Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Examen de la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels (n° 3690) (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur)

Mercredi
28 septembre 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 63

session extraordinaire de 2010-2011
Présidence de M. Serge Grouard
Président

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Chanteguet, la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier (n° 3690).

M. le Président Serge Grouard. Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin sera discutée en séance publique le jeudi 6 octobre 2011.

Je rappelle que, sur le sujet, nous avons déjà adopté un texte, devenu la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

À l’expiration du délai de dépôt, dix amendements – huit du rapporteur et deux de Mme Taubira – ont été déposés ; aucun ne pose de problème de recevabilité financière.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Au mois de juin dernier, la France devenait le premier pays au monde à interdire l’usage de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures.

La loi du 13 juillet 2011, que les groupes SRC et GDR ont refusé de voter, était censée répondre à toutes les inquiétudes ressenties par nos concitoyens et par leurs élus après la découverte de la délivrance de permis exclusifs de recherches visant en particulier le gaz et l’huile de schiste, et des conséquences néfastes des techniques envisagées.

C’est le groupe SRC qui, le premier, s’est saisi de ce dossier en déposant une proposition de loi dans sa « niche » parlementaire du 12 mai 2011, contraignant ainsi le Gouvernement à accepter de débattre d’un sujet dont chacun reconnaît qu’il n’est pas mineur, puisqu’il peut devenir un marqueur de notre stratégie énergétique.

Nous nous sommes opposés à la loi du 13 juillet 2011 car elle nous semble incomplète et se limite à l’interdiction formelle de la fracturation hydraulique – en omettant de définir celle-ci – sans abroger les permis d’exploration accordés. Ce texte, comme nous n’avions pas manqué de le déplorer, pourra être sans difficulté contourné par les industriels. L’analyse qu’en fait Arnaud Gossement est à cet égard riche d’enseignements : il parle d’une procédure dont « la portée est aussi complexe que le sens », ajoutant : « Il s’agit d’une abrogation par la loi d’un acte administratif, différée de deux mois et conditionnée à l’intervention… du bénéficiaire du permis lui-même. En somme, l’avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires. »

D’ailleurs, les faits nous donnent raison : il suffit de lire la presse pour apprendre que les industriels titulaires des permis ont l’intention de les conserver et de poursuivre leurs activités de recherche de gaz et d’huile de schiste sur le territoire français. Le groupe Total indique ainsi avoir déposé, auprès de l’administration française, un rapport « motivé par la volonté […] de préserver les droits à l’exploration d’un domaine minier, droits qui lui ont été attribués en mars 2010 pour une durée de cinq ans ». De son côté, le groupe Toreador déclare que « [son] plan pour évaluer [ses] permis d’exploration ne fait pas appel à la fracturation hydraulique ».

Sachant que tous les détenteurs de permis ont déposé dans les délais, c’est-à-dire avant le 13 septembre dernier, le rapport qui leur était demandé par l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011, on peut penser qu’aucun d’eux ne renoncera aux droits de prospection sur le sol français qui leur ont été attribués pour des durées de trois à cinq ans renouvelables deux fois, et qui, compte tenu du droit de suite, débouchent presque automatiquement sur des concessions d’exploitation.

La loi du 13 juillet 2011 ne satisfait ni les parlementaires de l’opposition, ni les élus et les citoyens qui se sont mobilisés depuis des mois, poursuivant leur combat contre des projets qu’ils rejettent et contre une énergie qu’ils condamnent.

Aujourd’hui, les députés du groupe SRC et leurs collègues des Verts sont convaincus qu’ils doivent continuer de porter la voix de ceux qui considèrent que toute exploration de ces nouvelles énergies fossiles, lourde de conséquences pour l’environnement – et ce quelle que soit la technique utilisée –, compromettrait gravement la transition énergétique et le respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France. C’est pourquoi ils souhaitent abroger la loi du 13 juillet 2011 au profit du présent texte, dont l’inspiration est identique à celle de leur première proposition de loi.

Au-delà des emblématiques hydrocarbures de schiste, ce sont l’exploration et l’exploitation de l’ensemble des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels qui focalisent l’attention. Les techniques de fracturation, de fissuration et d’explosion de la roche mère et des réservoirs meurtrissent la terre et portent atteinte à l’intégrité des roches. En mer, l’épuisement progressif des gisements offshore classiques a conduit les industriels à s’éloigner de plus en plus des côtes pour implanter des plateformes ou des unités mobiles de forage au large, en eaux profondes.

Devons-nous, avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Mme Marie-Luce Penchard et M. Éric Besson, nous réjouir de la découverte, par la société Tullow Oil, le 9 septembre 2011, d’hydrocarbures sur le permis de Guyane maritime, à 150 kilomètres des côtes et à une profondeur de 5 700 mètres, dont 2 000 mètres pour la colonne d’eau ? Devons-nous rappeler l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril 2010 sur le gisement de Macondo, dans le golfe du Mexique, explosion qui fit onze victimes, provoqua le déversement dans l’océan de l’équivalent de presque cinq millions de barils de pétrole et la pollution de 350 à 450 kilomètres de côtes américaines ?

Il convient de dénoncer cette fuite en avant qui consiste à faire croire que notre avenir passe par l’exploitation, jusqu’à épuisement, des diverses énergies fossiles, exploitation qui, nous le savons, sera toujours plus difficile et plus coûteuse, tant sur le plan financier que sur le plan environnemental. Il incombe donc aux responsables politiques de guider notre pays vers une énergie plus propre, plus durable et plus respectueuse de notre environnement.

Au lieu de se réjouir de la découverte de nouvelles sources d’énergie fossile, engageons-nous dès maintenant dans la transition énergétique ! La politique énergétique de notre pays a trop longtemps été abandonnée aux mains des seuls ingénieurs du corps des mines : le monde politique, les parlementaires et les citoyens doivent se la réapproprier. Cela passe, bien sûr, par l’organisation d’un débat national sur l’énergie, mais aussi par des actes législatifs, comme celui que nous vous proposons aujourd’hui.

Pour nous, la transition énergétique est plus qu’un slogan : elle est une exigence environnementale, sociale et économique. Environnementale d’abord, car il nous faut absolument nous engager dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la protection de l’environnement sous toutes ses dimensions : intégrité des paysages, biodiversité ou préservation de la ressource en eau. Elle est aussi sociale, car les modes de vie doivent s’adapter aux exigences environnementales, et il nous appartient de répondre à une demande sociétale de plus en plus manifeste. Elle est enfin économique, car retarder l’évolution vers des sources d’énergies alternatives aux hydrocarbures fait peser le risque d’une crise majeure.

Face à l’épuisement annoncé des ressources en hydrocarbures et à la hausse de leur coût, la tentation est grande d’investir massivement dans de nouveaux gisements, dont l’exploitation a été rendue possible et rentable grâce aux avancées technologiques. Or l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels comporte des risques importants pour l’environnement et va à l’encontre de nos engagements nationaux et internationaux en matière de lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi nous proposons d’interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national, et d’abroger les permis exclusifs de recherches déjà accordés.

Nous ne pourrons relever le défi de la transition énergétique sans une réforme d’ampleur de notre législation minière et une adhésion complète des citoyens à un projet commun. La forte mobilisation citoyenne qui a suivi la découverte de l’existence des permis exclusifs de recherches relatifs au gaz et à l’huile de schiste a révélé l’obsolescence du code minier. Les procédures de délivrance de ces permis et d’octroi des concessions minières sont opaques : elles ne permettent pas une information des citoyens et des élus locaux, qui ont de ce fait découvert l’existence de ces permis dans la presse. Hormis les industriels et quelques fonctionnaires de la direction générale de l’énergie et du climat, personne ne semblait au courant – pas même M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État en charge de l’environnement, qui reconnut n’avoir pas eu connaissance de la signature des permis et n’avoir reçu qu’une note succincte de présentation des hydrocarbures de schiste.

Il nous paraît donc indispensable et urgent, s’agissant de la délivrance des titres miniers, d’associer les citoyens et les élus à travers une procédure de consultation du public, et de renforcer les procédures de contrôle et d’évaluation.

Cette proposition de loi comporte cinq articles. Le premier pose une interdiction générale d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national. Il va ainsi plus loin que la loi du 13 juillet 2011, qui proscrivait le seul recours à une technique, à savoir la fracturation hydraulique. Cette interdiction se fonde sur les principes définis par la Charte de l’environnement – droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement et principe de précaution – et sur le principe d’action préventive et de correction défini par le code de l’environnement.

Cet article vise également, dans son second paragraphe, à définir la notion d’hydrocarbures « non conventionnels », et ce afin de remédier aux lacunes du code minier. Pour être qualifié de « non conventionnel », un gisement d’hydrocarbures doit nécessairement remplir deux conditions cumulatives : être particulièrement difficile d’accès – réservoir d’une perméabilité inférieure à 1 millidarcy, gisement en mer situé à plus de 300 mètres de profondeur d’eau –, et la technique utilisée doit requérir des moyens d’extraction complexes : pour l’exploitation à terre, fracturation ou fissuration de la roche par la désormais bien connue fracturation hydraulique ou par d’autres techniques similaires – fracturation pneumatique, fracturation à base de propane gélifié ou arcs électriques – ; pour l’exploitation en mer, plateformes mobiles et unités mobiles de forage au large pour l’offshore profond et ultra-profond, ancrées au fond de l’eau ou maintenues en position grâce à des systèmes de positionnement dynamique, comme le GPS ou Galileo.

L’article 2 tire les conséquences de l’interdiction posée à l’article 1er et procède à l’abrogation des permis exclusifs de recherches dont l’objet est l’exploration d’hydrocarbures liquides ou gazeux de caractère non conventionnel. L’abrogation signifiant que l’acte administratif n’est plus en vigueur et ne le sera plus à l’avenir, il s’agit donc simplement de priver d’effet les permis accordés.

Les articles 3, 4 et 5 complètent le code de l’environnement afin d’adapter la législation minière à nos engagements nationaux – Charte de l’environnement –, internationaux – Convention d’Aarhus – et à l’évolution de la société, le code minier étant devenu obsolète. L’article 3 conditionne la délivrance d’un permis exclusif de recherches et l’octroi d’une concession minière à la participation du public, soit par la publication de la décision et le recueil des observations du public, soit par la saisine d’un organe consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées, soit par l’organisation d’un débat public sous l’autorité de la Commission nationale du débat public.

L’article 4 subordonne la délivrance d’un permis exclusif de recherches et l’octroi d’une concession minière à la réalisation d’une étude d’impact.

L’article 5 subordonne la délivrance d’un permis exclusif de recherches à la réalisation d’une enquête publique dont les modalités ont été définies par le Grenelle 2 : il s’agit de rétablir une procédure supprimée en 1994, mais qui est requise préalablement à l’octroi d’une concession minière.

M. Yanick Paternotte. Cette proposition de loi est ambiguë et prématurée. Elle est d’abord ambiguë car elle rouvre le débat, non sur le mode d’exploitation mais sur la qualité du gisement, en préconisant d’interdire formellement la recherche, et a fortiori l’exploitation, de tout hydrocarbure non conventionnel. Ce n’était pas du tout l’objet de la précédente proposition de loi, qui était plus consensuelle qu’on ne le dit parfois.

Le rapporteur lui-même rappelle que la France a été le premier pays à interdire la fracturation hydraulique. Dans ces conditions, on comprend mal les objectifs du texte, d’autant que son exposé des motifs suggère d’aller plus loin et plus vite pour réorienter notre approvisionnement et garantir notre indépendance énergétique – tout en refusant le « mix énergétique » qui semble pourtant plébiscité.

Une telle ambiguïté nuirait non seulement à notre pays et à son économie, mais aussi à l’environnement.

La loi votée en juin dernier subordonnait la prorogation des permis à un rapport que les industriels devaient remettre au plus tard le 13 septembre 2011 ; or l’exposé des motifs part du postulat que tous les permis seront prorogés après le 13 octobre prochain, ce qui revient à dire que la loi sera sans effet. Un tel procès d’intention me choque. Attendons le 13 octobre, sans préjuger de l’application, par ailleurs encadrée par des délais très restreints, du texte voté en juin.

M. Michel Havard. Cette proposition de loi ne règle en rien la question des « permis muets », qui permettront donc de la contourner.

Selon quels critères envisagez-vous d’abroger les permis ? S’il n’est pas précisé qu’ils portent sur la recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux, ils resteront en effet valides. Vous proposez par ailleurs une abrogation avec effet rétroactif, ce qui, en plus d’être contestable du point de vue constitutionnel, pose le problème de l’indemnisation, sur lequel votre texte fait l’impasse.

Par ailleurs, la notion d’hydrocarbures non conventionnels est très difficile à cerner : vous en donnez une définition tellement imprécise, ou restrictive, qu’il sera facile de la contourner, sans parler de la référence aux « GPS » – la boussole et la carte, par exemple, sont-elles des systèmes de positionnement mobile ? Dès lors qu’une notion est contestable, elle sera bien entendu contestée.

La question de l’offshore est bien trop complexe pour être traitée dans un texte aussi bref. Le Gouvernement s’était engagé à mener sur le sujet une réflexion globale ; c’est dans ce cadre qu’il convient de travailler.

Enfin, votre proposition de loi réforme le code minier de façon très partielle, donc inefficiente : nous étions tombés d’accord pour dire que c’est l’ensemble du code minier, sous tous ses aspects, qui doit être réécrit.

Pour toutes ces raisons, le présent texte me semble donc fragile du point de vue juridique, mais également inutile dans la mesure où la loi du 13 juillet 2011 proscrit déjà toute exploitation d’huile et de gaz de schiste.

M. François-Michel Gonnot. Cette proposition de loi va bien au-delà de la loi du 13 juillet dernier, car elle remettrait en cause presque toutes les activités gazières et pétrolières sur notre territoire. Une telle décision mériterait pour le moins un grand débat national.

Le deuxième alinéa de l’article 1er vise à définir les hydrocarbures non conventionnels, notion jusqu’à présent ignorée de notre droit. Le terme « conventionnel » renvoie-t-il à des conventions ? À des usages ? À des techniques industrielles ? On voit toute la difficulté de cette définition.

D’autres expressions me semblent tout aussi imprécises. Que signifie en droit, par exemple, l’expression « piégés dans la roche » ? Un tel flou exposerait à d’innombrables contentieux.

Pour prendre en compte la découverte faite au large de la Guyane, vous procédez d’autre part à un amalgame, en traitant aussi du offshore qui pourtant, comme on vient de le rappeler, n’a rien à voir avec l’exploitation du gaz ou de l’huile de schiste. Remettre ainsi en cause l’ensemble des activités offshore, avec tous les intérêts français qui leur sont associés de par le monde, me semble irresponsable.

De plus, la définition que vous donnez ne correspond ni à celle qui ressortait de nos précédents débats, ni à celle que Philippe Martin et moi avons proposée dans notre rapport d’information : elle est totalement déconnectée du code minier alors qu’en juin, nous nous étions accordés pour dire qu’une réforme globale de celui-ci constituait un préalable. Sans cette réforme, la définition des hydrocarbures non conventionnels me semble pour le moins hasardeuse.

Enfin, l’article 2 prévoit une abrogation avec effet rétroactif, ce que condamne régulièrement le Conseil constitutionnel, et n’envisage aucune indemnisation en contrepartie ; cela ne manquerait pas de déclencher, là aussi, de très lourds contentieux.

Il faut revenir à l’essentiel, à savoir à cette loi du 13 juillet 2011 qui, malgré ses éventuelles imperfections, a permis d’arrêter l’exploration et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste. Consacrons-nous à la réforme du code minier : le reste relève davantage de l’actualité que de l’écriture juridique responsable.

M. Philippe Martin. Malgré les engagements répétés du Premier ministre, malgré les déclarations rassurantes de la ministre de l’écologie et de Christian Jacob, malgré l’engagement sincère d’un grand nombre de députés de la majorité en faveur d’un arrêt de l’exploitation des gaz de schiste sur le territoire national et d’une abrogation des permis accordés en mars 2010 par Jean-Louis Borloo, force est de constater que nous avions vu juste en ne votant pas la proposition de loi Jacob adoptée il y a quelques mois.

Lors des débats en séance, nous avions indiqué que ce texte était non seulement flou et en deçà de l’ambition initiale, mais que, au rebours de l’objectif recherché, il allait fournir aux industriels titulaires des permis exclusifs de recherches une base légale leur permettant de poursuivre leur activité ; pour le coup, monsieur Paternotte, monsieur Havard, « ambigu » est assurément l’adjectif qui le caractérise le mieux.

Les déclarations du directeur de Total Gas Shale Europe, Bruno Courme, le 12 septembre dernier, soit la veille de l’expiration du délai prévu à l’article 3 de ladite loi – aux termes duquel les titulaires de permis doivent remettre, au plus tard deux mois après la promulgation de la loi, un rapport précisant s’ils ont ou non recours à la facturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation du sous-sol –, sont révélatrices du cynisme des entreprises concernées, mais aussi du double langage du Gouvernement. Comme nous l’avions prévu, il aura suffi à ces groupes de prendre acte que la facturation hydraulique est proscrite sur notre territoire national, de ne pas préciser – au mépris de l’article 3 de la loi – le type de technique qu’ils envisagent d’utiliser pour se mettre en conformité avec la loi et conserver leur permis en attendant que la mobilisation citoyenne retombe ou que le Gouvernement cède.

Tout au long de la mission parlementaire que François-Michel Gonnot et moi avons conduite, pas un seul de nos interlocuteurs ne nous a dit ou laissé entendre qu’une autre technique que la fracturation hydraulique avec forage horizontal et utilisation d’un fluide composé d’eau et d’un agent chimique de soutènement était possible, voire envisageable. Tout juste nous a-t-on indiqué que des techniques de fracturation très lourdes de conséquences pour l’environnement – fracturation pneumatique ou fracturation utilisant du propane liquéfié – avaient été testées, notamment en Amérique du Nord.

Non seulement la loi Jacob n’a rien réglé, mais elle a créé de nouveaux problèmes en interdisant la fracturation hydraulique sans la définir, en obligeant « gentiment », passez-moi l’expression, les industriels à déposer un rapport faisant état des techniques utilisées, sans prendre la peine de définir des critères précis pour sa rédaction.

Grâce au tour de passe-passe inscrit dans cette loi, les titulaires de permis exclusifs se frottent les mains et envisagent tous de poursuivre le « fric-frac » de notre sous-sol. Ce ne sont pas les quelques abrogations mineures que Mme Kosciusko-Morizet nous jettera en pâture qui changeront notre vision des choses.

Parce que le Gouvernement et sa majorité n’ont pas voulu faire ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient, c’est-à-dire abroger purement et simplement des permis à la fois imprudemment accordés et en contradiction avec le Grenelle de l’environnement, la loi Jacob est en fait celle qui a durablement autorisé l’exploitation des gaz de schiste en France. Je rappelle qu’à l’époque, Christian Jacob appelait de ses vœux un moratoire ad vitam æternam – il fallait sans doute comprendre « ad sénatoriales », mais, là aussi, la fracturation hydraulique a été forte ! Cette loi est de circonstance ; elle est floue et fait fi des enjeux auxquels la société est confrontée, sans répondre aux attentes des élus et des citoyens.

La présente proposition de loi s’inscrit dans le droit fil de celle que nous avions déposée en mai : elle vise à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, quels qu’ils soient et quelles que soient les techniques utilisées.

Outre que l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels ne fait qu’accroître notre dépendance aux énergies fossiles – alors même que le Gouvernement prétend vouloir le contraire –, les conséquences de leur exploitation sont connues : menaces sur la ressource en eau, problèmes de gestion des déchets et atteintes graves aux paysages et à l’économie touristique.

Pour ce qui concerne l’exploitation de gisements en eaux profondes, rappelons les risques d’explosion et les conséquences des marées noires, hélas de plus en plus fréquentes, sur la biodiversité marine, sur les activités de pêche, sur le tourisme…

Le constat d’une législation ambiguë, insuffisante et même dangereuse, tournant le dos à la transition énergétique et environnementale, a conduit notre groupe à déposer, comme il l’avait annoncé au début de l’été, une nouvelle proposition de loi pour préciser et clarifier notre droit. Ceux d’entre vous qui ont soutenu de bonne foi la loi Jacob et qui, se référant aux engagements qu’ils ont pris vis-à-vis des habitants de leur territoire, constatent que rien n’a changé, ne pourront qu’approuver un texte qui répond effectivement à ce qu’ils souhaitaient au printemps dernier.

L’article 1er proscrit non seulement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national en s’adossant à la Charte de l’environnement et au principe d’action préventive, mais il définit le concept, jusqu’ici ignoré du code minier, d’hydrocarbures non conventionnels.

Le deuxième article, dans un souci de clarification, annule les arrêtés ministériels exclusifs de recherches des mines d’hydrocarbures gazeux ou liquides en France. À ce sujet, le Gouvernement a fait de l’indemnisation un argument contre l’abrogation des permis accordés ; nous considérons, tout au contraire, que l’indemnisation des industriels n’est en rien automatique après l’annulation d’un acte administratif qui leur était favorable. S’il doit y avoir une indemnisation, elle devra être fixée selon des critères objectifs – état d’avancement des travaux et sommes engagées, notamment –, selon une procédure exceptionnelle ou ponctuelle. Dans la mesure où aucun projet de travaux n’a été lancé à ce jour, l’abrogation des permis ne devrait se traduire, le cas échéant, que par une indemnisation limitée.

Enfin, les articles 3, 4 et 5 visent à assurer enfin la transparence du secteur minier. Le déficit démocratique lié à l’attribution des permis de recherches, à l’origine de la mobilisation des citoyens et des élus, ne peut perdurer. Dans le strict respect de la Charte de l’environnement, notre proposition de loi vise à garantir l’information et la participation citoyennes dans le processus de délivrance des permis de recherches et d’octroi des concessions.

Au-delà du débat sur les impacts environnementaux et économiques de l’exploration des mines d’hydrocarbures non conventionnels, le groupe SRC s’interroge la politique énergétique qui semble être celle du Gouvernement, à savoir privilégier le développement du nucléaire et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels au détriment des énergies renouvelables, de l’éco-innovation et des investissements en faveur de l’efficacité énergétique. Ces choix politiques nous enferment dans la dépendance aux énergies fossiles ; ils empêchent ainsi notre pays de s’engager dans un modèle de développement soutenable. De ce point de vue, notre proposition de loi vise à inscrire notre politique énergétique dans le processus de transition écologique que les Français appellent de leurs vœux.

M. Yves Cochet. Cette proposition de loi, cosignée par plusieurs membres du groupe GDR, tend principalement à interdire l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis litigieux. En cela, elle est aussi opportune que justifiée sur le fond.

C’est sur ce dernier point que j’insisterai. En premier lieu, toute exploitation des hydrocarbures non conventionnels a un impact sur le dérèglement climatique. Plusieurs études ont été menées à ce sujet, dont l’une par l’université Cornell : selon celle-ci, le processus d’exploitation des gaz de schiste pris dans son ensemble – du puits à la roue, en quelque sorte –, aurait sur le climat des effets aussi négatifs que l’exploitation du charbon.

Quant au rendement énergétique, s’il est plutôt bon pour le pétrole, avec quinze barils obtenus en aval pour l’équivalent d’un baril investi en amont, il est, selon l’institut britannique Tyndall et une étude québécoise de février 2011, très faible pour le gaz de schiste : on n’en tire qu’une quantité d’énergie équivalent au mieux au double de l’énergie dépensée pour l’extraire.

Selon plusieurs articles parus aux États-Unis, l’exploitation du gaz de schiste serait même un échec commercial. Pour les gisements les plus anciens, par exemple au Texas, 85 % de la matière a été délivrée au cours des deux premières années ; après quoi la production décline très rapidement, de sorte que le forage doit s’étendre plusieurs kilomètres alentour. En tout état de cause, le coût de production peut s’avérer supérieur au rendement commercial, de sorte que Chesapeake, par exemple, en vient à se demander s’il convient de persévérer dans ce qui apparaît de plus en plus comme une erreur industrielle.

Le fait peut sembler anecdotique mais mérite d’être signalé : les représentants de l’Association française de spéléologie se sont inquiétés, par une lettre du 1er février 2011 adressée à Mme la ministre de l’écologie, des projets d’exploration de gaz de schiste ; aussi bien ont-ils adopté, à l’occasion de leur assemblée générale de 2011, une motion pour s’y opposer.

Il y a quelques mois, lors des mobilisations populaires, même des maires de la majorité se sont émus de ces projets d’exploitation ou d’exploration ; la loi du 13 juillet 2011, à cet égard, n’a pas apaisé leurs craintes.

M. Yanick Paternotte. Ils s’élevaient surtout contre la technique de la fracturation hydraulique !

M. Yves Cochet. Non, ils s’inquiétaient plus généralement des risques pour les paysages, pour l’environnement et pour la santé des populations.

La mobilisation va se poursuivre, d’autant que les projets d’exploration, loin de se limiter au sud-est de la France, concernent aussi, par exemple, la Seine-et-Marne.

Cette proposition de loi est peut-être un peu abrupte, mais elle vient à point nommé pour lever les ambiguïtés de la loi du 13 juillet 2011, qui n’a pas en rien dissuadé les industriels.

M. Gérard Menuel. Je veux à mon tour souligner le caractère ambigu et même contradictoire de cette proposition de loi. En page 4 de l’exposé des motifs, il est écrit que la loi du 13 juillet 2011 « n’interdit absolument pas le recours à d’autres techniques d’exploration de mines d’hydrocarbures de schiste. Or, d’autres techniques existent et sont aussi impactantes pour l’environnement que la technique interdite par le texte ». Deux paragraphes plus loin, vous indiquez que le rapport de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) mentionne « assez clairement que la fracturation hydraulique est au programme des travaux. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise sachant qu’aujourd’hui, seule cette technique permet d’explorer et d’exploiter les mines d’hydrocarbures de schiste ! » Bref, vous avancez deux éléments contradictoires dans la même page.

M. André Chassaigne. Envisager l’utilisation des hydrocarbures non conventionnels, laisser comme le fait la loi du 13 juillet 2011 la porte ouverte à la poursuite des explorations, revient à confirmer le renoncement à toute volonté d’action contre le changement climatique.

Plusieurs rapports du GIEC montrent pourtant combien il est urgent de limiter le réchauffement à deux degrés. À cet égard, le bouquet énergétique ne doit pas rester diversifié uniquement dans les discours : il suppose une politique volontariste en faveur des énergies renouvelables. Faut-il rappeler les conséquences dramatiques d’un emballement climatique, qu’il s’agisse des phénomènes météorologiques violents, de l’appauvrissement de la ressource en eau, de la fonte des glaces, de l’élévation du niveau des mers, de la baisse des capacités agricoles et de ses répercussions sur une situation alimentaire mondiale déjà critique, des migrations massives, des atteintes à la santé et à la biodiversité, et j’en passe ? À mes yeux, ce texte propose une vraie rupture en vue de combattre le réchauffement climatique. C’est une raison suffisante pour le voter.

M. Pascal Terrasse. Si nous avions la maîtrise de l’agenda parlementaire, nous aurions présenté ce texte après le 15 octobre, une fois les procédures prévues achevées. Mais nous n’en disposons pas et nous sommes également contraints par l’imminence du débat budgétaire.

Les analystes financiers s’accordent à dire que le gaz de schiste fait l’objet d’une bulle spéculative comparable à celle des nouvelles technologies naguère : il est vendu à 4 dollars le gigajoule alors que son coût de production avoisine les 6 dollars. Je mets d’ailleurs en garde le Crédit agricole qui, par l’intermédiaire de sa filiale Corporate and Investment Bank , souhaite investir dans cette énergie.

De plus, les titulaires de permis exclusifs de recherches peuvent engager des travaux de forage sans demander l’autorisation du propriétaire des terrains. Il peut être bon de le rappeler aux agriculteurs.

Notre défiance à l’égard de la loi du 13 juillet 2011 vient tout simplement des déclarations des titulaires de permis. M. Christophe de Margerie, dans un récent entretien accordé au journal Les Échos, a ainsi annoncé qu’il présenterait une technique de fracturation pneumatique afin que Total conserve son permis.

Les gaz de schiste sont un trésor empoisonné du point de vue financier mais aussi, bien évidemment, environnemental. Aux États-Unis, où tout a commencé, le professeur Armendariz, de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), en a souligné tous les dangers dans une étude incontestable. Pourtant, Total vient de racheter 20 % de la société Chesapeake, qui extrait du gaz de schiste à Barnett (Texas), et d’investir 1 milliard d’euros dans les forages sur le sol américain. Les mêmes techniques seront employées en France, par exemple à Montélimar où le groupe détient d’un permis exclusif de recherches. De tels engagements spéculatifs ne sont pas non plus des réponses à nos besoins énergétiques, lesquels doivent effectivement faire l’objet d’un large débat.

Les titulaires de permis, tels que Total et Schuepbach, ont donc répondu par anticipation à Mme la ministre. Ils vont lui présenter des techniques alternatives à la fracturation hydraulique si bien que, nous le savons, leurs titres ne seront pas abrogés. S’ils l’étaient par notre texte, objecte-t-on, ces sociétés seraient en droit de réclamer des dommages et intérêts. Mais par rapport à quels investissements ? L’exemple fera sourire mais il est probant : lorsque l’État français a décidé de fermer les maisons closes, il a dû faire face à des recours car il avait délivré des autorisations devenues sans objet. Mais il n’a jamais été condamné à payer un centime de dommages et intérêts. La France est en droit d’accorder des agréments et de les retirer à tout moment. La jurisprudence est très claire sur ce point.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pascal Terrasse et moi avons créé un comité parlementaire de vigilance sur les gaz de schiste, notamment pour l’Ardèche et la Lozère. Nous avons mené une action commune dans ce cadre. Cependant, j’estime pour ma part que la loi du 13 juillet 2011 donne pour l’heure suffisamment de garanties juridiques pour que nous n’ayons pas à légiférer à nouveau. La proposition de loi qui nous est soumise est donc une manœuvre politicienne.

M. Thierry Lazaro. Si notre pays était en mesure de se passer des énergies fossiles, polluantes et dangereuses, nous serions tous d’accord, pour les interdire. Les sources renouvelables ne sont malheureusement pas suffisantes. Gardons-nous également de sacrifier nos paysages, qui sont des richesses écologiques, économiques et touristiques.

Le droit actuel me convient parfaitement, en dépit de sa complexité, car la loi du 13 juillet 2011 a largement répondu aux problèmes que nous avions soulevés. Interdire toute perspective d’exploration et de recherche me semble dangereux. Notre pays veut souvent jouer au chevalier blanc ; mais la Pologne, par la voix du président du Conseil des ministres, Donald Tusk, a annoncé son intention d’autoriser l’exploitation de ses gisements de gaz de schiste. Qu’en pensent les socialistes français ? N’oublions pas que nous évoluons dans un contexte européen ! Je ne voudrais pas que, si notre pays en venait à prononcer une interdiction sur son territoire, on aille ensuite acheter sans complexe le méthane polonais…

M. Yves Albarello. Comme l’a relevé Gérard Menuel, après avoir écrit dans leur exposé des motifs que la loi « n’interdit nullement l’exploration et l’exploitation d’autres hydrocarbures non conventionnels » mais « simplement la fracturation hydraulique », les auteurs de cette proposition reconnaissent dans la même page « qu’aujourd’hui, seule cette technique permet d’explorer et d’exploiter les mines d’hydrocarbures de schiste. » Je tiens donc cette proposition de loi, qui dit tout et son contraire, pour nulle et non avenue.

M. le Rapporteur. Les parlementaires que nous sommes doivent vraiment s’emparer de ces sujets.

Les industriels continuent de solliciter des permis exclusifs de recherches ou des concessions. La carte des périmètres des titres miniers d’hydrocarbures recouvre une bonne partie du territoire national. On pense souvent à Nant, Villeneuve-de-Berg et Montélimar ; d’ailleurs, la zone concernée par le permis de Nant correspond presque totalement au territoire des Causses et des Cévennes qui vient d’être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Si ce permis n’était pas abrogé le 13 octobre prochain, les habitants et les élus seraient vraiment en droit de se rebeller.

Les demandes sont examinées par l’administration selon des critères établis par un code minier obsolète, c’est-à-dire en l’absence de consultation du public, d’étude d’impact et d’enquête publique. Ce sont trois procédures que les articles 3, 4 et 5 de notre texte tendent précisément à rendre obligatoires. Il serait bien, dit-on, que nous réformions globalement le code minier ; mais qu’attend le Gouvernement pour inscrire cette réforme à l’ordre du jour du Parlement ? Par cette proposition de loi, nous entendons aussi rappeler à leurs responsabilités les ministres concernés. De même, comment se fait-il que l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier n’ait toujours pas été ratifiée ? Là encore, j’ai déposé un amendement qui vise à faire cesser ce retard.

Mes chers collègues, si vous diffusez la carte des périmètres des titres miniers d’hydrocarbures dans vos territoires, vous devrez affronter la colère de vos concitoyens et des associations. Je rappelle par exemple que toute la région parisienne, Paris inclus, est couverte de permis ou de demandes. Bref, l’obsolescence du code minier crée de vraies difficultés.

Que signifie exactement l’interdiction de la fracturation hydraulique posée par la loi du 13 juillet 2011 ? Notre définition des hydrocarbures non conventionnels est peut-être contestable sur le plan juridique, mais elle a été élaborée après un vrai travail avec les professionnels, notamment l’Union française des industries pétrolières (UFIP) et l’Institut français du pétrole (IFPEN), et elle permet d’ouvrir le débat.

Quant à l’abrogation des permis exclusifs de recherches, notre proposition de loi arrive effectivement un peu tôt. Mais dans quelques jours, nous connaîtrons la destinée de ces permis, en particulier les plus symboliques. L’examen du texte en séance, le 6 octobre, nous donnera l’occasion d’interroger la ministre sur ce point. Soixante-quatre rapports ont été déposés par les industriels ; sans doute fera-t-on un exemple de certains des permis correspondants sans difficulté. D’après Mme Kosciusko-Morizet, récemment interrogée sur France Inter, certains prospecteurs souhaitent poursuivre les fracturations hydrauliques, d’autres ont l’intention d’abandonner leurs recherches, d’autres enfin de recourir à de nouvelles pratiques. Nous verrons ce qu’il adviendra, mais nous craignons que les permis les plus symboliques perdurent. Surtout, songez que le permis exclusif de recherches accordé pour cinq ans, parfois sur des territoires très vastes, est deux fois renouvelable. En cas de prospection fructueuse, il équivaut presque à une concession d’exploitation. Dans ces conditions, je vois mal les industriels y renoncer.

On ne saurait nous reprocher des options politiques que nous assumons. Le choix de nous doter d’une filière nucléaire n’était-il pas un choix politique, d’ailleurs ? Pour notre part, nous estimons que notre pays doit s’orienter vers la transition énergétique grâce à une consommation plus sobre, à l’éco-innovation, à la recherche d’économies et au développement des énergies alternatives.

La technologie, appuyée sur des moyens financiers considérables, permet une course folle aux combustibles fossiles. En Guyane, il est question de forer sous 2 000 mètres d’eau, jusqu’à 3 700 mètres sous le sol, soit 5 700 mètres au total. Et l’on continuera de creuser toujours plus profondément. Si le recours aux hydrocarbures n’avait aucune conséquence sur l’environnement et notamment sur le changement climatique, nous pourrions, chers collègues de la majorité, entendre vos arguments. Mais ce n’est pas le cas. Aussi défendons-nous d’autres positions.

——fpfp——

La Commission en vient à l’examen des articles.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CD 4 du Rapporteur, portant article additionnel avant l’article 1er.

M. le Rapporteur. Cet amendement vise à abroger la loi du 13 juillet 2011, laquelle ne permet ni d’interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, ni d’abroger les permis exclusifs de recherche qui ont été accordés dans des conditions que le Premier ministre a lui-même jugées insatisfaisantes.

M. Michel Havard. La loi du 13 juillet 2011 rend impossible l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique. L’objectif que nous nous étions fixé en commun est atteint. Le groupe UMP s’oppose par conséquent à cet amendement pour toutes les raisons que j’ai évoquées précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er : Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire français

La Commission est saisie de l’amendement CD 1 de Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. J’ai obtenu, vendredi dernier, les réponses que j’attendais au sujet de la propriété du sous-sol marin. Ces clarifications étaient nécessaires car, je le rappelle, le permis de Guyane maritime porte sur une zone située au-delà des eaux territoriales. Je retire donc l’amendement.

L’amendement CD 1 est retiré.

La Commission examine l’amendement CD 8 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Cet amendement vise à préciser la définition des hydrocarbures non conventionnels donnée à l’alinéa 2.

M. Yanick Paternotte. Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, qui se réfère sur ce point à l’IFPEN, les eaux profondes sont celles situées à plus de 400 mètres sous le niveau de la mer. Vous suggérez ici 300 mètres. Qu’est-ce qui motive ce changement ?

M. le Rapporteur. Depuis la rédaction de l’exposé des motifs, j’ai rencontré les représentants de l’IFPEN.

M. Yanick Paternotte. La référence à l’IFPEN dans l’exposé des motifs était donc fallacieuse, ou à tout le moins imprudente (sourires).

M. Michel Havard. J’ai déjà dit combien il était difficile de définir la notion d’hydrocarbures non conventionnels, qui demeurera imprécise malgré cet amendement.

M. le Rapporteur. En fait, les profondeurs sont habituellement exprimées en pieds ; nous avons donc fait la conversion dans le système métrique et il fallait arrondir par défaut ou par excès. Selon les représentants de l’IFPEN, à 300 mètres, on est encore dans « la mare aux canards » !

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite successivement trois amendements de repli du Rapporteur : CD 7, CD 5 et CD 6.

Puis la commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Abrogation des permis d’exploration accordés

La Commission est saisie de l’amendement CD 9 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Je propose de supprimer le caractère rétroactif de l’annulation, pour nous en tenir à l’abrogation de permis exclusif de recherches. Celle-ci ne remet pas en cause les effets indirects ou produits antérieurement.

M. Michel Havard. L’abrogation avec effet rétroactif s’appelle un retrait. Le vocabulaire employé était donc totalement imprécis – et cette imprécision demeure sur bien d’autres points.

Sur le fond, la mesure est redondante par rapport à la loi du 13 juillet 2011. Nous voterons donc contre cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 (article L. 120-3 [nouveau] du code de l’environnement) : Participation du public au cours de la procédure de délivrance des titres miniers d’exploration et d’exploitation et association du public

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 (article L. 122-3-6 [nouveau] du code de l’environnement) : Instauration d’une étude d’impact préalablement à la délivrance des titres miniers

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 (articles L. 122-3 du code minier et L. 123-2 du code de l’environnement) : Enquête publique préalablement à la délivrance d’un permis exclusifs de recherche

La Commission est saisie de l’amendement rédactionnel CD 10 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Il s’agit de supprimer une référence superfétatoire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement CD 2 de Mme Christiane Taubira portant article additionnel après l’article 5.

Mme Christiane Taubira. Cet amendement tend à créer une redevance spécifique pour les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures situées en mer. Le code minier prévoit une telle redevance, mais uniquement pour les gisements terrestres.

Ma première tentative en la matière date de 2002, mais les gouvernements successifs ont toujours reporté la décision. Le sujet est désormais d’actualité : le premier permis de Guyane maritime a été délivré en 2001, et l’on sait aujourd’hui que les résultats des prospections sont tout à fait prometteurs.

M. Yanick Paternotte. En somme, vous voulez l’argent de l’exploration mais pas l’exploration elle-même ! Nous aimerions comprendre.

Mme Christiane Taubira. Je suppose, monsieur le Président, que le respect mutuel est une règle au sein de votre Commission, et que cette règle s’impose à tous les députés.

M. François-Michel Gonnot. Philippe Martin et moi étions tombés d’accord pour estimer qu’il fallait revoir la fiscalité de l’exploration et de l’exploitation – ce à quoi les pétroliers ne sont pas opposés, d’ailleurs – et mieux organiser la répartition de son produit, notamment au niveau de l’intercommunalité.

Cet amendement ne me semble donc pas extravagant, à ceci près que la redevance s’appliquerait à des exploitations situées au-delà des eaux territoriales. Je ne vois pas comment les juristes pourront régler ce problème ; en tout état de cause, nous ne le pourrons pas d’ici au 6 octobre. C’est pourquoi il convient à mon avis de rejeter l’amendement.

Mme Christiane Taubira. L’article 1er, je le rappelle, vise à interdire toute exploitation de ce genre. S’agissant de celle dont nous parlons, des incidents techniques sont intervenus pendant le forage. Je suppose que Tullow Oil a reçu l’autorisation d’utiliser des boues à huile, en principe interdites. J’attends toujours, sur ce point, la réponse de Mme la ministre de l’environnement, que j’avais interrogée en juin.

En cas de pollution, la seule intervention prévue est un plan POLMAR, lequel ne prévoit qu’un dégazage en surface, alors que le gisement est situé en profondeur. Nous n’avons donc aucune garantie.

En l’absence de fiscalité, je ne vois pas de quel argent parle le député Paternotte. Et si l’on instaurait une fiscalité, l’argent irait dans les budgets des collectivités. Votre interruption était donc particulièrement insultante.

M. Yanick Paternotte. Je voulais seulement souligner la contradiction qu’il y avait à demander la création d’une taxe tout en s’opposant à l’exploitation qui permet de la générer. Tel est le débat démocratique ; il va falloir vous y faire. Le débat de la primaire socialiste révélera beaucoup de contradictions : vous aurez à vous en expliquer devant les Français.

M. le Président Serge Grouard. Revenons-en au texte. La question posée relève du droit international public puisque ces gisements sont situés hors des eaux territoriales, dans la zone économique exclusive. Je vois mal comment une règle fiscale nationale pourrait s’imposer dans cette zone hybride : une analyse juridique approfondie serait sans doute nécessaire car le droit international maritime est très complexe.

Mme Christiane Taubira. À Saint-Pierre-et-Miquelon, une redevance spécifique a été créée en 1999.

Par ailleurs, lors de la discussion de la dernière proposition de loi en juin, on m’avait répondu que la zone concernée était située sur le territoire national. Je crains donc que les arguments que l’on m’oppose ne varient selon les circonstances.

En tant que parlementaire, je n’ai pas le pouvoir d’empêcher l’exécutif d’accorder des autorisations d’exploitation. Dès lors que celles-ci existent, il n’y a aucune contradiction à considérer qu’une redevance juste et équitable devrait être versée aux collectivités concernées.

M. le Président Serge Grouard. La souveraineté nationale ne s’étend pas aux zones économiques exclusives : le droit international n’a pas varié sur ce point.

M. Yanick Paternotte. Si le gisement est situé en dehors des eaux territoriales mais que le forage est pratiqué à partir de ces eaux, ou dans la situation inverse, quel droit s’applique pour la redevance ? La question s’est posée pour certaines explorations d’hydrocarbures non conventionnels ayant nécessité des fracturations. Le gisement guyanais ne pourrait-il se trouver dans ce cas ?

M. François-Michel Gonnot. Les exploitations réalisées grâce à des puits horizontaux sont soumises à redevance mais la zone alors concernée, du point de vue fiscal, est celle située à la verticale du puits principal. Le sous-sol, en droit français, appartient à tout le monde, c’est-à-dire à l’État.

M. Yanick Paternotte. Est-ce aussi vrai pour les installations maritimes ?

M. François-Michel Gonnot. Oui. Le problème se pose dans le golfe de Guinée : le puits principal doit se trouver dans le périmètre du permis autorisé.

M. le Président Serge Grouard. Nous pourrions auditionner sur ce point un spécialiste du droit international de la mer.

M. Yves Cochet. Je voudrais citer un exemple. Depuis plus de dix ans, d’intenses batailles judiciaires opposent les pays riverains de la mer Caspienne, très riche en hydrocarbures, pour déterminer si celle-ci est une mer ou un lac : selon la réponse, le droit applicable et la délimitation des zones sont très différents.

M. le Président Serge Grouard. Cette côte étant par ailleurs très découpée, la délimitation des eaux territoriales diffère selon les modes de calcul.

Contre l’avis du Rapporteur, la Commission rejette l’amendement CD 2.

Elle examine ensuite l’amendement CD 3 du Rapporteur portant article additionnel après l’article 5.

M. le Rapporteur. Je propose de ratifier par voie d’amendement, comme la Constitution le permet, l’ordonnance de janvier 2011 relative à la codification de la partie législative du code minier. Au mois d’avril, le Gouvernement a déposé un projet de loi de ratification de cette ordonnance, mais celui-ci n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. le Président Serge Grouard. Je vous remercie d’avoir pris part à l’examen de cette proposition de loi, qui sera discutée en séance publique le jeudi 6 octobre.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 28 septembre 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Joseph Bossé, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Yves Cochet, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Dosne, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Claude Fruteau, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jacques Le Nay, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Joël Regnault, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Claude Darciaux, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Armand Jung, Mme Annick Lepetit, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Max Roustan, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet

Assistaient également à la réunion. - M. William Dumas, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Francis Saint-Léger, Mme Christiane Taubira, M. Pascal Terrasse