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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Enseignement français à l’étranger

Jeudi 18 février 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Georges Tron, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Yves Aubin de La Messuzière, président de la Mission laïque française.

M. Georges Tron, Président. Mes chers collègues, je suis heureux d’ouvrir ce matin un nouveau cycle de travaux de la mission d’évaluation et de contrôle.

Trois thèmes ont été retenus cette année par le bureau de la commission des Finances : le crédit d’impôt-recherche, les recettes exceptionnelles de la défense et, l’enseignement français à l’étranger sur proposition du rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Jean-François Mancel.

Le principe de la MEC est de dégager des propositions de consensus dans un cadre paritaire entre majorité et opposition. Ainsi, M. David Habib et moi-même présiderons à tour de rôle nos différentes réunions.

Nos rapporteurs apporteront le point de vue des différentes commissions concernées. En effet, le rapport sur l’enseignement français à l’étranger sera préparé conjointement par MM. Jean-François Mancel, pour la commission des Finances, Hervé Féron, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation sur le rayonnement culturel et scientifique, et André Schneider, membre de la commission des Affaires étrangères. Au cours de leurs précédents travaux parlementaires, tous trois ont déjà étudié le thème qui nous réunit aujourd’hui.

Nous serons assistés dans nos travaux par la Cour des comptes, dans le cadre de la mission d’assistance qu’elle tient de l’article 47-2 de la Constitution et de l’article 58 de la LOLF. Elle est représentée aujourd’hui par M. Jean-François Bernicot, conseiller maître, M. Joël Montarnal, conseiller référendaire, et notre ancien collègue M. René André, conseiller maître en service extraordinaire. Je précise que, selon notre pratique habituelle, à la demande de la Cour des comptes, comme ses magistrats ne peuvent engager la collégialité, ils ne s’exprimeront pas publiquement au nom de la Cour.

Je voudrais rappeler d’un mot les raisons qui nous ont conduits à prévoir une telle évaluation.

En 2007, le ministre des Affaires étrangères était chargé, par lettre de mission du Président de la République, de préparer un plan de développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Cette politique est d’une grande portée pour le rayonnement de la France, mais aussi sur le plan de la solidarité nationale vis-à-vis de nos compatriotes vivant à l’étranger. Son financement subit des tensions budgétaires et pose des questions de soutenabilité.

Le statut de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, a également suscité des questions concernant l’organisation de la tutelle. Pour toutes ces raisons, un rapport a été demandé à l’inspection générale des finances, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, et des décisions devraient être prises l’été prochain.

Cette politique s’appuie sur des intervenants nombreux et divers, notamment la Mission laïque française, dont nous avons le plaisir d’accueillir le président, M. Yves Aubin de La Messuzière.

Monsieur le président, vous êtes un très bon connaisseur de notre sujet. Sans plus attendre, je vous propose de nous présenter le rôle de la Mission que vous présidez, et la façon dont elle s’insère dans le dispositif d’enseignement français à l’étranger, avant que les rapporteurs ne vous interrogent.

M. Yves Aubin de La Messuzière, président de la Mission laïque française. En tant que président de la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, j’ai fait part cet automne à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale de ma préoccupation quant à l’évolution du réseau d’enseignement français à l’étranger. À l’unanimité de ses membres, cette commission, mise en place par le ministre des Affaires étrangères conformément à la lettre de mission du Président de la République, a formulé des recommandations qui ont été discutées lors des États généraux de l’enseignement français à l’étranger et diffusées auprès des différents postes diplomatiques. À cette occasion, cette très vive préoccupation quant à l’avenir de l’enseignement français à l’étranger s’est révélée très largement partagée.

Mon sentiment est que nous sommes loin de pouvoir envisager un développement de cet enseignement : ce serait déjà très bien de maintenir le périmètre existant, en particulier celui de l’AEFE, à l’horizon 2020. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : c’est la conséquence de la décision de l’État de prendre en charge les frais de scolarité des élèves français des établissements d’enseignement français à l’étranger. Cette mesure de gratuité des frais de scolarité a bousculé le modèle économique de l’enseignement français à l’étranger. Présentée comme égalitaire, elle est en réalité inéquitable.

On annonce maintenant que son application ferait l’objet d’un moratoire et que son extension éventuelle au premier cycle secondaire devra être précédée d’une étude d’impact. Cela signifie que le même établissement pourrait être soumis à deux régimes différents, avec un premier cycle payant et un deuxième cycle gratuit pour les ressortissants français, alors que l’enseignement de premier cycle est obligatoire !

La prise en charge a en outre déclenché un processus d’éviction des élèves étrangers qui, s’il n’a encore rien de dramatique, ne peut que s’intensifier du fait de l’effet d’aubaine pour les ressortissants français, en particulier les binationaux. Qui plus est, la participation financière des familles étrangères, « variable d’ajustement » à la disposition des établissements pour assurer leur équilibre budgétaire, sera accrue.

En ce qui concerne plus spécifiquement la Mission laïque française, celle-ci présente, pour la première fois, un document d’orientation stratégique 2010-2012, conformément à l’engagement que j’avais pris avant mon élection à la tête de la Mission. Au cours des cinq dernières années, grâce au dynamisme de mon prédécesseur M. Jean-Pierre Bayle, ancien sénateur des Français de l’étranger et président de chambre à la Cour des comptes, la MLF a plus que doublé ses effectifs scolaires et s’est lancée dans de nouveaux métiers. Il y a une demande très forte d’éducation « à la française » à l’étranger, surtout sur le pourtour méditerranéen, lieu de naissance de la Mission laïque il y a un siècle. Je rappelle que, dès l’origine, la Mission avait comme objectif la diffusion de l’enseignement laïque auprès des nationaux étrangers, qui représentent environ 80 % de nos effectifs scolaires.

Ce document d’orientation stratégique est une feuille de route, déclinant cinq chantiers et quinze programmes d’action. Comme l’AEFE, la MLF est actuellement confrontée à quatre défis : 1°) une compétition mondiale accrue en matière d’éducation, qui en fait un marché convoité ; 2°) la réticence croissante de certains pays à voir se développer sur leur sol un enseignement international concurrent de leur propre système d’éducation – c’est le cas du Maroc, où nous comptons six établissements rassemblant 6 000 élèves, mais où son développement devra emprunter d’autres voies, notamment celle de partenariats avec des établissements d’excellence marocains – ; 3°) l’insuffisante reconnaissance des certifications françaises ; 4°) enfin le poids grandissant des contributions imposées par les pouvoirs publics aux établissements conventionnés ou homologués, qui risque de fragiliser le réseau de la MLF.

Le document d’orientation stratégique vise à affirmer l’identité et la spécificité de la MLF, tout en la posant très clairement comme une composante du réseau d’enseignement français à l’étranger. La Mission reconnaît au ministère des Affaires étrangères, notamment à la direction générale de la mondialisation, sous l’autorité du secrétaire général du Quai d’Orsay, et aux ambassadeurs français, le rôle de pilotes stratégiques de l’enseignement français dans le monde. Les ambassadeurs devraient s’intéresser davantage à cet enjeu considérable, puisqu’il s’agit non seulement de la continuité du service public d’éducation envers nos ressortissants, mais également de l’influence et du rayonnement de la France.

Association à but non lucratif, reconnue d’utilité publique depuis 1906, la MLF, qui gère 20 % des effectifs scolaires, est un acteur du réseau de l’enseignement français à l’étranger, à côté de l’AEFE, l’opérateur principal. La MLF est aussi un partenaire du ministère des Affaires étrangères, ainsi que d’autres institutions, privées ou publiques, à l’étranger. Elle peut même être opérateur dans certains dossiers. Ainsi M. Bernard Kouchner nous a confié récemment la réhabilitation de deux grands lycées à Kaboul. Nous venons également d’ouvrir deux écoles au Kurdistan d’Irak. Par ailleurs, depuis une vingtaine d’années, nous gérons presque toutes les écoles d’entreprise, qui sont au nombre de 33, à la satisfaction de celles-ci. On voit que la MLF assume des missions de service public dans le cadre du rayonnement recherché par la diplomatie d’influence

À côté des établissements qu’elle gère directement, la MLF agit, notamment aux États-Unis, avec des établissements affiliés ou associés, dont nous organisons ou assurons le projet pédagogique. Par ailleurs, nous sommes de plus en plus appelés à développer des activités d’ingénierie éducative et de partenariat avec des établissements nationaux. Ce domaine de la coopération éducative est, à mon avis, appelé à connaître le plus grand développement dans les quinze à vingt années à venir. C’est ce que demandent des pays comme le Maroc ou le Liban.

La MLF a également vocation à intervenir en situation d’urgence ou de « post-crise », comme elle le fait en Afghanistan ou au Kurdistan irakien. C’est le cas aussi en Angola, où nous appuyons l’initiative de Total, qui va ouvrir dans ce pays quatre établissements dispensant aux élèves angolais un enseignement partiellement en français, dans le cadre d’une politique d’image de cette société.

Notre périmètre traditionnel couvre le pourtour méditerranéen, qui représente 60 % de nos activités. Nous comptons un réseau important en Espagne, et surtout au Maghreb et au Mashrek, qu’il faut consolider. Ce périmètre peut encore s’étendre, notamment dans le Golfe. Je viens d’inaugurer une toute petite école à Bethléem pour satisfaire la demande d’enseignement laïque de familles chrétiennes et musulmanes.

Nous comptons également répondre à la demande provenant de nouvelles « terres de mission » – laïque bien évidemment – en Asie, notamment en Chine, où l’apparition d’établissements privés suscite une demande d’enseignement français. C’est le cas aussi en Amérique du sud.

Notre modèle économique est celui de l’autofinancement. Le siège de la MLF ne compte que vingt-cinq personnes, nos activités étant caractérisées par la déconcentration et la décentralisation, sous l’égide de coordonnateurs en charge des réseaux les plus importants. Nous bénéficions cependant de l’aide du ministère des Affaires étrangères, qui prend en charge les salaires de 202 professeurs ou directeurs d’établissement, soit 10 % de notre personnel enseignant, généralement en poste dans notre périmètre traditionnel, comme au Liban, ou à Addis-Abeba.

L’AEFE souffre d’un déficit de financement lié à la mesure de prise en charge. La Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger avait estimé son coût à 400 millions d’euros, mais il pourrait se révéler bien supérieur si la mesure était étendue à l’ensemble du cycle scolaire jusqu’à l’école maternelle. De ce fait, l’Agence, à la demande de sa tutelle, recherche de nouvelles sources de financement. Le conseil d’administration de l’Agence vient ainsi de demander aux établissements conventionnés de lui verser 6 % des recettes : 3 % au titre des investissements – alors que nous finançons nous-mêmes nos investissements – et 3 % pour les cotisations patronales de pension. Ces cotisations représentent une somme considérable, puisque la MLF devrait verser presque dix millions d’euros (et l’Agence 110 ou 115 millions d’euros), et ceci sans aucune compensation, alors que l’Agence sera largement compensée. Nous avons demandé que ce prélèvement, qui fragilise notre réseau, fasse l’objet d’un moratoire.

Pour leur part, les établissements homologués – c’est le cas des établissements américains – devraient s’acquitter de 2 % de leurs recettes au titre des services rendus par l’Agence, alors que l’homologation était gratuite jusque-là. Il est certes normal de payer un service, mais non pas de manière rétroactive ni, surtout, par une taxation assise sur le chiffre d’affaires. Pour certains établissements américains, ce prélèvement s’élèvera à 150 000 euros par an, alors qu’ils ne payaient rien jusqu’ici ! Vous pensez bien qu’ils sont vent debout contre cette mesure.

Ce prélèvement étant dépourvu de base légale, l’Agence devra signer des contrats de partenariat avec ces établissements. Puisque nous avons nous-mêmes passé avec eux des contrats de partenariat, ils auront donc deux partenaires et seront soumis à deux taxations différentes ! De telles mesures ne peuvent que susciter l’incompréhension, et si on veut nous les imposer, je proposerai au conseil d’administration de la MLF que nous nous retirions du réseau américain, alors même que c’était l’ambassadeur de l’époque, M. Jean-David Levitte, qui nous avait demandé de le prendre en charge.

L’erreur politique que constitue la mesure de gratuité est donc encore aggravée par des mesures de gestion qui fragilisent nos établissements. Nous discutons en ce moment avec le ministère des Affaires étrangères de la possibilité, soit de revenir sur cette mesure, soit de prévoir des compensations. J’ai ainsi proposé qu’en contrepartie d’un moratoire, la Mission laïque prenne progressivement en charge les salaires des professeurs mis à disposition.

Je voudrais terminer mon propos en réitérant l’expression de ma préoccupation pour l’avenir du réseau de l’AEFE. Le risque de devenir un réseau franco-français est bien réel, alors que la mixité culturelle était sa marque de fabrique. C’est la mission de rayonnement et d’influence de notre réseau d’enseignement à l’étranger qui est en danger, puisque la volonté politique d’assurer un service public d’éducation de qualité aux enfants de nos expatriés existera toujours.

M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Si je résume votre diagnostic sur l’état de l’enseignement français à l’étranger, il conviendrait d’essayer de maintenir le réseau existant, ce qui ne sera déjà pas simple, plutôt que de le développer. Vous êtes en outre revenu sur le problème de la gratuité, dont le poids budgétaire est très lourd. Pourriez-vous approfondir votre analyse, en nous indiquant notamment les moyens de sortir de la situation actuelle, qui risque de se révéler une dangereuse impasse pour l’enseignement français à l’étranger ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. À l’inverse de la Commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, présidée par Alain Juppé, la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger ne remet pas en cause le principe d’une prise en charge des frais de scolarité. Nous proposons de l’accompagner d’un double plafonnement, celui des ressources des familles bénéficiaires, et celui des droits de scolarité. Sous le régime actuel, en effet, tous ceux qui en font la demande peuvent bénéficier de la gratuité, quels que soient leurs revenus. Eh bien ! On a vu des familles disposant de 500 000 euros, voire d’un million d’euros de revenus annuels, demander la gratuité totale. On voit que cette mesure égalitaire n’est pas équitable. Elle l’est d’autant moins que les familles dont les enfants sont scolarisés dans le premier cycle paient, elles, « plein pot ».

Le plafonnement des droits de scolarité vise, lui, à parer aux dérives en matière de tarification des droits d’écolage. En effet, dans certains établissements, tels le lycée français de New York, la certitude que les frais de scolarité seraient remboursés a provoqué une véritable inflation des droits d’écolage. Ce plafond serait modulé en fonction des établissements et des pays.

Reste que la meilleure solution serait d’instituer un régime de bourses beaucoup plus généreux. C’est ce qu’avait proposé le ministère des Affaires étrangères au moment de mettre en œuvre ce qui était une promesse de campagne électorale.

L’effet d’éviction de la mesure de gratuité est évident, même si nous ne disposons pas encore des éléments d’analyse, puisque la commission qui devait mesurer l’impact de cette mesure n’a pas encore été mise en place, alors qu’on avait annoncé sa création il y a presque un an. En tout état de cause, la solution du moratoire et de la différenciation de deux régimes de droits de scolarité dans le même établissement n’a pas de sens.

La mesure de gratuité a, en outre, provoqué une augmentation du nombre de bourses accordées, au nom du principe d’équité, aux familles dont les enfants sont scolarisés dans le premier cycle. Si on additionne la prise en charge des frais de scolarité et des bourses, le montant de la contribution de l’État a presque doublé en deux ans, et c’est pour supporter cette charge considérable qu’on prend des mesures qui mettent en péril l’équilibre budgétaire des établissements, notamment de ceux de la MLF. Voilà pourquoi je tire le signal d’alarme, comme je l’ai déjà fait auprès du ministère des Affaires étrangères.

À tout cela s’ajoute un dernier risque, celui de voir des ressortissants de l’Union européenne, tels les Espagnols, déposer un recours devant la Cour de justice de Luxembourg pour discrimination.

M. Hervé Féron, Rapporteur. Le mécanisme de double plafonnement que vous proposez équivaudrait pratiquement à remettre en cause la prise en charge pour revenir au régime des bourses. Par ailleurs, la prise en charge n’est pas la cause unique des difficultés financières de l’AEFE et de sa recherche de nouveaux financements : il y en a d’autres, notamment le transfert à l’Agence de la compétence immobilière sans compensation de l’État, dont il faudrait parler également. Non que je ne partage pas votre point de vue quant aux effets pervers de la prise en charge : il est urgent de l’aménager, voire de la remettre en cause. Mais il ne faut pas pour autant négliger l’incidence d’autres décisions qui compromettent elles aussi l’avenir financier de l’Agence.

Par ailleurs, si on veut, conformément aux préconisations du Président de la République, continuer à faire preuve d’ambition pour l’enseignement français à l’étranger, ne faudrait-il pas assigner des objectifs à la stratégie de diversification que vous prônez et à la diversité même de la gestion des établissements de la MLF, afin de donner à l’ensemble de ces actions un sens, une lisibilité et une cohérence, notamment sur le plan financier ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. Le besoin de financement lié au transfert de la compétence immobilière à l’AEFE s’élève à plus de cinquante millions d’euros par an, coût de la création de nouveaux établissements non compris. À mon avis, l’Agence n’est plus en mesure de créer de grands établissements, comme celui dont notre ambassadeur en Espagne souhaite la création à Barcelone. Le coût d’un tel établissement serait de l’ordre de quarante millions d’euros et l’Agence n’en a plus les moyens.

Par ailleurs, au cours des auditions de la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, nous avons notamment entendu des représentants du Cercle Magellan. J’ai été frappé de constater combien les entreprises étaient réservées sur la mesure de prise en charge des frais de scolarité, conscientes du risque de l’affaiblissement du réseau. Ce désengagement semble encouragé par les discours politiques selon lequel les entreprises n’ont pas à se substituer à l’État dans le financement de l’enseignement français à l’étranger. Les entreprises ont bien compris que les projets immobiliers de l’Agence allaient pâtir de la prise en charge. Le coût de celle-ci risque de rendre impossible, non seulement la création de nouveaux établissements, mais même la réhabilitation des établissements existants, la simple mise aux normes de sécurité représentant déjà un effort considérable. Ce besoin de financement est d’autant plus criant que nos établissements sont en concurrence avec des établissements anglo-saxons très bien équipés.

La limitation du développement de la MLF n’est pas un souhait de ma part, mais une nécessité prouvée par l’analyse et l’évaluation, et qui nous contraint parfois à ne pas répondre à certaines des multiples demandes qui nous sont adressées. Il s’agit désormais de consolider notre périmètre traditionnel plutôt que de l’étendre, sinon dans les pays en voie de développement.

Les nouveaux métiers sont un élément de la réflexion exposée dans notre document d’orientation stratégique. Il ne s’agit pas de remettre en cause notre modèle traditionnel, mais de l’adapter aux évolutions locales. Le Maroc, par exemple, nous incite désormais à nouer des partenariats pédagogiques avec les établissements marocains. On pourrait aussi envisager la création de filières bilingues au sein des établissements nationaux, notamment en Europe, par exemple en Espagne. Dans ces hypothèses, l’enseignement français ne serait plus dispensé par un établissement homologué. Mais l’homologation par l’éducation nationale, qui permet aux élèves de poursuivre leur scolarité dans l’enseignement public français, n’intéresse pas toujours les familles. Ainsi les familles américaines qui scolarisent leurs enfants dans les lycées français sont surtout attirées par notre savoir-faire éducatif : il semblerait que l’éducation « à la française », favorisant l’analyse et l’esprit critique, assure à leurs enfants une meilleure réussite dans les établissements américains d’enseignement supérieur.

C’est pourquoi justifier, au titre de l’homologation, une taxation de ces établissements, comme il est demandé à l’AEFE de le faire, n’a pas de sens : certains boards américains préféreront se passer de l’homologation plutôt que de verser à l’Agence 2 % de leur chiffre d’affaires. L’Agence a eu tort de voter une telle mesure, qui porte préjudice à l’image de nos établissements aux États-Unis. Il est vrai qu’elle ne fait qu’obéir à la volonté de Bercy de voir l’enseignement français à l’étranger s’autofinancer.

M. André Schneider, Rapporteur. Vous avez raison de souligner, monsieur le président, que la proportion d’élèves étrangers diminue dans nos établissements d’enseignement à l’étranger, au détriment du rayonnement du français dans le monde.

Renforcer l’attractivité de nos établissements passe par l’amélioration, non seulement des conditions matérielles, mais également du recrutement et de la compétence des personnels enseignants. Quel est votre point de vue sur cet aspect de la question ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. La Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger a souligné le risque que la diminution progressive, sous la pression de Bercy, du nombre des professeurs détachés fait courir à la qualité de cet enseignement. Il ne faudrait pas que ce nombre chute en deçà d’un certain seuil. Certes on trouve dans les pays de notre périmètre traditionnel de très bons professeurs, mais il faut veiller à ce qu’au moins le chef d’établissement et une partie du corps enseignant viennent de l’hexagone.

Ceci étant dit, il s’agit là d’une évolution inévitable. Selon mes informations, le prochain projet de loi de finances prévoira une nouvelle réduction de 10 % du nombre des professeurs titulaires. À cela s’ajoute l’aggravation de la charge budgétaire des établissements. C’est pourquoi nous réfléchissons à la possibilité d’élargir le recrutement local d’enseignants, quitte à leur dispenser une formation spécifique, sur place ou via des stages en France. Au Maroc, notre réseau compte seulement 10 % de professeurs titulaires, avec un taux de réussite aux examens égal voire supérieur à celui de l’AEFE.

La qualité de l’enseignement est également menacée parce que l’on peut appeler le « phénomène du 9-3 » : en Tunisie ou au Maroc, de plus en plus de binationaux résidant en France profitent de l’effet d’aubaine de la gratuité et demandent à être scolarisés dans nos établissements. Cette tendance est renforcée par l’effacement du sentiment proprement « nationaliste » chez ces Franco-tunisiens ou Franco-marocains. Parmi les 5 000 élèves supplémentaires scolarisés par le réseau, deux tiers sont des binationaux. Si cet effet d’aubaine permet à leurs parents de sortir ces enfants de situations scolaires difficiles, on assiste parfois, dans les établissements, à des affrontements entre ces jeunes qui viennent de nos banlieues et les autres élèves.

M. Georges Tron, Président. Je pense également que le nombre d’enseignants titulaires ne doit pas descendre en deçà d’un certain seuil et que l’éducation nationale devrait en contrepartie assurer une meilleure évaluation des personnels.

Par ailleurs, les informations que nous ont données les magistrats de la Cour des comptes recoupent vos propos.

La Cour a particulièrement mis en exergue trois défis : l’immobilier – le parc immobilier n’a pas été entretenu depuis vingt-cinq ans –, la gratuité et la coopération éducative. En ce qui concerne la gratuité, la Cour rejoint votre analyse de l’effet d’aubaine et de l’effet d’éviction. La coopération éducative fait partie des trois missions définies par la loi de 1990 portant création de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, à côté de la prise en charge des expatriés et du rayonnement de la langue et de la culture françaises. Cette mission est quelque peu négligée par l’Agence, alors qu’elle devrait s’imposer dans les pays qui veulent développer leur propre réseau éducatif.

Le réseau de notre enseignement à l’étranger est en quelque sorte victime de son succès. Son histoire en a fait l’héritier d’un vaste patrimoine immobilier qui le rend moins apte à s’adapter aux évolutions économiques.

M. Jean-François Mancel, rapporteur. Au-delà des questions financières, la question est de savoir si l’enseignement français à l’étranger ne doit pas évoluer vers un enseignement « à la française » pour faire face aux trois défis exposés dans le document d’orientation stratégique de la MLF : la compétition mondiale en matière d’éducation ; l’insuffisante reconnaissance des certifications françaises et la réticence de certains pays à voir se développer sur leur sol un enseignement français. Notre système d’enseignement à l’étranger se prépare-t-il à intégrer ces évolutions, ou reste-t-il figé dans l’immobilisme ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. La Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger avait dressé un bilan extrêmement positif de la loi de 1990 créant l’AEFE, mais avait également souligné que celle-ci devait évoluer. En effet, si l’Agence remplit bien les deux premières missions de l’AEFE – assurer le service public d’éducation au bénéfice des enfants d’expatriés et contribuer au rayonnement de la langue et de la culture françaises – elle peine à réaliser sa vocation en matière de coopération éducative, qui n’est pas étrangère non plus au rayonnement de la France.

C’est pour remédier à cette faiblesse que nous avons fait de la coopération éducative un des axes de notre document d’orientation stratégique, comme le fera l’Agence dans son propre document d’orientation stratégique, qui doit être adopté dans quelques semaines. L’AEFE et la MLF comptent toutes deux lancer des programmes de coopération éducative avec le Maroc, conformément au souhait du conseiller du roi en charge de l’éducation. La souplesse et la réactivité dues à l’organisation déconcentrée de la Mission nous permettront peut-être d’aller un peu plus vite que l’AEFE.

J’attends en outre du plan de développement de l’enseignement du français à l’étranger que le ministre des Affaires étrangères doit soumettre sous peu au conseil des Ministres qu’il nous indique une ligne d’action pour l’avenir. Tout doit être fait pour préserver le réseau et maintenir sa mission en matière de rayonnement de la langue et de la culture française, sans aller forcément jusqu’à la substitution d’un nouveau système au modèle ancien, comme au Maroc.

La valeur ajoutée de la MLF, c’est l’enseignement des langues et des cultures locales, selon notre devise de « trois langues, deux cultures ». Au français et à la langue nationale, il convient en effet d’ajouter un enseignement d’anglais renforcé, notamment pour répondre à la demande des entreprises : leurs cadres sont de plus en plus nombreux à scolariser leurs enfants dans des établissements anglo-saxons afin qu’ils bénéficient d’un enseignement en anglais. Pour l’essentiel, l’enseignement dispensé dans les établissements de la Mission est similaire à celui des établissements de l’AEFE.

M. André Schneider, Rapporteur. Tout est lié : le rayonnement et l’influence de nos établissements reposent sur la qualité de l’enseignement et sur la capacité des enseignants à se faire les ambassadeurs de notre pays. Je l’ai encore constaté très récemment à l’occasion d’un déplacement à Casablanca qui m’a permis de rencontrer la hiérarchie scolaire locale ainsi que les différents chefs d’établissement, dont certains ne m’étaient pas inconnus – j’ai en effet exercé les fonctions de chef d’établissement pendant 17 ans en France.

Je suis tout à fait d’accord avec l’idée que chaque établissement doit également enseigner la langue du pays dans lequel il est installé.

Par ailleurs, ce qui importe n’est pas d’envoyer des professeurs agrégés : le diplôme garantit des connaissances, mais pas nécessairement des compétences et une volonté d’intégration et de rayonnement. La situation laissant parfois à désirer, il faut procéder à une évaluation des enseignants avant leur départ et avant le renouvellement de leur contrat, quelle que soit sa durée.

Nous devons également nous assurer que les enseignants recrutés au plan local maîtrisent bien la langue française, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Cela vaut pour toutes les matières, y compris les mathématiques.

Afin de ne pas aggraver les difficultés financières et structurelles actuelles, nous devons impérativement agir dans ces différents domaines. Qui n’avance pas recule. Évitons ce risque.

M. Yves Aubin de La Messuzière. Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse.

M. Hervé Féron, Rapporteur. Vous avez indiqué, à juste titre, que la coopération éducative doit éviter toute logique de substitution : il faut, avant tout, rechercher les complémentarités et s’adapter aux particularités locales.

Pouvez-vous nous dire si la coopération éducative pourra concerner des établissements non homologués, comme j’ai cru le comprendre ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. Il s’agira effectivement, dans le cas du Maroc, d’établissements « de référence » non homologués, choisis par les autorités. Sans cela, notre périmètre s’élargirait, ce qui ne correspond pas au souhait de l’État marocain, bien qu’aucune décision officielle n’ait été prise en la matière. La pérennité de notre réseau reposera sur sa croissance naturelle et sur la coopération éducative que nous allons entreprendre.

M. Hervé Féron, Rapporteur. Avant même de raisonner en termes de financement, nous devons nous interroger sur la fédération des efforts : il faut veiller à assurer la cohérence de l’ensemble des dispositifs existants.

J’ai pu constater, à l’occasion de la rédaction de mon rapport pour avis dans le cadre du projet de loi de finances, qu’un certain nombre d’initiatives étaient prises par les parents d’élèves. Elles méritent d’être davantage encouragées financièrement, car elles sont peu onéreuses et complémentaires d’autres dispositifs. Les prestations offertes ne sont certes pas comparables avec celles du lycée français de New York, par exemple, mais elles ne manquent pas d’intérêt pour autant.

Comment favoriser le développement de nouvelles initiatives tout en assurant la cohérence de l’ensemble des dispositifs ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. La spécificité de notre pays est de s’appuyer sur plusieurs instruments à la fois. L’existence d’alliances françaises et d’instituts culturels est ainsi un atout : j’ai pu installer à Pékin, voilà quinze ans quand la création d’un institut était impossible, une alliance française dont le conseil d’administration était présidé par une personnalité chinoise francophone. De la même façon, l’action de la Mission laïque vient en complément et en appui du réseau considérable géré par l’AEFE.

Il arrive que celle-ci déconventionne certains établissements, ensuite confiés à la Mission. Leur situation n’étant pas toujours très saine, il peut en résulter des difficultés pour nous. J’ai l’intention d’être très vigilant dorénavant : nous n’accepterons plus que des établissements dont la gestion est saine.

Le document d’orientation stratégique pour la période 2010-2012 est très clair sur la question de la cohérence : nous sommes certes autonomes et nous avons notre propre identité, mais nous faisons partie d’un réseau piloté par le ministère des Affaires étrangères. Notre action s’inscrit dans le cadre des grandes orientations de notre politique étrangère.

Pour assurer la pérennité et le développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger, nous devons travailler ensemble avec l’AEFE, sans esprit de concurrence. C’est à l’ambassadeur d’y veiller au plan local. Pour revenir sur le cas des États-Unis, je rappelle que c’est Jean-David Levitte qui a confié à la Mission laïque française le réseau américain, qui fonctionne bien.

Le prélèvement de 2 % des recettes des établissements homologués serait une erreur et la MLF se retirerait si c’était le cas. Il serait absurde qu’il y ait deux opérateurs pour le même établissement, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs.

Lorsque j’étais directeur de la coopération culturelle et linguistique, j’ai été frappé par le cas d’une institutrice française qui avait créé à Miami un petit établissement d’enseignement à la française en réponse à la demande de familles américaines qui étaient dépourvues de tout lien avec la France et même avec la francophonie. J’ai veillé à ce que cet établissement soit inséré dans notre réseau grâce à un certain nombre d’aides ponctuelles, d’un montant modeste. Tout en menant une politique d’offre, la Mission laïque française doit répondre à la demande,

À Bethléem, ce sont des familles qui ont décidé de créer un établissement pour lequel elles ont souhaité bénéficier, non de la tutelle, mais du label de la Mission, gage d’une certaine qualité : cet établissement bénéficie des services d’un conseiller pédagogique. Nous l’avons par ailleurs mis en relation avec le service de coopération culturelle de Jérusalem, ce qui n’était pas une évidence car on pouvait redouter une concurrence avec un établissement déjà installé à Jérusalem Ouest.

Nous ferons tout pour assurer la cohérence de notre réseau, car c’est effectivement un enjeu essentiel. Je trouve, pour ma part, qu’il est bon de disposer d’au moins deux instruments – l’AEFE et la Mission, à quoi s’ajoutent l’alliance israélite universelle et l’enseignement catholique privé, bénéficiant tous deux d’une homologation. Je précise que les établissements catholiques du Liban sont, eux aussi, très hostiles à une ponction de 2 %.

M. Georges Tron, Président. Vous avez évoqué à plusieurs reprises votre volonté de développer un partenariat pédagogique et une coopération avec les établissements locaux, et vous avez indiqué qu’il s’agissait d’une nécessité au Maroc. Comment comptez-vous faire ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. Il convient tout d’abord de s’assurer qu’il y a une véritable volonté de la part des différentes autorités. Nous devons nous appuyer sur elles.

Ce type de partenariat pédagogique avait déjà été envisagé au Maroc, il y a quinze ans, mais il s’est heurté à des résistances, en particulier de la part des enseignants, qui considéraient que ce n’était pas leur métier ou réclamaient une rémunération supplémentaire que nous accordons à certains chefs d’établissement assurant une coordination inter-établissements ou avec les autorités locales.

Nous allons relancer ce projet en réponse à une demande formulée au plus haut niveau par les autorités marocaines, en la personne de M. Belfkih, conseiller du Roi pour l’éducation. Ce dernier remettra bientôt un rapport sur l’enseignement des langues, dont nous devrions avoir connaissance avant sa publication officielle. Nous allons ensuite mettre en place une commission pour étudier les modalités pratiques de notre action, en liaison avec le nouvel ambassadeur de France.

Le directeur général de la Mission laïque vient de se rendre au Maroc pour demander à tous les chefs d’établissement de se préparer. Nous allons avancer progressivement, mais de façon très déterminée.

M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Estimez-vous que les relations entre les différents acteurs de l’enseignement français à l’étranger sont bonnes ? Ont-ils une démarche commune sur les sujets essentiels ou bien existe-t-il, au contraire, une situation de concurrence ? Quelles améliorations faudrait-il apporter selon vous ?

M. Yves Aubin de La Messuzière. J’ai demandé que l’on signe une convention, non plus seulement avec le ministre de l’Éducation nationale, mais aussi avec celui des Affaires étrangères, car c’est avec ce ministère que nous entretenons les relations les plus étroites. Jusqu’ici, nous n’avions de convention qu’avec l’AEFE et avec la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement, aujourd’hui intégrée dans la direction générale de la mondialisation (DGM).

Nous devons tout d’abord affirmer notre identité, objet de nombreux malentendus : hormis en Afghanistan et au Kurdistan, nous ne sommes pas un opérateur du ministère des Affaires étrangères, mais un acteur et un partenaire.

Il y a toujours eu, au sein du ministère, une suspicion à l’égard de la Mission. À l’époque où j’étais en charge de ces dossiers au ministère, l’AEFE était ainsi vent debout contre le développement de la Mission au Maroc que je m’efforçais de favoriser, en réponse aux demandes des familles et en accord avec les autorités marocaines. Lorsque j’étais ambassadeur en Tunisie, l’AEFE considérait également que la MLF n’avait pas vocation à intervenir sur place, y compris lorsqu’il s’agissait d’installer de nouveaux établissements et non de se substituer à elle.

La situation évolue positivement, fort heureusement, mais cette culture persiste, y compris au sein de la Mission, même si nous faisons tout ce que nous pouvons, avec le directeur général, pour l’éviter.

Il y a, bien sûr, des améliorations à apporter. Nous avons tout d’abord besoin que notre rôle soit mieux reconnu. Il y a encore un effort à faire dans ce domaine, notamment auprès des élus. Les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger se sont ainsi opposés à ce que l’établissement de Sousse, en Tunisie, qui ne fonctionnait pas très bien, soit transféré de l’AEFE à la Mission, par crainte d’un désengagement de l’État au profit du privé. Pour nous défaire de cette image, j’ai demandé à être auditionné par l’Assemblée des Français de l’étranger et je présenterai nos missions aux sénateurs représentant les Français de l’étranger à l’occasion d’un petit-déjeuner.

S’il y a des efforts à réaliser en matière de cohérence, ce n’est pas aux opérateurs de les consentir. Il appartient au ministère, notamment à la direction générale de la mondialisation, de prendre ses responsabilités et de jouer son rôle de régulateur et de pilotage stratégique : l’AEFE n’a pas à décider où la MLF doit intervenir ou non. C’est ainsi que nous éviterons les situations de concurrence.

Il importe, par ailleurs, d’instaurer la plus grande transparence possible, comme nous l’avons fait pour l’établissement de notre document d’orientation stratégique : nous sommes passés par l’intermédiaire des postes diplomatiques, auxquels nous avons ensuite transmis notre rapport. Nous attendons la même transparence de la part de l’AEFE et du ministère. L’arrivée d’une nouvelle directrice à la tête de l’AEFE y contribue.

M. Hervé Féron, Rapporteur. Vous travaillez déjà en coopération avec les médias francophones. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait construire de véritables stratégies communes au lieu de se contenter de partenariats ponctuels ? Je pense notamment à France 24.

M. Yves Aubin de La Messuzière. France 24, que je connais bien pour m’être occupé de l’audiovisuel extérieur, est avant tout une chaîne d’information. TV5 Monde a, en revanche, développé une dimension culturelle et francophone très forte et accompli de grands progrès. Nous avons récemment rencontré la directrice générale de la chaîne, Marie-Christine Saragosse, et nos équipes devraient bientôt en faire autant. Nous n’avons pas, pour le moment, de convention ni de partenariat : tout se fait ponctuellement, comme l’an dernier lorsque nous avons célébré le centenaire de la Mission laïque à Beyrouth.

Le site internet de la chaîne offre un enseignement à destination des adultes ; de notre côté, nous pourrions faire la promotion de la chaîne, qui offre des programmes intéressants pour nos activités éducatives. Il y a certainement des synergies à réaliser pour mieux faire connaître TV5 ainsi que l’action de la MLF. Mais il n’y a pas que TV5 Monde : on pourrait également songer à RFI.

Une des difficultés que nous rencontrons tient à la très forte tradition de discrétion de la Mission, que certains font remonter à ses liens originels avec la franc-maçonnerie – c’est une réalité, comme j’ai pu m’en apercevoir en préparant une émission sur nos pères fondateurs, partis s’installer, dans des conditions très difficiles, en Syrie ou encore à Salonique, en 1906, à la demande d’une partie d’une partie de la communauté juive qui souhaitait un enseignement laïque, au sein de l’empire ottoman.

M. Georges Tron, Président. Il me reste à vous remercier pour les réponses très précises et très intéressantes que vous nous avez apportées.

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