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Commission des affaires économiques

Mercredi 12 mai 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie

La commission a entendu M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie.

M. le président Patrick Ollier. Nous avons aujourd’hui le plaisir d’accueillir M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie.

Monsieur le président, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale entretient avec la CRE des contacts réguliers. Votre dernière audition, à la fin de l’année 2008, avait été l’occasion de débattre du contenu du « troisième paquet » européen sur le gaz et l’électricité et nous nous sommes revus lorsque, dix-huit mois plus tard, à l’issue des travaux de la commission Champsaur, le Gouvernement a déposé un projet de loi visant à instituer une nouvelle régulation du marché de l’électricité. Les échanges que nous avons eus alors nous conduisent à examiner aujourd’hui le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) et il était normal que notre Commission vous auditionne le premier pour recueillir votre avis sur ce texte.

Peut-être souhaiterez-vous en préalable revenir sur une actualité brûlante – je pense aux articles de presse parus hier qui mettent en cause deux vice-présidents de la CRE, notamment à propos des réseaux. Je précise à ce propos que nous venons, à la demande du groupe socialiste, de créer une mission d’information consacrée aux réseaux, et dont M. Jean Proriol est rapporteur.

Dans quelle mesure, tout d'abord, l'accès régulé à la base permettra-t-il d’accroître la concurrence et qu’y gagneront les consommateurs ? EDF ne risque-t-il pas de voir ses capacités financières diminuer, alors que les besoins d'investissement liés au renouvellement du parc nucléaire vont s'intensifier au cours des prochaines années ? J’ai moi-même négocié avec le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo et son équipe, en compagnie de certains membres ici présents de la majorité, comme MM. Poignant, Lenoir, Nicolas, Suguenot, Loos et Proriol, l’inscription dans le projet de loi de conditions acceptables pour la fixation du prix. Les besoins d'investissement dépassent cependant le cadre de la réhabilitation – c’est-à-dire de la prolongation – du parc nucléaire et concernent aussi les nouvelles centrales, qui ne sont pas prises en compte dans ce cadre.

Par ailleurs, le projet de loi est-il, selon vous, compatible avec le droit communautaire, notamment pour ce qui est de l'habilitation à transposer les directives électricité et gaz de 2009 et du rôle dévolu à la CRE ?

La définition de la base sur laquelle repose l'accès régulé à l’électricité de base vous paraît-elle adaptée ? Si oui, dans quelles conditions ? Enfin, quel vous semble devoir être le prix de l'accès régulé à la base ?

M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Je tiens tout d’abord à préciser que le rapport « confidentiel » ou « secret » de la CRE dont fait état l’article paru hier dans Le Parisien et auquel, monsieur le président, vous faisiez allusion, n’est ni un rapport secret, ni un rapport de la CRE. Il s'agit en réalité d'un rapport d'étape rédigé par les deux responsables du groupe de travail que nous avons mis en place à l'issue de l'élaboration du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). L'un de ces deux responsables, vice-président de la CRE, voyant arriver l’expiration de son mandat à la fin du mois de mars, a souhaité écrire un rapport de sa plume, ce qui n’a rien de critiquable. Plus critiquable en revanche est le fait que ce rapport ait été diffusé à l'extérieur avant que la Commission de régulation de l'énergie ait pu l’examiner et l’expertiser au niveau des services.

Je le répète : ce rapport, qui n'a pas donné lieu à délibération du collège, n’est pas un rapport de la CRE, et je regrette profondément l’indélicatesse que constitue sa distribution indue. En outre, la personne responsable de sa publication ayant quitté la Commission depuis le 1er avril, au terme de son mandat, il n’est pas facile de discuter avec elle.

Voilà, en termes modérés, ce que j’ai à dire sur la forme.

Sur le fond, le fait qu’un groupe de travail ait été mis en place signifie bien que nous estimons que la qualité des réseaux est dégradée – ce qui est d’ailleurs universellement reconnu, y compris par ERDF. La CRE rendra donc d’ici à la fin de l’année un rapport sur cette question. Ce rapport, qui reprendra sans doute certains des constats dont la presse s’est fait l’écho, sera équilibré, et non pas à charge, et selon les habitudes de notre Commission, nous aurons pris soin d’entendre toutes les parties.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le président, je vous remercie de la précision de vos réponses. La mission d’information parlementaire que j’évoquais tout à l’heure, présidée par M. Jean Gaubert et dont M. Proriol sera le rapporteur, se mettra en place dès lundi prochain. Il lui reviendra d’entendre qui elle jugera bon – on peut penser qu’elle estimera que le président de la CRE est l’un des principaux intéressés. Compte tenu de l’actualité, il est souhaitable que la Commission des affaires économiques puisse, au terme du travail de la mission d’information, rédiger le plus rapidement possible un rapport sur le sujet.

M. Philippe de Ladoucette. Une dernière précision : j’ai adressé à M. Proglio, président d’EDF, une lettre en date du 22 mars – dont je vous remets volontiers copie –, lui indiquant que le rapport évoqué hier par la presse n’impliquait nullement la CRE. M. Proglio pourra ainsi vous confirmer qu’il ne s’agit nullement d’une dénégation de circonstance.

J’en viens maintenant au sujet principal qui nous intéresse aujourd’hui.

Le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) – dont certaines dispositions concernent d’ailleurs aussi le gaz – présente pour le régulateur une importance particulière car il va à la fois modifier ses compétences, augmenter ses pouvoirs et, partant, accroître ses responsabilités.

Pour évoquer ces différentes évolutions, je ne suivrai pas l'ordre des articles du projet de loi, mais je débuterai par l'article 10 relatif à la transposition des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009.

Il s'agit là de la transposition de ce que l'on a longtemps désigné sous le vocable de « troisième paquet » et qui consiste à renforcer l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport tant d’électricité que de gaz, ainsi qu’à harmoniser et à renforcer les pouvoirs des régulateurs de l'énergie dans l'ensemble des pays européens.

Parallèlement à la transposition dans le droit national, qui doit être effectuée avant mars 2011, une autre mesure d'ordre réglementaire s'applique directement : la création d'une agence de coordination des régulateurs européens (ACER), que j’ai eu l’occasion d’évoquer devant vous en 2008 et dont le nouveau directeur vient d'être nommé.

Il me paraît important de vous apporter ces informations, car le renforcement des pouvoirs des régulateurs pour contrôler l'indépendance effective des gestionnaires de réseaux de transport et superviser leurs plans d'investissement à trois ans et dix ans, s'inscrit dans le droit fil des missions de cette nouvelle agence.

Les responsabilités de celle-ci porteront sur les interconnexions entre les différents pays, sur l'élaboration de cadres directeurs pour les codes régissant les rapports des transporteurs d’électricité et de gaz, et sur l'intégration des marchés. Elle aura notamment la tâche nouvelle d'élaborer un plan européen à dix ans des investissements nécessaires dans les infrastructures de transport de gaz et d’électricité.

Quant au régulateur français, ses nouvelles compétences porteront sur la certification de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport dans le cadre du modèle des opérateurs de transport indépendants (ITO), retenu par la France. Elles porteront également sur la possibilité, en cas de manquement à l'obligation nouvelle d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport, d'inciter à la réalisation de ceux-ci. Elles porteront aussi sur la surveillance des marchés de détail de l'électricité et du gaz, qui viendra s'ajouter à celle des marchés de gros qu'il exerce depuis la loi n° 2006-1537 de décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.

La préparation de ces directives a représenté une large part de notre activité au cours des quatre dernières années et leur mise en œuvre effective continuera de mobiliser une bonne partie des collaborateurs de la CRE. Cette remarque n'est pas anecdotique : elle vise à souligner que, dans la répartition des missions et de la charge de travail qui en résulte, l'arrivée de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité représentera, certes, une responsabilité importante pour la CRE, mais elle ne constituera qu'une partie de son activité.

La nouvelle organisation du marché devrait permettre de développer la concurrence sur le marché de détail de l'électricité, au bénéfice du consommateur final. Les dispositions du projet de loi permettront à tous les consommateurs de bénéficier du parc nucléaire historique, particulièrement compétitif, par le biais des offres que seront en mesure de proposer les fournisseurs alternatifs.

Il est inutile de rappeler que le projet de loi a été conçu à la suite du rapport de la commission présidée par M. Paul Champsaur, à laquelle ont activement participé M. François Brottes et M. Jean-Claude Lenoir et qui faisait suite aux discussions intervenues entre le Gouvernement et la Commission européenne, laquelle avait lancé plusieurs procédures pour infraction concernant les tarifs réglementés.

Au-delà du contexte réglementaire européen, j’ajouterai un éclairage sur le contexte actuel du marché de l'électricité, près de trois ans après son ouverture complète.

À la fin mars 2010, 750 000 sites non résidentiels pour une consommation de l'ordre de 140 térawattheures sont en offre de marché ; plus de la moitié de cette consommation – 72 térawattheures – est vendue au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), dont 60 % environ par EDF, et donc 40 % par des fournisseurs alternatifs.

Sur le marché résidentiel, ce sont près de 1,5 million de sites qui sont passés à la concurrence, pour une consommation de l'ordre de 7 térawattheures. Chaque mois, près de 38 000 clients optent pour un fournisseur alternatif.

Par ailleurs, je voudrais rappeler les dernières décisions en matière tarifaire et l'avis de la CRE en date du 14 août 2009.

Les tarifs bleus, destinés à la clientèle domestique et aux petits professionnels, ont augmenté en moyenne de 1,9 % ; les tarifs jaunes, destinés aux clients de taille moyenne, de 4 %, et les tarifs verts, destinés aux grands clients, de 5 %. Ces hausses font suite à des hausses tarifaires de 2 %, 6 % et 8 % qui se sont respectivement appliquées aux tarifs bleus, jaunes et verts en 2008. On a donc observé, entre 2008 et 2010, une augmentation des tarifs réglementés de vente de 4,04 % pour les bleus, de 10,24 % pour les jaunes et de 13,4 % pour les verts.

Pour la première fois depuis qu'elle donne son avis sur les mouvements tarifaires, la CRE a estimé en août 2009 que l'ensemble des tarifs réglementés de vente bleus, verts et jaunes couvraient les coûts comptables historiques supportés par EDF – ce qui est tout simplement le reflet de la loi. Dans ces tarifs, le prix qui correspondrait à la valorisation de l'accès régulé à la base est de l'ordre de 31 euros par mégawattheure.

La nouvelle organisation du marché de l'électricité proposée dans le projet de loi NOME poursuit un triple objectif.

Il s’agit d’abord de permettre à la concurrence de s'exercer sur l'ensemble des segments de clientèle – particuliers et professionnels – dès l'entrée en vigueur de la loi.

Il s’agit ensuite d’assurer le financement du parc de production existant en permettant à EDF, dans un premier temps, de sécuriser ses engagements à long terme pour le démantèlement et la gestion des déchets, dans un deuxième temps – soit en 2020-2025 – de réaliser les investissements nécessaires à l'allongement de la durée d'exploitation des réacteurs de son parc nucléaire historique et, dans un troisième temps, de préparer le renouvellement de son outil de production.

Il s’agit, enfin, de préserver, pour l'ensemble des consommateurs, le bénéfice de l'investissement réalisé dans le développement du nucléaire par des prix reflétant la réalité industrielle du parc de production.

L'atteinte simultanée de ces trois objectifs dès l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation du marché nous paraît nécessaire afin que la concurrence puisse s'exercer sur l'ensemble des segments de clientèle au bénéfice du consommateur final.

Or, cette réussite est très largement conditionnée, d’une part, par le niveau du prix de l'accès régulé à la base en 2011 et sa trajectoire d'évolution, d’autre part par les volumes d'énergie qui pourront être vendus à ce prix aux fournisseurs alternatifs et, enfin, par la construction d'un tarif réglementé de vente établi de telle sorte qu'il place tous les fournisseurs d'électricité dans des conditions économiques équivalentes.

Je ferai quelques remarques sur chacune de ces trois conditions, répondant ainsi, monsieur le président, à certaines de vos questions.

La question du prix de l'accès régulé à la base (ARB), tout d’abord, est déterminante, car ce prix doit refléter la compétitivité du parc nucléaire historique afin de ne pas générer de recettes indues et de ne pas pénaliser les industriels et les consommateurs, tout en étant compatible avec les enjeux auxquels EDF doit faire face en termes d'engagements de long terme, d'allongement de la durée de vie des centrales et, à échéance, de renouvellement de son parc.

Beaucoup de choses ont déjà été dites ou écrites sur le sujet. Pour ma part, je m'en tiendrai à ce qui figure dans le projet de loi lui-même ou dans son exposé des motifs. Il y est en effet précisé que « dans un premier temps, et afin d'assurer une bonne transition, le prix effectif de l'accès régulé à la base sera cohérent avec le prix facturé aux clients bénéficiant du TaRTAM ».

Je prendrai un exemple qui illustre bien la difficulté de la tâche. On peut représenter ce que paye un consommateur d'électricité par la somme de deux composantes : la première reflète ce que paierait ce client pour la totalité de sa consommation annuelle s'il consommait la même puissance à tout moment de l'année – c'est ce qu'on appelle le « ruban implicite » – ; la seconde reflète le surcoût lié au fait qu’en réalité ce client ne consomme naturellement pas toujours la même puissance à tout instant – par exemple la nuit et le jour, l'hiver et l'été ou la semaine et le week-end. Cette composante est le « facteur de forme ». Plus la consommation du client varie au cours du temps, plus ce facteur de forme est important.

Aujourd’hui, dans le cas du TaRTAM, le ruban implicite – correspondant à une consommation constante qui peut correspondre à celle des industriels – est facturé à un prix de 42 euros le mégawattheure. Ce chiffre ne représente que ce qui est dû au titre du coût de l'énergie, sans tenir compte de l’acheminement et de la commercialisation.

Dans la nouvelle tarification, prévue à l'article 4 du projet de loi, les tarifs réglementés de vente doivent être construits par empilement des coûts. Dans cette nouvelle construction, le prix d'un tel ruban constant tout au long de l'année correspond à l'addition de la part de l’accès régulé à la base, qui représente un certain pourcentage de la fourniture du ruban, par exemple 80 %, et d’un complément d'approvisionnement sur le marché de gros en base, qui représente les 20 % restants. Afin que la part de l’ARB soit cohérente avec le prix facturé aujourd'hui aux clients bénéficiant du TaRTAM, il faut donc que la somme du prix de l'ARB pour 80 % de l'approvisionnement en base et du prix de marché pour les 20 % restants soit égale à 42 euros le mégawattheure. Pour un prix de marché en base compris entre 55 et 60 euros le mégawattheure en 2011, un prix de l'ARB cohérent avec les 42 euros le mégawattheure du TaRTAM se situerait à environ 38 euros le mégawattheure. Cet exemple montre que certaines réductions journalistiques affirmant que le prix devrait être celui du TaRTAM ne correspondent pas exactement à la réalité, car elles ne tiennent pas compte du fait que l’ARB ne représente que 80 % du ruban.

Le second élément important renvoie aux volumes d’énergie, c’est-à-dire à la quantité d'énergie à laquelle ce prix s'appliquera, au volume d'accès régulé à la base attribué à chaque fournisseur, et à la forme de ce produit tout au long de l'année.

Le projet de loi prévoit que les volumes d'énergie qui seront attribués par la CRE à chaque fournisseur au titre de l'accès régulé à la base, qu'on peut également appeler « part ARB », seront calculés sur les prévisions d'évolution du portefeuille de clients de chaque fournisseur. La « part ARB » représente un certain pourcentage de la consommation d'électricité annuelle de ce portefeuille. Elle doit être évaluée de telle sorte qu'elle ne crée pas de distorsion de concurrence entre le fournisseur alternatif et EDF.

Imaginons en effet que soit attribuée au portefeuille d'un fournisseur alternatif une part ARB représentant 60 % de la consommation de son portefeuille. Si EDF utilise en réalité 70 % d'électricité de base à prix régulé pour fournir ce même portefeuille, il bénéficiera dès lors d'un avantage en termes de coût de fourniture, dans la mesure où le fournisseur alternatif devra faire appel au marché pour 10 % de plus qu'EDF, générant ainsi un surcoût. Inversement, si le fournisseur alternatif bénéficiait, au titre de ce même portefeuille, d'une part d’accès régulé à la base de 80 %, c'est EDF qui supporterait un surcoût.

Le développement d'une concurrence effective dépend donc de la « part ARB » qui sera attribuée à chaque fournisseur, en fonction des caractéristiques de son portefeuille. Le calcul de ce volume d'énergie doit être effectué de telle sorte qu'EDF et les fournisseurs alternatifs se trouvent dans des conditions de fourniture équivalentes pour un portefeuille de clients donné.

En conséquence, la Commission de régulation de l'énergie, soucieuse de l'équilibre global du dispositif, travaille à la mise en œuvre de règles d'attribution équilibrées, objet du décret d'application prévu à l'article 1er du projet de loi.

J’en viens à la construction d'un tarif réglementé de vente.

Le projet de loi NOME dispose que, dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente doivent être établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité de base, du coût du complément à la fourniture d'électricité, qui inclut la garantie de capacité, des coût d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale – j’ignore cependant ce qu’est une « rémunération normale » et il appartiendra sans doute au Conseil d’État de la définir.

Pour que la concurrence se développe de manière effective, sur l'ensemble des segments de clientèle, les tarifs réglementés de vente doivent intégrer le prix de l'ARB et la proportion du volume d'électricité de base vendue à ce prix, dès l'entrée en vigueur de la loi. Dans le cas contraire, les concurrents d'EDF ne seront pas dans des conditions économiques équivalant à celles d'EDF.

La cohérence entre le tarif réglementé de vente et le prix de l'ARB, indispensable au bon fonctionnement de la nouvelle organisation de marché et au développement de la concurrence, a une conséquence immédiate : plus le prix de l'ARB est élevé en début de dispositif, plus il s'éloigne de la valeur implicite de l'électricité de base des tarifs réglementés actuels – de l'ordre, je le rappelle, de 31 euros le mégawattheure. Le niveau auquel sera fixé l’ARB sera donc déterminant pour l'évolution des tarifs réglementés.

Dans sa lettre au Commissaire européen à la concurrence et au Commissaire européen à l'énergie, le Premier ministre a souhaité que ce soit le régulateur qui fixe le prix de l'accès régulé à la base.

Le VI de l’article 1er du projet de loi prévoit une période transitoire de trois ans pendant lesquels la CRE donnera un avis sur une proposition du ministre. Cette période, qui peut sembler utile compte tenu des enjeux délicats, conduira donc à une double expertise : celle de la CRE et celle qui permettra au ministre d'arrêter sa décision. Il est souhaitable que ces deux expertises convergent, ce qui ne devrait pas être impossible puisque les bases du calcul doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État. Si c'est le cas, on peut s'interroger sur la nécessité de cette phase transitoire.

Si vous jugiez cependant qu’une telle phase est indispensable, il paraîtrait logique que l'autre phase transitoire, concernant les tarifs réglementés, fixée actuellement à une durée de cinq ans, soit ramenée à trois ans. Comme l’exprime en effet l'exposé des motifs du projet de loi, « la cohérence du dispositif suppose un même régulateur pour l'accès régulé à l'électricité de base, l'élaboration des tarifs réglementés de vente aux consommateurs finals ».

Permettez-moi maintenant de conclure par quelques mots sur la CRE elle-même. Celle-ci, qui a aujourd'hui dix ans d'existence, a connu plusieurs lois sur l'énergie et vu sa gouvernance modifiée déjà trois fois.

Le projet de loi NOME prévoit donc une quatrième modification – en dix ans – de la composition du collège. Je ne crois pas que l’on rencontre une telle instabilité dans aucun pays européen comparable au nôtre.

La dernière modification remonte à la loi n° 2006-1537 votée en décembre 2006 : le Parlement a souhaité ajouter deux commissaires aux sept existants, afin que les consommateurs soient représentés au sein du collège. Vous avez également décidé la création de postes de vice-président pour deux des membres nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et ramené à trois le nombre de commissaires à plein temps. Le projet de loi prévoit, quant à lui, la nomination de cinq commissaires à plein temps.

Le collège de la CRE est donc composé de neuf commissaires, dont trois à temps complet. On y dénombre deux conseillers d'État, un ancien sénateur, deux ingénieurs généraux des mines, un ancien responsable syndical, un ancien président d'entreprise publique du secteur de l'énergie, un industriel représentant les grands consommateurs et un responsable d'association de consommateurs domestiques.

Vous avez également souhaité une CRE indépendante. La Commission a en permanence été attentive à cet impératif d'indépendance dans le strict respect de ses compétences, ce qui n'a jamais exclu ni l'écoute, ni le dialogue en amont de ses délibérations. Elle a également cherché à être aussi transparente que possible et à apporter le maximum d’explications, notamment à vous fournir des éléments permettant de comprendre certaines évolutions du marché de l’énergie ou certaines décisions prises dans ce domaine. Ce fut le cas, du moins je l'espère, lors du dernier mouvement sur les tarifs du gaz, avec le dossier que nous vous avons fait porter à l’issue même de notre délibération.

À cet égard, et puisque la question a déjà été évoquée, je tiens à vous informer que, comme nous l'avions annoncé, nous avons lancé l'audit de la formule permettant de fixer le tarif du gaz, afin de vérifier que cette formule reflète bien encore les coûts d'approvisionnement de GDF Suez. Si ce n'était pas le cas, nous en tirerions les conséquences avec cette entreprise.

M. le président Patrick Ollier. Compte tenu des événements, je m’interroge sur les engagements de discrétion signés par les membres de la CRE. Une prestation officielle de serment me semblerait préférable. En outre, la faute que constitue la trahison d'un secret devrait être sanctionnée, y compris au-delà de la durée des fonctions de la personne concernée. Je proposerai des amendements en ce sens. La confidentialité doit en effet être préservée au sein des autorités indépendantes de République, durant comme après le mandat de leurs membres.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. M. de Ladoucette a parfaitement répondu aux questions de M. le président, et je me limiterai donc à quelques points.

Tout d’abord, il me semble intéressant de réfléchir à l'idée de faire coïncider les deux délais de transition de trois ans et de cinq ans.

Comment, par ailleurs, l'élargissement des compétences et le renforcement du rôle de la CRE se traduiront-ils concrètement, en termes de moyens ? Combien de personnes travaillent-elles à la CRE et combien de plus en faudrait-il pour que celle-ci assume pleinement ses responsabilités et ses missions ? Accessoirement, quels nouveaux modes de financement de la CRE pourriez-vous envisager ? Je rappelle que la CRE ne possède actuellement pas la personnalité morale et qu’elle reçoit donc un budget de l'État.

Pour ce qui est du nombre des membres de la Commission, qui a varié à plusieurs reprises, le chiffre qui figure dans le projet de loi n'est-il pas excessif ? Trois personnes à temps complet ne suffiraient-elles pas ?

Les informations publiées hier matin ne pouvaient pas nous surprendre, car elles figurent sur des sites internet depuis un mois. On peut néanmoins s'interroger sur les raisons pour lesquelles une institution connue a accueilli le rapport évoqué. J'ajoute que je fais mienne la suggestion du président Ollier de réfléchir à des initiatives susceptibles d'éviter que de telles situations se reproduisent – je songe pour ma part à un mécanisme dissuasif dont je ferai part à la Commission dans deux semaines.

Quant à l’ARB, la question est celle du prix auquel il faut parvenir et qui sera fixé par le Gouvernement. Dans le cadre des auditions auxquelles je procède actuellement, j'observe que certaines personnes souhaitent que le Gouvernement reste décisionnaire le plus longtemps possible, tandis que d'autres souhaitent au contraire que la CRE soit chargée le plus rapidement possible de fixer les prix.

Par ailleurs, la CRE pourrait-elle être l’intermédiaire neutre nécessaire pour assurer, dans la fourniture de l’ARB, une plus grande transparence et une plus grande confidentialité aux opérateurs alternatifs vis-à-vis d'EDF ?

Enfin, que pensez-vous de la constitution éventuelle d'un fonds pour le renouvellement du parc nucléaire ?

M. François Brottes. L’audition à laquelle nous procédons est le type même de l'audition impossible. Nos échanges sont très décevants, mais il était inévitable qu’ils le soient.

Le président de la CRE nous a fait un commentaire technique d’un projet de loi dont, bien évidemment, il n'est pas l'auteur, et exposé les difficultés que soulève la modification du périmètre de sa Commission. Il nous a indiqué également que le rôle du régulateur et des gestionnaires de réseau fera l'objet « en catimini » – c’est moi qui traduis –, par voie d’ordonnance, de transpositions très importantes. Il est donc très difficile, dans ces conditions, que cette audition soit pleinement franche et sincère. Et une simple explication de texte ne saurait nous suffire.

Je tiens d’abord à préciser que les graphiques qui nous ont été remis devraient indiquer quelle est la place occupée par GDF-Suez parmi les fournisseurs alternatifs. Il s'agit en effet d'un fournisseur alternatif assez particulier, qui a photocopié les fichiers clients d'EDF.

Nous constatons que l'ouverture du marché est un échec. Si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas connu l'incroyable augmentation des prix qui nous a conduits à adopter le TaRTAM, et nous ne verrions pas se produire des fuites sous forme de rapports. Il est inutile de poser sur ces rapports une chape de plomb qui ne change rien au fond. À propos de la situation de nos réseaux d'électricité et de gaz, la transparence vaudrait mieux que la censure.

À ce propos, je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accepté la mise en place d'une mission d'information. Si inélégantes que soient certaines fuites, il ne faut pas que le souci d'éthique nous fasse tomber dans un système où nous ne saurions plus rien sur rien. Il nous est déjà assez difficile, quelle que soit notre étiquette politique, de déléguer nos compétences à des autorités indépendantes pour que ne nous privions pas de moyens de contrôle dont l’absence pourrait représenter un problème pour la République.

Je souhaiterais que le président de la CRE nous dise pourquoi nous en sommes là, s'il existe un autre scénario possible et ce qui fait la spécificité de la France par rapport à d'autres pays. Pour éviter que nos collègues n'abordent le projet de loi en le jugeant trop compliqué, il faut d'abord leur en expliquer la justification : ce rendez-vous ne s'impose à la France que parce que la situation est insatisfaisante et que nous cherchons à amender notre système en vue de trouver une nouvelle compatibilité avec les exigences européennes. Le président de la CRE devrait pouvoir évoquer cette question plus librement – même s'il est compréhensible qu'il ne se sente pas libre, étant donné que les articles 8 et 10 du projet de loi évoquent son avenir.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Brottes, ne mélangez pas les problèmes ! La question que M. Lenoir et moi-même avons évoquée est très différente. Quant aux auditions, elles sont libres : lorsqu'il est auditionné par la Commission, le président d'une autorité n’est tenu par aucune « chape de plomb », et cela d'autant moins que, pour assurer la sincérité des échanges, j'ai veillé à ce que la presse ne soit pas présente ce matin.

M. Daniel Paul. Chacun voit les résultats du système de production et de distribution d'énergie qui a été mis en place voilà une soixantaine d'années : l'électricité la moins chère, une sécurité énergétique que beaucoup nous envient et une production électrique qui entraîne peu de rejets de CO2. Il semble pourtant que, depuis plusieurs années, on veuille remettre en cause cette situation, en recourant à ce que j’ai appelé un « bricolage législatif ». À cet égard, le projet de loi NOME est une étape ; il y en aura d'autres, qui iront un peu plus loin dans la libéralisation du secteur et l'ouverture à la concurrence.

Par ailleurs, on veut tordre le bras aux réticents. Or, tout montre que, malgré les campagnes d'information, les Français ne sont guère enclins à changer de fournisseur. M. Beigbeder et bien d’autres nous écrivent de belles lettres pour nous dire leurs difficultés, mais comment pourraient-ils concurrencer un opérateur qui s'appuie sur une production de base d'énergie nucléaire, qui possède une expérience en la matière et dont les centrales sont pour la plupart déjà amorties – même si, depuis quelques années, le capital d'EDF est un peu ouvert et que la situation est par suite probablement différente de ce qu'elle était il y a quelques dizaines d'années ?

Dans toutes les sensibilités politiques persiste un attachement au système qui s'était mis en place dans les années 1940 et 1950 et la situation présente procède d’un compromis entre les gouvernements français et la Commission européenne.

Enfin, cette loi n'est pas une atteinte à EDF, car le tarif qui sera défini – qu’il soit fixé à 40 ou à 42 euros – préservera probablement les intérêts de cette entreprise. À l'évidence, celle-ci a réussi à mieux se faire entendre qu’il y a quelques mois. Ceux qui sont, en revanche, maltraités dans cette opération, ce sont le service public et, à terme, les usagers, les consommateurs – je n'aime pas le mot « clients » –, qui subiront une augmentation importante des tarifs.

Tout d’abord, alors que je ne crois guère à l'indépendance des régulateurs et bien que, comme l’a souligné M. Brottes, vous soyez juge et partie, je souhaiterais savoir ce que vous pensez du fait que les pouvoirs de la CRE vont être renforcés par le projet de loi.

Par ailleurs, quelle garantie peut-on avoir que l'électricité nucléaire qui sera vendue par EDF n'ira pas abonder un marché à l'étranger ?

M. Jean Proriol. Nous avons l'obligation de légiférer et de transposer une directive européenne. Le débat est très technique et nous lirons avec intérêt vos explications, monsieur de Ladoucette, dans le compte rendu de cette audition.

L'effort important demandé à EDF – qui a l’obligation de rénover ses installations et d'assurer la sécurité de base de l'approvisionnement électrique en France – ne mérite-t-il pas les périodes transitoires prévues à l'article 1er ?

La réticence qu'ont les Français à quitter l’opérateur historique est bien connue. Dans le cas de France Télécom, une loi sur le dégroupage a été nécessaire, et sans doute faudra-t-il adopter une solution du même ordre pour EDF, ce qui suppose une période de transition relativement longue.

La loi prévoit que le gestionnaire de réseaux de transport devra présenter des garanties d'indépendance, qui devront être définies par la CRE et dont nous souhaiterions connaître les critères. Elle prévoit aussi un plan décennal de développement qui doit permettre des interconnexions européennes. Le gestionnaire de réseau en a-t-il les moyens ?

Je vous rappellerai enfin les déclarations importantes que vous aviez faites le 19 janvier dernier lors du colloque du Club énergie et développement. Bien que 1,325 million de consommateurs aient changé de fournisseur d’électricité et 1,1 million de fournisseur de gaz, les Français ne sont pas adeptes du changement accéléré !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe Nouveau Centre est très favorable au rôle de régulateur dévolu à la CRE. De fait, s'il est légitime que l'État soit régulateur, il n'en existe pas moins un risque de confusion des rôles lorsqu'il est actionnaire à près de 85 %, comme c’est le cas pour EDF. Cette confusion serait dangereuse si l'État gardait, à terme, la main sur la fixation du prix. Le projet de loi a-t-il trouvé un bon équilibre dans la répartition des rôles ?

Il faut nous parler vrai !

Par ailleurs, le dispositif prévu suffira-t-il pour créer une vraie concurrence ? M. Brottes a justement souligné que, si 1,1 million de consommateurs ont changé de fournisseur, ils n’ont fait que choisir la maison d’en face. Allons-nous, après tous ces efforts, vers un oligopole constitué par EDF et GDF Suez, à l’instar de la situation que connaît le marché du mobile, où les parts sont stabilisées depuis près de dix ans entre Orange, Bouygues Telecom et SFR ? Au moment où les fournisseurs alternatifs se portent très mal, êtes-vous optimiste sur les chances de créer un vrai marché ?

En troisième lieu, la possibilité de contrôle d’une éventuelle revente spéculative à l'étranger de l’électricité compétitive française ne me semble pas clairement précisée dans le texte du projet de loi. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean Gaubert. Quels moyens aura-t-on de vérifier la relation entre le prix de marché et le prix d’achat ? De fait, malgré la clarté des calculs que nous avez présentés, chacun sait que c’est le prix du marché qui fait le prix de vente. J’aurai beau savoir que mon fournisseur n’a pas payé cher ce qu’il me vend, je sais aussi qu’il ne fera aucun effort sur le prix si le marché est tendu. Ainsi, lorsque j’ai acheté l’an dernier un poêle à bois, il n’était pas question d’obtenir un rabais, car mon fournisseur avait tant de commandes que le délai de livraison était de six mois.

Au moment où l’on met en place une telle usine à gaz, la CRE est-elle tout simplement en règle ? Il ne semble pas, en effet, que sa création se soit accompagnée d'une enquête publique.

Tiendra-t-on bien compte de l’ensemble des charges pesant sur l’opérateur historique ? Ainsi, les 150 millions d'euros qu’ERDF a dû débourser l'an dernier pour le raccordement des énergies renouvelables, et qui n’ont fait l'objet d'aucune compensation, seront-ils réintégrés dans les coûts ?

Enfin, n'abusons pas des acronymes. Pour moi, jusqu'à ce matin, « ARB » ne désignait que l’« Armée révolutionnaire bretonne » ! Quelques explications supplémentaires ne nous feraient pas de mal !

M. François Loos. La CRE est en partie responsable de la détermination du prix de l’électricité en France. Nous ne devrions pas avoir à débattre de tant de prix différents proposés par les différentes parties prenantes. En effet, à quoi sert la CRE si elle n’objective pas l’ensemble de ces chiffres ?

Mme Frédérique Massat. Le rapport d'étape élaboré par le groupe de travail sur la qualité de distribution d'électricité précise que « le présent rapport est rendu public sans engagement de la CRE dans le but de connaître les observations et propositions des parties prenantes dans la perspective de l'établissement du rapport définitif ». Ce point est très important car les constatations que fait la CRE au niveau national recoupent les préoccupations que nous rencontrons sur nos territoires.

Le projet de loi que nous examinons n'aurait-il pas pu être également l'occasion de faire globalement le point sur la performance des réseaux, qu’évoquent à des degrés divers plusieurs textes qui nous ont ou vont nous être soumis ?

Enfin, la bonne gestion du parc nucléaire, qui n'est pas abordée dans le projet de loi, n'aurait-elle pas mérité un dispositif juridique et financier spécifique, dans l’intérêt général de la nation ?

M. Serge Poignant. Pour ce qui concerne le calcul des prix, le renouvellement des centrales nucléaires pris en compte doit-il être entendu comme la rénovation des centrales existantes ou comme intégrant la construction des centrales nouvelles ?

Par ailleurs, le projet de loi oriente-t-il assez clairement la rédaction des décrets destinés à éviter les distorsions de concurrence entre fournisseur historique et fournisseurs alternatifs ?

Ayant rédigé récemment un rapport sur la maîtrise de la pointe électrique, je suis conscient qu’à défaut d’accord entre les opérateurs, une obligation de capacité s’imposera. Quel est votre avis sur le sujet, qui figure dans la loi ?

Enfin, je me réjouis que la CRE doive se préoccuper des interconnexions, qui sont nécessaires de manière générale, et en particulier pour régler les problèmes de pointes de consommation électrique.

M. William Dumas. Ce projet de loi présente de vrais risques pour les investissements et pour les usagers, qui feront les frais de l'ouverture du marché et de la concurrence : après une petite baisse des prix viendra une augmentation qui rapprochera les prix pratiqués en France de la moyenne européenne.

Par ailleurs, comme l'a observé Mme Massat, il aurait fallu globaliser les réseaux, dont vous avez reconnu vous-même la dégradation. Les élus ruraux n’ont pas besoin d’un rapport pour le savoir : depuis une dizaine d’années, les fortes pluies ou les coups de vent – sans parler de la neige – se soldent régulièrement par des coupures de plus en plus importantes. Les agents d’EDF nous confirment que de 80 % à 90 % de leur temps est employé à courir d'un lieu de dépannage à l'autre, au détriment de l'entretien des lignes. J’espère que le rapport de la CRE contribuera à améliorer la situation.

M. Jean-Pierre Nicolas. Ce projet de loi est peut-être le plus important depuis 1946.

La compétence de la CRE est renforcée. Alors que ses résultats sont particulièrement tirés par l'international, l’opérateur historique repousse encore la mise à niveau du parc nucléaire qui lui permettrait de disposer d’un taux de disponibilité supérieur – car un point de disponibilité correspond à 200 millions d’euros. Le prix de cession doit être fixé selon le coût économique, et non pas selon le coût marginal.

En outre, lorsque des opérateurs alternatifs ont une importante production en base, notamment hydraulique, et dont on connaît le coût, cette production ne devrait-elle pas être déduite du droit de tirage ?

Quant à l’alinéa 13 de l’article 8, il doit être amendé, comme le propose le président Ollier, afin d’éviter la publication indue de rapports.

M. Alain Suguenot. Comme M. Gaubert, je considère que les sigles devraient être mieux explicités.

Quant à la date historique à laquelle nous pourrions nous référer, je n’en vois pas de meilleure que 2000, où M. Jospin a ouvert le marché de l’électricité.

Le débat entre la régulation et la concurrence est ancien. Je ne sais si nous réussirons cette fois-ci à le trancher, mais il faut essayer.

La loi NOME est attendue depuis des années. À défaut d’une telle loi, la France sera de nouveau accusée de ne pas ouvrir son marché. Une réforme de plus grande ampleur, qui permette d'uniformiser le marché des États membres pour parvenir à la création d'un plan européen, est une nécessité. Il faut organiser la concurrence.

Il importe également de permettre à tous de bénéficier du parc nucléaire. Quelles conséquences la loi aura-t-elle sur le report annoncé pour 2015 du redressement des centrales ? Il s’agit là aussi d’un problème de fond, car l’accès de tous suppose une mise aux normes par EDF de l’ensemble de ses centrales afin d'atteindre une production maximale.

Quels sont les moyens qui permettraient d'améliorer la concurrence entre les marchés nationaux de l'énergie et de créer un marché européen intégré ? Pour la Commission européenne, seule une séparation patrimoniale des activités est possible. J'ai lu que vous pensiez, un peu comme moi, qu'il serait possible de construire un marché européen sans nécessairement séparer les patrimoines – on mesure aujourd’hui la complexité de la situation de la SNCF et de RFF. Grâce à la CRE, le système français garantit l'indépendance du gestionnaire de la distribution. Donnons à ce système les moyens de mieux fonctionner, comme l’a fait EDF avec sa filiale RTE, montrant qu’une séparation est parfois possible au sein de la même organisation.

Deux points me semblent devoir être soulignés.

Il convient d’abord, dans un souci de transparence, de mieux définir les conditions du financement de la CRE.

Ensuite, l’article 8, qui permet d'engager la responsabilité des membres de la CRE durant leur mandat, doit être précisé par amendement afin de garantir le respect de la confidentialité au-delà de l’expiration de ce mandat.

M. Philippe de Ladoucette. Il ne me semble pas qu’il y ait, en l’état actuel des choses, d’autre solution que d’adopter une loi organisant différemment le marché. De fait, plusieurs procédures européennes sont pendantes et la Commission européenne, qui suit de très près le dossier, a manifesté une certaine impatience et se réserve le droit de le transmettre à la Cour de justice de l’UE. Il importait donc de trouver une solution.

Une autre solution que celle que propose le projet de loi, théoriquement possible, mais en pratique difficile, consisterait à supprimer la totalité des tarifs réglementés et à les remplacer par un impôt négatif reversé chaque année. Cette idée, jugée séduisante par certains de mes interlocuteurs du Gouvernement et de la Présidence de la République, posait toutefois la question de savoir si les citoyens auraient confiance en une reconduction annuelle de cette redistribution. En outre, il ne semblait pas facile d’annoncer la suppression pure et simple des tarifs réglementés.

Restait donc la solution qui vous est proposée : une forme d'organisation quelque peu artificielle d'un marché national. L'objectif est bien, comme l’a évoqué M. Suguenot, de mettre en place un marché européen. Si cette loi n'est pas le moyen le plus rapide pour y parvenir, elle semble du moins être le seul qui puisse être mis en œuvre en France, où une entreprise assure 95 % de la production électrique et dessert environ 92 % des clients. C'est là la conséquence historique de l'organisation du marché de l'électricité mise en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale. On ne peut transformer instantanément une situation aussi délicate et aussi lourde !

Si donc le projet de loi NOME n'est pas parfait, du moins a-t-il le mérite d'exister et d'apporter des solutions. Un délai assez long est prévu et des retours sur expérience assez réguliers permettront de voir si des adaptations sont nécessaires. Je ne vois donc pas ce que la France pourrait faire d'autre, à moins de laisser se dérouler la procédure européenne et d’attendre de voir ce qui se passera. Puisque vous m'y invitez, je vous fais là une réponse très franche.

M. le président Patrick Ollier. C'est précisément pour vous permettre de nous répondre franchement que j'ai demandé que cette audition ne soit pas ouverte à la presse.

M. Philippe de Ladoucette. Je vous en remercie, monsieur le président.

Plusieurs intervenants ont demandé pourquoi les réseaux n'étaient pas évoqués dans la loi. Or ils le sont, du moins indirectement. De fait, une disposition très importante permet d’envisager d’acheter les pertes d’ERDF et de RTE aux prix de l’ARB. L’adoption de cette disposition serait un changement de taille, car le coût des pertes d’ERDF est de l’ordre du milliard d’euros et une économie sur ce poste résoudrait une partie des problèmes d’investissement comme elle permettrait d’améliorer la qualité et de procéder, le cas échéant, au raccordement coûteux des énergies renouvelables telles que le photovoltaïque. La loi traite donc bien, je le répète, de la problématique des réseaux.

M. François Brottes. Comme le rapport Champsaur !

M. Philippe de Ladoucette. C’est normal, puisqu’elle en découle.

Monsieur Lenoir, la CRE représente aujourd’hui 131 emplois en équivalents temps plein. Pour faire face, dans les trois années qui viennent, à la charge de travail supplémentaire induite par la loi, nous estimons que 7 emplois seront nécessaires pour l’organisation et 12 pour la transposition du troisième paquet, soit un total de 19 emplois.

Pour ce qui concerne, en revanche, les moyens de fonctionnement, nous avons indiqué hier au ministère du budget que nous ne demandions aucune augmentation – pas même pour compenser l’inflation – pour les trois prochaines années, compte tenu de l’économie de loyer de 35 % que nous avons réalisée en changeant de locaux.

Je ne commenterai pas les propos tenus sur la nécessité pour les membres de la CRE de conserver un devoir de réserve au-delà de l’expiration de leur mandat. Je rappelle néanmoins que la représentation nationale avait ajouté dans la loi de décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, un article disposant qu’« il peut également être mis fin aux fonctions d'un membre du collège, en cas de manquement grave à ses obligations, par décret en conseil des ministres sur proposition du président d'une commission du Parlement compétente en matière d'énergie ou sur proposition du collège ».

Pour ce qui est du nombre de membres permanents de la CRE, le chiffre de 5 me paraît adapté car, avec trois membres permanent seulement, cet organe pourrait apparaître comme trop technocratique.

Je ne suis pas convaincu que les divergences soient inévitables entre le Gouvernement et la CRE pour la fixation du prix. En effet, si un décret en Conseil d’État détermine les éléments permettant d'élaborer ce prix, il n'y a aucune raison que nous ne parvenions pas à la même conclusion à partir d'éléments similaires. Le choix peut certes être politique mais, si l’on s’en tient à l’expertise économique et à une formule, les conclusions seront identiques, comme c’est le cas pour le tarif du gaz.

Mme Laure de La Raudière. La question est posée par des politiques. Il y a donc parfois des divergences !

M. Philippe de Ladoucette. Lorsque des divergences se manifestent, c’est que l’on ne part pas d’une base commune : l’une des estimations repose sur des bases économiques et objectives, l’autre sur l’opportunité. Cette différence d’approches justifie précisément l’intervention d’un régulateur indépendant – la CRE n’est pas actionnaire.

Du reste, je suis bien moins soucieux que vous de cette divergence et je ne crois pas qu’elle se manifeste à propos du niveau de prix. Le TaRTAM évoqué dans le projet de loi est de 42 euros le mégawattheure pour le ruban, soit 38 euros pour l’accès régulé s’il représente 80 % du ruban, et moins encore s’il en représente moins de 80 %. Le calcul est assez simple.

M. le président Patrick Ollier. L'autorité de régulation n'a pas à se substituer au Gouvernement et au Parlement, qui doivent décider. Son président n’a donc pas à accepter une discussion avec nous sur ce point. C’est un débat que nous devons avoir avec le Gouvernement. Ne confondons pas les lieux de décision et les lieux de concertation !

M. Philippe de Ladoucette. Monsieur Brottes, GDF Suez représente aujourd'hui 12 % du marché.

Monsieur Proriol, les gestionnaires de réseaux de transport sont tout à fait capables d'élaborer des plans à dix ans – ils le font d’ailleurs déjà en partie.

Quant aux nouvelles obligations d’indépendance, leurs critères sont déterminés par le « troisième paquet ». Elles portent sur la déontologie et sur le contrôle par le régulateur des relations entre la maison-mère et le gestionnaire de réseau. Ce sera précisément l'objet de la certification, qui est un élément nouveau de la responsabilité du régulateur : celui-ci devra certifier sur le modèle ITO chacun des gestionnaires de réseaux de transport que sont RTE, GRT-Gaz et TIGF pour Total.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le président, je vous remercie. Si d’autres interrogations devaient surgir avant l’examen du projet de loi, nous vous les transmettrions par écrit et je ferais alors état de vos réponses lors de la discussion des articles.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 12 mai 2010 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Gabriel Biancheri, M. Jean-Pierre Decool, M. Pierre Gosnat, M. Jacques Le Guen, M. Philippe Armand Martin, M. Alfred Trassy-Paillogues

Assistaient également à la réunion. - Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Goua