintes aux petites communes.

Martial Saddier a soulevé un vrai problème en mentionnant les réunions de fumeurs devant les établissements nocturnes. On pourrait envisager qu’un sas ou qu’une porte automatique limite ces désagréments.

Le transport routier doit être contrôlé. J’ai été à l’origine d’un amendement inclus dans la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui fixe pour objectif la disparition du transit de poids lourds sur le territoire national. A long terme, tous les conteneurs devront emprunter le fret ferroviaire, le cabotage maritime ou le transport fluvial.

Je suis d’accord avec le principe de la relocalisation des plateformes aéroportuaires qu’a évoqué Didier Gonzales. Mais combien pouvons-nous investir en ce sens ?

Quant à réglementer les concerts extérieurs, comme l’a suggéré Jean-Claude Flory, il sera difficile de définir un dispositif qui le permette.

M. Christophe Bouillon. Je voudrais ajouter que le code du travail établit déjà une distinction entre travail de jour et travail de nuit en matière d’exposition au bruit.

Françoise Branget s’est interrogée sur un « bilan décibel » de chaque mode de transport. Rien n’existe aujourd’hui et ces études nécessiteraient probablement un travail conséquent, mais elles présenteraient un intérêt évident.

Enfin, nos propositions sont pour la plupart applicables au monde rural, dont nous ne négligeons pas les difficultés. J’ajoute que nombre d’urbains assimilent la campagne à un havre de paix et de silence lorsqu’ils s’y trouvent en villégiature : nous recevons ainsi des plaintes contre le chant des coqs et les volées des clochers.

M. Jérôme Bignon, vice-président. Je remercie la commission pour la pertinence de ses questions, et les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux.

Interrogée sur la publication du rapport d’information, la commission l’autorise à l’unanimité.

M. Yanick Paternotte. C’est une unanimité bruyante.

M. Daniel Goldberg. Très parlante, même ! (sourires)

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 28 juin 2011 à 17 heures

Présents. - M. Jérôme Bignon, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Geneviève Gaillard, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. Maxime Bono, M. Frédéric Cuvillier, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jean-Marie Sermier, M. André Vézinhet

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory