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Mercredi 18 novembre 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Examen des propositions de loi :

• pour un tiers secteur de l’habitat participatif, diversifié et écologique (n° 1990) (M. Noël Mamère, rapporteur)

• visant à prendre des mesures urgentes pour le logement (n° 1993) (M. Pierre Gosnat, rapporteur)

• sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992) (M. André Chassaigne, rapporteur)

Commission
des affaires économiques

M. le président Patrick Ollier. Nous examinons ce matin trois propositions de loi présentées par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Les deux premières traitent, sous des angles différents, du logement. La proposition de loi dont M. Noël Mamère est le premier signataire et le rapporteur propose d’instituer un tiers secteur de l’habitat participatif, diversifié et écologique, et explore diverses pistes susceptibles, selon ses auteurs, de répondre à des difficultés rencontrées par les personnes en mal de logement ou mal logées. La proposition de loi présentée par M. Pierre Gosnat, qui en est également le rapporteur, tend à prendre des mesures urgentes pour le logement. Enfin, la troisième proposition de loi, présentée et rapportée par M. André Chassaigne, porte sur le droit au revenu des agriculteurs.

La commission des affaires économiques examine d’abord, sur le rapport de M. Noël Mamère, la proposition de loi pour un tiers secteur de l’habitat participatif, diversifié et écologique (n° 1990).

M. Noël Mamère, rapporteur. La proposition de loi qui vous est présentée s’inspire de dispositifs existant dans les pays européens, nombreux, qui ont souhaité favoriser ce que nous appelons l’ « habitat participatif ». Des personnes ne disposant pas des fonds suffisants pour entrer dans la logique du logement privé ou trop modestes pour bénéficier de l’habitat social classique se regroupent pour prendre des initiatives.

Cette proposition de loi va dans le sens des recommandations formulées par le Grenelle de l’environnement. Il y est en effet question à plusieurs reprises du droit à l’expérimentation. Il s’agit ici de donner un cadre légal à ce droit, qu’il s’agisse de lutte contre l’effet de serre – auquel l’habitat contribue pour plus de 40 % – pa r l’isolement des logements ou d’expérimentation sociale.

La proposition de loi traite également de l’habitat coopératif. De plus en plus répandu dans notre pays, cet habitat s’est développé dans les années 30 à partir d’une utopie, déclinée notamment par Charles Gide et Marcel Mauss. Son développement a repris dans les années 70, avec l’habitat autogéré, et progresse régulièrement aujourd’hui dans notre pays ; je pense notamment à des coopératives d’habitants de la région Rhône-Alpes, comme Habicoop, et de la région du Nord.

Cependant, malgré le développement du mouvement des « Castors » après la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui l’habitat coopératif et les coopératives ne sont pas véritablement reconnus par la loi en France : ces groupes d’habitants – le terme « d’habitat groupé » est également utilisé – ne bénéficient ni d’un véritable statut, ni d’avantages fiscaux qui leur permettraient de favoriser l’auto-construction et l’auto-promotion.

Nous pourrions avec profit nous inspirer des autres pays européens. Je pense notamment aux pays anglo-saxons et au « cohousing », ou à l’Allemagne. Certains d’entre vous ont peut-être visité le « quartier Vauban », à Fribourg. Ce quartier de logements sociaux à basse énergie, voire passifs ou restituant de l’énergie, a été à l’origine voulu par des groupements d’habitants. Les squats et les anciennes cabanes installées sur ce qui était alors un terrain militaire sont progressivement devenus des logements participatifs. En Angleterre, le quartier du Bedzed, qui a fait l’objet de nombreux reportages et de visites d’élus français, a été lui aussi voulu à l’origine par des groupements d’habitants. Aux Pays-Bas, le « woongroepen » est un habitat groupé réservé aux personnes de plus de 50 ans. Grâce à la mutualisation de certains services mais aussi de la construction, il est facteur d’économies. Ce type d’habitat permet aussi aux locataires de passer de la situation de simples consommateurs à celle d’acteurs du logement dans lesquels ils veulent vivre. De telles structures répondent aussi à la nécessité de la mixité intergénérationnelle et du lien social.

Ce que nous appelons le tiers habitat se développe de plus en plus aujourd’hui. Les coopératives d’habitants représentent en Suisse 130 000 logements et 8 % du parc immobilier, et en Norvège 650 000 logements et 15 % du parc locatif. Au Québec, 50 000 logements sont gérés par 23 « groupes de ressources techniques » issus de la société civile et fédérés en association.

La proposition de loi comporte quatre titres. Le titre Ier définit l’habitat participatif et les critères du label à lui attribuer.

Le titre II est relatif à l’habitat coopératif. En France aujourd’hui beaucoup d’associations d’habitants essaient de se constituer en coopératives ou en sociétés coopératives de production (SCOP). La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui a créé les sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété, n’est pas allée jusqu’à reconnaître un statut à l’habitat coopératif.

Le titre III concerne ce que l’on appelle l’ « habitat mobile ». Aujourd’hui la situation économique de nombreuses personnes en France est si difficile qu’elles ne peuvent se loger. Selon la Fondation Abbé Pierre plus de trois millions de Français sont mal logés. Par nécessité, ces personnes ont recours à des formes d’habitat mobile. Pour d’autres, vivre dans ce type d’habitat est un choix. L’exemple le plus connu, parce que le plus frictionnel et médiatique, est celui des habitants de yourtes ; mais l’habitat mobile, c’est également des campings ou des « mobile homes » dans lesquels des personnes vivent à l’année. Si nous ne voulons pas jeter à la rue, dans des conditions de vie inacceptables, des Français de plus en plus nombreux à être victimes de la progression de la crise, il faut absolument donner un statut à cet habitat mobile et diversifié.

Le titre IV traite spécifiquement des logements vacants. Dans les pays évoqués précédemment, des squats sont devenus des logements habités et régularisés. En France, ce que la loi Boutin du 25 mars 2009 a qualifié d’ « habitat temporaire » ne permet pas une telle évolution. Cette notion est du reste une remise en cause du droit au logement opposable.

Enfin, le titre V est relatif aux foyers pour étrangers. Aujourd’hui, il n’existe toujours pas de comités permettant à leurs résidents de participer, par la décision collective, à la gestion et aux aménagements des foyers dans lesquels ils résident, dans des conditions souvent précaires et parfois insalubres.

Tel est le sens de cette proposition de loi. Qu’elle aboutisse ou non, elle s’inscrit dans l’esprit des conclusions du Grenelle de l’environnement et surtout du développement de la solidarité et de la reconnaissance de ce que l’on peut appeler le tiers habitat. Nous y sommes tous confrontés dans nos fonctions d’élus ; nous devons pouvoir apporter une réponse. Le tiers habitat, l’habitat collectif, l’habitat groupé, ce n’est pas une affaire de sectes ou de terroristes, mais simplement celle de Français, d’habitants, d’usagers qui souhaitent se regrouper pour ne pas être victimes de la spéculation immobilière.

M. Michel Piron. Les affirmations et les concepts qui viennent d’être formulés ne manquent pas d’originalité – M. Mamère est bien connu pour sa créativité –, mais je ne suis pas sûr qu’ils soient particulièrement efficaces d’un point de vue opérationnel. Ainsi, l’Union sociale pour l’habitat pourrait peut-être prendre quelque peu ombrage des propos selon lesquels des personnes seraient « trop modestes » pour être logées dans l’habitat social classique. En France, entre 4,1 et 4,2 millions de logements appartiennent à des bailleurs dits sociaux : leur fonction est précisément de tenter de répondre prioritairement aux besoins de personnes qualifiées de modestes.

Ensuite, sur les questions environnementales, je trouve un peu étonnant de vouloir inscrire un texte en amont du projet de loi « Grenelle II », à l’élaboration duquel ont été associés de très nombreux interlocuteurs et qui devrait apporter dans les prochains mois des réponses aux questions qui se posent.

De nouvelles modalités de mutualisation sont évoquées. Mais il en existe déjà beaucoup, dans les domaines non seulement de la copropriété mais aussi de l’habitation. Les organismes sociaux sont reconnus pour la qualité de leur travail.

Les nouveaux concepts proposés par ce texte ne semblent donc pas susceptibles d’apporter d’améliorations. Ils sont plutôt des facteurs de confusion au sein du paysage existant. Si la priorité est bien de continuer à construire, notamment dans les zones tendues, et d’augmenter l’offre, notamment pour les moins favorisés, les lois précédentes et celle en cours de préparation devraient largement suffire.

M. François Brottes. Je voudrais d’abord féliciter nos collègues pour la qualité de leurs propositions de loi.

J’ai senti un peu d’agacement de la part de notre collègue Michel Piron. Il est pourtant un homme posé, réfléchi, philosophe à ses heures…

Ne prenons pas sur ces questions une posture politicienne. Chaque fois que l’opposition présente une proposition de loi dans les cadre des niches parlementaires, on l’envoie… à la niche, et rapidement : pas de vote, pas de débat. Certaines propositions méritent sans doute d’être ainsi traitées. Cependant, sur un sujet aussi concret, recouvrant des situations aussi complexes et difficiles à gérer pour les maires, il me semble difficile de renvoyer à l’examen futur d’autres textes ou de considérer que la loi permet déjà de régler les problèmes évoqués.

En ma qualité de maire, je lance actuellement une opération d’auto-construction. Quelle n’a pas été ma surprise de voir 150 personnes, candidates à un logement dans un quartier solidaire, répondre à mon invitation à une réunion publique.

En matière de mutualisation, de constructions passives, à des tarifs au plus près des loyers faibles, au profit de foyers qui a priori n’ont pas la possibilité d’accéder à la propriété autrement que par le biais de la forme des coopératives, on sent bien qu’il est nécessaire d’avancer. Même si je ne suis pas persuadé de la nécessité d’une nouvelle loi, je ne voudrais pas, monsieur le président, que la proximité d’élections conduise à ce qu’un vote négatif élimine définitivement ces questions des préoccupations de notre commission.

Pour notre part, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Si elle n’était pas adoptée, ce qui semble plausible, je souhaite que nous puissions, en amont de l’examen du projet de loi « Grenelle II », qui, semble-t-il, prend encore un peu de retard, traiter sous la forme d’un mission d’information certaines des questions qu’elle aborde. De l’avis de notre groupe, la loi mérite d’être revisitée sur plusieurs aspects. Un débat doit s’instaurer ; je ne voudrais pas qu’il soit éludé au détour d’un vote négatif, alors même que l’examen du projet de loi « Grenelle II » constitue un nouveau rendez-vous.

M. Thierry Benoit. Une partie des actions proposées par la proposition de loi est déjà financée par le budget que nous venons de voter. Des espèces sonnantes et trébuchantes sont prévues en leur faveur, puisque plus de 7,7 milliards d'euros sont consacrés au logement dans le budget pour 2010.

De même, en matière de logement social, la loi de finances pour 2010 prévoit le financement de 110 000 logements locatifs sociaux et de 20 000 logements au titre des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI.

M. Noël Mamère. Cela n’a rien à voir !

M. Thierry Benoit. Si, puisque cela concerne le logement. Au reste, lors de la discussion budgétaire, les actions conduites au profit des personnes logées dans des conditions précaires ont été largement présentées.

Je rappelle également que le doublement du prêt à taux zéro permet une accession à la propriété plus large, et ce sans passer par les dispositifs compliqués envisagés par la proposition de loi. Je remarque d’ailleurs que M. Noël Mamère a eu une approche très sommaire sur ce point ; il n’a guère été convaincant…

L’estimation du nombre des logements indignes en France varie de 400 000 à 600 000, ce qui est un chiffre considérable. Le secrétaire d’État chargé du logement et de l'urbanisme a réitéré l’objectif de 23 000 logements à rénover en 2010, soit 8 000 logements de plus qu’en 2009. C’est dire l’importance de la prise en compte du logement en faveur des personnes défavorisées.

Enfin, le budget pour 2010 prend en compte une partie notable des propositions du texte présenté. Ainsi, l’Agence nationale de l’habitat bénéficie de 200 millions d'euros pour aider les propriétaires modestes à isoler leur logement, et le secrétaire d’Etat vient d’annoncer que près de 25 000 éco-subventions avaient d’ores et déjà permis de financer des travaux tels que l’isolation des combles et le remplacement des chaudières anciennes. Voilà des actions concrètes !

Monsieur le rapporteur, malgré les bonnes intentions manifestes de votre proposition de loi, le dispositif qu’elle propose de mettre en place est trop complexe pour qu’il puisse trouver une traduction concrète dans les faits.

Le groupe Nouveau Centre et les députés qui lui sont apparentés ne voteront donc pas en faveur de ce texte.

M. Jean-Louis Gagnaire. Même si le sens du vote des groupes Nouveau Centre et UMP était connu par avance, les arguments de notre collègue Michel Piron me semblent un peu sévères et presque fallacieux. Peut-on dire que le dispositif législatif français d’aide au logement est suffisant quand on sait que de nombreux Français n’arrivent pas à se loger, faute d’un nombre suffisant de logements ?

Même si elle n’est pas parfaite d’un point de vue opérationnel, la proposition de loi de nos collègues mérite néanmoins un minimum d’examen, dans la mesure où elle permet de mettre en exergue un certain nombre d’éléments, notamment en matière d’habitat coopératif. Du reste, certains de nos concitoyens souhaitent prendre leur destin en main par le biais de ce mode de construction : plutôt que de subir la situation du logement, ils veulent en être acteurs. Ainsi, dans la région où François Brottes et moi-même sommes élus, la construction sous forme d’habitat coopératif est une réalité dans beaucoup de communes.

Plutôt que de balayer ce texte d’un revers de main, il faut ouvrir le débat. Certes, les points financiers et budgétaires méritent d’être précisés. Toutefois, il n’est pas raisonnable de prétendre que, après l’adoption du budget, la situation du logement est merveilleuse. Je souhaite que les propositions formulées fassent l’objet d’un examen sérieux, et qu’elles soient mises en perspective et en ligne de mire de nos débats futurs, notamment lors de l’examen du projet de loi « Grenelle II ».

M. Alain Suguenot. En matière de logement, toute initiative peut être bonne. Cette proposition de loi donne cependant l’impression que le budget du logement pour 2010 ne comporte aucune disposition en faveur de l’écologie ; des aménagements en matière de développement durable y sont pourtant bien prévus. On peut aussi parler à propos du texte qui nous est présenté d’une prime à l’imagination… même si le système coopératif est très ancien.

En fait, le système coopératif ne répond pas au souhait des Françaises et des Français de bénéficier d’un petit pécule. Même en se situant dans l’hypothèse du rejet d’une logique spéculative, pourquoi chaque propriétaire ne pourrait-il pas bénéficier d’une rétribution normale de ses parts sociales ? Alors que les « Castors » et les opérations coopératives de construction mises en place depuis plusieurs années permettaient à qui voulait sortir de reprendre ses parts, la proposition de loi ne prévoit cette possibilité qu’éventuellement. Pour moi, dès lors qu’il a apporté une participation financière, chaque individu doit pouvoir retrouver un pécule. Pour des raisons quelque peu idéologiques, il n’est pas tenu compte du vœu de chaque Français, dans quelque système social qu’il se situe, de bénéficier d’une petite appropriation de son logement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce que nous venons d’entendre à propos du budget du logement me cause un trouble sérieux. Le plan pluriannuel engagé partir de 2009 prévoit une diminution annuelle de ce budget de 6 %. Heureusement qu’il y a eu le plan de relance pour soutenir les PLAI. Mais je rappelle que 20 000 PLAI par an, c’est la réponse que fait l’État à la demande de 60 % des personnes qui ne peuvent avoir accès qu’à ce type de prêt. Nous continuons donc bien de constater un décalage entre la réalité de la demande de logements et les solutions apportées. Je rappelle aussi que le financement de la rénovation des quartiers anciens est assuré par le dispositif du 1 %. Autrement dit, il y a bien désengagement de l’État.

Sur le fond, chaque fois qu’un texte de loi porte sur la réalité des conditions de logement de nos concitoyens, notre commission doit s’en emparer, car c’est fondamental.

L’utilisation des techniques des coopératives d’habitants a commencé avant la Seconde Guerre mondiale et s’est poursuivie au début de l’après-guerre. Ces techniques ont ouvert l’accession à la propriété à des gens qui n’en avaient pas les moyens. Aujourd’hui, elles sont en décalage. Il n’en demeure par moins que la technique des coopératives d’habitants sont utilisées dans beaucoup de pays – j’en ai fait le constat au Canada –, et nous ne devrions pas l’écarter d’un revers de manche. Au contraire, compte tenu de son intérêt, nous devrions tenter de l’exploiter.

Le rapport a raison de souligner la progression du nombre d’usagers de l’habitat mobile. Dans la quasi-totalité des cas, c’est un habitat de sauvegarde et d’urgence. Compte tenu de l’impossibilité de répondre à la demande de logements, il faut tenter de protéger les personnes qui sont contraintes d’y avoir recours. L’idée d’un statut pour ces résidents est nécessaire. Nous sommes parfois confrontés à des gens exclus du jour au lendemain de ce type d’habitat – pour des raisons parfois mercantiles ; par exemple, parce qu’ils ne peuvent pas faire face à l’augmentation de la redevance à laquelle ils sont soumis – et qui, parce qu’ils sont considérés comme occupants d’un bien d’autrui sans droit ni titre, ne bénéficient d’aucune protection légale.

Le titre IV de la proposition de loi est extrêmement pertinent. La possibilité d’ouvrir à l’habitation des logements vacants qui ne sont pas aux normes a été contestée ; pourtant, il s’agit de remettre en cause une sorte de prime accordée pour la non remise en état d’appartements et pour le maintien d’un patrimoine parfois très rémunérateur pour certains propriétaires qui ne participent pas de ce fait à l’offre de logements. La représentation nationale doit visiter ces enjeux d’une grande importance ; je suis heureux que la proposition nous en soit faite.

Mme Pascale Got. J’ai été particulièrement sensible au titre III, qui porte sur le développement de l’habitat précaire dans les terrains de camping. Si l’offre de logements était cohérente avec la demande, cet habitat précaire ne se développerait pas. Le logement étudiant non plus ne fait pas face à la demande, puisque des étudiants ne peuvent trouver à se loger que dans les terrains de camping des grandes agglomérations !

Nous sommes aussi conscients des abus des contrats proposés aux locataires des habitats précaires ou mobiles : les propositions de la mission d’information que la Commission a créée sur le statut et la réglementation des habitats de loisirs recouperont certainement plusieurs préconisations du texte proposé.

Cette proposition de loi est donc particulièrement bienvenue, en particulier son titre III.

Mme Frédérique Massat. Les propositions du titre III sur le statut de l’habitat mobile sont particulièrement novatrices. Ne faudrait-il pas faire la différence entre les personnes qui ont fait le choix de vivre dans un habitat mobile et celles qui sont contraintes d’y habiter, faute qu’un autre type d’habitat leur soit proposé ? Il ne faudrait pas installer ces dernières dans un statut au lieu de les aider à trouver un habitat non mobile.

M. le rapporteur. A certains collègues qui pensent que cette proposition de loi n’apporterait rien de plus que les dispositions législatives actuelles, je réponds que nous ne sommes pas sur le même registre.

Il est possible, comme l’a fait Jean-Yves le Bouillonnec, de critiquer le budget du logement. Il est possible aussi d’expliquer que beaucoup d’efforts ont été faits en faveur du logement social. Cependant, il ne s’agit pas ici de budget mais de la reconnaissance d’un statut pour l’habitat participatif, incluant les coopératives d’habitants, l’habitat mobile et les logements vacants. Il ne s’agit pas de moyens budgétaires mais de la reconnaissance du tiers habitat, c’est-à-dire de ce qui n’est ni logement social public, ni logement privé. Comme notre collègue Brottes l’a rappelé, certaines régions, le Nord, la région Rhône-Alpes, les zones frontalières avec l’Allemagne, sont traditionnellement habituées à ce que des personnes qui ne peuvent pas devenir propriétaires dans le cadre du logement privé se constituent en groupes d’habitants pour essayer de vivre dans des conditions décentes. Cet habitat participatif et coopératif s’adresse aussi à ceux qui veulent être locataires.

La présente proposition de loi vise non à remettre en cause le code de l’urbanisme ou celui de la construction et de l’habitation, mais simplement à les aménager par l’ajout d’articles définissant un statut, apportant une reconnaissance et prévoyant divers avantages pour ceux qui décident de se grouper sous forme de coopératives ou d’habitats participatifs.

Nous n’inventons rien. Le dispositif que nous proposons n’est pas unique en Europe : des dispositifs similaires existent en Suède, en Norvège, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, ou encore, outre-Atlantique, au Québec. Des réalisations allemandes, comme le quartier Vauban, ou anglaises, comme le quartier du Bedzed, sont devenues des panacées – au point que leurs habitants, lassés des visites incessantes, veulent faire payer les visiteurs. Pourquoi ne mettrions-nous pas en œuvre en France ces types d’habitat, nés de l’habitat participatif, que nous avons découverts si tardivement ? Beaucoup de coopératives, comme Habicoop, réclament un véritable statut.

Madame Massat, nous ne voulons absolument pas obliger les personnes qui résident par contrainte en habitat mobile à y rester. En revanche, nous savons que ces Français affrontent des difficultés extrêmes, et que compte tenu de la crise actuelle du logement, il est impossible de leur offrir des conditions d’habitation décentes. Nous devons donc leur reconnaître un statut.

Madame Got, je suis d’accord avec vous pour reconnaître que cet habitat mobile s’adresse beaucoup à des étudiants. Aujourd’hui, 20 % d’entre eux ne peuvent même pas se soigner ! Mais la paupérisation ne concerne pas seulement notre population étudiante. Des personnes sont renvoyées sur les marges. Pour reprendre l’expression d’un sociologue, nous aurions intérêt à ouvrir cette « marmite sociale ». Pour cela, il faut aider des groupes d’habitants qui veulent échapper aux règles de la spéculation ou qui ne peuvent pas relever de l’habitat social classique à décider eux-mêmes d’habiter ensemble dans le cadre d’une démarche de mutualisation.

Chers collègues de droite qui riez, manifestant ainsi une attitude réactionnaire, pourquoi nous tourner en dérision comme si la proposition de loi que nous avons élaborée n’était pas reliée à la réalité ? Vous le savez en tant qu’élus, beaucoup de nos concitoyens réclament cet habitat groupé et veulent décider de leur destin collectif. Les mesures proposées font partie de la réponse qu’ils souhaitent.

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

M. le président Patrick Ollier. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur ce texte.

TITRE IER
De la reconnaissance du statut de l’habitat participatif,
diversifié et écologique

Article 1er

La Commission rejette l'article 1er.

Article 2

La Commission rejette l'article 2.

Article 3

La Commission rejette l'article 3.

Article 4

La Commission rejette l'article 4.

Article 5

La Commission rejette l'article 5.

TITRE II
Dispositions relatives
à la création des sociétés coopératives d’habitation

Article 6

La Commission rejette l'article 6.

Article 7

La Commission rejette l'article 7.

TITRE III
Dispositions relatives au secteur
du logement diversifié et mobile

Article 8

La Commission rejette l'article 8.

Article 9

La Commission rejette l'article 9.

TITRE IV
Dispositions relatives à la lutte
contre les logements vacants

Article 10

La Commission rejette l'article 10.

Article 11

La Commission rejette l'article 11.

TITRE V
Dispositions relatives au statut de comités
de résidents dans les foyers
de travailleurs migrants

Article 12

La Commission rejette l'article 12.

Puis la Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. François Brottes. Nous le répétons, l’habitat coopératif mérite toute l’attention de notre commission. Monsieur le président, je vous demande, au nom de mon groupe, de faire en sorte qu’elle puisse prendre du temps, sous une forme ou une autre – je vous fais confiance pour trouver la bonne formule –, pour travailler sur cette forme d’habitat alternatif en amont de l’examen du projet de loi Grenelle II. Cela nous permettra peut-être de proposer à cette occasion des solutions complémentaires.

M. le Président Patrick Ollier. Je rappelle à nos collègues que le mercredi matin est réservé, de façon pour ainsi dire sacralisée, aux réunions des commissions.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Beaucoup de députés, attachés à l’exercice d’un mandat qui les relie au territoire, sont également maires. Serait-il possible qu’à l’Assemblée nationale, pendant les trois jours que dure le congrès de l’Association des maires de France, une journée, de préférence le mercredi, ne comporte pas de travail en commission ?

M. le Président Patrick Ollier. Comme vous je suis maire, et comme vous je suis ici présent.

◊ ◊

La commission examine ensuite, sur le rapport de M. Pierre Gosnat, la proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes pour le logement (n° 1993).

M. Pierre Gosnat, rapporteur. La proposition de loi que les députés communistes, républicains et du Parti de gauche vous soumettent aujourd’hui s’inscrit dans un contexte de double crise : crise du logement, reconnue par tous, qui a pour origine le manque flagrant de logements, et tout particulièrement de logements sociaux, et explosion des loyers dans le parc privé – plus 45 % par rapport au secteur public – depuis leur libéralisation en 1986 ; dans un contexte de crise du pouvoir d’achat des Français.

En matière de logement social, certains sont tentés de croire que la France est privilégiée. Il n’en est rien, et s’il faut saluer l’effort de certains maires qui œuvrent dans leur ville au développement du logement social, la France est loin de se placer au premier rang européen. On compte ainsi, pour mille habitants, près de 147 logements sociaux aux Pays-Bas, 95 en Suède, 85 au Royaume-Uni, et seulement 69 dans notre pays.

L’autre élément qui motive le dépôt de cette proposition de loi est le désengagement de l’État face à la gravité et à l’ampleur de cette crise. En témoignent la récente suppression du ministère du logement, la baisse constante des crédits alloués au logement, plus particulièrement des aides à la pierre, et l’affaiblissement du rôle de « l’État bâtisseur ». Je m’inscris en faux contre certaines affirmations récentes du Gouvernement selon lesquelles les organismes HLM seraient responsables du faible niveau de construction de logements dans notre pays.

Le Gouvernement considère que l’effort consenti est largement suffisant : il met en exergue les 620 millions d’euros d’aides à la construction, le taux réduit de la TVA, les exonérations de taxes foncières et l’enveloppe de prêts bonifiés de la Caisse des dépôts, qui constitueraient une manne bénéficiant à un secteur refusant de s’adapter. Privatiser 1 % du parc de logements sociaux permettrait, selon les affirmations ministérielles, de récupérer chaque année 2 milliards d’euros. Le Gouvernement fait fi d’un problème essentiel, à savoir le niveau des revenus des locataires occupants. Plus fondamentalement, est-il légitime de transformer un bien public en propriété privée ?

Quant aux 620 millions d’euros consacrés par le budget de l’État à la construction, ils méritent d’être comparés au montant des cadeaux fiscaux consentis sur plusieurs années à des investisseurs – pas toujours bien informés par les promoteurs – afin qu’ils acquièrent un bien destiné à la location. Ces dispositifs, dont la loi Scellier est le plus récent, ont parfois dopé la construction, mais dans des villes et des quartiers où la demande locative est faible, voire inexistante.

Qu’en est-il, dans ces conditions, du « droit à un logement décent et indépendant garanti à toute personne résidant en France de façon régulière », selon les termes de la loi du 5 mars 2007 ?

Outre le désengagement financier de l’État, l’orientation des politiques publiques du logement depuis 2007 soulève de nombreuses questions. De la banalisation et de la décentralisation de la collecte du livret A, votée en juin 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, adoptée en février dernier, le cadre législatif défini par le Gouvernement n’a de cesse de participer au démantèlement progressif du logement social.

La loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion a des effets particulièrement dommageables : obligation de signer des conventions d’utilité sociale, baisse des plafonds, remise en cause du maintien dans les lieux, raccourcissement du délai d’expulsion et hold-up sur le 1 % pour compenser le désengagement de l’État afin d’assurer à court terme le financement de l’ANRU. Ce qui a caractérisé nos échanges lors de la discussion du projet de loi, ce sont bien nos divergences sur le rôle du logement social. La ministre, Mme Boutin, arguait de l’urgence de la situation pour justifier son action, promettant des résultats rapides et efficaces. Dix mois après le vote de la loi, force est de constater que la situation n’a guère évolué et que les difficultés gangrènent toujours le droit de tout citoyen d’accéder à un logement digne.

Face à cette situation, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche réclament la constitution d’un grand service public du logement, jumelé au lancement d’un plan massif de construction de logements sociaux. Or, comme vous le savez, compte tenu des contraintes liées à la rédaction des propositions de loi – je pense notamment à l’article 40 de la Constitution sur leur recevabilité financière –, il ne nous a pas été possible de vous soumettre des propositions d’une telle envergure. Nous avons donc choisi de présenter une série de mesures politiques d’urgence visant à répondre à des enjeux concrets à court terme – mais ces dispositions ne peuvent pas, à elles seules, constituer une rupture nette avec la logique qui prévaut actuellement.

Il paraît plus que jamais nécessaire de réaffirmer le rôle et les missions du logement social, que nous ne souhaitons pas limiter aux locataires les plus démunis mais étendre à l’ensemble des Français comme le garant du droit à l’accès au logement et à la mixité sociale.

Dans le but de rééquilibrer la répartition des logements sociaux entre les communes tout en accélérant les mises en chantier, la proposition de loi pénalise réellement l’inertie des municipalités qui bafouent la lettre et l’esprit de la loi SRU.

Elle propose également d’exclure des règles de l’expulsion locative la partie la plus démunie de la population telle que définie par le code de l’action sociale et des familles, et de protéger de l’expulsion « sèche » par voie judiciaire les personnes à qui il n’est pas proposé un relogement dans des conditions normales.

Dans le même esprit, la proposition de loi institue une obligation pour les prestataires des services de l’électricité, du gaz et du chauffage de ne pas interrompre le service rendu pour non paiement de factures pendant toute la durée de la période hivernale.

Elle entend également conférer une réelle portée à la notion de « droit au logement » en donnant aux préfets un pouvoir effectif de réquisition des logements vides à travers le raccourcissement des délais de constat de la vacance des lieux.

Elle contient d’autres dispositions visant à corriger les conditions d’accès au logement social – en relevant les plafonds de ressources – et celles du maintien dans un logement – en limitant à 20 % le pourcentage du revenu des ménages consacré au logement, mais en incluant les charges.

Enfin, la proposition de loi conforte deux voies de financement du logement social : elle relève le plafond du livret A et prévoit la centralisation intégrale des montants collectés au sein des fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts – ce qui permettrait de dégager une marge de manœuvre supplémentaire en faveur de la construction et de la rénovation de logements sociaux.

Elle institue également une collecte plus efficace de la participation des employeurs à l’effort de construction par un retour à l’assujettissement de toutes les entreprises de plus de dix salariés, en revenant à un niveau effectif de prélèvement à 1 % des rémunérations. Les atteintes déjà portées à ce système ont fait perdre d’importantes disponibilités, qui auraient pu aider les salariés à se loger. Telle était d’ailleurs la vocation de ce système, financé en grande partie par les salariés eux-mêmes. De ce point de vue, le souhait des gestionnaires patronaux du 1 % de l’appeler désormais « Action logement » est plus que contestable.

Cette proposition de loi n’est pas une énième grande loi sur le logement mais un texte comportant une série de mesures concrètes, réalistes, qui peuvent être mises en œuvre immédiatement. Certaines s’inspirent des conclusions d’un rapport du Conseil d’État de juin 2009, intitulé  « Droit au logement, droit du logement ». Ces mesures, susceptibles de corriger les errements d’une politique qui, à bien des égards, s’éloigne de plus en plus de la notion de droit au logement, vous permettent d’y revenir en partie et d’affirmer le rôle essentiel du logement social. Je vous invite donc à la voter en vous promettant, sinon le paradis, tout au moins le purgatoire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Depuis 2002, la majorité mène une politique particulièrement active en faveur du logement, comme le montrent la mise en œuvre du droit au logement opposable et la loi dite « MOLE » – de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Celle-ci, adoptée en mars 2009, constitue une réponse pleinement adaptée à la crise immobilière et à la crise du logement, puisqu’elle augmente la construction de logements sociaux, par l’intermédiaire de conventions d’utilité sociale conclues entre l’État et les organismes du logement, favorise la mobilité au sein du parc HLM et l’accession sociale à la propriété avec l’extension du « Pass foncier » au logement collectif ; enfin, elle réforme en profondeur la gouvernance du 1 % logement, destiné à financer l’amélioration des logements privés menée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et la politique de rénovation urbaine menée par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), sans oublier le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Le Gouvernement et les députés de la majorité n’ont pas attendu pour répondre à la crise du logement. Modifier à nouveau la législation serait synonyme d’une instabilité législative préjudiciable à l’ensemble des acteurs du logement. Il est préférable de conforter la mise en œuvre de la loi que nous avons récemment votée pour qu’elle produise des effets bénéfiques en faveur du logement.

Monsieur le président, dans le cadre des nouveaux pouvoirs confiés au Parlement, ne peut-on envisager une mission de suivi de l’application de la loi « MOLE » ?

Le budget du logement et de la ville pour 2010 poursuit l’action ambitieuse que nous menons. Avec 7,8 milliards d’euros en crédits de paiement, ce budget répond, même si c’est de façon imparfaite, aux besoins de logement des Français et aux attentes des quartiers. Les crédits alloués au financement des aides personnelles augmenteront de plus de 8 %, ce qui permettra d’aider les ménages les plus modestes à accéder à un logement ou à s’y maintenir. Bref, 110 000 logements sociaux seront ainsi financés, auxquels s’ajouteront 30 000 autres logements sociaux au titre du plan de relance.

L’accession à la propriété sera fortement encouragée grâce à la prolongation du prêt à taux zéro jusqu’en 2012 et au maintien de son doublement jusqu’au 30 juin 2010. Les dispositifs d’aide à l’investissement locatif seront dotés de 650 millions d’euros, et le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier de 1,5 milliard d’euros.

S’agissant de la prévention de l’exclusion, la dotation allouée aux structures d’hébergement d’urgence progressera de 2,3 %. Nous n’oublions pas les plus démunis comme en témoignent les vingt mesures présentées par Benoist Apparu, secrétaire d’État, le 10 novembre, dernier pour refonder le dispositif d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.

Je suis, pour ma part, favorable à l’augmentation du plafond du livret A. L’engagement de la majorité en faveur du logement est majeur et vise à répondre avec force et détermination aux attentes des Français. Pour autant, nous ne promettons pas non plus le paradis.

J’ajoute à titre personnel qu’au lieu de les taxer, nous devrions protéger davantage les propriétaires privés – faute de garanties, certains préfèrent laisser leur logement vacant –, revoir les normes de construction des logements sociaux, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont trop contraignantes, et réduire les délais d’instruction des dossiers.

Nos collègues socialistes se sont indignés lorsque le Premier ministre a évoqué hier la possibilité de donner provisoirement plus de pouvoirs aux préfets. Or, aujourd’hui, on nous propose que les préfets se substituent aux maires : je pense pour ma part que ce sont les maires qui devraient détenir le droit de réquisitionner les logements vacants, pas les préfets !

M. le président Patrick Ollier. Le contrôle de l’exécution de la loi « MOLE » est une excellente idée ; je suis tout à fait disposé à mettre en place une mission sur ce thème.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le mérite de cette proposition de loi est de revenir sur des questions qui ont fait l’objet de nombreux débats au cours des dernières années, à travers les critiques que nous avons adressées au Gouvernement et les propositions de loi que nous avons déposées.

Il est urgent de redéfinir le logement social, à l’aune de concepts qui n’existaient pas il y a une trentaine d’années mais dont il faut aujourd’hui tenir compte : il s’agit de l’effectivité du droit au logement social, de sa dimension de service public et de son rôle en matière de mixité sociale.

Le dispositif de sanctions prévu à l’article 55 de la loi SRU a prouvé son inefficacité, dans la mesure où les collectivités qui refusent d’entrer dans le dispositif vertueux ont les moyens de payer le prélèvement opéré par logement manquant. Ce dispositif ne permet donc pas de remettre les communes délinquantes dans le droit chemin. D’ailleurs, la commission instaurée par la loi ne s’étant pas réunie depuis plusieurs mois, le contrôle n’est plus assuré.

Le délai maximal de sursis avant l’expulsion d’un locataire est passé de trois à un an. Il faut revenir sur ce dispositif, qui pénalise les publics pour lesquels l’expulsion est une condamnation irréversible. Je souhaite que notre commission y réfléchisse.

L’augmentation de la durée de la période hivernale est certes une solution pertinente, mais il n’en demeure pas moins que la notion de période hivernale n’est pas satisfaisante.

Il est inacceptable qu’un grand nombre de logements demeurent vacants. Si les propriétaires ne louent pas leur appartement, c’est que cela représente pour eux une contre-indication financière. Il faut les encourager à louer.

Est également pertinente l’idée de réduire le délai au terme duquel peut être constatée la vacance d’un logement.

Quant à la baisse du plafond de ressources pour l’attribution d’un logement social, nous y avons toujours été opposés, car elle va à l’encontre de l’intérêt des locataires. Ce n’est pas en triturant les statistiques que vous changerez la réalité !

Nous sommes également favorables à la mise en place d’un taux d’effort maximal des familles. Lorsqu’une famille consacre plus de 25 % de ses revenus au logement, elle entame les crédits destinés à l’éducation, à la santé ou encore aux loisirs.

J’en viens aux conventions d’utilité sociale. Savez-vous que le décret d’application n’est toujours pas publié ? De ce fait, les organismes qui le souhaitent ne peuvent présenter leur convention à la préfecture. Par ailleurs – et à ce titre le contrôle de la loi « MOLE » sera intéressant –, il me semble que l’interprétation du ministre est contraire à celle qui était la nôtre lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement puisqu’il considère que la convention d’utilité sociale prime sur le PLU. Or, c’est précisément le contraire.

Par ailleurs, nous avons toujours soutenu le relèvement du plafond du livret A. Nous avions d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements sur le texte portant réforme du livret A.

Le groupe socialiste se félicite de débattre d’une proposition de loi qui revisite les grandes questions qui se posent actuellement en matière de logement, et il la soutiendra.

M. Daniel Paul. S’il est évident que les problèmes du logement ne sauraient être réglés par un texte de loi, aussi bon soit-il, il n’en reste pas moins que les mesures concrètes qui nous sont présentées constituent un premier pas pour sortir de la crise du logement. Il y a urgence car, dans notre pays, près de 100 000 personnes dorment chaque nuit dans la rue, un million ne disposent pas de domicile personnel, et plus de deux millions vivent dans des conditions de logement très difficiles. Sur les 1,2 million de ménages en attente d’un logement social, seuls 430 000 y ont eu accès l’an dernier.

Ces chiffres ne recouvrent pas les disparités territoriales et les variations saisonnières, mais personne ne peut nier que le logement représente un enjeu particulièrement central de la vie de nos concitoyens, qui lui consacrent plus de 30 % de l’ensemble de leurs dépenses.

Les élus communistes ont toujours eu l’ambition de développer le logement social, comme en témoigne l’administration de leurs municipalités.

À cet égard, la loi SRU a permis de favoriser la construction de logement social, même si de nombreuses municipalités continuent à ne pas jouer le jeu de la solidarité territoriale.

Nous sommes convaincus que seul un cadre juridique contraignant permettra de rompre avec l’attentisme. Ce cadre devra obliger les municipalités à accroître la part de logements sociaux dans leur parc résidentiel. Il est ainsi proposé de multiplier par dix le montant du prélèvement opéré par logement manquant sur les communes qui ne respectent pas l’obligation de réaliser 20 % de logements locatifs sociaux. Et l’autorisation est donnée au préfet de se substituer aux maires qui refusent les logements locatifs sociaux sur leur territoire. Enfin, les communes en situation de carence établiront chaque année un bilan soumis à délibération de l’exercice du droit de préemption au regard de la liste des déclarations d’intention d’aliéner.

C’est à travers des mesures fortes, contraignantes et visibles, dont nous avons vainement cherché la trace dans le texte de loi de Mme Boutin, que les législateurs que nous sommes trouveront des solutions. Pour cela, il faut arrêter d’opposer les pauvres aux moins pauvres, les chômeurs aux salariés, les smicards aux fonctionnaires. Ce n’est pas en construisant des ghettos pour pauvres et en réservant le parc social aux plus miséreux que nous réglerons la question du manque de logements. Au pire, nous allumerons des incendies sociaux, au mieux nous pénaliserons les familles de la classe moyenne, incapables de se reloger dans le privé.

Les députés communistes préconisent un logement social ouvert à tous, avec en son cœur la mixité sociale, et non un logement social de la charité, comme celui promu par de trop nombreux législateurs. À cette fin, l’article 1er de la proposition de loi vise à élargir la définition de la mission du logement social. Les membres du Gouvernement versent des larmes de crocodile sur la misère sociale – ce qui est facile –, mais, en même temps, ils raccourcissant les délais d’expulsion !

Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche vous proposent d’agir concrètement pour le logement social, les locataires et les mal logés. La concision des mesures que nous vous proposons en garantit l’efficacité et l’applicabilité.

M. le rapporteur. Si nous avons déposé une proposition de loi qui comporte neuf articles, c’est qu’en dépit de la loi « MOLE », rien n’a changé dans notre pays. La demande de logements, extrêmement forte, est certainement l’un des principaux maux dont souffre la société française.

Nous ne pouvons nous contenter de dire que les choses pourraient aller mieux. La réalité vient d’être rappelée : plus de 1,8 million de personnes attendent un logement et plusieurs millions vivent dans la précarité. Il faut donc réagir. Nous pensons que les mesures prises dans le cadre de la loi « MOLE » ne répondent pas à l’urgence de la situation, faute de structures juridiques et de moyens. Seul un service public du logement pourrait y répondre. Citer le chiffre de 7,8 milliards de crédits en faveur du logement n’a pas grand sens quand on sait qu’en 2007, sur 435 000 logements construits, 60 % étaient destinés à l’acquisition, 27 % au locatif privé et 13 % seulement au logement social. Or la réponse aux besoins de logement passe nécessairement par le développement du logement social, qu’aucun des budgets votés ces dernières années n’encourage. Après avoir subi une baisse de 7 %, soit de 720 millions d’euros, dans le budget de 2009, la part consacrée à la construction de logements sociaux enregistre à nouveau cette année une baisse de 70 millions. Cette évolution ne répond nullement aux besoins de la population.

La mixité sociale est remise en cause par les maires qui n’appliquent pas la loi SRU et par l’application de conventions d’utilité sociale qui mettront en péril les locataires dont les revenus sont considérés comme étant trop élevés.

Si l’on en croit Benoist Apparu, le droit au logement opposable serait difficilement applicable dans une dizaine de départements seulement. Mais c’est précisément pour ces départements que ce droit a été créé !

Nous souhaitons fixer le taux d’effort des ménages à 20 % de leur revenu, mais ce taux prend en compte les loyers, les surloyers et les charges, qui souvent représentent 30 à 40 % du montant des loyers. Si vous votez ce texte, c’est au purgatoire que je vous invite… pour vous éviter l’enfer.

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

M. le président Patrick Ollier. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur ce texte.

TITRE PRÉLIMINAIRE

Mission du logement social

Article 1er

La Commission rejette l’article 1er.

TITRE Ier

Mesures d’urgence en faveur du logement

Article 2

La Commission rejette l’article 2.

Article 3

La Commission rejette l’article 3.

Article 4

La Commission rejette l’article 4.

TITRE II
La mixité sociale
et de l’accès au logement social

Article 5

La Commission rejette l’article 5.

Article 6

La Commission rejette l’article 6.

Article 7

La Commission rejette l’article 7.

TITRE III
Dispositions relatives au financement
de la politique du logement

Article 8

La Commission rejette l’article 8.

Article 9

La Commission rejette l’article 9.

Puis la Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

◊ ◊

La commission examine enfin, sur le rapport de M. André Chassaigne, la proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992).

M. André Chassaigne, rapporteur. La proposition de loi que je vous présente, mes chers collègues, s’appuie sur un constat partagé par tous sur la situation du secteur agricole. Comme cela est démontré dans l’exposé des motifs, toutes les productions sont touchées. Or, le problème fondamental, du reste souligné par le Président de la République dans ses différents discours, est celui des prix. Comment garantir des prix à la production rémunérateurs ? La proposition de loi tente d’apporter des solutions qui se présentent sous la forme d’outils, répartis en trois chapitres. Le premier comporte des mesures à mettre en œuvre au niveau national, le deuxième concerne la mise en place d’un dispositif d’alerte pour réagir face à une crise, et le troisième traduit notre souhait d’instaurer une politique européenne régulatrice.

Tout d’abord la proposition de loi conforte le rôle de l’Observatoire des prix et des marges en le plaçant sous la tutelle des ministres chargés de l’agriculture et de la consommation. L’Observatoire doit ensuite procéder à une évaluation régulière et approfondie des prix, non seulement des prix à la consommation mais aussi des prix pratiqués à tous les niveaux de la filière. Grâce à ce travail d’observation, l’Observatoire pourra proposer en période de crise conjoncturelle l’instauration d’un coefficient multiplicateur s’appliquant à toutes les productions. Enfin, des prix minimums indicatifs par filière et par production seront fixés par les interprofessions : c’est là à mon sens le point le plus important de la proposition de loi.

Sans prétendre apporter une réponse de fond aux questions agricoles, le deuxième chapitre de la proposition de loi instaure un mécanisme permettant, grâce à un dispositif d’alerte, d’attribuer en urgence des aides déjà prévues pour répondre aux besoins immédiats de la profession, au lieu d’attendre que les comptabilités des exploitations soient à sec, que les producteurs manifestent et que des négociations aient lieu. Cette disposition permettrait d’éviter que beaucoup de producteurs en soient réduits à fermer leurs exploitations. J’indique d’ailleurs cette mesures, comme toutes celles que je vous propose, répond à une attente de la profession et a bien sûr été discutée avec les différentes organisations syndicales.

Au chapitre III, vous remarquerez que les articles 7, 8 et 9 commencent tous par « La France promeut », car j’ai souhaité proposer des orientations pour la politique communautaire. Ces orientations sont d’ailleurs souvent défendues par les ministres successifs de l’agriculture. Et je dois avouer que je me suis appuyé sur les engagements pris par le Président de la République dans son dernier discours concernant les mesures traduisant la préférence communautaire et la mise en œuvre de clauses de sauvegarde pour certaines productions. Inscrire ces objectifs dans la loi, cela reviendrait en quelque sorte, mes chers collègues, à fixer une étoile afin d’atteler la charrue en direction de cette étoile.

M. Michel Raison. Je me réjouis d’entendre M. Chassaigne reprendre la formule employée par Eugène Forget lorsque, après la guerre, il a tenté de réunir l’ensemble des syndicats agricoles et fondé la FNSEA : « Pour tracer un sillon bien droit, il faut viser une étoile ». 

Sur le constat, nous ne pouvons qu’être d’accord : le problème des prix est le plus important pour l’agriculture, bien que la rentabilité des exploitations dépende également du poids des charges.

Pour autant, nous ne pouvons voter cette proposition de loi, car le ministère de l’agriculture est actuellement en train de préparer un projet de loi de modernisation agricole qui contiendra non seulement des dispositions relatives à la « fabrication » des prix agricoles, mais également des dispositions relatives à la fiscalité, aux charges et aux relations des producteurs avec les organismes chargés d’acheter, de transformer et de commercialiser les produits agricoles.

Les mesures contenues dans cette proposition de loi ne sont pas forcément critiquables. Pour autant, le coefficient multiplicateur ne peut être appliqué à toutes les productions : s’il pourrait convenir, en période de crise, au secteur des fruits et légumes, il n’en va pas de même pour le lait ou les viandes bovines. Par ailleurs, actuellement, ce coefficient multiplicateur, introduit dans la loi relative au développement des territoires ruraux, n’est pas ou peu appliqué, à la fois pour des raisons de compatibilité avec les règles européennes et parce qu’il a aussi des effets pervers : il donne en effet au distributeur une raison supplémentaire de se reporter sur des produits venant de pays où les coûts de main d’œuvre sont inférieurs – c’est le cas, par exemple, des fraises d’Espagne. En voulant bien faire, nous risquons de défavoriser les producteurs français.

L’ensemble des mesures de cette proposition de loi, qu’il s’agisse du renforcement du coefficient multiplicateur ou de la mise en place d’un dispositif d’alerte, seront abordées dans le projet de loi de modernisation agricole qui ne manquera pas d’apporter des solutions pour éviter les crises, comme la contractualisation, la protection contre les aléas, les assurances. S’agissant enfin du chapitre sur la politique européenne, nous n’avons pas à donner des consignes au ministre de l’agriculture qui, au demeurant, fait bien son travail.

Pour toutes ces raisons, monsieur Chassaigne, les députés du groupe UMP vous proposent d’attendre l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture, beaucoup plus complète que votre proposition, et de présenter des amendements sur ce texte.

M. Germinal Peiro. Je remercie notre collègue Chassaigne et ses collègues d’avoir présenté une proposition de loi qui pose, de façon cruelle mais réaliste, le problème majeur de l’agriculture d’aujourd’hui. Les revenus de nombreux agriculteurs sont insuffisants et un grand nombre d’exploitations ferment ou ne sont pas reprises.

Quelle que soit notre sensibilité, nous faisons tous le même constat. Certaines communes n’ont plus un seul agriculteur, et de nombreux départements n’enregistrent qu’une installation pour quatre, cinq ou six départs. Nous prévoyons tous une diminution importante du nombre des exploitations sur notre territoire, mais celle-ci frappe particulièrement les régions où sont pratiqués l’élevage, la polyculture ou la culture hors sol.

Le débat que suscitera l’examen de cette proposition de loi en séance publique nous permettra d’éclairer le présent et de proposer des solutions pour l’avenir.

M. Chassaigne place la question des prix agricoles au centre de sa proposition. C’est une vraie question dans un marché ouvert : comment garantir au producteur des prix suffisants ? Comment faire en sorte que les prix soient rémunérateurs et que la grande distribution achète les produits à de tels prix ? Je vous avoue, mes chers collègues, que je n’ai pas de réponse. Comment, en toute légalité, soutenir les prix du fait des réglementations européennes et imposer à des acheteurs d’acheter des produits dont les prix sont fixés ? Soyons clairs, c’est totalement impossible.

L’examen de ce texte nous donnera l’occasion de débattre de la politique européenne, dont M. André Chassaigne souhaite qu’elle soit régulatrice. De ce point de vue, il est d’accord avec le ministre Bruno Le Maire, qui oublie cependant de dire qu’il appartient à une majorité qui n’a cessé de déréguler et qui a approuvé, notamment après 1990, le démantèlement de la PAC. Mais dans cette affaire, il faut bien reconnaître également que les socialistes ne sont pas exempts de reproches. Il est vrai aussi que lorsqu’ils proposent plus de régulation, ils se heurtent au refus de la droite, et je ne parlerai pas des forces syndicales. Je me souviens parfaitement de la mise en place des quotas laitiers par un gouvernement socialiste en 1984 et des affiches électorales placardées à l’époque dans la région du sarladais où le ministre Roland Dumas avait été candidat, sur lesquelles on pouvait lire : « Dumas = quotas ». Je me souviens aussi que, en 1999, lors de l’examen d’une loi de modernisation agricole soutenue par l’ensemble de la gauche, la droite était contre nous alors que nous voulions introduire des outils de régulation.

Aujourd’hui, l’agriculture française est victime du libéralisme débridé qui régit l’Union européenne. Elle est délocalisée, sacrifiée, comme l’ont été le textile et l’industrie de la chaussure.

J’espère que le débat qui aura lieu sur ce texte nous permettra de faire entendre la voix de la France dans le concert ultralibéral que l’Europe nous impose aujourd’hui.

M. Jean Dionis du Séjour. La proposition de loi comporte clairement deux parties : une partie nationale et une partie européenne. S’agissant de la politique agricole européenne à promouvoir, nous pouvons trouver un consensus. Pour la partie nationale, le groupe du Nouveau Centre est également favorable à l’Observatoire des prix et des marges et au coefficient multiplicateur. Nous nous étions battus, en 2005, avec le sénateur Daniel Soulage ainsi que Jean-Michel Ferrand et un certain nombre d’autres députés de l’UMP, pour le faire adopter dans le cadre du projet de loi sur les territoires ruraux, mais depuis il n’a pas été appliqué. Ce fut une grave erreur.

En période de crise, certains règles fixées au niveau européen passent par pertes et profits. Ce fut le cas, par exemple, des critères de convergence du traité de Maastricht. Dans la crise de grande ampleur que nous traversons, l’absence d’euro compatibilité du coefficient multiplicateur, au demeurant très discutable, ne peut être invoquée.

Il est vrai que la profession agricole n’a pas toujours été unanime pour soutenir le coefficient multiplicateur, mais, aujourd’hui les lignes bougent. En période de crise, on se rend compte qu’il est indispensable d’établir un rapport de forces avec la grande distribution. La position de la Fédération nationale des producteurs de fruits et des producteurs de légumes était ainsi plutôt défavorable au coefficient multiplicateur, mais son point de vue a évolué. Quant à la menace soulevée par la grande distribution de ne plus acheter aux producteurs français, il est vrai qu’elle existe. En dépit de ces pressions, la régulation me paraît être une arme efficace en période de crise, en particulier pour le secteur des fruits et légumes. À titre personnel, j’y suis favorable.

Le rôle de l’Observatoire des prix et des marges doit également être conforté. Je suis en revanche beaucoup plus sceptique sur l’opportunité d’une conférence annuelle.

Bien qu’étant favorable au coefficient multiplicateur et en accord avec le constat raisonnable dressé par le rapporteur de la difficulté d’introduire de la régulation dans le secteur agricole, qui est aujourd’hui un secteur dérégulé, je m’abstiendrai de voter cette proposition de loi.

Je voudrais dire à M. Raison qu’il faut raisonner filière par filière : la PAC ne prévoit aucune mesure de soutien aux fruits et légumes, ils peuvent donc bien faire l’objet de dispositifs nationaux.

Je remercie M. Chassaigne pour ses propositions car en période de crise aussi violente que celle que nous connaissons, il faut faire preuve d’audace. C’est pourquoi le Nouveau Centre soutient un rôle accru de l’Observatoire des prix et des marges, la mise en œuvre du coefficient multiplicateur et les accords de modération des marges. Pour autant, nous ne pouvons approuver totalement sa proposition de loi telle qu’elle est rédigée, même si nous soutiendrons les dispositifs que je viens de mentionner lors de l’examen de la LMA.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Dionis du Séjour, c’est grâce à moi qu’a été adopté le principe du coefficient multiplicateur. Le ministre de l’agriculture, M. Gaymard, y était favorable, mais il doutait de pouvoir convaincre Matignon. Il m’a donc demandé de téléphoner au Président de la République, ce que j’ai fait, et celui-ci a donné son approbation. Faites donc confiance à la majorité !

M. Antoine Herth. La proposition de loi de M. Chassaigne présente un réel intérêt et elle permet de prendre date avant l’examen du projet de loi de modernisation agricole, mais, s’agissant de l’équilibre à trouver entre le grand large et le repli sur soi, celle-ci me paraît un peu trop pencher du côté du repli.

Je dirai quelques mots sur l’article 9. Nous devons approfondir notre réflexion sur l’aide alimentaire et la faim dans le monde, qui est un véritable scandale pour l’humanité, et raffermir notre volonté de réduire le nombre de ses victimes. Si la production du Sénégal a augmenté cette année de 30 %, grâce à plus de surfaces mises en culture, des apports au moment opportun en engrais et en semences, c’est que le gouvernement sénégalais a pris conscience de l’importance du développement de la production agricole et a voté il y a quelques années une loi d’orientation agricole. L’équilibre alimentaire ne peut donc se résumer à l’aide alimentaire, car celle-ci peut détruire la volonté de produire localement.

Enfin, monsieur Chassaigne, vous gagez vos propositions en taxant les alcools et les tabacs. Il faudrait élargir ces gages aux jeux, et probablement créer un nouvel impôt, tant vous réécrivez l’économie générale de l’agriculture française. Je ne voterai pas cette proposition de loi, préférant vous donner l’occasion d’approfondir votre réflexion et de vous montrer encore plus percutant.

M. François Brottes. Il y a des jours où il n’est pas facile d’être de droite et libéral, comme l’illustre le débat que nous avons aujourd’hui. Bien sûr, on peut s’interroger sur la différence entre économie dirigée et économie régulée. Mais lorsque j’entends M. Dionis du Séjour faire l’apologie du contrôle des prix, ou M. Antoine Herth prendre des précautions pour critiquer la proposition de loi, je me dis que l’on avance !

La LME ne fonctionne pas, pas plus que le libéralisme, l’Europe de la dérégulation agricole, la solidarité contre la faim dans le monde, les OGM, la monoculture et la concentration des exploitations. Ce n’est pas l’agriculture qui est en crise, mais le libéralisme !

L’agriculture traverse la même crise que le monde de la finance : c’est pourquoi nous devons adopter une approche différente, plus respectueuse de l’environnement, du social et de l’économie. Mais vous avez supprimé les quotas et les contrats territoriaux d’exploitation, qui reconnaissaient pourtant à l’exploitant agricole un rôle social, environnemental et économique. La question des prix agricoles est importante, mais les autres éléments doivent également être pris en compte pour respecter le travail des agriculteurs, sachant à quel point il est difficile de différencier la propriété de la terre et son exploitation. Vous avez également supprimé le « contrôle des structures » que nous avions mis en place pour favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.

Nous adhérons aux propositions de notre collègue Chassaigne et, s’il nous y autorise, nous déposerons quelques amendements lors de son examen en séance afin que nous puissions montrer ensemble à quel point la fin du libéralisme dans le secteur agricole nous préoccupe.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pour ma part, monsieur Brottes, je ne ressens aucun malaise. Il est un peu tôt pour dire que tel ou tel dispositif ne fonctionne pas. Vous critiquez le libéralisme, mais François Mitterrand a lui-même été un grand défenseur du libéralisme en signant le traité de Maastricht et les accords de Schengen qui ont supprimé les frontières avant même que ne soient harmonisés les codes du travail et les coûts de la main d’œuvre en Europe, provoquant ainsi des distorsions dans les charges des entreprises.

Je me réjouis du travail accompli par M. André Chassaigne, je suis satisfait des propos tenus par M. Jean Dionis du Séjour et je pense, comme M. François Brottes, que l’on avance sur ces dossiers. Mais l’agriculture a besoin d’un vote unanime, et j’espère que la LMA nous en donnera l’occasion, comme nous avons eu occasion la semaine dernière de nous prononcer unanimement sur la proposition de résolution européenne sur le secteur laitier. L’unanimité aiderait en effet le ministre de l’agriculture et le Président de la République à faire entendre la voix de la France. A cet égard, j’ai la conviction que les problèmes de l’agriculture, dont le premier d’entre eux : comment, en 2050, nourrir 9 milliards d’habitants ?, ne pourront être réglés qu’au niveau du G20. En attendant, je suggère que nous établissions une liste de produits de première nécessité. Car garantir les prix revient uniquement à garantir les marges pour permettre au producteur, au transformateur et au distributeur de vivre de leur travail. L’unanimité de notre vote aiderait également le monde agricole.

M. le président Patrick Ollier. L’analyse de M. Chassaigne présente beaucoup de pertinence et de lucidité sur les maux de l’agriculture. Je comprends que le groupe GDR, sachant que nous travaillons depuis plusieurs mois à l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture, ait souhaité anticiper et ouvrir le débat, mais il ne faut pas qu’il y ait de quiproquo. Nous nous sommes engagés, avec le Président de la République, à changer l’agriculture, et une majorité d’Etats membres sont prêts à soutenir une nouvelle régulation au niveau communautaire.

Ne mettons pas en difficulté le projet de loi qui sera présenté prochainement à l’Assemblée. Les groupes de travail qui préparent l’examen de ce texte sont très actifs. La semaine dernière, je me suis encore rendu en Saône-et-Loire avec M. Raison, qui sera le rapporteur de ce texte, pour y rencontrer des agriculteurs et des transformateurs. Ce que vient de dire M. Taugourdeau est très juste : évitons, pour une fois, la compétition entre opposition et majorité, et votons à l’unanimité la loi de modernisation de l’agriculture, comme nous l’avons fait pour le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Ce serait un signe fort pour l’agriculture française et pour l’Europe.

Votre proposition de loi, monsieur Chassaigne, a le mérite d’ouvrir le débat, mais nous allons naturellement nous y opposer, car l’adopter occulterait le débat que nous aurons en séance publique lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture. Or ce texte représente la dernière chance qui nous sera donnée de préparer notre agriculture à l’après-2013. Je vous invite à donc à préparer des amendements. Comme nous tous ici, vous êtes sincère. Il faut que cette sincérité se traduise par des actes forts. Renoncez à votre proposition de loi, et « nous irons tous au paradis » en votant la loi de modernisation de l’agriculture.

M. le rapporteur. Je ne sais pas si c’est le chemin de l’enfer ou du paradis qui est pavé de bonnes intentions, mais vos différentes interventions me prouvent que cette proposition d e loi ne condamne pas à monter au Golgotha dans la douleur.

Certes, cette proposition de loi vous est présentée alors même que l’on engage un grand débat et une réflexion sur le projet de loi relatif à la modernisation de l’agriculture. Mais sachez que j’ai écrit au Président de la République pour attirer son attention sur le contenu de la proposition de loi et en lui rappelant que la loi de modernisation de l’agriculture ne sera opérationnelle qu’au début de l’été. D’ici là, combien d’installations, de projets d’investissements, de diversification ou de conversion vers des productions bénéficiant de signes d’identification de la qualité et de l’origine seront tout simplement enterrés ? Je ne sous-estime pas le travail accompli par le ministre de l’agriculture pour préparer la loi de modernisation de l’agriculture, mais il y a des mesures urgentes à prendre.

Les articles de cette proposition de loi relèvent davantage d’orientations que de propositions détaillées car il ne nous appartient pas, dans le cadre d’une niche parlementaire, de détailler les dispositions, comme le fera la LMA. Ces textes ne sont pas de même nature.

Certaines des dispositions que je vous propose sont non seulement consensuelles mais proposent la mise en œuvre d’outils permettant de répondre de façon urgente aux attentes de la profession. Toutes les dispositions de ce texte ont d’ailleurs été approuvées par l’ensemble des organisations syndicales.

Je prendrai quelques exemples. Tout d’abord, l’Observatoire des prix et des marges, bien qu’il fonctionne de fait, n’existe pas puisqu’il n’a aucune dimension législative et pourrait donc disparaître du jour au lendemain. L’inscrire dans la loi dès aujourd’hui ne serait pas en contradiction avec le projet de loi de modernisation de l’agriculture, car il doit dès aujourd’hui avoir des missions mieux définies et notamment s’intéresser aux prix à tous les échelons de la filière.

M. le président Patrick Ollier. Merci M. le rapporteur, nous allons passer à l’examen des articles.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je vous invite solennellement, mes chers collègues, à vous déterminer article par article de façon à en approuver certains.

Monsieur le président, la réforme du règlement n’a pas instauré les niches parlementaires uniquement pour « faire beau ». Lorsque certains articles d’une proposition de loi font l’unanimité, il faut les voter, même si ce texte est présenté par l’opposition.

M. le président Patrick Ollier. Permettez-moi de relever une incohérence dans vos propos : la proposition de loi n’est pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat, tandis que le projet de loi de modernisation de l’agriculture, lui, sera examiné par l’Assemblée et par le Sénat, et il a la certitude d’être voté.

M. François Brottes. Ce que vous venez de dire concernant les propositions de loi n’est pas acceptable, monsieur le président ! Vous semblez considérer que dans la mesure où un texte n’est pas encore inscrit au Sénat, il n’est pas utile d’en discuter.

M. le président Patrick Ollier. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit simplement que nous n’avons pas la certitude que cette proposition de loi sera inscrite au Sénat.

M. François Brottes. Je ne voudrais pas que l’on en déduise que l’opposition n’a plus le droit de déposer des propositions de loi. En tout cas, nous sommes favorables à l’adoption de celle-ci.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Brottes, six propositions de loi sont inscrites aujourd’hui à l’ordre du jour des commissions !

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

M. le président Patrick Ollier. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur ce texte.

Chapitre Ier Garantir des prix rémunérateurs pour tous les producteurs

Article 1er

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

La Commission rejette l’article 2.

Article 3

La Commission rejette l’article 3.

Article 4

La Commission rejette l’article 4.

chapitre ii : Dispositions relatives a la mise en place d’un dispositif d’alerte et de mise en œuvre de mesures d’urgence

Article 5

La Commission rejette l’article 5.

Article 6

La Commission rejette l’article 6.

Chapitre III : Une politique européenne régulatrice

Article 7

La Commission rejette l’article 7.

Article 8

La Commission rejette l’article 8.

Article 9

La Commission rejette l’article 9.

Article 10

La Commission rejette l’article 10.

Puis la Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je m’abstiens !

M. le président Patrick Ollier. Je prends acte de l’abstention de M. Dionis du Séjour.

Mes chers collègues, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 18 novembre 2009 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Gabriel Biancheri, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Albert Facon, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Lenoir, M. Noël Mamère, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Michel Raison, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Michel Lejeune, M. Jean Proriol, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Goldberg, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Daniel Paul