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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Recettes budgétaires exceptionnelles de la Défense

Mardi 30 mars 2010

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur

– Audition de MM. François Auque, président exécutif d'EADS Astrium, Éric Béranger, président exécutif d'Astrium Services et de l'amiral Alain Coldefy, conseiller défense du président d'EADS, chargé des questions d’espace et de dissuasion

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Je suis heureux d'ouvrir cette séance de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les recettes budgétaires exceptionnelles de la Défense en 2009 et 2010. S’il me revient de la présider, c’est que, vous le savez, le coprésident de la MEC, M. Georges Tron, a été appelé au Gouvernement.

Je me dois aussi d'excuser l’absence de ma corapporteure, Mme Françoise Olivier-Coupeau, qui m'a chargé de vous faire part de ses regrets de ne pouvoir participer à cette réunion, pour raisons de santé.

Depuis sa création, la MEC porte une attention particulière à l'évaluation de la politique de défense, en raison de son poids au sein des politiques publiques. Cette année, le Bureau de la commission des Finances lui a demandé de se pencher sur les recettes exceptionnelles de ce budget. En 2010, 1,3 milliard d'euros sont prévus à ce titre, issus de la vente de biens immobiliers, de l'aliénation d'ondes hertziennes et de la cession de l'usufruit de satellites militaires de télécommunications.

Cependant, alors même que certaines de ces recettes étaient attendues dès 2009, nous nous trouvons face à un échéancier incertain, ce qui induit des questions sur le pilotage d'ensemble du budget, voire sur sa sincérité – tous points dont l’examen est bien du ressort de notre mission, et de celui de la commission des Finances et du Parlement. Au-delà, ce mode de financement nous amène à nous pencher sur les politiques au moyen desquelles le ministère de la Défense, et plus généralement l'État, entendent valoriser leur patrimoine.

La Cour des comptes, qui nous accompagne dans nos travaux – et que je remercie une fois encore pour sa participation fidèle et attentive –, est aujourd'hui représentée par MM. Alain Hespel, président de la deuxième chambre, Antony Marchand, conseiller référendaire, et Laurent Jannin, rapporteur.

Nous recevons aujourd'hui M. François Auque, président exécutif d'EADS Astrium, accompagné de M. Éric Béranger, président exécutif d'Astrium Services et de l'amiral Alain Coldefy, conseiller défense du président d'EADS, chargé des questions d’espace et de dissuasion.

Messieurs, nous vous remercions de votre disponibilité. Nous avons tenu à recueillir le point de vue des entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour l'usufruit des satellites de la défense. Après avoir entendu jeudi dernier des représentants de l’entreprise Thales, nous souhaitons savoir comment votre candidature s'inscrit dans la démarche générale d'EADS et comment vous abordez cette procédure de cession d’usufruit.

M. François Auque, président exécutif d'EADS Astrium. Je voudrais d’abord présenter rapidement Astrium. Cette société, qui appartient en totalité à EADS, est, de très loin, la première entreprise spatiale européenne. Son chiffre d’affaires est de 4,8 milliards d'euros. Elle emploie 16 000 personnes en Europe, dont près de la moitié en France. C’est aussi la troisième société spatiale mondiale.

Notre place dans la défense française est tout à fait déterminante. Astrium est en France le maître d’œuvre des missiles balistiques et de la totalité des programmes de satellites d’observation ou d’écoute, à l’exception de ceux de télécommunication. Astrium est aussi présente dans quatre autres pays d’Europe : l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et les Pays-Bas.

Notre intérêt pour l’usufruit des satellites de communications militaires procède de notre expérience des services spatiaux. Dans ce domaine, Astrium est de très loin, en Europe, l’entreprise la plus expérimentée.

Elle est aujourd’hui la seule entreprise privée au monde à gérer des flottes de satellites de communications militaires – plus précisément la flotte britannique et la flotte allemande. Elle est la troisième entreprise au monde pour les services d’observation de la Terre, aussi bien pour la filière optique – avec notamment Spot Image – que pour la filière radar. Dans le domaine des télécommunications, elle est même le premier acteur mondial. Les services spatiaux représentent aujourd’hui presque le quart de son chiffre d’affaires.

Notre expérience des télécommunications est essentiellement britannique. Un des deux grands acteurs européens du secteur, avec la France, la Grande-Bretagne a en effet choisi la forme du partenariat public-privé pour la gestion de ses satellites. Les conditions de transposition à la France des leçons apprises en Angleterre nous paraissent donc tout particulièrement intéressantes pour la MEC. Je laisse le soin à M. Béranger d’exposer ce point.

M. Éric Béranger, président exécutif d'Astrium Services. C’est en 2008 que nous avons commencé à entendre parler du projet actuel de cession de l’usufruit des satellites de la défense. Dans les forums où notre avis nous a été demandé, nous avons répondu que cette idée constituait une opportunité pour la défense. Lorsqu’une logique de prestation de services est substituée à une logique d’acquisition de moyens, l’État peut, d’un point de vue économique, gagner au moins sur deux tableaux. Le premier est celui de la mutualisation : aujourd’hui, l’État n’utilise pas à 100 % ses moyens de télécommunication militaire par satellite ; pouvoir placer la capacité restante auprès d’autres utilisateurs est source d’économies. Le second est l’optimisation des coûts ; elle dépend cependant du périmètre confié in fine à l’opérateur.

Il faut ajouter à ce bilan économique – c’est lui qui est le plus souvent cité dans la communication publique – un bénéfice opérationnel considérable pour les forces. Un contrat bien défini leur procure une garantie de service dont elles ne disposent pas lorsqu’elles achètent un système et le mettent elles-mêmes en œuvre. Contracter un partenariat avec un opérateur national de confiance leur permet aussi de mieux anticiper leurs besoins et leur assure une meilleure évolution de leurs moyens au fil de l’évolution des technologies.

Enfin, grâce au produit de cession de l’usufruit, les forces armées pourront aussi financer certaines priorités du Livre Blanc.

Opter pour un partenariat suppose cependant de s’assurer de l’existence d’acteurs capables de fournir ces services et d’exploiter ces infrastructures satellitaires. Astrium est l’un d’eux : notre société exploite déjà sept satellites de télécommunications militaires. Il faut également s’assurer que les mesures de sécurité adéquates seront mises en œuvre. Nous pouvons là aussi fournir des gages concrets. Acteur majeur de la dissuasion – le président Auque vient de le rappeler –, Astrium sait mettre en place les mesures de sécurité et de cloisonnement nécessaires à la préservation de l’intérêt national. Astrium Services compte à elle seule 500 personnes en France, dispose d’un téléport à Toulouse, et offre aux forces des services de télécommunications personnelles par satellite – c’est l’offre dénommée PASSEREL.

De plus, loin de gêner les coopérations futures, le partenariat envisagé les facilitera. Les nations adoptent de plus en plus souvent ce type de solution. Outre le Royaume-Uni, l’Espagne a elle aussi recours à un opérateur privé de télécommunications par satellite. François Auque l’a rappelé, c’est Astrium qui fournit aux Allemands leurs moyens de télécommunications militaires satellitaires. Bénéficier d’un opérateur de confiance déjà capable de mettre en place le schéma envisagé ne peut qu’aider à mettre sur pied les nouvelles coopérations qui s’annoncent, avec l’Italie ou encore le Royaume-Uni, pour la nouvelle génération de satellites Syracuse IV.

Enfin, d’un point de vue humain, seules quelques dizaines de personnes sont susceptibles d’être touchées par l’opération. Qu’est-ce au regard de l’ensemble des évolutions prévues à la direction interarmées des Réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense (DIRISI) ? De plus, à travers l’expérience réussie de la base aérienne de Cognac, nous avons montré notre capacité à reclasser un effectif militaire de cet ordre.

Pourquoi Astrium est-elle intéressée par l’offre proposée ?

Le chiffre d’affaires global d’Astrium, le président François Auque l’a évoqué, est de 4,8 milliards d'euros. Une fois l’activité lanceurs retranchée, il passe à 2,8 milliards d'euros. En ajoutant Thales Alenia Space – 2 milliards d'euros environ –, Eutelsat – un milliard d'euros –, la partie européenne de SES – environ un milliard également –, on arrive en Europe, pour le secteur, à un chiffre d’affaires d’au moins 6,8 milliards d'euros.

Si ces montants peuvent paraître élevés en comparaison du montant de l’opération, l’offre proposée nous intéresse principalement pour deux raisons. Nous pensons chez Astrium que les éléments que je viens d’évoquer démontrent que nous savons faire. Je dois mentionner aussi la convention ASTEL-S, en application de laquelle nous fournissons aux armées françaises des capacités satellitaires pour leurs communications.

D’autre part, nous voyons dans cette proposition une opportunité de créer une relation bilatérale avec le ministère de la Défense et avec les forces armées, et de la développer dans le temps. Chaque fois que nous entrons dans ce type de démarche, ce n’est pas pour « faire un coup », mais bien pour travailler dans la durée. Le contrat signé en 2003 avec la Grande-Bretagne a été modifié en 2005, puis de nouveau très récemment pour accroître l’étendue et surtout la durée des services que nous allons fournir aux forces de ce pays. Une telle évolution n’aurait pas été possible si nous n’avions pas établi avec celles-ci une relation à long terme, et un vrai partenariat. C’est dans le même esprit que nous abordons l’opportunité qui nous est offerte en France.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Selon quel calendrier, quelle procédure et quelles conditions juridiques et financières cette cession d’usufruit pourrait-elle se faire ?

Selon vous, est-il réaliste d’envisager un aboutissement de la procédure avant le 31 décembre 2010, comme le fait la loi de finances initiale pour 2010 ?

La cession de l’usufruit d’une propriété de l’État aux applications exclusivement consacrées au service de la défense et de la sécurité est une forme de première. Les ordres de grandeur figurent en loi de finances initiale pour un montant de 400 millions d'euros. Souhaitez-vous également englober dans votre offre le futur satellite SICRAL (Sistema italiano per comunicazioni riservate ed allarmi), non encore opérationnel à ce jour ?

Quel est votre regard sur la sécurité des capacités globales ? Quelles interrogations sur la situation au-delà des années 2018-2020 vous suggère la durée de vie prévisible des satellites Syracuse ? Envisagez-vous une articulation avec le lancement de SICRAL ?

M. Éric Béranger. Je répondrai en me fondant sur notre expérience.

Le contrat conclu avec la Grande-Bretagne était complexe. Il comportait un volet construction. Ici, l’infrastructure est déjà construite et en service. Aujourd’hui, les Britanniques ont externalisé tous leurs équipements – terminaux, stations au sol… –, n’en conservant aucun à titre patrimonial. Le périmètre de l’opération française sera sans doute différent.

Pour autant, nous retenons de l’expérience britannique que, alors qu’il nous avait fallu un peu plus de trois ans pour négocier le contrat qui nous a conduits à reprendre l’infrastructure Skynet et à l’exploiter en tant qu’opérateur de télécommunications, la négociation, deux ans plus tard, de l’avenant que j’ai déjà évoqué – et qui est revenu à revoir de fond en comble la structure du contrat – nous a pris onze mois seulement.

Même si l’opération envisagée en France est une grande première, sa complexité est moindre, son périmètre plus restreint. Cependant, pour affiner l’analyse, le besoin de dialogue est impératif. Aujourd’hui, je ne connais pas ce périmètre. Aucun appel d’offres n’a été publié. Seul l’a été un appel à candidatures, auquel j’ai répondu le 2 mars. Or, de la définition de ce périmètre dépendront les engagements réciproques et aussi le supplément d’efficacité économique que nous pourrons apporter par notre prestation.

Par ailleurs, si la puissance publique souhaite – comme c’est son intérêt – que se manifeste une réelle concurrence, il lui faut mettre identiquement tous les concurrents à même d’apprécier l’état de santé technique et de comprendre le mode d’opération du système. Si vous savez comment est employé un réseau de télécommunications, vous êtes mieux en état de voir comment il pourrait éventuellement être utilisé plus efficacement.

Autrement dit, si je comprends bien la contrainte de temps que vous évoquez, monsieur le rapporteur, il est essentiel, pour aboutir à une solution optimale pour l’État, de laisser suffisamment de temps à un dialogue constructif entre la puissance publique et les concurrents potentiels. Or, aujourd’hui, ce dialogue n’est pas entamé. L’appel d’offres n’a pas encore été lancé.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Quels sont vos interlocuteurs au ministère de la Défense ? Qui pilote le projet ?

M. Éric Béranger. L’appel à candidatures nous a été envoyé par la direction générale de l’Armement et c’est à cette même DGA que nous avons répondu. C’est donc d’elle que je m’attends à recevoir l’appel d’offres.

Le processus, dont nous avons entendu parler pour la première fois à la mi-2008 – je vous l’ai déjà indiqué –, n’a toujours pas été lancé en cette fin du mois de mars 2010. Dans ces conditions, il est peu probable que le projet puisse faire l’objet d’un contrat avant la fin de 2010. Cela dit, si la puissance publique en fait une priorité raisonnable, une contractualisation avant la mi-2011 est envisageable.

Sur les enjeux juridiques, je vais être obligé de m’en tenir aux conclusions de nos propres travaux. Comme je vous l’ai dit, nous n’avons en effet pas reçu d’appel d’offres.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. L’expérience anglaise peut-elle servir de base à une approche ?

M. Éric Béranger. Elle nous a beaucoup appris sur les conditions de la conduite du dialogue et sur la nécessité de ne pas laisser dans l’ombre des questions qui, en phase d’exploitation, s’avèrent cruciales.

Ajoutée à celle que nous avons déjà acquise en Allemagne ou – sur d’autres sujets –, en France, elle nous a convaincus que, dans cette phase de dialogue, toutes les questions essentielles pour assurer ensuite le service des forces nécessaire doivent être traitées. Le service qu’il s’agit d’offrir a pour objet de permettre à des personnes, sur le théâtre d’opération, de sauver leur vie ! Dans une telle situation, quand vous prenez votre téléphone, que la communication passe par le satellite ou par d’autres voies n’a guère d’importance ; ce qui est crucial, c’est qu’elle passe ! Nous vivons cette situation tous les jours avec les troupes britanniques.

Notre action en Grande-Bretagne nous offre un autre atout : elle nous a procuré un arsenal d’idées pour structurer le même type de dispositif dans un autre cadre juridique, car, nous avons étudié diverses solutions, dont celle de l’usufruit. Les études conduites par nos conseillers juridiques nous ont persuadés que ce schéma est tout à fait applicable en France.

J’en viens à votre question concernant les montants en jeu. Le chiffre que vous avez cité a été avancé en 2008, au début de cette affaire. Comme ce montant est lié à la valeur résiduelle de l’infrastructure transférée, plus nous avançons dans le temps, plus il est voué à diminuer. Beaucoup de facteurs entrent en jeu, notamment la durée de vie, que nous ne pourrons apprécier que lorsque nous disposerons de données techniques.

Pour ce qui est de l’articulation avec SICRAL, deux « éléments de langage » ont été recueillis par le passé.

On nous a d’abord expliqué que la France avait besoin d’une simple redondance pour pallier une éventuelle défaillance du système Syracuse. Pour assurer cette redondance, il nous est apparu plus rapide et probablement moins onéreux d’utiliser les capacités dont nous disposions déjà, à savoir la flotte Skynet.

Mais la définition du besoin a évolué. On prévoit maintenant une augmentation de l’utilisation du système si importante que des capacités supplémentaires seront nécessaires, ce qui justifierait l’achat en « patrimonial » d’une part de SICRAL.

Étant donné notre configuration actuelle, plus le projet nous permet d’étendre notre flotte, plus nous sommes intéressés. En effet, pour répondre aux besoins de troupes déployées sur des théâtres assez dispersés comme c’est le cas aujourd'hui, il est important de disposer de flexibilité dans les moyens, tant en couverture qu’en débit. Notre propre expérience montre qu’il existe un marché dans ce domaine puisque nous avons servi la France et que nous servons actuellement l’OTAN, l’Allemagne, les Pays-Bas, les États-Unis, le Portugal, l’Australie, le Canada...

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. En France, ne travaillez-vous pas avec l’Économat des armées, par exemple au camp Warehouse en Afghanistan ?

M. Éric Béranger. En effet. Les pays que j’ai mentionnés sont ceux auxquels nous fournissons de la capacité ou des services appuyés sur l’infrastructure Skynet. Pour ce qui concerne l’Économat des armées, nous offrons des services de téléphonie classiques, destinés aux conversations privées des soldats avec leur famille ou leurs amis.

Toujours est-il qu’il existe un marché pour les capacités sécurisées et que l’extension de notre flotte nous intéresse.

Cela dit, comment lier à l’opération Syracuse la demi-charge utile de SICRAL qui reviendra à la France ? À la différence de SICRAL, Syracuse existe, fonctionne et peut être transféré : la décision de lancer un appel d’offres et de fixer un calendrier aboutissant à un contrat est entièrement entre les mains du ministère de la Défense.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Le contrat ne pourrait-il porter sur une offre globale associant les deux systèmes ?

M. Éric Béranger. La difficulté est que le satellite SICRAL n’existe pas encore et qu’il n’a même pas fait l’objet d’un contrat. Sa mise en orbite, annoncée pour 2012, se fera plus probablement en 2013.

Pour le relier à Syracuse, il existe trois possibilités.

La première serait de prévoir dans la soulte un montant dédié à SICRAL. Le paiement se ferait immédiatement contre l’engagement de l’État de livrer un demi-SICRAL. Mais, si le lancement du satellite est un échec, l’État devra faire face à l’obligation de rembourser l’opérateur. Une incertitude pèserait alors sur le budget de l’État jusqu’en 2013.

Deuxième possibilité : l’opérateur s’engagerait à payer en 2013 un montant donné contre le transfert de cette capacité. Mais tout opérateur normalement constitué s’emploiera alors à couvrir la variation des taux entre aujourd’hui et la date de dénouement de l’opération, si bien que le coût risque d’être très élevé.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Cela signifie-t-il que la somme ne serait pas exprimée en euros ?

M. Éric Béranger. Non, mais qu’il faudra prendre en compte le risque de variation des taux d’intérêt de base.

Troisième possibilité : passer dès maintenant un accord aux termes duquel l’opérateur paiera une sorte de loyer annuel pour récupérer la capacité lorsque SICRAL sera mis en orbite. Cette formule me semble la meilleure tant pour l’État que pour la partie privée, dans la mesure où elle permettrait de fixer les variables dès maintenant.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Quelle est la sécurité offerte, en termes de capacités, pour l’objet principal de l’utilisation de ces satellites, à savoir les besoins de défense ? Quel pourrait être le pourcentage résiduel des capacités par rapport à ces besoins dans le système Syracuse ? On parle parfois de 10 %, parfois de 50 % : nous avons du mal à comprendre.

Au cas où une crise accroîtrait fortement la demande de capacité de la part du ministère de la Défense, comment gérera-t-on d’éventuels problèmes de flux ?

M. Éric Béranger. Chaque satellite Syracuse contient neuf répéteurs utilisables – soit, pour une constellation de deux satellites, dix-huit répéteurs. L’appel à candidatures indique que le ministère de la Défense en laisserait à l’opérateur deux ou trois – jamais plus – suivant les années. En d’autres termes, l’opérateur disposerait en moyenne d’environ 10 % de la capacité pour la vendre à des tiers. À titre de comparaison, nous disposons en Grande-Bretagne de plus de 50 % de la capacité.

On pourrait donc considérer que la proportion de 10 % est relativement faible. Ce qui est certain, c’est que les économies que la mutualisation peut générer sont directement liées au pourcentage laissé à la commercialisation à des tiers.

Le pourcentage prévu dans l’appel à candidature laisse à penser que le schéma serait, en l’état actuel, assez rigide. Or c’est précisément un point sur lequel il serait très utile de mener un dialogue avec la puissance publique pour mieux comprendre comment ces satellites sont utilisés et pour fixer, le cas échéant, des schémas plus flexibles d’évolution entre la capacité réservée et la capacité commercialisable à l’extérieur.

Lorsque nous avons repris l’infrastructure britannique, il nous a fallu un certain temps avant d’être à même de facturer les communications à l’usage. Dans le mois qui a suivi la mise en place de cette facturation, le « remplissage » des satellites a été divisé par deux ! Peut-être ne se passerait-il pas exactement la même chose en France, mais c’est un trait assez humain que de faire attention à « nettoyer » ce que l’on n’utilise plus lorsque l’on paye ce que l’on utilise.

Au total, la puissance publique et l’opérateur ont tout à gagner à discuter ouvertement de l’utilisation de l’infrastructure et de son évolution.

J’en viens à votre question relative aux « pics » d’utilisation. Il convient tout d’abord d’établir des règles de fonctionnement claires, en déterminant la proportion de la capacité – nécessairement supérieure à son utilisation réelle – réservée en première priorité à la puissance publique et celle qui serait réservée en première priorité à la commercialisation à des tiers. Le jour où un pic se produit, rien n’interdit à la puissance publique de réserver – c'est-à-dire de louer – de la capacité qui serait restée disponible dans la partie mise à la disposition de tiers. Rien ne lui interdit non plus de demander à l’opérateur de trouver de la capacité ailleurs. Dans notre cas, étant donné que notre flotte Skynet offre beaucoup de capacité disponible, nous serions bien entendu en mesure d’aider les forces françaises à faire face à de tels pics. Au demeurant, elles ont déjà eu recours à Skynet et l’on sait qu’il n’y a aucun problème de compatibilité.

M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. De vos propos, il ressort clairement que c’est la DGA qui est votre interlocuteur au ministère de la Défense ; c’est visiblement elle qui pilote le projet. Vous avez apporté des réponses en matière d’ordres de grandeur et au sujet des personnels militaires de la DIRISI et vous avez évoqué les expériences menées dans d’autres pays, notamment en Grande-Bretagne.

À ce stade, une hypothèque pèse sur le calendrier. Il est peu vraisemblable que le projet puisse aboutir en 2010. Néanmoins, ce qui importe à nos yeux est de savoir si les ordres de grandeur évoqués peuvent être obtenus – sinon en 2010, du moins en 2011. En matière de cessions immobilières, nous sommes loin du compte : 65 millions d’euros réalisés en 2009 pour un montant global escompté de 972 millions.

Je vous remercie.